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Chapitre 3 - L'impressionnisme

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S1UE4b : Histoire de l’art

Enseignante : Eléonore Marantz-Jaen

CHAPITRE 3 :
L’IMPRESSIONNISME

Parce qu’il a radicalement transformé les critères visuels établis pendant la


Renaissance, l’impressionnisme est l’évènement le plus important dans l’art européen depuis
cette époque. Presque tous les développements ultérieurs dans le domaine de la peinture et de
la sculpture découlent de ce mouvement : ses principes de base ont d’ailleurs influencé bien
d’autres formes artistiques.
L’impressionnisme a remplacé une approche conceptuelle, fondée sur la nature de la
chose vue, par une approche perceptive, fondée sur l’expérience visuelle concrète. Il a
remplacé une réalité supposée stable par une réalité fugitive. En niant l’existence d’un canon
d’expression unique, qui permette de décrire les états d’esprit et les sentiments ou de créer des
composition d’objets, il a donné la priorité à l’attitude subjective de l’artiste, en insistant sur
la spontanéité et le caractère immédiat de la vision et de la réaction. Par la formulation d’une
doctrine du « réalisme » qui pouvait s’appliquer au sujet autant qu’à la technique, il a mis de
côté tous les évènements anecdotiques, historiques ou romantiques, pour se concentrer sur la
vie et les phénomènes de son époque.

I. LE GROUPE IMPRESSIONISTE
Lorsque l’on parle de l’impressionnisme, tout le monde sait à peu près de quels artistes
il s’agit :
-Edouard Manet
-Claude Monet
-Edgar Degas
-Berthe Morisot
-Alfred Sisley
-Frédéric Bazille
-Gustave Caillebotte
-Camille Pissarro
-Pierre-Auguste Renoir
-Mary Cassat
-Henri Fantin-Latour
Du coup, le terme d’impressionnisme semble désigner un groupe stable de peintres nés
spontanément. Pourtant, c’est petit à petit que l’amitié et le respect mutuel ont réunis ces
hommes et ces femmes. La majorité d’entre eux sont parisiens (sauf Fantin-Latour, grenoblois
et Frédéric Bazille, montpelliérain), sont nés entre 1832 et 1841 (sauf Camille Pissarro né aux
Antilles en 1830) et sont issus de familles bourgeoises aisée (sauf Renoir de famille limousine
modeste). Aux générations suivantes appartiennent Gauguin, Van Gogh, Seurat, Toulouse-
Lautrec, qui procèdent tous de l’impressionnisme au début de leur carrière.
Par contre, il est vrai que l’impressionnisme est l’un des premiers mouvements
artistiques établi sur la conscience qu’un groupe d’artistes avait de lui-même. Ces peintres
s’associèrent avant tout parce qu’ils partageaient les mêmes positions à l’égard des
institutions artistiques de leur époque, mais leurs styles restèrent souvent très différents.

1. La constitution du groupe des impressionnistes

Les plus jeunes des peintres impressionnistes – Frédéric Bazille, Claude Monet,
Pierre-Auguste Renoir, se sont connus en fréquentant, entre 1861 et 1864, l’atelier de Gleyre,
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professeur à l’Ecole des Beaux-Arts. Ils y apprennent les perfections classiques transmises par
un enseignement qui s’était figé en « académisme ». Ils s’y découvrent surtout un même
attrait pour la représentation directe de la nature, un même rejet de l’imitation conventionnelle
des maîtres du passé. Si bien que très vite ils se mirent à peindre ensemble, soit dans la forêt
de Fontainebleau, soit dans leurs ateliers parisiens. Ils se lient d’amitié avec Camille Pissarro
et Paul Cézanne qui, auparavant, avaient étudié à l’Académie suisse.

Tous admiraient deux peintres qui refusaient de sacrifier leur personnalité aux
contraintes officielles : Gustave Courbet et Edouard Manet. Le jeune Monet raconte d’ailleurs
avoir éprouvé une terrible émotion devant la Musique aux Tuileries de Manet, œuvre dont il
ne connaît pas encore l’auteur et qu’il découvrit lors de son exposition à la Galerie Martinet
en mars-avril 1863.
EDOUARD MANET, La Musique aux Tuileries, 1862, huile sur toile, 76 x 118 cm, Londres,
National Gallery

Courbet passait à cette époque trop de temps dans le Jura pour que se crée autour de
lui un cercle parisien. Il avait aussi tendance à vouloir imposer à tous ses conceptions en
matière de peinture. Manet au contraire ne rechignait pas à s’entourer d’amis nombreux et
divers, avec qui il fréquentait cafés et ateliers. Il devint ainsi la figure dominante de cette
génération, le père du mouvement impressionniste.
Les artistes se retrouvaient notamment au café Guerbois, établissement qui peut être
considéré comme le véritable berceau du mouvement impressionniste.
Ils commençaient à penser qu’il leur fallait assurer eux-mêmes l’exposition de leurs
œuvres, puisque le Salon ne le leur permettait pas ou, quand c’était le cas, dans des conditions
qui n’étaient pas satisfaisantes. En 1867, Monet émit l’idée d’organiser une exposition à leurs
frais. La guerre de 1870 retarda la réalisation du projet. En 1873, il reprit son projet. Deux
peintres connus au café Guerbois, amis de Manet – Edgar Degas et Berthe Morisot – se
joignent au groupe. Ensemble, ils créent une « société anonyme coopérative d’artistes,
peintres sculpteurs, graveurs, à capital et personnel variables », autrement dit le groupe des
impressionniste.

2. La première exposition du groupe (15 avril-15 mai 1874)


En 1874 s’ouvre ainsi la première exposition du groupe. Elle se tient 35 boulevard des
Capucines, dans les ateliers que le peintre Nadar vient d’abandonner. Elle a lieu du 15 avril au
15 mai 1874. Trente artistes y participent avec 165 toiles. La seule condition pour y participer
était de s’abstenir d’exposer au Salon. En conséquence de quoi, Manet qui recherchait
toujours la reconnaissance officielle, avait décliné l’invitation, ce qui est paradoxal si l’on
considère que l’admiration pour son œuvre était le principal ciment du groupe : Cézanne ; -
Monet ; Degas ; Sisley ; Berthe Morisot ; Pissarro ; Renoir, le président.
Le public est nombreux à cette première exposition du groupe mais il vient d’abord
pour se moquer ; les acheteurs sont rares. Mais ce qu’il faut surtout retenir de cette première
exposition est que le groupe y reçoit son nom de baptême, inspiré, par dérision, du tableau de
Monet Impression, soleil levant.

MONET, Impression, soleil levant


La toile de Monet intitulée Impression, soleil levant (1872, h/t, 50 x 65 cm, Musée
Marmottan, Paris) concentre en effet les attaques et procure son nom au mouvement. Son titre
suscite des plaisanteries, puis le néologisme « impressionnisme » par lequel les
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« indépendants » se désignent par la suite jusqu’à en faire une catégorie esthétique. La
critique, hostile, a fait du titre une sorte de manifeste esthétique pour un nouveau mouvement.
Pourtant, le sujet du tableau de Monet n’est pas nouveau : il s’agit d’un port (une vue de
celui du Havre) au lever du soleil. C’est la manière de peindre de Monet, avec une touche
libre, qui frappe et choque les critiques.
Le but de Monet (comme celui de Sisley et de Renoir) est de rendre la sensation visuelle
dans toute son immédiateté. Pour y parvenir, Monet supprime le dessin. Il adopte ensuite un
nouveau mode de construction du tableau, basé sur l’équilibre contrasté des deux
complémentaires, l’orangé et le bleu. Son procédé, proche de l’esquisse, offre une plus grande
finesse dans le traitement des sensations et plus de dynamisme.

3. Les expositions suivantes et le destin du groupe impressionniste


Après bien des vicissitudes et malgré les désaccords internes, la société parvient à
organiser 8 expositions, en comptant la première. Ces expositions ont réunis des artistes
infiniment divers dans leurs techniques, leurs sujets (paysagistes pour certains, peintres de la
figure humaine pour d’autres, dessinateurs ou coloristes, peintres des villes ou du plein-air…).
Cependant, tous en en commun de rejeter les grands sujets traditionnels (peinture d’histoire
notamment) au profit des paysages (paysages naturels ou urbains) et des portraits. Ils tentent
de créer une peinture « de leur temps ». Ils ont un goût prononcé pour le chromatisme et les
matières. Leur technique rapide permet cette recherche des effets fugitifs de la lumière, du
mouvement et de leurs propres sensations.
Seul Pissarro y participa à chaque fois, essayant constamment de réconcilier un groupe
qui se scinda à partir de 1879 en deux tendances menées respectivement par Monet et Degas.
-La 2ème exposition a lieu 11 rue Le Peletier en avril 1876
-La 3ème exposition se tient 6 rue Le Peletier en avril 1877
-La 4ème exposition se tient 28 avenue de l’Opéra en avril-mai 1879
-La 5ème exposition se tient 10 rue des Pyramides en avril 1880
-La 6ème exposition se tient 35 boulevard des Capucines en 1881
-La 7ème exposition se tient à la galerie Durand-Ruel en mars 1882.
-La 8ème exposition se tient 1 rue Laffite en mai-juin 1886

L’impressionnisme n’est donc pas un groupe stable ; encore moins une école. C’est
une attitude commune de quelques artistes devant les problèmes essentiels de leur art. Même
lorsque les moyens sont mis en commun, même si les artistes sont proches les uns des autres,
les résultats de leur peinture restent fortement individualisés. C’est seulement à la faveur de
courtes périodes de travail en commun, dans un site donné, qu’une vision collective se crée.
Les peintres qui ont participé à l’Impressionnisme ont quand même, chacun à leur manière,
été des initiateurs de l’art moderne.

II. LES IMPRESSIONNISTES, DES INITIATEURS DE L’ART MODERNE

Les peintres impressionnistes abandonnent leurs ateliers pour se consacrer à la


peinture de plein air. Cela leur permet d’entrer en contact plus directement avec les sujets
qu’ils choisissent. En peignant de cette façon – et parfois même en atelier, lorsque la nécessité
de rendre l’impression du sujet était dominante –, ils développent une technique dictée par
l’usage, et en partie la nécessité, d’atteindre la perception :
-Ils éliminent les ombres noires et les contours, qui n’existent pas dans la
nature ; les ombres sont peintes dans une couleur complémentaire de celle de
l’objet.
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-Ils utilisent une palette arc-en-ciel et expérimentent différentes techniques
pour « casser » la couleur.
En cela, ils sont considérés comme des « innovateurs de l’art moderne ». Ils sont à l’origine
d’une révolution de la peinture : révolution basée sur :
-la couleur ;
-la lumière ;
-et la vitesse.

1. La révolution de la couleur, de la lumière, du temps et de la vitesse


Il faut garder à l’esprit que la valeur historique du mouvement impressionniste tient en
partie à sa capacité à réfléchir les profonds changements qui interviennent alors dans la
culture européenne.
Les théories de la couleur d’Eugène Chevreul (1786-1889) ont été publiées avant le
début de l’impressionnisme. Et, même si elles n’ont été réellement appliquées par les peintres
qu’à partir des années 1880, l’important tient au fait que savants et artistes partagent la même
théorie : les couleurs ne sont plus, comme Alberti et Léonard de Vinci l’avaient cru, des
réalités immuables ; on comprend alors qu’elles dépendent de la perception individuelle et
qu’elles font partie de l’univers de la lumière, comme l’une des dimensions élémentaires de la
nature. S’éloignant ainsi de la tradition qui dominait, les peintres impressionnistes refusent de
croire en l’existence d’une réalité immuable, permanente, seulement gouvernée par la
perspective.
Dans ce contexte, leur intérêt pour le concept de temps paraît extrêmement significatif.
Monet par exemple tente de mettre en relation la lumière, le temps et l’espace dans des
ensembles d’images, conçues en séries, qui représentent des cathédrales, des meules ou
encore des étangs couverts de nymphéas.
Outre le temps et la lumière, les impressionnistes s’intéressèrent également à la vitesse
comme combinaison du temps et de l’espace. Avant la construction des premiers chemins de
fer, dans les années 1830-1840, personne n’avait jamais voyagé à une vitesse supérieure à 25
km/h. Le fait de voir des objets et des paysages depuis un train lancé à 80 ou 100 km/h, vint
encore accentuer le caractère subjectif de l’expérience visuelle, en donnant une ligne de
continuité aux données fugitives, en brouillant les contours nets auxquels l’art perspectiviste
postérieur à la Renaissance avait habitué l’œil de l’artiste.
La plus grande facilité d’accès au moyen de transport constitué elle-même un facteur
de changement significatif. Les impressionnistes découvrent les forêts de la région parisienne,
la Normandie, le sud de la France. Leur travail se nourrit donc d’une grande variété de
paysages.

2. Des peintres de la vie moderne


Qu’ils soient provinciaux ou non, les peintres impressionnistes ont, pour la plupart,
vécu à Paris, ou tout du moins y ont passé des moments de leur vie. Ils ont vu la ville se
transformer, depuis la restructuration conçue par Haussmann, en une ville traversée par de
larges boulevards et ponctuée de demeures luxueuses et de parcs verdoyants. Ces nouveaux
éléments devinrent leurs motifs favoris et furent immortalisés dans leurs tableaux.
Ces changements dans le paysage de la vie française en général et parisienne en
particulier, étaient étroitement liés aux mutations sociales. La révolution industrielle et
l’explosion de la propriété individuelle (due à la politique de Napoléon III) favorisent
l’émergence d’une nouvelle bourgeoisie, issue du monde des affaires, du commerce et de
l’industrie. Cette nouvelle classe, étrangère à l’ancienne tradition du mécénat, est en grande
partie responsable de la naissance et du développement rapide de la figure du marchand d’art
vers 1860.
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Capables de guider et de conseiller les artistes autant que les clients, agissants à la fois
comme agents, comme comptables et comme chargés de relations publiques, les marchands
d’art fournissent un service tout à fait nouveau et important. Ils permirent aux artistes de ne
plus dépendre uniquement du Salon officiel annuel, leur ouvrant ainsi de nouveaux
débouchés. Sans eux, l’avant-garde n’aurait jamais existé. Cette réelle influence se révèle
particulièrement marquante dans le cas de l’impressionnisme qui doit une partie de son succès
à la perspicacité, au bon sens et à la loyauté de Paul Durand-Ruel et d’Ambroise Vollard, les
deux principaux marchands liés à ce mouvement.
Le marché de l’art connaît pendant la seconde moitié du XIXe siècle un
développement sans précédent, en raison notamment d’une meilleure circulation des œuvres
rendue possible grâce aux progrès des moyens de reproductibilité : l’imprimerie donne lieu à
la prolifération de livres à bon marché, de magazines, de journaux ; l’invention de la
lithographie puis de la photographie, participèrent à une meilleure connaissance de l’art du
passé mais aussi de l’art contemporain. La conséquence logique de cette nouvelle situation fut
la multiplication des écrits sur l’art, qu’ils furent le fait d’historien de l’art ou de critiques
d’art. Le critique a, bien entendu, un rôle significatif dans le domaine de l’art contemporain
car le public demandait à être guidé. Les impressionnistes ont suscité le débat : vertement
critiqués par certains, ils ont également été ardemment soutenus par d’autres, dont les
critiques Théodore Duret, Duranty ou Mirbeau ou encore les écrivains Charles Baudelaire,
Emile Zola ou Stéphane Mallarmé. Le soutien au groupe de ces différentes personnalités de la
scène artistique parisienne a été essentiel, tout comme celles d’hommes engagés
politiquement à l’image de Georges Clémenceau.
Ils furent également influencés par d’autres innovations technologiques de l’époque :
apparition de la peinture en tube ; amélioration de la qualité des pigments ; élargissement de
la gamme chromatique à la disposition des peintres ; amélioration de la qualité des papiers ;
invention et diffusion de la photographie.
La photographie libère la peinture de la référence au critère obligé de la réalité
extérieure. Elle rend possible la subjectivité et permet ainsi à l’art de conquérir une autonomie
qui lui avait jusque là échappé. Mieux encore, la photographie réalise l’idéal de spontanéité
qui s’était répandu chez les peintres. Elle peut figer les gestes, immobiliser un mouvement
dans la rue ou fixer à jamais la pirouette d’un danseur. Ce nouvel « œil technique » influence
la perception que les peintres ont du monde qui les entoure. Il influence également les peintres
dans leur attitude et dans leur style. Sans arrêt les impressionnistes essayèrent d’imiter dans la
composition de leurs tableaux le caractère irrévocable, arbitraire, non sélectif et en partie
fortuit du cadrage photographique. Le principe académique selon lequel le sujet doit être
cohérent, complet et représenté à partir d’un point de vue qui convienne à la composition
disparaît complètement. L’unité est maintenant dans le tableau même et dans les éléments qui
le composent. Les figures peuvent être tronquées, les poses étranges ou disgracieuses, les
mouvements interrompus. Le hasard fait maintenant partie du tableau : il peut être contrôlé et
manipulé mais il garde dans tous les cas une fonction dominante.

3. Les racines de l’impressionnisme


Bien que l’impressionnisme soit le noyau central du renouveau et d’une certaine
révolution en art, il faut garder à l’esprit que mouvement, loin d’être simplement le produit de
facteurs sociaux, scientifiques et historiques concomitants, a ses racines dans l’évolution
stylistique de l’art :
-les Préraphaélites (Ruskin, Meissonnier, Millet), bien qu’ils aient adoptés une
technique différente, étaient également concernés par un réalisme visuel et
social : le culte de la sincérité formulé par Ruskin est très répandu chez les
impressionnistes ; la touche nerveuse et légère de Meissonnier ne se différencie
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guère de la facture de la plupart des tableaux impressionnistes de la fin des
années 1860 ; à cette même époque, les tableaux de Millet s’animent d’une
lumière jusque là inhabituelle.
-Thomas Couture, le maître de Manet, suggéra que les artistes pouvaient
prendre comme thèmes des ouvriers, des échafaudages ou des chemins de fer ;
-Delacroix, avec sa ferveur romantique, avait déjà pris une certaine liberté avec
la couleur ;
-Courbet, par le choix de ses sujets, avait déjà défié les codes de
l’académisme ;
-Turner et Constable s’étaient posés les mêmes problèmes au sujet de la
lumière, de la couleur et de la manière d’aborder une interprétation « réaliste »
du paysage ;
-les peintres de l’Ecole de Barbizon avaient déjà pratiqué la peinture de plein
air dès les années 1840 ;
-Narcisse Virgile Diaz (1807-1876) avait été l’un des plus farouches opposants
à la « ligne noire » en peinture ; ses études sur les effets de la lumière du soleil
filtrant à travers les sombres feuillages d’une forêt, rendus dans une pâte
épaisse, contiennent en germe des éléments évidents de l’impressionnisme ;
-Théodore Rousseau (1812-1867), s’attacha à rendre les effets atmosphériques
au point d’annoncer Monet de très près.
La vraie réussite de l’impressionnisme est d’avoir donné forme et cohérence à des
tendances restées très longtemps latentes dans l’art européen.
Cela tient au fait qu’à partir du milieu du XIXe siècle, les peintres peuvent acquérir
une connaissance de l’art du passé alors qu’auparavant cela était techniquement impossible.
En effet, avant les années 1840, il n’y avait que très peu de musées et de galeries d’art. Or ils
se multiplièrent d’une façon extraordinaire à partir de cette date.
Sisley, Monet et Pissarro eurent accès aux travaux de Turner, de Constable et d’autres,
à la National Gallery de Londres, qui n’avaient derrière elle que quelques décennies. A Paris,
le Louvre voit ses collections s’enrichir de manière considérable (notamment de peinture
espagnole : Vélasquez, Ribera, Zurbaran). Désormais les peintres sont autorise à faire des
copies des œuvres exposées. Le palais du Luxembourg se consacre pour sa part à l’art
contemporain. Chaque grande ville de province se dote également d’institutions culturelles et,
de plus en plus souvent, des œuvres de collectionneurs particuliers trouvent le chemin des
collections publiques.
C’est dans ce cadre nouveau que les impressionnistes purent connaître les vieux
maîtres de la peinture et s’en inspirer ou, au contraire, s’y opposer.
Notons enfin que de l’extérieur de l’Europe vint une série d’influences. L’art japonais
commence à pénétrer la place parisienne dès 1856 avant d’y connaître un franc succès. La
simplicité des couleurs et le traitement stylisé des ombres et des lumières que montraient les
estampes (notamment celles d’Hokusai), interpellèrent les artistes.

Nous allons voir que l’impressionnisme est une peinture de la sensation, une peinture
de la perception puis nous nous intéresserons au phénomène des séries, initiées par certains
peintres impressionnistes.

III. UNE PEINTURE DE LA SENSATION


1. Alfred Sisley (1839-1899)
ALFRED SISLEY (1839-1899), L’Ile de la Grande Jatte, 1873, huile sur toile, 50,5 x 65 cm,
Paris, musée d’Orsay
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Enseignante : Eléonore Marantz-Jaen
ALFRED SISLEY (1839-1899), Inondation à Port-Marly, 1876, huile sur toile, 60x81 cm,
Paris, musée d’Orsay
2. Claude Monet (1840-1926)
CLAUDE MONET (1840-1926), Régates à Argenteuil, vers 1872, huile sur toile, 45x75 cm,
Paris, musée d’Orsay
3. Pierre-Auguste Renoir (1841-1919)
PIERRE-AUGUSTE RENOIR (1841-1919), Le Moulin de la Galette, 1876, huile sur toile,
130x175 cm, Paris, musée d’Orsay
PIERRE-AUGUSTE RENOIR (1841-1919), Le Déjeuner des canotiers, 1881, huile sur toile,
130x175 cm, Washington, collection Philips
PIERRE-AUGUSTE RENOIR (1841-1919), Les Grandes Baigneuses, 1887, huile sur toile,
46x67 cm, Philadelphie, museum of Art

IV. EDGAR DEGAS (1834-1917) ET LA PERCEPTION DE L’ESPACE


EDGAR DEGAS (1834-1917), Femme repassant, 1869, huile sur toile, 92x74 cm, Munich,
Neue Pinakothek
EDGAR DEGAS (1834-1917), Le Bureau de coton à la Nouvelle-Orléans, 1873, huile sur
toile, 73x92 cm, Paris, musée d’Orsay
EDGAR DEGAS (1834-1917), Portraits à la Bourse, 1878, huile sur toile, 100x82 cm, Paris,
musée d’Orsay
EDGAR DEGAS (1834-1917), La Classe de danse, 1874, huile sur toile, 85x75 cm, Paris,
musée d’Orsay
EDGAR DEGAS (1834-1917), Dans un café ou L’Absinthe, 1878, huile sur toile, 92x68 cm,
Paris, musée d’Orsay
EDGAR DEGAS (1834-1917), Le Tub, 1886, pastel sur carton, 60x83 cm, Paris, musée
d’Orsay

V. LES SERIES
A la même période, Monet et Degas expérimentent la même méthode, celle de la série.
Par la répétition d’un même motif, l’artiste tente de saisir et de fixer les apparences du motif,
nuance après nuance, instant après instant. Le principe de la série brise l’idée de l’image
unique et cautionne celle de l’image multiple. De fait, c’est l’ensemble qui possède du sens.
La série témoigne d’une recherche plastique qui trouve sa justification dans la multiplication
d’expériences aussi bien formelles qu’esthétiques.
1. Claude Monet
Monet applique l’idée de série aux variations de la lumière et met en évidence le facteur
temps. Les séries Gare Saint Lazare (1877), Meules (1890-1891), Cathédrales (1892-1894),
Nymphéas (1899-1926) se développent à partir de la fin des années 1880 et ce, jusqu’à la fin
de sa vie.
Gare Saint-Lazare (1877)
CLAUDE MONET (1840-1926), Vue intérieure de la gare Saint-Lazare : la ligne d’Auteuil,
1877, huile sur toile, 75,5 x 104 cm, Paris, musée d’Orsay
CLAUDE MONET (1840-1926), La gare Saint-Lazare, arrivée d’un train, 1877, huile sur
toile, 82 x 101 cm, Cambridge (MASS), Fogg Art Museum, Harvard University
Art Museums
CLAUDE MONET (1840-1926), Arrivée du train de Normandie, gare Saint-Lazare, huile sur
toile, 1877, 59,6 x 80,2 cm, Chicago, The Art Institute of Chicago
CLAUDE MONET (1840-1926), La Gare Saint-Lazare ; la ligne de Normandie, 1877, huile
sur toile, 54,3 x 73,6 cm, Londres, National Gallery
S1UE4b : Histoire de l’art
Enseignante : Eléonore Marantz-Jaen
CLAUDE MONET (1840-1926), La Gare Saint-Lazare : les docks de l’Ouest, 1877, huile sur
toile, 60 x 81 cm, collection particulière
CLAUDE MONET (1840-1926), La gare Saint-Lazare : les signaux, 1877, huile sur toile,
65,5 x 81,5 cm, Hanovre, Niedersächsiches Landesmuseum Hannover
CLAUDE MONET (1840-1926), La Gare Saint-Lazare : les voies devant la gare, 1877, huile
sur toile, 60 x 80 cm, Japon, collection particulière
CLAUDE MONET (1840-1926), Extérieur de la gare Saint-Lazare : vue sur les tunnels des
Batignolles, 1877, huile sur toile, 60 x 72 cm, collection particulière
CLAUDE MONET (1840-1926), Extérieur de la gare Saint-Lazare : vue sur les tunnels des
Batignolles ; effet de soleil, 1877, huile sur toile, 61 x 80,5 cm, collection particulière
CLAUDE MONET (1840-1926), La Gare Saint-Lazare : sous le pont de l’Europe, 1877,
huile sur toile, 64 x 81 cm, collection particulière
CLAUDE MONET (1840-1926), Le Pont de l’Europe, gare Saint-Lazare, 1877, huile sur
toile, 64 x 80 cm, Paris, musée Marmottan
Meules (1890-1891)
CLAUDE MONET (1840-1926), La Meule, effet de neige le matin, 1890, huile sur toile,
65,4x92,3 cm, Boston, Museum of Fine Arts
CLAUDE MONET (1840-1926), La Meule, effet de neige, temps couvert, 1891, huile sur
toile, 66x93 cm, Chicago, The Art Institute
Cathédrales (1892-1894)
CLAUDE MONET (1840-1926), La Cathédrale de Rouen, le portail et la tour Albane à
l’aube, 1894, huile sur toile, 106,1x73,9 cm, Boston, Museum of Fine Arts
CLAUDE MONET (1840-1926), La Cathédrale de Rouen, le portail soleil matinal, harmonie
bleue, 1894, huile sur toile, 91x63 cm, Paris, musée d’Orsay
CLAUDE MONET (1840-1926), La Cathédrale de Rouen, le portail et la tour Albane, effet
du matin, harmonie blanche, 1894, huile sur toile, 106x73 cm, Paris, musée d’Orsay
CLAUDE MONET (1840-1926), La Cathédrale de Rouen, le portail et la tour Albane, plein
soleil, harmonie bleu et or, 1894, huile sur toile, 107x73 cm, Paris, musée d’Orsay
CLAUDE MONET (1840-1926), La Cathédrale de Rouen, le portail vu de face, harmonie
brune, 1894, huile sur toile, 107x73 cm, Paris, musée d’Orsay
Nymphéas (1899-1926)
CLAUDE MONET (1840-1926), Le bassin aux nymphéas, 1899, huile sur toile, 92,7x73,7
cm, New York, The Metropolitan Museum of Art
CLAUDE MONET (1840-1926), Le Pont japonais, 1918-1924, huile sur toile, 100x200 cm,
Paris, musée Marmottan
CLAUDE MONET (1840-1926), Le bassin aux nymphéas, 1900, huile sur toile, 89,2x92,8
cm, Boston, Museum of Fine Art
CLAUDE MONET (1840-1926), Nymphéas, 1904, huile sur toile, 90x93 cm, Le Havre,
musée des Beaux-Arts
CLAUDE MONET (1840-1926), Nymphéas, 1914, huile sur toile, 200x200 cm, Tokyo, The
National Museum of Western Art
CLAUDE MONET (1840-1926), Le Bassin aux nymphéas sans saules, matin (détail), 1916-
1926, huile sur toile, 200x1350 cm, Paris, musée de l’Orangerie
CLAUDE MONET (1840-1926), Le Bassin aux nymphéas avec saules, le matin clair aux
saules (détail), 1916-1926, huile sur toile, 200x425 cm, Paris, musée de l’Orangerie
CLAUDE MONET (1840-1926), Le Bassin aux nymphéas sans saules, les nuages (détail),
1916-1926, huile sur toile, 200x425 cm, Paris, musée de l’Orangerie

2. Edgar Degas
S1UE4b : Histoire de l’art
Enseignante : Eléonore Marantz-Jaen
A partir des années 1880, Degas décompose une posture, un geste en instants séparés
par un instant très bref. La série chez Degas est une sorte de « suite » qui montre le
mouvement étape par étape. Grâce aux travaux photographiques de Marey et de Muybridge
qui étudient le mouvement, Degas détermine la position des bras ou des jambes d’une femme
au tub et procède par séquences et plans.
EDGAR DEGAS (1834-1917), Femme dans son bain s’épongeant la jambe, vers 1883, pastel
sur monotype, 19,7x4,1 cm, Paris, musée d’Orsay
EDGAR DEGAS (1834-1917), Nu essuyant ses pieds, 1886, pastel, 54,3x52,4 cm, Paris,
musée d’Orsay
EDGAR DEGAS (1834-1917), Nu essuyant ses pieds, 1886, pastel, 53,3x52,4 cm, Paris,
musée d’Orsay
EDGAR DEGAS (1834-1917), Femme nue de dos se coiffant, 1898, pastel sur carton,
62,2x65 cm, Paris, musée d’Orsay
EDGAR DEGAS (1834-1917), Chez la modiste, 1882, Pastel, 75,9x84,8 cm, Lugano, coll.
Thyssen-Bornemisza

Avec l’impressionnisme se met en place un système parallèle de mode d’exposition


dépendant du goût des collectionneurs et des grands marchands Paul Durand-Ruel, Ambroise
Vollard. Ils jouent un rôle déterminant dans la reconnaissance de ce courant à partir des
années 1890 alors que les milieux officiels tiennent ces peintres à l’écart. Si le mouvement
impressionniste devient une mode avant la Première Guerre mondiale, il survit au conflit,
s’incarnant dans les œuvres des fondateurs et jusqu’à leur disparition (Renoir en 1919 et
Monet en 1926). En outre, l’impressionnisme trouve une sorte de prolongement, de
développement, dans le néo-impressionnisme dont le chef de file est Georges Seurat.

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