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L'affaire Bull s'est produite au début des années 1960, lorsque le deuxième constructeur mondial d'informatique s'est effondré en Bourse, ce qui a entraîné 700 licenciements et permis son rachat en 1963 par des actionnaires industriels français puis par le groupe américain General Electric, qui l'a ensuite revendu en 1969 à son compatriote Honeywell.

Histoire

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En 1957, Bull annonce le lancement d'un nouvel ordinateur de gestion haut de gamme, censé inclure des fonctions de calcul avancé : le Gamma 60. Faute d'investissements suffisants dans le logiciel de système d'exploitation, la machine n'est prête qu'en 1961. Entre-temps, il faut adapter le logiciel aux besoins du client et lui envoyer des ingénieurs pour l'aider à programmer sa machine.

Annoncé trop tôt, sur fond d'engouement pour l'électronique déclenché par l'invention du circuit intégré, ce qui a alerté la concurrence, l'ordinateur Gamma 60 est écrasé par l'IBM 1401, y compris chez les « chasses gardées » de Bull[1] dans la banque ou l'administration française. Bull n'en vendra que 17 et doit, dans la précipitation, demander une licence au fabricant américain RCA, dont les produits sont aussi utilisés par l'allemand Siemens, pour vendre un "Gamma 30". RCA sera quelques années plus tard obligé d'abandonner l'informatique, pénalisé par la décision d'IBM d'infléchir sa politique de compatibilité de l'IBM 360[2] tout en cassant les prix.

L'action Bull, cotée à la Bourse de Paris, avait atteint 1 380 francs en 1960[3], mais elle ne vaut plus que dix fois moins, 150 francs trois ans après[4]. La chute a été aggravée par le krach du 28 mai 1962, succédant à la "Tronics mania"[5]. C'est l'« affaire Bull » : en 1962, le bénéfice de Bull est tombé à 1 % de son chiffre d'affaires et l'endettement obligataire a été multiplié par six[6].

Le , le PDG Joseph Callies rencontre le ministre des Finances Valéry Giscard d'Estaing. Il veut le feu vert à une recapitalisation par General Electric ou une garantie par l'État des emprunts. L'État n'accorde que la seconde, mais à hauteur de vingt fois les 35 millions de francs apportés par la Banque Paribas, en complément de 35 millions de francs apportés par un trio d'actionnaires français (CGE, CSF et Caisse des dépôts), qui font évaluer l'action à 50 francs, alors que General Electric en avait proposé 200 francs peu avant. Le , Joseph Callies est convoqué au ministère des finances et contraint à signer un protocole d'accord qu'il découvre, en échange de la promesse de 210 millions de francs d'aide de l'État aux études. Finalement, les actionnaires n'obtiendront que 51 % du capital, le reste revenant à General Electric, que Georges Vieillard a été relancer à New York. Les 2 000 actionnaires, dont 600 employés, découvrent cette formule finale lors de leur assemblée générale au théâtre des Champs-Élysées le . Entre-temps, on a appris que la filiale allemande de Bull affiche pour 1963 une perte de 9 millions de francs pour 43 millions de francs de chiffre d'affaires. Difficultés aussi en Angleterre, au Japon et aux États-Unis qui font que l'ensemble des filiales affichent cette année-là une perte de 18 millions de francs pour 185 millions de francs de chiffre d'affaires, même si le reste de l'Europe est rentable[7].

La société prend dès 1964 le nom de "Bull General Electric". General Electric garde le haut de gamme et confie à Bull la gamme moyenne. Le bas de gamme, hors informatique, revient à Olivetti. Bull aligne ensuite six années de pertes consécutives[8], ce qui le rend incapable d'investir dans les gros besoins de clients comme la Marine nationale ou EDF. En décembre 1964, le Washington Post révèle que le gouvernement américain a, dès le printemps 1963 et à la demande du Pentagone, écarté une demande française d'achat d'un ordinateur Control Data Corporation, pour être utilisé lors des expériences nucléaires. Le prix, voisin de 8 millions de dollars, posait le problème de la conformité aux clauses du traité de Moscou contre la dissémination des armes nucléaires dans le monde.

L'État est obligé de lancer fin 1966 le plan Calcul, en créant la Compagnie internationale pour l'informatique par la fusion de trois sociétés privées existantes et jugées, elles aussi, trop petites ou trop faibles pour faire face à ces investissements.

Bull a entre-temps continué à vivre sur son acquis dans l'informatique de gestion. En , il est toujours leader français avec 10 500 employés en France et 62,6 % du marché français des équipements de deuxième génération, l'année où General Electric cède son activité informatique (Bull inclus) à Honeywell[9]. Mais IBM, qui a plus investi, détient au même moment 65,1 % du marché français de 3e génération[9]. Michel Barré, PDG de la Compagnie internationale pour l’informatique, tente alors, sans succès, de convaincre ses actionnaires et l'État qu'il peut acheter l'ensemble Bull-GE, qui lui donnerait la taille critique sur le marché européen[10], en particulier sur les systèmes d'exploitation offrant de nouveaux concepts comme le temps partagé et le traitement par lots (batch), alors non-disponible chez IBM, mais présentes dans le "General Electric Comprehensive Operating Supervisor", rebaptisé GCOS, le futur DPS-7 de la CII.

L'affaire Bull, en entraînant le rachat par General Electric, a finalement permis aux équipes françaises de se familiariser avec un logiciel de haut niveau développé chez General Electric par Charles Bachman, le GCOS, qui sera ensuite utilisé dans le Mini 6 de CII-Honeywell Bull et connaîtra un succès commercial à la fin des années 1970.

Notes et références

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  1. Jean-Pierre Brulé 1993, p. 91.
  2. Jean-Pierre Brulé 1993, p. 133.
  3. Jean-Pierre Brulé 1993, p. 89.
  4. Jean-Pierre Brulé 1993, p. 98.
  5. "Stock market efficiency, insider dealing and market abuse", par Paul Barnes page 75
  6. Jean-Pierre Brulé 1993, p. 92.
  7. Un exportateur dynamique mais vulnérable, les machines Bull (1948-1964), Pierre-E Mounier-Kuhn, page 659 [1]
  8. Jean-Pierre Brulé 1993, p. 324 (annexe 3).
  9. a et b "L'alliance Honeywell-Bull bouleverse la hiérarchie du marché national", dans 01 Informatique d'août 1970 [2]
  10. "Rival Capitalists: International Competitiveness in the United States, Japan", page 125, par Jeffrey A. Hart [3]

Bibliographie

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