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Naucratis

établissement humain en Égypte

Naucratis (ou Naukratis, en grec : Ναύκρατις, ville « maîtresse des navires », ou Djékhaper en égyptien) est un port de commerce, un emporion, du delta sur la branche canopique du Nil (la branche gauche, sur la carte), proche de Saïs, à 72 km au sud-est d'Alexandrie. Cette ancienne colonie commerciale portuaire grecque est identifiée aujourd'hui au site de Kôm Gaef (ou Kom Gieif ou El-Gaïef). Elle sera la principale cité du 4e nome de Basse-Égypte, le nome « inférieur de Neith » ou « la cible du Sud » (nt rsw).

Naucratis
Ville d'Égypte antique
Naucratis
Carte relevant les vestiges de la cité de Naucratis par Petrie en 1885 :
A : Sanctuaire principal ;
B : Village arabe actuel ;
E : Temples d'Apollon et d'Héra ;
F : Temple des Dioscures ;
G : Temple d'Aphrodite[N 1].
Noms
Nom égyptien ancien Djékhaper
Nom grec Naukratis, Ναύκρατις
Nom actuel Kôm Gaef
Administration
Pays Drapeau de l'Égypte Égypte
Région Basse-Égypte
Nome 4e : Nome inférieur de Neith (nt rsw)
Géographie
Coordonnées 30° 54′ 00″ nord, 30° 35′ 30″ est
Localisation
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Naucratis
Géolocalisation sur la carte : Égypte
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Naucratis

De l’emporion à la cité

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Diodore de Sicile mentionne l'arrivée de mercenaires grecs au VIIe siècle en Égypte en contact avec Psammétique Ier (r. 664-610) de la XXVIe dynastie[1]. Ce sont des guerriers venus par la mer, plutôt que des pirates[N 2], ioniens et cariens. Hérodote relate, quant à lui, le sort de ce premier pharaon saïte, Psammétique Ier, renversé et désespéré, cherchant l'avis de l'Oracle de Leto, à Buto [2], [3], et qui lui conseille par une formule énigmatique de s'assurer l'aide des « hommes de bronze » qui « viendraient de la mer ». Le texte d'Hérodote prend un caractère « romanesque », il s'inspire de sources littéraires et ne transcrit pas l'histoire de l'« anarchie libyenne »[N 3]. Inspiré en voyant l'armure de bronze des « pirates » naufragés, il leur offre des récompenses en échange de leur aide dans sa campagne de retour au pouvoir. Après le succès de cette entreprise, il tient parole et accorde aux mercenaires deux parcelles de terrain (les Stratopeda ou camps στρατόπεδα) près de Boubastis, de chaque côté de la branche pélusienne du Nil (une branche très à droite, sur la carte), « dans une plaine fermée au Nord par la bouche pélusiaque, à l'Est par le lac Menzaleh, à l'Ouest par des lacs d'eau douce, et qui ne s'ouvrait qu'en direction du Sud »[4].

Avec les souverains ultérieurs les Grecs entretiennent des relations suivies, ce qui confirme leur installation dans le pays et leur importance dans la défense de l'Égypte[5].

Dans le texte d'Hérodote[6], [7] le pharaon Ahmôsis II concède aux Grecs qui venaient exercer temporairement une activité commerciale en Égypte la ville de Naucratis, plus précisément le domaine-du-port. Cela ne constitue pas, pour autant, en droit, une fondation de cité grecque[8]. La question du statut de Naucratis, première implantation grecque pérenne en Égypte, aux époques archaïque et classique est toujours ardemment débattue[9]. Deux thèses principales s’affrontent :

  • La cité aurait été fondée au IVe siècle, après avoir été un emporion, un port de commerce[10], [11],[8],[12],[13] ;
  • « Tandis qu’une date [de fondation] plus haute est défendue par nombre de chercheurs, moins au fait des réalités égyptiennes »[14],[15],[16],[17].

Selon Bresson, l'emporion aurait rapidement eu des bâtiments publics et des lieux de culte sans pour autant avoir le statut de cité. C'est alors le seul port d'Égypte tourné vers le monde grec, il a un rôle essentiel, un rôle de pivot entre l’Égypte et le monde grec[8].

Un emporion grec

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Des céramiques grecques apparaissent sur le site aux premières décennies du VIe siècle. Des Grecs s'y sont plus ou moins installés dès cette époque[18]. Le domaine-du-port est fondé par Amasis, qui donne ainsi un cadre institutionnel à la présence des Grecs. Damien Agut fait apparaitre qu'avec cet acte de fondation, un quasi décret royal, « la fiscalité royale qui frappait leur activité était prévisible à l’inverse des différents marchés non protégés où ils opéraient jusque-là. »[19]. Il favorise ainsi l'installation de tous les Grecs qui commercent en Égypte sur un site qu'il contrôle plus aisément que partout ailleurs pour le prélèvement de l'impôt.

De son côté, Hérodote apporte des précisions sur les mesures prises par Ahmôsis II à l'égard de Naucratis[6],[N 4] :

« Ami des Grecs, Amasis - Ahmôsis II - donna à quelques-uns d’entre eux des marques de sa bienveillance ; notamment, à ceux qui venaient en Égypte, il concéda pour y habiter la ville de Naucratis ; à ceux qui ne voulaient pas habiter là, mais que la navigation y amenait, il concéda des emplacements pour y élever des autels et des sanctuaires à leurs dieux. [...] Autrefois, Naucratis seule était un port ouvert au commerce, et il n’y en avait pas d’autre en Égypte. »

C'est, à partir de cette date, jusqu’à l’avènement des Lagides, le seul port ouvert en Égypte aux commerçants grecs, agissant en tant que lien symbiotique pour l'échange de l'art et la culture entre Grecs et Égyptiens. La ville reçoit un statut particulier de la part de ce pharaon, Ahmôsis II[6] et l’autorisation de construire des temples. Le port était sous le contrôle direct du pharaon qui surveillait de cette manière tous les échanges entre le monde grec et l’Égypte. C’est par Naucratis que les Grecs achetaient du blé à l’Égypte, du papyrus, du lin et qu’ils vendaient de la céramique, du vin, de l’huile et de l’argent. Durant l'époque saïte, c’était le plus vaste port égyptien libre d’accès aux étrangers.

Sous Nectanébo Ier, la ville de Naucratis était assujettie à l’impôt et versait des sommes considérables au trésor pharaonique. Cet argent fut par exemple affecté au temple de Neith à Saïs[N 5]. Pris par le pharaon Nectanébo Ier à Saïs, en novembre 380, le décret de Saïs permet d'appréhender le statut égyptien de Saïs[20].

À Naucratis, il y avait un quartier égyptien nettement séparé du quartier grec et les mariages entre Grecs et Égyptiennes étaient interdits, alors qu’ailleurs, les mercenaires grecs avaient le droit de se marier avec des Égyptiennes.

Époques tardives

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Après la fondation d’Alexandrie, l’importance commerciale de Naucratis diminua. Elle reçut à l’aube de l’époque hellénistique le statut de cité grecque[21].

Cette cité serait aussi le lieu de naissance, au VIe siècle, du potier Amasis, qui fut célèbre à Athènes pour ses œuvres de poterie et de peinture à figures noires, typique de l'art Attique.

Sous le règne de Caracalla, lors des massacres d'Alexandrie, vers 212-216, la ville ne va pas être épargnée, au point que l'on n'entendra plus parler d'elle après ces événements. On ignore l'ampleur de la répression de Caracalla, car les sources manquent, mais les notables de cette ville étaient vraisemblablement plutôt favorables à Geta, le frère de Caracalla, qui partageait le pouvoir avec lui, et qu'il assassina.

Vers 330 à 610, ce qui restait de Naucratis va disparaître à la suite de plusieurs tsunamis importants qui vont pénétrer en profondeur dans les terres. Lors de la conquête de l’Égypte par les Arabes, vers 640-642, à la fin du règne de l'empereur Héraclius, la cité n’existait déjà plus.

Plutôt qu'une cité, au sens des anciens Grecs, il s'agit de ce qu'ils appelaient un emporion, c'est-à-dire une sorte de comptoir ou de port de commerce.

 
Sphinx. Céramique grecque archaïque, fin de l'époque orientalisante, VIe siècle. Découverte à Naucratis, provenant de Grèce de l'Est : Ionie, Carie, Rhodes, Milet...

Fouilles archéologiques

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Commencées dès 1884 par l'égyptologue britannique Flinders Petrie, les fouilles archéologiques se poursuivent et n'ont pas cessé d'intéresser les spécialistes : en , le docteur Ross Thomas, conservateur au British Museum et son équipe, chargé des recherches sur le site, ont découvert, sur l'emplacement de l'antique cité commerciale, outre des milliers d'objets, des restes d'anciens navires grecs, témoignant de l'importance de Naucratis pour le réseau commercial de l'époque[22]. Les fouilles semblent aussi indiquer la puissance des tsunamis et tremblements de terre dévastateurs qui détruisirent la cité : des blocs se retrouvent éloignés d'une structure à laquelle ils étaient identifiés, des coquillages sont retrouvés, ainsi qu'énormément de pierres ponces, d'origine volcanique.

Notes et références

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  1. Plan du centre détaillé, d'après Coulson, Leonard Jr. et Wilkie 1982, p. 92.
  2. L'historien John Boardman avait envisagé que ces mercenaires soient des pirates, mais Laronde 1995, p. 31 rejette cette hypothèse.
  3. Sur le mythe des « hommes de bronze » : Dominique Barcat, « Le mythe hérodotéen des « hommes de bronze », une césure historiographique », sur Hypothèses, (consulté le ).
  4. Traduit par Philippe-Ernest Legrand, Hérodote, Histoires : Euterpe, vol. II, Paris, Les Belles Lettres, coll. « des Universités de France », (1re éd. 1930), p. 191-193.
  5. Voir la stèle de Naucratis, reproduite dans Legras 2002, p. 49.

Références

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  1. Diodore de Sicile I, 66.
  2. Hérodote II, 137.
  3. Laronde 1995, p. 30.
  4. Laronde 1995, p. 32-33.
  5. Laronde 1995, p. 33.
  6. a b et c Hérodote II, 178-179.
  7. Agut-Labordère 2012, p. 354.
  8. a b et c Bresson 2005.
  9. Redon 2012, Résumé.
  10. Bresson 1980.
  11. Bresson 2000.
  12. Agut-Labordère 2012.
  13. Möller 2000.
  14. Redon 2012, n. 2, p. 56.
  15. Bowden 1996.
  16. Hansen 1997.
  17. Austin 2004.
  18. Agut-Labordère 2012, p. 360.
  19. Agut-Labordère 2012, p. 362.
  20. Agut-Labordère 2012, p. 355 et suivantes.
  21. Agut-Labordère 2012, p. 367.
  22. Hugo-Pierre Gausserand, « Une cité antique majeure redécouverte sur le delta du Nil », Le Figaro,‎ (lire en ligne, consulté le ).

Annexes

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Sources antiques

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Bibliographie

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  • Damien Agut-Labordère, « Le statut égyptien de Naucratis », dans Christophe Feyel, Julien Fournier, Laetitia Graslin-Thomé et François Kirbihler, Communautés locales et pouvoir central dans l’Orient hellénistique et romain (Actes du colloque tenu à Nancy du 3 au 5 juin 2010), Nancy, Association pour la diffusion de la recherche sur l'Antiquité (ADRA), coll. « Études anciennes » (no 47), (lire en ligne), p. 353-373.
  • (en) Alden Arndt et William Coulson, « The Development of a Field Computer for Archaeological Use at Naukratis in Egypt », Journal of the American Research Center in Egypt, no 22,‎ , p. 105-115 (lire en ligne).
  • (en) Michel Austin, « From Syria to the pillars Of Herakles », dans Mogens Herman Hansen, Thomas Heine Nielsens, An Inventory of Classic and Archaic Poleis, Oxford, Oxford University Press, , p. 1233-1249.
  • Friedrich Wilhelm von Bissing, « Naucratis », Bulletin de la Société royale d’archéologie d'Alexandrie, no 39,‎ , p. 32-82.
  • (en) Hugh Bowden, « The Greek Settlement and Sanctuaries at Naukratis, Herodotus and Archaeology », dans Mogens Herman Hansen, Kurt Raaflaub, More Studies in the Ancient Greek Polis, Stuttgart, Franz Steiner Verlag, coll. « Historia Einzelschriften » (no 108), , p. 17-38.
  • Alain Bresson, « Rhodes, l'Hellénion et le statut de Naucratis (VIe – IVe siècle a.C.) », Dialogues d'histoire ancienne, vol. 6,‎ , p. 291-349 (lire en ligne).
  • Alain Bresson, « Retour à Naucratis », dans Alain Bresson, La cité marchande, Pessac, Ausonius Éditions, (lire en ligne), p. 65-84.
  • Alain Bresson, « Naucratis : de l'emporion à la cité », Topoi. Orient-Occident, vol. 12-13/1,‎ , p. 133-155 (lire en ligne, consulté le ).
  • (en) William Coulson et Albert Leonard Jr., Cities of the Delta, vol. 1 : Naukratis, preliminary report on the 1977-78 and 1980 Seasons, Malibu, Undena Publications, coll. « American Research Centre in Egypt Reports » (no 4), .
  • (en) William Coulson, Albert Leonard Jr. et Nancy Wilkie, « Three Seasons of Excavations and Survey at Naukratis and Environs », Journal of the American Research Center in Egypt, vol. 19,‎ , p. 73-109 (lire en ligne, consulté le ).
  • (en) William Coulson, Albert Leonard Jr. et Nancy Wilkie, « The Naukratis Project, 1983 », Newsletter of the American Research Center in Egypt (NARCE), no 125,‎ , p. 28-40 (lire en ligne).
  • (en) William Coulson et Iphigeneia Leventi, Ancient Naukratis, vol. 2 : The Survey at Naukratis and Environs : Part I, The survey at Naukratis, Oxford, Oxbow Books, coll. « Oxbow Monograph » (no 60), .
  • (en) Mogens Herman Hansen, « Emporion : A Study of the Use and Meaning of the Term in the Archaic and Classical Period », dans Thomas Heine Nielsen, A Yet More Studies in the Ancient Greek Polis, Wiesbaden, Franz Steiner Verlag, coll. « Historia Einzelschriften » (no 117), , p. 83-105.
  • André Laronde, « Mercenaires grecs en Égypte à l'époque saïte et à l'époque perse » (Actes du 5e colloque de la Villa Kérylos à Beaulieu-sur-Mer du 6 au 9 octobre 1994), Publications de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres,‎ (lire en ligne, consulté le ).
  • Bernard Legras, Lire en Égypte, d’Alexandre à l’Islam, Paris, Picard, .
  • (en) Astrid Möller, Naukratis, Trade in Archaic Greece, Oxford, Oxford University Press, .
  • Bérangère Redon, « L’identité grecque de Naucratis : Enquête sur la fabrication de la mémoire d’une cité grecque du Delta égyptien aux époques hellénistique et romaine », Revue des Études Grecques,‎ , p. 55-93 (lire en ligne, consulté le ).
  • (en) Marjorie Venit, Greek painted pottery from Naukratis in Egyptian museums, Winona Lake, Eisenbrauns, coll. « American Research Center in Egypt Catalogs » (no 7), .

Vidéographie

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Liens externes

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