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Sonderkommando (centres d'extermination)

Les Sonderkommandos ou Arbeitsjuden — pour privilégier le terme utilisé par l'historienne Sila Cehreli — étaient des unités de travail dans les centres d'extermination nazis, composées de prisonniers, juifs dans leur très grande majorité, forcés à participer au processus de la « solution finale ». Leur rôle étant de trier les effets personnels des juifs ainsi que de trier les cadavres. Le mot vient de l'allemand et signifie « unité spéciale ». Ce terme est aussi utilisé dans une autre acception désignant des détachements des Einsatzgruppen, composés d'Allemands et d'auxiliaires locaux qui participèrent à ce qu'on appelle aussi la « Shoah par balles » sur le front de l'Est.

Un sursis au prix de l'horreur

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Sélection et affectation

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Les membres des Sonderkommandos étaient des déportés choisis par les SS à la descente des trains, lors de la sélection faite immédiatement sur le quai d'arrivée des déportés ou après la période de quarantaine. Ils étaient choisis sur des critères physiques (jeunes et en bonne santé apparente) et en fonction des besoins en main d'œuvre. Ils vivaient ensuite définitivement séparés des autres prisonniers jusqu'à leur mort. À Treblinka, par exemple, ils étaient dans le Todeslager (camp de la mort), partie du camp isolée qui comprenait les chambres à gaz et les fosses de crémation. À Auschwitz 1 (camp souche), ils furent d'abord regroupés au Block 11 (prison du camp), puis dans un Block séparé, entouré de murs et gardé (le Block 13 du camp de Birkenau), et dans un troisième temps, ils vécurent entièrement au Krematorium (complexe comprenant la salle de déshabillage, la (ou les) chambre(s) à gaz, la salle des fours et les éventuelles fosses de crémation) auquel ils étaient rattachés. Tout contact avec les autres prisonniers du camp était théoriquement interdit afin que ce qui s'y passait ne soit jamais connu. Même l'équipe de gardes SS était spécifiquement affectée.

Le travail des membres du Sonderkommando consistait à accompagner les victimes dans les chambres à gaz. Ils étaient chargés ensuite d'en sortir les corps. Ils devaient raser les cheveux des femmes (dans les camps d'extermination de l'Aktion Reinhard, on le leur faisait faire avant la chambre à gaz), prendre les bijoux et dents en or. Dans un premier temps, ils devaient jeter les corps dans des fosses communes puis, à partir de la fin de l'été 1942, les brûler sur des bûchers ou dans des fours crématoires[1].

Quand les nazis décident d'exhumer les corps enterrés dans les fosses communes dans le cadre de l'Aktion 1005, ce sont encore des Sonderkommandos qui sont affectés à cette tâche.

Le « renouvellement » des équipes

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Cette vie terrifiante dans l'enfer ne durait pas longtemps en règle générale parce que, toujours par souci de ne pas laisser de témoins, les membres des Sonderkommandos étaient régulièrement renouvelés, envoyés à leur tour dans la chambre à gaz. Une nouvelle équipe leur succédait alors, choisie parmi des déportés arrivés par un nouveau convoi. Contrairement à ce qui est souvent affirmé, il ne s'agissait pas de renouvellement à date régulière, mais en fonction de ce qu'on leur avait fait faire, donc de ce dont ils avaient été témoins. Par exemple, l'ensemble des membres du Sonderkommando ayant participé au vidage des fosses communes à l'automne 1942 dans le cadre de l'Aktion 1005 a été exterminé à l'issue de l'opération de crémation des corps.

Bełżec

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Comme à Chełmno, durant les premières semaines d'activité du centre d'extermination de Bełżec, la tâche d'extraire les corps des victimes des chambres à gaz, n'est pas, dans un premier temps, confiée à des déportés, mais effectuée par des Wachmänner. Vu la dureté de ces tâches, il est décidé, après quelques semaines, de confier les travaux les plus durs à des déportés sélectionnés dès leur arrivée au camp, les Arbeitsjuden[a]. La date de la création des Arbeitsjuden n'est pas connue avec précision[2],[b].

Dans un premier temps, et de manière arbitraire, les SS sélectionnent, lors de l'arrivée de convois, des hommes qui semblent en bonne santé et en état de travailler, pour extraire les corps des wagons et transporter les effets des victimes vers le point de rassemblement des bagages et effets personnels ; dès leur tâche effectuée, ils sont tous conduits aux fosses pour y être fusillés et enterrés[2],[c].

Après cette première période d'improvisation, les Arbeitsjuden sont répartis en groupes spécialisés, hiérarchisés, avec un effectif global relativement stable, compte tenu de l’extrême mortalité qui y règne[3]. En pleine période d'activité, l'effectif des Arbeitsjuden s'élève à 1 000 personnes, à peu près également distribué entre le camp I et le camp II[2], tout contact entre les deux groupes étant interdit. Très rapidement, les Arbeitsjuden sont divisés en groupes permanents, compte non tenu de leur importante mortalité, et affectés à des tâches précises et spécialisées[3]. Dans l'enceinte du camp I, un détachement, le Bahnhofskommando (commando de la gare) est chargé d'aider ou de forcer les déportés à descendre des wagons, de ramasser les bagages restés dans le convoi, de porter les effets personnels à l'endroit du triage et, en l'absence de convois, de nettoyer l'ensemble du site, à l'exception du camp II[3]. En ordre d'importance numérique, un deuxième groupe est chargé de la tonte des cheveux des déportées, juste avant leur envoi vers le « boyau » et les chambres à gaz[3]. Belzec dispose également d'un petit groupe d'artisans, aux compétences diverses, auquel les Allemands peuvent faire appel à titre privé, notamment pour des travaux dans leur cantonnement, à l'extérieur du périmètre du camp ; dans ce cas, ils sont accompagnés et surveillés par des Wachmänner[3]. Le camp I comporte également de nombreux autres détachements spécialisés[3], les Goldjuden (Juifs de l'or) affectés au rassemblement, au tri et à l'emballage de l'or, y compris celui provenant des dents arrachées aux cadavres, de l'argent et d'autres objets de valeur[3]. D'autres Arbeitsjuden effectuent des activités diverses à l'intérieur du camp, comme des travaux de réparation, l'entretien des baraques, ou la lessive, la cuisine ou le nettoyage des bâtiments, ces trois dernière tâches étant également effectuées par des Arbeitsjuden affectés au camp II.

Dans l'enceinte du camp II, le Leichenkommando (commando des cadavres) est chargé d'extraire les corps des chambres à gaz, d'arracher les dents en or des victimes et d'enterrer les corps dans des fosses communes[4]. De à , ses membres sont également affectés à l'exhumation des cadavres des fosses communes et à leur incinération sur des bûchers[5].

Auschwitz-Birkenau

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Un Sonderkommando important

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En tout, plus de 2 000 personnes ont fait partie du Sonderkommando d'Auschwitz. Une dizaine[source insuffisante] d'entre elles seulement a survécu à la guerre. Certains ont témoigné dans le procès de Rudolf Höss dans l'après-guerre. Au début de son histoire, le Sonderkommando d'Auschwitz ne compte qu'une vingtaine de personnes affectée à la crémation des prisonniers décédés. Avec le développement du camp, la taille du Sonderkommando s'accroît. Un Sonderkommando est notamment créé dans le camp de Birkenau. Il permet de faire fonctionner les quatre grands crématoriums munis de chambres à gaz à partir de 1943[6]. Durant le mois de , les effectifs sont considérablement augmentés afin de brûler les 100 000 corps des prisonniers Juifs, Polonais et Soviétiques auparavant entassés dans les fosses communes. À la fin de l'opération, les membres du Sonderkommando sont assassinés. Un nouveau Sonderkommando est constitué avec 200 Juifs provenant des ghettos polonais[6]. En , il est renforcé par 100 Juifs venant du camp de Drancy.

En , certains membres du Sonderkommando tentent de s'évader. Cette tentative a pour conséquence une « sélection drastique » qui fait passer l'unité de 400 à 200 membres[7]. En , alors que la déportation des Juifs de Hongrie commence, les effectifs augmentent à nouveau. Une centaine de Juifs de Grèce rejoignent le Sonderkommando portant l'effectif à 308 membres. Au mois d'août, alors que les chambres à gaz tournent à plein, les effectifs sont portés à plus de 900 personnes[7]. Réparties en deux équipes, elles travaillent alors 24 heures sur 24. En septembre, les déportations de Juifs hongrois ralentissant, les effectifs du Sonderkommando diminuent de 200 membres.

La révolte du crématorium IV de Birkenau

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Le , les autorités du camp prévoient de réduire encore le nombre de déportés travaillant au Sonderkommando. Ceci déclenche une révolte à Auschwitz-Birkenau. Elle n'est pas suivie d'un soulèvement de l'ensemble du camp et se termine dans un bain de sang. En quelques heures, 400 membres du Sonderkommando sont assassinés. Le crématorium IV est incendié et hors d'usage. 200 survivants sont affectés dans les trois crématoriums restant en fonction[7],[8].

La fin du Sonderkommando

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Les chambres à gaz restent en fonction jusqu'en . Le , l'équipe est réduite de moitié. Le nombre restant est affecté principalement au démontage des installations pour effacer les traces de l'activité meurtrière. Le , lors de l'évacuation du camp, quelques dizaines de membres du Sonderkommando encore vivants parviennent à se mêler aux autres déportés[9].

De rares témoignages

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Dès les premiers jours suivant la libération du camp, une commission d'enquête soviétique entend les témoignages de deux membres du Sonderkommando, Shlomo Dragon et Henryk Tauber. Ils déposent aussi avec Alter Fajnzylberg (Feinsjbler autre orthographe de son nom) auprès de la Commission d'enquête sur les crimes nazis en Pologne en 1945[9]. Lors du second procès d'Auschwitz qui a lieu à Francfort en 1965, Milton Buki, Filip Müller, Alter Fajnzylberg et Dow Paisikovic témoignent. Certains membres des Sonderkommandos ont enterré des textes destinés à témoigner. Entre 1945 et 1980, huit cachettes ont été retrouvées par hasard, près des fours crématoires et cinq des auteurs ont pu être identifiés[10]. Ils ont été réédités sous le titre Des Voix sous la cendre. On y trouve notamment les textes de Zalmen Gradowski et de Zalmen Lewental (qui serait mort en [11]) ainsi que des témoignages de trois membres de Sonderkommando. Filip Müller a également écrit un livre très précieux pour témoigner de tout ce qu'il a vu. L'artiste David Olère, Juif déporté au camp d'Auschwitz et intégré au Sonderkommando, survécut également. Il peignit plusieurs toiles représentant l'horreur des camps de la mort en témoignage de son vécu. Certaines de ses œuvres illustrent le témoignage poignant de Shlomo Venezia (recueilli à Rome en 2006 par Béatrice Prasquier[12]), sur son expérience concentrationnaire, le Sonderkommando et la révolte de ce dernier.

Sonderkommandos survivants

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Les historiens estiment qu'une soixantaine de Sonderkommandos en ont réchappé[13].

Parmi eux figurent:

Photographies du Sonderkommando

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Cliché 280 (détail). Pris depuis l'intérieur de la chambre à gaz du Krematorium V.

Les photographies du Sonderkommando sont quatre photos floues prises clandestinement par un détenu, membre du Sonderkommando, en août 1944 dans le camp de concentration d’Auschwitz II-Birkenau. Elles sont, avec quelques photos de l’Album d'Auschwitz, les seuls documents photographiques autour des chambres à gaz. Elles sont numérotées de 280 à 283 par le musée national Auschwitz-Birkenau[14].

  1. Le terme de Sonderkommando recouvre plusieurs acceptions ; sous la dénomination SS-Sonderkommando, il désigne l'équipe des exécuteurs ; il désigne également des unités faisant partie des Einsatzgruppen. Dans un sens antinomique, il est aussi utilisé dans la littérature consacrée à la Shoah, pour désigner les déportés juifs forcés de participer à certaines étapes du processus d'extermination, également connus sous l'appellation d’Arbeitsjuden, notamment utilisée par Sila Cehreli. Afin d'éviter toute ambiguïté dans le présent article, le terme Sonderkommando ou Kommando sera utilisé pour qualifier les bourreaux et celui d'Arbeitsjuden pour les déportés forcés de participer aux opérations annexes au processus d'extermination, suivant Cehreli sur ce point.
  2. Il en va de même pour la motivation de cette décision attribuée par certains témoins polonais à la volonté de maintenir l'illusion d'un camp de transit[2].
  3. Cehreli déduit ce premier mode de fonctionnement de l'abondante documentation disponible pour les camps d'extermination Sobibor et de Treblinka, les documents relatifs au fonctionnement de Belzec ayant été détruits.

Références

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  1. Georges Bensoussan (dir.), Jean-Marc Dreyfus (dir.), Édouard Husson (dir.) et al., Dictionnaire de la Shoah, Paris, Larousse, coll. « À présent », , 638 p. (ISBN 978-2-03-583781-3), p. 511
  2. a b c et d Cehreli, p. 115.
  3. a b c d e f et g Cehreli, p. 126–129.
  4. Cehreli, p. 130-132.
  5. Kuwalek, p. 131.
  6. a et b Dictionnaire de la Shoah, p 512.
  7. a b et c Dictionnaire de la Shoah, p 513.
  8. ,« La révolte du Sonderkommando d’Auschwitz II-Birkenau | L'Humanité », sur www.humanite.fr, (consulté le )
  9. a et b Dictionnaire de la Shoah, p 514.
  10. Nicholas Chare et Dominic Williams, « Ce que racontent les «rouleaux d’Auschwitz» », sur slate.fr,
  11. Shlomo Venezia (trad. de l'italien), SONDERKOMMANDO : Dans l'enfer des chambres à gaz, Paris, Editions Albin Michel, , 256 p. (ISBN 978-2-253-12891-5), page 9
  12. Shlomo Venezia et Béatrice Prasquier, Sonderkommando : Dans l'enfer des chambres à gaz (ISBN 978-2-253-12891-5)
  13. Par Matt Lebovic, « Nouvelle étude sur le « Sonderkommando » d’Auschwitz et sa tentative de rébellion », sur fr.timesofisrael.com (consulté le )
  14. Cfr Dan Stone, "The Sonderkommando Photographs", Jewish Social Studies, 7(3), Spring/Summer 2001, (p. 132–148), p. 143, n. 3.

Voir aussi

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Articles connexes

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Bibliographie

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Témoignages

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Travaux

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  • Cila Cehreli, Témoignages du Khurbn : la résistance juive dans les centres de mise à mort - Chelmno, Belzec, Sobibor, Treblinka, Bruxelles, Éditions Kimé, coll. « Entre Histoire et Mémoire, Fondation Auschwitz », , 354 p. (ISBN 978-2-84174-638-5)
  • Georges Didi-Huberman, Images malgré tout, Éditions de minuit, 2003 (ISBN 9782707318589).
  • (de) Eric Friedler, Andreas Kilian et Barbara Siebert, Zeugen aus der Todeszone : Das jüdische Sonderkommando in Auschwitz, Deutscher Taschenbuch, , 416 p. (ISBN 978-3423341585).
  • Robert Kuwalek (trad. du polonais), Belzec, premier centre de mise à mort, Paris, Calmann-Levy, , 360 p. (ISBN 978-2-7021-4431-2)
  • (de) Werner Renz, Der Aufstand des Sonderkommandos in Auschwitz-Birkenau, Fritz Bauer Institut, , 68 p. (lire en ligne).

Filmographie

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Liens externes

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