Luchino Visconti
Luchino Visconti di Modrone /luˈkiːno visˈkonti di moˈdroːne/[1], comte de Lonate Pozzolo, est un réalisateur de cinéma, directeur de théâtre, metteur en scène et écrivain italien, né le à Milan et mort le à Rome.
Président du jury du festival de Cannes | |
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Comte |
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Naissance | |
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Décès | |
Sépulture |
Villa La Colombaia (d) (depuis le ) |
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Domicile |
Villa La Colombaia (d) |
Activités | |
Période d'activité |
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Famille | |
Père | |
Mère |
Carla Erba Visconti di Modrone (d) |
Fratrie |
Donna Uberta Visconti di Modrone (d) |
Parentèle | |
Statut |
Maître |
Lorenzo de Paolis (en) |
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Genre artistique | |
Distinctions | |
Films notables |
Descendant de l'illustre maison Visconti qui régna sur Milan, il est considéré comme l'un des réalisateurs les plus importants du cinéma européen, ayant notamment contribué à fonder le néoréalisme italien dans les années 1940, avec le film Les Amants diaboliques. Plus tard, ses films sont principalement consacrés à des sujets tels que la beauté, la décadence, la mort et l'histoire européenne, et tout particulièrement le déclin de la noblesse et de la bourgeoisie, thème évoqué à plusieurs reprises dans ses films, comme dans Le Guépard (avec sa fameuse réplique « il faut que tout change pour que rien ne change »[2]), ainsi que dans la trilogie allemande.
Biographie
modifierFamille
modifierLuchino Visconti est le fils de Giuseppe Visconti di Modrone, duc de Grazzano Visconti (1879-1941), et de Carla Erba (née en 1879 et morte à Cortina d'Ampezzo le ).
Par son père, il descend de la grande aristocratie italienne : la famille Visconti régna en effet sur Milan jusqu'au XVe siècle. Par sa mère, il est apparenté au compositeur Giulio Ricordi, petit-fils de l'illustre fondateur de la maison d'édition musicale établie à Milan, ainsi qu'au richissime patron d'industrie pharmaceutique Carlo Erba.
Luchino était le quatrième de sept enfants :
- Guido (1901-1942), duc de Grazzano Visconti, marié à Franca Viviani Della Robbia (sans postérité), eut également une liaison avec l'actrice Elsa De Giorgi, et mourut à la bataille d'El Alamein ;
- Anna (1903-1977), mariée par la suite au prince Adolfo Caracciolo ;
- Luigi (1905-1967), duc de Grazzano Visconti à la suite de son frère aîné, épousa Madina Arrivabene Valenti Gonzaga (dont postérité), puis l'actrice Laura Adani ;
- Luchino ;
- Edoardo (1908-1980), père du futur réalisateur Eriprando Visconti ;
- Ida Pace (1916-2008), dite « Nane » ;
- Uberta (, Milan – , Rome), mariée le au réalisateur Renzo Avanzo (it) et, en secondes noces, au compositeur et chef d'orchestre Franco Mannino, fréquent collaborateur de Luchino.
Jeunesse
modifierAprès la séparation de ses parents, le jeune Luchino Visconti grandit avec sa mère. Passionné de chevaux, il s'occupait, pendant sa jeunesse, d'une écurie de sa propriété[a]. Il fréquentait en outre activement le monde de l'opéra et du mélodrame, qui l'influença beaucoup. La famille Visconti avait sa loge attitrée à La Scala de Milan (son père le duc Giuseppe Visconti, était l'un des plus importants mécènes du théâtre ; ils habitaient, en outre, via Cerva, non loin du fameux théâtre), et le salon de sa mère était fréquenté, entre autres, par le célèbre chef d'orchestre Arturo Toscanini ; c'est à cette époque que Luchino Visconti fit aussi la connaissance du compositeur Giacomo Puccini (mort en 1924) et de l'écrivain Gabriele D'Annunzio (mort en 1938). La famille possédait aussi une grande villa de style néo-Renaissance au bord du lac de Côme, la villa Erba, à Cernobbio, où l'on se retrouvait pour les grandes vacances et de petits séjours et où le duc Visconti aimait à monter des pièces de théâtre en amateur.
Amoureux de la belle Irma von Windischgraetz, rencontrée aux sports d'hiver à Kitzbühel lorsqu'il a 29 ans (vers 1935), il dut affronter l'opposition du père d'Irma à un éventuel mariage. Ensuite, il assuma définitivement sa pédérastie[3] et se tourna vers les amours masculines. Un de ses premiers amants fut le photographe de Vogue, Horst, que lui présenta Coco Chanel à Paris. Ils voyagèrent ensemble en Tunisie en 1936[4].
Début de carrière
modifierSa carrière cinématographique débuta en 1936, en France, où il travailla aux côtés de Jean Renoir (rencontré grâce à Coco Chanel) comme assistant, à la réalisation et au choix des costumes, de deux de ses œuvres, Les Bas-fonds et Partie de campagne. Le souci de réalisme du grand cinéaste français le marqua profondément. Toujours en France, il rencontra des réfugiés italiens, militants de gauche, au contact desquels ses convictions politiques changèrent radicalement. Après un bref séjour à Hollywood, il rentra en Italie en 1939 à cause du décès de sa mère. Avec Renoir, il commença à travailler à une adaptation cinématographique de La Tosca, mais, quand éclata la guerre, le réalisateur français fut contraint d'abandonner le tournage — il fut remplacé par l'Allemand Carl Koch.
La rencontre avec certains jeunes intellectuels et critiques, collaborateurs à la revue Cinema (fondée par Vittorio Mussolini), fit germer dans son esprit l'idée d'un cinéma qui raconterait de façon réaliste la vie et les drames quotidiens du peuple, cinéma qui serait en rupture avec les mièvreries clinquantes et édulcorées des comédies du cinema dei telefoni bianchi (littéralement « cinéma des téléphones blancs »). À cette époque, il rencontra Roberto Rossellini et, probablement, Federico Fellini. Visconti projeta de réaliser l'adaptation du roman Le Grand Meaulnes d'Alain-Fournier et celle des Malavoglia de Verga, mais ces projets avortèrent.
Les Amants diaboliques
modifierPartant de cette idée, il signa en 1942, avec Giuseppe De Santis, Gianni Puccini, Antonio Pietrangeli, Mario Serandrei et Rosario Assunto, son premier film, une des œuvres majeures du néo-réalisme : Les Amants diaboliques, inspiré du célèbre roman Le facteur sonne toujours deux fois de James M. Cain, avec, comme acteurs principaux, la sulfureuse Clara Calamai (elle remplaça au dernier moment Anna Magnani, initialement destinée au rôle trouble de Giovanna) et Massimo Girotti dans le rôle du mécanicien, Gino.
Un second projet, une adaptation de L'amante di Gramigna de Giovanni Verga, ne put être mené à bien, la guerre s'intensifiant. Capturé et emprisonné, Visconti échappa au peloton d'exécution grâce à l'intervention de l'actrice María Denis qui raconte cette expérience dans son autobiographie Il gioco della verità (Le Jeu de la vérité). À la fin du conflit, Visconti participa aux côtés de Mario Serandrei à la réalisation du documentaire Giorni di gloria (Jours de gloire), consacré à la Résistance et à la Libération.
Metteur en scène de théâtre et d'opéra
modifierEn 1945, il met en scène la traduction et l'adaption de " Les Parents terribles" puis la "Machine à écrire" de Jean Cocteau au Teatro Eliseo de Rome, et Huit- clos de Jean Paul Sartre. Paolo Stoppa et Rina Morelli, acteurs du Teatro Eliseo, fondent une compagnie dont Visconti devient le metteur en scène attitré de Tchekov, Shakespeare, Goldoni, Miller, Strindberg, Hemingway. Leur collaboration reste mythique et est continue jusqu'en 1960. Vittorio Gassman les rejoint, ainsi que Marcello Mastroianni. A partir de 1959, il vient travailler à Paris où il met en scène Annie Girardot et Jean Marais dans Deux sur la balançoire de William Gibson, Romy Schneider et Alain Delon dans Dommmage qu'elle soit une putain de John Ford en 1961.
La découverte de La Callas
modifierIl découvre la voix de Maria Callas lors d'une audition privée, chez le chef d'orchestre de la Scala, Tullio Serafin en 1949 où elle chante un air de La traviata[5]. Fasciné par la cantatrice d'opéra, Visconti la perçoit comme une tragédienne grecque antique. A partir de 1953, il la met en scène à La Scala de Milan sous la direction de Tullio Serafin dans le Trouvère de Verdi, puis en 1955, dans (La Somnanbule) de Vincenzo Bellini, et dans La Traviata de Giuseppe Verdi.
Pour La Vestale de Spontini, Visconti demande à Callas de maigrir. Méconnaissable physiquement, elle obtient un triomphe absolu et enchaine toujours mise en scène par Visconti, les représentations d'anthologies et mythiques[6]. Rêve d'une vie, Visconti met en scène au moins un opéra par an, Verdi, Puccini, Donizetti, Strauss ou Mozart, pour les plus grandes scènes lyriques européenes, entre 1953 et 1973.
La Terre tremble
modifierEn 1948, il revint derrière la caméra pour réaliser La terre tremble, un film polémique dénonçant ouvertement les conditions sociales des classes les plus défavorisées. C'était une adaptation du roman I Malavoglia de Giovanni Verga, de facture quasi documentaire, aux images splendides, mais de compréhension rendue difficile par l'utilisation du plus pur dialecte sicilien (précisément celui des pêcheurs d'Aci Trezza près de Catane). Le film ne reçut les faveurs du public ni à sa sortie, ni deux ans plus tard, en 1950, quand parut une seconde version doublée en italien.
Dans toute l'histoire du cinéma péninsulaire, seuls quatre films furent entièrement tournés en dialecte et sous-titrés en italien : La terre tremble fut le premier ; les autres, L'Arbre aux sabots (1978) d'Ermanno Olmi, en dialecte bergamasque, Giro di lune tra terra e mare (it) (1997) de Giuseppe M. Gaudino, en dialecte campanien (it) avec des citations latines, et enfin, LaCapaGira (it) (2001) d'Alessandro Piva, en dialecte apulien.
Bellissima
modifierPlus captivante pour le public fut sa troisième œuvre, Bellissima (1951), écrite par Cesare Zavattini, une analyse sans concession des coulisses du monde clinquant du cinéma, avec l'une des actrices symboles du néo-réalisme italien, Anna Magnani, aux côtés de Walter Chiari ; y participèrent également le réalisateur Alessandro Blasetti, responsable des castings, et le présentateur Corrado Mantoni, dans son propre rôle.
Visconti réalisa l'année suivante l'épisode Anna Magnani du film Siamo donne, tiré d'une autre idée du bouillonnant Zavattini, celle de montrer des épisodes de la vie privée de quatre actrices célèbres (outre Magnani, on trouve Alida Valli, Ingrid Bergman et Isa Miranda), suivis de castings d'un concours de recherche de nouveaux visages féminins à lancer au cinéma.
Senso
modifierEn 1954, il réalisa son premier film en couleurs, Senso (librement tiré d'un récit de Camillo Boito), qui signa un tournant dans sa carrière, et que nombre de critiques interprétèrent comme une trahison du néo-réalisme.
Grande fresque historique relue de manière critique dans le contexte de l'analyse d'un drame privé, extrêmement recherchée dans le soin des détails du décor et dans la mise en scène (soin pour lequel Visconti fut reconnu unanimement comme un maître ; seul Franco Zeffirelli, son amant et son disciple, le suivra dans cette voie), Senso inaugura une série de films complexes et fascinants, imprégnés de violence et de tensions, toujours controversés par le public et par la critique ; la décadence humaine, morale et physique, y devint un leitmotiv qu'il déclina jusqu'à la fin de sa carrière.
Dans Senso, à l'époque de l'Italie du Risorgimento affrontant l'Autriche qui occupe toujours la Vénétie, et de la défaite de Custoza, une aristocrate vénitienne (Alida Valli), tombe éperdument amoureuse d'un officier de l'armée autrichienne (Farley Granger), qui ne songe, lui, qu'au moyen de s'échapper de l'armée grâce à l'argent que sa noble maîtresse pourrait lui procurer, ce qu'elle effectue en lui donnant le « trésor de guerre » des patriotes italiens ; se découvrant bafouée, elle dénonce son amant déserteur et le fait condamner au peloton d'exécution, avant de perdre la raison. Le film de Visconti fut l'objet d'importantes polémiques à la Mostra de Venise, et, au cours d'une soirée tumultueuse d'attribution des prix, il fut complètement ignoré par la critique, laquelle préféra attribuer le Lion d'or à Renato Castellani avec Giulietta e Romeo. Le film est important pour avoir rendu populaire la Symphonie no 7 de Bruckner, utilisée par Visconti dans la bande sonore, comme il fera plus tard, avec l'Adagietto de la Cinquième de Gustav Mahler dans Mort à Venise.
Les Nuits blanches
modifierEn 1957, Luchino Visconti remporta le Lion d'Argent grâce à Les Nuits blanches, tendre et délicate histoire d'amour inspirée du roman de Dostoievski, interprétée par Marcello Mastroianni, Maria Schell et Jean Marais (avec la participation spéciale de Clara Calamai), film photographié en noir et blanc dans une atmosphère de plomb et de brume, dans un port inspiré de celui de Livourne, intégralement reconstitué à Cinecittà.
Rocco et ses frères
modifierEn 1960, il reçut le Prix spécial du jury de la Mostra pour Rocco et ses frères, odyssée d'une famille méridionale émigrée à Milan pour y chercher du travail, film traité sur le mode de la tragédie grecque, mais inspiré des Frères Karamazov de Dostoïevski. Le film fit scandale à cause de certaines scènes extrêmement crues et violentes pour l'époque, à tel point que la censure conseilla aux projectionnistes de mettre leur main sur l'objectif pendant les scènes incriminées. Le scénario est de Vasco Pratolini, Suso Cecchi D'Amico, Pasquale Festa Campanile, Massimo Franciosa, Enrico Medioli et Luchino Visconti. Principaux acteurs: Alain Delon, Annie Girardot et Renato Salvatori.
L'année suivante, en 1961, il réalisa l'épisode Le Travail du film Boccace 70 auquel participèrent également Vittorio De Sica, Federico Fellini et Mario Monicelli. Visconti s'attaquait directement à la commission de censure qui avait malmené son film précédent.
Le Guépard
modifierEn 1962, il mit enfin d'accord les critiques et le public avec son plus grand succès, Le Guépard, tiré du roman du même nom de Giuseppe Tomasi di Lampedusa, et qui reçut la Palme d'or au Festival de Cannes. Le scénario est de Suso Cecchi D'Amico, Pasquale Festa Campanile, Massimo Franciosa, Enrico Medioli et Luchino Visconti. Interprété par une distribution éblouissante (Burt Lancaster, Claudia Cardinale, Alain Delon…), situé à l'époque du débarquement des partisans de Garibaldi en Sicile, le film relate les vicissitudes du prince Fabrizio Corbera di Salina (Burt Lancaster), grand propriétaire terrien contraint d'accepter l'union entre l'aristocratie désargentée et la nouvelle bourgeoisie, union atteignant son paroxysme dans la célébrissime scène finale du bal, laquelle occupe la dernière demi-heure du film, scène considérée unanimement comme le point d'orgue de l'art viscontien. Alberto Moravia s'exclama après avoir vu le film : « C'est le film de Visconti le plus pur, le plus équilibré et le plus exact ».
Période de transition
modifierEn 1965, sortit le film Sandra, histoire d'un inceste au titre inspiré par Giacomo Leopardi, encore interprété par Claudia Cardinale, suivi de La sorcière brûlée vive, un épisode du collectif Les Sorcières (1966).
En 1967 sort L'Étranger, inspiré par le livre éponyme d'Albert Camus, dans lequel Visconti dirige à nouveau Marcello Mastroianni dans le rôle de Meursault. Cette adaptation est cependant unaniment jugée médiocre en raison d'un certain « manque d'audace » du réalisateur contraint par la veuve de Camus de respecter à la lettre le roman, ce qui est souvent incompatible avec les spécificités de la narration cinématographique[7]. Visconti parle du film comme d'un « fils né avec des limites »[7].
Trilogie allemande
modifierÀ la fin des années soixante, Visconti élabora le projet d'une tétralogie allemande s'inspirant des thématiques mythologiques et décadentes de Wagner et Thomas Mann. Sur les quatre titres prévus, il n'en réalisa que trois.
Les Damnés
modifierLes Damnés, (1969), en est le premier film. Il s'agit de l'ascension et de la chute des membres de l'une des familles propriétaires des plus importantes aciéries allemandes pendant la montée du nazisme. Ce film marquait, après un petit rôle de domestique dans le sketch viscontien des "Sorcières", le premier grand rôle à l'écran de Helmut Berger, dernier amant de Visconti.
Mort à Venise
modifierLe deuxième fut Mort à Venise, (1971), tiré de la nouvelle de Thomas Mann, La Mort à Venise, est une fresque explorant le thème de l'inéluctabilité de la vieillesse et de la mort, associé à la quête de la beauté idéale et inaccessible, dans une Venise merveilleuse, progressivement enlaidie, abîmée par les mesures sanitaires dictées par le service de santé, lorsque se répand dans la ville une épidémie de choléra. Principaux acteurs: Björn Andresen, Dirk Bogarde et Silvana Mangano.
Ludwig, le crépuscule des dieux
modifierLe troisième et dernier volet fut Ludwig, le crépuscule des dieux, (1972), où Helmut Berger interpréta le rôle du jeune roi de Bavière ; le film raconte l'histoire du roi Louis II de Bavière, la lente déchéance du jeune monarque idéaliste, visionnaire, qui préférait la rêverie, l'art, la beauté, l'amitié et l'amour aux charges du pouvoir, que nombre de ceux qu'il aimait trahirent, que son peuple trahit également, et qui finit par être interné ; il se noya, ainsi que son médecin, dans le lac de Starnberg, dans des circonstances mystérieuses.
La trilogie aurait dû être tétralogie et se terminer avec une nouvelle adaptation cinématographique d'une œuvre de Thomas Mann, La Montagne magique. Durant le tournage de Ludwig, Visconti fut victime d'un accident vasculaire cérébral qui le laissa à moitié paralysé.
Le testament et le dernier film
modifierMalgré sa pénible condition physique, il parvint à tourner ses deux derniers films, où les thèmes de la déchéance et de la solitude deviennent de plus en plus prégnants.
Violence et passion
modifierViolence et Passion, 1974), inspiré à la fois par Mario Praz, Roberto Bazlen, est ouvertement autobiographique, interprété par Burt Lancaster et Helmut Berger, acteurs qu'il retrouve ici.
L'Innocent
modifierDernier film, crépusculaire malgré la jeunesse des personnages et la lumière de Rome et de la campagne romaine, L'Innocent (1976) est librement inspiré du roman de Gabriele D'Annunzio, L'Innocent, titre de la version littéraire italienne (1892) (L'Intrus dans sa traduction française). À sa sortie, la presse n'en fit pas grand cas, trompée peut-être par la société bourgeoise décrite dans le film, par les décors et les costumes de la fin du XIXe siècle. Se trompant sur le sens du film, elle n'y vit pas ce qu'il contenait, l'analyse profonde du seul sentiment amoureux, sentiment universel, et de la dépendance qu'il implique, compliquée, douloureuse, voire destructrice.
Dans L'Innocent, on assiste à la désagrégation d'un couple jeune, sans enfants, formé par Tullio Hermil (Giancarlo Giannini), le mari, qui préfère ses maîtresses à sa femme, et par Giulianna (Laura Antonelli), sa femme. Celle-ci, humiliée, lassée, tombe amoureuse d'un autre homme et attend de lui un enfant, qu'elle décide de garder. Tullio, qui dénonçait l'hypocrisie de la société et plaidait pour la liberté de pensée et de mœurs (ici, pour la liberté de l'avortement), est contraint d'attendre la naissance de l'enfant. Devenu amoureux de Giulanna jusqu'à l'obsession, il réalise qu'en ayant toujours refusé de l'aimer et de dépendre de ses sentiments, il avait tenté d'échapper ainsi à l'« emprisonnement », selon lui, du lien amoureux. Son amour, fou au point de le pousser à vouloir tuer l'enfant, et la haine que lui déclare Giulianna en le quittant, le poussent au suicide.
Peu de temps après avoir visionné, avec ses proches collaborateurs, le film dans un premier montage dont il n'était pas satisfait, Visconti mourut (au printemps 1976), victime d'une forme grave de thrombose. Le film fut présenté au public dans cette version, mis à part quelques retouches apportées à la mise en scène par sa collaboratrice Suso Cecchi d'Amico qui se basait sur les indications laissées par le réalisateur au cours d'une discussion de travail. Visconti avait dit ne pas se retrouver dans ce film, et avoir « filmé non seulement la désagrégation d'une famille, mais aussi celle d'une certaine société »[8]. Jean-Louis Bory, critique de cinéma au Nouvel Observateur, n'y vit, à sa sortie en 1976, que le détournement d'un « mélodrame mondain qui lui devient prétexte pour peindre une société qui n'existe plus que par la représentation qu'elle se donne à elle-même »[9].
Les funérailles de Visconti ont eu lieu le en l'église Saint-Ignace-de-Loyola à Rome. Outre la famille Visconti, le président italien Giovanni Leone et les acteurs Burt Lancaster[10], Claudia Cardinale, Laura Antonelli, Vittorio Gassman et Helmut Berger étaient présents. Rina Morelli, actrice que Visconti estimait beaucoup et avec laquelle il avait partagé les grandes saisons théâtrales de l'immédiat après-guerre, mourut peu de temps après lui.
Ses cendres sont conservées depuis 2003 sous un rocher de sa villa d'Ischia, La Colombaia, avec celles de sa sœur Uberta[11]. Un musée qui lui est consacré est maintenant installé dans son ancienne villa.
Filmographie
modifierLongs métrages
modifier- 1943 : Les Amants diaboliques (Ossessione)
- 1948 : La terre tremble (La terra trema)
- 1951 : Bellissima
- 1954 : Senso
- 1957 : Nuits blanches (Le notti bianche)
- 1960 : Rocco et ses frères (Rocco e i suoi fratelli)
- 1963 : Le Guépard (Il Gattopardo)
- 1965 : Sandra (Vaghe stelle dell'Orsa)
- 1967 : L'Étranger (Lo straniero)
- 1969 : Les Damnés (La caduta degli dei)
- 1971 : Mort à Venise (Morte a Venezia)
- 1973 : Ludwig ou le Crépuscule des dieux (Ludwig)
- 1974 : Violence et Passion (Gruppo di famiglia in un interno)
- 1976 : L'Innocent (L'innocente)
Courts métrages
modifier- 1953 : Nous les femmes (Siamo Donne) - épisode 5 - segment Anna Magnani
- 1962 : Boccace 70 (Boccaccio '70) - segment Le Travail (Il lavoro)
- 1967 : Les Sorcières (Le streghe) - segment La Sorcière brûlée vive (La strega bruciata viva)
Documentaires
modifier- 1945 : Jours de gloire (Giorni di gloria)
- 1951 : Notes sur un fait divers (Appunti su un fatto di cronaca) - épisode réalisé pour le magazine cinématographique Documenti mensili, dirigé par Cesare Zavattini
- 1970 : Alla ricerca di Tadzio
Opéra
modifier- 1954 : La Vestale de Gaspare Spontini, avec Maria Callas, à la Scala de Milan
- 1955 et 1957 : La sonnambula de Vincenzo Bellini, avec Maria Callas, à la Scala de Milan
- 1955 et 1956 : La traviata de Giuseppe Verdi, avec Maria Callas, à la Scala de Milan
- 1957 et 1958 : Anna Bolena de Gaetano Donizetti avec Maria Callas et Giulietta Simionato, à la Scala de Milan
- 1957 : Iphigénie en Tauride de Christoph Willibald Gluck, avec Maria Callas, à la Scala de Milan
- 1958 : Macbeth de Giuseppe Verdi, direction musicale Thomas Schippers, avec William Chapman, Cannine Torre (au Festival des Deux Mondes à Spolète)
- 1958 : Don Carlos à Covent Garden, dirigé par Giulini
- 1963 : La Traviata di Giuseppe Verdi- La Scala
- 1964 :Les noces de Figaro de Wolfgang Amadeus Mozart Teatro dell'Opera di Roma
- 1964 : Le Trouvère di Giuseppe Verdi, Teatro alla Scala
- 1964 : Le Trouvère di Giuseppe Verdi, Royal Opera House, Covent Garden
- 1964 :Les Noces de Figaro de Wolfgang Amadeus Mozart (1964) Teatro dell'Opera di Roma
- 1964 : Le Trouvère de Giuseppe Verdi (1964) Teatre de La Scala
- 1964 : Le Trouvère de Giuseppe Verdi (1964), Royal Opera House, Covent Garden.
- 1965 :Don Carlos de Giuseppe Verdi Teatro dell'Opera di Roma
- 1966 :Falstaff de Giuseppe Verdi (1966) Wiener Staatsoper
- 1966 : Der Rosenkavalier à Covent Garden, direction musicale Georg Solti.
- 1966 : Falstaff au Wiener Staatsoper, direction musicale Leonard Bernstein, avec Dietrich Fischer-Dieskau, Graziella Sciutti, Regina Resnik, Juan Oncina, Ilva Ligabue...
- 1967 : La Traviata à Covent Garden, dirigé par Giulini
- 1969 : Simon Boccanegra de Giuseppe Verdi Wiener Staatsoper
- 1973 : Manon Lescaut de Giacomo Puccini (1973) Teatro Nuovo Gian Carlo Menotti
Théâtre
modifier- 1945 : Les Parents terribles de Jean Cocteau, avec Gino Cervi
- 1945 : La Cinquième Colonne d'Ernest Hemingway
- 1945 : La Machine à écrire de Jean Cocteau, avec Vittorio Gassman, Teatro Eliseo
- 1945 : Antigone de Jean Anouilh
- 1945 : Huis clos de Jean-Paul Sartre
- 1945 : Adam de Marcel Achard, avec Vittorio Gassman
- 1945 : La Route au tabac de John Kirkland, avec Vittorio Gassman
- 1946 : Le Mariage de Figaro de Beaumarchais, avec Vittorio De Sica
- 1946 : Crime et Châtiment de Gaston Baty d'après Dostoïevski, avec Franco Zeffirelli
- 1946 : La Ménagerie de verre de Tennessee Williams
- 1947 : Eurydice de Jean Anouilh
- 1948 : Comme il vous plaira de Shakespeare, costumes de Salvador Dalí, avec Vittorio Gassman
- 1949 : Un tramway nommé Désir de Tennessee Williams, avec Vittorio Gassman, Marcello Mastroianni
- 1949 : Oreste de Vittorio Alfieri, avec Vittorio Gassman, Marcello Mastroianni
- 1949 : Troïlus et Cressida de Shakespeare, avec Vittorio Gassman, Marcello Mastroianni
- 1951: Mort d'un commis voyageur d’Arthur Miller, avec Marcello Mastroianni
- 1951 : Un tramway nommé Désir de Tennessee Williams, avec Marcello Mastroianni
- 1951 : Le Séducteur de Diego Fabbri
- 1952: La Locandiera de Carlo Goldoni, avec Marcello Mastroianni, La Fenice Venise
- 1952 : Les Trois Sœurs d'Anton Tchekhov, avec Marcello Mastroianni
- 1953: Les Méfaits du tabac d'Anton Tchekhov
- 1953 : Médée d'Euripide
- 1954 : Comme les feuilles de Giuseppe Giacosa
- 1955 : Les Sorcières de Salem d’Arthur Miller, avec Laura Betti
- 1955 : Oncle Vania d'Anton Tchekhov, avec Marcello Mastroianni
- 1957 : Mademoiselle Julie d'August Strindberg
- 1957 : L'Imprésario de Smyrne de Carlo Goldoni
- 1958 : Vu du Pont d’Arthur Miller
- 1958 : Immagini e tempi di Eleonora Duse, avec Vittorio Gassman
- 1958 : Ange vieille sur ma maison de Ketti Frings (en) (de Thomas Wolfe)
- 1959 : Deux sur la balançoire de William Gibson, avec Annie Girardot, Jean Marais, Théâtre des Ambassadeurs
- 1958: I ragazzi della signora Gibbons, (Mrs. Gibbons' Boys) de Joseph Stein et Will Glickman
- 1959: Figli d'arte de Diego Fabbri
- 1960: L'Arialda de Giovanni Testori, avec Umberto Orsini
- 1961: Dommage qu'elle soit une putain de John Ford, avec Alain Delon, Romy Schneider, Silvia Monfort, Théâtre de Paris
- 1963: Le Treizième Arbre d'André Gide
- 1965: Après la chute (After the Fall) d'Arthur Miller, avec Annie Girardot, Michel Auclair, Théâtre du Gymnase
- 1965 : La Cerisaie d'Anton Tchekhov, avec Ottavia Piccolo
- 1967: Egmont de Goethe
- 1967 : La Monaca di Monza de Giovanni Testori
- 1969: L'Inserzione de Natalia Ginzburg, avec Mariangela Melato
- 1973: C'était hier d’Harold Pinter, avec Umberto Orsini, Adriana Asti, Valentina Cortese
Notes et références
modifierNotes
modifierRéférences
modifier- Prononciation en italien standard retranscrite selon la norme API.
- « Le Guépard de Visconti, « il faut que tout change pour que rien ne change » », sur radiofrance.fr (consulté le )
- Aurore Renaut, Academia.edu, « La sexualité de Luchino Visconti à l'épreuve de ses films », sur www.academia.edu (consulté le ).
- Laurence Schifano, Luchino Visconti, les feux de la passion
- L'amitié et la fascination réciproque, se racontent dans la vidéo "Maria Callas - Interview with Pierre Desgraupes and Luchino Visconti (1969"), production ORTF du 20 avril 1969 à lire sur youtube
- in Franck Ferrand, Les sept hommes de la vie de Maria Callas, Historia magasine, 19 décembre 2023, à lire sur https://www.historia.fr/personnages-historiques/biographies/sept-hommes-pour-une-vie-2049558 , consulté le 3 octobre 2024
- Éric Steiner, « Albert Camus et le cinéma », La Liberté, 19 décembre 2009.
- Alain Sanzio, Paul Thirard, Luchino Visconti cinéaste, extraits du chapitre « L'Innocent (L'innocente) », p. 140, Ramsay Poche Cinéma, Éd. Persona, 1984
- Le Nouvel Observateur, 31 mai 1976, in Luchino Visconti cinéaste d'Alain Sanzio et Paul Thirard, extraits du chapitre « L'Innocent (L'innocente) », p. 140, Ramsay Poche Cinéma, Éd. Persona, 1984
- Biographie
- (it) Momenti da ricordare della fondazione La Colombaia di Visconti..
Annexes
modifierBibliographie
modifier- Jeanclaude Arnod, Luchino Visconti, entre Giovanni Verga et Gabriele D’Annunzio, Presses universitaires de Paris Nanterre, 220 p. (ISBN 9782840163626, lire en ligne)
- Véronique Bergen, Luchino Visconti. Les promesses du crépuscule (Ed. Impressions Nouvelles, 2017)
- Frantz Gevaudan, « Hommage : Visconti le magnifique », Cinéma 76 no 211, Fédération française des ciné-clubs, Paris, , p. 72-80, (ISSN 0045-6926)
- Jean Antoine Gili, Luchino Visconti et la critique française (Éditions de l'Amandier, 2014)
- Suzanne Liandrat-Guigues, « Le corps à corps des images dans l'œuvre de Visconti », Cinémas, vol. 7, nos 1-2, , p. 109–119 (lire en ligne)
- Suzanne Liandrat-Guigues, « Nocturne Viscontien », Sociétés & Représentations, no 4, , p. 209-218 (lire en ligne)
- Denilson Lopes, « En deçà et au-delà du cinéma moderne : Visconti, mélancolie et néo-baroque », Cinémas : revue d'études cinématographiques / Cinémas: Journal of Film Studies, vol. 8, nos 1-2, , p. 113-124 (DOI 10.7202/024745ar, lire en ligne)
- Laurence Schifano, Luchino Visconti, les feux de la passion (Librairie Académique Perrin, 1987) (Champs Contre-Champs / Flammarion, 1989)
- Laurence Schifano, Luchino Visconti, une vie exposée (Gallimard, 2009)
Documentaires
modifier- 1999 : Luchino Visconti, la vie comme un roman (Luchino Visconti, la vita come un romanzo), film documentaire de Carlo Lizzani.
- 2006 : Luchino Visconti, le chemin de la recherche, film documentaire (58 min) de Giorgio Treves, consacré à l'essai du réalisateur d'adapter l'œuvre de Marcel Proust au cinéma.
- 2021 : L'Ange blond de Visconti (Världens vackraste pojke), documentaire de Kristina Lindström (sv) et Kristian Petri (sv) consacré à l'acteur Björn Andrésen que Visconti avait choisi pour Mort à Venise.
Liens externes
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- Ressources relatives à l'audiovisuel :
- Ressources relatives à la musique :
- Ressources relatives au spectacle :
- Ressources relatives aux beaux-arts :
- Ressource relative à plusieurs domaines :
- Notices dans des dictionnaires ou encyclopédies généralistes :
- Luchino Visconti sur CinEmotions
- (it) luchinovisconti.net
- Site dédié
- 15 juin 1942/Début du tournage d’Ossessione par Luchino Visconti
- Vidéo: Luchino Visconti en 1963, il s'exprime peu avant la Palme d'or de Cannes pour son film Le Guépard, une archive de la Télévision suisse romande
- Visconti et la musique classique