INTERVIEW
Pour qu’une année littéraire soit réussie, il faut non pas un ou plusieurs goncourables mais un Olni (Objet littéraire non identifiée). On a des difficultés à se souvenir qui fut lauréat du prestigieux prix en 2015, mais tout le monde a en tête Soumission de Michel Houellebecq. En publiant Hors de moi, son journal intime, Yann Moix vient bousculer cette rentrée en nous rappelant combien la littérature est un art supérieur. Attention : l’écrivain ne donne pas dans la dissertation ni la démonstration littéraire. Ni pose, ni prose ici, mais de la jubilation. Yann Moix décrit ses goûts et ses dégoûts, il affirme et se contredit cent pages plus loin. On le lira donc « à sauts et à gambades », selon l’expression de Montaigne en passant du concret à l’abstrait et inversement, de Steve McQueen aux fourmis rouges. Au fond, c’est de nous dont il parle. On le lira avec d’autant plus de plaisir qu’il est un adepte du burlesque qu’il applique à lui-même. Ce faisant, il prend un risque en étant si sincère dans une époque qui ne l’est pas. Et c’est tant mieux. Cela donne des portraits irrésistibles de drôlerie comme celui d’Alain Minc ou de Raphaël Glucksmann. Et c’est heureux. Par les temps sombres que nous traversons, ce Journal, bourré de fulgurances, de traits d’esprits, d’anecdotes terribles et de vacheries cosmiques nous rappelle que qu’il nous appartient d’écrire.