Les partis politiques en Province
Par Paul Scudo
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Les partis politiques en Province - Paul Scudo
Paul Scudo
Les partis politiques en Province
EAN 8596547457299
DigiCat, 2022
Contact: DigiCat@okpublishing.info
Table des matières
I.
II.
III.
IV.
V
VI.
VII.
VIII.
DédicaceA LA SOCIÉTÉ ACADÉMIQUE
DE NANTES.
En témoignage
D'une vive reconnaissance.
Scudo.
I.
Table des matières
INTRODUCTION.
Expirant sous les débris de la société antique, le dix-huitième siècle légua à son successeur l'impérieux devoir de trouver aux nations délaissées une nouvelle moralité. La révolution de 89 brillera dans l'avenir, comme une vaste épopée de l'esprit humain. Ce fut le cri lugubre d'un monde corrompu succombant sous les coups d'une génération nouvelle, qui s'emparait de la vie avec une impitoyable fureur; ce fut l'acclamation spontanée et magnifique d'un peuple malheureux, qui s'échappait des bastilles de la féodalité; ce fut l'horrible immolation d'une caste sociale qui avait absorbé en elle seule la puissance et la richesse de la nation; enfin, ce fut l'apparition du principe de l'égalité, déposé par Jésus dans la conscience du genre humain, qui, perçant l'enveloppe de la foi, se constituait une vérité de l'intelligence.
Dans le petit nombre de lois fondamentales de l'esprit humain, il y en a une qui les domine toutes: c'est le dogmatisme de la volonté. La volonté de l'homme est une puissance primitive, qui ne se soumet qu'à un principe supérieur; jamais elle n'accorde à une simple volonté comme elle, le droit de la commander, si cette dernière ne puise ce droit dans une source impersonnelle. Deux volontés individuelles sont deux unités d'une même nature, qui ne peuvent faire nombre, parce que l'une ne saurait se subordonner à l'autre. Si dans les coups dont on l'accable, le soldat autrichien croyait voir l'effet de la volonté du caporal qui les lui administre, il l'égorgerait à l'instant même; mais sachant que le caporal n'est qu'un misérable instrument, il remonte le fleuve de la hiérarchie sociale, et va chercher la cause de son supplice jusque sur le trône de l'empire, où sa raison trébuche et s'anéantit: l'histoire de l'humanité confirme ce principe.
Cependant la société serait-elle possible avec ce tourbillon de volontés individuelles, si un lien ne les réunissait pour en former un tout harmonieux? évidemment non. Quel sera donc ce verbe mystérieux qui établira l'ordre dans le chaos? Ici se partagent les philosophes, et se multiplient les systèmes.
Pour qu'une volonté surgisse du sein de ses égales et vienne leur imposer sa loi, il faut de toute nécessité qu'elle soit appuyée de l'une des deux puissances qui seules, en ce monde, dominent les volontés individuelles: de Dieu ou de l'humanité. Dieu et l'humanité, sources sacrées d'où s'épandent les principes des sociétés; fleuves immenses aux cours desquels doit se retremper la volonté qui prétend régir les nations. Lorsque cette volonté émane de Dieu, c'est un tuteur vigilant qui ne livre la liberté aux peuples qu'à mesure qu'ils avancent dans le progrès; mais si elle s'échappe de l'acclamation des masses, alors elle est le vœu intelligent des hommes émancipés. Dans le premier cas, elle s'appelle royauté, dans le second, souveraineté nationale.
Il est de l'essence de tout véritable principe d'être impersonnel, et d'appartenir aux lois générales de la raison; et comme tel, il trouve toujours une respectueuse obéissance. Mais aussitôt que ce principe quitte les régions élevées où il a été conçu, et qu'il tombe dans la personnalité, en perdant sa pureté originelle, il perd aussi sa force sociale; il s'incarne alors, il s'individualise, il s'abâtardit sous la volonté mesquine d'un homme ou d'une caste, et il périt comme un fait isolé. Or, la volonté individuelle qui a reçu le baptême de Dieu ou de l'humanité, se dépouille de son caractère humain, elle quitte la terre et monte, comme le Christ, au séjour des principes; c'est à ce titre qu'il lui est possible de gouverner les hommes. Que si, par la succession des temps, elle manquait à sa haute destinée, alors elle devra s'attendre à la résistance des autres volontés, qui ne verront plus en elle qu'une force individuelle, sans mission et sans droit.
Ici il faut prévoir une question qu'on ne manquera pas de nous faire. Comment Dieu manifeste-t-il son approbation? Comment transmet-il son pouvoir à la volonté particulière? Admettriez-vous la révélation? Nous répondrons à ces objections en exposant nos idées sur la royauté.
En remontant aussi loin que possible le cours des affections de l'homme, on trouve au fond de son intime nature un sentiment primitif si vivace, qu'il survit à toutes les catastrophes de l'âme, et qu'aucune forme politique ne saurait l'anéantir: c'est le sentiment paternel. Le sentiment paternel est un délicieux amour de soi-même, reversé sur l'image qui doit nous transmettre à l'avenir, et qui circule dans nos veines avec la vie. Rien ne lui est antérieur, si ce n'est la cause suprême à qui nous devons tout. En effet, la famille est une monade sociale, placée sur la terre comme un point dans l'espace, une note fondamentale de l'harmonie du monde. Monarchie, république, tyrannie, tout passe et repasse au-dessus de cette unité indestructible, qui survit aux orages de l'humanité comme le dernier mot d'une mystérieuse Providence. C'est là, c'est au sein de la famille que naquit et se développa la magistrature paternelle, premier germe de l'autorité morale. Je dis premier germe de l'autorité morale, car ce n'est ni à la force, ni à la richesse, ni à l'assentiment de ses égaux que le père doit son pouvoir dans la famille; il le doit à un sentiment qu'il n'a pas créé, à une cause qui lui est supérieure. Mais quel est donc l'être fort qui donna à l'homme cette douce affection pour sa progéniture, origine première de toute autorité? La nature, dit le philosophe; Dieu, lui répond le chrétien: qu'importe! vous convenez au moins que l'homme a puisé l'autorité morale hors de sa volonté, je n'en demande pas davantage.
La magistrature paternelle était nécessaire. Il fallait aux enfants jeunes, faibles et inexpérimentés, une autorité forte et bienveillante, qui les guidât à travers les phénomènes du monde, et les initiât avec prudence aux mystères de la vie. Tant que le père usa de son pouvoir dans l'intérêt de ses enfants et pour le bonheur de la communauté, il était juste, puisqu'il était indispensable; aussi sa volonté était-elle religieusement exécutée, car elle avait la sainteté d'un principe. Mais lorsqu'oubliant sa mission tutélaire, le père voulut étouffer sous sa tyrannique personnalité l'indépendance; de ses enfants, le fils aîné, émancipé par l'âge et la raison, se posa en face de son père et lui dit: «Ton autorité absolue expire devant ma liberté; et je suis libre puisque je me suffis à moi-même. Je t'ai obéi comme père, comme magistrat chargé de soutenir ma faiblesse; mais homme et ton égal, je te résiste.» Et assis autour de l'âtre paternel, le fils prit part au conseil de la famille. Voilà l'origine de l'aristocratie, qui fut le premier accent de la liberté.
La royauté antique, dans sa vénérable majesté, a tous les caractères de la magistrature paternelle; elle en est incontestablement le développement régulier et naturel. Vous la voyez avec son sceptre pastoral, le front ceint d'une couronne mystique, couverte d'un manteau sacré, se retirer dans un tabernacle, comme une parole divine. Elle est simple et absolue, et jamais elle ne s'inquiète de l'assentiment des peuples, qu'elle dirige de sa puissante main. Elle les gouverne sans contrôle, car elle souffre et prévoit pour eux; elle est l'expression des mœurs naïves de cet âge reculé; c'est la science des vieux jours, c'est le temps et son expérience guidant les pas incertains des nations. D'ailleurs la royauté était la seule forme sociale que pût concevoir alors l'intelligence des peuples; elle était la réalisation extérieure d'un besoin de l'esprit, elle était l'expression de l'unité.
Or, l'unité est le but éternel auquel tend l'esprit humain. Il la veut en toutes choses et à toutes les époques de la vie; seulement chez l'homme simple elle n'est qu'une idée, chez le philosophe elle forme un système. Les progrès des peuples ainsi que ceux de l'individu peuvent se mesurer à la grandeur de l'unité qu'ils se sont faite. Dans la haute antiquité l'homme voyait les bornes du monde là où s'arrêtait l'horizon; et Dieu circonscrivait la personnalité humaine, comme la vigne enlace de ses flexibles rameaux l'orme de nos campagnes. Plus tard, en brisant l'égoïsme de son intelligence, il y laissa pénétrer des phénomènes ignorés; avec les connaissances de l'homme, s'agrandit aussi l'idée de la nature et de son auteur; et Dieu, adoré jusqu'alors sous la forme d'une nymphe ou d'un roseau, fut replacé par le progrès sur le trône de l'univers. D'abord il confond tout dans une vaste unité; puis il la fractionne en mille autres par l'abus de l'analyse; et enfin il reconstruit le tout par la puissance de sa raison. Ignorant, il est superstitieux; l'analyse le rend athée; par la science, il devient religieux comme Newton. C'est ainsi que sous les symboles d'or de la nature se cachent les mystères de la destinée humaine; mystères qui ne se dévoilent à l'humanité qu'à mesure qu'elle avance dans l'avenir.
Si l'art, si la religion, si toutes les créations spontanées ou réfléchies de l'esprit humain témoignent de ce besoin d'unité, ce témoignage éclate plus encore dans l'organisation politique. La société primitive, telle que nous la voyons s'épanouir en Orient, est une extension de la famille et rien de plus; et la royauté est fille de l'autorité paternelle. Les subtiles combinaisons sont indignes du sens commun de l'histoire.
Les révolutions sociales qui, au sein de la famille, avaient arrêté l'empiétement égoïste de l'autorité paternelle, se renouvelèrent plus tard autour de la royauté, quand celle-ci oublia sa mission providentielle. Héritière du pouvoir du père de famille, la royauté était le résultat de l'accroissement de l'humanité, et de la transformation de la famille en la tribu. Tant qu'elle resta dans les