Location via proxy:   [ UP ]  
[Report a bug]   [Manage cookies]                

« Antijudaïsme » : différence entre les versions

Contenu supprimé Contenu ajouté
Pautard (discuter | contributions)
Le statut de dhimmi : Section à sourcer
Manacore (discuter | contributions)
 
(35 versions intermédiaires par 10 utilisateurs non affichées)
Ligne 1 :
{{Confusion|Antisémitisme|Judéophobie}}
{{sources à lier|date=novembre 2021}}
[[Fichier:Metz Cathédrale Portail de la Vierge 291109 07.jpg|vignette|[[Allégorie]] de la Synagogue (''[[Ecclesia et Synagoga]]'') (aux yeux bandés, lance brisée et [[tables de la Loi]] affaissée), une des représentations de l'antijudaïsme médiéval européen ([[Cathédralecathédrale Saint-Étienne de Metz|cathédrale Saint-Etienne de Metz]])]]
{{à wikifier|date=novembre 2021}}
[[Fichier:Metz Cathédrale Portail de la Vierge 291109 07.jpg|vignette|[[Allégorie]] de la Synagogue (''[[Ecclesia et Synagoga]]'') (aux yeux bandés, lance brisée et [[tables de la Loi]] affaissée), une des représentations de l'antijudaïsme médiéval européen ([[Cathédrale Saint-Étienne de Metz|cathédrale Saint-Etienne de Metz]])]]
L’'''antijudaïsme''' est l'hostilité à l'égard de la [[Judaïsme|religion juive]]. Ce terme peut être employé à propos de l'attitude du [[christianisme]] envers le judaïsme, attitude longtemps marquée par la [[théologie de la substitution]], elle-même issue de plusieurs courants, dont le [[Marcion|marcionisme]] et la doctrine [[Augustin d'Hippone|augustinienne]] du « [[peuple témoin]] ».
 
Au sens strict, l'antijudaïsme ne doit pas être confondu avec l'[[antisémitisme]] ou la [[judéophobie]], bien que tous trois puissent s'influencer mutuellement<ref>{{article |auteur=[[Paul Démann]], ''|titre=Antisémitisme et conscience chrétienne'', |périodique=Cahiers sioniens, Vol. |volume=1, {{n°|numéro=3}} du {{Date-|date=1| janvier| 1948}}.</ref>. L'antisémitisme ou la judéophobie désigne une attitude hostile vis-à-vis des Juifs en tant que peuple au-delà d'une stricte dimension religieuse. Toutefois, au cours de l'histoire, ces deux notions se sont confondues, ainsi que l'a démontré, par exemple, [[Jules Isaac]] dans son ouvrage ''[[Jésus et Israël]]''.
 
== Définition ==
Ligne 12 ⟶ 11 :
Néanmoins, [[Jules Isaac]], dans ''Genèse de l'antisémitisme'', insiste sur le fait qu'il n'existe ni [[antisémitisme]] ni antijudaïsme avant que le [[christianisme]] devienne la religion dominante dans l'[[Empire romain]], période à partir de laquelle la pratique du [[judaïsme]] était sanctionnée par la [[peine de mort]].
 
Par la suite, les [[Empire romain|Romains]] sont venus soumettre [[Israël antique|Israël]]. Tout en étant tolérants sur le plan religieux, ils étaient heurtés par le refus des [[Judée|Judéens]] d'accepter dans leur [[Temple de Jérusalem|Temple]] toute statue de leur « divin empereur ». Une [[première guerre judéo-romaine|grande révolte]] se déclara en [[66]], et la [[Judée]] fut écrasée par les armées de [[Titus (empereur romain)|Titus]]. Le Temple, qui avait été construit sur les bases du [[Temple de Salomon]], fut détruit ([[70]]).
 
[[Hadrien]] écrasa la révolte de [[Shimon bar Kokhba|Bar Kochba]], ayant changé le nom de la ville de [[Jérusalem]] en celui d'[[Ælia Capitolina]]. « Hadrien ordonna par décret officiel et ordonnances que toute la nation (juive) soit à tout prix empêchée de pénétrer la région même de Jérusalem si bien que nul ne pouvait apercevoir la terre de ses ancêtres, même de loin. La ville ayant été ainsi désolée et ses enfants exterminés, elle fut remplie d'étrangers »... « La province tout entière cessait en 135 de s'appeler Judée (nom romain) pour prendre le nom de [[Syrie-Palestine|Syria Palestina]], reprenant l'ancienne dénomination grecque qui faisait référence non pas aux juifs mais à leurs anciens ennemis, les Philistins ».
 
Les juifs rebelles à [[Rome]] de leur côté avaient frappé dès le début de la guerre en 132 des monnaies au nom d'un État ayant pour nom (nom juif) « Israël », nom jamais utilisé par les Romains pour désigner les juifs...juifs… Avec le temps, et les juifsJuifs ayant manifesté leur intention de rebâtir leur sanctuaire, l'empereur [[Julien (empereur romain)|Julien]] ordonna la reconstruction du Temple de Jérusalem, qui n'eut pas lieu parce que « tous étaient convaincus que le culte des juifs représentait une menace pour le monde romain »<ref>{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Martin|nom1=Goodman|traducteur=Michel Bessières, Agnès Botz et Sylvie Kleiman-Lafon|titre=Rome et Jérusalem|sous-titre=le choc de deux civilisations|lieu=Paris|éditeur=Perrin|collection=Pour l'histoire|année=2009|pages totales=711|isbn=978-2-262-02739-1|oclc=470782124|bnf=414287566|passage=564, 566, 568 et 575}}.</ref>.
 
== Antijudaïsme en paganisme ==
Ligne 23 ⟶ 22 :
== Antijudaïsme chrétien ==
=== Dans l’Église primitive ===
Au début du christianisme, la plupart des disciples de [[Jésus de Nazareth]] étaient des Juifs de [[Galilée (région)|Galilée]] et de [[Judée]]. À l'époque de Jésus, la réalité juive se composait déjà d'une très importante [[diaspora juive|diaspora]] disséminée dans l'[[empire romain]], de même qu'il existait une importante [[judaïsme hellénistique|communauté juive hellénisée]] en [[Judée]]. Jésus était juif et parlait l'[[araméen]]. Il s'inscrivait dans la tradition juive et pratiquait les rites du [[judaïsme]]. Le [[Nouveau Testament]] rappelle fréquemment qu'il se réclamait de la [[Torah]].
 
Ses premiers disciples, surtout ceux de tendance [[Hellénistes|hellénisante]], se distanciaient du judaïsme, auquel pourtant ils se sentaient attachés, et firent l'objet d'agressions. La [[Conversion au christianisme|conversion]] de païens a contribué à tendre la situation, au point qu'il fallut un [[Concile de Jérusalem|premier concile]] pour déterminer quelles étaient les pratiques [[Loi mosaïque|mosaïques]] que ces chrétiens étaient tenus de suivre.
À l'époque de Jésus, la réalité juive se composait déjà d'une très importante [[diaspora juive|diaspora]] disséminée dans l'[[empire romain]], de même qu'il existait une importante [[judaïsme hellénistique|communauté juive hellénisée]] en [[Judée]]. Jésus était juif et parlait l'[[araméen]]. Il s'inscrivait dans la tradition juive et pratiquait les rites du [[judaïsme]]. Le [[Nouveau Testament]] rappelle fréquemment qu'il se réclamait de la [[Torah]].
 
Ses premiers disciples, surtout ceux de tendance [[Hellénistes|hellénisante]], se distanciaient du judaïsme, auquel pourtant ils se sentaient attachés, et firent l'objet d'agressions. La [[Conversion au christianisme|conversion]] de païens a contribué à tendre la situation, au point qu'il fallut un [[Concile de Jérusalem|premier concile]] pour déterminer quelles étaient les pratiques [[Loi mosaïque|mosaïques]] que ces chrétiens étaient tenus de suivre.
 
=== De l'Épitre aux Galates à la destruction du Temple de Jérusalem ===
Les premiers signes de distanciation apparaissent dès le début : l'[[épître aux Galates]] rappelle que l'observance de la [[Loi de Moïse|Loi]] n'est plus nécessaire et que tous sont appelés au [[Salut (christianisme)|salut]], juifs comme [[Païen|païens]]non juifs<ref> Galates 3,28.</ref>. Après la [[première guerre judéo-romaine]] et la destruction du [[Temple de Jérusalem|Temple]] (70 EC), un [[Pharisiens|Pharisien]], [[Yohanan ben Zakkaï]], fonda l'académie de [[Jamnia]] et constitua le [[canon de la Bible hébraïque]]. Le [[synode de Jamnia]] (90-100) accentua la rupture entre le judaïsme et le christianisme. La réforme et la restructuration de la religion juive furent alors le fait des seuls [[pharisiens]].
 
Après la [[première guerre judéo-romaine]] et la destruction du [[Temple de Jérusalem|Temple]] ([[70|70 EC]]), un [[Pharisiens|Pharisien]], [[Yohanan ben Zakkaï]], fonda l'académie de [[Jamnia]] et constitua le [[canon de la Bible hébraïque]]. Le [[synode de Jamnia]] ([[90]]-[[100]]) accentua la rupture entre le judaïsme et le christianisme.
 
La réforme et la restructuration de la religion juive furent alors le fait des seuls [[pharisiens]].
 
=== Le supersessionisme (de Marcion à Justin) ===
[[Marcion]], [[Gnosticisme|gnostique]] chrétien très influent et déclaré [[hérétique]] postérieurement, rejetait l'ensemble de l'influence [[judaïque]] sur la [[foi]] chrétienne. Dans le corpus de textes écrits qu'il fut l'un des premiers à établir, il excluait donc l'[[Ancien Testament]]<ref>{{Ouvrage|prénom1=Marcel|nom1=Simon|nom2=André Benoît|titre=Le Judaïsme et le christianisme antique, d'[[Antiochos IV|Antiochos Épiphane]]à Constantin|lieu=Paris|éditeur=Presses universitaires de France|collection=l'histoire et ses problèmes|année=1994|pages totales=360|isbn=978-2-13-045723-7|isbn2=2130457231|oclc=760145910|passage=154}}.</ref>. Selon [[Justin de Naplouse|Justin]] (Apol. I 26), [[Tertullien]], puis plus tard [[Épiphane de Salamine|Épiphane]], l'influence de cette [[gnose]] [[Dualisme (religion)|dualiste]] fut considérable dans le [[bassin méditerranéen]]<ref>Aux environs de [[208]], [[Tertullien]] confirmait que « la tradition hérétique de Marcion emplissait l’univers » (Contre Marcion, 5/19), ce qui n’était pas le cas de la Grande Église. Au {{IVe siècle}} [[Épiphane de Salamine|Épiphane]] citait, parmi les lieux « infectés » par le marcionisme, l’[[Italie]], l’[[Égypte]], la [[Palestine (région)|Palestine]], l’[[Arabie]], la [[Syrie]], [[Chypre (pays)|Chypre]], la [[empire perse|Perse]] (Panarion 42.1).</ref>.
 
La tradition chrétienne veut qu'un [[synode]] se soit réuni à [[Rome]] sous l'égide de [[Pie Ier|Pie {{Ier}}]] pour condamner le [[marcionisme]] ([[144]]) mais la réalité du christianisme de l'époque {{pas clair|dément toute pertinence doctrinale}}. Le marcionisme déclina dans l'ouest de l'[[Empire romain]] au {{IIIe siècle}}, puis dans l'est, {{refnec|mais il eut une descendance [[Manichéisme_(religion)|manichéenne]]}}.
 
D'une façon beaucoup moins radicale que le [[supersessionisme]] de Marcion, quelques écrits peuvent témoigner de l'énergie que les chrétiens consacrèrent à relativiser les préceptes de l'[[Ancien Testament]], en concentrant leur critique sur cinq pratiques [[judaïsante]]s de la [[Loi mosaïque]] : les [[sacrifice]]s, le [[shabbat]], la [[circoncision]], le [[jeûne]] et les [[Cacherout|prescriptions alimentaires]]<ref>Dominique Cerbelaud o.p. : ''Écouter Israël. Une théologie chrétienne en dialogue''</ref>{{,}}<ref name=":1">{{Chapitre|prénom1=Sébastien|nom1=Morlet|titre chapitre=Enjeux, méthodes et arguments de la polémique chrétienne antique contre le judaïsme|titre ouvrage=L’apologétique chrétienne : Expressions de la pensée religieuse, de l’Antiquité à nos jours|éditeur=Presses universitaires de Rennes|collection=Histoire|date=2019-09-03|isbn=978-2-7535-6872-3|lire en ligne=http://books.openedition.org/pur/114804|consulté le=2021-01-02|passage=35–59}}.</ref>. On retrouve des mentions de ce type dans plusieurs textes : l'''[[épître de Barnabé]]''<ref>Barn 2 (sacrifices), Barn 15 (shabbat), Barn 9 (circoncision), Barn 3 (jeûne), Barn 10 (prescriptions alimentaires)</ref>, le « ''[[Dialogue avec Tryphon]]'' » <ref>Dial 22 (sacrifices), Dial 21 (shabbat), Dial 16 (circoncision), Dial 15 (jeûne), Dial 20 (prescriptions alimentaires)</ref> de [[Justin Martyr]], l’« ''épître à Diognète'' » <ref>Diogn 3, 5-4, 11</ref>, et l’« ''aduersus Iudaeos'' » de [[Tertullien]]<ref>adu Iud 5 (sacrifices), adu Iud 4 (shabbat), adu Iud 3 (circoncision)</ref> ou celui de [[Adversus Judaeos (Chrysostome)|Jean Chrysostome]].
 
=== Justin de Naplouse et les Pères de l'Église ===
{{Article détaillé|Perfidia judaica}}
[[Fichier:Gotland-Bunge_kyrka_Wandmalerei_08.jpg|vignette|Juif (portant le ''[[judenhut]]'') représenté comme le [[bourreau]] de [[Jésus-Christ|Jésus]] sur une peinture murale [[Peinture gothique|gothique]] de l'{{En}}[[:en:Lien|trad=Bunge_Church|fr=Bunge_Church|texte=église de Bunge]]}} en [[Suède]] ({{XIVe s}})]]
Il faudra plusieurs décennies pour que se constitue et se formalise la [[Tradition (christianisme)|Tradition chrétienne]] puis, au-delà, le [[Canon biblique|canon]] des textes [[apôtre|apostoliques]].
 
On trouve pour la première fois, dans un ouvrage de l'[[apologétique|apologiste]] [[Justin de Naplouse]]<ref>[[Justin martyr]] : ''Dialogue avec Tryphon''</ref>, une expression telle que « ''[[Verus Israel]]'' » qui est souvent considérée comme une source d'antagonisme entre [[judaïsme]] et [[christianisme]]<ref>Marcel Simon : ''Verus Israël''.</ref>.
 
Ainsi, au cours de la constitution de la [[christianisme|doctrine chrétienne]] aux {{IIIe s}} et {{IVe siècle}}s, le [[christianisme]] s'institutionnalisant se présente comme « l'Israël nouveau », le « véritable Israël ». Dans cette [[Théologie de la substitution|perspective dogmatique]], les [[Juifs|Juif]]s — « l'ancien Israël » — auraient dû reconnaître la [[Nouveau Testament|nouvelle Alliance]]. L'évident hiatus finit de consommer la rupture, le judaïsme et ses tenants, considérant Jésus comme un simple mortel, devient ''de facto'' un ''opposant'' au [[christianisme]].
 
Considérée au [[Premier concile de Nicée|concile de Nicée]] ([[325]]) comme l'un des principaux soutiens de [[Constantin Ier (empereur romain)|Constantin {{Ier}}]] pour réorganiser l’[[État]], l'[[Église (institution)|Église]] aurait, selon certains, absous les Romains de l'exécution du [[Jésus de Nazareth|Christ]] en développant cette théorie du « [[peuple déicide]] » fondement de l’antijudaïsme doctrinal{{référence insuffisante|<ref>[http://home.scarlet.be/rupture/cb_frame.htm Juifs et chrétiens au temps de la rupture, le peuple déicide].</ref>}}.
 
Sur ce point, les sources les plus fiables actuellement disponibles restent fragmentaires ou incomplètes. Selon certaines études {{référence insuffisante|<ref>[http://home.scarlet.be/rupture/frame.htm Juifs et chrétiens au temps de la rupture] ; les références des passages des écrits des Pères de l'Eglise en question sont indiquées dans les chapitres XIV, XV et XVI du livre ''Juifs et chrétiens au temps de la rupture'', du même auteur, Albert de la Rochebrochard.</ref>}}, l'expression les « tueurs de Dieu » (''theo-ktonoi'') revient {{nobr|17 fois}} dans l'immense [[corpus patristique]] grec, mais toutefois jamais pour désigner un peuple<ref>ilIl désigne le plus souvent un pécheur ou un hérétique, comme dans lors du [[Concile de Trente]] : « Lorsque nous Le renions par nos actes, nous portons en quelque sorte sur Lui nos mains déicides. » ou : « Notre crime à nous dans ce cas est plus grand que celui des Juifs. Car eux, au témoignage de l’Apôtre, s’ils avaient connu le Roi de gloire, ils ne L’auraient jamais crucifié. Nous, au contraire, nous faisons profession de Le connaître. »</ref> : ''theo-ktonoi'' est d'ailleurs un pluriel, par opposition au singulier ''theo-ktonos'' ; on trouve également d'autres expressions comme « ceux qui ont tué le Seigneur » ou « le Christ » chez un certain nombre d'auteurs chrétiens.
 
Les [[Pères de l'Église]] cités par certains historiens<ref>[[Jean Juster|Juster (J.)]], dans ''Les Juifs dans l'Empire romain'', tome I, {{p.|46}}.</ref>{{,}}<ref>[[Jules Isaac]], dans ''Jésus et Israël'', {{p.|361}}, et dans ''Genèse de l'antisémitisme'', {{p.|158}}.</ref>{{,}}<ref>[[Léon Poliakov]], dans ''Du Christ aux juifs de cour'', {{p.|41}}.</ref>{{,}}<ref>[[Marcel Simon (historien)|Marcel Simon]], dans ''Verus Israël'', {{p.|246}}.</ref>{{,}}<ref>Lovsky (F.), dans ''L’Antisémitisme chrétien'', {{p.|131}}.</ref>{{,}}<ref>[[Hans Küng]], dans ''Le Judaïsme'', {{p.|210}}.</ref> pour avoir véhiculé au {{IVe siècle}} (ou quelquefois avant) des idées hostiles contre les juifs sont essentiellement [[Eusèbe de Césarée]], [[Grégoire de Nazianze]], [[Grégoire de Nysse]], [[Jean Chrysostome]], [[Astérios d'Amasée]], [[Augustin d'Hippone]] et [[Méliton de Sardes]]<ref name=":1" />. [[Jean Chrysostome]] écrivit huit discours contre les juifs<ref>[http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/chrysostome/traites/discju/index.htm Abbaye Saint-Benoît de Port-Valais, huit discours contre les Juifs], dans l'œuvre de [[Jean Chrysostome]].</ref>.
Les [[Pères de l'Église]] cités par certains historiens<ref>[[Jean Juster|Juster (J.)]], dans ''Les Juifs dans l'Empire romain'', tome I, {{p.|46}}.
[[Jules Isaac]], dans ''Jésus et Israël'', {{p.|361}}, et dans ''Genèse de l'antisémitisme'', {{p.|158}}.
[[Léon Poliakov]], dans ''Du Christ aux juifs de cour'', {{p.|41}}.
[[Marcel Simon (historien)|Marcel Simon]], dans ''Verus Israël'', {{p.|246}}.
Lovsky (F.), dans ''L’Antisémitisme chrétien'', {{p.|131}}.
[[Hans Küng]], dans ''Le Judaïsme'', {{p.|210}}.
</ref> pour avoir véhiculé au {{IVe siècle}} (ou quelquefois avant) des idées hostiles contre les juifs sont essentiellement [[Eusèbe de Césarée]], [[Grégoire de Nazianze]], [[Grégoire de Nysse]], [[Jean Chrysostome]], [[Astérios d'Amasée]], [[Augustin d'Hippone]] et [[Méliton de Sardes]]<ref name=":1" />. [[Jean Chrysostome]] écrivit huit discours contre les juifs<ref>[http://www.abbaye-saint-benoit.ch/saints/chrysostome/traites/discju/index.htm Abbaye Saint-Benoît de Port-Valais, huit discours contre les Juifs], dans l'œuvre de [[Jean Chrysostome]]</ref>.
 
Néanmoins le [[Symbole de Nicée]], texte fondateur, ne contient aucune mention hostile relative aux juifs. Notamment lorsqu'il évoque la mort du Christ, celle-ci est attribuée à l'action ou la responsabilité de [[Ponce Pilate]] (''sub Pontio Pilato passus''). Dans le corpus patristique latin, le terme « [[déicide]] » ne se trouve qu'une fois chez [[Pierre Chrysologue]] traduisant [[Grégoire de Naziance]]. On le trouve aussi à plusieurs reprises chez [[Augustin d'Hippone]], dans son commentaire sur le psaume 65<ref>« Le sang répandu du Seigneur a été pardonné à des homicides, que je ne dis pas déicides, car “s’ils avaient connu le Seigneur de gloire, ils ne l’auraient jamais crucifié »</ref>, dans ''[[La Cité de Dieu]]'' et dans son ''Contra Judaeos'', où l'accusation de « déicide » se fait de plus en plus virulente au fil des années.
 
Après le [[Premier concile de Nicée|concile de Nicée]] et l'adoption du [[christianisme]] comme religion officielle de l'[[empire romain]] par [[Constantin Ier (empereur romain)|Constantin {{Ier}}]], la mention de « juif incroyant » fut introduite dans le [[code de Théodose]] au {{Ve siècle}} ([[438]]){{refnec}}. Puis, cette idée fut introduite dans la [[liturgie]] du [[Vendredi saint]], sous la forme de la mention « ''[[Oremus et pro perfidis Judaeis]]'' ». Au {{s-|VII|e}}, le mot {{lang|la|''perfidus''}} a le sens d'« incroyant » ou d'« infidèle »<ref>[[Albert Blaise]], ''Dictionnaire latin-français des Pères de l’Église''.</ref> puis il prend une couleur plus péjorative incluant la malveillance<ref>Bernhard Blumenkranz, ''Perfidia'', ''Archivium Latinitatis medii Aevi, Bulletin du Cange'', 1952, t. XXII, {{p. |169-170}}, [http://documents.irevues.inist.fr/handle/2042/2931?show=full en ligne].</ref>. Dans la [[Liturgie catholique|liturgie]], après l'[[Intention#L'intention de prière (catholicisme)|intention]] où l'on prie pour les Juifs perfides, les fidèles sont invités à s'agenouiller et à prier en silence mais dès la fin du {{VIIIe siècle}} - contrairement aux autres intentions qui forment la [[Prière universelle]] -, l'agenouillement et la prière silencieuse pour les Juifs furent supprimés (rétablis en 1955)<ref name=":2">{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Bernhard|nom1=Blumenkranz|titre=Juifs et chrétiens dans le monde occidental, 430-1096|éditeur=Peeters Publishers|date=2006|isbn=978-90-429-1879-5|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=YYrjzsOUVOkC&pg=PP7&lpg=PP7&dq=biographie+%22bernhard+blumenkranz%22&source=bl&ots=N62lDhwtm1&sig=pLg4lNC6x3cGx7Q0fLPJaQYTYRw#PPA92,M1|consulté le=2021-01-02}}.</ref>. Les historiens [[Jules Isaac]] et [[Bernhard Blumenkranz]] voient dans cette suppression toute l'offense qui aggrave celle des mots et nourrit l'[[L'Enseignement du mépris|enseignement du mépris]]<ref>{{ouvrage |auteur=[[Jules Isaac]] |titre=Genèse de l’antisémitisme |éditeur= Éd. Pocket |collection=Agora |passage=289 sqq.}}.</ref>{{,}}<ref name=":2" />{{,}}<ref>{{Ouvrage|langue=fr|prénom1=Université de Fribourg Faculté de|nom1=théologie|titre=Judaïsme, anti-judaïsme et christianisme: colloque de l'Université de Fribourg, 16-20 mars 1998|éditeur=Éditions Saint-Augustin|date=2000|isbn=978-2-88011-153-3|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=0lMb_f8JtoMC&printsec=frontcover#PPA27,M1|consulté le=2021-01-02}}.</ref>{{,}}<ref>{{chapitre |titre chapitre=Une mémoire pour l’avenir : cinquante ans de dialogue entre juifs et chrétiens, les grands textes : réunis à l’occasion du cinquantenaire de la conférence de Seelisberg (30 juillet - 5 août 1947) |passage=44 |auteur={{Mgr}} [[Pierre Mamie]] |titre ouvrage=Judaïsme, anti-judaïsme et christianisme |nature ouvrage=colloque de l’Université de Fribourg, 16-20 mars 1998 |auteurs ouvrage=[[Alexandre Safran]] ''et al.'', faculté de théologie de l’université de Fribourg |éditeur=éditions Saint-Augustin |année= 2000 |isbn=9782880111533 |présentation en ligne={{Google Livres |id=0lMb_f8JtoMC }} }}.</ref>.
 
=== Haut Moyen Âge (476-986) ===
Pendant tout le haut [[Moyen Âge]], l'étude du [[Talmud]] resta tolérée dans l'[[Occident]] chrétien, avec vigilance, et ceci jusqu'au {{XIIIe siècle}}.
 
Les sources concernant la période antérieure aux invasions arabes du {{VIIIe siècle}} sont rares. Nous savons que les premières communautés juives s’installèrent en [[Gaule]] dès la fin de l’[[Antiquité]]. Comme lors des conciles d'Elvira ([[305]]), de Vannes ([[465]]), des trois conciles d'Orléans ([[533]], [[538]], [[541]]), avec le concile de Clermont ([[535]]), l'[[Église (institution)|Église]] interdit aux [[Juifs|Juif]]s de prendre des repas en commun avec des clercs. Le concile d'Orléans de [[538]] interdit aux Juifs de se mêler aux chrétiens du [[jeudi saint]] au deuxième samedi qui suit [[Pâques]]. Tout [[mariage]] avec un Juif ou une Juive a été prohibé en [[533]], [[535]], et [[538]]. Au concile tenu dans la Narbonne wisigothique en [[589]], on interdit aux Juifs de conduire leurs morts en chantant des [[psaume]]s<ref>{{ouvrage |auteur1=[[René Rémond]] et |auteur2=[[Jacques Le Goff]] : ''|titre=Histoire de la France religieuse, |tome =I, |page=81 81''|année=1988 |éditeur=Seuil}}.</ref>.
 
[[Césaire d'Arles]] consacra aux [[Juifs|juif]]s deux [[sermon]]s, tandis qu'[[Isidore de Séville]] composa un traité ''De la foi catholique contre les juifs'' peu après [[620]].
 
Certains évêques s'engagèrent dans une politique de conversion. Toutefois, le pape [[Grégoire Ier|Grégoire le Grand]] mit en garde deux évêques en [[591]] contre les [[baptême]]s forcés<ref>{{ouvrage |auteur1=[[René Rémond]] et |auteur2=[[Jacques Le Goff]] : ''|titre=Histoire de la France religieuse, |tome =I, |page =83'' |année=1988 |éditeur=Seuil}}.</ref>.
 
Certains souverains prirent des mesures contre les Juifs : le Wisigoth [[Chindaswinthe]] ([[641]]-[[649]]) menaça de peine de mort quiconque aurait pratiqué des rites juifs. [[Chilpéric Ier (roi des Francs)|Chilpéric]], en [[582]], ordonna de [[Baptême|baptiser]] de nombreux [[Juifs|Juif]]s. [[Dagobert Ier|Dagobert]] aurait décidé d'exiler ceux qui refusaient le [[baptême]]<ref>{{ouvrage |auteur1=[[René Rémond]] et |auteur2=[[Jacques Le Goff]] : ''|titre=Histoire de la France religieuse, |tome =I, pages |page=81-83'' |année=1988 |éditeur=Seuil}}.</ref>.
 
Les [[Pères de l'Église]], notamment [[Augustin d'Hippone]], ont présenté les Juifs comme une preuve vivante du triomphe de [[Jésus de Nazareth|Jésus]], ceux qui, par leur dispersion, par leur abaissement et par leur servitude, témoignent de la vérité de la religion du Christ (la doctrine du « [[peuple témoin]] » d'Augustin).
 
Après les invasions arabes du {{VIIIe siècle}}, et avec la naissance de l'[[empire carolingien]], les Juifs furent tolérés. Le droit traditionnel juif continua, comme sous l'[[Empire romain]], à régler les rapports intérieurs de la communauté israélite. Chez les chrétiens, on s'appuyait surtout sur le droit romain quand il s’agissait de protéger les juifs ou de « penser » leur présence au sein d’une société massivement chrétienne. De très violentes persécutions, de la part des musulmans comme des chrétiens (l’Inquisition), accablent bientôt les juifs d’Espagne. Leur besoin de réconfort est tel que la religion et la philosophie traditionnelles ne peuvent l’épuiser. On comprend ainsi la grande et durable influence de la '''kabbale''' (« tradition »), qui recouvre diverses doctrines et pratiques mystiques, et qui offre seule une consolation<ref>{{Lien web |langue=fr |prénom=Éditions |nom=Larousse |titre=judaïsmeJudaïsme latin ecclésiastique judaismus du grec ioudaismos - LAROUSSE|éditeur=Larousse |url=https://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/juda%C3%AFsme/63454 |site=www.larousse.fr |consulté le=2023-10-18}}.</ref>. Il existait une seule [[discrimination]] juridique sur le nombre de témoins à fournir dans un procès. Les interdictions légales étaient d'origine religieuse et tendaient à diminuer le [[prosélytisme]] juif. Il n'y avait pas de limite aux activités des Juifs. Ils bénéficiaient de la [[liberté de culte]].
 
Seuls certains [[Clergé|clercs]], tel [[Agobard de Lyon|Agobard]] de [[Lyon]], insistèrent sur la responsabilité des Juifs dans la mort du Christ (« peuple [[déicide]] », peuple méprisé), en mettant en garde les chrétiens contre une [[religion]] susceptible de tenter (dans le sens religieux du terme) certains d’entre eux.
 
Les théologiens occidentaux ([[Pierre Chrysologue]], [[Bède le Vénérable]], [[Paul Diacre]]…) prenaient des positions souvent modérées à leur égard.
 
Seuls certains [[Clergé|clercs]], tel [[Agobard de Lyon|Agobard]] de [[Lyon]], insistèrent sur la responsabilité des Juifs dans la mort du Christ (« peuple [[déicide]] », peuple méprisé), en mettant en garde les chrétiens contre une [[religion]] susceptible de tenter (dans le sens religieux du terme) certains d’entre eux. Les théologiens occidentaux ([[Pierre Chrysologue]], [[Bède le Vénérable]], [[Paul Diacre]]…) prenaient des positions souvent modérées à leur égard. Il n'en reste pas moins vrai que, les chrétiens se considérant désormais comme le « vrai Israël », les textes médiévaux reprennent de manière explicite le thème du peuple juif comme peuple-queue, citant souvent le Deutéronome<ref>Dt 28, 44.</ref>. [[Bède le Vénérable]], Jérôme, qui reprend presque littéralement [[Origène]], Maxime de Turin, [[Isidore de Séville]], Pierre de Blois, Guillaume Durand, Raban Maur, [[Pierre le Vénérable]], et d'autres encore, finissent par rendre classique cette interprétation<ref>{{article |auteur=Pierre Savy. ''« |titre=Les juifs ont une queue » sur un thème mineur|périodique=[[Revue dedes la construction de l'altérité juive''. Revue d'études juives]] |date=janvier-juin 2007, p. |passage=202}}.</ref>.
 
Certains personnages comme [[Raoul Glaber]] contribuèrent à la diffusion d'idées antijudaïques après l'[[an mille]]. De même, les légendes chrétiennes les plus populaires - [[Évangile de Nicodème]], [[La Légende dorée|Légende Dorée]]… - font jouer des rôles antipathiques aux Juifs témoins de la Passion du Christ.
 
=== De la première croisade à la Renaissance ===
Dans le contexte de l'essor urbain qui marqua l'Europe à partir de la fin du {{XIe siècle}}, l’antijudaïsme purement religieux prit une forme sociale. Pendant la période [[Moyen Âge|médiévale]], la grande majorité des juifs vivait dans des [[ville]]s. Les villes cathédrales de la chrétienté présentaient des conditions d'urbanisation à long terme de qualité, et constituaient l'asile des implantations et communautés juives les plus importantes<ref>Juifs et villes – Relations et liens Prof. {{Dr|Alfred Haverkamp}} (Arye Maimon-Institut, Universität Trier).</ref>.
 
La [[Première croisade|Première Croisade]] poussa vers la [[Terre sainte]] des foules considérables de croyants qui voulaient libérer [[Jérusalem]] des « infidèles » et ouvrir la route vers la [[Terre sainte]] fermée par les Turcs. L'enseignement de l'[[Église (institution)|Église]] interdisait que l'on s'attaquât aux [[Juifs|juif]]s. Mais le manque de préparatifs et des motifs financiers ont entraîné des [[Persécution des Juifs pendant la première croisade|persécutions des Juifs]]. L'amalgame entre « infidèles » et juifs ou [[musulman]]s dans l'esprit de certains [[chevalier croisé|croisés]] s'est accompagné de l'intention de faire payer aux [[Juifs|Juif]]s la mort du [[Jésus de Nazareth|Christ]]. Des incidents graves ont été signalés en décembre 1095 lors du départ de la [[croisade]] de [[Pierre l'Ermite]] à Rouen et en Champagne. Les communautés juives furent plus éprouvées par Folkmar et [[Emich de Leiningen]] lors des [[Première croisade#Les croisades germaniques|croisades dites « allemandes »]]. Des [[pogrom|massacres de juifs]] eurent lieu à [[Spire (ville)|Spire]], à [[Worms (Allemagne)|Worms]], à [[Histoire de Mayence#La persécution des juifs de 1096|Mayence]] ([[Histoire des Juifs de Mayence|Magenza]]). L'[[évêque]] de [[Spire (ville)|Spire]] offrit un abri aux [[Juifs|juif]]s de sa ville, qui perdit 14 de ses membres, tandis qu'à Worms, où la communauté ne relevait que de l'Empereur alors en Italie, {{nobr|800 morts}} furent à déplorer. Les croisés s'attaquèrent aux [[juiverie]]s de [[Cologne]], de Metz, de [[Trèves (Allemagne)|Trèves]], et de la basse vallée du Rhin. Ces explosions de violence non maîtrisée n'entraient pas dans les plans du pape [[Urbain II]]<ref>[[Jean Richard (historien)|Jean Richard]] : ''Histoire des croisades'', {{p. |41}} et {{p. |51-54}}.</ref>.
 
Selon [[Dominique Iogna-Prat]]<ref>{{ouvrage |auteur=Dominique Iogna-Prat, ''|titre=Ordonner et exclure, Cluny et la société chrétienne face à l'hérésie, au judaïsme, et à l'Islam 1000-1150'', |lieu=Paris, |année=1998, p. |passage=275 et, 319}}.</ref>, l'idée que les juifs, au Moyen Âge, furent vraiment considérés comme n'appartenant pas à l'espèce humaine « résume fidèlement la substance des propos de [[Pierre le Vénérable]], représentant d'un antijudaïsme radical. » Pour l'auteur de l'''Adversus Iudœorum inueteratam duritiem'', le juif fut comme le « repoussoir qui permet à celui qui l'exclut de cerner son identité. »<ref>Cité par {{article |auteur=Pierre Savy. « |titre=Les juifs ont une queue. » |périodique=[[Revue d'des études juives,]] |date=janvier-juin 2007, page |passage=196,[ |url=https://www.academia.edu/17782707/_Les_Juifs_ont_une_queue._Sur_un_th%C3%A8me_mineur_de_la_construction_de_l_alt%C3%A9rit%C3%A9_juive?auto=download résumé en ligne]}}.</ref>. Pour Pierre Savy, si l'on croit que les Juifs sont un [[peuple déicide]] qui donc a tué le Christ, alors on peut penser que les Juifs veulent répéter ce péché et peuvent profaner les [[hostie]]s qui incarnent le corps du Christ. Et alors, d'autres « croyances chimériques » peuvent se répandre : [[Accusation d'empoisonnement des puits contre les Juifs|les Juifs empoisonnent les puits]], [[Accusation de meurtre rituel contre les Juifs|se livrent au meurtre rituel]], les Juifs ont des cornes, une queue ou des menstruations<ref name=PS45>Pierre Savy, ''Histoire du peuple juif dans l'Occident médiéval'', MOOC à l'UNEEJ, leçon 4, séquence 5, 2016.</ref>.
 
Lors de la [[deuxième croisade]], un [[Ordre cistercien|cistercien]] du nom de [[Rodolphe (moine)|Rodolphe]] (ou Raoul), qui prêchait la [[croisade]], invitait ses auditeurs à venger le [[Jésus de Nazareth|Christ]] sur ses ennemis, ce qui engendra des meurtres collectifs dans les Pays-Bas, mais surtout dans la vallée du Rhin, à [[Cologne]], [[Mayence]] et [[Worms (Allemagne)|Worms]], en août et septembre 1146, et sans doute à [[Wurtzbourg]] en février [[1147]]. L'[[liste des archevêques de Cologne|archevêque de Cologne]] protégea les [[Juifs|juif]]s dans son château. L'[[archevêque]] de Mayence [[Heinrich Ier Felix von Harburg|Heinrich {{Ier}} Felix von Harburg]] prévint saint [[Bernard de Clairvaux]], qui arriva en [[Rhénanie]] pour faire cesser les prédications antijuives<ref>[[Jean Richard (historien)|Jean Richard]] : ''Histoire des croisades'', {{p. |169-170}}.</ref>.
 
Les communautés juives de [[Rhénanie]] constituaient au {{XIe siècle}} le principal centre de peuplement juif en Europe (voir [[Diaspora juive#Les Juifs de culture allemande et est-européenne|Les juifs de culture allemande]]). La communauté juive de [[Mayence]] fut tuée à 90 % lors de la [[première croisade]] et encore lors de la [[deuxième croisade]]. On se souvient de la déclaration de [[Jean-Paul II]] à [[Mayence]]<ref>le « peuple de Dieu de l'[[Ancien Testament|Ancienne Alliance]], qui n'a jamais été révoquée par Dieu », 17 novembre [[1980]].</ref>. Cette ville était en effet un centre religieux à la fois pour la [[chrétienté]] (la cathédrale [[architecture romane|romane]] [[cathédrale Saint-Martin de Mayence|Saint-Martin de Mayence]] était destinée à être une seconde Rome) et pour le [[Judaïsme]] : [[Mayence]] était un [[Histoire de Mayence#Centre d’étude talmudique|centre d'étude talmudique]], la communauté juive de Mayence était considérée comme la « fille de Sion » et la [[synagogue]] était considérée comme un symbole du [[Temple de Jérusalem]]. Dans une chronique sur le [[Première croisade#Les croisades germaniques|massacre de la première croisade]], un auteur juif de Mayence déclare : « Hélas le support puissant est rompu, ce magnifique bâton, la sainte communauté de Mayence, aussi précieuse que l’or »<ref>Juifs et villes – Relations et liens. Prof. {{Dr|Alfred Haverkamp}} (Arye Maimon-Institut, Universität Trier).</ref>. Ces événements affectèrent à la fin de sa vie le [[talmudiste]] [[Rachi]], qui était à Troyes sous la protection des [[comtes de Champagne]].
 
Cela n'a pas empêché que, sur le plan intellectuel, au {{XIIe siècle}}, des [[Juifs|juif]]s participent aux travaux de traduction de l'œuvre d'[[Aristote]], avec des Arabo-musulmans. [[Pierre Abélard]] posa les fondements de la [[scolastique]] avec des philosophes arabo-musulmans et juifs. Alors qu'au siècle suivant l'antijudaïsme évolua en se durcissant, on découvre dans l'œuvre de saint [[Thomas d'Aquin]] une réconciliation des pensées musulmanes, juives, et chrétiennes à travers la philosophie d'[[Aristote]] ; saint Thomas a développé une théologie de l'adoption filiale des juifs de l'[[Ancien Testament|Ancienne Alliance]]<ref>Luc-Thomas Somme : ''Fils adoptifs de Dieu par Jésus-Christ. La filiation divine par adoption dans la théologie de saint [[Thomas d'Aquin]]''. Paris, Librairie philosophique J. Vrin, [[1997]] (408 p.). Collection « Bibliothèque Thomiste », vol. XLIX.</ref>.
 
Par la suite, le monde nouveau né des [[croisade]]s vit l’essor du grand commerce international et l'arrivée des chrétiens dans les métiers du commerce. Les [[Juifs|juif]]s devinrent alors des rivaux dans la vie économique des {{XIIe s}} et {{XIIIe siècle}}s, et furent progressivement mis à l’écart de la société chrétienne.
[[Fichier:Sbs-0008_027r_Die_Kinder_verklagen_Jesus_bei_den_Erwachsenen.TIF|vignette|Les enfants juifs (portant le ''[[Chapeau juif|judenhut]]'') se plaignent de [[Jésus-Christ|Jésus]] auprès des adultes, ''[[Évangile de l'enfance selon Thomas]]'', ''Klosterneuburger Evangelienwerk'', [[Autriche]] (v. 1340).]]
Le [[Quatrième concile du Latran|{{IVe}} concile du Latran]] (1215) prit des mesures de discrimination contre les [[Juifs|juif]]s, comme l'obligation de porter un costume spécial et la [[Rouelle (Moyen Âge)|rouelle]] ou un signe distinctif infamant comme le ''[[judenhut]]'' (dit « chapeau juif »). Les juifs furent alors considérés par le [[clergé]] comme responsables collectivement de la mort du [[Jésus de Nazareth|Christ]]. Le [[Intérêt (finance)#Points de vue religieux|prêt à usure]] devint la cause d'une grande part du sentiment antijudaïque durant le [[Moyen Âge]]<ref>[[Bernard Lazare]] : ''l'antisémitisme, son histoire et ses causes'', {{p.|111-4}}.</ref>. En Italie, puis plus tard en Allemagne et en Pologne, [[Jean de Capistran]] (1386–1456) excitait les pauvres contre l'usure des juifs<ref>Bernard Lazare, op cit. {{p.|114-5}}.</ref>. Cependant, en 1247, le pape Innocent IV condamnait l'antisémitisme et les accusations de meurtre rituel portées en Allemagne par des exaltés contre les Juifs :
 
: « Nous avons entendu parler de la situation déplorable des Juifs contre lesquels quelques princes spirituels et temporels et d'autres seigneurs puissants en vos pays et évêchés imaginent toutes sortes de prétextes, afin de les attaquer, de les piller et de les dépouiller de leurs biens d'une manière injuste. Quoique l'Écriture Sainte leur dise:"Tu ne tueras pas" et leur interdise de toucher pendant la Pâque à quelque chose de mort, on leur impute le crime de communier, ce jour-là, avec le cœur d'un enfant tué, et on fait comme si la loi le leur prescrivait, alors que cet acte serait clairement contraire à la Loi... Se prévalant de cette intervention ainsi que de beaucoup d'autres, on les assaille et on les dépouille de tous leurs biens, sans accusation, sans aveu et sans preuve, contrairement à la justice, on les jette dans les geôles, on les opprime, et on condamne beaucoup d'entre eux à une mort honteuse, de sorte que sous ces princes et seigneurs, ils se trouvent dans une situation pire que leurs ancêtres sous les Pharaons d'Égypte, et qu'ils sont contraints à quitter les villes et les lieux où leurs pères habitaient déjà depuis des temps immémoriaux.
: Craignant ainsi leur destruction... ils se sont adressés au Saint-Siège… Et Nous ordonnons de rétablir l'état antérieur et de ne plus les importuner à l'avenir d'une façon ou d'une autre. » <ref>Innocent IV (1247) à l'épiscopat allemand cité dans Johannes Oesterreicher, Racisme, antisémitisme, antichritianisme, Cerf, 1940, {{p.|61-62}}.</ref>
 
La politique du [[Saint-Siège]] était assez variable vis-à-vis des juifs. Quand la situation des [[Juifs|Juif]]s devenait intenable, l’[[Église (institution)|Église]] les prenait sous sa protection pour préserver ou augmenter ses intérêts ; quand ils vivaient dans l’opulence ou simplement en paix, elle édictait à leur encontre des mesures restrictives ou même infamantes dans le jeu de la concurrence d’une puissance à la fois temporelle et spirituelle. Les [[Disputation judéo-chrétienne|disputations judéo-chrétiennes]] avaient souvent pour conséquence d'engendrer des [[Allégation antisémite|accusations contre les Juifs]].
 
==== Figurations artistiques ====
[[Fichier:Ecclesia_et_synagoga.jpg|vignette|''[[Ecclesia et Synagoga]]'', façade principale de [[Cathédrale Notre-Dame de Paris|Notre-Dame de Paris]]. Le bandeau aveuglant Synagoga, autrefois en tissu, est devenu un serpent, « esprit du mal »<ref name="EVLD">[[Eugène Viollet-le-Duc|Viollet-le-Duc]], ''[[s:Dictionnaire raisonné de l’architecture française du XIe au XVIe siècle - Tome 5, Église personnifiée|Dictionnaire raisonné de l'architecture française du {{Sp-|XI|e|au|XVI}} - Tome 5, Église personnifiée]]''.</ref>.]]
Les représentations artistiques témoignent d'une détérioration très nette de l'image de la synagogue et des [[Juifs]] du {{XIIe s}} sp|XII|au {{XVe siècle|XV}}<ref name="judsdv">[http://judaisme.sdv.fr/histoire/historiq/medieval/egsyn.htm « L'Église et la Synagogue : l'évolution du thème »] sur ''judaisme.sdv.fr''.</ref>{{,}}<ref name="NR61">{{en}} Nina Rowe, ''The Jew, the Cathedral and the Medieval City: Synagoga and Ecclesia in the Thirteenth Century'', 2011, Cambridge University Press, {{p. |61}} ''sq'', [https://books.google.com/books?id=uXysfjHbIJMC&pg=PA61 lire en ligne].</ref>. Les figurations d'[[Ecclesia et Synagoga|Ecclesia triomphante et Synagoga abaissée]], notamment sur les [[Portail|portails]] des [[Cathédrales gothiques|cathédrales]] européennes ([[Cathédrale Notre-Dame de Paris|Paris]], [[Cathédrale de Bordeaux|Bordeaux]], [[Cathédrale de Strasbourg|Strasbourg]], [[Cathédrale de Reims|Reims]] [[Cathédrale de Bamberg|Bamberg]], [[Cathédrale de Worms|Worms]], [[Cathédrale de Magdebourg|Magdebourg]], [[Minden]], [[Cathédrale Notre-Dame de Fribourg|Fribourg-en-Brisgau]]<ref name="UnivStJ">{{en}} [https://sites.sju.edu/ijcr/vision-statement/story-sculpture-enshrines-institutes-mission/ « Synagoga and Ecclesia in Our Time »], ''The Medieval Motif of Synagoga and Ecclesia And Its Transformation in a Post-Nostra Aetate Church'', Institute for Jewish-Catholic Relations, [[université Saint-Joseph de Philadelphie]].</ref>, [[Cathédrale de Rochester|Rochester]], [[Cathédrale de Lincoln|Lincoln]], [[Cathédrale de Salisbury|Salisbury]] ou [[Cathédrale de Winchester|Winchester]]<ref name="JVL">{{en}} [https://www.jewishvirtuallibrary.org/ecclesia-et-synagoga « Ecclesia et Synagoga »], ''[[Jewish Virtual Library]]''.</ref>), « ne se trouvent que dans des villes où il existait, au Moyen âgeÂge, des populations juives nombreuses », précise [[Eugène Viollet-le-Duc|Viollet-le-Duc]]<ref name="EVLD" />, et l'art reflétant les passions populaires, les artistes ont le dessein de ridiculiser et rabaisser la Synagogue<ref name=":4">{{Article |prénom1=Paul |nom1=Hildenfinger |titre=La figure de la synagogue dans l'art du moyen âge |périodique=Revue des études juives |volume=47 |numéro=94 |date=1903 |lire en ligne=https://www.persee.fr/doc/rjuiv_0484-8616_1903_num_47_94_4652 |consulté le=2021-11-03 |pages=187–196 }}.</ref>. L'historien français de l'architecture du {{XIXe siècle}}, Daniel Ramée, écrit même dans les [[années 1840]] que s'il connaissait personnellement des « Juifs bons et charitables », néanmoins des cathédrales françaises construites dans les [[années 1200]] ne sont « pas chrétiennes » en raison de « l'élément [[Phénicie (province romaine)|phénicien]]-[[Sémites|sémitique]], connu sous le nom de [[Juifs|juif]] en Europe ». Pour cet historien de l'art de l'époque de [[Victor Hugo]], [[Cathédrale Notre-Dame de Paris|Notre-Dame de Paris]] n'était que trop juive dans son [[Iconographie|imagerie]]<ref>{{En}}''The Gargoyles of Notre-Dame: Medievalism and the Monsters of Modernity'', du médiéviste de l'art Michael Camille, [[University of Chicago Press]]; {{1st}} edition (June 15, 2009). {{ISBN|978-0226092454}}. Cité [https://forward.com/culture/art/422670/what-jews-might-have-lost-in-the-fire-at-notre-dame-de-paris-cathedral/ en ligne].</ref>.
[[Fichier:Judensau Blockbuch.jpg|vignette|Gravure sur bois allemande montrant un ''Judensau'' (« truie juive ») anti-judaïque ({{XVe s}}).]]
Le thème récurrent du [[Supersessionisme|supercessionisme]] (théologie de la substitution) où le christianisme, devenu « [[Verus Israel|''verus Israël'']] », remplace le judaïsme, là où la [[Nouvelle alliance]] marque sa supériorité sur l'[[Ancien Testament|Ancienne]], s'illustre à travers cette iconographie chargée d'antijudaïsme qui émaille toute l'[[Iconographie chrétienne|imagerie]] médiévale chrétienne à partir du {{s-|IX}}, sous forme de statuettes et de plaques en ivoire, de [[Miniature (enluminure)|miniatures]] dans les manuscrits, de peintures, de [[Vitrail|vitraux]] et particulièrement de [[Sculpture|sculptures]] dites [[Statuaire monumentale|statuaires monumentales]]<ref name=":3">{{Ouvrage|auteur1=Michel Pastoureau|lien auteur1=Michel Pastoureau|titre=Une histoire symbolique du Moyen Âge occidental|passage=Pt138|éditeur=Seuil|collection=La librairie du xxie siècle|date=2004|isbn=9782021014983|lire en ligne=https://books.google.be/books?id=t0_-CgAAQBAJ}}.</ref>. De fait, la synagogue [[allégorique]] figurant les Juifs devient ainsi de plus en plus visible et sa déchéance s'exprime plus nettement à mesure que l'antijudaïsme se fait plus virulent et que la mort de [[Jésus de Nazareth|Jésus]] leur est imputée, accusés ainsi de [[Peuple déicide|déicide]]<ref name="judsdv" />.
 
Également, à partir du {{XIIIe siècle}}, en Allemagne, un motif animalier apparaît pour représenter des Juifs en contact intime avec une truie (''{{lang|de|[[Judensau]]}}'').
 
==== Juiveries ====
Des quartiers juifs apparurent au {{XIIIe siècle}} en Espagne et au Portugal. En France, on parlait de [[juiverie]]s ; il y en avait quatre à Paris.
 
Il y eut plusieurs [[autodafé]]s du [[Talmud]] en 1242 (à Paris), [[1286]] ([[Honorius IV]]), 1319 à 1321 (à Paris), 1415 (à Avignon), et 1553 (dans toute l'Italie) <ref>{{lien brisé|consulté le=2017-08-05|url=http://www.histoiredesjuifs.com/categories.asp?category=359&sess=no|titre=Les autodafés sur le site de histoiredesjuifs.com}}.</ref> (c'est alors qu'apparaît le mot [[ghetto]]).
 
==== Accusations diverses et expulsions ====
C'est en Angleterre, à [[Norwich]] (1144), qu'eut lieu la première [[Accusation de meurtre rituel contre les Juifs|accusation de crime rituel contre les Juifs]], avec l'affaire [[Guillaume de Norwich]]<ref>{{Ouvrage|langue=en|prénom1=Thomas of|nom1=Monmouth|traducteur=Pr. [[Miri Rubin]]|préface=Pr. Miri Rubin|titre=The Life and Passion of William of Norwich|éditeur=Penguin UK|date=2014-09-25|isbn=978-0-14-197053-0|lire en ligne=https://books.google.fr/books?id=vCFBAwAAQBAJ&pg=PT11&dq=norwich+Monmouth&hl=fr&sa=X&ved=0ahUKEwjetI-F1uPnAhVDQhoKHTnjA04Q6AEIKTAA#v=onepage&q=norwich%20Monmouth&f=false|consulté le=2024-04-17|partie=Introduction}}.</ref>, qui fut suivie par d'autres. Les Juifs furent également victimes d'[[Accusation de profanation d'hosties contre les Juifs|accusations de profanation d'hosties]].
 
En [[France]], lce type d'antijudaïsmeaccusation se manifesta à partir des années 1170-1180. Une [[Accusation de meurtre rituel contre les Juifs|accusation de crime rituel]] fut lancée contre les juifs à [[Blois]] en 1171. En 1247, le pape dut intervenir contre ceces type d'accusationaccusations. En 1182, [[Philippe II de France|Philippe Auguste]] procéda à l'expulsion des juifs du [[domaine royal]], alors limité. Les relations entre juifs et chrétiens se dégradèrent rapidement, aboutissant à la transformation de la [[synagogue]] de [[Paris]] en église en 1183<ref>{{ouvrage |auteur1=[[René Rémond]] et |auteur2=[[Jacques Le Goff]] : ''|titre=Histoire de la France religieuse, |tome =I, |page=404 404''|année=1988 |éditeur=Seuil}}.</ref>. [[Philippe II de France|Philippe Auguste]] sut rappeler les [[Juifs|juif]]sjuifs pour les besoins du Trésor royal, en raison de leurs compétences dans les questions financières. En effet, les [[Juifs|juif]]sjuifs autorisaient le [[prêt]] à [[intérêt (finance)|intérêt]] aux [[Non-juif|non-juifs]], alors que celui-ci était interdit aux [[christianisme|chrétiens]].
 
Nous savons que [[Louis IX de France|saint Louis]] considérait que les juifs étaient responsables collectivement de la mort du [[Jésus de Nazareth|Christ]], mais il ne prit pas de mesure physique contre eux. Toutefois, les disputations entre des théologiens chrétiens, [[Eudes de Châteauroux]], proviseur de la Sorbonne, et l'abbé [[Nicolas Donin]] (ancien rabbin converti au christianisme) et quelques docteurs de la loi israélite se tinrent en 1240 sous la présidence de [[Blanche de Castille]] et à la demande même de juifs convertis au christianisme. Ceux-ci, avec l'ardeur des néo-convertis, se plaignaient des invectives contre Jésus-Christ et contre la Vierge que contient le [[Talmud]]. Les discussions établirent que le reproche était fondé et aboutirent à une ordonnance royale ordonnant de [[procès du Talmud|brûler le [[Talmud]] en 1242 à Paris et à la traque des manuscrits hébraïques<ref>{{ouvrage |auteur1=[[René Rémond]] et |auteur2=[[Jacques Le Goff]] : ''|titre=Histoire de la France religieuse'', |tome =I, p|page=407 |année=1988 |éditeur=Seuil}}. 407</ref>.
 
LeEn décret1254, d'expulsionle deprojet 1254d’expulsion negénérale futdes pasJuifs appliquédu royaume reste lettre morte<ref>Juliette Sibon, « Saint Louis et les Juifs. Un colloque organisé par Paul Salmona et Juliette Sibon », Archives Juives, 2015/1 (Vol. 48), {{p.|128-135}}. DOI : 10.3917/aj.481.0128. [https://www.cairn.info/revue-archives-juives1-2015-1-page-128.htm lire en ligne], consulté le 2024-05-07.</ref>. En 1306 [[Philippe IV de France|Philippe le Bel]] expulsa à nouveau les Juifs<ref>[http://www.chass.utoronto.ca/~mechoula/EnFrancais.pdf L'expulsion des juifs de France en 1306 : proposition d'analyse contemporaine sous l'angle fiscal].</ref>. La question de savoir si [[Charles IV le Bel|Charles IV]] a appliqué ou non l'ordre de [[Philippe V de France|Philippe V]] de bannir les [[Juifs|juif]]sjuifs est discutée.
 
Dans l'[[Saint-Empire romain germanique|Empire]], les [[Juifs|juif]]sjuifs pouvaient bénéficier, à partir de 1234/1236, de la protection de l'empereur, à condition de payer un impôt (« impôt sur les juifs »), remplacé ultérieurement par des taxes versées à des protecteurs locaux.
 
La [[peste noire]] (1346-1350) provoqua une vague d'[[Peste noire#Violences contre les Juifs|émeutes antijudaïques]], d'abord en Provence, puis dans plusieurs parties de l'Europe. On accusa alors régulièrement les [[Juifs|juif]]s d'être responsables de l'épidémie.
Ligne 143 ⟶ 126 :
Un quartier juif fut construit à Avignon. Les [[juifs comtadins]] payaient néanmoins cher la protection du pape. Le premier [[ghetto]] apparut en Italie à Venise au {{XVIe siècle}}. {{refnec|Le pape [[Pie V]] avait recommandé que les États limitrophes de ses [[États pontificaux]] construisent des [[ghetto]]s}}.
 
{{refnec|En [[1394]], ce fut la dernière expulsion de France par [[Charles VI (roi de France)|Charles VI]]. En Alsace, la situation des juifs se détériora à la fin du {{XIVe siècle}}. En [[1389]], un édit de bannissement interdit aux [[Juifs|juif]]s leur réadmission dans la ville de Strasbourg. Il resta en vigueur jusqu'à la [[Révolution française]].}}
 
Pendant la reconquête de l'[[Espagne]] sur les musulmans, les premières persécutions commencèrent en 1391<ref>{{lien brisé|consulté le=2017-08-05|url=http://www.histoiredesjuifs.com/articles.php?lng=fr&pg=1343|titre=Histoire des Juifs - Chronologie - De 1301 à 1400}}.</ref>.
 
=== Inquisition espagnole et décret de l'Alhambra ===
L'[[Inquisition espagnole]] se mit en place en [[1451]] et adopta des mesures très sévères vis-à-vis des [[Juifs|Juif]]s convertis, les conversos ou [[Marranisme|Marrane]]s, qui continuaient à pratiquer leur [[religion]]<ref>{{lien brisé|consulté le=2017-08-05|url=http://www.histoiredesjuifs.com/articles.php?lng=fr&pg=1812|titre=Histoire des Juifs - Chronologie - De 1401 à 1500}}.</ref>. En [[1492]], le [[décret de l'Alhambra]] força les Juifs à choisir entre la conversion et l'exil.
 
Les [[Juifs|juif]]sjuifs espagnols se réfugièrent au Portugal<ref>{{lien brisé|consulté le=2017-08-05|url=http://www.histoiredesjuifs.com/categories.asp?category=15|titre=Les juifs au Portugal}}.</ref>, d'où ils furent à nouveau expulsés par un édit de décembre [[1496]]<ref> [http://www.harissa.com/D_Histoire/ledramedesjuifsportugais.htm Le drame des juifs portugais] ([[1497]]).</ref>.
 
Dans ces deux pays, les nouveaux convertis d'origine juive, les [[Marranisme|Marrane]]s, furent exclus des carrières militaires et ecclésiastiques à partir du milieu du {{XVe siècle}} par une série de décrets devant attester la pureté de sang ([[limpieza de sangre]]).
 
En Espagne, dès avant le [[décret de l'Alhambra]] de [[1492]], fleurit une abondante littérature polémique contre les juifs et contre les juifs convertis : dans le ''Livre de l'Alborayque'', les [[conversos]] sont assimilés à l'Alborayque, étrange bête hybride dotée d'une queue, et que monterait Mahomet. Ainsi commença à se répandre l'idée que les juifs ont une queue. Cette croyance se propagea à l'époque moderne en Allemagne et d'autres pays d'Europe<ref>{{article |auteur=Pierre Savy. ''« |titre=Les juifs ont une queue »''. |périodique=[[Revue des études juives,]] p.|date=janvier-juin 2007 |passage=179}}.</ref>.
 
[[Martin Luther]] a d'abord eu une attitude conciliante avec les juifs, estimant que la persécution des Juifs n'était pas conforme aux aspirations chrétiennes. Mais lorsqu'il se rendit compte qu'ils s'opposaient à son enseignement, il écrivit alors : ''[[Des Juifs et de leurs mensonges]]''. Selon [[Paul Johnson (historien)|Paul Johnson]], cette œuvre « peut être considérée comme le premier ouvrage d'[[antisémitisme]] moderne, et comme un grand pas sur la route de l'[[Holocauste]] »<ref> Paul Johnson : ''A History of the Jews'' ([[1987]]), {{p.|242}} - dans la traduction française ''Une histoire du peuple juif'' {{p.|264}}.</ref>.
 
Le [[catéchisme du Concile de Trente|catéchisme]] promulgué à la suite du [[concile de Trente]] ([[1566]]) répondit à [[Martin Luther|Luther]] sur les causes de la mort de [[Jésus de Nazareth|Jésus-Christ]] (voir [[catéchisme du Concile de Trente#Contenu|Contenu du catéchisme du Concile de Trente]]) : selon ce catéchisme, la crucifixion n'est pas le fait des Juifs mais de l'humanité tout entière depuis le péché originel. [[Jean Calvin|Calvin]] polémiqua aussi contre les Juifs dans son ouvrage ''Ad questiones et objecta Judaei''{{refnec}}.
 
En France, [[Jacques-Bénigne Bossuet|Bossuet]] a tenu également des propos très durs vis-à-vis des juifs dans certains de ses sermons, comme ce qui suit : « C'était le plus grand de tous les crimes : crime jusqu'alors inouï, c'est-à-dire le [[déicide]], qui aussi a donné lieu à une vengeance dont le monde n'avait vu encore aucun exemple… »<ref>Voir l'extrait complet dans l'article [[Jacques-Bénigne Bossuet]], cité par [[Jules Isaac]], ''Jésus et Israël'', {{p.|369-370}}, et [[Menahem Macina]], ''Les frères retrouvés, de l'hostilité chrétienne à l'égard des juifs à la reconnaissance de la vocation d'Israël'', {{p.|68-69}}.</ref>. [[Menahem Macina]], qui cite Jules Isaac, estime que de tels extraits ont alimenté un sentiment antijudaïque jusqu'au {{s-|XX|e}}, du fait de leur insertion par [[Alfred Rébelliau]] dans la collection « les grands écrivains français »<ref>[[Menahem Macina]], ''Les frères retrouvés, de l'hostilité chrétienne à l'égard des juifs à la reconnaissance de la vocation d'Israël'', {{p.|69}}.</ref>.
[[Jean Calvin|Calvin]] polémiqua durement aussi contre les [[Juifs|juif]]s{{refnec}}.
 
En France, [[Jacques-Bénigne Bossuet|Bossuet]] a tenu également des propos très durs vis-à-vis des juifs dans certains de ses sermons, comme ce qui suit : « C'était le plus grand de tous les crimes : crime jusqu'alors inouï, c'est-à-dire le [[déicide]], qui aussi a donné lieu à une vengeance dont le monde n'avait vu encore aucun exemple… »<ref>Voir l'extrait complet dans l'article [[Jacques-Bénigne Bossuet]], cité par [[Jules Isaac]], ''Jésus et Israël'', {{p.|369-370}}, et [[Menahem Macina]], ''Les frères retrouvés, de l'hostilité chrétienne à l'égard des juifs à la reconnaissance de la vocation d'Israël'', {{p.|68-69}}</ref>. [[Menahem Macina]], qui cite Jules Isaac, estime que de tels extraits ont alimenté un sentiment antijudaïque jusqu'au {{s-|XX|e}}, du fait de leur insertion par [[Alfred Rébelliau]] dans la collection « les grands écrivains français »<ref>[[Menahem Macina]], ''Les frères retrouvés, de l'hostilité chrétienne à l'égard des juifs à la reconnaissance de la vocation d'Israël'', {{p.|69}}</ref>.
 
=== Siècle des Lumières et Révolution française ===
{{Section à sourcer|date=novembre 2016}}
{{refnec}}Des [[pape]]s continuèrent à promulguer des lois antijuives : [[Clément XII]] et [[Benoît XIV]] imposèrent le port de la [[Rouelle (Moyen Âge)|rouelle]]. [[Clément XIV]] est plus libéral mais l'édit de [[1775]] de [[Pie VI]] rétablit la surveillance du [[ghetto]] de Rome par l'[[Inquisition]], ainsi que le port de l'insigne.
 
{{refnec}}À la veille de la [[Révolution française]], les communautés juives en [[France]] étaient localisées à [[Bordeaux]] ([[Sépharade]]s) et en [[Alsace]] ([[Ashkénaze]]s). Les Juifs étaient également en [[Avignon]]. Les communautés juives étaient souvent assez mal acceptées. Preuve d'antijudaïsme judiciaire en Alsace, [[Hirtzel Lévy]] fut condamné à périr sur la roue le {{date-|31 décembre 1754}} à Colmar pour un crime dont il était innocent.
Ligne 174 ⟶ 155 :
[[Voltaire]], conscient des racines judaïques du christianisme, voyait dans l'attaque du judaïsme et des juifs un moyen de saper les fondements de l'Église catholique.
 
Le courant général de libéralisation en France au {{XVIIIe siècle}} profita aux Juifs. L'[[Henri Grégoire|abbé Grégoire]] écrivit en [[1787]] un ''essai sur les juifs''. Le {{date|27 septembre 1791}}, grâce à [[Adrien Duport]] et à l'[[Henri Grégoire|abbé Grégoire]], l'Assemblée nationale vota le décret d'émancipation des [[Juifs|juif]]s, qui obtinrent la condition de [[citoyen]] à part entière, avant même les prêtres.
 
=== Période contemporaine ===
En France, l'antijudaïsme s'était propagé dans l'enseignement à partir notamment de quelques [[Jacques-Bénigne Bossuet|extraits des sermons de Bossuet]]<ref>[[Menahem Macina]], ''Les frères retrouvés, de l'hostilité chrétienne vis-à-vis des juifs à la reconnaissance de la vocation d'Israël'', {{p.|68-69}}.</ref>. [[Paul Démann]] releva des passages antijudaïques dans les manuels d'enseignement religieux qui ont nourri la foi des catholiques de la fin du {{s-|XIX|e}} aux décennies qui ont précédé le [[concile Vatican II]], dans le cadre d'une enquête reposant sur l'examen d'« environ 2000 volumes »<ref>[[Paul Démann]], ''La catéchèse chrétienne'', cité par [[Menahem Macina]], ''Les frères retrouvés, de l'hostilité chrétienne vis-à-vis des juifs à la reconnaissance de la vocation d'Israël'', {{p.|68}}</ref>.
 
La progression des [[Lumières (philosophie)|Lumières]] puis leur triomphe allait modifier la question, le christianisme cessant d'être la base de la société. Une partie des élites demeura hostile aux juifs mais sur un fondement différent. Ce renouvellement idéologique ne se diffusa que lentement dans la population. Ainsi dans l'Empire français et malgré le décret de 1791, les Juifs n'étaient pas encore intégrés. [[Napoléon Ier|Napoléon]] aurait eu de forts préjugés contre les Juifs, mais son sens de la cause publique et son opportunisme le poussèrent à les intégrer dans la société française{{refnec}}. Malgré l'opposition des députés de l'est, il décida en mai 1806 de convoquer une assemblée de notables, qui seraient choisis « parmi les [[rabbin]]s, les propriétaires et autres Juifs, les plus distingués par leur probité et leurs lumières. » Les notables siégèrent durant dix mois ({{date|26 juillet 1806}} - {{date|6 avril 1807}}), et furent sommés de répondre à un certain nombre de questions qui avaient pour objectif d'établir si les lois juives étaient compatibles avec le droit commun. Les notables répondirent que le [[judaïsme]] prescrivait de tenir « comme loi suprême la loi du prince en matière civile et [[politique]] », et qu'eux-mêmes s'étaient toujours « fait un devoir de se soumettre aux lois de l'[[État]] »<ref>{{ouvrage |auteur1=[[René Rémond]] |auteur2=[[Jacques Le Goff]] |titre=Histoire de la France religieuse |tome=III |page=343-348 |année=1988 |éditeur=Seuil}}.</ref>.
Ainsi dans l'Empire français et malgré le décret de [[1791]], les [[Juifs|juif]]s n'étaient pas encore intégrés. [[Napoléon Ier|Napoléon]] aurait eu de forts préjugés contre les [[Juifs|juif]]s, mais son sens de la cause publique et son opportunisme le poussèrent à les intégrer dans la société française{{refnec}}. Malgré l'opposition des députés de l'est, il décida en mai [[1806]] de convoquer une assemblée de notables, qui seraient choisis « parmi les [[rabbin]]s, les propriétaires et autres Juifs, les plus distingués par leur probité et leurs lumières. » Les notables siégèrent durant dix mois ({{date|26 juillet 1806}} - {{date|6 avril 1807}}), et furent sommés de répondre à un certain nombre de questions qui avaient pour objectif d'établir si les lois juives étaient compatibles avec le droit commun. Les notables répondirent que le [[judaïsme]] prescrivait de tenir « comme loi suprême la loi du prince en matière civile et [[politique]] », et qu'eux-mêmes s'étaient toujours « fait un devoir de se soumettre aux lois de l'[[État]] »<ref>[[René Rémond]] et [[Jacques Le Goff]], ''Histoire de la France religieuse'', tome 3, p. 343-348.</ref>.
 
{{quote|Toute 'obstination' contre chaque Juif est une 'obstination' contre toute la [[Bible]]|''[[Nahman de Bratslav]]''}}
 
Deux décrets de [[Napoléon Ier|Napoléon]] de [[1808]] réorganisèrent le [[culte]]<ref>[https://www.chabad.org/theJewishWoman/article_cdo/aid/539241/jewish/Mourning-What-is-Missing.htm ''Napoléon et la saint prière juive pour Dieu et l'Èternité : le Beit HaMikdash du Messie d'Israel'' (www.chabad.org)].</ref>. Il fallut encore lutter contre des mesures discriminatoires : [[Adolphe Crémieux]] fit supprimer le « [[serment more judaïco]] » que les juifs devaient prêter en justice selon une procédure infamante ([[1827]]-[[1846]])<ref>{{ouvrage |auteur1=[[René Rémond]] et |auteur2=[[Jacques Le Goff]] : ''|titre=Histoire de la France religieuse'', |tome=III 3,|page=349 p.|année=1988 349|éditeur=Seuil}}.</ref>.
 
Dans les vingt dernières années du {{XIXe siècle}}, en France, le contexte de [[scientisme]] transforma l'antijudaïsme en [[antisémitisme]], fondé sur des thèses [[raciste]]s selon lesquelles les Juifs sont à jamais inassimilables, en raison de leurs caractéristiques biologiques (ou « raciales ») et psycho-culturelles et, d’autre part, sur le thème d’[[Théorie du complot juif|accusation conspirationniste]], les Juifs étant accusés de vouloir dominer le monde, à travers manipulations de l’opinion, complots et bouleversements révolutionnaires, sur fond de domination financière plus ou moins occulte<ref>{{article |auteur=Pierre-André Taguieff |titre=L'Invention racialiste du Juif |périodique=Raisons politiques |date=2002/1 |numéro=5 |passage=29-51 |doi=10.3917/rai.005.0029 |lire en ligne=https://www.cairn.info/revue-raisons-politiques-2002-1-page-29.htm |consulté le=7 mai 2024}}.</ref>. Ces idéologies renvoyèrent au domaine de la pure imagination la connaissance religieuse et théologique. Elles posèrent les germes de l'oubli du [[Premier Testament]]{{refnec}}.
Dans la seconde moitié du {{XIXe siècle}}, le contexte de [[scientisme]] transforma l'antijudaïsme en [[antisémitisme]], en lui associant des thèses [[raciste]]s.
 
En France, [[Auguste Comte]], dans son [[calendrier positiviste]], prit « un parti pleinement irrévocable » sur Jésus, selon lequel il maintenait son « exclusion totale » de son système de pensée<ref>[[Henri de Lubac]] : ''le Drame de l'humanisme athée'' (1942), {{p. |193}}, citant une lettre à Hutton, cité à la [[société positiviste]].</ref>. Puis, il se considéra comme un nouveau [[Paul de Tarse]], qu'il voyait comme le « véritable créateur » du « dogme catholique »<ref>''[[Système de politique positive]]'', 2, 115, cité par [[Henri de Lubac]] dans ''Le Drame de l'humanisme athée''.</ref>, « profondément familier avec les penseurs de la Grèce »<ref>''[[Système de politique positive]]'', 3, 428-9, cité par [[Henri de Lubac]].</ref>.
Les idéologies{{lesquelles}} renvoyèrent au domaine de la pure imagination la connaissance religieuse et théologique. Elles posèrent les germes de l'oubli du [[Premier Testament]]{{refnec}}.
 
En France, [[Auguste Comte]], dans son [[calendrier positiviste]], prit « un parti pleinement irrévocable » sur Jésus, selon lequel il maintenait son « exclusion totale » de son système de pensée<ref>[[Henri de Lubac]] : ''le Drame de l'humanisme athée'' (1942), p. 193, citant une lettre à Hutton, cité à la [[société positiviste]]</ref>. Puis, il se considéra comme un nouveau [[Paul de Tarse]], qu'il voyait comme le « véritable créateur » du « dogme catholique »<ref>''[[Système de politique positive]]'', 2, 115, cité par [[Henri de Lubac]] dans ''Le Drame de l'humanisme athée''</ref>, « profondément familier avec les penseurs de la Grèce »<ref>''[[Système de politique positive]]'', 3, 428-9, cité par [[Henri de Lubac]]</ref>.
 
{{refnec|Les intellectuels juifs ([[Karl Marx|Marx]], [[Sigmund Freud|Freud]], [[Albert Einstein|Einstein]]…) ne formaient qu'une petite partie de ce mouvement général de remise en question, allant de la transformation des évidences aveuglantes à des interrogations angoissantes.}}
 
L'antisémitisme se propageait en [[Europe de l'Est]], avec des [[pogrom]]s en [[Russie]] au début du {{XXe siècle}}. Il se manifesta en France avec l'[[affaire Dreyfus]] ([[1894]]-[[1906]]), dont les causes profondes furent étudiées notamment par [[Bernard Lazare]]<ref>{{ouvrage |auteur=[[Bernard Lazare]] : ''l|titre=L'antisémitismeAntisémitisme, son histoire et ses causes |année=2010 |éditeur=L''Harmattan |pages totales=420}}.</ref> et dont [[Émile Zola]] se fit l'écho dans la presse. Le dénouement de cette affaire n'a pas empêché que se développent des [[publications antisémites]], tant en France qu'en Allemagne.
 
[[Charles Maurras]], dont l'[[idéologie]] reposait sur une primauté de l'[[esthétique]] gréco-latine et s'inspirait du [[positivisme]] [[Auguste Comte|comtien]], considérait que l'une des tares du [[christianisme]] résidait dans son ascendance juive. Il réussit à séduire un certain nombre de catholiques sur ce critère, malgré les condamnations de l'[[Action française]] par [[Pie X]] ([[1914]]) puis [[Pie XI]] ([[1926]]) <ref>{{ouvrage |auteur=[[Jacques Prévotat]]. |titre=Les catholiquesCatholiques et l'Action française. Histoire d'une condamnation [[1899]]-[[1939]]. Pages |passage=28-34, 109-194, 263-342 |année=2001 |éditeur=Fayard |pages totales=744}}.</ref>, adoptant les attitudes les plus agressives vis-à-vis des Juifs (« C'est en tant que juif qu'il faut voir, concevoir, entendre, combattre et abattre le [[Léon Blum|Blum]] »).
 
Du côté allemand, certains écrits de Luther, d'un antijudaïsme grossier, imprégnaient toujours les milieux protestants mais le [[racisme]] allaientallait transformer l'attitude des politiques. [[Alfred Rosenberg]] diffusa l'[[antisémitisme]] par le biais des ''[[Protocoles des Sages de Sion]]''. Il publia en [[1930]] ''[[Le Mythe du vingtième siècle]]'' qui donnait des bases théoriques à l'[[idéologie]] [[nazi]]e (« Il s'agit de créer une Église allemande, ancrée dans les forces issues du sang, de la race et du sol, fondée sur un Nouveau Testament expurgé de superstitions, et libérée de l’[[Ancien Testament]] »). Six évêques de la province de Cologne réagirent par une déclaration le {{date|5 mars 1931}}, assimilant les erreurs du [[national-socialisme]] à celles de l'[[Action française]] (voir [[Église catholique d'Allemagne face au nazisme#Les catholiques allemands et la montée du nazisme|Les catholiques allemands face à la montée du nazisme]]). Après [[Église catholique d'Allemagne facesous aule nazismeTroisième Reich#La prisePrise du pouvoir par Hitler|la prise de pouvoir par Hitler]], le vote de la [[Loi allemande des pleins pouvoirs de 1933|loi des pleins pouvoirs]] ({{date|23 mars 1933}}), et le [[concordat du 20 juillet 1933]], ni cette déclaration, ni la lettre pastorale des évêques allemands de juin [[1934]], ni l'encyclique ''[[Mit brennender Sorge]]'' ([[1937]]), ne suffirent à endiguer [[Église catholique d'Allemagne facesous aule nazismeTroisième Reich#Les premièresPremières années du pouvoir nazi (1933-1938)|l'emprise du pouvoir nazi entre 1933 et 1938]].
 
Dans l’encyclique « ''{{lang|de|Mit brennender Sorge}}'' », du {{Date|21|mars|1937}} condamnant le [[nazisme]], le pape [[Pie XI]] rappelait le fondement biblique de la foi chrétienne :
:« Qui veut voir bannies de l'Église et de l'école l'histoire biblique et la sagesse des doctrines de l'Ancien Testament blasphème le Nom de Dieu, blasphème le plan de salut du Tout-Puissant, érige une pensée humaine étroite et limitée en juge des desseins divins sur l'histoire du monde. (MBS, 16) »,
néanmoins, [[Jacques Prévotat]] note en conclusion de son livre l'absence d'un document doctrinal clair de l'[[Église (institution)|Église]] :
: « Pour l'Église, le bénéfice aurait été grand d'une [[encyclique]], expliquant aux [[fidèle]]sfidèles du monde entier qu'un [[catholicisme]] qui rompt avec l'[[Ancien Testament]], qui veut purifier l'[[Évangile]] de ses racines juives, tourne à l'[[hérésie]], que cette [[hérésie]] a un nom, celle de [[Marcion]], condamné au {{IIe siècle}}. Une [[encyclique]] qui aurait repris l'ensemble du problème aurait, de surcroît donné aux [[théologien]]s et aux [[fidèle]]sfidèles les moyens d'affronter, avec une réflexion plus élaborée, le drame du [[judaïsme]] pendant la guerre. »<ref>[[Jacques Prévotat]]. Le catholicisme et l'Action française. Histoire d'une condamnation. {{p. |527-528}}.</ref>
 
L'[[encyclique]] ''[[Humani Generis Unitas]]'' n'a pu être promulguée en raison de la mort du [[pape]] [[Pie XI]] ([[1939]]).
 
L'encyclique ''[[Humani Generis Unitas]]'' n'a pu être promulguée en raison de la mort du [[pape]] [[Pie XI]] (1939). La position de l'[[Église catholique pendant la Seconde Guerre mondiale]] fut des plus délicates, car ses responsables savaient que toute protestation risquait d'entraîner des représailles. Il n'en reste pas moins que les silences de trop de chrétiens face aux [[Déportation en Europe au XXe siècle|déportations]] des [[Juifs|Juif]]s ont interpellé les [[conscience]]s, alors que le drame de la [[Shoah]] se déroulait sans que l'on en perçût ni l'organisation, ni l'ampleur<ref>Edwin Blake : ''IBM et l'holocauste''. Robert Laffont. [[2001]].</ref>. Des [[Prêtre catholique|prêtres]] figurent dans la liste des [[Juste parmi les nations|Justes parmi les nations]]. Le Père [[Pierre Chaillet]] a publié les ''[[Témoignage chrétien|Cahiers du Témoignage chrétien]]'' {{incise|14 opuscules, qui se succédèrent de novembre [[1941]] à août [[1944]]}} et a insufflé à la [[Résistance intérieure française|Résistance]] une dimension spirituelle telle qu'elle a fait dire un jour à [[Maurice Schumann]] à la BBC : « Vous avez été notre {{date-|18 juin}} spirituel ! ». Le [[Père Marie-Benoît]] (surnommé « le père des Juifs ») a protégé des [[Juifs|Juif]]s à [[Marseille]]. Le village de [[Le Chambon-sur-Lignon|Chambon-sur-Lignon]] est resté célèbre.
 
Il est à noter que le cardinal [[Henri de Lubac]] écrivit en [[1988]] ''Résistance chrétienne à l'antisémitisme. Souvenirs ([[1940]]-[[1944]])''.
 
{{refnec|Le [[supersessionisme]] fut abandonné par la plupart des Églises protestantes libérales dans le courant du {{XIXe siècle}}, tandis que l'[[Église catholique romaine]] ne s'en était pas encore affranchie.}}
 
{{refnec|Maintenant, l'[[Europe]] compte 8 % de la population mondiale juive. Notons qu'en [[France]], en dépit des mesures du [[Régime de Vichy|gouvernement de Vichy]], environ 72 % des [[Juifs|Juif]]s ont survécu, ce qui est une proportion exceptionnelle si on la compare à celle d'autres pays européens, la moyenne européenne étant d'un peu plus de 33 % (8 % en [[Pologne]]).}}
 
== Antijudaïsme en islam ==
Ligne 223 ⟶ 199 :
=== Le concile Vatican II ===
{{Article détaillé|Conférence de Seelisberg|Nostra Ætate}}
Après la tragédie de la [[Shoah]], le [[Conseil international des chrétiens et des juifs]] se réunit en 1947 à la [[conférence de Seelisberg]], en Suisse, pour étudier les causes de l'[[antisémitisme]] chrétien, à l'instigation de personnalités juives (dont l'historien [[Jules Isaac]]) et chrétiennes. C'est lors de cette conférence que Jules Isaac rencontra [[Paul Démann]], qui écrivit entre 1948 et 1965 plusieurs études pionnières sur les [[relations entre le judaïsme et le christianisme]], dont ''La catéchèse chrétienne et le peuple de la Bible. Constatations et perspectives'' (1952). [[Paul Démann]] releva des passages antijudaïques dans les manuels d'enseignement religieux qui ont nourri la foi des catholiques de la fin du {{s-|XIX|e}} aux décennies qui ont précédé le [[concile Vatican II]], dans le cadre d'une enquête reposant sur l'examen d'« environ 2000 volumes »<ref>[[Paul Démann]], ''La catéchèse chrétienne'', cité par [[Menahem Macina]], ''Les frères retrouvés, de l'hostilité chrétienne vis-à-vis des juifs à la reconnaissance de la vocation d'Israël'', {{p.|68}}.</ref>.
 
Compte tenu des enseignements des [[Pères de l'Église]], on considère que l'[[antisémitisme]] plonge ses racines dans l'antijudaïsme chrétien, aussi bien catholique qu'[[Église orthodoxe|orthodoxe]] ou protestant. L'historien Jules Isaac, artisan de l'amitié entre Juifs et chrétiens, a identifié ces causes dans ''[[L'Enseignement du mépris]]'', publié en 1962.
 
L'[[Église catholique]] a reconnu avoir diffusé une culture antijudaïque dans le passé. [[Jean XXIII]] a supprimé en 1959 la mention ambiguë ''[[Oremus et pro perfidis Judaeis|pro perfidis Judaeis]]'' dans la [[prière universelle du Vendredi saint]], suppression mise en œuvre de façon définitive par [[Paul VI]] dans le [[missel]] de 1969<ref>{{lien web|titre=De la prière pour le peuple juif le Vendredi saint : repères historiques|url=https://fr.zenit.org/2007/07/05/de-la-priere-pour-le-peuple-juif-le-vendredi-saint-reperes-historiques/#:~:text=Cette%20expression%20%C2%AB%20oremus%20et%20pro,v%C3%A9hiculait%20des%20relents%20d'antis%C3%A9mitisme. |date=5 juillet 2007|site=fr.zenith.org|consulté le=2024-05-05}}.</ref>.
 
D'une façon plus générale, le [[IIe concile œcuménique du Vatican|concile Vatican II]] a entériné l'abandon de la [[théologie de la substitution]] en 1964-1965. Il a jeté les bases du [[dialogue interreligieux]] avec la déclaration ''[[Nostra Ætate]]'' (1965), dont le paragraphe 4 porte sur la [[religion juive]]<ref>{{lien web|titre=Déclaration de l'Église sur les relations de l'Église avec les relations non chrétiennes Nostra Ætate|url=https://www.vatican.va/archive/hist_councils/ii_vatican_council/documents/vat-ii_decl_19651028_nostra-aetate_fr.html|site=www.vatican.va|date=28 octobre 1965|consulté le=2024-05-05}}.</ref>.
 
=== Tentatives d’interprétations ===
==== Querelle d'héritage ====
 
Après la destruction du [[second Temple]] ([[70]]), une première scission se produit : les [[Pharisiens]] sont d'abord considérés par les chrétiens comme des gens attachés aux traditions{{refnec|, sans voir qu'ils transmettaient aussi la loi orale de [[Moïse]]}}. (C'est-à-dire que les traditions des Pharisiens, dont on parle dans les évangiles, sont appelées par les Juifs la Loi orale, censée provenir en partie de Moise lui-même.)
 
Ultérieurement, alors que les communautés juives installées en [[Galilée (région)|Galilée]] et en [[Mésopotamie]] mettent par écrit la loi orale de Moïse ([[Talmud de Jérusalem]] au {{IVe siècle}} et [[Talmud de Babylone]] au {{VIe siècle}}), les chrétiens tolèrent généralement les [[Juifs|Juif]]s, mais ils commencent à s'en méfier, considérant que ce peuple a trahi le [[Jésus de Nazareth|Jésus]] à travers le personnage de [[Judas Iscariote]]{{refnec}}.
 
À la suite de [[Justin martyr]], les chrétiens se présentent comme le « véritable Israël » (« verus Israel »). [[Francis Deniau]] pense que l'origine de l'expression se trouverait dans des interprétations des [[épîtres de Paul]] : dans l’[[épître aux Galates]] 6, 15-16, après avoir affirmé : « la [[circoncision]] n’est rien, ni l’incirconcision ; il s’agit d’être une [[nouvelle créature|créature nouvelle]] » Paul ajoute : « à tous ceux qui suivront cette règle, paix et miséricorde, ainsi qu’à l’[[Israël (Bible)|Israël de Dieu]] ». On a souvent opposé cette expression à 1 Corinthiens 10, 18 qui parle de l’''Israël selon la chair'', en l’interprétant comme le peuple juif, alors que les chrétiens seraient l’''Israël de Dieu'', le véritable Israël<ref>[[Francis Deniau]] : à la suite de l'émission télévisée de [[Gérard Mordillat]] et [[Jérôme Prieur]] sur l'origine du christianisme en avril [[2004]].</ref>.
 
Les chrétiens considèrent alors le peuple juif comme un peuple-queue, suivant l'interprétation du Deutéronome (Dt 28, 44). Pierre Savy a montré que la croyance selon laquelle les Juifs ont une queue serait une métaphore, conséquence de cette interprétation des textes de la Bible. D'où une tendance à l'animalisation des juifs, voire à leur diabolisation, et à laisser penser que les juifs n'appartiennent pas à l'espèce humaine<ref>{{article |auteur=Pierre Savy. ''« |titre=Les juifs ont une queue »''. ''|périodique=[[Revue des études juives]]'', |date=janvier-juin 2007}}.</ref>.
 
Les Juifs commencent épisodiquement à servir de [[bouc émissaire|boucs émissaires]], soit pour cause de mémoire non assumée par les chrétiens, de rivalité du type de celle qu'on trouve entre frères ennemis se disputant la place principale auprès de [[Dieu le Père]], soit pour cause de désaccords [[métaphysique]]s infranchissables concernant la divinité du [[Jésus de Nazareth|Christ]] et l'universalité de la religion.
Ligne 250 ⟶ 226 :
==== Approche psychanalytique ====
 
Selon [[Charles Melman]],  le christianisme a tenté sans cesse de tuer la figure paternelle enviée et haïe de son père juif armé de la [[Loi mosaïque|Loi]] et de ses "« privilèges" » dans un rapport œdipien pour prendre sa place mais réapparaissant obsessionnellement, physiquement, pour lui rappeler la loi transgressée de ne pas tuer, le poussant encore à l'acte<ref name=":0">{{article |auteur=Shmuel Trigano, ''|titre=Psychanalyse de l'antisémitisme contemporain'', |périodique=>revue Pardès |numéro=37, |année=2007}}.</ref>. Pour [[Jean-Pierre Winter]], la piste explorée est celle de la perversion devant l'incomplétude de l'être  : l'anti-judaïsme ou l'antisémitisme servent à reconstituer l'unité devant l'autre<ref name=":0" />.
 
=== Interprétation de la Bible ===
Ligne 256 ⟶ 232 :
La [[Shoah]] a poussé certains [[exégèse biblique|exégètes]] chrétiens à s'interroger sur les causes de l'antijudaïsme jusque dans les textes. Afin de comprendre dans quelle mesure les textes de la [[Bible]] peuvent être interprétés d'une façon hostile aux Juifs, il est nécessaire de connaître le contexte historique lors de la [[prédication]] de Jésus.
 
Dans sa prédication, Jésus s'est assez souvent opposé aux [[Pharisiens]] et aux scribes, ce qui l'a conduit progressivement à un conflit avec la hiérarchie religieuse essentiellement concentrée à [[Jérusalem]]<ref>{{chapitre |auteur=Christopher Tuckett :|titre ''ouvrage=Le déchirementDéchirement - Juifs et chrétiens au premier siècle''. |titre=Les Pharisiens avant [[70]] et le [[Nouveau Testament]], pages |passage=67-95}}.</ref>. Les [[Canon biblique|textes canoniques]] où l'on trouverait certains propos hostiles aux [[Juifs|Juif]]s ou certaines catégories d'entre eux sont surtout l'[[évangile selon Matthieu]] et l'[[évangile selon Jean]], les auteurs étant principalement juifs.
 
* Évangile selon Matthieu :
Ligne 263 ⟶ 239 :
 
: Au chapitre 27, les juifs sont réunis à Jérusalem lors du procès de Jésus.
:: « Voyant alors qu'il (Pilate) n'aboutissait à rien, mais qu'il s'ensuivait plutôt du tumulte, Pilate prit de l'eau et se lava les mains en présence de la foule, en disant : « Je ne suis pas responsable de ce sang ; à vous de voir ! » Et tout le peuple répondit : « Que son sang soit sur nous et sur nos enfants ! » » <ref> Mt 27, 24-25 </ref>. Ce passage souvent cité comme fondateur de l'antijudaïsme et effectivement utilisé par les auteurs antijudaïques comme fondant la responsabilité collectives des juifs dans l'exécution de Jésus, n'est cependant pas recevable dans la logique chrétienne d'une part parce que la théologie enseigne que le Christ est mort pour l'humanité tout entière et qu'il est mort à cause du péché de celle-ci, d'autre part parce qu'un tel cri ne pourrait concerner que les personnes présentes lors du procès et qui ont crié en ayant pleine conscience de rejeter le Christ.
 
* Chez [[Jean (apôtre)|Jean]] :
Ligne 273 ⟶ 249 :
:: « Et il leur disait : « Vous, c'est d'en bas que vous êtes, moi, c'est d'en haut que je suis
:: Vous, c'est de ce monde que vous êtes ; moi, je ne suis pas de ce monde. » »<ref>Jn 8, 23</ref>
:: "Mais Jésus ne se fiait point à eux, parce qu'il les connaissait tous" <ref>Jn 2:24</ref>
:: "Et il y avait dans la foule une grande rumeur à son sujet. (…)
::Cependant personne ne s'exprimait librement sur son compte, par crainte des Juifs." <ref>Jn 7:12-13</ref>
::« Vous êtes du diable, votre père, et ce sont les désirs de votre père que vous voulez accomplir. »<ref>Jn 8, 44</ref>
 
:: Ce dernier Evangile de Jean étant le plus tardif - les dernières mains interviennent à l'époque où les chrétiens ont quitté la synagogue au début du {{s-|II}} -, il semble avoir renoncé à s'adresser aux juifs pour se tourner vers les païens. C'est ainsi qu'on pourrait comprendre son antijudaïsme devenu dangereux par la suite, selon Rudolph Pesch<ref>{{Ouvrage|langue=fr|auteur1=Rudolph Pesch, Bad Tolz,Christiane Lanfranchi-Veyret,Gabriel-Raphaël Veyret|titre=L'Evangile n'est pas antisémite|sous-titre=Saint Jean soumis à l'examen|lieu=Paris|éditeur=Desclée De Brouwer|date=mars 2007|pages totales=221|isbn=978-2-220-05748-4|isbn10=2220057488}}.</ref>. On peut aussi se reporter à l'analyse de Martinus de Boer<ref>Martinus C. de Boer : ''Le déchirement - Juifs et chrétiens au premier siècle'' - Jean et le christianisme juif ([[Nazôréen (titre)|Nazôréen]]), {{p. |179-202}}.</ref>. Mais dans la logique de la théologie catholique, tous ces reproches s'adressent non aux juifs en tant que peuple mais en tant que représentants de l'Humanité lorsqu'elle refuse la vérité que le Christ est dit apporter. C'est toute l'humanité qui est accusée par ce passage ; dans le cas contraire, l'Évangile considérerait que l'enseignement du Christ s'adresserait seulement aux Juifs.
 
: En revanche, dans le passage de la Samaritaine, qui se déroule au bord du [[Puits de Jacob]], lieu hautement symbolique de la tradition juive (chapitre 4), Jésus déclare : « Vous adorez ce que vous ne connaissez pas ; nous, nous adorons ce que nous connaissons, car le [[salut de l'âme|salut]] vient des [[Juifs|Juif]]s »<ref>''Jn 4, 22''</ref>.
Ligne 285 ⟶ 261 :
==== Dans les Actes des Apôtres ====
 
Après le [[concile de Jérusalem]], Paul rencontre des difficultés avec les Juifs, à [[Thessalonique]], Bérée, [[Histoire d'Athènes |Athènes]], et est traduit en justice à [[Histoire de Corinthe dans l'Antiquité|Corinthe]] (chapitres 17-18). De retour à [[Jérusalem]], Paul comparaît devant le [[Sanhédrin]], où une scission se produit entre [[Sadducéens]] (qui ne croyaient pas en la [[Résurrection]]) et les [[Pharisiens]] (qui y croyaient). Une quarantaine de Juifs va trouver les grands prêtres (Ac 23, 12-15). À [[Rome]], les Juifs sont partagés sur le message de Paul, qui cite Isaïe (Ac 28, 23-28). Selon [[Daniel Marguerat]], les [[Actes des Apôtres]] peuvent être interprétés de deux manières différentes<ref>''Le déchirement - Juifs et chrétiens au premier siècle''. Pages 151-178.</ref> (voir aussi [[Peuple déicide]]).
 
De retour à [[Jérusalem]], Paul comparaît devant le [[Sanhédrin]], où une scission se produit entre [[Sadducéens]] (qui ne croyaient pas en la [[Résurrection]]) et les [[Pharisiens]] (qui y croyaient). Une quarantaine de Juifs va trouver les grands prêtres (Ac 23, 12-15).
 
À [[Rome]], les Juifs sont partagés sur le message de Paul, qui cite Isaïe (Ac 28, 23-28).
 
Selon [[Daniel Marguerat]], les [[Actes des Apôtres]] peuvent être interprétés de deux manières différentes<ref>''Le déchirement - Juifs et chrétiens au premier siècle''. Pages 151-178.</ref> (voir aussi [[Peuple déicide]]).
 
==== Dans les épîtres de Saint Paul ====
Ligne 310 ⟶ 280 :
La [[théologie de la substitution]] qui a longtemps prévalu s'est concentrée sur certains passages du [[Nouveau Testament]], pour présenter l'[[Église (institution)|Église]] comme le « véritable Israël ».
 
En fait, d'autres théologiens à la suite de [[Ambroise de Milan|saint Ambroise]] et de [[Augustin d'Hippone|saint Augustin]], ont proposé d'autres interprétations des [[évangiles]], portant par exemple sur la [[Fils Prodigue|parabole de l'enfant prodigue]], que certains préfèrent appeler la parabole du Père et de ses deux fils, ou du Père prodigue, du fils perdu, du fils retrouvé<ref>Voir [http://www.bible-service.net/site/551.html Bible-service].</ref>. Ainsi, [[Augustin d'Hippone|saint Augustin]] compare [[Israël]] au fils aîné de la [[parabole]] sorti dans les champs, alors que le fils cadet, l'[[Église (institution)|Église]] ou les pêcheurs, revient après une période de débauche. Le père représente [[Dieu]] qui prie son fils aîné de rentrer, figurant Israël sauvé<ref>Augustin, in Luc 33, 6 et 7, cité par [[Fadiey Lovsky]], dans ''L'antisémitisme chrétien'', {{p.|104}}.</ref>.
 
[[Pierre Chrysologue]], [[évêque]] de [[Ravenne]] ({{Ve siècle}}) commence cinq [[sermon]]s sur cette [[parabole]] de la façon suivante :
: « Aujourd'hui le Seigneur appelle le père et ses deux fils pour nous les présenter afin de découvrir au travers d'une belle image figurative la grande [[révélation]] de sa bonté, la cruelle jalousie du peuple juif et le retour du peuple chrétien dans une attitude de suppliant »<ref>[[Pierre Chrysologue]], Sermon 1. PL 52, col.183, A.</ref>.
 
Ligne 323 ⟶ 293 :
Les rencontres d'Assise permettent d'approfondir les points de convergence du [[christianisme]] avec les autres [[religion]]s.
 
Depuis {{nobr|25 ans}} environ, de nombreuses études (voir bibliographie) approfondissent la judéité de Jésus, et remettent en cause un très grand nombre d'idées reçues sur le [[christianisme ancien]].
 
En 1986, le [[pape]] [[Jean-Paul II]] a visité la [[Grande synagogue de Rome]], ce qui fut la première visite d'un [[pape]] dans une [[synagogue]] depuis les premiers siècles.
Ligne 334 ⟶ 304 :
: Aussi bien l'[[Église catholique romaine]] a-t-elle déclaré au [[IIe concile œcuménique du Vatican|concile Vatican II]] : Ce qui a été commis durant la [[Passion du Christ|Passion]] ne peut être imputé ni indistinctement à tous les Juifs vivant alors, ni aux [[Juifs]] de notre temps. (…) Les Juifs ne doivent pas être présentés comme réprouvés par [[Dieu]], ni maudits comme si cela découlait de la Sainte Écriture »<ref>Extrait de la déclaration [[Nostra Ætate]] (1965).</ref>.
 
En 1993, le Vatican reconnait officiellement l'État d'[[Israël]]. Lors des [[repentance]]s en 1995 (Églises d'Allemagne et de Pologne), 1997 (Église de France), 1998, et 2000, l'église catholique a reconnu ses fautes envers le [[judaïsme]].
 
Lors des [[repentance]]s en 1995 (Églises d'Allemagne et de Pologne), 1997 (Église de France), 1998, et 2000, l'église catholique a reconnu ses fautes envers le [[judaïsme]].
{{Détail|Repentance de l'Église}}
 
Ligne 343 ⟶ 311 :
Selon le [[pape]] [[Benoît XVI]], l'exclamation que Matthieu impute aux habitants de Jérusalem : « Que son sang soit sur nous et sur nos enfants » (Mt 27, 25) ne peut jamais être interprétée négativement : « Ce n'est pas une malédiction, mais une [[rédemption]], un salut. » Car pour le pape, le sang de Jésus « n'exige ni vengeance ni punition, mais est réconciliation ». Il laisse donc entendre que le sang de Jésus a racheté son peuple<ref>Benoït XVI, ''Jésus'', {{2e|tome}}, {{p.|216}}.</ref>. Benoît XVI a rappelé la pensée de saint Thomas d'Aquin le {{date|28 janvier 2007}} :
 
: « Le [[calendrier liturgique]] rappelle aujourd'hui saint [[Thomas d'Aquin]], grand [[docteur de l'Église]] […] Le rapport entre foi et raison constitue un sérieux défi pour la culture actuellement dominante dans le monde occidental et, précisément pour cette raison, le bien-aimé [[Jean-Paul II]] a voulu y consacrer une [[encyclique]] intitulée justement [[Fides et ratio]], - Foi et raison. J'ai moi-même récemment repris cet argument dans le discours à l'[[Université de Ratisbonne]] […] Avec une sagesse clairvoyante, saint Thomas d’Aquin réussit à instaurer une confrontation fructueuse avec la pensée arabe et juive de son temps, au point d’être considéré comme un maître toujours actuel de dialogue avec d’autres cultures et religions » <ref>{{Lien web|titre=Benoît XVI, Angélus, dimanche 28 janvier 2007.|url=https://www.vatican.va/content/benedict-xvi/fr/angelus/2007/documents/hf_ben-xvi_ang_20070128.html}}.</ref>.
 
En 2021, « gardant le souvenir des victimes de la [[Shoah]] et des assassinats antisémites de ces dernières décennies », les évêques de France publient la déclaration « Lutter ensemble contre l’antisémitisme et l’antijudaïsme sera la pierre de touche de toute fraternité réelle »<ref>{{lien web|titre=Lutter ensemble contre l’antisémitisme et l’antijudaïsme sera la pierre de touche de toute fraternité réelle|url=https://eglise.catholique.fr/wp-content/uploads/sites/2/2021/02/Dossier-de-presse-1-02.pdf|site=eglise.catholique.fr|date=1er février 2021|consulté le=2024-05-05}}.</ref>. Ils décident de confier au Service national pour les relations avec le judaïsme, dirigé par le père Christophe Le Sourt, la rédaction d'un ouvrage pédagogique reprenant les enseignements de l'Église catholique depuis Vatican II et la déclaration Nostra Ætate. L'ouvrage, publié en juin 2023, préfacé par le grand rabbin de France [[Haïm Korsia]], s'intitule ''Déconstruire l'antijudaïsme chrétien'' et se présente en vingt chapitres traitant chacun d'une thématique de l'antijudaïsme chrétien<ref>[[Conférence des évêques de France]], Service national pour les relations avec le judaïsme, ''Déconstruire l'antijudaïsme chrétien'', éditions du Cerf, juin 2023, 160 pages, [https://relationsjudaisme.catholique.fr/ressources/textes-de-reference-et-publications/488529-deconstruire-lantijudaisme-chretien/ présentation en ligne, avec détail du sommaire en 20 chapitres] sur le site du Service national pour les relations avec le judaïsme de la Conférence des évêques de France.</ref>.
 
En dépit de l'[[antisémitisme]] et de l'antijudaïsme chrétiens, les sources juives ont toujours été reconnues dans le [[christianisme]].
Ligne 351 ⟶ 319 :
== Contentieux judéo-musulman ==
=== Le statut de dhimmi ===
{{sectionSection à wikifiersourcer|date=décembremai 20202024}}
{{Section à sourcer|date=mai2024}}
Il y a eu des périodes de tolérance relative durant lesquelles les Juifs ont pu prospérer intellectuellement et économiquement de façon significative et exercer une influence politique certaine au sein des gouvernements islamiques. En réalité, et plus souvent qu'on ne le croit, le sort des Juifs n'a pas été toujours enviable. Du [[Maroc]] jusqu'en [[Empire perse|Perse]], ils ont subi misères et humiliations, insécurité et violences populaires. Cette période d'adversité, aux {{XIe s}} et {{XIIe siècle}}s, a amené un des plus célèbres philosophes juifs du [[Moyen Âge]], [[Moïse Maïmonide|Maïmonide]], à s'adresser non sans amertume à la « nation d'Ismaël » qui « nous persécute cruellement et qui met en place tous les moyens de nous nuire et de nous avilir ». En fait, l’ « Âge d'Or » des Juifs [[séfarade|sépharades]], qui a coïncidé avec l'apogée de la [[civilisation islamique]] au [[Moyen Âge]], n'a pas été sans provoquer envie et hostilité parmi les musulmans face à l'influence croissante des [[juifs]] et à leurs succès socio-économiques notables.
 
Il s’agit simplement, au départ, de rivalités et concurrences socio-économiques “rationalisées” justifiées ''a posteriori'' avec des arguments religieux et des fabulations<ref>(en) http://www.angelfire.com/az/rescon/DHIMMI.html</ref>.
 
Le statut légal des [[juifs]] et des [[christianisme|chrétiens]] sous domination islamique dans l'ère prémoderne, était essentiellement celui de [[dhimmi]] (« peuple protégé »), dont les [[religion]]s étaient officiellement reconnues par les autorités (en place). En s'acquittant d'une taxe (''jîzya''), ils pouvaient exercer librement leur [[religion]], jouir d'un certain degré de sécurité personnelle, et fonder leurs propres organisations communautaires. Mais la protection accordée aux « peuples du Livre » (''ahl al-kitab'') était accompagnée d'une forme d'assujettissement. La « [[tolérance religieuse|tolérance]] » dont ils bénéficiaient était limitée à l'intérieur d'un cadre social étroit qu'ils ne pouvaient transgresser ; [[discrimination]]s et interdits soulignaient constamment la supériorité et la préséance des [[musulman]]s sur les [[Juifs|Juif]]s et les chrétiens.
 
Le coup de génie de l’islam ottoman a été la [[conversion à l'islam]] par l’exception de cette taxe d’''jîzya'' du ''dhimmi'' (« peuple protégé ») aux [[christianisme|chrétiens]] et [[Juifs|juif]]s et tout autre non-musulman. Il était interdit aux [[Juifs]] de porter des armes, par exemple, ou de monter à cheval. Ils étaient en outre, astreints au port d'un vêtement distinctif (comme en Europe occidentale depuis le [[quatrième concile du Latran]]). De plus, ils ne pouvaient pas construire de nouveaux lieux de [[culte]] (références : « Canal Science ». « Télé-Science », QC, Canada).
 
Dans des pays plus éloignés comme le [[Maroc]], l'[[Iran]] et le [[Yémen]], les [[Juifs]] avaient subi des humiliations, été maltraités physiquement et méprisés. Les restrictions liées au statut de dhimmi ont été renforcées et appliquées avec plus de rigueur encore. Les émeutes accompagnées de pillage et de meurtres dirigées contre la [[population]] juive étaient plus fréquents dans ces contrées périphériques et cela jusqu'à l'aube du {{XXe siècle}}. D'autres régions d'[[Afrique du Nord]] connurent des épisodes tragiques durant le {{XIXe siècle}} et à des intervalles assez réguliers. À la même époque est apparu le pamphlet diffamatoire accusant les [[Juifs|Juif]]s d'utiliser le [[sang]] d'enfants pour leurs[rituels. Cette monstrueuse calomnie, qui avait fleuri parmi les communautés grecques orthodoxes sous l'[[Empire ottoman]], comme en [[Occident chrétien|Europe occidentale]], a eu pour conséquence le déferlement de [[pogrom]]s à [[Smyrne]] ([[1872]]) puis à [[Constantinople]] deux ans plus tard. D'autres [[Accusation de meurtre rituel contre les Juifs|accusations de crime rituel]] commis par les [[Juifs]] avaient été déjà enregistrées à [[Beyrouth]] en [[1824]], à [[Antioche]] ([[1826]]), à [[Hama]] ([[1829]]), à [[Damas]] en [[1840]] (la sordide affaire de Damas).
 
Il faut dire toutefois que le sort des Juifs soumis au statut de dhimmi, malgré toutes ses conséquences douloureuses, était, somme toute, plus enviable que celui de leurs coreligionnaires vivant en terres [[christianisme|chrétiennes]] du “Contentieux judéo-catholique romain”. Plus sûrs et plus confiants en eux-mêmes, les musulmans de l'[[époque médiévale]] n'éprouvaient pas la même obsession que celle qui habitait leurs homologues chrétiens, refusant de reconnaître le [[judaïsme]] en tant que [[religion]].
 
Le [[Coran]] met l'accent tout particulièrement sur le fait que les [[Juifs]] ont rejeté [[Mahomet]] alors même (selon des sources exclusivement musulmanes) qu'ils reconnaissaient sa qualité de [[prophète]], par jalousie et par dépit, sous prétexte qu'il n'était pas [[Juifs|juif]].
 
Ainsi, se propage, de nouveau, dans le [[Civilisation islamique|monde musulman]] le [[Théorie du complot juif|mythe du complot]].
 
La notion selon laquelle les [[Juifs|Juif]]s sont, par exemple, des « falsificateurs arrogants », ourdissant sans cesse de nouveaux complots, intrigant pour semer la discorde, créer des conflits et des divisions au sein de la communauté musulmane, est considérée comme une évidence en parfaite conformité avec l'enseignement coranique. Seule une adhésion sans faille aux vraies valeurs Islamiques pourra préserver les [[musulman]]s de la terrible menace que représente l'infiltration impérialiste, judéo-sioniste et occidentale, péril prétendument anticipé et répété dans les textes sacrés du [[Coran]] (références : Canal Savoir. « Télé-Savoir », QC, Canada).
 
La compensation réussie d’un [[sentiment d'infériorité]] statutaire a conduit au désir mimétique des rivalités socio-économiques rationalisées dans les antijudaïsmes chrétien et musulman doctrinaux pour inventer une victime émissaire, de l’antijudaïsme à l’[[antisémitisme]] jusqu’à l’[[antisionisme]] de différentes sources.
Ligne 381 ⟶ 348 :
* Source historique et théologique du contentieux judéo-musulman
 
L’[[islam]] se range de façon incontestable parmi les trois grandes [[religion]]s [[monothéiste]]s (fondées sur la [[foi]] en un Dieu unique, aux côtés du [[judaïsme]] et du [[christianisme]]. Mais ce n'est pas, comme on le prétend parfois, une « religion du Livre » (le Livre en question étant la [[Bible]]). Selon l'[[islam]], la Révélation divine tient en quatre livres successifs : la [[Torah]] de [[Moïse]], les [[Psaume]]s de [[David (roi d'Israël)|David]], les [[Évangile]]s de Jésus, enfin le [[Coran]] de [[Dieu]] lui-même. Chaque livre complète et {{Référence nécessaire|''annule les précédents.''|date=30 novembre 2008}}) En accusant les juifs et les chrétiens d'avoir déformés leurs livres, l'islam d'aujourd'hui considère que le [[Coran]] est le seul livre révélé à notre disposition. Celui-ci évoque les grandes figures de la [[Bible]], [[Abraham]], [[Moïse]] et même Jésus et [[Marie de Nazareth|Marie]], mais dans des termes qui n'ont, pour [[René Girard]] rien à voir avec le texte biblique : « Dans l'islam, le corpus biblique est totalement remanié pour lui faire dire autre chose que son sens initial. La récupération sous forme de torsion ne respecte pas le texte originel sur lequel, malgré tout, le Coran s'appuie », rappelle le philosophe (<ref>''La Vie'', {{p.|50}}, no. 3039, {{date-|27 novembre 2003}}).</ref>.
 
Sensible à la [[théologie]] juive, [[Mahomet]] s'en inspire au commencement dans ses recommandations sur le [[jeûne]] et les interdits alimentaires relatifs au porc. Il adopte le [[calendrier lunaire]] des Juifs, avec des mois réglés sur les cycles de la [[Lune]]. Il fixe le [[jeûne]] pendant la fête juive de l'Expiation. Et il prescrit à ses fidèles de se tourner vers [[Jérusalem]] pour la [[prière]]. Il n'empêche que trois des quatre communautés juives de Médine persistent dans leur refus de se convertir à la nouvelle [[foi]]. Ces [[Juifs|juif]]s reprochent en particulier à [[Mahomet]] de détourner le sens des textes bibliques et osent même se moquer de lui.
Ligne 393 ⟶ 360 :
Un peu plus tard, le {{date|21 mars 625}}, lors de la fameuse bataille d'Ohod entre Mecquois et Médinois, la deuxième tribu juive, celle des Banu-Nadhir, se voit reprocher de soutenir les habitants de [[La Mecque]]. Elle est chassée vers le nord après un long siège et une violente bataille avec les [[musulman]]s. Tandis que les [[musulman]]s poursuivent la guerre contre les Koraishites de [[La Mecque]], [[Mahomet]] s'irrite de plus en plus du manque de soutien des juifs de [[Médine (Arabie saoudite)|Médine]] à son égard. La crise arrive à son terme en [[627]], après la [[bataille de la Tranchée|bataille du Fossé]] qui met une dernière fois aux prises Mecquois et musulmans de Médine.
 
Par exemple : <blockquote>Al-Maidah 60  :  ''"  Dis  : ‹Puis-je vous informer de ce qu'il y a de pire, en fait de rétribution auprès d'Allah ? Celui qu'Allah a maudit (le Juif), celui qui a encouru Sa colère, et ceux dont Il a fait des singes, des porcs (les juifs), et de même, celui qui a adoré le Tagut, ceux-là ont la pire des places et sont les plus égarés du chemin droit›.  "''</blockquote><blockquote>An-Nisa 155-157  :  ''"  Nous les avons maudits (les Juifs) à cause de leur rupture de l'engagement, leur mécréance aux révélations d'Allah, leur meurtre injustifié des prophètes, et leur parole : ‹Nos cœurs sont (enveloppés) et imperméables›. En réalité, c'est Allah qui a scellé leurs cœurs à cause de leur mécréance, car ils ne croyaient que très peu.''</blockquote><blockquote>Al-Maidah  78  :  "''Ceux des Enfants d'Israël qui n'avaient pas cru (les Juifs) ont été maudits par la bouche de David et de Jésus fils de Marie, parce qu'ils désobéissaient et transgressaient.  "''</blockquote><blockquote>Hadith  : "La Dernière Heure ne viendra pas avant que les musulmans combattent les juifs et les musulmans les tueront jusqu'à que les juifs se cachent derrière une pierre ou un arbre. La pierre et l'arbre diront <nowiki>''</nowiki>Musulman, serviteur d'Allah, Il y a un juif derrière moi, vient le tuer<nowiki>''</nowiki>, mais l'arbre Gharqad ne dira rien car c'est l'arbre des juifs." ( Muslim 41.6985-6984, 41.6981, voir également Bukhari 4.52.176-177, 4.56.791)</blockquote>
 
=== Historique ===
Dans l'[[islam]] médiéval, les convertis de toutes origines cessaient d’être l'objet de contraintes - {{Référence nécessaire|le phénomène est toutefois totalement marginal}}<!-- où ? à quelle époque ? selon quelles sources ? Au moins en Arabie, l'islam a progressé par conversion des populations autrefois adeptes des cultes pré-islamiques --> -, mais juifs ou chrétiens, les non-musulmans restaient des ''dhimmis'', au statut inférieur sans que l'on puisse parler de persécution violente.
 
Au contraire, lors de la ''[[Reconquista]]'' par les troupes chrétiennes, ces populations juives, accusées d'avoir collaboré, voire favorisé, l'occupation islamique, durent souvent soit se convertir, soit s'exiler, notamment au [[Maghreb]] où les populations musulmanes et juives d'[[Andalousie]] ont été accueillies pour échapper aux tribunaux de l'[[Inquisition espagnole]]. Le décret d'expulsion de [[1492]] en [[Espagne]] ([[décret de l'Alhambra]]) chassa les Juifs d'Espagne. Ce décret resta en vigueur officiellement jusqu'en [[1967]]. Les [[musulman]]s espagnols à leur tour firent l'objet d'un décret d'expulsion en [[1610]].
 
L'[[Empire ottoman]] accueille également les juifs d'[[Espagne]], du [[Portugal]], de [[Naples]], de [[Malte]], de [[Sicile]] et de [[Sardaigne]] expulsés par les [[Habsbourg]]. Les quatre grandes villes de l'Empire ottoman, [[Salonique]], [[Izmir]], [[Edirne]] et [[Istanbul]] se composent de beaucoup de juifs<ref>Alexandre Adler : ''Rendez-vous avec l'islam'', {{p.|169}}.</ref>.
 
== Bibliographie ==
=== Sur les causes ===
==== Avant 1960 ====
<!-- Essayer de respecter l'ordre alphabétique -->
* [[Augustin d'Hippone]], [https://web.archive.org/web/20120705132106/http://www.kirchenserver.net/bwo/dcms/sites/bistum/extern/zfa/textevon/aphorismen/index.html « Sermon sur le Vendredi saint » {{ |218}}] doté de commentaires critiques sur l'antijudaïsme d'Augustin, Zentrum für Augustinus-Forschung (ZAF) de l'[[université de Wurtzbourg]], 2012
* [[Bernard Lazare]], ''[http://kropot.free.fr/Lazare-antisemcauses.htm L'Antisémitisme son histoire et ses causes]'', Léon Chailley Ed, 1894.
* [[Jules Isaac]], ''Genèse[[Jésus deet l'antisémitismeIsraël]]'', Pocketpremière édition en 1948, 1985.réédité en 1959 aux Éditions Fasquelle
* ''Genèse de l'antisémitisme, essai historique'', Paris : Callmann-Lévy, 1956 ; réédité en 1985, {{coll|Agora}}, et en 1998, {{coll|10-18}}
* [[Jules Isaac]], ''L'Enseignement du mépris - suivi de L'Antisémitisme a-t-il des racines chrétiennes ?'', première édition en 1962, réédité cher Grasset en 2004 {{ISBN|2-246-17182-2}}
* [[Jean Juster]], ''Les Juifs dans l'Empire romain : leur condition juridique, économique et sociale'', Paris : Librairie Paul Geuthner, 1914.
* [[Bernard Lazare]], ''[http://kropot.free.fr/Lazare-antisemcauses.htm L'Antisémitisme son histoire et ses causes]'', Léon Chailley Ed, 1894.
* [[Marcel Simon (historien)|Marcel Simon]], ''Verus Israël : étude sur les relations entre chrétiens et Juifs dans l'Empire romain ([[135]]-[[425]])'' (1983), première édition en 1948, réédité en 1983.
 
==== Après 1960 ====
<!-- Essayer de respecter l'ordre chronologique de première édition -->
* Jean-Marie Auwers, [[Régis Burnet]] et Didier Luciani (dir.), ''L'Antijudaïsme des Pères - Mythe et/ou réalité ?'', [[éditions Beauchesne]], 2017 {{ISBN|978-2-7010-2231-4}}, 212 p.
* [[Dominique Cerbelaud]], o.p., ''Écouter Israël. Une théologie chrétienne en dialogue'', Les Éditions du Cerf, [[Paris]], 1995.
Ligne 425 ⟶ 395 :
 
=== Sur les aspects historiques ===
<!-- Essayer de respecter l'ordre alphabétique -->
* Gilbert Dahan, ''La polémique chrétienne contre le judaïsme au Moyen Âge'', Paris, Albin Michel, 1991, 152 p., [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5619836w/f120.image présentation en ligne].
* [[Philippe Chenaux]], ''La fin de l'antijudaïsme chrétien'', Cerf, 2023
* {{Ouvrage|langue=en|prénom1=William Chester|nom1=Jordan|titre=The French Monarchy and the Jews|sous-titre=from Philip Augustus to the Last Capetians|lieu=Philadelphie|éditeur=University of Pennsylvania Press|année=1989|pages totales={{XI}}-369|isbn=978-0-8122-8175-0|présentation en ligne=https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5619842m/f139.image}}, {{lire en ligne|lien=httphttps://www.persee.fr/doc/rhr_0035-1423_1995_num_212_1_1306|texte=présentation en ligne}}, {{lire en ligne|lien=http://www.persee.fr/doc/rbph_0035-0818_1993_num_71_4_5822_t1_1088_0000_2|texte=présentation en ligne}}
* Gilbert Dahan, ''La polémique chrétienne contre le judaïsme au Moyen Âge'', Paris, Albin Michel, 1991, 152 p., [https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5619836w/f120.image présentation en ligne.1423_1995_num_212_1_1306|texte=présentation en ligne], {{lire en ligne|lien=http://www.persee.fr/doc/rbph_0035-0818_1993_num_71_4_5822_t1_1088_0000_2|texte=présentation en ligne}}
* [[Raphaël Draï]], [https://www.cairn.info/revue-cites-2008-2-page-103.htm « Le dialogue judéo-chrétien et le paradigme anti-juif »], ''[[Cités (revue)|Cités]]'', 2008/2 (n° 34), p. 103-115
* [[Jacques Le Goff]] et [[René Rémond]], ''Histoire de la France religieuse - des origines au {{XIVe siècle}}''. Des dieux de la Gaule à la papauté d'Avignon. Seuil. 1988
* [[Pierre Milza]], ''Pie XII'', Fayard, 2014
* [[David Nirenberg]], ''Antijudaïsme'', Labor et Fides, 2023, traduit de l'anglais par Nicolas Weil
* {{article|langue=fr|auteur=Annie Noblesse-Rocher|titre=L'antijudaïsme au Moyen Âge|sous-titre=Un état de la question|revue=Positions luthériennes|issn=0032-5228|année=2002|volume=50|numéro=2|pages=121-137}}
* [[Isabelle Poutrin]], [https://www.cairn.info/revue-d-histoire-moderne-et-contemporaine-2015-2-page-40.htm « La captation de l’enfant de converti. L’évolution des normes canoniques à la lumière de l’antijudaïsme des {{sp-|XVI|-|XVIII|s}} »], ''[[Revue d'histoire moderne et contemporaine]]'', 2015/2-3 ({{ |62-2}}/3), {{p.|40-62}}
* [[Jacques Prévotat]]. Préface de [[René Rémond]]. ''Les catholiques et l'[[Action française]]. Histoire d'une condamnation. [[1899]]-[[1939]]''. Fayard. 2001
* [[Georges-Elia Sarfati]], ''Le Vatican et la Shoah'', Paris, Berg International, 2002
* Georges-Elia Sarfati, ''Discours ordinaire et identités juives. La représentation des Juifs et du judaïsme dans les dictionnaires et encyclopédies de langue française, du Moyen Âge au Vingtième siècle'', Préface de Jean-Pierre Faye, Berg International, 1999.
* [[Georges-Elia Sarfati]], ''Le Vatican et la Shoah'', Paris, Berg International, 2002
 
* Voir aussi la [[Église catholique pendant la Seconde Guerre mondiale#Bibliographie|bibliographie sur l'Église catholique pendant la Seconde Guerre mondiale]].
 
=== Sur la lecture des textes, aspects théologiques ===
<!-- Essayer de respecter l'ordre chronologique de première édition -->
* [[François Blanchetière]], ''Aux sources de l'anti-judaïsmeantijudaïsme chrétien. {{sp-|II|-|III}}s'', Cahiers du Centre de recherche français de Jérusalem (CRFJ), 1995.
* [[Daniel Marguerat]], ''Le Nouveau Testament est-il anti-juif ? Cahiers Évangile 108'', Cerf, {{date-|juin 1999}}.
* [[Jean Dujardin (théologien)|Jean Dujardin]], ''L'Église catholique et le peuple juif - Un autre regard''. Calmann-Lévy, 2003.
* Jean-Michel Garrigues, ''L'impossible substitution'', Belles Lettres, 2024
 
=== Ouvrage pédagogique sur l'antijudaïsme chrétien ===
Ligne 457 ⟶ 434 :
* [[Conférence de Seelisberg]]
* [[Dialogue interreligieux]]
* ''[[Ecclesia et Synagoga]]''
* [[Église catholique pendant la Seconde Guerre mondiale]]
* [[Marcion]]
Ligne 470 ⟶ 448 :
* {{Dictionnaires}}
* {{Bases}}
* [http://www.dialogue-jca.org/18_propositions_jules_isaac.htm Les 18 propositions] présentées par [[Jules Isaac]] à [[Seelisberg]] en [[1947]]
* [http://www.vatican.va/roman_curia/congregations/cfaith/pcb_documents/rc_con_cfaith_doc_20020212_popolo-ebraico_fr.html Le peuple juif et ses saintes écritures dans la Bible chrétienne, Commission pontificale biblique] ([[2001]])
* [http://www.portstnicolas.org/spip.php?article1025 « Le procès de Jésus et l'antijudaïsme chrétien »] par [[Simon Légasse]], ofm cap, sur le site Port Saint Nicolas
* [http://www.reforme.net/archive/article.php?num=3191&ref=1742 Dossier Juifs et protestants - Que dit la concorde de Leuenberg ?]
* [http://www.persee.fr/doc/thlou_0080-2654_1995_num_26_2_2756 « Le Nouveau Testament est-il anti-juif ? L'exemple de Matthieu et du livre des Actes »] par [[Daniel Marguerat]], ''Revue théologique de Louvain'', 1995, sur ''persee.fr''
* {{Article |langue=fr |auteur1=[[Henri Tincq]]|titre=La fin de l'antijudaïsme chrétien |périodique=[[slate.fr]] |date=7 mars 2011|pages= |lire en ligne=http://www.slate.fr/story/35095/antijuda%C3%AFsme-chretien-eglise-benoit-xvi|consulté le=25 novembre 2023}}
* Carole Wenner, [https://revue.alarmer.org/antisemitismechretienstrasbourg/ « L’antisémitisme chrétien à la lumière des vitraux de la cathédrale de Strasbourg »], ''[[RevueAlarmer]]'', 28 janvier 2022
 
{{Palette|Antisémitisme|Relations entre juifs et chrétiens}}
Ce document provient de « https://fr.wikipedia.org/wiki/Antijudaïsme ».