Projet de boisement des Basses-Alpes
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Aperçu du livre
Projet de boisement des Basses-Alpes - Pierre-Henri Dugied
Pierre-Henri Dugied
Projet de boisement des Basses-Alpes
Publié par Good Press, 2022
goodpress@okpublishing.info
EAN 4064066303716
Table des matières
AVERTISSEMENT.
INTRODUCTION.
CHAPITRE I. er Des Défrichemens sur les flancs des Montagnes.
CHAPITRE II. Du Boisement des Montagnes.
CHAPITRE III. De l’encaissement des Torrens.
CHAPITRE IV. Des moyens d’amortir les Avances du Gouvernement.
A PARIS,
DE L’IMPRIMERIE ROYALE.
1819.
AVERTISSEMENT.
Table des matières
CE Mémoire sera trouvé long, je le crains; cependant je dois observer qu’y ayant de nombreuses difficultés dans l’opération que je propose au Gouvernement, il fallait, pour le déterminer à l’entreprendre, les lever les unes après les autres avec détail. L’étendue de terrain que cette opération doit embrasser, les longues années qu’elle demande, les avances considérables où elle engagerait le Gouvernement, le temps plus considérable encore qu’exigerait l’amortissement de ses avances, tout m’imposait l’obligation, non-seulement de démontrer la nécessité de reboiser les montagnes du département des Basses-Alpes, mais encore de bien développer tous les moyens qui me paraissent devoir être indispensablement employés pour y réussir. Or, le pouvais-je sans détails Sans eux pouvais-je convaincre? pouvais-je espérer que jamais on mettrait la main à une si grande entreprise! Non; et voilà mon excuse pour les longueurs dont ce travail est plein.
Je m’y suis encore laissé entraîner par un autre motif, celui d’être utile à d’autres départemens, dont la position géologique se rapproche plus ou moins de celui des Basses-Alpes. Je me suis dit que, si quelque chose de ce projet pouvait s’appliquer à toute autre opération, le temps que j y mettais ne serait pas entièrement perdu, et cette pensée ma encouragé. J’ai compté d’ailleurs sur l’indulgence de ces hommes dont l’utilité publique est la constante occupation, et par qui les imperfections d’un travail sont inaperçues, dès qu’ils y découvrent une vue qui se rattache à ce bien public, objet de toutes leurs méditations.
Déjà j’ai eu la satisfaction de voir ce projet favorablement accueilli par le Conseil d’agriculture. Sur le rapport fait dans son sein, en présence du Ministre de l’intérieur, Son Excellence a décidé qu’il serait imprimé aux frais de son ministère, et envoyé à MM. les Conseillers d’état, les Préfets, les Ingénieurs en chef des départemens, les Membres correspondans du Conseil, et aux Sociétés d’agriculture. Une décision si flatteuse n’emporte point, je le sais, l’approbation de mon travail, puisqu’elle n’a pour but que de provoquer les observations dont il doit être susceptible, afin de les soumettre à la discussion du Conseil d’agriculture; néanmoins elle est un préjugé en sa faveur, qui me laisse espérer que sa faiblesse sera couverte par l’indulgence des personnes qui le liront.
J’ai fait précéder ce mémoire d’une table très-détaillée, qui seule suffirait pour en donner une idée: elle n’est autre chose que le relevé des analyses des paragraphes dont il se compose.
PROJET DE BOISEMENT DES BASSES-ALPES.
Table des matières
INTRODUCTION.
Table des matières
430, 613hectares improductifs dans les Basses-Alpes.
La haute Provence autrefois plus fertile.
QUATRE cent trente mille six cent treize hectares [environ un million d’arpens] sont improductifs dans le département des Basses-Alpes; c’est plus de la moitié de sa superficie. A une époque probablement ancienne, la majeure partie de ces430, 613hectares était couverte de forêts; alors la température de la haute Provence, ses eaux, ses vallées, devaient être autres qu’elles ne sont aujourd’hui. La destruction de ces forêts a sans doute été long-temps l’affaire des siècles; tant qu’elle a été opérée par eux, elle a été lente, et l’effet n’en a été ressenti qu’imperceptiblement, si je puis m’exprimer ainsi. C’est quand les hommes y ont eu mis la main que le mal a fait de rapides progrès: aussi apprend-on, si l’on entend les vieillards du pays, que, depuis trente années sur-tout, on a vu disparaître plus de champs, plus de prairies, que peut-être il n’en avait été emporté par les torrens dans le cours des deux siècles antérieurs. Il est temps de remédier à cet état de choses, il est temps de recréer le passé: le Gouvernement y est intéressé aussi bien que le département, comme je le montrerai bientôt.
Nécessité de recréer les anciennes forets.
Première pensée de ce projet.
Mais, avant d’entrer en matière, je dois, pour les personnes qui s’étonneraient que j’eusse pu m’occuper d’un projet si important dans le cours d’une administration de huit mois, dire qu’en 1818, dès que je fus nommé préfet des Basses-Alpes, on me parla des ravages qu’y exerçaient les torrens; qu’ainsi je me rendis dans ce département avec l’intention de rechercher s’il serait possible de mettre un frein à ces ravages, et que cette pensée ne m’a point quitté pendant les huit mois qu’a duré mon administration.
Tournée dans le département.
J’étais à peine installé, lorsque le recrutement me fit faire une tournée dans les arrondissement. Cette opération et la saison avancée ne me permirent pas de les parcourir dans tous les sens; mais j’en vis assez pour reconnaître l’étendue du mal. Quant à ses causes, je n’ai point à me faire un mérite de les avoir découvertes: là tout le monde les connaît, même les habitans des campagnes; c’est un grand point, les esprits en sont plus disposés à adopter les moyens de les faire cesser.
En quoi consistent les désastres, quelles sont leurs causes, comment elles ont agi avec une effrayante progression, c’est ce qu’il faut d’abord exposer.
Sa situation sous le rapport des ravages exerces par les torrens.
Le département tire ses principales ressources de ses vallées: or les terres de ses vallées sont maintenant emportées plus d’à moitié. Sa partie haute, qui se compose de l’arrondissement Je Barcelonnette, de celui de Castellane, de la majeure partie de celui de Digne, offre le spectacle de la plus triste infertilité. Les montagnes y sont presque toutes déboisées: il faut pourtant en excepter la vallée de Barcelonnette; là elles se couvrent encore de riches herbages, et, chaque printemps, des milliers de moutons y arrivent en foule de la terre d’Arles, pour se refaire des fatigues de l’hiver et se mettre en état de supporter le suivant. Ailleurs les montagnes ont cessé et cessent successivement d’être couvertes de pâturages. L’œil ne rencontre que des rochers nus, ou de vastes parties noirâtres que l’on croirait formées de terre végétale, mais qui, n’étant que le résultat de la décomposition d’ardoises incomplètes, sans cesse altérées par l’intempérie des saisons, se refusent à toute végétation. Les monts hérissés de rochers sont encore moins hideux: du moins quelques buis, quelques genêts, croissent dans leurs fissures; malheureusement, chaque jour arrachés pour faire des fumiers, chaque jour ils deviennent plus rares; et quand ils auront cessé (époque qui n’est pas éloignée), la disette d’engrais, qui existe déjà, sera décuplée, l’agriculture aura décru dans la même proportion, et la population sera contrainte de quitter un sol qui ne pourra plus la nourrir.
Cette déplorable situation a deux grandes causes: la première est la destruction des forêts; la seconde, la manie des défrichemens.
Par suite de ces deux causes, les meilleures terres ont été emportées et le sont tous les jours par les torrens. Rien n’est affligeant comme de voir les vallées couvertes de cailloux dans presque toute leur largeur, et sillonnées seulement de quelques filets d’eau. En apercevant pour la première fois ces vastes lits de cailloux, on se demande quelle puissance inconnue a pu y amener tant de débris; mais, lorsqu’on s’élève sur les hauts sommets, que l’œil, après avoir embrassé les monts moins élevés, pénètre jusqu’au fond des vallées, alors le voile qui couvre la cause de tant de ravages se soulève, et l’on reconnaît que l’homme est le principal auteur de la désolation qui règne autour de lui.
Vallée de Barcelonnette encore riche en montagnes pastorales.
Buis et genêts, matières des engrais, devenus rares.
Cette situation a deux causes: le déboisement, les défrichemens.
Effets physiques produits par les hautes montagnes, lorsqu’elles sont boisées.
En effet, il est reconnu que les hautes montagnes exercent une attraction sur les nuages, et que cette attraction est la plus grande possible, lorsque les sommets sont boisés; alors les nuages sont non-seulement attirés, mais retenus: forcés de se résoudre en rosée, ils entretiennent le pied des forêts dans une humidité permanente. Pénétrant jusqu’aux réservoirs préparés par la nature, cette humidité alimente les sources et tient les eaux à un niveau presque constant: que si l’imprudence des hommes vient à détruire les forêts, la face des lieux change aussitôt.
Effets physiques résultant de leur déboisement.
L’effet du déboisement est de détruire la double attraction des forêts et des sommets; la première n’existant plus, la dernière seule ne suffit pas pour retenir les nuages: ils obéissent aux vents les plus légers, et portent ailleurs le bienfait de leurs eaux. C’est ainsi que