Que se passe-t-il lorsque les journaux n'ont plus d'événements graves à rapporter ? Le bonheur pe... more Que se passe-t-il lorsque les journaux n'ont plus d'événements graves à rapporter ? Le bonheur peut-il être stable ? Qohélèt vient mettre en garde son lecteur : tout bouge et la vie est difficile, mais elle peut devenir futile sans qu'on s'en aperçoive. Il annonce en précurseur un lien entre la psychologie et la foi au Createur, qui donne un sens à l'histoire personnelle.
HAL (Le Centre pour la Communication Scientifique Directe), Jun 1, 2021
International audienceFlavius Josèphe, prêtre de Jérusalem (37-96 apr. J.-C. env.) et historien c... more International audienceFlavius Josèphe, prêtre de Jérusalem (37-96 apr. J.-C. env.) et historien célèbre de la Guerre des juifs, est un témoin exceptionnel de son siècle. Dans son oeuvre majeure, les Antiquités juives (publiées en 93/94, la 13e année de l’empereur Domitien), il donne, depuis Rome, sa manière de voir l’histoire de son peuple, en la faisant remonter à Adam. Ce volume contient les livres XII à XIV des Antiquités. Prolongeant la paraphrase biblique, il couvre l’histoire de la Judée depuis les troubles qui ont suivi la mort d’Alexandre le Grand jusqu’à la mort d’Antigone, le dernier roi asmonéen, c’est-à-dire de –323 à –37, avec pour pièce maîtresse la crise maccabéenne (167-164). Après la mort de la reine Alexandra en –67, la rivalité entre ses fils eut pour effet une domination romaine durable et la promotion du roi-client Hérode. Josèphe a peiné pour montrer une continuité judéenne depuis l’époque perse, en particulier pour la succession des grands prêtres, mais il n’a pu cacher que la Judée n’a émergé comme réalité politique perceptible que dans le cadre de la rivalité entre l’Égypte lagide et la Syrie séleucide, qui se sont longuement disputé la maîtrise de la côte, de Gaza à la Phénicie, à travers de nombreuses guerres aux IIIe et IIe siècles
The problem of the twofold ending of Marc is classical. A reassessment suggests two conclusions: ... more The problem of the twofold ending of Marc is classical. A reassessment suggests two conclusions: first, the original ending of that Gospel was the first one (16:8 “for they were afraid”); second, the longer ending (16:9-20) was written as a conclusion of the four Gospels, when Mark was the last one, and it remained attached to it when the order was altered.
Le personnage de Barabbas intrigue les commentateurs, car il est inconnu en dehors du Nouveau Tes... more Le personnage de Barabbas intrigue les commentateurs, car il est inconnu en dehors du Nouveau Testament et, de plus, la coutume invoquee de liberer un prisonnier « pour la fete » n’est guere attestee. Selon Jn 18,40 Barabbas etait un brigand : l’objet de cette note est de determiner ce qu’est un « brigand » de cette sorte
Autour de la crise maccabeenne (167-164), l'auteur tente d'eclaircir les problemes de des... more Autour de la crise maccabeenne (167-164), l'auteur tente d'eclaircir les problemes de descendances sacerdotale et dynastique des communautes judeennes suivantes: -Onias et les pontifes d'origines variees nommes par les Seleucides -Judas Maccabee et les juifs observants -Jonathan et Simon, et les pretres israelites d'origine samaritaine.
The Gospels and Paul deal with the Eucharist in different ways. This paper attempts to show – in ... more The Gospels and Paul deal with the Eucharist in different ways. This paper attempts to show – in spite of the warnings of ancient writers – that by using some tenets of the Stoics, the significance and strength of the rite appear quite concretely, for the border between heavenly and earthly spheres is dimmed. In-deed, pure Stoicism would imply a kind of pantheism, God being identical to Nature, but the NT authors maintain that God is incorporeal. This very pattern of mitigated Stoicism can be detected in Hellenistic Jewish books, too, but no clear dependence can be proved, for it works easily with the OT, which is al-ways the main authority.
Cet article s'appuie sur l'article precedent de S. Mimouni : Les Nazoreens, pour proposer... more Cet article s'appuie sur l'article precedent de S. Mimouni : Les Nazoreens, pour proposer des observations concernant l'identification des disciples de Jesus : - Le critere decisif d'identification est la pratique, et non les attaches ethniques; - Les disciples de Jesus ont eu deux appellations principales, chretiens et nazoreens, mais elles ne se recouvrent pas; - Le critere decisif est l'acceptation ou non de communautes mixtes, avec Juifs et Grecs meles; - Jacques, 'frere' du Seigneur, n'est pas disciple de Jesus et ne peut etre qualifie de chretien; - Il n'y a donc aucune raison de supposer que Jesus soit le premier nazoreen; - Tout ce qui subsiste de nazoreen ou judeo-chretien apres la guerre de Bar Kokhba (135) est considere comme strictement heretique.
Résumé/Abstract L'A. montre que tenir le testimonium de Josèphe sur Jésus et sur Jean-Baptis... more Résumé/Abstract L'A. montre que tenir le testimonium de Josèphe sur Jésus et sur Jean-Baptiste pour authentique, pose moins de problèmes que tout autre solution| c'est donc un document important sur les chrétiens de Rome sous Domitien. L'A. étudie ici AJ 18: 116-...
International audienceFlavius Josèphe, prêtre de Jérusalem (37-96 apr. J.-C. env.) et historien c... more International audienceFlavius Josèphe, prêtre de Jérusalem (37-96 apr. J.-C. env.) et historien célèbre de la Guerre des juifs, est un témoin exceptionnel de son siècle. Dans son oeuvre majeure, les Antiquités juives (publiées en 93/94, la 13e année de l’empereur Domitien), il donne, depuis Rome, sa manière de voir l’histoire de son peuple, en la faisant remonter à Adam. Ce volume contient les livres XII à XIV des Antiquités. Prolongeant la paraphrase biblique, il couvre l’histoire de la Judée depuis les troubles qui ont suivi la mort d’Alexandre le Grand jusqu’à la mort d’Antigone, le dernier roi asmonéen, c’est-à-dire de –323 à –37, avec pour pièce maîtresse la crise maccabéenne (167-164). Après la mort de la reine Alexandra en –67, la rivalité entre ses fils eut pour effet une domination romaine durable et la promotion du roi-client Hérode. Josèphe a peiné pour montrer une continuité judéenne depuis l’époque perse, en particulier pour la succession des grands prêtres, mais il n’a pu cacher que la Judée n’a émergé comme réalité politique perceptible que dans le cadre de la rivalité entre l’Égypte lagide et la Syrie séleucide, qui se sont longuement disputé la maîtrise de la côte, de Gaza à la Phénicie, à travers de nombreuses guerres aux IIIe et IIe siècles
For his Biblical Greek paraphrase, Josephus never used any form of the Septuagint, whose existenc... more For his Biblical Greek paraphrase, Josephus never used any form of the Septuagint, whose existence he knew through the Letter of Aristeas only. His Hebrew vorlage, retrieved in 70 by Titus from the Temple archives, had scars of a long perusal, as a reference text. As for David’s story, this source had out-standing contacts with a Qumran text, as well as good connections with a He-brew copy to be found behind a revision of the Septuagint, performed at Anti-och around 300. Moreover, for the parallel sections between 1-2 Samuel and 1 Chronicles, Josephus’ source was closer to the latter. Thus, it would appear that 1-2 Samuel has somewhat changed after the author of 1 Chronicles bor-rowed from it.
The recent discovery of a large Israelite shrine on Mount Gerizim may have some significant conse... more The recent discovery of a large Israelite shrine on Mount Gerizim may have some significant consequences, especially in challenging an overall Judean bias in Biblical studies. After assessing some Biblical clues as to the importance of Shechem, the present study aims at considering together three very different problems as follows: 1. Why is the Samaritan Bible so short? It contains only the Pentateuch and a Chroni-cle of little authority, which begins with a shorter form of Joshua, poorly preserved, but somewhat akin to the version used by Josephus. 2. How can we explain the huge differences between the stories of Ezra, Nehemiah and 1 Maccabees, which have definite Babylonian connections and whose viewpoints are strictly legal and national, and the Prophets as a whole, including the “post-exilic” layers, the general mindset of which is both ethical-universal and eschatological? Stating that this re-flects various successive periods is somewhat begging the question of accurate dating. 3. At least since the writings of the priest Aristobulus, in the 2nd cent. BCE, a common view held by Jews, and later by early Christian writers, was that the Greek philosophers, es-pecially Plato, borrowed from Moses. Eusebius offers numerous analogies between the Laws and various Biblical precepts. However, this would imply early translations, which hardly squares with the available data. The hypothesis outlined here, which suggests an answer to these problems, is that the final shape of most of the Hebrew Bible was carried out at the library of Alexandria, in two major steps: first the Pentateuch in the 3rd cent. BCE for all the Israelites, and then a Jewish library including the Prophets and many Writings in the 2nd cent. BCE, after the final split be-tween the Samaritans of Shechem and the Jews, which occurred some time after the Macca-bean crisis.
La legislation des documents du desert de Judee est de premier interet. L. Schiffman, dans une va... more La legislation des documents du desert de Judee est de premier interet. L. Schiffman, dans une vaste synthese, montre ses parentes avec la tradition rabbinique ulterieure. Il faut cependant souligner les differences, qui montrent que celle-ci, qui a egalement une origine marginale, procede aussi d'autres principes. De plus, les lois esseniennes eclairent remarquablement le milieu d'ou est sorti le christianisme
Que se passe-t-il lorsque les journaux n'ont plus d'événements graves à rapporter ? Le bonheur pe... more Que se passe-t-il lorsque les journaux n'ont plus d'événements graves à rapporter ? Le bonheur peut-il être stable ? Qohélèt vient mettre en garde son lecteur : tout bouge et la vie est difficile, mais elle peut devenir futile sans qu'on s'en aperçoive. Il annonce en précurseur un lien entre la psychologie et la foi au Createur, qui donne un sens à l'histoire personnelle.
HAL (Le Centre pour la Communication Scientifique Directe), Jun 1, 2021
International audienceFlavius Josèphe, prêtre de Jérusalem (37-96 apr. J.-C. env.) et historien c... more International audienceFlavius Josèphe, prêtre de Jérusalem (37-96 apr. J.-C. env.) et historien célèbre de la Guerre des juifs, est un témoin exceptionnel de son siècle. Dans son oeuvre majeure, les Antiquités juives (publiées en 93/94, la 13e année de l’empereur Domitien), il donne, depuis Rome, sa manière de voir l’histoire de son peuple, en la faisant remonter à Adam. Ce volume contient les livres XII à XIV des Antiquités. Prolongeant la paraphrase biblique, il couvre l’histoire de la Judée depuis les troubles qui ont suivi la mort d’Alexandre le Grand jusqu’à la mort d’Antigone, le dernier roi asmonéen, c’est-à-dire de –323 à –37, avec pour pièce maîtresse la crise maccabéenne (167-164). Après la mort de la reine Alexandra en –67, la rivalité entre ses fils eut pour effet une domination romaine durable et la promotion du roi-client Hérode. Josèphe a peiné pour montrer une continuité judéenne depuis l’époque perse, en particulier pour la succession des grands prêtres, mais il n’a pu cacher que la Judée n’a émergé comme réalité politique perceptible que dans le cadre de la rivalité entre l’Égypte lagide et la Syrie séleucide, qui se sont longuement disputé la maîtrise de la côte, de Gaza à la Phénicie, à travers de nombreuses guerres aux IIIe et IIe siècles
The problem of the twofold ending of Marc is classical. A reassessment suggests two conclusions: ... more The problem of the twofold ending of Marc is classical. A reassessment suggests two conclusions: first, the original ending of that Gospel was the first one (16:8 “for they were afraid”); second, the longer ending (16:9-20) was written as a conclusion of the four Gospels, when Mark was the last one, and it remained attached to it when the order was altered.
Le personnage de Barabbas intrigue les commentateurs, car il est inconnu en dehors du Nouveau Tes... more Le personnage de Barabbas intrigue les commentateurs, car il est inconnu en dehors du Nouveau Testament et, de plus, la coutume invoquee de liberer un prisonnier « pour la fete » n’est guere attestee. Selon Jn 18,40 Barabbas etait un brigand : l’objet de cette note est de determiner ce qu’est un « brigand » de cette sorte
Autour de la crise maccabeenne (167-164), l'auteur tente d'eclaircir les problemes de des... more Autour de la crise maccabeenne (167-164), l'auteur tente d'eclaircir les problemes de descendances sacerdotale et dynastique des communautes judeennes suivantes: -Onias et les pontifes d'origines variees nommes par les Seleucides -Judas Maccabee et les juifs observants -Jonathan et Simon, et les pretres israelites d'origine samaritaine.
The Gospels and Paul deal with the Eucharist in different ways. This paper attempts to show – in ... more The Gospels and Paul deal with the Eucharist in different ways. This paper attempts to show – in spite of the warnings of ancient writers – that by using some tenets of the Stoics, the significance and strength of the rite appear quite concretely, for the border between heavenly and earthly spheres is dimmed. In-deed, pure Stoicism would imply a kind of pantheism, God being identical to Nature, but the NT authors maintain that God is incorporeal. This very pattern of mitigated Stoicism can be detected in Hellenistic Jewish books, too, but no clear dependence can be proved, for it works easily with the OT, which is al-ways the main authority.
Cet article s'appuie sur l'article precedent de S. Mimouni : Les Nazoreens, pour proposer... more Cet article s'appuie sur l'article precedent de S. Mimouni : Les Nazoreens, pour proposer des observations concernant l'identification des disciples de Jesus : - Le critere decisif d'identification est la pratique, et non les attaches ethniques; - Les disciples de Jesus ont eu deux appellations principales, chretiens et nazoreens, mais elles ne se recouvrent pas; - Le critere decisif est l'acceptation ou non de communautes mixtes, avec Juifs et Grecs meles; - Jacques, 'frere' du Seigneur, n'est pas disciple de Jesus et ne peut etre qualifie de chretien; - Il n'y a donc aucune raison de supposer que Jesus soit le premier nazoreen; - Tout ce qui subsiste de nazoreen ou judeo-chretien apres la guerre de Bar Kokhba (135) est considere comme strictement heretique.
Résumé/Abstract L'A. montre que tenir le testimonium de Josèphe sur Jésus et sur Jean-Baptis... more Résumé/Abstract L'A. montre que tenir le testimonium de Josèphe sur Jésus et sur Jean-Baptiste pour authentique, pose moins de problèmes que tout autre solution| c'est donc un document important sur les chrétiens de Rome sous Domitien. L'A. étudie ici AJ 18: 116-...
International audienceFlavius Josèphe, prêtre de Jérusalem (37-96 apr. J.-C. env.) et historien c... more International audienceFlavius Josèphe, prêtre de Jérusalem (37-96 apr. J.-C. env.) et historien célèbre de la Guerre des juifs, est un témoin exceptionnel de son siècle. Dans son oeuvre majeure, les Antiquités juives (publiées en 93/94, la 13e année de l’empereur Domitien), il donne, depuis Rome, sa manière de voir l’histoire de son peuple, en la faisant remonter à Adam. Ce volume contient les livres XII à XIV des Antiquités. Prolongeant la paraphrase biblique, il couvre l’histoire de la Judée depuis les troubles qui ont suivi la mort d’Alexandre le Grand jusqu’à la mort d’Antigone, le dernier roi asmonéen, c’est-à-dire de –323 à –37, avec pour pièce maîtresse la crise maccabéenne (167-164). Après la mort de la reine Alexandra en –67, la rivalité entre ses fils eut pour effet une domination romaine durable et la promotion du roi-client Hérode. Josèphe a peiné pour montrer une continuité judéenne depuis l’époque perse, en particulier pour la succession des grands prêtres, mais il n’a pu cacher que la Judée n’a émergé comme réalité politique perceptible que dans le cadre de la rivalité entre l’Égypte lagide et la Syrie séleucide, qui se sont longuement disputé la maîtrise de la côte, de Gaza à la Phénicie, à travers de nombreuses guerres aux IIIe et IIe siècles
For his Biblical Greek paraphrase, Josephus never used any form of the Septuagint, whose existenc... more For his Biblical Greek paraphrase, Josephus never used any form of the Septuagint, whose existence he knew through the Letter of Aristeas only. His Hebrew vorlage, retrieved in 70 by Titus from the Temple archives, had scars of a long perusal, as a reference text. As for David’s story, this source had out-standing contacts with a Qumran text, as well as good connections with a He-brew copy to be found behind a revision of the Septuagint, performed at Anti-och around 300. Moreover, for the parallel sections between 1-2 Samuel and 1 Chronicles, Josephus’ source was closer to the latter. Thus, it would appear that 1-2 Samuel has somewhat changed after the author of 1 Chronicles bor-rowed from it.
The recent discovery of a large Israelite shrine on Mount Gerizim may have some significant conse... more The recent discovery of a large Israelite shrine on Mount Gerizim may have some significant consequences, especially in challenging an overall Judean bias in Biblical studies. After assessing some Biblical clues as to the importance of Shechem, the present study aims at considering together three very different problems as follows: 1. Why is the Samaritan Bible so short? It contains only the Pentateuch and a Chroni-cle of little authority, which begins with a shorter form of Joshua, poorly preserved, but somewhat akin to the version used by Josephus. 2. How can we explain the huge differences between the stories of Ezra, Nehemiah and 1 Maccabees, which have definite Babylonian connections and whose viewpoints are strictly legal and national, and the Prophets as a whole, including the “post-exilic” layers, the general mindset of which is both ethical-universal and eschatological? Stating that this re-flects various successive periods is somewhat begging the question of accurate dating. 3. At least since the writings of the priest Aristobulus, in the 2nd cent. BCE, a common view held by Jews, and later by early Christian writers, was that the Greek philosophers, es-pecially Plato, borrowed from Moses. Eusebius offers numerous analogies between the Laws and various Biblical precepts. However, this would imply early translations, which hardly squares with the available data. The hypothesis outlined here, which suggests an answer to these problems, is that the final shape of most of the Hebrew Bible was carried out at the library of Alexandria, in two major steps: first the Pentateuch in the 3rd cent. BCE for all the Israelites, and then a Jewish library including the Prophets and many Writings in the 2nd cent. BCE, after the final split be-tween the Samaritans of Shechem and the Jews, which occurred some time after the Macca-bean crisis.
La legislation des documents du desert de Judee est de premier interet. L. Schiffman, dans une va... more La legislation des documents du desert de Judee est de premier interet. L. Schiffman, dans une vaste synthese, montre ses parentes avec la tradition rabbinique ulterieure. Il faut cependant souligner les differences, qui montrent que celle-ci, qui a egalement une origine marginale, procede aussi d'autres principes. De plus, les lois esseniennes eclairent remarquablement le milieu d'ou est sorti le christianisme
Introduction
The aim of this study is to repair a historical injustice, which has presented the S... more Introduction The aim of this study is to repair a historical injustice, which has presented the Samaritans’ religion as a degraded form of Judaism, whereas surrounding Mount Gerizim, their sacred mountain overlooking the ancient city of Shechem, they are in fact to this day the direct heirs of the ancient Israelites. What Happened? The story of the Good Samaritan is so famous that the inn he found on the road down from Jerusalem to Jericho is still shown. Yet when Jesus sent his disciples on a mission, he told them not to go to the Gentiles or to the Samaritans, but only to “the lost sheep of the house of Israel.” Samaria was conspicuous, even cumbersome, for it formed a kind of barrier between Jewish Galilee and Judea, while only the Jews were considered the rightful heirs of biblical Israel. “Salvation comes from the Jews,” Jesus firmly told a Samaritan woman. If we go further back, there is no doubt that the Hebrew Bible presents the Samaritans as foreign settlers who vaguely adopted the religion of Israel, while mixing it with their original paganism. Later, it is the Samaritans who oppose the return of the exiles to Jerusalem, although it is not clear why. On the one hand, before the exile, the north around Shechem took the name of kingdom of Israel it is after Solomon and the splitting of his kingdom; but it is considered dissident, whereas the south around Jerusalem, is only the kingdom of Judah; however, the latter claims to be the heir of David, the ancestor of the Messiah—and this is a lofty perspective. On the other hand, after the exile, the returning Jews only know Jerusalem and claim, together with Ezra and Nehemiah, that they alone are the true Israel. Modern studies are mainly concerned with the Hebrew Bible, but when it comes to the Samaritans they stumble a bit, because it is obvious that their traditions, although poorly preserved, are strictly faithful to biblical monotheism, without any trace of syncretism. Now, to get a clearer view, a glance at recent archaeological work can be helpful, since we now know that at least since the fifth century there was a great sanctuary without idols at Gerizim; however, it will be above all necessary to consider Jewish sources that have come down to us only in Greek and been underestimated. Two salient facts can be indicated at the outset: on the one hand, at the time of the Maccabean crisis (167-164), the two temples of Jerusalem and Gerizim were equally honored by the Israelite nation, without any apparent conflict; the definitive and brutal separation between the Samaritans and the Jews came later. On the other hand, Flavius Josephus, the only preserved first-century historian of Judea, provides—as if in spite of himself—elements that make it possible to give the Samaritans once again an honorable position in ancient Israelite history, even though he hates them and criticizes their versatility.
Socrate était dangereux, car il s’occupait de ce que la société athénienne voulait cacher, comme ... more Socrate était dangereux, car il s’occupait de ce que la société athénienne voulait cacher, comme l’ont fait les prophètes à toute époque : Est-il juste de laisser les esclaves souffrir ? Ou de laisser les femmes en marge de la vie publique ? Après sa condamnation urgente mais à courte vue, son disciple Platon lui a donné une vie posthume insoupçonnée, mais en l’enfermant dans le club élitiste des philosophes. Pourtant, Socrate était plus vaste, et voici une biographie romancée, qui met en relief l’importance qu’a eue pour lui son mariage improbable avec Xanthippe, au moment où il sombrait dans le doute. Athènes se pensait comme le centre du monde, mais en marge de cette situation urgente et oppressante, Socrate eut l’occasion de rencontrer des Hébreux de passage. Ces Barbares avaient une vision inédite du divin et, loin des agitations du monde méditerranéen, ils prenaient le temps de méditer sur le futur de l’humanité, enseignant la patience.
Le titre de cette étude recoupe bien d'autres travaux, mais son propos peut se résumer en une que... more Le titre de cette étude recoupe bien d'autres travaux, mais son propos peut se résumer en une question qui n'a guère été posée. En 70, Jérusalem fut détruite par les Romains. La guerre avait commencé en 66, et Flavius Josèphe, prêtre notable de Jérusalem, avait alors été envoyé les combattre en Galilée comme général. Pourquoi, après avoir été capturé, at -il été gracié et entretenu par ces mêmes Romains, qui lui ont ainsi permis de devenir écrivain ? Il faut reprendre les choses de plus haut. Après la crise maccabéenne (167-164), le régime asmonéen qui en résulta en Judée développa une politique vi-goureuse d'expansion, au point de devenir un royaume pratiquement indépen-dant, car la suzeraineté théorique des rois de Syrie s'était peu à peu effacée, du fait de dissensions internes. Tout fut compromis par une guerre civile entre les héritiers du dernier roi asmonéen fort, Alexandre Jannée, que Pompée le Grand vint arbitrer en-63. Celui-ci, après avoir débarrassé la Méditerranée des pirates, avait pour tâche de stabiliser le Proche-Orient, et il venait de créer la province de Syrie, avec pour capitale Antioche. Par la suite, la Judée resta sous des formes diverses dans l'orbite romaine. C'est vers ce moment que naquit en Galilée une constellation de mouve-ments religieux juifs, qu'on peut qualifier globalement de zélotes. Ils voulaient n'obéir qu'à Dieu et s'opposaient violemment à cette domination, non sans une grande méfiance envers les autorités de Jérusalem. C'est cet activisme durable qui fut en grande partie responsable de la ruine de Jérusalem en 70. Les Romains, lorsqu'ils avaient conquis un pays, en faisaient une province ou bien s'efforçaient d'y installer un roi-client, si possible d'origine locale. Pourtant, après cette débâcle juive, ils se bornèrent à laisser une légion à Jérusa-lem pour achever la pacification ; le commandant faisait fonction de gouver-neur, rattaché à la Syrie. Ils ne rétablirent pas la royauté en Judée, alors qu'il se trouvait un descendant d'Hérode le Grand entièrement dévoué à leur cause. C'était Agrippa II, qui avait alors 43 ans, et qui avait déjà le titre de roi, mais avec seulement un domaine restreint hors Judée. Cette guerre avait commencé en 66 par une déroute de Cestius, le gouver-neur de Syrie. Il était venu avec une armée à Jérusalem, espérant qu'une dé-monstration de force serait suffisante pour décourager les zélotes, mais il ne put entrer et il n'était pas préparé pour un siège difficile. En se repliant, il fut sévè-rement attaqué et défait. Rome, qui apparemment ne pouvait accepter ce grave revers, envoya Vespasien, général expérimenté et futur empereur, pour recon-quérir le pays en venant du nord avec une grosse armée. C'est alors que Jo-sèphe, qui n'était pas encore écrivain et n'avait que 29 ans, fut envoyé en Gali-lée pour préparer la guerre, ou peut-être avec l'intention de l'éviter. Quoi qu'il en soit, il combattit les Romains à leur arrivée et fut fait prisonnier.
What is the origin of the Letter of James? The usual objections against its authenticity as it st... more What is the origin of the Letter of James? The usual objections against its authenticity as it stands can be done away with, not by scrutinizing its content, but by studying the outstanding personality of James the Righteous, " brother of the Lord " , who was expecting the Messiah to come soon. A leader or " bishop " of the Nazoreans, he was renowned in Judea. In spite of his remaining strictly Jewish, he was able to discern the importance of the mission of Peter and Paul, but without joining it. Legally stoned by a Sadducean high priest, he was considered to be a martyr, as the accounts given by Josephus and Eusebius show. Thus he became a major character in Acts, both on stage and in the background. His fame grew well beyond the Nazorean faction, and it can be shown that one of the Qumran texts recognized him as a " Teacher of Righteousness " .
Preface Christians have always had two basic rites which are complementary: baptism and the eucha... more Preface Christians have always had two basic rites which are complementary: baptism and the eucharist, the one giving access to the other. Our aim in this study is to pick out the distinctive features of the environment in which Christianity began by looking into the origin of these two institutions and at the link between them. The outcome can be stated very simply: the environment from which Christianity emerged was close to the Essenes, with whom baptism marked the successful conclusion of a process of initiation, and whose essential act as a community was a meal, principally of bread and wine taken in symbolic portions, which had an eschatological significance. At the heart of this sectarian culture, which was marginal to the rest of Judaism, a profound transformation took place, in which contact with Gentiles played a decisive role. The traditional institutional setting was preserved, as early Christian literature attests. For rites are of their nature stable and tend to persist even when their meaning has changed. Nonetheless, the group itself burst open, and from a sect became a universal church. We use the word " sect " quite deliberately. Comparisons have often been made between the first Christians on the one hand and Philo's Therapeutae and Josephus' Essenes on the other, especially since the discoveries at Qumran (although ideas about the Essenes have perhaps been excessively determined by the community occupying that site, and especially by its apparently monastic character). These points of contact, reinforced by several areas of convergence with the rabbinic sources, have given rise to the idea that we have thus obtained a better knowledge of the general patrimony of Judaism at the time of Jesus. On the other hand, the data in question find only feeble echoes, if at all, in the Judaism described by Philo and Josephus. These authors set out to publish the realities of their religion. By contrast, Essenes, Christians and also Tannaites, the founders of the rabbinic tradition, appear marginal and highly traditional. Furthermore, such groups did not, at least originally, publish their special rites and beliefs but kept them to themselves and transmitted them orally. A further sectarian feature was that each group or subgroup regarded itself as the true Israel, charged exclusively with restoring the Covenant. In other words, if there are similarities among these groups, it is because they are close to with one another, but equally distant from governing circles. So we are justified in taking these groups to be true " sects " and not simply " parties " to one or other of which Jews in general belonged or adhered (as Americans may may be Democrats or Republicans). Viewed from outside, these groups looked all much the same. They, however, were intensely conscious of the variants, often minute, that differentiated each from its rivals. From this sectarian environment, we will argue, emerged both Christianity, claiming to be the universalist fulfilment of Judaism, and rabbinic Judaism, claiming to represent the nation. We shall trace the evolution-or rather revolution-that produced Christianity. The rise of rabbinic Judaism also represents an important development in which, by a process of selection and federation, Tannaite brotherhoods were transformed into schools within a comprehensive tradition. The impetus to this development was the need to take responsibility for the people as a whole after the disasters of 70 and 135 which destroyed the Jewish commonwealth. We hope to show in what follows that these statements are well founded. The project was born and in part carried out in the context of a seminar on the Book of Acts conducted jointly by the co-authors at the Ecole Biblique. Justin Taylor was trained in history, and has
ENGLISH SUMMARY
Some recent discoveries at the Mount Gerizim excavations, to-gether with the docu... more ENGLISH SUMMARY Some recent discoveries at the Mount Gerizim excavations, to-gether with the documents unearthed at W. Daliyeh (Samaria) and Elephantine (Egypt), provide significant clues to Israelite history in the Persian period (Vth and IVth cent. BCE). Indeed, they clash with the narratives of Ezra-Nehemiah and Josephus Flavius, because of their Judean and anti-Samaritan biases. This study aims at a reassessment, showing that the Samaritans of She¬chem reflect the most ancient Yahwist monotheism, away from the city of Samaria, founded in the IXth cent. The first chapter focuses on the Persian period. There was at first a common Israelite cult at the precincts of Gerizim and Jerusa¬lem. Later two novelties came in Judaea : some Prophets wanted and obtained a temple (God’s dwelling place), and a group of reformers came from Babylonia (Josephus’ “Elders”, Ezra, Ne¬hemiah) and built up a somewhat sectarian party. These conclu¬sions involve major biblical problems. The second and third chapters examine the adjacent periods : first, the later relationship between the Jews and Shechemites after Alexander, focusing upon the Maccabean crisis and the erection of the Onias Temple in Egypt, which was for several years the center of Judaism; then certain Biblical pre-exilic features. Solomon’s temple definitely has a Phoenician flavor, and primitive Yahwism has to be found around Shechem, under the shadow of Jacob and the non-Mosaic covenant of Joshua. Since these topics are somewhat controversial, two responses are added: on Israelite society under the Achemenids, and on the dating of 1-2 Chronicles.
À l’époque de la crise maccabéenne, un descendant de la dynastie pontifi-cale des oniades de Jéru... more À l’époque de la crise maccabéenne, un descendant de la dynastie pontifi-cale des oniades de Jérusalem a établi, vers Héliopolis en Égypte, un temple juif qui est resté en fonction jusque vers 75, après la chute de Jérusalem. Tel est le « temple d’Onias », qui est étonnant, puisque le Deutéronome insiste sur l’unicité du lieu de culte. De plus, du fait de la maigreur des données sur ce sanctuaire, il n’a jamais été beaucoup étudié, alors qu’il constitue une remar-quable singularité de la diaspora juive. C’est pourquoi l’A. reprend le dossier en posant d’emblée neuf questions : 1. Qui l’a bâti ? 2. Quand ? 3. Dans quel but ? 4. Quelle relation avec Jérusalem ? 5. Était-il un centre culturel et reli-gieux important ? 6. Quel fut son rôle chez les juifs d’Égypte ? 7. Quelle rela-tion avec les « fils de Sadoq » de Qumrân ? 8. Quelle relation avec la littéra-ture juive hellénistique ? 9. Comment caractériser la communauté juive autour de ce temple ? L’A. a procédé à un inventaire très complet de tout ce qui concerne Onias, sa dynastie et son entourage, en vue d’en tirer le maximum. Beaucoup d’analyses sont fines, et il faut probablement le suivre pour les circonstances de l’érection du temple, qui fut pendant sept ans l’unique sanctuaire juif en fonc-tion (159-152, cf. AJ 20:237), mais il est gêné par quelques présupposés non surveillés. Le plus courant est l’oubli des samaritains, à cause de la coutume propre-ment juive d’en faire une dissidence du judaïsme. Lorsque le roi Démétrios de Syrie offre à Jonathan trois nomes du district de Samarie pour les rattacher à la Judée, ou au moins à Jérusalem, 1 M 10,38 précise que les habitants devront reconnaître l’autorité du grand prêtre de Jérusalem (de même AJ 13:54) ; l’A. en conclut qu’ils ne devront pas s’attacher au temple d’Onias. C’est certain, mais il s’agit surtout d’autre chose : ces samaritains devront se détacher du temple du Garizim pour se tourner vers Jérusalem. Cela signifie que les deux cultes israélites étaient semblables, et telle était la situation traditionnelle jusqu’à la crise maccabéenne : lors des persécutions d’Antiochos IV, celui-ci retournant à Antioche « laissa des préposés pour faire du mal à la nation, Phi-lippe à Jérusalem… et Andronique au mont Garizim » (2 M 5,22). Ensuite, Antiochos envoya « profaner le temple de Jérusalem et le dédier à Zeus Olym-pien, et celui du Garizim à Zeus Hospitalier ». La nation israélite avait deux temples légitimes au Pays d’Israël. Un autre préjugé usuel est de croire que le régime asmonéen fut accepté par l’ensemble des juifs, ce qui conduit à une interprétation forcée de certaines sources. C’est le cas avec 2 Maccabées : ainsi, il est arbitraire comme le pro-pose l’A. de faire de l’assassinat d’Onias à Daphné un martyre entièrement fic-tif rehaussant la dignité de la fonction du futur grand prêtre asmonéen. En effet ce livre, qui commence par l’échec d’Onias, le meilleur des grands prêtres, est un récit de fondation pour la commémoration de la victoire de Judas Maccabée sur Nicanor, le général ennemi, à la suite de quoi Jérusalem libérée est rendue aux Hébreux, sans indication de grand prêtre ou de gouvernement (2 M 15,37) ; Dieu est présent dans le Temple, ce qui invite au pèlerinage, mais il n’y a aucune autorité en place. Cela se passe bien avant la mort de Judas en -162 et avant tous les événements qui se déroulent sous les premiers asmonéens, Jonathan et Simon, jusqu’à la libération de Jérusalem et à la reconnaissance de Rome en -142 (1 M 15,15). Davantage : selon les documents cités en 2 M 11,16-33, les persécutions ont cessé au printemps -164 (cf. aussi 2 M 8,31), soit quelque neuf mois avant le haut fait de Judas Maccabée, tel que commé-moré par la Dédicace (le 25 Kislev, 1 M 4,59). Quant aux motivations d’Onias pour construire son temple, l’A. ne retient que la volonté d’accomplir la prophétie d’Is 19,18-19 : « En ce jour-là, cinq cités au pays d’Égypte parleront la langue de Canaan et prêteront serment à Yhwh Sabaot. L’une des cités sera appelée Ville du Désastre (TM הרס ‘du dé-sastre’, versions et 1QIsaa חרס ‘du Soleil’, LXX ασεδεκ ‘de la Justice’). » Il s’agit donc bien d’Héliopolis. La LXX, avec une fausse transcription, met une expression « Ville de la Justice » normalement réservée à Jérusalem (Is 1,26), ce qui donne à penser que la traduction en a été faite autour du temple d’Onias (cf. RB 2014, p. 629-630). En outre, la suite attire l’attention (v. 23-24) : « Ce jour-là, il y aura un chemin allant d’Égypte à Assur ; Assur viendra en Égypte et l’Égypte en Assur… Ce jour-là, Israël viendra en troisième avec l’Égypte et Assur. » Si l’on prend cette prophétie comme une allusion historique à la ma-nière de Dn 11, on ne trouve qu’une circonstance, rapportée par Josèphe (AJ 13:80-84) : après la mort au combat de Démétrios Ier de Syrie, Alexandre Ba-las, qui se disait fils d’Antiochos IV, lui avait succédé avec l’approbation du Sénat de Rome. Il demanda alors à Ptolémée VI de lui accorder sa fille en ma-riage ; les noces furent célébrées à Ptolémaïs-Akko en -150, et Jonathan fut in-vité par les deux rois conjointement (cf. 1 M 10,60). Il y a donc lieu de croire que le passage d’Isaïe a été rédigé après ces événements. Par ailleurs, la généalogie des oniades est confuse. Josèphe s’est efforcé d’en faire les successeurs des grands prêtres de l’époque perse, lesquels auraient même, selon des interprètes modernes, une légitimité sadocite remontant au temps de David, mais c’est impossible, pour au moins deux raisons. D’une part, Sadoq fils d’Ahitub n’était qu’un prêtre dont la tâche était de garder l’Arche d’alliance ramenée par David à Jérusalem (2 S 15,24) ; plus tard, c’est lui qui oignit Salomon comme roi (1 R 1,39), mais ensuite, c’est Salomon qui présida au culte du temple nouveau (1 R 8,5), et Sadoq n’eut pas de postérité spécifique (cf. Esd 7,1-5). D’autre part, la continuité dynastique des grands prêtres de Jérusalem, de la période perse à l’époque hellénistique est très douteuse (tableau ci-après, nos 6 et 7). En effet, à partir d’Alexandre (-332), les grands prêtres après Yaddua ont des noms nouveaux, et surtout leur succession est étrange, surtout après Si-mon Ier qui est bizarrement séparé de son fils. En fait, on ne sait rien d’Onias Ier ni de Simon Ier, et il y lieu de supposer qu’ils ont été introduits par papponymie, peut-être par Josèphe, de manière à combler un vide après l’époque perse. Par ailleurs, il a été démontré que Simon le Juste devait être identifié au fils d’Onias mentionné en Si 50:1 et daté vers 220-195. Pour ces raisons, on remplace pour une meilleure vraisemblance Onias II et III par Onias A et B. Il y aurait donc bien une lacune après Alexandre, que Josèphe s’est efforcé de masquer. Il faut observer en outre que le nom « Onias » est yahwiste : de même que Ησαιας correspond à ישעיהו « Isaïe », de même Ονιας doit refléter אוניהו ou אוניה (ou חוניהו de m.Menahot 13:10). De plus, on discerne une origine égyp-tienne : selon Ex 1:11, les Israélites ont dû construire les villes-entrepôts de Pi-thom et Ramsès, et la LXX ajoute « Ôn », d’abord transcrit Ων, puis traduit Ἡλίου πόλις « Héliopolis, Ville du Soleil » ; c’est une allusion au culte de Rê-Ra, alors que Ων est une transcription de Jwnw « ville-colonne » (connu dans la Bible comme און, cf. Gn 41:45). À cet égard, la demande d’Onias à Ptolémée a une formulation intéressante (AJ 13:65-67) : ayant vu que dans la région d’Héliopolis les juifs avaient de nombreux sanctuaires et se trouvaient désunis, il se propose de les fédérer et pour cela sollicite l’autorisation de restaurer la forteresse dite de Bubastis (« Cité de Bast », déesse en forme de lion, d’où le nom grec de Léontopolis), pour en faire un temple analogue à celui de Jérusalem. Que cette ruine soit dis-ponible au bon endroit, au voisinage de juifs divisés, est remarquable, et il faut se demander s’il ne s’agissait pas d’un ancien sanctuaire juif lié aux ancêtres d’Onias. Dans un contexte ultérieur, Josèphe donne quelques indications sur une lignée de grands prêtres « boéthosiens » : sous Hérode, Simon fils de Boé-thos, ou plus probablement Simon Boéthos (24-5, cf. AJ 15:320-322), d’origine égyptienne, puis Joazar fils (ou frère) de Boéthos (en -4, 17:165) ; sous Archélaüs (de -4 à 6, 17:339 et 18:3), Éléazar son frère, a été nommé deux fois ; enfin, sous le roi Agrippa Ier (41-44, 19:297), on rencontre Simon Canthéras fils de Boéthos. Cette famille égyptienne, dépourvue d’origine ju-déenne identifiable, eut donc une importance notable sur au moins deux géné-rations ; les sources rabbiniques la connaissent et la critiquent pour être attachée au calendrier dit des Jubilés, commun aux sadducéens et aux esséniens, ce qui est très significatif (cf. RB 2012, p. 186-212). On peut ainsi conjecturer avec vraisemblance un lien généalogique entre Onias et Boéthos, dont le nom cor-respond à Azarel, Azriel ou Ezra (Esdras).
History and Eschatology: Jesus and the Promise of Natural Theol-ogy (The 2018 Gifford Lectures), ... more History and Eschatology: Jesus and the Promise of Natural Theol-ogy (The 2018 Gifford Lectures), par Nicholas Thomas WRIGHT. 16 x 23,5 ; XXI-343 p. Waco, Baylor University Press, 2019. — Rel., 34,95 $ (ISBN 978-1-4813-0962-2). Resurrection in Retrospect: A Critical Examination of the Theolo-gy of N.T. Wright, par Peter CARNLEY. 17 x 25 ; XIII-312 p. Cam-bridge, James Clarke & Co., 2020. — Br., 25 £ (ISBN 978-0-227-17715-0 ; pdf 978-0-227-90716-0). The Reconstruction of Resurrection Belief, par Peter CARNLEY. 17 x 25 ; XIV-355 p.; ill. Cambridge, James Clarke & Co, 2020. — Br., 25 £ (ISBN 978-0-227-17714-3 ; pdf 978-0-227-90715-3).
En 2003, N.T. Wright publiait un ouvrage de théologie fondamentale The Resurrection of the Son of God, qui proposait un renouveau de la « théologie naturelle » et qui ne passa pas inaperçu. Il le reprit et le développa dans une sé-rie de Gifford Lectures, tenue à St-Andrews (Écosse) en 2018. L’ouvrage qui en est issu est présenté et discuté ci-après. Ensuite est examiné le volume double de P. Carnley, qui d’abord discute la synthèse de Wright, puis propose la sienne. Le point de départ de Wright est qu’on ne peut exclure la Bible de la nature, laquelle inclut l’histoire. Jésus en fait partie, avec son contexte juif, et l’événement de sa résurrection fonde à nouveau la création ; le ressort essentiel en est l’amour, qui donne une autre forme de connaissance. L’ouvrage com-prend huit chapitres, répartis en quatre parties.
La restitution des débuts du christianisme est malaisée, car en dehors du Nouveau Testament, les ... more La restitution des débuts du christianisme est malaisée, car en dehors du Nouveau Testament, les renseignements directement utiles sont rares. On peut cependant procéder par la périphérie, en examinant le contexte juif et le monde romain de l’époque. Couronnant de nombreuses études, l’A. s’y attaque, en partant de la forte attente eschatologique des premiers disciples. 1. – Up to Jerusalem. La crise maccabéenne (167-164) aboutit à une revalo-risation du Temple puis à l’installation de la dynastie asmonéenne, qui mena une politique d’expansion. En -63, Pompée inaugura la domination romaine en arbitrant une guerre civile entre deux prétendants frères. Il réduisit fortement le territoire de la Judée, puis face à une menace parthe Hérode le Grand se fit nommer roi-client par Rome en -40, et il sut reconquérir l’ensemble du do-maine des 12 tribus du temps de Moïse et Josué. Puis, au terme de nombreux travaux, il reconstruisit somptueusement le Temple. Les évangiles synoptiques font de la vie publique de Jésus une unique montée vers Jérusalem et ce Temple. C’est là qu’après sa disparition se regroupèrent les disciples, alors qu’ils étaient d’ori¬gine galiléenne. L’A. suit sans critique la théorie des Deux-Sources, et conclut que la con-damnation de Jésus est inintelligible, ce qui est parfaitement exact. Par contre, celle-ci est très claire chez Jn : le mouvement de Jésus a pris de l’extension, puisqu’on en voit des traces à Damas (Ananie qui accueillit Saul-Paul) et à Alexandrie (Apollos), de sorte que le grand prêtre Caïphe craignait une répres-sion romaine (11,48-50). En effet, la Judée avait été formellement rattachée à la Syrie après le renvoi d’Archélaüs en 6, mais avec un statut spécial : Pilate était l’un des préfets, qui étaient essentiellement chargés de faire la police, car les pèlerinages attiraient d’énormes foules toujours prêtes à s’enflammer. Quant à la centralité du Temple pour tous les Juifs, l’A. confond la « maison de prière », qui est la patrie de Jésus, et le système sacrificiel, dont il ne veut pas. En effet, il était disciple de Jean-Baptiste, dont le baptême de conversion repré-sentait une opposition directe aux rites du Temple. Il faut ajouter que Paul dans ses lettres ne mentionne le Temple que symboliquement, alors que pour lui le baptême est essentiel. 2. – God’s Holy Mountain. Jésus a renversé les tables des changeurs, et le thème de la disparition du Temple est très présent. Jésus le prédit expressément, ayant peut-être perçu que le système de pouvoirs qu’il a vu à Jérusalem est in-trinsèquement instable, du fait de l’agitation juive face à la force romaine. De fait, Jésus subit un supplice romain, justifié par le titre royal figurant sur l’écri-teau de Pilate. Pourtant, ses compagnons ne furent pas inquiétés, alors que Jé-sus avait fait une entrée triomphale à Jérusalem comme fils de David, d’où un possible mouvement de foule (et non de disciples) lors de la Pâque imminente – et la crainte de Pilate, qui ne pouvait comprendre les prophéties eschatolo-giques de Jésus. Quant aux procès, l’A. reconnaît que l’arrestation par des pro-fessionnels est plausible, puis que la comparution au sanhédrin en pleine fête n’a aucun sens ; ces deux éléments s’accordent avec Jn. Par contre, une cruci-fixion bien visible pouvait calmer la foule, selon une coutume très romaine. Ainsi, l’A. est revenue insensiblement au récit de la Passion selon Jn, qui effectivement n’offre aucune difficulté institutionnelle, alors que le récit des synoptiques, qui bouscule les institutions juives, est incompréhensible. Il fallait poursuivre dans deux directions. D’abord, l’examen des éphémérides de l’épo-que montre que pendant le mandat de Pilate (25-37) la veille de Pâque (14 Nis-sân) n’est jamais tombée un jeudi, mais deux fois un vendredi, en 30 et 33. Cette dernière date est sans doute à préférer, puisqu’il y eut alors une éclipse du lune, visible après le coucher du soleil. Ensuite Josèphe, dans la version sla-vone de la Guerre, donne un récit de la Passion en deux temps : Jésus ayant été dénoncé (cf. Jn), Pilate le relâche comme inoffensif, puis un peu plus tard, les chefs juifs le soudoient pour qu’il le crucifie « contrairement aux traditions an-cestrales ». Josèphe réprouve la manœuvre, mais par la suite, dans les Antiqui-tés, il donne une courte notice selon laquelle Jésus a fondé un mouvement mê-lant Juifs et Grecs. Cela justifie sa condamnation aux yeux de Josèphe, qui suppose que l’engeance des chrétiens va disparaître, alors même que le ju-daïsme se propage partout. Quant à Paul, il a évolué : en 1 Th 2,15 il reproche aux Juifs d’avoir mis à mort Jésus, mais dans la suite la croix du Christ est de-venue le pilier de son évangile (1 Co 1,23 etc.). 3. – From Miracle to Mission. Jésus a annoncé sa résurrection pendant sa vie publique, et les disciples, après avoir fui, ont vu le ressuscité en chair et en os ; le cas de Paul est spécial, puisqu’il fait état d’une révélation, et non d’une vision. Dans tous les cas, il s’agit d’un signe annonçant un retour proche et dé-finitif, avec le jugement de la fin des temps – en principe à Jérusalem, selon les prophètes. Mais en même temps, Jésus a averti (Lc 17,21) : « Le Royaume de Dieu est parmi vous. » De fait, le retour visible de Jésus n’est pas arrivé, et c’est alors que l’Écriture a été invoquée pour transformer l’identité du Messie, com¬me le montre l’épisode des disciples d’Emmaüs. Et c’est alors que la mis-sion a commencé. Dans cet ensemble, l’A. paraît confondre le « mouvement de Jésus », essen-tiellement juif, et le christianisme paulinien, qui domine l’ensemble du NT. Clément d’Alexandrie explique (Strom. 7.17) : Jésus a enseigné sous Tibère, puis les apôtres, « embrassant le ministère de Paul » (cf. 2 P 3,15), ont ensei-gné jusqu’à Néron, et les hérésies n’ont commencé que sous Hadrien. En effet, le kérygme propre à Paul est très singulier (1 Co 15) : mort et résurrection du Christ selon les Écritures pour la rémission des péchés. Autrement dit, le juge-ment final est réalisé pour le croyant, ce que ne disent guère Pierre ou Jacques. En effet, Paul argumente ensuite sur la réalité de la résurrection, mais la trom-pette finale n’est plus le signe d’un jugement ultime. Jésus fait une déclaration analogue en Jn 6,54 : « Qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle, et je le ressusciterai au dernier jour. » La fin des temps est devenue une sorte de résidu. Quant à l’Écriture, c’est l’Esprit saint qui lui a donné de parler au pré-sent, c’est-à-dire de remodeler la disparition injuste de Jésus sous la forme d’un deuil fertile. De la même manière, Platon, qui a commencé par fuir le suicide forcé de Socrate, lui a ensuite assuré une survie féconde. 4. – Beginning from Jerusalem. Le terme Messie, ou Oint, a des usages va-riés dans l’AT et à Qumrân, mais le modèle de David, dont l’héritier sera fils de Dieu, domine dans le NT. Les récits de l’enfance remontent même plus haut : à Abraham pour Mt, à Adam pour Lc. Pour Paul, la qualité de « fils de Dieu » se rattache expressément à la résurrection, où Jésus va revenir triom-phant, tout comme David en son temps. Dans son discours à la Pentecôte, Pierre ignore Pilate et apostrophe les pèlerins juifs : celui que vous avez fait crucifier, Dieu l’a ressuscité conformément aux Écritures, et il l’a établi comme Messie ; la fin ultime est ignorée. Une faute majeure, qui a eu pour conséquence la ruine de Jérusalem, est pardonnée. Puis survient la persécution autour d’Étienne, ce qui déclenche des missions hors de Jérusalem : Judée, Samarie, puis Chypre et Antioche. En fait, l’avènement messianique tarde, et Paul doit expliquer qu’il faut laisser du temps à la mission auprès des nations. L’A., hypnotisée par le thème de l’urgence eschatologique, donne un récit décousu. Il fallait d’abord situer l’attitude de Rome à l’égard des Juifs, qui est illustrée par une allusion de Cicéron reflétant manifestement une opinion com-mune : il rappelait en -59 que les Juifs, tolérés comme associations, formaient une réalité transrégionale très solidaire ; il indiquait que le judaïsme était une superstitio barbara, peu compatible avec le droit romain. Bien entendu, il s’agissait d’une réalité bien plus vaste que la petite Judée. On estime que sous Claude (41-59) la minorité juive représentait quelque 10% de la population de l’empire, ce qui créait des frictions, du fait des différences de coutumes : les Juifs, comme plus tard les chrétiens, se refusaient à participer aux cultes ci-viques, ce qui devenait vite un sacrilège, puisque l’empereur était divinisé. Dé-jà César avait tenté de créer un espace juridique aux Juifs, lesquels furent les premiers à le pleurer lors de son assassinat, rapporte Suétone. En -63, avec l’arrivée de Pompée, la Judée passa définitivement dans l’orbite romaine. C’est alors qu’une agitation zélote durable naquit en Galilée et se répandit en Judée (la 4e philosophie de Josèphe, qu’il qualifie aussi de « brigands », comme Ba-rabbas). C’était une résistance armée à la domination romaine, qui se poursuivit sous diverses formes et qui fut la cause de la guerre de 66-73. C’est bien dans cet esprit que les disciples de Jésus voulaient le faire roi ; les qualifications de Messie ou de fils de David sont un habillage biblique, mais l’horizon était la restauration de la royauté en Israël (cf. Lc 24,21), et non le salut du monde. Son retour glorieux était attendu en ce sens (Ac 1,6), et l’Esprit saint annoncé devait envoyer les apôtres « à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre » (Ac 1,8), c’est-à-dire du Pays d’Israël, ce qu’on voit bien dans la suite, avec les parcours de Pierre et Jean, qui évangéli-sent en Samarie et ne quittent pas la Palestine.
Between Jews and Heretics: Refiguring Justin Martyr’s Dialogue with Trypho, par Matthijs DEN DULK... more Between Jews and Heretics: Refiguring Justin Martyr’s Dialogue with Trypho, par Matthijs DEN DULK. 14 x 22 ; VIII-174 p. New Haven / London, Routledge, 2018. — Rel., 77 $ (ISBN 978-0-815-37345-2).
Le Dialogue, composé vers 160, est l’un des écrits les plus importants pour saisir deux aspects concomitants essentiels des débuts du christianisme : unifica-tion interne, et séparation du judaïsme. En effet, il est couramment admis que Justin s’attache à bien séparer le judaïsme du christianisme, mais il ne faut pas perdre de vue qu’il est aussi l’inventeur de la notion d’hérésie ; il y avait en son temps plusieurs façons très différentes de se dire chrétien, et il s’est efforcé de clarifier ses propres choix contre d’autres options. Pour montrer que le projet de Justin était complexe, l’A. commence par no-ter quelques singularités du Dialogue : en prologue figure une critique des écoles philosophiques (Dial. 1-9), ce qui n’a pas de rapport clair avec le débat judaïsme-christianisme ; ensuite, le texte est très long et répétitif, avec de longues citations de la LXX, parfois abrégées par les copistes ; enfin, après deux jours entiers de discussions, ni Tryphon ni aucun de ses compagnons ne sont gagnés au christianisme, bien qu’ils aient souvent accepté l’argumentation scripturaire, ce qui est paradoxal. Convaincus que l’essentiel de l’ouvrage est le débat entre judaïsme et christianisme, la plupart des commentateurs se sont bornés à ignorer comme digressions les passages divergents, ou même à suppo-ser une histoire littéraire torturée. L’A. juge qu’une autre démarche est possible, en partant d’une réalité dis-cernable au IIe siècle, que le christianisme et le judaïsme sont loin d’être uni-fiés : c’est une erreur d’opposer purement et simplement la théologie pauli-nienne au système rabbinique, car il y avait de la diversité des deux côtés, avec des frontières imprécises. Justin jugeait inacceptable cette variété chrétienne. En particulier, il voulait réfuter ce qu’il appelle les « chrétiens démiurgistes », qui refusaient que le Dieu créateur de l’Écriture (« démiurge »), austère et jus-ticier, soit aussi le père de Jésus. Marcion était certainement le plus caractéris-tique de cette tendance, mais Justin nomme aussi les Valentiniens, les Basili-diens et les Saturniliens (Dial. 35.5), et il y avait probablement d’autres groupes. Après cette introduction, l’A. procède en cinq chapitres : 1. – Justin Martyr, Heresy Hunter. Justin avait déjà commencé à s’en pren-dre aux autres tendances chrétiennes dans sa Première Apologie, composée quelque dix ans auparavant et adressée aux empereurs, au Sénat et au peuple romain, quand les chrétiens étaient soupçonnés d’activités illégales. On juge souvent que son premier souci est de prévenir la persécution des chrétiens, mais en fait il s’agit surtout de ceux avec qui il est d’accord, car il va presque jusqu’à recommander la persécution des autres, qui sont « démiurgiques » et ne suivent pas la volonté du Père. Ce sont eux qu’apparemment il visait dans son traité Contre les hérésies, qui est maintenant perdu, mais qu’il cite en 1 Apol. 26. En particulier, il s’en prend à Simon le Magicien, qui passait pour un dieu et baptisait en son propre nom, et surtout qui avait impressionné des sénateurs et gardait une bonne réputation à Rome. 2. – The Case for an Internal Audience. Une question disputée est le public que visait Justin. Quelques indices ont été exploités : ainsi, la finale paraît adresser l’ouvrage à un païen (Dial. 141.5) : « Ayant dit cela, très cher Marcus Pompeius, je conclus. » Ou encore, comme les compagnons de Tryphon étaient probablement juifs, ils pourraient représenter le public visé, d’autant plus que le salut ultime des Juifs est annoncé. Pourtant, Justin les traite brutalement dans certains passages. Pour trancher, l’A. s’attache au mode de production et de diffusion des livres dans le monde romain : sauf dans le cas de publications pa-tronnées par l’empereur, ou de pétitions publiques comme l’Apologie, les écrits circulaient entre amis et connaissances ; il n’y avait pas de marché proprement dit. Cela signifie que le Dialogue, un ouvrage long et sûrement coûteux à co-pier, était essentiellement destiné aux chrétiens, peut-être même d’abord aux disciples directs de Justin. 3. – The Dialogue as an Antiheretical Text. Il s’agissait pour Justin de con-vaincre les chrétiens de l’erreur des « démiurgistes », avec une argumentation biblique à double portée : d’une part, à l’usage des Juifs, Jésus est bien le Mes-sie annoncé par les Prophètes ; d’autre part, à l’usage des chrétiens, l’Écriture est essentielle pour comprendre Jésus. Cependant, on voit que le premier aspect n’est pas central, alors que tous les thèmes abordés dans le Dialogue sont perti-nents pour le débat entre chrétiens, qu’il s’agisse de la Loi, de la nature de Dieu, ou du nouvel Israël : la nouvelle Loi des chrétiens n’a de sens que parce qu’elle était déjà annoncée dans l’Écriture. Il est notable qu’Irénée et Tertullien traitent des mêmes questions dans leurs écrits dirigés expressément contre les Marcionites et autres « démiurgistes ». Mais s’il en est ainsi, il faut se deman-der pourquoi Justin a choisi la forme d’un dialogue avec un Juif. 4. – “Heresy” and the Composition of the Dialogue. Le fait que la majorité des Juifs ait refusé de reconnaître Jésus est un solide argument des « démiur-gistes ». Or, c’est justement sur ce point que Tryphon va être utile : en effet, celui-ci est d’accord avec de nombreuses raisons bibliques avancées par Justin, même s’il ne croit pas ; sa résistance à la conversion en fait donc un interlocu-teur utile, qui valorise l’Écriture. C’est particulièrement frappant après l’échec de la révolte de Bar Kokhba, qui prouve, diraient les « démiurgistes », que le Dieu des Juifs est voué à l’échec. Au contraire, dit Justin, c’est une juste puni-tion, cohérente avec les prophéties, pour n’avoir pas accueilli le christianisme. En fait, les « démiurgistes » s’appuient sur un platonisme plus ou moins expli-cite, et c’est pourquoi Justin a tenu, en introduction, à écarter la philosophie comme inopérante ; pour lui comme pour Tryphon, c’est l’Écriture qui est la source de toute sagesse. 5. – In Favor of Heresiology. Les passages où Justin s’oppose expressément aux hérétiques ont été reconnus depuis longtemps, mais ils sont souvent consi-dérés comme des digressions en marge du projet principal concernant les Juifs. Il s’agit surtout des « démiurgistes », qui blasphèment « le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob ». Le terme hairesis, qui signifiait couramment « choix » ou « école de pensée », prend chez Justin le sens de « déviance », qu’il a con-servé. Ainsi, il peut être considéré comme l’inventeur de l’hérésiologie. Comme cette sorte de division au sein du christianisme pourrait affaiblir son propos apologétique, il prend soin de montrer que les divisions entre Juifs sont au moins aussi importantes, et de rappeler que Jésus les a prédites. Il donne une liste de sept « hérésies » juives : Génistes, Méristes, Galiléens, Helléniens, Bap-tistes, Pharisiens et Sadducéens ; le premier terme correspond aux Minim rab-biniques, le second peut désigner des dissidents, et les cinq derniers paraissent figurer dans les Actes (Judas le Galiléen, les Hellénistes, etc.). Par ailleurs, l’absence des Esséniens et des Thérapeutes dans la liste indique que Justin ne connaissait ni Philon ni Josèphe. Après une conclusion résumant ces chapitres l’A. met un appendice pour montrer que Justin connaissait les Actes, question débattue depuis longtemps. Il y a des analogies de vocabulaire certaines, et la similitude la plus notable est l’envoi en mission lors de l’Ascension de Jésus : selon 1 Apol. 50.12, les dis-ciples reçurent le pouvoir envoyé par lui et allèrent enseigner dans toutes les nations, et ils furent appelés apôtres ; selon Ac 1,8-9, Jésus leur annonce qu’ils recevront un pouvoir par l’Esprit saint et qu’ils seront ses témoins à Jérusalem, en Judée, en Samarie « et jusqu’à l’extrémité de la terre ». Malgré quelques redites, cette étude est remarquablement intéressante, et il faut considérer que la thèse de l’A. est prouvée : Justin a certainement en vue la conversion des Juifs, mais son objectif dominant est de convaincre les chré-tiens de l’erreur grave des « démiurgistes ». Les observations et les discussions qui suivent n’affectent pas cette conclusion.
Voici un petit livre qui pose de bonnes questions, à travers un constat : « La Bible apparaît dan... more Voici un petit livre qui pose de bonnes questions, à travers un constat : « La Bible apparaît dans l'histoire comme le paradigme de toute traduction. » Et la Vulgate de Jérôme en est un cas exemplaire, mais mérite-t-il encore le titre de « prince des traducteurs » ? Pour aborder une évaluation de cette oeuvre, C. Rico propose d'abord un parcours depuis l'Antiquité. Après une présentation d'ensemble, l'introduction retrace le contexte théo-rique de l'époque : Y at -il un étage supérieur de la pensée qui rende toutes les langues équivalentes ou interchangeable ? Non, bien sûr, sauf peut-être quelques nomenclatures univoques, distinctes de phrases. Mais qu'est-ce que parler ? Les théories du signe commencent avec Platon : son point de départ est la notion d'énoncé (λόγος), qui combine noms et verbes pour dire quelque chose. Après lui, Aristote procède autrement : il part des mots, qui symbolisent des représentations de la pensée ; pour lui, le nom n'a que le pouvoir de signi-fier ; de même l'énoncé, lequel a en outre le pouvoir d'affirmer ou de nier. Par la suite, les stoïciens, réfléchissant sur le processus de l'acquisition du langage, partiront du signe phonétique pour aller à la réalité signifiée, puis à la chose elle-même. Puis Augustin s'attache à l'acte de parole, où il distingue la parole prononcée, qui est passagère, de la pensée intérieure verbalisée, qui est perma-nente ; il ajoute la réalité que désignent ces deux éléments du signe, qui peut être un mot ou un énoncé. Thomas d'Aquin le prolonge en distinguant plusieurs étapes entre la chose (res) et la parole prononcée : il y a d'abord une intellection intérieure, puis un modèle mental de ce qui va être dit. Par la suite, les ré-flexions se prolongent dans diverses directions : pour les nominalistes, seuls existent les individus, les concepts n'ayant pas d'existence extramentale, ce qui s'oppose au réalisme d'Aristote ; au contraire, pour les logiciens de Port-Royal, l'énoncé est d'abord un jugement sur une réalité. Enfin, Saussure au XX e siècle introduit une distinction essentielle entre langue et parole : alors que la repré-sentation se rattache à l'acte de parole, la langue n'est qu'un potentiel de signes propres à une société donnée, qui associent des signifiants acoustiques à des réseaux de signifiés. Ainsi apparaissent avec netteté les problèmes de traduction de langues anciennes : un texte est comme un acte de parole figé, mais la langue qui l'a émis a disparu avec la société associée. Le premier chapitre expose les diverses attitudes des Anciens, qui ont laissé de nombreuses traductions. Illustrés par Cicéron, les Latins distinguaient entre le transfert mécanisable des mots d'une langue à l'autre (interpretari) et la tra-duction soucieuse de transmettre exactement le message (vertere). Il s'agit donc d'un art, qu'on peut mesurer lorsqu'on dispose de deux traductions du même ouvrage, mais l'on hésite parfois à fixer une préférence. L'ancienne traduction syriaque de la Bible est moins littérale que les suivantes ; c'est le contraire pour l'ancienne traduction latine, comparée à la Vulgate. La collection classique
Les problèmes historiques relatifs aux débuts du christianisme et à la formation du judaïsme rabb... more Les problèmes historiques relatifs aux débuts du christianisme et à la formation du judaïsme rabbinique ne sont pas nouveaux, mais ils sont en général étu-diés séparément. Un colloque tenu à Bruxelles en 2011 s'est attaché à les examiner ensemble, et les actes en sont présentés par les organisateurs, P. Tomson et J. Schwartz.
La figure de Moïse, qui domine le Pentateuque, a donné lieu à d'innombrables interprétations et à... more La figure de Moïse, qui domine le Pentateuque, a donné lieu à d'innombrables interprétations et à des productions artistiques de toute nature. Face à cette réception foisonnante, l'A. se propose de remonter en amont : Que s'est-il passé au juste ? La question est très vaste, et dans cette livraison l'A. offre une synthèse sur la première phase, qui court de l'oppression des Israélites à la traversée de la mer Rouge. L'étude est détaillée et très claire, avec divers tableaux. De nom-breux aspects du récit sont illustrés par des documents provenant de cultures voisines (Égypte, Mésopotamie au sens large) et des parallèles bibliques. L'exposition de la stratigraphie littéraire en montre l'extrême complexité. L'A. distingue en conclusion cinq moments décisifs : 1. Origines orales (IX e ou VIII e s.) dans le royaume du nord (Israël), d'une tradition de sortie d'Égypte reflétant des conflits entre l'Égypte et des groupes nomadiques (Shassu, Apiru) ; 2 Après la chute de Samarie en-722, transfert au VII e s. de cette tradition d'exode dans le royaume de Juda et construction, par les scribes du roi Josias, d'une « vie de Moïse » à l'image des rois assyriens, non sans souvenirs de la cour égyptienne, d'où une double identité de Moïse, à la fois hébraïque et égyp-tienne ; 3. Après la destruction de Jérusalem en-587, l'histoire de Moïse est re-visité par les exilés sous deux angles : d'abord, pour le courant deutéronomiste il est le premier des prophètes d'Israël et leur précurseur, alors que Pharaon, noyé avec son peuple dans la mer Rouge, est vaincu par un Yhwh guerrier ; 4. Ensuite est introduit un complément sacerdotal concurrent, où Aaron est in-troduit comme ancêtre des prêtres, où Moïse reçoit une nouvelle révélation du nom divin, et où le miracle de la mer a l'allure d'une nouvelle création ; 5. Vers le milieu de l'époque perse, des rédacteurs ont combiné les versions deutérono-mistes et sacerdotales, en l'enrichissant d'autres récits, où en particulier des femmes étrangères jouent un rôle décisif, en opposition avec les doctrines d'Esdras et de Néhémie, qui les excluent. Ce résumé rend mal compte d'innombrables observations judicieuses et de l'apport multiple des sources externes. Il appelle cependant quelques observations , d'autant plus que les résultats proposés sont à la fois émiettés et hypothé-tiques dans le détail, quoique remarquablement simples dans la synthèse. Il faut d'abord se demander quel est le statut des ultimes rédacteurs. Car il y un paradoxe : d'un côtés ils ont procédé à des harmonisations d'interventions antérieures (deutéronomistes et sacerdotales), mais en même temps ils ont laissé des discordances nettes. On pourrait comprendre qu'ils aient compilé passive
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Papers by Etienne Nodet
The aim of this study is to repair a historical injustice, which has presented the Samaritans’ religion as a degraded form of Judaism, whereas surrounding Mount Gerizim, their sacred mountain overlooking the ancient city of Shechem, they are in fact to this day the direct heirs of the ancient Israelites.
What Happened?
The story of the Good Samaritan is so famous that the inn he found on the road down from Jerusalem to Jericho is still shown. Yet when Jesus sent his disciples on a mission, he told them not to go to the Gentiles or to the Samaritans, but only to “the lost sheep of the house of Israel.” Samaria was conspicuous, even cumbersome, for it formed a kind of barrier between Jewish Galilee and Judea, while only the Jews were considered the rightful heirs of biblical Israel. “Salvation comes from the Jews,” Jesus firmly told a Samaritan woman.
If we go further back, there is no doubt that the Hebrew Bible presents the Samaritans as foreign settlers who vaguely adopted the religion of Israel, while mixing it with their original paganism. Later, it is the Samaritans who oppose the return of the exiles to Jerusalem, although it is not clear why. On the one hand, before the exile, the north around Shechem took the name of kingdom of Israel it is after Solomon and the splitting of his kingdom; but it is considered dissident, whereas the south around Jerusalem, is only the kingdom of Judah; however, the latter claims to be the heir of David, the ancestor of the Messiah—and this is a lofty perspective. On the other hand, after the exile, the returning Jews only know Jerusalem and claim, together with Ezra and Nehemiah, that they alone are the true Israel.
Modern studies are mainly concerned with the Hebrew Bible, but when it comes to the Samaritans they stumble a bit, because it is obvious that their traditions, although poorly preserved, are strictly faithful to biblical monotheism, without any trace of syncretism. Now, to get a clearer view, a glance at recent archaeological work can be helpful, since we now know that at least since the fifth century there was a great sanctuary without idols at Gerizim; however, it will be above all necessary to consider Jewish sources that have come down to us only in Greek and been underestimated. Two salient facts can be indicated at the outset: on the one hand, at the time of the Maccabean crisis (167-164), the two temples of Jerusalem and Gerizim were equally honored by the Israelite nation, without any apparent conflict; the definitive and brutal separation between the Samaritans and the Jews came later. On the other hand, Flavius Josephus, the only preserved first-century historian of Judea, provides—as if in spite of himself—elements that make it possible to give the Samaritans once again an honorable position in ancient Israelite history, even though he hates them and criticizes their versatility.
Some recent discoveries at the Mount Gerizim excavations, to-gether with the documents unearthed at W. Daliyeh (Samaria) and Elephantine (Egypt), provide significant clues to Israelite history in the Persian period (Vth and IVth cent. BCE). Indeed, they clash with the narratives of Ezra-Nehemiah and Josephus Flavius, because of their Judean and anti-Samaritan biases. This study aims at a reassessment, showing that the Samaritans of She¬chem reflect the most ancient Yahwist monotheism, away from the city of Samaria, founded in the IXth cent.
The first chapter focuses on the Persian period. There was at first a common Israelite cult at the precincts of Gerizim and Jerusa¬lem. Later two novelties came in Judaea : some Prophets wanted and obtained a temple (God’s dwelling place), and a group of reformers came from Babylonia (Josephus’ “Elders”, Ezra, Ne¬hemiah) and built up a somewhat sectarian party. These conclu¬sions involve major biblical problems.
The second and third chapters examine the adjacent periods : first, the later relationship between the Jews and Shechemites after Alexander, focusing upon the Maccabean crisis and the erection of the Onias Temple in Egypt, which was for several years the center of Judaism; then certain Biblical pre-exilic features. Solomon’s temple definitely has a Phoenician flavor, and primitive Yahwism has to be found around Shechem, under the shadow of Jacob and the non-Mosaic covenant of Joshua.
Since these topics are somewhat controversial, two responses are added: on Israelite society under the Achemenids, and on the dating of 1-2 Chronicles.
L’A. a procédé à un inventaire très complet de tout ce qui concerne Onias, sa dynastie et son entourage, en vue d’en tirer le maximum. Beaucoup d’analyses sont fines, et il faut probablement le suivre pour les circonstances de l’érection du temple, qui fut pendant sept ans l’unique sanctuaire juif en fonc-tion (159-152, cf. AJ 20:237), mais il est gêné par quelques présupposés non surveillés.
Le plus courant est l’oubli des samaritains, à cause de la coutume propre-ment juive d’en faire une dissidence du judaïsme. Lorsque le roi Démétrios de Syrie offre à Jonathan trois nomes du district de Samarie pour les rattacher à la Judée, ou au moins à Jérusalem, 1 M 10,38 précise que les habitants devront reconnaître l’autorité du grand prêtre de Jérusalem (de même AJ 13:54) ; l’A. en conclut qu’ils ne devront pas s’attacher au temple d’Onias. C’est certain, mais il s’agit surtout d’autre chose : ces samaritains devront se détacher du temple du Garizim pour se tourner vers Jérusalem. Cela signifie que les deux cultes israélites étaient semblables, et telle était la situation traditionnelle jusqu’à la crise maccabéenne : lors des persécutions d’Antiochos IV, celui-ci retournant à Antioche « laissa des préposés pour faire du mal à la nation, Phi-lippe à Jérusalem… et Andronique au mont Garizim » (2 M 5,22). Ensuite, Antiochos envoya « profaner le temple de Jérusalem et le dédier à Zeus Olym-pien, et celui du Garizim à Zeus Hospitalier ». La nation israélite avait deux temples légitimes au Pays d’Israël.
Un autre préjugé usuel est de croire que le régime asmonéen fut accepté par l’ensemble des juifs, ce qui conduit à une interprétation forcée de certaines sources. C’est le cas avec 2 Maccabées : ainsi, il est arbitraire comme le pro-pose l’A. de faire de l’assassinat d’Onias à Daphné un martyre entièrement fic-tif rehaussant la dignité de la fonction du futur grand prêtre asmonéen. En effet ce livre, qui commence par l’échec d’Onias, le meilleur des grands prêtres, est un récit de fondation pour la commémoration de la victoire de Judas Maccabée sur Nicanor, le général ennemi, à la suite de quoi Jérusalem libérée est rendue aux Hébreux, sans indication de grand prêtre ou de gouvernement (2 M 15,37) ; Dieu est présent dans le Temple, ce qui invite au pèlerinage, mais il n’y a aucune autorité en place. Cela se passe bien avant la mort de Judas en -162 et avant tous les événements qui se déroulent sous les premiers asmonéens, Jonathan et Simon, jusqu’à la libération de Jérusalem et à la reconnaissance de Rome en -142 (1 M 15,15). Davantage : selon les documents cités en 2 M 11,16-33, les persécutions ont cessé au printemps -164 (cf. aussi 2 M 8,31), soit quelque neuf mois avant le haut fait de Judas Maccabée, tel que commé-moré par la Dédicace (le 25 Kislev, 1 M 4,59).
Quant aux motivations d’Onias pour construire son temple, l’A. ne retient que la volonté d’accomplir la prophétie d’Is 19,18-19 : « En ce jour-là, cinq cités au pays d’Égypte parleront la langue de Canaan et prêteront serment à Yhwh Sabaot. L’une des cités sera appelée Ville du Désastre (TM הרס ‘du dé-sastre’, versions et 1QIsaa חרס ‘du Soleil’, LXX ασεδεκ ‘de la Justice’). » Il s’agit donc bien d’Héliopolis. La LXX, avec une fausse transcription, met une expression « Ville de la Justice » normalement réservée à Jérusalem (Is 1,26), ce qui donne à penser que la traduction en a été faite autour du temple d’Onias (cf. RB 2014, p. 629-630). En outre, la suite attire l’attention (v. 23-24) : « Ce jour-là, il y aura un chemin allant d’Égypte à Assur ; Assur viendra en Égypte et l’Égypte en Assur… Ce jour-là, Israël viendra en troisième avec l’Égypte et Assur. » Si l’on prend cette prophétie comme une allusion historique à la ma-nière de Dn 11, on ne trouve qu’une circonstance, rapportée par Josèphe (AJ 13:80-84) : après la mort au combat de Démétrios Ier de Syrie, Alexandre Ba-las, qui se disait fils d’Antiochos IV, lui avait succédé avec l’approbation du Sénat de Rome. Il demanda alors à Ptolémée VI de lui accorder sa fille en ma-riage ; les noces furent célébrées à Ptolémaïs-Akko en -150, et Jonathan fut in-vité par les deux rois conjointement (cf. 1 M 10,60). Il y a donc lieu de croire que le passage d’Isaïe a été rédigé après ces événements.
Par ailleurs, la généalogie des oniades est confuse. Josèphe s’est efforcé d’en faire les successeurs des grands prêtres de l’époque perse, lesquels auraient même, selon des interprètes modernes, une légitimité sadocite remontant au temps de David, mais c’est impossible, pour au moins deux raisons. D’une part, Sadoq fils d’Ahitub n’était qu’un prêtre dont la tâche était de garder l’Arche d’alliance ramenée par David à Jérusalem (2 S 15,24) ; plus tard, c’est lui qui oignit Salomon comme roi (1 R 1,39), mais ensuite, c’est Salomon qui présida au culte du temple nouveau (1 R 8,5), et Sadoq n’eut pas de postérité spécifique (cf. Esd 7,1-5).
D’autre part, la continuité dynastique des grands prêtres de Jérusalem, de la période perse à l’époque hellénistique est très douteuse (tableau ci-après, nos 6 et 7). En effet, à partir d’Alexandre (-332), les grands prêtres après Yaddua ont des noms nouveaux, et surtout leur succession est étrange, surtout après Si-mon Ier qui est bizarrement séparé de son fils. En fait, on ne sait rien d’Onias Ier ni de Simon Ier, et il y lieu de supposer qu’ils ont été introduits par papponymie, peut-être par Josèphe, de manière à combler un vide après l’époque perse. Par ailleurs, il a été démontré que Simon le Juste devait être identifié au fils d’Onias mentionné en Si 50:1 et daté vers 220-195. Pour ces raisons, on remplace pour une meilleure vraisemblance Onias II et III par Onias A et B. Il y aurait donc bien une lacune après Alexandre, que Josèphe s’est efforcé de masquer.
Il faut observer en outre que le nom « Onias » est yahwiste : de même que Ησαιας correspond à ישעיהו « Isaïe », de même Ονιας doit refléter אוניהו ou אוניה (ou חוניהו de m.Menahot 13:10). De plus, on discerne une origine égyp-tienne : selon Ex 1:11, les Israélites ont dû construire les villes-entrepôts de Pi-thom et Ramsès, et la LXX ajoute « Ôn », d’abord transcrit Ων, puis traduit Ἡλίου πόλις « Héliopolis, Ville du Soleil » ; c’est une allusion au culte de Rê-Ra, alors que Ων est une transcription de Jwnw « ville-colonne » (connu dans la Bible comme און, cf. Gn 41:45).
À cet égard, la demande d’Onias à Ptolémée a une formulation intéressante (AJ 13:65-67) : ayant vu que dans la région d’Héliopolis les juifs avaient de nombreux sanctuaires et se trouvaient désunis, il se propose de les fédérer et pour cela sollicite l’autorisation de restaurer la forteresse dite de Bubastis (« Cité de Bast », déesse en forme de lion, d’où le nom grec de Léontopolis), pour en faire un temple analogue à celui de Jérusalem. Que cette ruine soit dis-ponible au bon endroit, au voisinage de juifs divisés, est remarquable, et il faut se demander s’il ne s’agissait pas d’un ancien sanctuaire juif lié aux ancêtres d’Onias. Dans un contexte ultérieur, Josèphe donne quelques indications sur une lignée de grands prêtres « boéthosiens » : sous Hérode, Simon fils de Boé-thos, ou plus probablement Simon Boéthos (24-5, cf. AJ 15:320-322), d’origine égyptienne, puis Joazar fils (ou frère) de Boéthos (en -4, 17:165) ; sous Archélaüs (de -4 à 6, 17:339 et 18:3), Éléazar son frère, a été nommé deux fois ; enfin, sous le roi Agrippa Ier (41-44, 19:297), on rencontre Simon Canthéras fils de Boéthos. Cette famille égyptienne, dépourvue d’origine ju-déenne identifiable, eut donc une importance notable sur au moins deux géné-rations ; les sources rabbiniques la connaissent et la critiquent pour être attachée au calendrier dit des Jubilés, commun aux sadducéens et aux esséniens, ce qui est très significatif (cf. RB 2012, p. 186-212). On peut ainsi conjecturer avec vraisemblance un lien généalogique entre Onias et Boéthos, dont le nom cor-respond à Azarel, Azriel ou Ezra (Esdras).
Resurrection in Retrospect: A Critical Examination of the Theolo-gy of N.T. Wright, par Peter CARNLEY. 17 x 25 ; XIII-312 p. Cam-bridge, James Clarke & Co., 2020. — Br., 25 £ (ISBN 978-0-227-17715-0 ; pdf 978-0-227-90716-0).
The Reconstruction of Resurrection Belief, par Peter CARNLEY. 17 x 25 ; XIV-355 p.; ill. Cambridge, James Clarke & Co, 2020. — Br., 25 £ (ISBN 978-0-227-17714-3 ; pdf 978-0-227-90715-3).
En 2003, N.T. Wright publiait un ouvrage de théologie fondamentale The Resurrection of the Son of God, qui proposait un renouveau de la « théologie naturelle » et qui ne passa pas inaperçu. Il le reprit et le développa dans une sé-rie de Gifford Lectures, tenue à St-Andrews (Écosse) en 2018. L’ouvrage qui en est issu est présenté et discuté ci-après. Ensuite est examiné le volume double de P. Carnley, qui d’abord discute la synthèse de Wright, puis propose la sienne.
Le point de départ de Wright est qu’on ne peut exclure la Bible de la nature, laquelle inclut l’histoire. Jésus en fait partie, avec son contexte juif, et l’événement de sa résurrection fonde à nouveau la création ; le ressort essentiel en est l’amour, qui donne une autre forme de connaissance. L’ouvrage com-prend huit chapitres, répartis en quatre parties.
1. – Up to Jerusalem. La crise maccabéenne (167-164) aboutit à une revalo-risation du Temple puis à l’installation de la dynastie asmonéenne, qui mena une politique d’expansion. En -63, Pompée inaugura la domination romaine en arbitrant une guerre civile entre deux prétendants frères. Il réduisit fortement le territoire de la Judée, puis face à une menace parthe Hérode le Grand se fit nommer roi-client par Rome en -40, et il sut reconquérir l’ensemble du do-maine des 12 tribus du temps de Moïse et Josué. Puis, au terme de nombreux travaux, il reconstruisit somptueusement le Temple. Les évangiles synoptiques font de la vie publique de Jésus une unique montée vers Jérusalem et ce Temple. C’est là qu’après sa disparition se regroupèrent les disciples, alors qu’ils étaient d’ori¬gine galiléenne.
L’A. suit sans critique la théorie des Deux-Sources, et conclut que la con-damnation de Jésus est inintelligible, ce qui est parfaitement exact. Par contre, celle-ci est très claire chez Jn : le mouvement de Jésus a pris de l’extension, puisqu’on en voit des traces à Damas (Ananie qui accueillit Saul-Paul) et à Alexandrie (Apollos), de sorte que le grand prêtre Caïphe craignait une répres-sion romaine (11,48-50). En effet, la Judée avait été formellement rattachée à la Syrie après le renvoi d’Archélaüs en 6, mais avec un statut spécial : Pilate était l’un des préfets, qui étaient essentiellement chargés de faire la police, car les pèlerinages attiraient d’énormes foules toujours prêtes à s’enflammer. Quant à la centralité du Temple pour tous les Juifs, l’A. confond la « maison de prière », qui est la patrie de Jésus, et le système sacrificiel, dont il ne veut pas. En effet, il était disciple de Jean-Baptiste, dont le baptême de conversion repré-sentait une opposition directe aux rites du Temple. Il faut ajouter que Paul dans ses lettres ne mentionne le Temple que symboliquement, alors que pour lui le baptême est essentiel.
2. – God’s Holy Mountain. Jésus a renversé les tables des changeurs, et le thème de la disparition du Temple est très présent. Jésus le prédit expressément, ayant peut-être perçu que le système de pouvoirs qu’il a vu à Jérusalem est in-trinsèquement instable, du fait de l’agitation juive face à la force romaine. De fait, Jésus subit un supplice romain, justifié par le titre royal figurant sur l’écri-teau de Pilate. Pourtant, ses compagnons ne furent pas inquiétés, alors que Jé-sus avait fait une entrée triomphale à Jérusalem comme fils de David, d’où un possible mouvement de foule (et non de disciples) lors de la Pâque imminente – et la crainte de Pilate, qui ne pouvait comprendre les prophéties eschatolo-giques de Jésus. Quant aux procès, l’A. reconnaît que l’arrestation par des pro-fessionnels est plausible, puis que la comparution au sanhédrin en pleine fête n’a aucun sens ; ces deux éléments s’accordent avec Jn. Par contre, une cruci-fixion bien visible pouvait calmer la foule, selon une coutume très romaine.
Ainsi, l’A. est revenue insensiblement au récit de la Passion selon Jn, qui effectivement n’offre aucune difficulté institutionnelle, alors que le récit des synoptiques, qui bouscule les institutions juives, est incompréhensible. Il fallait poursuivre dans deux directions. D’abord, l’examen des éphémérides de l’épo-que montre que pendant le mandat de Pilate (25-37) la veille de Pâque (14 Nis-sân) n’est jamais tombée un jeudi, mais deux fois un vendredi, en 30 et 33. Cette dernière date est sans doute à préférer, puisqu’il y eut alors une éclipse du lune, visible après le coucher du soleil. Ensuite Josèphe, dans la version sla-vone de la Guerre, donne un récit de la Passion en deux temps : Jésus ayant été dénoncé (cf. Jn), Pilate le relâche comme inoffensif, puis un peu plus tard, les chefs juifs le soudoient pour qu’il le crucifie « contrairement aux traditions an-cestrales ». Josèphe réprouve la manœuvre, mais par la suite, dans les Antiqui-tés, il donne une courte notice selon laquelle Jésus a fondé un mouvement mê-lant Juifs et Grecs. Cela justifie sa condamnation aux yeux de Josèphe, qui suppose que l’engeance des chrétiens va disparaître, alors même que le ju-daïsme se propage partout. Quant à Paul, il a évolué : en 1 Th 2,15 il reproche aux Juifs d’avoir mis à mort Jésus, mais dans la suite la croix du Christ est de-venue le pilier de son évangile (1 Co 1,23 etc.).
3. – From Miracle to Mission. Jésus a annoncé sa résurrection pendant sa vie publique, et les disciples, après avoir fui, ont vu le ressuscité en chair et en os ; le cas de Paul est spécial, puisqu’il fait état d’une révélation, et non d’une vision. Dans tous les cas, il s’agit d’un signe annonçant un retour proche et dé-finitif, avec le jugement de la fin des temps – en principe à Jérusalem, selon les prophètes. Mais en même temps, Jésus a averti (Lc 17,21) : « Le Royaume de Dieu est parmi vous. » De fait, le retour visible de Jésus n’est pas arrivé, et c’est alors que l’Écriture a été invoquée pour transformer l’identité du Messie, com¬me le montre l’épisode des disciples d’Emmaüs. Et c’est alors que la mis-sion a commencé.
Dans cet ensemble, l’A. paraît confondre le « mouvement de Jésus », essen-tiellement juif, et le christianisme paulinien, qui domine l’ensemble du NT. Clément d’Alexandrie explique (Strom. 7.17) : Jésus a enseigné sous Tibère, puis les apôtres, « embrassant le ministère de Paul » (cf. 2 P 3,15), ont ensei-gné jusqu’à Néron, et les hérésies n’ont commencé que sous Hadrien. En effet, le kérygme propre à Paul est très singulier (1 Co 15) : mort et résurrection du Christ selon les Écritures pour la rémission des péchés. Autrement dit, le juge-ment final est réalisé pour le croyant, ce que ne disent guère Pierre ou Jacques. En effet, Paul argumente ensuite sur la réalité de la résurrection, mais la trom-pette finale n’est plus le signe d’un jugement ultime. Jésus fait une déclaration analogue en Jn 6,54 : « Qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle, et je le ressusciterai au dernier jour. » La fin des temps est devenue une sorte de résidu. Quant à l’Écriture, c’est l’Esprit saint qui lui a donné de parler au pré-sent, c’est-à-dire de remodeler la disparition injuste de Jésus sous la forme d’un deuil fertile. De la même manière, Platon, qui a commencé par fuir le suicide forcé de Socrate, lui a ensuite assuré une survie féconde.
4. – Beginning from Jerusalem. Le terme Messie, ou Oint, a des usages va-riés dans l’AT et à Qumrân, mais le modèle de David, dont l’héritier sera fils de Dieu, domine dans le NT. Les récits de l’enfance remontent même plus haut : à Abraham pour Mt, à Adam pour Lc. Pour Paul, la qualité de « fils de Dieu » se rattache expressément à la résurrection, où Jésus va revenir triom-phant, tout comme David en son temps. Dans son discours à la Pentecôte, Pierre ignore Pilate et apostrophe les pèlerins juifs : celui que vous avez fait crucifier, Dieu l’a ressuscité conformément aux Écritures, et il l’a établi comme Messie ; la fin ultime est ignorée. Une faute majeure, qui a eu pour conséquence la ruine de Jérusalem, est pardonnée. Puis survient la persécution autour d’Étienne, ce qui déclenche des missions hors de Jérusalem : Judée, Samarie, puis Chypre et Antioche. En fait, l’avènement messianique tarde, et Paul doit expliquer qu’il faut laisser du temps à la mission auprès des nations.
L’A., hypnotisée par le thème de l’urgence eschatologique, donne un récit décousu. Il fallait d’abord situer l’attitude de Rome à l’égard des Juifs, qui est illustrée par une allusion de Cicéron reflétant manifestement une opinion com-mune : il rappelait en -59 que les Juifs, tolérés comme associations, formaient une réalité transrégionale très solidaire ; il indiquait que le judaïsme était une superstitio barbara, peu compatible avec le droit romain. Bien entendu, il s’agissait d’une réalité bien plus vaste que la petite Judée. On estime que sous Claude (41-59) la minorité juive représentait quelque 10% de la population de l’empire, ce qui créait des frictions, du fait des différences de coutumes : les Juifs, comme plus tard les chrétiens, se refusaient à participer aux cultes ci-viques, ce qui devenait vite un sacrilège, puisque l’empereur était divinisé. Dé-jà César avait tenté de créer un espace juridique aux Juifs, lesquels furent les premiers à le pleurer lors de son assassinat, rapporte Suétone. En -63, avec l’arrivée de Pompée, la Judée passa définitivement dans l’orbite romaine. C’est alors qu’une agitation zélote durable naquit en Galilée et se répandit en Judée (la 4e philosophie de Josèphe, qu’il qualifie aussi de « brigands », comme Ba-rabbas). C’était une résistance armée à la domination romaine, qui se poursuivit sous diverses formes et qui fut la cause de la guerre de 66-73. C’est bien dans cet esprit que les disciples de Jésus voulaient le faire roi ; les qualifications de Messie ou de fils de David sont un habillage biblique, mais l’horizon était la restauration de la royauté en Israël (cf. Lc 24,21), et non le salut du monde. Son retour glorieux était attendu en ce sens (Ac 1,6), et l’Esprit saint annoncé devait envoyer les apôtres « à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre » (Ac 1,8), c’est-à-dire du Pays d’Israël, ce qu’on voit bien dans la suite, avec les parcours de Pierre et Jean, qui évangéli-sent en Samarie et ne quittent pas la Palestine.
Le Dialogue, composé vers 160, est l’un des écrits les plus importants pour saisir deux aspects concomitants essentiels des débuts du christianisme : unifica-tion interne, et séparation du judaïsme. En effet, il est couramment admis que Justin s’attache à bien séparer le judaïsme du christianisme, mais il ne faut pas perdre de vue qu’il est aussi l’inventeur de la notion d’hérésie ; il y avait en son temps plusieurs façons très différentes de se dire chrétien, et il s’est efforcé de clarifier ses propres choix contre d’autres options.
Pour montrer que le projet de Justin était complexe, l’A. commence par no-ter quelques singularités du Dialogue : en prologue figure une critique des écoles philosophiques (Dial. 1-9), ce qui n’a pas de rapport clair avec le débat judaïsme-christianisme ; ensuite, le texte est très long et répétitif, avec de longues citations de la LXX, parfois abrégées par les copistes ; enfin, après deux jours entiers de discussions, ni Tryphon ni aucun de ses compagnons ne sont gagnés au christianisme, bien qu’ils aient souvent accepté l’argumentation scripturaire, ce qui est paradoxal. Convaincus que l’essentiel de l’ouvrage est le débat entre judaïsme et christianisme, la plupart des commentateurs se sont bornés à ignorer comme digressions les passages divergents, ou même à suppo-ser une histoire littéraire torturée.
L’A. juge qu’une autre démarche est possible, en partant d’une réalité dis-cernable au IIe siècle, que le christianisme et le judaïsme sont loin d’être uni-fiés : c’est une erreur d’opposer purement et simplement la théologie pauli-nienne au système rabbinique, car il y avait de la diversité des deux côtés, avec des frontières imprécises. Justin jugeait inacceptable cette variété chrétienne. En particulier, il voulait réfuter ce qu’il appelle les « chrétiens démiurgistes », qui refusaient que le Dieu créateur de l’Écriture (« démiurge »), austère et jus-ticier, soit aussi le père de Jésus. Marcion était certainement le plus caractéris-tique de cette tendance, mais Justin nomme aussi les Valentiniens, les Basili-diens et les Saturniliens (Dial. 35.5), et il y avait probablement d’autres groupes.
Après cette introduction, l’A. procède en cinq chapitres :
1. – Justin Martyr, Heresy Hunter. Justin avait déjà commencé à s’en pren-dre aux autres tendances chrétiennes dans sa Première Apologie, composée quelque dix ans auparavant et adressée aux empereurs, au Sénat et au peuple romain, quand les chrétiens étaient soupçonnés d’activités illégales. On juge souvent que son premier souci est de prévenir la persécution des chrétiens, mais en fait il s’agit surtout de ceux avec qui il est d’accord, car il va presque jusqu’à recommander la persécution des autres, qui sont « démiurgiques » et ne suivent pas la volonté du Père. Ce sont eux qu’apparemment il visait dans son traité Contre les hérésies, qui est maintenant perdu, mais qu’il cite en 1 Apol. 26. En particulier, il s’en prend à Simon le Magicien, qui passait pour un dieu et baptisait en son propre nom, et surtout qui avait impressionné des sénateurs et gardait une bonne réputation à Rome.
2. – The Case for an Internal Audience. Une question disputée est le public que visait Justin. Quelques indices ont été exploités : ainsi, la finale paraît adresser l’ouvrage à un païen (Dial. 141.5) : « Ayant dit cela, très cher Marcus Pompeius, je conclus. » Ou encore, comme les compagnons de Tryphon étaient probablement juifs, ils pourraient représenter le public visé, d’autant plus que le salut ultime des Juifs est annoncé. Pourtant, Justin les traite brutalement dans certains passages. Pour trancher, l’A. s’attache au mode de production et de diffusion des livres dans le monde romain : sauf dans le cas de publications pa-tronnées par l’empereur, ou de pétitions publiques comme l’Apologie, les écrits circulaient entre amis et connaissances ; il n’y avait pas de marché proprement dit. Cela signifie que le Dialogue, un ouvrage long et sûrement coûteux à co-pier, était essentiellement destiné aux chrétiens, peut-être même d’abord aux disciples directs de Justin.
3. – The Dialogue as an Antiheretical Text. Il s’agissait pour Justin de con-vaincre les chrétiens de l’erreur des « démiurgistes », avec une argumentation biblique à double portée : d’une part, à l’usage des Juifs, Jésus est bien le Mes-sie annoncé par les Prophètes ; d’autre part, à l’usage des chrétiens, l’Écriture est essentielle pour comprendre Jésus. Cependant, on voit que le premier aspect n’est pas central, alors que tous les thèmes abordés dans le Dialogue sont perti-nents pour le débat entre chrétiens, qu’il s’agisse de la Loi, de la nature de Dieu, ou du nouvel Israël : la nouvelle Loi des chrétiens n’a de sens que parce qu’elle était déjà annoncée dans l’Écriture. Il est notable qu’Irénée et Tertullien traitent des mêmes questions dans leurs écrits dirigés expressément contre les Marcionites et autres « démiurgistes ». Mais s’il en est ainsi, il faut se deman-der pourquoi Justin a choisi la forme d’un dialogue avec un Juif.
4. – “Heresy” and the Composition of the Dialogue. Le fait que la majorité des Juifs ait refusé de reconnaître Jésus est un solide argument des « démiur-gistes ». Or, c’est justement sur ce point que Tryphon va être utile : en effet, celui-ci est d’accord avec de nombreuses raisons bibliques avancées par Justin, même s’il ne croit pas ; sa résistance à la conversion en fait donc un interlocu-teur utile, qui valorise l’Écriture. C’est particulièrement frappant après l’échec de la révolte de Bar Kokhba, qui prouve, diraient les « démiurgistes », que le Dieu des Juifs est voué à l’échec. Au contraire, dit Justin, c’est une juste puni-tion, cohérente avec les prophéties, pour n’avoir pas accueilli le christianisme. En fait, les « démiurgistes » s’appuient sur un platonisme plus ou moins expli-cite, et c’est pourquoi Justin a tenu, en introduction, à écarter la philosophie comme inopérante ; pour lui comme pour Tryphon, c’est l’Écriture qui est la source de toute sagesse.
5. – In Favor of Heresiology. Les passages où Justin s’oppose expressément aux hérétiques ont été reconnus depuis longtemps, mais ils sont souvent consi-dérés comme des digressions en marge du projet principal concernant les Juifs. Il s’agit surtout des « démiurgistes », qui blasphèment « le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob ». Le terme hairesis, qui signifiait couramment « choix » ou « école de pensée », prend chez Justin le sens de « déviance », qu’il a con-servé. Ainsi, il peut être considéré comme l’inventeur de l’hérésiologie. Comme cette sorte de division au sein du christianisme pourrait affaiblir son propos apologétique, il prend soin de montrer que les divisions entre Juifs sont au moins aussi importantes, et de rappeler que Jésus les a prédites. Il donne une liste de sept « hérésies » juives : Génistes, Méristes, Galiléens, Helléniens, Bap-tistes, Pharisiens et Sadducéens ; le premier terme correspond aux Minim rab-biniques, le second peut désigner des dissidents, et les cinq derniers paraissent figurer dans les Actes (Judas le Galiléen, les Hellénistes, etc.). Par ailleurs, l’absence des Esséniens et des Thérapeutes dans la liste indique que Justin ne connaissait ni Philon ni Josèphe.
Après une conclusion résumant ces chapitres l’A. met un appendice pour montrer que Justin connaissait les Actes, question débattue depuis longtemps. Il y a des analogies de vocabulaire certaines, et la similitude la plus notable est l’envoi en mission lors de l’Ascension de Jésus : selon 1 Apol. 50.12, les dis-ciples reçurent le pouvoir envoyé par lui et allèrent enseigner dans toutes les nations, et ils furent appelés apôtres ; selon Ac 1,8-9, Jésus leur annonce qu’ils recevront un pouvoir par l’Esprit saint et qu’ils seront ses témoins à Jérusalem, en Judée, en Samarie « et jusqu’à l’extrémité de la terre ».
Malgré quelques redites, cette étude est remarquablement intéressante, et il faut considérer que la thèse de l’A. est prouvée : Justin a certainement en vue la conversion des Juifs, mais son objectif dominant est de convaincre les chré-tiens de l’erreur grave des « démiurgistes ». Les observations et les discussions qui suivent n’affectent pas cette conclusion.