DIANA DAMRAU
SOPRANO
« Operette : Wien, Berlin, Paris ». Extraits d’opérettes de J. Strauss II, Millöcker, Lehar, Heuberger, Kalman, Lincke, Stolz, Straus, Messager, Christiné, Lopez.
Jonas Kaufmann (ténor), Elke Kottmair (soprano), Emily Sierra (mezzo), Orchestre de la Radio de Munich, Ernst Theis.
Erato. Ø 2023. TT : 1 h 01’
TECHNIQUE : 3/5
S’étonnera-t-on qu’une mozartienne qui a aussi brillé chez Richard Strauss ait tardé à se faire entendre dans l’opérette en allemand ? Le beau programme a de quoi allécher, mêlant aux trésors de Vienne des échos du Berlin de l’entre-deux-guerres, plus quelques clins-d’œil à la France, de Messager à Francis Lopez. Hélas, cet album arrive trop tard pour la soprano. La dégradation du matériau est partout sensible : ternissures et acidité, contrôle difficile ou défaillant (vibrato, soutien, dynamique, ligne même), aigus en force voire délabrés.
Plus grave encore : dans des airs marqués par les plus grandes (Lehmann, Reining, Welitsch, Schwarzkopf, Güden, Popp), l’interprétation reste en peine de mélancolie ou simplement de chic. Au lieu de l’aura poétique indispensable à ces effusions sentimentales, un chant étrangement laborieux (Die Dubarry, Pa ganini) ou petit-bourgeois (Eva), que ne compensent ni un sourire, ni une animation trop appuyée (Frau Luna, Friederike). Le ton berlinois va mieux à Diana Damrau, même si la Manon d’Oscar Straus penche vers Kurt Weill. Le trio féminin du Spitzentuch der Königin séduit un temps, mais la complicité en duo avec Jonas Kaufmann ne comble pas dans « Im Chambre séparée » (en V.O.) l’écart entre l’élégance de l’un et le phrasé agité de l’autre.
Les incursions françaises enfin sont près du désastre. L’air d’Andalousie, déjà ordinaire, sonne brouillon, d’un caractère factice qu’accentuent les rires d’une cantatrice paraissant seule à s’amuser : c’est pire encore pour « J’ai deux amants », faux de mots, d’appuis, d’expressivité. Quant aux perles de Monsieur Beaucaire et Phi-Phi… disgrâces dans Messager, panne de verbe et d’esprit chez Christiné. Indigne du charme de ces répertoires, comme de l’artiste ellemême, un disque à oublier.
Jean-Philippe Grosperrin
JOANN FALLETTA
CHEFFE D’ORCHESTRE
COPLAND : The Tender Land (Suite). CRESTON : Concerto pour saxophone (a). KAY : Pietà (b). PISTON : The Incredible Flutist (Suite).
Timothy Mc Allister (saxophone alto) (a), Anna Mattis (cor anglais) (b), National Orchestral Institute Philharmonic.
Naxos. Ø 2022. TT : 1 h 02’.
TECHNIQUE : 3,5/5
JoAnn Falletta réunit deux opus fameux (Copland, Piston) et deux autres moins connus. Le magnifique opéra de Copland The Tender Land (1954) est un condensé d’esprit américain. Sur le mode lentvif-lent, la Suite ne fait qu’entrebâiller les portes de cet univers panthéiste et populaire inspiré par les photographies de Walker Evans. Falletta est sensible à son lyrisme, sans retrouver absolument le frémissement évocateur de Copland lui-même avec le Boston Symphony (RCA; l’opéra été plusieurs fois enregistré, y compris dans sa version de chambre adoubée par l’auteur).
Le concerto en trois volets de Creston (1941) mêle légèreté et intensité, rythme saillant, écriture soliste virtuose et différenciée, notamment dans le conclusif. Lui aussi paye son tribut à cette poésie sonore américaine impressionniste et apaisée dans le central. L’écriture chambriste subtile de Creston n’y oublie pas les autres solistes de l’orchestre. L’introspection prend une tournure religieuse dans l’émouvante de Kay (1950), la plainte du cor anglais étant sertie par un orchestre qui, loin d’être un