ILLIMITÉ
« La littérature est chassée par l’idéologie »
« Maria Pourchet enfreint les règles de l’idéologie. Et elle a été sanctionnée »
Avec l’intensité qu’il met en toutes choses, et on ne voudrait surtout pas qu’il en fût autrement, Alain Finkielkraut a décidé de consacrer un livre aux dangers encourus aujourd’hui par la littérature. Dans son dernier essai, il met au jour la façon dont les nouvelles idéologies – le néoféminisme, l’antiracisme, l’écologisme, etc. – assujétissent les romans et les romanciers. Pour le JDD, ce grand amoureux de la littérature a accepté de nous dire en quoi, à ses yeux, lesdites idéologies ont affecté les prix littéraires de cette année. Il arrive au rendez-vous avec deux livres – Feu de Maria Pourchet et La Plus Secrète Mémoire des hommes de Mohamed Mbougar Sarr – et trois feutres : un noir, un bleu et un rouge.
Votre livre invoque Milan Kundera de bout en bout. Est-ce à la mesure de la dette littéraire et intellectuelle que vous avez à son endroit ?
Kundera, que j’admire et que j’ai la chance de connaître, : le texte littéraire n’avait d’objet que lui-même. On serait passé, selon la formule de Jean Ricardou, de l’écriture d’une aventure à l’aventure de l’écriture. J’ânonnais cette leçon non sans un certain malaise parce qu’elle ne rendait pas compte de ma propre expérience de lecteur. Kundera m’a réconcilié avec moi-même en montrant que le roman était une modalité de la connaissance, qu’il s’agissait pour le véritable romancier d’aller, comme écrit Flaubert, dans l’âme des choses. Et Kundera donnait aussi du modernisme cette définition que je n’ai jamais oubliée : Il ne s’agissait pas de répudier la tradition mais de la prolonger. Le grand romancier est un héritier. Kundera m’a délivré du fantasme de la table rase.
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