Histoire du Congo: Des origines à nos jours
Par Isidore Ndaywel
4/5
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À propos de ce livre électronique
À PROPOS DE L'AUTEUR
Isidore Ndaywel, président de la Société des historiens congolais, est professeur ordinaire au département des sciences historiques de l’université de Kinshasa, membre correspondant de l’Académie royale des sciences d’outre-mer à Bruxelles et chercheur au centre des mondes africains de l’université Paris I – la Sorbonne à Paris. Il est, sans conteste, une référence incontournable en matière d’Histoire du Congo.
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Avis sur Histoire du Congo
1 notation1 avis
- Évaluation : 4 sur 5 étoiles4/5Good read.Certainly the author made a selections of what to say. The opposition between rwandophones of congo and rwanda was not well explained, the history of nande,bashi and hunde was sperficially examined .
Aperçu du livre
Histoire du Congo - Isidore Ndaywel
H I S T O I R E D U C O N G O
Dans la même collection
Chez le même éditeur
Jean Kristine, La Piste des Congo, roman, 2008
Marie-Louise Mumbu (Bibish), Samantha à Kinshasa, roman, 2008
Colette Braeckman,
Vers la deuxième indépendance du Congo, histoire, 2009
Bestine Kazadi Ditabala, Infi(r)niment Femme, poésie, 2009
Isidore Ndaywel è Nziem, Nouvelle histoire du Congo, 2009*
Jocelyne Kajangu, Pas seuls sur terre, poésie, 2010
* Le présent ouvrage est une version condensée de l’édition originale: Ndaywel è Nziem, Isidore, Nouvelle histoire du Congo, Des origines à la République démocratique , Le Cri/Afrique Éditions, 2009.
Isidore Ndaywel è Nziem
Histoire du Congo
Des origines à nos jours
Histoire
65834.jpgwww.lecri.be
lecri@skynet.be
Pour la Belgique :
ISBN 978-2-8710-6651-4
© Le Cri édition,
Avenue Léopold Wiener, 18
B-1170 Bruxelles
La version numérique a été réalisée en partenariat avec le CNL
(Centre National du Livre - FR)
Dépôt légal en Belgique
D/2012/3257/72
En couverture : © Photo C. Verdussen 2010.
Tous droits de reproduction, par quelque procédé que ce soit, d’adaptation ou de traduction, réservés pour tous pays.
Préface
La République Démocratique du Congo — le Congo —, malgré sa taille continentale, son passé colonial unique par rapport au reste du continent, et son importance stratégique pour la stabilité et le développement de l’Afrique Centrale, continue à être un pays dont l’histoire est mal connue ; elle est mal connue autant à l’étranger que par les Congolais eux-mêmes.
Pourtant ce ne sont pas des publications sur le Congo qui font défaut. Si elles sont nombreuses, elles présentent l’inconvénient de ne pas posséder une histoire qui soit complète, d’accès facile et d’un prix accessible. Cette édition abrégée de la Nouvelle Histoire du Congo du prestigieux historien Isidore Ndaywel cherche à contribuer à combler ce vide ; elle s’est efforcée de rendre plus accessible les éléments essentiels de l’histoire fascinante de ce pays.
Ce projet se veut une humble contribution de la coopération espagnole aux festivités du cinquantième anniversaire de l’indépendance de la RDC. Dans cette optique, la version française de cet ouvrage sera suivie immédiatement d’une édition en lingala et en kiswahili, les deux principales langues nationales. Et, j’espère pouvoir compter, dans la suite, sur une édition en espagnol, pour une diffusion auprès des lecteurs hispanophones.
Je remercie le professeur Isidore Ndaywel de nous avoir permis de prendre part à cette belle aventure éditoriale et j’invite le lecteur à découvrir ce petit grand livre dont la lecture est si agréable.
Felix Costales Artieda,
Ambassadeur d’Espagne
en République Démocratique du Congo.
Avant-propos
La campagne d’éducation à la citoyenneté, qui a connu un tournant décisif à l’occasion de la célébration du Cinquantenaire de l’indépendance de la RDC, a servi d’incitation à la publication de cette brève histoire du Congo.
Établie à partir de la Nouvelle histoire du Congo, cette version, qui porte une fois de plus sur l’ensemble de la lecture de l’histoire du Congo des origines à nos jours, se veut un outil, à portée de main, pour soutenir la mémoire et compléter l’information. En effet, prendre le plus bel élan, pour bâtir un pays plus beau qu’avant, comme le recommande l’hymne national, est une démarche qui repose d’abord sur une connaissance sans cesse actualisée de l’histoire nationale.
Et, pour celui qui, de l’extérieur, aborde les faits du Congo, cet ouvrage servira d’appoint pour établir ses repères dans le temps et l’espace, comprendre le présent à partir de ses racines et, situer les attentes à partir des aspirations qui s’expriment au quotidien.
Ce projet n’aurait pu aboutir s’il n’avait bénéficié de l’appui de l’AECID (Agencia Española de Cooperación Internacional para el Desarrollo) et des encouragements de S.E.M. Félix Costales Artieda, Ambassadeur d’Espagne à Kinshasa et de son assistante Angela Maria Rivera Yepes.
Je tiens aussi à dire ma reconnaissance à Christian Lutz pour m’avoir épaulé dans la réalisation de cette tâche difficile et ingrate de résumer l’exposé initial et, à Mme Nadine Omoy Mundala, d’avoir bien voulu relire l’ensemble du travail pour me faire part de ses observations pertinentes.
Sigles, acronymes et abréviations courantes
ABA Académie des Beaux-Arts
Abako Alliance des Bakongo
Abazi Alliance des Bayanzi
ABIR Anglo-Belgian India Ruber and Exploring
ABMU American Baptist Missionary Union
ACL-PT Assemblée constitutive et législative
Parlement de transition
ACMAF Association des classes moyennes africaines
ADAPES Association des anciens élèves des Pères de Scheut
ADP Alliance démocratique des peuples
AEF Afrique équatoriale française
AFDL Alliance des Forces démocratiques pour
la libération du Congo
AGEL Association générale des étudiants de Lovanium
AIA Association internationale africaine
AIC Association internationale du Congo
AICA Association internationale des critiques d’art
AMI Assistants médicaux indigènes
AMIPRO Amicale des protestants
AMP Alliance pour la majorité présidentielle
ANC Armée nationale congolaise
ANEZA Association nationale des entreprises du Zaïre
ANI Agence nationale d’immigration.
ANR Agence nationale de renseignements
APCM American Presbyterian Congo Mission
APL Armée populaire de libération
APR Armée patriotique rwandaise
ARSC Académie royale des sciences coloniales
ARSOM Académie royale des sciences d’outre-mer
ASAP Association des anciens élèves des Pères jésuites
ASSANEF Association des anciens des Frères des écoles chrétiennes
ASSORECO Association des ressortissants du Haut-Congo
ATCAR Association des tshokwe du Congo, de l’Angola et de la Rhodésie du nord
BAD Banque africaine de développement
BALUBAKAT Baluba du Katanga (Association et parti politique)
BCC Banque centrale du Congo
BCECO Bureau central de coordination
BCK Compagnie du chemin de fer du Bas-Congo au Katanga
BDE Bibliothèque de l’étoile
BMS Baptist Missionnary Society
CADULAC Centre agronomique de l’université de Louvain au Congo
CARD Colonies agricoles pour relégués dangereux
CCCI Compagnie du Congo pour le commerce et l’industrie
CCFC Compagnie du chemin de fer du Congo
CEB Communautés ecclésiales de base
CEC Centre extracoutumier
CEHC Comité d’études du Haut-Congo
CEI Commission électorale indépendante
CEPGL Communauté économique des pays des Grands Lacs
CEREA Centre de regroupement africain
CFC Compagnie du chemin de fer du Congo
CFL Compagnie des chemins de fer du Congo
supérieur aux Grands Lacs
CICIBA Centre international des civilisations bantu
CICM Congrégation du Cœur immaculé de Marie
CNS Conférence nationale souveraine
CMB Compagnie maritime belge
CMZ Compagnie maritime zaïroise
CNKI Comité national du Kivu
CNL Conseil national de libération
CNRD Conseil national de résistance pour la démocratie
COAKA Coalition kasaïenne
CONACO Convention nationale du Congo
CONAKAT Confédération des associations tribales du Katanga
COTONCO Compagnie cotonnière congolaise
CPC Conseils protestants du Congo
CPP Comités du pouvoir populaire
CSK Comité spécial du Katanga
CVR Corps des Volontaires de la République
DEMIAP Direction militaire des activités antipatrie
DGC Direction générale des Contributions
DGM Direction générale des migrations
DSP Division spéciale présidentielle
DTS Droits de tirage spéciaux
ECC Église du Christ au Congo
ECZ Église du Christ au Zaïre
EIC État indépendant du Congo
ENDA École nationale de droit et d’administration
FAR Forces armées rwandaises
FARDC Forces armées de la RDC
FAZ Forces armées congolaises
FAZA Forces aériennes congolaises
FBI Fonds du bien-être indigène
FC Franc congolais
FEC Fédération des entreprises du Congo
FEPAZA (CO) Fraternité Évangélique de la pentecôte en Afrique et au Zaïre (Congo)
FLNC Front de libération nationale du Congo
FMI Fonds monétaire international
FNL Forces nationales de libération
FORCAD Formation des cadres
FOREAMI Fonds de la reine Élisabeth pour l’assistance médicale aux indigènes
FORMINIERE Société internationale forestière et minière
FOMULAC Fondation médicale de l’Université de Louvain au Congo
GECAMINES Générale des carrières et des minerais
GEOMINES Compagnie géologique et minière
GSSP Groupe spécial de sécurité présidentielle
HCB Compagnie des huileries du Congo belge
HCR Haut Conseil de la République
HCR-PT Haut Conseil de la République-Parlement de transition
IBTP Institut des bâtiments et travaux publics
INEAC Institut national pour l’étude agronomique au Congo belge
IPN Institut pédagogique national
JMPR Jeunesse du mouvement populaire de la révolution
KA Kizito-Anouarite
KDL Compagnie des chemins de fer Katanga-Dilolo-Léopoldville
LIM Livingstone Inland Mission
LMS London Missionary Society
LUKA Union kwangolaise pour l’indépendance et la liberté
MARC Mouvement d’action pour la résurrection du Congo
MIB Mouvement d’immigration des Banyarwanda
MLC Mouvement pour la libération du Congo
MNC Mouvement national congolais
MNC-L Mouvement national congolais — Lumumba
MOPAP Mobilisation, propagande et animation politique
MPLA Mouvement pour la libération de l’Angola
MPR Mouvement populaire de la révolution
MUB Mouvement pour l’unité des basongye
NAHV Nieuwe Afrikaansche Handels-Vennootschap
NRA National Resistance Army
NZ Nouveau Zaïre
OCI Office des cités indigènes
OFIDA Office de douanes et accises
OGEDEP Office de gestion de la dette publique
Okimo Office de Kilo-Moto
ONATRA Office national de transport
OTRACO Office des transports du Congo
PA Présence Africaine
PALU Parti lumumbiste unifié
PPRD Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie.
PRINT Programme intérimaire de réhabilitation économique
PRP Parti de la révolution populaire
PSA Parti solidaire africain
PUNA Parti de l’unité nationale
RCD Rassemblement congolais pour la démocratie
RDLK Rassemblement démocratique du lac Léopold II et du Kwilu-Kwango
REGIDESO Régie de distribution d’eau
RVA Régie des voies aériennes
SAB Société anonyme belge pour le commerce du Haut-Congo
SADC Southern African Development Community
SARM Service d’action et de renseignements militaires
SDN Société des Nations
SEDEC Société d’entreprises commerciales du Congo belge
SEE Stanford Exploring Expedition
SEP Services des entreprises pétrolières
SMF Svenska Missionsförbundet
SNCZ Société des chemins de fer zaïrois
SNEL Société nationale d’électricité
SNIP Service national d’intelligence et de protection
SONAS Société nationale d’assurances
UDPS Union pour la démocratie et le progrès social
UGEC Union générale des étudiants congolais
UMHK Union minière du Haut-Katanga
UN Union pour la nation
UNAR Union nationale rwandaise
UNIMO Union mongo
UNTC l’Union nationale des travailleurs congolais
UNTZA Union des travailleurs du Zaïre
URAC Union des républiques du Congo
USORAL Union sacrée et alliés
UTC Union des travailleurs congolais
YMCA Young Men’s Christian Association
CORRESPONDANCE DES NOMS
Première partie
Les Temps longs : l’espace, l’homme et la femme
Le Congo, à l’origine nom d’un royaume puis du grand fleuve qui le magnifie, est devenu, depuis le 1juillet 1885, un État qui, malgré des appellations multiples au cours du long feuilleton de son élaboration, s’est transformé en un même espace national, habité par un même peuple congolais.
C’est par une trajectoire bien remplie que, depuis le premier millénaire, les ancêtres organisèrent ce territoire jusqu’au jour où il devint la République démocratique du Congo, membre à part entière des nations modernes et, troisième pays africain par sa superficie, après le Soudan et l’Algérie.
Son emblème, le drapeau bleu ciel, orné d’une étoile jaune dans le coin supérieur gauche et traversé en biais d’une bande rouge finement encadrée de jaune trouve son origine au xixe siècle. Il est l’héritage du drapeau bleu ciel étoilé d’or adopté, en 1877, par la Commission internationale de l’Association internationale africaine (AIA), organisme philanthropique et scientifique créé au terme de la Conférence internationale de géographie réunie en 1876 au Palais de Bruxelles et point de départ de l’aventure de Léopold II en Afrique centrale. Le roi belge, son président, se préoccupa, dès le départ, de lui trouver un emblème qui fût distinct de celui de la Belgique et de toute autre nation, pour préserver son caractère international. Ce drapeau bleu ciel étoilé d’or, peut-être inspiré de l’ancien drapeau américain de la Confédération sudiste lors de la Guerre de sécession, pouvait, en définitive, s’interpréter comme l’évocation de l’azur du ciel africain, avec une étoile d’or au milieu.
Sous ces couleurs, des stations se créèrent le long du cours du fleuve Congo et de ses affluents. Et c’est ce drapeau qui flotta, le 1er juillet 1885, à Vivi la première capitale, lors de la proclamation sur l’espace congolais de l’existence d’un État nouveau. De là, la continuité historique fut assurée de manière quasi rigoureuse. En 1960, l’emblème acquit, en plus, six petites étoiles jaunes rangées longitudinalement, symbolisant les six provinces constitutives du Congo indépendant. Leur multiplication, en 1964, amena à gommer cette représentation À sa place on ajouta une bande rouge, symbolisant le sang des martyrs, victimes des violences de la colonisation et de la décolonisation. C’est la forme qui prévaut encore de nos jours, malgré son abandon provisoires au profit du drapeau vert à la période où le pays s’appela Zaïre.
La devise du Congo contemporain, Justice, Paix, Travail, remplaça, en 1964, Travail et Progrès de l’État indépendant du Congo, qu’accompagnait à l’ère coloniale l’Union fait la force, la devise de la Belgique. De la période léopoldienne à nos jours, le « travail » fut donc l’élément permanent, auquel s’accolèrent deux autres valeurs cardinales, auxquelles le Congo aspire : « la justice et la paix ».
L’hymne national, c’est le Debout Congolais composé en 1960 par le jésuite Simon-Pierre Boka aidé par Joseph Lutumba et diffusé au lendemain de la fête de l’indépendance. Au Katanga, à la période de la sécession, il fut remplacé par la Katangaise, une composition de Joseph Kiwele, comme il le fut, dans l’ensemble du pays, par la Zaïroise, de 1971 à 1996, à cause du changement du nom du pays. Comme le Debout Congolais, la Zaïroise fut l’œuvre de Boka et Lutumba, symbolisant en cela la continuité, malgré le changement apparent.
Quant aux armoiries, elles étaient composées d’une tête de léopard encadrée, à gauche et à droite, d’une pointe d’ivoire et d’une lance, le tout reposant sur une pierre. Elles connurent ensuite une modification notable et furent constituées d’une tête de lion encadrée de deux palmes, à gauche et à droite, avec au centre trois mains enlacées.
Ces deux fauves, qui symbolisent la force et qui font partie de la faune nationale, occupèrent donc successivement les armoiries nationales : partant du lion de l’ère coloniale, on s’attacha au léopard, puis à nouveau au lion, pour effectuer enfin un retour vers le léopard
Chapitre 1
Territoire, terres et terroirs
Le contrôle de l’espace vital est la première préoccupation des peuples : c’est à partir d’une terre déterminée que l’on assure sa subsistance. Pour l’apprivoiser s’inventent des stratégies de survie et des instruments indispensables pour l’assurer. Forêts et savanes, montagnes et bords des rivières deviennent terroirs revendiqués par des occupants. On étudiera ici cinq sujets : Quelles sont les particularités de ce territoire ? Comment y assurait-on la subsistance ? Quels furent les premiers outils ? Comment se réalisa le partage des espaces ? Comment s’établirent les liens entre les premiers occupants ?
I. Territoire et terres
L’espace congolais occupe les 2 345 409 km² de l’Afrique qui s’étendent du 5°2’ de latitude nord au 13°15’ de latitude sud et, en longitude est de Greenwich, du 12°15’ à 31°15’. Cette position le place exactement de part et d’autre de l’Équateur et l’amène à faire frontière avec neuf pays différents : à l’ouest, la République du Congo ; au nord-ouest, la République centrafricaine ; à l’extrême nord-est, le Soudan ; de là, sa frontière serre de près l’axe tectonique des Grands Lacs et le sépare d’avec l’Ouganda, le Rwanda, le Burundi et la Tanzanie, par le lac Albert, la Semliki, le Ruwenzori, le lac Édouard et le lac Tanganyika ; au sud, il se démarque de la Zambie par la ligne de partage des eaux Congo-Zambèze et, de l’Angola, par une ligne fort embrouillée, suivant le cours du Kasaï pour rejoindre enfin l’estuaire du Congo.
Ce territoire congolais fait partie d’un espace géographique qui a, lui aussi, sa propre histoire, liée à la naissance et à la formation du continent africain. L’identité géologique congolaise naquit il y a 65 millions d’années, quand le socle de l’Afrique, aplati dans sa partie centrale par des érosions, commença à se fissurer, donnant lieu à de vastes espaces marécageux en son milieu. De ce fait, sa périphérie connut un relèvement graduel et variable, avec des bas plateaux au nord et des plateaux étagés au sud. Le centre devint la partie la plus déprimée de la région, entourée de toute part par des plateaux, tandis que le relief le plus surélevé se situait à l’extrême est. Cette zone du Congo constitue cette région singulière d’Afrique orientale qui combine tectonique cassante et volcanisme ; les fossés d’effondrement s’y succèdent. À partir du sud de l’Éthiopie, la grande déchirure continentale est dédoublée ; la branche occidentale qui constitue l’espace congolais, présente une succession de lacs encaissés au fond des grabens : lacs Albert, Édouard, lacs Kivu, Tanganyika, Moëro. La crête Congo-Nil, ligne de partage des eaux entre les deux fleuves offre un véritable musée volcanique ; la diversité écologique, la profusion de la faune et de la flore justifient la création en 1925, au Congo, du premier parc naturel d’Afrique, le parc Albert (de nos jours, le parc Virunga).
Il n’est pas étonnant que ces milieux des Grands Lacs aient été propices aussi à l’évolution de l’humain, comme en témoigne l’exceptionnelle richesse des sites archéologiques qui confirment l’Afrique dans son statut de berceau de l’humanité (Lucie, découverte dans l’Afar, a été datée de 3,2 millions d’années ; le Millenium ancestor du Kenya remonterait à 6 millions d’années).
Les terres congolaises ont donc leurs particularités qui distinguent la cuvette centrale de l’espace des grands lacs, les plateaux du sud de ceux du nord. La cuvette centrale est plus tardive. Sa grande caractéristique réside dans la production d’un réseau de cours d’eau, de rivières et de lacs.
L’identité congolaise, c’est aussi d’être un État hydrographique, construit pour contenir en un seul ensemble, à part quelques entorses, l’intégralité du bassin du fleuve éponyme. La construction du fleuve s’est étalée dans le temps. Il est possible qu’il se soit constitué de l’addition de deux réseaux, distincts au départ : l’un atlantique et l’autre tributaire de l’océan Indien, enrichis par des captures d’eau. Sur le plan hydrographique, l’ensemble du territoire national est très bien arrosé. Et le fleuve Congo, chanté par Léopold Sédar Senghor comme le symbole de la mère Afrique, est le ciment de l’unité du pays, dont l’espace coïncide pratiquement avec la surface de son bassin (2 300 000 km² sur 3 700 000 km²). Ce grand fleuve, le second du monde par le volume après l’Amazone, l’a pourvu d’un réseau hydrographique dense et équitablement réparti, drainant les eaux nationales de toute provenance.
La forêt congolaise fait partie de la grande nappe qui, depuis le Cameroun, s’étire vers l’est et touche à la région des Grands Lacs. Elle aussi a son histoire qui n’est pas encore bien connue. Vers 16 000 avant J.-C., le climat y avait atteint son plus haut niveau d’aridité. Les forêts tropicales sempervirentes ne survécurent que sous forme de refuges entourés de zones semi-caducifoliées. Lorsque le climat devint plus humide, vers 10 000 av. J.-C., les forêts s’étendirent jusqu’à un millénaire avant l’expansion bantoue, puis allèrent en diminuant. Ce manteau végétal fut donc dépendant de la situation hydrographique. Son évolution révèle qu’il n’a pas subi de modifications physiologiques importantes depuis le Tertiaire. Dans sa partie centrale, le territoire national est donc constitué d’un massif forestier, entouré de tout côté de formations végétales plus ouvertes : des forêts de bambous, des bruyères arborescentes et des mousses sur les pentes des hautes montagnes de l’est ; la savane herbeuse ou boisée au nord comme au sud, dont l’avancée est, dans l’ensemble, le fruit de l’œuvre destructrice de l’homme au cours des temps, bien que la forêt garde tous ses droits et couvre encore les 43 % du territoire national.
Sur le plan climatique, la grande partie du territoire congolais est soumise aux conditions du climat tropical, quoique la diversité de relief et de situation impose des distinctions notables. Il y a inversion des saisons selon qu’on se situe au nord ou au sud de l’Équateur. Les hautes terres de l’est présentent des températures tempérées, avec neiges éternelles et glaciers au sommet du Ruwenzori ; elles contrastent avec les étendues de l’intérieur du bassin du Congo, avec températures et pluviométrie élevées et absence de véritable saison sèche. Au nord et au sud de cette zone équatoriale, c’est le domaine des climats tropicaux à saisons alternées, la saison des pluies et la saison sèche, s’inversant suivant l’hémisphère ; seule exception, le Katanga méridional connaît six mois secs alternant avec six mois pluvieux.
II. Environnement et subsistance
L’appropriation de l’espace se réalisait de plusieurs manières : conquête, absorption des premiers occupants ou découverte et prise en charge d’une terre inoccupée. Le mouvement s’amorçait par le besoin de trouver de meilleures zones d’approvisionnement, quand les terres occupées devenaient pauvres. S’imposait alors la nécessité de rapprocher les campements de ces nouveaux sites. Cette mobilité de proche en proche, étalée dans le temps, finissait par passer pour une migration.
À la base, le chasseur. C’est lui, bien souvent, qui était à la recherche des terres giboyeuses et finissait par en rapprocher les siens, afin d’écourter les distances de plus en plus longues pour aller à la chasse. Lors de ses déplacements, il lui arrivait de découvrir d’autres groupes, avec lesquels s’établissaient des rapports d’hostilité ou d’amitié. Parfois, il était fait prisonnier ou s’égarait, de sorte qu’il finissait par intégrer une autre communauté ou par en former une nouvelle. Les royaumes anciens ont presque toujours eu pour fondement l’histoire d’une mobilité. Et les commencements se réalisaient de plusieurs manières : soit l’occupation d’une terre jusque-là vacante, soit une guerre de conquête mettant en déroute les premiers habitants, soit une intégration sociale par le jeu des alliances matrimoniales amenant les nouveaux venus à se faire accepter et à se laisser absorber par les premiers occupants ou l’inverse.
Mais le processus d’appropriation d’une terre n’était pleinement réalisé que lorsque les ancêtres y vivaient, ce qui supposait une longue occupation, avec pour conséquence l’inhumation dans ce site de générations d’ancêtres. Le cimetière participait donc de ce processus de sédentarisation. L’espace se dotait alors de bois, de montagnes ou de sources d’eau sacrés. Être propriétaire de terre signifiait lui être lié par des voies supranaturelles, avoir le contrôle des biens qu’elle détenait au sol et au sous-sol et la capacité d’y procéder à des prélèvements. Aussi, avant d’aller à la chasse était-on tenu de demander la bénédiction du chef de terre et de lui offrir un tribut au retour, en signe de reconnaissance. C’est le chef de terre qui était habilité à procéder à l’investiture du chef politique. Le premier pouvoir était d’ordre supranaturel, le second d’ordre temporel.
Voilà pourquoi, le Congolais vit le culte des origines. À chaque individu correspond une appartenance familiale le rattachant à une communauté et à une terre ancestrale où reposent les ancêtres, même si on est citadin ou né à l’étranger. Dans cette logique, la citoyenneté communautaire conférait par elle-même un droit de propriété et la terre ne pouvait en principe faire l’objet de cession, de vente ou d’expropriation, si ce n’est pour son seul usufruit.
L’environnement était respecté, en tant que siège des esprits et source de vie. Son exploitation, soumise à des règles strictes pour permettre sa régénérescence, correspondait au même mode d’autosubsistance. En effet, la cueillette, la pêche et la chasse se ramenaient à la seule et même préoccupation de prélever directement sur la nature tout ce dont on avait besoin. Ces possibilités étaient nombreuses et diversifiées suivant les particularités du site, que ce soit dans le sol, la flore, les ressources halieutiques ou le règne animal.
Ce n’était pas la nourriture qui faisait défaut. L’enjeu revenait à repérer dans cet environnement des éléments utiles à l’homme et à élaborer des techniques spécifiques de captation. La comestibilité des produits s’établissait par essai et erreur, diffusion d’une expérience déjà acquise ou observation des animaux et de leur nourriture. De nos jours encore, la cueillette, la pêche et la chasse demeurent des sources alimentaires pertinentes, en particulier dans le monde rural, quoique ce mode d’approvisionnement soit de moins en moins sauvage. La pêche et la chasse ont bénéficié, au cours des temps, d’instruments plus perfectionnés, par l’introduction des hameçons, des filets et des fusils qui ont pris la relève des lances, arcs et flèches.
Au-delà de la subsistance immédiate, d’autres besoins devaient être satisfaits : se soigner, se vêtir, s’amuser, se protéger, être beau et se faire aimer. La nature offrait les ingrédients nécessaires. L’argile présida à l’invention de la poterie et intervint dans la construction des habitations ; la liane rendit possible l’art de la vannerie et du tissage ; les écorces d’arbre permirent la fabrication de tissus pour se vêtir ; la paille fit office de chaume ; les plantes et les fruits vénéneux formèrent des poisons, tandis que les bénéfiques à la santé furent à la base des médicaments. D’autres encore servirent de produits de beauté pour l’embellissement de la peau ou des dents. La découverte des propriétés de la nature est un long processus, toujours en cours.
Le relief
L'hydrographie
III. L’Avènement de l’outil
Aucune terre n’est en principe insalubre, à la condition de disposer des techniques nécessaires pour parer à ses inconvénients. Voilà pourquoi le domaine des technologies est associé à la maîtrise de l’environnement et à la production des biens de consommation. À cause de