Bauxite2 PDF
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r pour le compte d'une socit lyonnaise, dcouvrit prs du village des Baux-en-Provence. C'est une roche de couleur rouge qu'il baptisa Bauxite, en rfrence au lieu de la dcouverte. Lexploitation de la bauxite en France a dbut en 1873 autour du bassin de Brignoles et sest teinte en 1990. Jusquen 1939, la France sera le premier producteur mondial dalumine, celle -ci tant utilise pour la fabrication de laluminium par diffrents procds chimiques, tels que ceux encore utiliss rcemment par lusine Pechiney de Gardanne. On compte plus de 24 concessions de Bauxite en rgion PACA, dont la plupart sont concentres dans le bassin de Brignoles qui contient plusieurs gros gisements dont celui de Mazaugues qui nous intresse plus particulirement. Il existe aussi des petites poches de bauxite en contrebas de la chane de la Sainte Baume, certaines ont t exploites de faon artisanale. La bauxite de Mazaugues (et plus gnralement de Provence) est de type karstique (le nom 'karst' dsigne un rseau souterrain de rivires et de galeries dans un massif calcaire). Contrairement aux gisements de Bauxite latritique qui reprsente plus de 85% des gisements mondiaux, elle repose sur une surface irrgulire, de morphologie karstique creuse dans des calcaires ou des dolomies. Elle sest forme au Crtac moyen (Albien suprieur-Cnomanien infrieur), la Provence possdait alors un climat chaud et humide de type tropical. Nous verrons quil existe dautres facteurs qui rentrent en jeu dans le processus de formation de la bauxite, et que chaque gisement a une histoire gologique qui lui est propre. Nous verrons aussi quessayer de reconstituer toutes les tapes de la gense de la bauxite revient retracer en grande partie, lhistoire gologique de la Provence. 1-HISTORIQUE DES EXPLOITATIONS Les premires extractions de bauxite ont eu lieu dans la rgion dAuriol vers 1860. La vritable exploitation de la bauxite provenale ne dbutera qu'en 1873 aprs la dcouverte du site de Cabasse dans le Var, par le gologue Daubre. Lexploitation stend rapidement autour de Brignoles entre le bassin Ouest dont fait partie Mazaugues, et le bassin Est qui s'tend du Val au Cannet des Maures. Cest lexploitation du bassin Est, le
plus important des deux, qui va faire de la France, le premier producteur mondial de bauxite jusqu la deuxime guerre mondiale. Le monopole de lextraction est attribu en 1895 lUnion des Bauxites, filiale de la British Aluminium Company pour 10 ans. La moiti de la production est envoye vers lAllemagne, lAngleterre, la Ru ssie ou lAutriche par le port de St Raphael, puis par celui de Toulon jusquaux annes 1960. Lautre moiti de la production est traite proximit dans les usines de Gardanne/Pechiney (1894) et de Marseille (la Barasse en 1908, Saint Louis des Aygalades en 1909). En 1914, la Provence produit 300000 tonnes de bauxite. LUnion des Bauxites est rapidement concurrence par plusieurs filiales de grands groupes internationaux, dont notamment le groupe germano-suisse Les Bauxites de France, arriv en 1905 qui acquit un des plus gros gisement: celui de Recoux entre le Thoronet et le Cannet. Vint ensuite larrive massive de grosses socits telles que Ugine, Lafarge et les Bauxites du Midi. La production passe 545000 tonnes en 1939. Malgr une production de plus d1 million de tonnes en 1950 et de 2 millions en 1965, la production du bassin varois va devenir marginale face la dcouverte dnormes gisements pendant la seconde guerre notamment en Afrique et en Australie. La bauxite trangre arrive sur le march franais des prix infrieurs, pour le plus grand bnfice de lusine de Gardanne dont le premier convoi en provenance dAustralie arrive en 1967, puis de Guine en 1972. Cependant, les mines varoises squipent progressivement dengins mcaniss pour l es carrires comme des pelles, des chargeuses, des dumpers.La productivit passe de 2 millions 17 millions de tonnes par homme entre 1965 et 1970. La bauxite emploie plus de 1000 personnes. Mais lavenir des mines reste incertain face lpuisement des ressources et la concurrence trangre. La mort programme du bassin et la crise mondiale vont crer soulvements et grves, provoquant ainsi un ralentissement de la production qui la chutera 1,6 millions de tonnes en 1975, puis moins d1 million en 1985. Les bassins les moins rentables seront ferms, puis les mines du bassin Ouest dont celle de Mazaugues. Cest en 1989 que cessera la dernire exploitation, celle de la mine de Doze, prs de Cabasse dans le bassin Est de Brignoles, laissant les collines dans un tat dvast et pour la plupart non ramnages (Arnaud, 2003).
2 LOCALISATION DES GISEMENTS Le principal gisement de bauxite du pays de la sainte Baume se trouve dans les environs de Mazaugues. Le site de Mazaugues est parsem de galeries en damier constituant un gigantesque labyrinthe (figure 1 et 2) dont l'accs est interdit, le danger de s'y perdre tant bien rel. Les galeries de mines recoupent en outre maintes fois un rseau karstique trs dvelopp (plusieurs kilomtres), le rseau Sabre, que seuls des splologues avertis peuvent parcourir. Ce rseau karstique, et par consquent les galeries de mines auxquelles il est connect, recoupe d'autre part plusieurs rivires souterraines alimentant le Caramy et devient facilement inondable lors de forte pluie. La couche de bauxite de ce gisement est recouverte dune vingtaine de mtres de calcaire blanc pais (figure 3). La prsence de terrils (voir figure 4) atteste de l'ancienne exploitation du minerai.
En plus du gisement de Mazaugues, d'autres poches de bauxite de dimensions plus modestes sont parpilles sur le flanc Nord de la Sainte Baume. Sur la route entre Nans-les-Pins et le Plan d'Aups, on peut remarquer au dtour d'un virage, un affleurement de bauxite d environ 2 m d paisseur qui vient d'tre retaille pour largir certains virages dangereux. Cette fine couche a fait l objet d une petite exploitation artisanale (figure 5,6,7 et 8).
3- MINERALOGIE ET GENESE La bauxite est une roche de couleur jaune rouge, sdimentaire ou rsiduelle, compose essentiellement d'alumine (Al 2O4), d'oxydes ferriques et de divers minraux argileux ou titans. La couleur dpend directement de la quantit relative de ces composants. Gnralement, plus il y a de fer, plus la bauxite sera rouge. La bauxite du Var est peu riche en fer, mais trs riche en aluminium comme on peut le constater dans le tableau cidessous. SiO2 5,2 Al2O4 72,7 Fe2O3 1,6 TiO2 0,8 CaO 0,6 MgO 2 H2O 16,2
Tableau 1 : composition chimique des principaux oxydes d une bauxite du Var (Albin, 2001). La bauxite contient des pisolithes, qui sont des boules de diamtre suprieur 2 millimtres, de couleur sombre. La formation des pisolithes est complexe et rsulte gnralement de l'accrtion de cristaux mtalliques autour d'un noyau initial. Ce phnomne se produit vraisemblablement grce une activit bactrienne (c'est le cas des pisolithes actuels, figure 10), dans des palosols qui conduisent ensuite a la formation de bauxite. La formation (ou gense) et la classification des bauxites sont aujourd'hui encore sujets de nombreux dbats. On distingue gnralement : - Les bauxites latritiques (dites aussi autochtones, ou primaires), qui sont formes directement sur la roche mre par altration in situ de roches silicates alumineuses sous un climat tropicale humide par lessivage qui a pour consquence la concentration sur place des lments lourds mtalliques dont le fer et laluminium.. La France est dpourvue de ce type de bauxite. - Les bauxites karstiques (dites aussi allochtones, ou secondaire), la roche mre initiale riche en alumine (roche cristalline, marne ou argile kaolinique) ne provient pas de lendroit mme o sest forme la bauxite. Les altrites (provenant de la roche mre une fois exonde et altre) proviennent de roches voisines et ont t transports et disperss dans les bassins sdimentaires voisins (allochtonie relative). Dans le cas de la bauxite provenale, certains auteurs proposent galement une origine des altrites riche en alumine beaucoup plus loignes (allochtonie absolue). Ils suggrent que ces matriaux soient issu du lessivage de sols cristallins
en provenance du massif des maures, du massif Pyrno Corso-Sarde (quasiment disparu aujourd'hui) voir mme du massif central. Dans les dernires publications sur la bauxite provenale, il est dmontr que les altrites ne sont pas transportes, mais voluent sur place dans le karst partir de laltration du mur ou partir dune couche argileuse kaolinique qui, elle, a t transporte (exemple de la bauxite des Baux). Autrement dit, le profil bauxitique se ralise sur place et les seuls dplacements de matriaux altrs se font lintrieur du karst par soutirage, effondrement du mur, etc. Lorsque les conditions de drainage et de protection ont t optimales, lapparition et la conservation des hydroxydes dalumine a pu tre possible, sans pour autant que ce soit une tape obligatoire. Ainsi, chaque district porte une ligne daltrites qui lui est propre. De mm e, chaque gisement reprsente un stade plus ou moins avanc de lvolution entre un ple kaolinique (altrite de base) et un ple bauxitique (stade dvolution final). La bauxite est pige dans l'pikarst, c'est dire toutes les formes superficielles du karst: dolines, lapiaz, cuvettes, diaclases, ...Parfois elle est entrane par les eaux de pluie l'intrieur mme du karst o elle est remobilise dans les remplissages et les splothmes. Il est important de retenir que de nombreux facteurs rgissent la gense des bauxites (nature de la roche mre, morphologie du substrat, succession de phases climatiques, volution structurale, etc) et quainsi, chaque gisement de bauxite de karst a sa propre histoire gologique. Mme si aujourdhui lactivit mini re de la bauxite en Provence a disparu, la complexit de sa formation continue encore aujourdhui dintriguer les scientifiques. La bauxite na donc pas encore fini de rvler tous ses secrets 4- STRATIGRAPHIE DES GISEMENTS Pour les mineurs, puis par extension pour les gologues, les termes antagonistes 'mur' et 'toit', relatifs une formation exploite, dsignent respectivement la surface infrieure (le terrain immdiatement en dessous) et la surface suprieure (le terrain immdiatement en dessus) de la formation. A Mazaugues, le mur est constitu de calcaires dolomitiques du jurassique suprieur (Portlandien / Kimmridgien) d'environ 150 millions d'annes (figure 9). Parfois la premire poque du Crtac, le Valanginien, existe sous forme de lentilles. Plus la surface du mur est irrgulire et karstifie, plus les poches qui contiennent la bauxite sont grandes et plus
la taille des gisements est importante. La cuvette de Mazaugues, dallongement Est-Ouest, mesure plus de 30 km de long et quelques kilomtres de large (Albin, 2001). Dans cette cuvette reposent des poches plus ou moins isoles les unes des autres, circulaires ou elliptiques, profondment karstifies, qui peuvent dpasser 50 mtres d'paisseur, mais dextension latrale limite (de quelques mtres une centaine de mtre). Le toit est un calcaire massif de couleur gris clair, dune vingtaine de mtres dpaisseur, riche en Rudistes et en coquillages benthiques dge Coniacien (Philip, 1970). Entre la bauxite et le toit calcaire, on trouve souvent sur le massif de la Sainte-Baume, une couche noirtre riche en matire organique (facies charbonneux), plus particulirement enrichie en Lamellibranches dge Turonien suprieur (90 Ma). Mme si ce toit gne grandement par sa duret lexploitation de la bauxite, obligeant souvent les exploitants creuser des galeries souterraines, comme cest le cas Mazaugues, il joue un rle fondamental pour prserver des gisements potentiels de lrosion.
Turonien suprieur facies charbonneux Bauxite (paisseur x10) charbonneux Jurassique suprieur dolomitique
Figure 10 : Texture pisolitique de la Bauxite du pays de la Ste Baume. 5-INTERPRETATION GEOLOGIQUE: LE RELIEF PROVENCAL DE L'ERE SECONDAIRE Nous avons vu plus haut, que le mur qui contient la bauxite est constitu de couches calcaires du jurassique suprieur (Portlandien). A cette poque, une grande plateforme carbonate sinstalle progressivement en Provence dans une mer chaude et vraisemblablement peu profonde. Le toit de la formation bauxitique est lui dge Turonien suprieur. Or, entre le Portlandien et le Turonien, il devrait y avoir 50 Ma de roches calcaires couvrant les poques du Crtac infrieur au moins. C'est ce que les gologues appellent 'une lacune sdimentaire'. Comment interprter cette lacune? Il n'y a que deux solutions possibles: soit les roches du crtac infrieur n'ont pas exist l o il y a la bauxite, soit elles ont t enleves. La ralit, comme nous allons le voir, est un compromis. Remarquons d'abord que la premire solution est quivalente au non dpt des roches , et donc au fait que le sol est hors de l'eau, exond. La deuxime solution, ne peut tre conscutive qu' des phnomnes d'rosion, et donc encore une fois sur un sol exond.
De faon plus gnrale, on sait que dans la rgion de Marseille, la srie stratigraphique prsente des variations dpaisseurs partir du Crtac inferieur, certains niveaux faisant dfaut. Ces anomalies ne sont pas dues uniquement une absence locale de dpt, mais aussi une rosion conscutive des dformations intervenues aprs ces dpts entre lAlbien et le Cnomanien inferieur. Cette lacune, qui correspond un biseau drosion, est de plus en plus importante vers le Nord -Est de la rgion de Marseille (figure 11). A lpoque, dassez vastes territoires ont t mergs en Provence, et la formation de la bauxite dans des vides karstiques en est une preuve irrfutable. Le sol tait dj dform par des bauches de plis qui sont la consquence directe de ce que lon appelle le bombement durancien (Philip, 1970). Il s agit d un soulvement de l'corce terrestre conscutif au rapprochement des continents africain et europen, qui eut lieu dans une fourchette allant de 108 93 millions d'annes, dans la mer alpine (dpendante de Tthys) qui recouvrait la Provence d'alors.
Figure 11 : Biseau drosion du Crtac moyen : passage de la srie complte au Sud Ouest la srie rduite au Nord-Est. La lacune est souligne par la bauxite (daprs Guieu et al, 2008).
C'est ainsi que les roches du crtac infrieur ont t rodes, karstifies et ventuellement remplies de bauxite. Concluons par un dernier petit vnement gologique reli la bauxite. Nous avons vu plus haut que le toit qui recouvre la bauxite de Mazaugues est compos de facies charbonneux d ge Turonien et de calcaire dge Coniacien (voir figure 7). C'est le signe dun ret our progressif de la mer. Les facies charbonneux laguno-saumtres constituent la premire tape de la transgression sur la bauxite venant cacheter le minerai. Au dbut, il y a des zones locales dapprofondissement et des aires de rivage ou de non dpt. Les transgressions ne sont pas franchement gnralises. Les calcaires rudistes stablissent ensuite dbordant en certains endroits le Turonien, lequel sest gnralement dpos dans les creux de la palotopographie bauxitique. De la fin du Turonien et jusqu' la fin du Santonien, la mer arrivera recouvrir les formations bauxitiques de Mazaugues. Il s'y installera une vie rcifale dans une eau chaude et peu profonde comme en tmoigne la prsence abondante des Rudistes.
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