ANTIGONE Sophocle
« L’une des œuvres d’art les plus sublimes et à tous égards les plus accomplies de tous les temps1 . » Ainsi s’exprimait G.W.F. Hegel – un jugement largement partagé depuis par nombre de philosophes, écrivains ou hommes de théâtre2 . Antigone est en effet, avec Œdipe roi, l’un des sommets de la tragédie grecque. Et si l’œuvre de Freud a contribué à diffuser la légende œdipienne, le complexe éponyme ayant alors parfois éclipsé la geste malheureuse du fils de Laïos et de Jocaste3 , la pièce-adaptation de Jean Anouilh a su moderniser hors de tout complexe une Antigone résistante, qui dit « non » à l’ordre des choses que défend Créon, l’homme d’État qui doit tenir la barre par gros temps [voir encadré ci-contre].
En dépit de la distance des civilisations et du prisme déformant des traductions, le personnage de Sophocle – la jeune femme résolue, l’orgueilleuse fille d’Œdipe (et son bâton de vieillesse) – fait toujours entendre son refus indigné. Pour le meilleur souvent et pour le pire parfois,Antigone inspire génération après génération toutes celles et tous ceux qui refusent de transiger avec une réalité qu’ils jugent inacceptable. Sa voix vient pourtant d’une autre époque du monde. Une raison suffisante pour revenir sur ce chefd’œuvre et sur l’homme qui l’a composé.
Un poète tragique couronné
Sophocle a vécu quatre-vingt-dix ans, pendant une période exceptionnelle de l’histoire de l’humanité. Il a vu construire le Parthénon, Hérodote lire en public des passages de son Périclès vanter les mérites de la démocratie dans une célèbre oraison funèbre rapportée par Thucydide , Socrate « inventer » la philosophie en réaction à la culture rhétorique des
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