Retour à l'islam
Par Zeki Ciftci
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Aperçu du livre
Retour à l'islam - Zeki Ciftci
Retour à l’islam
Zeki Ciftci
Retour à l’islam
LES ÉDITIONS DU NET
22, rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes
© Les Éditions du Net, 2014
ISBN : 978-2-312-02335-9
Sommaire
Sommaire
Préface
L’épopée périlleuse
Le domaine de l’abondance
Le parvis de la déchéance
Le sommet du monde
Épilogue
Préface
Ce matin-là, je me réveillai comme tous les matins, à une exception près.
Très vite, une sensation étrange s’empara de moi car je me sentis léger comme une plume et très en forme contrairement à mes habitudes. Cette sensation fut par la suite accompagnée d’une impression de vide et de néant. Que m’arrivait-il ?… je me demandai soudainement « où suis-je ? », « Quand sommes-nous ? », et finalement je finis par me demander, « qui suis-je ? ».
J’ai eu une enfance heureuse, nous n’étions pourtant pas la famille nombreuse d’immigrés typique de l’époque. Même en n’étant pas une famille nombreuse, nous avions la chance d’être une famille heureuse…
J’étais le cadet d’une famille de deux enfants, j’avais uniquement un frère d’un an mon aîné.
On se chamaillait comme tous les autres enfants, mais nous avions également une grande complicité. Outre notre petite fratrie, cette complicité entre nous rendait encore plus facile la tâche à mes parents qui faisaient le nécessaire pour nous assurer une bonne éducation.
Mon frère a fini par se marier très tôt, à l’âge de vingt-et-un ans. C’était un enfant modèle, sans histoire, à qui on aurait fait confiance sans hésitation tellement il faisait bonne impression et renvoyait une très bonne image de lui. J’aurais voulu suivre son exemple et faire de même pour faire plaisir à mes parents. Il était plus compliqué pour moi de suivre le même chemin tant j’avais changé durant mon adolescence. En effet, contrairement à mon frère, j’ai vécu une crise d’adolescence de manière plus intense, ce qui changea mon caractère brutalement. Le petit garçon gentil et sociable que j’étais avait disparu et laissé place à un jeune homme arrogant, parfois colérique, prétentieux et arriviste.
Pour autant, je n’ai jamais eu, durant ma jeunesse, d’histoires avec la justice, j’ai toujours réussi à ne pas franchir certaines limites qui m’auraient créé des soucis, car dans le milieu dans lequel j’ai grandi, beaucoup d’éléments étaient propices à d’éventuels conflits. J’ai réussi à ne jamais tomber dans un quelconque engrenage, certainement grâce à l’éducation que j’avais reçue, et aussi grâce au caractère que je m’étais forgé durant cette adolescence. Finalement, me suis-je dit, tout n’est pas si mauvais dans ma personnalité et cela confortait mon ego.
Combien de temps a duré cette scène ? Je ne saurais vous le dire, dénué de toute notion d’espace, de temps et de mémoire.
Cette mémoire me revint enfin et me poussa à la réflexion sur ce que je venais de vivre. Pour quelle raison ai-je eu un trou de mémoire au réveil ? Pourquoi cela m’a-t-il contraint à réfléchir sur mon existence ?
Le fait d’avoir vécu un moment de vide conjugué à une sensation de bien-être au réveil pourrait-il suffire à me faire réfléchir autrement ou à autre chose qu’à cette banale routine dans laquelle ma vie s’était installée ?
Peu de temps après, la vie reprit son cours, je m’apprêtai à prendre une douche et j’étais bien heureux de ne pas me tenir la tête entre les deux mains, car je n’avais pas de migraines liées à une mauvaise nuit de sommeil. Je n’étais pas trempé non plus dans la sueur car souvent je faisais ce même rêve, ou plutôt ce cauchemar, si l’on peut dire.
Souvent je me réveille en sueur et le cœur battant car je cours toujours avec deux valises, tentant de rattraper la dernière navette qui me conduira à l’aéroport en destination d’Istanbul.
C’est toujours avec frustration que j’observe les portes de cette navette se refermer devant mon regard attristé et de la voir s’éloigner, filant sous mon nez. Je me réveille encore le cœur palpitant, en sueur, comme si j’avais réellement couru derrière cette navette. Finalement par la suite, je suis heureux car je me dis que ce n’était juste qu’un cauchemar et rien d’autre, avec néanmoins un brin d’amertume de ne pas réellement partir en vacances.
C’est ce qui me frustrait à l’époque. Je pensais que le fait d’être fatigué et de ne pas avoir eu de congés depuis quelque temps déjà expliquait certainement ces cauchemars à répétition.
J’ai toujours été attiré par mon pays d’origine, ma culture. Le fait de séjourner en Turquie, je le ressentais comme si j’allais retrouver une identité perdue. En France, je n’étais pas moi-même, ma personnalité trouvait toute sa splendeur et ma conscience son salut qu’au sein de la mère patrie, lors de mes séjours là-bas pendant les vacances. J’étais intimement convaincu que ce qui rendait ma vie de tous les jours si pénible et sans intérêt, c’était sans aucun doute d’être loin de mes racines.
J’étais d’autant plus frustré que, ce rêve, j’aurais pu l’accomplir très tôt. J’ai toujours gardé en mémoire cette anecdote : à l’âge de vingt-et-un ans, quand je décidai d’aller travailler pour une grande enseigne de la grande distribution qui installait son premier hypermarché à Istanbul.
Après un bon entretien téléphonique, je décrochai une formation de chef de rayon qui devait aboutir à un poste à long terme. J’étais excité et impatient, jusqu’au jour où je reçus un appel téléphonique.
J’avais postulé deux mois auparavant auprès de la supérette de mon quartier, une surface moyenne de proximité, non loin de la résidence de mes parents. Mon entretien était resté sans suite, je n’avais pas été recontacté par le gérant qui m’avait reçu, jusqu’à ce fameux appel cinq jours avant mon départ pour Istanbul.
Je me souviens bien de ce lundi quand je reçus cet appel, un grand sentiment de solitude s’était installé en moi. Je me sentis seul pour une fois, alors que la solitude était l’une de mes caractéristiques les plus affirmées et que j’aimais particulièrement me retrouver dans cette situation.
Mince, il a fallu faire un choix rapidement au téléphone. Je murmurais un « oui » indécis, comme à contrecœur, ne sachant pas réellement ce que je voulais vraiment à ce moment-là. Je savais, par contre, que les jours qui allaient suivre allaient être les pires de mon existence.
Mon départ était prévu pour samedi, j’avais encore quelques jours devant moi avant que ma décision ne soit définitivement prise. Je passais en revue les deux hypothèses sans pouvoir trancher. Finalement, fidèle à moi-même, à ma ligne de conduite et surtout au respect que j’accordais à la relation envers mes parents, je renonçai à accomplir ce rêve, car pour mes parents c’était trop aventureux.
Selon eux, la situation du pays ne me garantissait guère un avenir prometteur, ne me permettant pas d’envisager une vie aussi confortable qu’en France. J’ai pensé que leur point de vue était certainement plus raisonnable que le mien. Mes parents sont des gens pieux, très humbles et sages à la fois. Ils ont connu les pires difficultés et conditions de vie avant et après leur arrivée en France.
Leur réflexion s’est donc tout naturellement ancrée dans la prudence. Ils n’hésitaient pas à nous rappeler, à chaque occasion, leur vécu, en nous mettant régulièrement en garde contre le monde extérieur.
La vigilance m’avait décidément entièrement envahi et je voyais là, avec un grand regret, mon souhait de toujours ne pas se réaliser. Je restai finalement en France, et je m’engageai dès le lundi suivant avec cette entreprise.
Il faisait bon vivre dans cette ville à taille humaine et à l’environnement paisible. De plus, travailler à proximité de mon lieu de résidence me procurait davantage de sérénité.
Je vivais ma vie sans trop me poser de questions, dans une certaine insouciance qui m’avait pratiquement fait oublier mon envie d’exil et, peut-être plus encore, des choses que je n’aurais jamais soupçonnées…
L’épopée périlleuse
Je viens d’ouvrir les yeux, j’observe aussitôt le plafond blanc de ma chambre. J’avais la chance d’avoir un grand lit bien confortable, pour moi tout seul, à croire que le célibat avait aussi ces avantages. Je vivais seul depuis quelque temps déjà, et ce mode de vie me convenait très bien. Je n’avais aucun compte à rendre à qui que ce soit. Étant livré à moi-même, j’ai fini par me faire ma propre philosophie de la vie. Mais ce qui m’a réellement conduit à cet état d’esprit et à ce mode de vie était dû au fait que j’étais bien intégré socialement et que ma vie était tout simplement dictée par un semblant de routine au quotidien. Le monoménage que je formais était bien dans l’air du temps et mon choix de vie plutôt banal.
L’indépendance financière était quelque chose à laquelle j’étais très attaché, et je savais que je devais mon confort à cela. J’avais travaillé dur pendant quelques années et j’ai dû lutter d’arrache-pied pour une qualité de vie matérielle toujours meilleure. J’ai pu m’offrir deux maisons, une pour mes parents et une autre rien que pour moi. Ma vie professionnelle me permettait d’avoir une très bonne situation financière car entre-temps j’avais eu la chance de créer ma propre entreprise qui avait connu un succès rapidement.
Ce matin donc, je n’ai rien qui me vient à l’esprit, un grand vide s’installe en moi. Cependant, je me sens vif car habituellement je suis littéralement cloué au lit, mes nombreuses heures de travail dans la semaine se faisant ressentir à chaque réveil. Ce jour-là, ce n’était donc bizarrement pas le cas.