Res extra commercium
Res extra commercium (lat. « une chose en dehors de commerce ») est une doctrine originaire du droit romain[1], tenant que certaines choses ne peuvent pas faire l'objet de droits patrimoniaux, et ne sont donc pas susceptibles de faire l'objet d'un commerce.
Dans certains contextes, elle peut faire référence à des zones au-delà des frontières nationales, telles que l'espace et les fonds marins ; « ces régions sont soumises à une liberté commune de l'exploitation sans exercice de la souveraineté nationale »[2].
Si l'on conçoit d'une communauté mondiale composée « de souveraineté, d'États territoriaux ... [l'implication est] que l'espace entre ces états est res extra commercium, un espace qui, en raison de sa position et de sa fonction au sein de cette communauté, est dissocié de l'ensemble complet de droits de possession, d'exclusion et d'aliénation qui, normalement, peuvent être réclamé par les détenteurs de la propriété »[3].
En droit romain
modifierD'après l'Université de Liège, les res extra commercium, appelées dans les sources romaines « res quarum commercium non est » sont les choses qui ne sont pas dans le commerce, c'est-à-dire qui sont soustraites à l'activité juridique des particuliers.
Telles sont les :
- « res divini iuris » : choses de droit divin (exemples : temples, autels, lieux consacrés aux dieux) ;
- « res communes omnium » : choses communes à tous (exemples : l'air, la mer) ;
- « res publicae » : choses appartenant à l’État : elles sont hors commerce dans la mesure où elles sont affectées à l'usage de tous (usus publicus) (exemples : voies publiques, arènes, théâtres, cours d'eau à écoulement constant)[4].
Les res divini iuris (« choses de droit divin ») sont soit des res sacrae (« choses sacrées ») soit res religiosae (« choses religieuses ») soit des res sanctae (« choses saintes »)[5],[6]. Les res sacrae sont les lieux et choses consacrés aux dieux célestes ; les res religiosae, les lieux de sépulture, réservés aux dieux mânes ; les res sanctae sont les enceintes urbaines et castrales, mises sous la protection des dieux[5],[6]. Les res sacrae ont pu comprendre la hutte d'Acca Larentia[7] et le Campus sceleratus où les vestales fautives étaient enterrées ou emmurées vivantes[7]. Les res sanctae ont pu comprendre les bornes des agri limitati[7]. Les sources de la tripartition sont les Institutes de Gaïus[N 1], le Digeste[N 2] et les Institutes de Justinien[N 3] ainsi que l'épitomé du Gaïus[N 4].
Droit par État
modifierDroit québécois
modifierLe droit québécois intègre la notion de choses hors commerce. L'article 2876 du Code civil du Québec dispose que « Ce qui est hors commerce, incessible ou non susceptible d’appropriation, par nature ou par affectation, est imprescriptible.» L'art. 25 C.c.Q.[12] édicte par exemple que l'aliénation des produits du corps humain comme le sang et les organes doit être gratuite et ne peut pas faire l'objet de contrepartie financière.
Notes et références
modifierNotes
modifierRéférences
modifier- (en) Rudolph Sohm, The Institutes : A Textbook of the History and System of the Roman Private Law, Oxford, Clarendon Press, , p. 320-323.
- (en) Kemal Başlar, The Concept of the Common Heritage of Mankind in International Law, vol. 30, Martinus Nijhoff Publishers, coll. « Developments in International Law », , 427 p. (ISBN 978-90-411-0505-9, lire en ligne), p. 41-42.
- (en) Philip E. Steinberg, The Social Construction of the Ocean, vol. 78, Cambridge, Cambridge University Press, coll. « Cambridge Studies in International Relations », , 239 p. (ISBN 978-0-521-01057-3, lire en ligne), p. 91.
- Université de Liège, « Res extra commercium », Vinitor - Vocabulaire, 2000 (2e édition) (consulté le )
- Behrends 2004, p. 6.
- Thomas 2002, p. 1433-1434.
- Villers 1977, p. 252.
- Souza 2004, p. 41.
- Souza 2004, p. 43.
- Souza 2004, p. 48.
- Souza 2004, p. 50.
- Code civil du Québec, RLRQ c CCQ-1991, art 25 <http://canlii.ca/t/6bl7r#art25> consulté le 2019-09-06
Voir aussi
modifierBibliographie
modifier- [Behrends 2004] O. Behrends, « Les conditions des terres dans l'Empire romain », Publications de l'Institut des sciences et techniques de l'Antiquité, no 922 : « De la terre au ciel : paysages et cadastres antiques, II », , p. 1re part. [« Conditions des terres et statuts des cités »], art. no 1, p. 5-8 (lire en ligne).
- [Souza 2004] Manuel de Souza (préf. John Scheid), La question de la tripartition des catégories du droit divin dans l'Antiquité romaine, Saint-Étienne, publications de l'université de Saint-Étienne – Jean-Monnet, coll. « Bibliothèque du Centre de recherche en histoire » (no 1), , 1re éd., 118 p., 16 × 24 cm (ISBN 2-86272-322-3, EAN 9782862723228, OCLC 419225518, BNF 39191709, SUDOC 078782473, lire en ligne).
- [Thomas 1980] Yan Thomas, « Res, chose et patrimoine : note sur le rapport sujet-objet en droit romain », Archives de philosophie du droit, t. 25 : « La loi », , p. 413-426.
- [Thomas 2002] Yan Thomas, « La valeur des choses : le droit romain hors la religion », Annales : histoire, sciences sociales, vol. 57e an., no 6 : « Histoire et droit », , p. 1re part. [« Aux fondements juridiques des sociétés : Rome, Occident médiéval »], art. no 1, p. 1431-1462 (DOI 10.3406/ahess.2002.280119).
- [Thomas 2007] Yan Thomas, « L'indisponibilité de la liberté en droit romain », Hypothèses : travaux de l'École doctorale d'histoire de l'université Paris-I – Panthéon-Sorbonne, no 10 : « », , p. 5e part. [« Biens de tous, biens de personne : approches historiques et juridiques de l'indisponibilité (journée d'études de l'École doctorale d'histoire organisée par K. Béguin) »], art. no 1, p. 379-389 (DOI 10.3917/hyp.061.0379).
- [Villers 1977] Robert Villers, Rome et le droit privé, Paris, A. Michel, coll. « L'évolution de l'humanité : bibliothèque de synthèse historique », , 1re éd., 633 p., 20 cm (ISBN 2-226-00544-7, EAN 9782226005441, OCLC 319728350, BNF 34592035, SUDOC 000165549, lire en ligne).