ILLIMITÉ
La relève
J’ai toujours trouvé ma mère très belle, élancée, ses beaux cheveux dorés qu’elle essayait vainement de retenir en un chignon sur la nuque, mais dont les boucles s’échappaient toujours, elle avait de grands yeux dont la couleur hésitait entre le vert et le bleu, un regard doux comme le sourire qu’elle me destinait souvent ainsi qu’à ma petite sœur Blanche. De mon père, je n’ai guère de souvenir qu’un rire tonitruant quand il me soulevait en l’air ou me faisait sauter sur ses genoux, je revois sa moustache qui me chatouillait lorsqu’il m’embrassait, il était grand et il devait se pencher pour déposer un baiser sur le front de maman. Je les revois se tenant par le bras ou la taille, je me souviens qu’alors ma mère portait de belles robes claires et puis un jour mon père était parti, ma mère avait pleuré longtemps, les gens autour de nous parlaient tous de la même chose « c’est la guerre », mais quand on est un petit garçon de sept ans à peine, la guerre, on ne sait pas trop ce que c’est… Puisque c’est une chose qui fait partir les papas et pleurer les mamans, c’est donc triste et méchant, la guerre. Nous habitions une jolie maison entourée d’un charmant jardin, je revois encore la belle plaque de cuivre où s’étalaient le nom et le titre de papa : « Célestin Froment, docteur en médecine, diplômé de la faculté de Montpellier ». Tous les jours, des dames, des messieurs, des jeunes comme des plus vieux, et des enfants venaient à la maison et mon père les soignait, j’étais très fier de mon papa, j’imaginais que c’était un homme très important, mais lorsqu’il partit à la guerre, plus personne ne vint, la salle d’attente et le cabinet restèrent désespérément vides, mademoiselle Marie, qui servait d’infirmière et de secrétaire, fut remerciée, elle s’engagea dans un hôpital militaire.
Après le départ de mon père, les choses changèrent. D’abord, maman attendait le facteur chaque matin avec impatience et, lorsqu’il ne laissait pas de lettre, elle était si triste que je n’osais lui
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