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NORBERT ELIAS, La Société Des Individus

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Norbert Elias, La Socit des Individus

Ce texte est extrait de La Socit des Individus de Norbert Elias et


traite de la construction de lindividu et de la socit. De nos jours, la
majorit des individus humains vivent en socits, savoir des
regroupements dindividus. Un individu humain est un tre humain qui est
distinct dun autre de par sa nature et sa forme. Ce texte nous amne
nous demander quelle influence la socit peut avoir sur la construction
de lindividu.
La rponse cette question nest pas aise. En effet, lenjeu est tout
dabord de savoir si cest lindividu qui construit la socit ou linverse. De
plus, on peut se demander si lindividu ne nat pas avec une part
inaltrable de lui-mme, quelle que soient son environnement.
Pour rpondre cette question, Elias nonce demble sa thse, ds
la premire phrase. Cela a pour consquence dexprimer clairement son
point de vue, sans que celui-ci soit noy dans le texte. Pour expliciter cette
thse, lauteur donne ensuite plusieurs exemples concrets qui lui
permettent galement dappuyer son opinion avant de tirer les leons de
ces exemples qui lui permettent de montrer que lindividu est le produit
des relations. Enfin, Elias conclut en reprenant la thse et en donnant un
dernier argument qui rpond une objection possible de la socit
intrieure.

Tout dabord, Norbert Elias expose sa thse ds la premire phrase,


sans doute pour la mettre en valeur et la poser clairement.
Lindividu humain dont parle lauteur est un tre humain diffrent
dun autre et bien distinct des autres. Mais selon Elias, un individu isol
des autres ne peut pas parvenir se construire, et il exprime cela par
lexpression lindividu nest pas un commencement . En effet, lindividu
humain est le produit de la relation entre son intriorit et son
environnement, cest--dire ses relations avec les autres. Lindividu a donc
besoin des autres pour se construire, comme les autres ont besoin de lui
pour se construire. De plus, un individu est galement le produit de la
relation entre deux autres individus qui sont eux-mmes produits dune
relation entre deux autres individus. De mme que lindividu nest pas un
commencement, ses relations avec les autres nont donc pas de
commencement non plus. On saperoit donc que lauteur exprime par
cette premire phrase son avis sur le commencement de la socit. Est-ce
que la socit est un but que lon peut atteindre grce aux individus ou
est-ce justement un moyen pour que les individus accdent leurs
individualits ? Ces deux thories sont respectivement caractristiques
des courants de lholisme, thorie de lAntiquit, et du libralisme qui se
dveloppe plutt partir du XVIme sicle.

Pour le holiste, le tout prcde la partie, cest--dire que le tout est


quelque chose de plus que la simple addition des parties qui le
composent. Lexemple le plus frquent est lexemple du corps humain
dans lequel chaque partie naccomplit sa nature que lorsquelle fait partie
du corps ; une main dont la nature est la prhension, ne peut plus tre
qualifie de main si elle est dtache du corps ou si le corps est
dtruit, sinon par homonymie puisquelle naccomplit plus sa fonction. Ici,
le tout serait la socit et la partie, lindividu. Selon lholisme donc, la
socit est bien plus que la simple addition des individus qui la
composent, il y a dabord la socit et ensuite lintrieur de cette
communaut, des individus qui se rencontrent. On part de la socit pour
expliquer les individus. La thorie du libralisme, en revanche est
diamtralement oppose celle du holisme. En effet, pour le libral, la
socit et ses institutions sont des moyens pour que les individus
accdent leur individualit. Le tout sert donc la partie, lindividu est
une fin.
Le positionnement de lauteur sur la question de commencement de
la socit se situe donc entre ces deux grandes thories puisque selon
Elias, lindividu a besoin des autres pour se construire et donc pour
accder son individualit mais pour lui, la socit nest pas quune
simple addition des individus qui composent cette socit. En effet, le
commencement de la socit et de lindividu sont les relations qui nont,
elles non plus, pas de commencement. La socit est donc une sorte de
rseau qui ne commence nulle part.
Pour expliciter cette thse et tenter de convaincre le lecteur, Elias
donne ensuite plusieurs exemples tirs de la vie quotidienne.
Ainsi, lauteur appuie sa thse avec un premier exemple, celui de la
conversation. Par lexpression les questions de lun entranent les
rponses de lautre , Elias exprime lide que la conversation ne
commence nulle part, que lun rpond lautre parce que celui-ci lui a
pos une question, question qui a t amene par la rponse du premier,
et ainsi de suite. Il ny a donc jamais de commencement, puisque les
questions entranent les rponses et les rponses entranent les questions.
Cette ide de boucle est exprime par la typographie particulire de
lexpression vice versa . On peut ainsi dire que ces questions et ces
rponses ne sont pas dues un interlocuteur ou lautre de manire
spare, mais sont bien un rsultat de la relation entre ces deux individus,
et ces lments ne pourront avoir de sens seulement sils sont placs dans
le contexte de la relation entre les deux interlocuteurs. Le commencement
de la conversation, cest donc la relation.
Le second exemple introduit dans le texte est lexemple du
nourrisson. Un nourrisson agit et se comporte de telle ou telle manire
mais ces actions ne sont pas seulement dues lintriorit de ce
nourrisson. En effet, le contexte social et familial dans lequel il est lev
influence sa manire de se comporter. Par exemple, si lon pouvait

imaginer deux nourrissons strictement identiques mais issus de parents


appartenant des milieux compltement diffrents, ces deux nourrissons
nagiraient pas de la mme manire. Mais le comportement dun
nourrisson nest pas seulement li son environnement. En effet, deux
jumeaux qui en thorie reoivent la mme ducation et qui vivent donc
dans le mme environnement peuvent avoir des comportements
diffrents. Cest donc que les gestes et le comportement dun nourrisson
est le produit de la relation entre son intriorit et son environnement.
Mais lintriorit du nourrisson nexistait pas sparment de
lenvironnement avant la relation entre les deux. Ces deux termes
naccomplissent leur nature quau sein de la relation. Il ny a donc pas de
commencement la relation.
Enfin, Elias compare la socit un filet afin dillustrer sa thse dans
une phrase conclusive de la phase dexemples. Par lexpression chaque
geste du mouvement est fonction et rpercussion de relations on peut
comprendre que les relations sont la base, lorigine de tout mouvement,
quil ne peut pas y avoir de mouvement sans relation. Cette ide est
reprsente par cette image du filet. Chaque fil a des relations avec
dautres fils, ce qui forme des nuds, et tous les fils ont ainsi des
relations. Ces relations forment donc le filet et chaque fil ne peut
sexpliquer qu lintrieur de ce filet, un fil pris isolment du filet na plus
aucun sens. Les individus ne peuvent donc sexpliquer que sils sont en
relation avec dautres dans une communaut.
De ces exemples, lauteur tire ensuite des leons pour montrer que
lindividu est un rsultat et non un commencement, un produit de la
relation.
En effet, Elias tire de ces exemples des arguments soutenant sa
thse. Il montre tout dabord que lindividu est un produit de la relation
grce au langage. Le mot langage reprsente un systme de signes et
de codes qui permet la communication entre plusieurs individus, ici
humains. Ce langage nat donc chez lindividu par le biais de ses relations
avec les autres et plus prcisment lors de ses conversations avec ces
derniers. Chaque individu a sa propre manire de sexprimer, et influence
celle des autres. Un individu se construit donc sa propre faon de parler
partir de ses relations avec les autres.
Cela est galement valable pour les opinions et autres penses
vhicules par ce langage. En effet, toutes les personnes auquel un sujet
en construction parle influencent la fois ses opinions, son caractre et
toute sa personnalit. Cette influence se fait par le contenu des changes
mais peut galement se faire par la manire dexprimer ses penses. Une
personne qui parlera agressivement engendrera par exemple une raction
hostile chez linterlocuteur mais pas forcment cause du contenu de ses
paroles. Le moi dun individu est donc le produit de ses changes avec les
autres.

Ce moi, qui est ce que lon a de plus personnel, est le produit des
relations que lon a. On peut penser que par la phrase ce moi [...] se
forme-t-il dans un rseau permanent de besoins, une perptuelle
alternance de dsir et de satisfaction, de prendre et de donner Elias
chercher nous montrer que les relations crent des besoins que lon veut
rsoudre, on dsire par exemple comprendre, ou possder plus de
connaissances. Une fois ces besoins satisfaits, on prouve alors de la
satisfaction mais dautres se crent de par les relations, comme des
questions naissent des rponses lors dune conversation et on est en
nouvelle fois dans une phase de dsir, de qute. La solution pour satisfaire
ces besoins est donc dchanger, de prendre ce dont on a besoin et de
donner ce dont lautre a besoin.
Ces leons permettent ensuite lauteur de conclure de manire
concise en apportant une rponse claire au problme.
Ainsi, dans une dernire partie Elias apporte une rponse au
problme en reprenant sa thse. Selon lui, lindividu se construit donc
partir de ses relations et galement de lhistoire de ces relations, lordre
dans lequel le sujet les a vcues. Ces relations nont galement pas de
commencement puisque les individus naccomplissent leur nature
seulement au sein dune relation. Lindividu se forme donc dans un rseau
qui na pas de commencement.
Elias donne galement dans sa conclusion un dernier argument qui
rpond une objection possible de la socit sur la question de
lintriorit. En effet, lintriorit, ce que chacun crot apprhender en luimme, est galement une consquence des relations avec les autres. Une
relation modifie les termes qui la composent et donc la relation entre
intriorit et environnement na pas que pour rpercussion le geste du
mouvement mais a galement une rpercussion sur lintriorit de
lindividu. Elias reprend limage du filet pour illustrer cette ide. Un
individu est donc un nud, ou un fil qui a cr des relations avec les
autres et vit dans ce rseau de relations. Ce nest que grce ce rseau
que lindividu peut vivre et peut arriver se construire lui-mme.

Pour conclure, Norbert Elias exprime son point de vue sur la question
de lindividu et de la socit. Ce texte nous amenait nous demander quel
rle pouvait tre amene jouer la socit dans la construction de
lindividu. Pour Elias, lindividu est le produit de la relation avec les autres,
et ces relations nont pas de commencement. Lindividu se forme donc
dans un rseau de relations qui ne commence nulle part, et il naccde
son individualit quen tant que membre de ce rseau.
Lauteur se positionne galement sur la question du commencement
de la socit. Pour lui, la socit est la fois un but atteindre et mais
nest pas la simple addition des individus qui la composent. Les individus
qui vivent dans ce lien social ont ainsi besoin de ces relations pour pouvoir

se construire et accder leur individualit. Les relations sont donc


lorigine de la socit, et puisque celles-ci nont pas de commencement, la
socit est un rseau qui ne commence nulle part, tel un filet. Elias
exprime aussi brivement son avis sur la question de lintriorit qui selon
lui, est galement une rpercussion des relations qua lindividu avec les
autres.

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