Les Moines D'occident - Tome 7
Les Moines D'occident - Tome 7
Les Moines D'occident - Tome 7
LES
MOINES D'OCCIDENT
LES MOINES
D'OCCIDENT
DEPUIS SAINT BENOIT JUSQU'A SAINT BERNARD
PAR
LE COMTE DE MONTALEMBERT
LYON
RUE BELLECOUE, 2
1877
CHAPITRE VII
Saint Grgoire VII d'aprs sa correspondance,
sa saintet et sa victoire.
De grandes qualits s'alliaient de grands vices chez Henri IV.
Jeune, ardent, passionn, il ne cessait de se montrer perfide.
Grgoire VII ne jalousait pas le pouvoir des vques. Douleur
du pape, tmoin de la pusillanimit des vques franais et de la
vie scandaleuse de leur roi. L'affection paternelle de saint Grgoire s'tendait sur les royaumes, les glises et les individus.
Le premier, Grgoire forma le plan d'une croisade en terre sainte.
Nature des relations de Grgoire VII avec les princes et les peuples. Lettres de Grgoire au roi d'Allemagne, au duc de Pologne, aux rois de Danemark, de Hongrie et de Norwge. Ce qui
frappe particulirement dans les lettres de Grgoire VII, c'est sa
passion pour la justice et la crainte de compromettre le salut de son
me. La tendresse du coeur de Grgoire clate partout dans ses
panchements avec les deux princessesBatrice et Mathilde. Confidences de Grgoire l'abb Hugues de Cluny. Tendre dvotion
envers la sainte Vierge. Grgoire domine jusqu'aux penchants
les plus innocents de la chair chez lui. Il lgu ses succes-
Si l'tude consciencieuse des faits pouvait encore laisser quelques doutes sur le mrite respectif
des deux causes qui taient en lutte au onzime
sicle, il devrait suffire, pour les dissiper, de comMOINES D'OCC.
VII.
l'glise.
Il serait injuste, nanmoins, de contester a
Henri IV plusieurs des qualits qui font les grands
rois : il tait dou d'une merveilleuse activit,
d'une persvrance, d'une intrpidit dignes de
la meilleure des causes, d'une prudence et d'une
sagacit rares 1. Mais ces qualits s'alliaient chez lui
tous les vices et tous les excs qui caractrisent
les tyrans. On sait quels actes de cruaut et de
monstrueuse dbauche reprochaient Henri les
catholiques d'Allemagne. Au dire des Saxons, on
avait pris les armes contre lui, moins pour venger
de graves injures et pour chapper au joug d'un
lourd despotisme, que pour chtier les incestes et
les sacrilges dont le prince s'tait souill 2, et qui
lui faisaient assigner la premire place parmi les
plus cruels tyrans. La chrtient voyait en effet avec
horreur renatre, sous le rgne d'un prince soumis
l'Evangile, les infamies attribues aux dieux de
la mythologie et aux monstres perscuteurs de
l'glise 3. Les excs imputs Henri taient-ils
1. Homo magni consilii et mirabiliter sagax. Bonizo, p. 816.
2. Hos... quorum terram, quod omnium quae passi sumus gravissimum ducimus, inauditis adinvenlionibus nec christiano ore nominandis incestaret. LAMBERT, ann.1075, ap. PERTZ, V, 198. Cf. eumdem
p. 201-203.
3. Si mihi recolas Jovem adulterum, Neronem spurcum..., Maximiminum, etc.. ego adhuc istis illi palmam dederim, qui aut aequalis
MOINE ET PAPE.
Jeune, aident,
passionn,
il ne cessait
de se montrer
perfide.
MOINE ET PAPE.
traire, rien qui sentt la ruse, nulle trace de politique raffine et tortueuse : la franchise, la droiture, une persvrance inbranlable taient les seules armes du pontife 1 : depuis le premier jour de
son avnementjusqu'au dernier, nul changement ne
peut tre remarqu dans sa conduite ni dans son
attitude. C'est toujours la simplicit de la foi, luttant victorieusement contre toutes les entreprises du
monde, contre tous les artifices de l'erreur. coutons ce sujet le tmoignage non suspect d'un des
adversaires les plus dclars du pape, d'un fauteur
acharn du schisme, de Thierry, vque de Verdun,
lequel crivait au pape en ces termes : Voici ce
le rus Henri rsolut de tirer tout le profit possible de ce qui s'tait
pass et de jouer le pape avant de rompre avec lui...
Le voile de ses anciens prjugs lui tomba des yeux ; il vit clair :
ses liens se brisrent ; libre, sans frein, sans crainte de fresque tout
ce que son poque considrait comme saint, IL MARCHA DSORMAIS EN
HOMME travers la vie. Il commena la lutte avec courage et dcision,
avec des ressources d'esprit et des ruses inpuisables. (T. I, p. 414416, d. de 1827.) On voit ce que devient la moralit de l'histoire entre
les mains du rationalisme scientifique chez de pareils hommes. Stentzel range sans doute parmi les ruses de ce prince courageux et affranchi les nombreuses dmonstrations de soumission et de dvouement faites par lui auprs du pape, de 1077 1080. L'excuse donne
par l'historien (page 446, 452, etc.), c'est que l'Empereur n'tait pas
encore prt.
1. Stentzel est lui-mme oblig de l'avouer (t. I, p. .362), quoique,
plus tard (t. II, p. 148-153), il ait accus Grgoire de duplicit. Nous
insistons sur les contradictions de l'historien, parce que nous reconnaissons en lui l'un des crivains remarquables de l'Allemagne
moderne, encore bien qu' la diffrence de Voigt et de Bowden, il
ait employ une grande science et une remarquable mthode faire
prvaloir les vues les plus profanes et les plus troites.
vous-mme
de
ou par
par
vous
savons
que nous
l'attestation de gens dignes de toute croyance :
signal, ds l'enfance, par des prsages certains
d'une future illustration, enrl, ds l'adolesles
parmi
chrtienne,
la
milice
dans
concence,
tempteurs du monde, laborieusement dvou au
la prire 1.
MOINE ET PAPE.
MOINE ET PAPE.
10
Saint Grgoire
ne jalousait pas
le pouvoir
des
autres vques.
d'une
angoisses
les
lui
faisait
peser sur
que jour,
l'investissait
enfin,
qui,
responsabilit
1;
immense
des
efforts
les
devant
laquelle
autorit
tous
d'une
rois et des empereurs, toutes les forces humaines
semblaient n'avoir pas plus de poids que la poussire ou la paille qu'emporte le vent 2. A cette autorit, du reste, l'piscopat, dont la puissance et la
dignit lui semblaient suprieures la majest
royale 3, devait prendre une large part, car, Grgoire nous le rptons, n'tait point un adver,
saire jaloux du pouvoir piscopal; il s'est plaint
nombre
de
crimes
nergie
des
doute
avec
sans
d'vques de son temps ; il reconnaissait que tous
les maux de la chrtient provenaient de la prvarication de ces vques parmi lesquels il se rangeait lui-mme 4 ; il se flicitait de ce que des laques,
mini et Salvatoris nostri J. C. per evangelicam et apostolicam doctrinam venire praeordinavit : quibus hanc curam et perpetuam debet
sollicitudinem, ut sicut ad conservandam catholicae fidei veritatem,
ita quoque ad cognoscendam et tenendam justitiam documenta et salutifera administret monita. Ad cujus dispensationis officium... creditum nobis ministerium valde pertimescimus, scientes quoniam et
his qui prope et his qui longe sunt debitores sumus, nec apud supernum Judicem excusationis locum habere poterimus, si nostra taciturnitate eorum aut salus negligitur aut culpa fovetur. Ep. IV, 28,
al Hispanos.
1. Potestas, qua quotidie angustamur apostolicae sedis. Epist. IV, 1
2. Hoc in animo gerens, quod regum et imperatomm virtus, et universa mortalium conamina, contra apostolica jura et omnipotentiam
summi Dei quasi favilla computentur et palea. Ep. III, 8, ad Thedald
cleric. mediol.
5. Ep. II, 5, et IV, 2.
4. Nos... praelati.., Ep. II, 45.
MOINE ET PAPE.
11
12
dcrets ;
de
excution
la
stricte
nos
tre
temps
des chevaquand
ceci
mais
rpondez
hardiment
:
la guerre,
tenir
prts
avertis
de
liers
ont
t
se
les
s'ils
apprennent
doivent-ils
faire,
que
que.
palais de
le
dans
feu
le
fer
ennemis
le
portent
et
leurs
immdiatement
leur
saisir
roi?
Doivent-ils
l'assaillant,
craser
chasser
et
pour
armes pour
considrer
tranquillement
bien
ce
rester
ou
"
que tentera l'ennemi ? Or, que fait l'esprit du
l'glise
du
si
mal,
de
dvaster
n'est
cesse
sans
ce
doivent faire
Christ par le feu des vices, et que
c'est--dire
les chevaliers du grand roi cleste,
combat,
les prtres sacrs, sinon de s'lancer au
glaive de
arms du bouclier de la charit et du
la parole divine?... Ah! combien ne devons nous pas rougir! Des chevaliers sculiers entrent
tous les jours en lice pour leur prince temporel,
tous les jours ils bravent le pril pour lui ; et
nous, qu'on appelle les prtres du Seigneur,
" nous ne combattrions pas pour notre roi, pour
ce roi qui a tout fait de rien, qui n'a pas craint
facere, nisi... clypeo carilatis munitos gladio divini verbi accinctos
auctoritatis vigore consurgere; multum namque debet nobis videre
pudendum quod quilibet sseculi milites... Et nos qui sacerdotes
Domini dicimur, non pro illo nostro rege pugnemus qui omnia fecit
ex nihilo! Epist. III, 4. Voir aussi, Append., n. 15, la belle lettre
dont parle Hugues de Flavigny. p. 250.
MOINE ET PAPE.
15
pouvait
contenir
gneur
sa
ne
la pusillanimit
la sainte nergie de ses reproches. Avec quelle in- vquesdesfranais
et de la
dignation ne s'levait-il pas contre la faiblesse des vie scandaleuse
de leur roi.
de
France,
scandales
face
des
des
vques
et
en
crimes de leur roi Philippe 1er !
C'est vous, mes frres, crivait le pontife, qui
tes les coupables, vous qui, pour n'avoir pas
su rsister avec la vigueur sacerdotale ncessaire
les
aux sclratesses du prince, tes devenus
Nous le
complices patents de ses iniquits!
il le faut :
disons regret et en gmissant, mais
la
receviez
craignons
beaucoup
vous
ne
que
nous
plus
qui
chiens
des
savent
silence,
ne
comme
incomdroit
contraire
chose
et
souverain
est
au
lui
fidlit
de
patible
le
serment
vous
que
avec
grande
dans
tes
sachez
prt,
une
vous
que
avez
facilement vous prou erreur ; car nous pouvons
du
homme
sauv
qui
celui
nauun
a
ver que
1. Epist. m, 4.
14
rellement
lui
tre
doit
malgr
lui,
mme
frage,
Quant
prir.
laisse
le
celui
qui
fidle
plus
que
n'en
roi,
inspire
parcrainte
votre
la
que vous
dfendre
" Ions
coalisiez
si
pour
pas, car vous vous
force, que
telle
justice,
acquerriez
la
une
vous
dtourner
danger,
pourriez,
aucun
sans
vous
habitudes coupables, et, en
votre prince de ses
de
mes
affranchir
mme
temps,
propres
vos
admettant
responsabilit.
Mais,
toute
que vous
en
MOINE ET PAPE.
15
16
rassembl et arm
ait
disait-il,
qui
raison,
seule
n'avons pas
la
voici
c'est
prtres,
des
nous
que
:
" qui ne rougissent pas de rduire en servitude l'" pouse de Dieu. Dans tous les pays du monde, il
" est permis la dernire des pauvresses de choisir
" un poux lgitime, selon sa volont et d'aprs la
" loi du pays ; mais, conformment au voeu des
" impies, et sous l'empire de coutumes dtestables,
" on interdit la sainte glise, pouse de Dieu
" et notre mre, de rester lgalement fidle son
" poux, en suivant sa propre volont et en se con" formant la loi divine. Or, devons-nous per" mettre que les fils de cette sainte glise soient
" condamns, comme s'ils taient issus d'un infme
" adultre, n'avoir pour pres que des hrtiques
" et des usurpateurs? Telle est la source de tous
" les maux, de tous les prils, de tous les crimes
" dont vous tes tmoins et dont vous gmissez...
" II est, dans le monde, des milliers d'hommes qui
" courent tous les jours la mort pour obir
" leurs seigneurs ; mais pour le grand Dieu du ciel,
" pour Celui qui nous a rachets, ils reculent non" seulement devant la mort, mais mme devant
l'inimiti de certaines gens ! Et, s'il existe,
" comme, Dieu merci, on en rencontre, quoique
en
" petit nombre, des hommes qui rsistent
en face
MOINE ET PAPE.
17
18
MOINE ET PAPE,
19
20
VII, 11.
MOINE ET PAPE.
21
chrtient, il tendait au loin sa sollicitude; il recommandait, avec une noble confiance, les glises
de Carthage et d'Hippone, purifies par ses soins 1,
aux princes musulmans qui les a voisinaient 2; et,
devanant l'avenir par une inspiration digne la
fois de son gnie et de son grand coeur, il prchait
la croisade au monde chrtien 5 et s'offrait luimme pour chef de l'entreprise, qui devait embrasser non-seulement la dlivrance du saint
Spulcre, mais encore la dfense de l'glise de
le premier
Grgoire
conut l'ide
d'une croisade
en Orient.
22
MOINE ET PAPE.
.25
Les excs et la perfidie du souverain de. l'Allemagne mirent alors obstacle la ralisation de
cette grande pense ; mais le germe dpos dans
l'esprit des peuples chrtiens ne devait pas prir :
vingt ans aprs, le projet conu par Grgoire
s'accomplissait sous l'impulsion unanime de l'Europe, et le cri de guerre Dieu le veut! retenait,
pendant deux sicles, sous la bannire de la croix,
l'lite des hros de la chrtient.
C'est dans les lettres de saint Grgoire qu'il faut
surtout tudier la vritable nature de ses relations soit avec les princes, soit avec les peuples, et
le genre d'autorit qu'il s'attribuait sur eux. On y
voit que ce qu'il recherchait uniquement, en s'efforant de maintenir sa suprmatie, c'tait le crdit moral d'un ami, l'influence bienfaisante et
fconde d'un pre. Les enseignements qu'il donnait aux divers pouvoirs de la terre taient proclams sans dguisement et sans dtour. Aux
peuples 2 il tmoignait une grande affection, se
enim vellem pro his animam meam ponere, quam eos negligens, universo orbi ad libitum carnis imperare.... Jam ultra quinquaginta millia ad hoc se preparant
Armata manu contra inimicos
Dei insurgere, et usque ad sepulcrum Domini, ipso ducente, pervenire.
Illud etiam me ad hoc opus permaxime instigat, quod Constantinopolitana Ecclesia de Sancto Spiritu a nobis dissidens, concordiam
apostolicae sedis exspectat, Ep. II, 31.
2. Nous ne prtendons pas assurment que Grgoire s'adressait aux
peuples, dans le sens qu'on attache gnralement aujourd'hui ce
1.
Ma gis
Nature
des relations
de saint Grgoire
avec
les princes
et les peuples.
24
rjouissant de les voir conserver leur antique libert 1, et il leur promettait la cordiale sollicitude
de leur mre l'glise romaine 2. A la noblesse, alors
toute-puissante, il rappelait qu'elle devait conserver l'hrdit de la vertu, en mme temps que
celle d'une illustre ligne 5, ce Ami, crivait-il un
" certain comte, loi qui, par la permission de Dieu,
" commandes un grand nombre d'hommes, n'estmot, c'est--dire, aux basses classes exclusivement ou des hommes
indistinctement runis en une seule masse; mais il est certain
qu'il dsirait agir sur toutes les classes et tous les individus libres
et actifs d'une nation, investis d'une certaine fonction sociale, dans
la mesure du degr qu'ils occupaient dans la hirarchie sociale,
comme l'indique l'intitul de plusieurs de ses ptres, par exemple:
Omnibus episcopis, et viris nobilibus, cunctisque tam majoribus quam
minoribus in insula Corsica consistentibus.Ep. V, 4. Archiepiscopis,
ducibus, comitibus et universis Christifidelibus clericis et laicis, tam
majoribus quam minoribus, in Teutonico regno constitutis. Ep. IV, 28.
Clero et populo in Turonensi provincia constitutis. Ep. VII, 15.
Duci et genti Venetorum. Ep. IX, 8. Duci et populo Venetiae. Ep. IV,
27 et IX, 8. Et, comme nous l'avons dj remarqu, on voit combien
Grgoire avait russi gagner les coeurs d'une grande partie du bas
peuple en Allemagne, par le reproche que lui en adresse Henri, dans
l'ptre o il lui annonce sa dposition : Rectores S. Ecclesiae.... sub
pedibus tuis calcasti, in quorum conculcatione tibi favorem ab ore
vulgi comparasti. Cod. UDALR. BAB. ap. ECCARD. N 165.
2. Multum gavisi pro dilectione.... et libertate quam ab antiqua
stirpe Romanae nobilitatis acceptam conservastis. Ep. IV, 27, ad Venetos. Notum essecredimus.... quod jam ab ineunte aetate terram vestram et libertatem hujus gentis valde dileximus. Ep. II, 59. Duci et
populo Ventiae ; V. en outre Ep. IX, 8.
5. Romana Ecclesia mater sit omnium Christianorum; quae licet ex
consideratione officii sui omnium g.'ntium saluli debeat invigilare,
specialem tamen et quodammodo privatam vobis sollicitudinem oportet eam impendere. Ep. 1, 29, ad Ju lices Sarainiae.
4. Ep. VIII, 16. R. et N. Nobililus comitibus.
MOINE ET PAPE.
25
" il pas juste que tu consacres, en retour, au ser" vice du Seigneur, au moins un homme, c'est--
ce
26
Lettres
de Grgoire VII
au
glise1...
" l'aiderez
dfendre
son
restaurer et
arriver,
"
pourrions-nous
comment
autrement,
par,
Cra" tous tant
rendre
notre
que nous sommes,
" teur et Rdempteur l'honneur que nous exigeons
roi d'Allemagne,
au
duc de Pologne,
et aux rois
de Danemark,
Hongrie,
Norwge, etc.
"
"
"
"
"
"
"
"
"
"
"
"
MOINE ET
PAPE.
27
28
terripourrir
monde,
au
pensez
terre,
sous
pour
actions,
et
qui
port
jugement
ble
vos
sur
sera
"
armez-vous d'avance contre ces prils. Vos ar" mes, vos richesses, votre puissance, consacrezsculire,
uniquement
la
les
pompe
non pas
manire
de
ternel
administrez
gouvernez,
:
justice
de
sacrifice
de
droiture
faire
votre
un
au
Tout-Puissant;
agrable
de manire pou
seul donne le salut
voir compter sur Celui qui
rois, qui peut vous arracher la mort, et
aux
transformer les caduques grandeurs dont vous
de ne pas nuire aux glises, mais de les prser ver de la violence et de l'orgueil des envahisseurs 2.
nec
corruptionem, nec dignitas habet comparationem. Ep. IV. 28. regibus, comitibus, ceterisque principibus Hispaniae.
2. Ep. VI, 29.
MOINE ET PAPE.
29
.
Votre humilit et
" votre obissance vous ont mrit la possession de
" la vrit divine et de la justice... Mais, comme les
coeurs dvots aiment tre encourags, et que les
vertus ont toujours besoin d'tre exerces, nous
" exhortons Votre Altesse lever son me de la
" prissable dignit de ce monde vers celle qui est
ternelle; user de l'une comme d'une chose
" qui s'vanouit tout coup, rechercher avide" ment l'autre, qui donne la fois la plnitude et
l'ternit de la gloire... Pour mieux graver nos
paroles dans votre coeur, nous vous envoyons une
petite clef qui contient une relique des chanes
du bienheureux Pierre, dans l'espoir que Dieu,
" qui, par un miracle de sa toute-puissance, a
" bris les chanes de fer de son aptre, vous af franchisse, par ses mrites et son intercession,
" de la chane de vos pchs 1. Et ailleurs :
N'hsitez pas appeler aux premiers rangs de
glise
les trangers o les gens d'humble
votre
ce
1. Divina dignatio.... usque ad vestra reservavit tempora ut veritatem Dei et justitiam.... vestra mereretur suscipere sublimis humilitas et fidelis obedientia.... vobis claviculam auream in qua de catenis
Beati Petri benedictio continetur. Ep; VII, 6.
30
"
du
l'me
de
et
les
d'origine
vertus
que
race ou
" corps 1.
Au roi d'Angleterre, Guillaume le Conqurant,
j'emGrgoire parlait ainsi
fils,
Trs-cher
que
:
"
"
"
"
"
"
"
"
"
"
"
"
"
"
"
"
"
obissance
justice
puisses,
ton
et
ta
tu
par
que
l'glise, servir de rgle et de modle tous les
souverains de l'avenir. Que si, clairs par ton
exemple, ils ne veulent point se sauver, ta gloire et
ta rcompense n'en seront pas amoindries, et, dans
ce monde mme, le ciel t'accordera, toi et ta
ligne, la victoire, l'honneur et la puissance. Si
tu avais lev quelque misrable serf la majest royale, tu voudrais, n'est-ce pas, qu'il t'honort; or, toi que Dieu a pris comme un misrable serf du pch (car nous naissons tous
ainsi) pour faire de toi, gratuitement, un roi trspuissant, songe et travaille toujours glorifier
le tout-puissant Jsus, qui lu dois tout ce que
tu es, et que la tourbe des mauvais princes ne
t'arrte pas. Le mal a toujours la multitude
pour lui; le bien n'a qu'une lite. Dans une bataille, plus le nombre des fuyards est grand, plus
belle est la gloire du preux chevalier qui r-
1. Cum Romana respublica, ut paganorum tempore, sic et sub Christianitatis titulis inde maxime, deo favente, excreverit, quod non tam
generis aut patriae nobilitatem, quam animi et corporis virtutes
perpendendas adjudicavit. Ep. IX, 2.
MOINE ET PAPE.
51
52
"
"
"
"
"
"
"
"
"
"
"
"
"
exalreine
la
ciel,
du
souveraine
la
ceci,
que
coeur
te au-dessus de tous les choeurs des anges, l'honla source
les
femmes,
gloire
de
la
toutes
et
neur
du salut et de la noblesse de tous les lus, n'a
point ddaign, sur la terre, de vivre dans la
pauvret et dans la sainte humilit. Dieu ne reconnatra pour reine que la femme qui aura
gouvern sa vie par la crainte et l'amour de
Jsus ; c'est pourquoi tant de saintes femmes,
qui n'ont t que des pauvresses ici-bas, sont
glorifies dans le ciel et sur la terre, tandis que
tant de reines, et mme d'impratrices, sont
dshonores devant Dieu et devant les hommes.
Nous vous supplions donc et nous vous enjoignons, de vous efforcer d'attirer vers Dieu l'me
de notre cher fils, votre seigneur et votre roi, de
servir l'glise selon vos forces, de dfendre les
pauvres et les victimes de l'oppression et de l'in-
"
" justice 1.
MOINE ET PAPE.
55
VII
54
Ce qui frappe
surtout
dans les lettres
de Grgoire VII,
c'est sa passion
pour la justice,
et la crainte
de compromettre
son salut.
" Batrice et Mathilde, que la justice soit votre sa" crifice, et alors vous pourrez esprer dans le
misrables et
des
dfense
la
Seigneur2.
Je
mets
la
l'Aptre,
je
prfre,
avec
vres,
que
MOINE ET PAPE.
55
56
" faire
la
me
et
danger
pour
pour mon
sans
" sienne.
On remarque que celle rserve ne diffre en
La tendresse
de Grgoire VII
clate surtout
dans ses
panchements
avec
tes princesses
Batrice
et Mathilde.
affection.
MOINE ET PAPE.
57
" nous vous donnons ainsi la marque la plus cer" laine de la force de l'affection qui nous attache
" vous 2. Adieu, amies bien-aimes dans le
" Christ, sachez que nous vous tenons, au fond de
38
" sollicitudes
sans fin, condamn souffrir, cha"
heure du jour, comme une mre en travail,
Confidences
de Grgoire VII
l'abb
Hugues de Cluny.
que
"
l'glise de son naufrage 1.
pouvoir
sauver
sans
A Hugues de Cluny il adressait ces paroles :
" Que de fois n'ai-je pas demand Jsus ou de
" m'enlever de cette vie, ou de me rendre utile
! et, cependant, il ne m'a
mre
notre
commune
MOINE ET PAPE.
59
" mands au mileu desquels je vis, sont, en quel" que sorte, pires que les juifs et les paens, comme
je le leur dis souvent... Entre une douleur cha" que jour renouvele et une esprance, hlas!
" trop souvent due, battu de mille temptes, je
" ne vis plus que comme un moribond. J'attends
" Celui qui m'a enchan de ses liens, qui m'a ra" men, malgr moi, dans cette Rome o je suis
" depuis vingt ans contre mon gr; je lui crie sou" vent : Hte-toi, ne tarde pas de venir! Affran chis-moi pour l'amour de la bienheureuse Marie
" et de saint Pierre !... Si tu avais impos un poids
" pareil Mose ou Pierre, je crois qu'il les au rait accabls. Que sera-ce donc de moi qui ne
suis rien auprs d'eux ? Il faut donc, Jsus,
" ou que tu rgisses toi-mme le pontificat avec
" ton Pierre, ou que tu consentes voir succomber
" ton serviteur et le pontificat cras avec lui 2.
Heureusement le grand pape connaissait un re-
"
40
MOINE ET PAPE.
41
"
qu'il et, pour la seconde fois, une sentence fulminer contre le souverain de l'Allemagne, soit qu'il
sentt le besoin d'pancher son coeur dans le secret;
d'une correspondance, avec quelle tendre confiance
il invoquait le secours de la Reine des cieux 2
Comme il la priait ardemment de veiller au salut
de Mathilde, elle qu'il considrait comme la plus
haute, la plus sainte, la meilleure des protectrices,
!
et nunquam committere omittam.... quanto altior et melior ac sanctior est omni matre, tanto clementior et dulcior circa conversos peccatores et peccatrices.... Invenies illam promptiorem carnali maire,
et mitiorem in dilectione tui... Ep. I, 47, Mathilde.
Tendre dvotion
de Grgoire
envers
la sainte Vierge.
42
MOINE ET PAPE.
45
que dextro Gregorii insidentem alis extensis caput ejus velare, completo canone... calici rostrum, ut sibi visum est, immisit. PAUL BERNRIED, I, c. Vir quidam,Jobannes nomine livei coloris columbam, cujus
guttur videbatur esse aureum... PETR. DIAC. , 1. c.
2, Vade, quantocius auribus Papae hoc ipsum intimato, ut constanter vigore S. Spiritus coeptum opus peragat. PETR. DIAC. 1. c.
5. In ipsis saecularibus negotiis saepius excessit mente, exhilarato
spiritu suo coelesti contemplatione : qui si privatus interdum existeret, revelationibus etiam divinis jucundatus est et confortatus. Vit.
S. Anselm. Lucens., c. 5, in ACT. SS. O. B., t. IX, p. 475.
.
44
Grgoire
domptait en lui
jusqu'aux
penchants les
plus innocents
de la chair.
MOINE ET
PAPE.
45
46
Le triomphe
du pape
Grgoire VII
fut la victoire
de l'humilit
sur l'orgueil,
et de l'me
soumise Dieu,
sur la chair
rvolte.
MOINE ET PAPE.
47
48
MOINE ET PAPE.
49
50
des
consentement
le
pontificat,
partir
de
son
Grgoire a lgu
offert,
ni
mme
demand
plus
ni
fut
ses successeurs empereurs ne
une autorit
ils
o
ont
trne
il
lgu
successeurs
un
laquelle
ses
a
contre
aucune puissance
tous pu monter sans qu'aucun pouvoir humain
humaine
n'a pu prvaloir.
vnt nerver et discrditer leur autorit, en prtendant la comprimer. Il leur a lgu plus encore : le
plus magnifique exemple de celte force mystrieuse
et immortelle, toujours ignore des perscuteurs,
parce qu'elle est voile sous la sainte faiblesse de
l'glise, mais qui leur survit tous, qu'ils ne provoquent jamais impunment et qui clate toujours
au moment le plus imprvu, pour confondre leurs
ruses et lasser leurs violences. Dans tout cela,
Grgoire VII a triomph, et son triomphe s'est prolong jusqu' nous. Le seul point o son oeuvre n'ait
pas dur, bien que continue avec autant de courage que de constance par ses successeurs pendant
trois sicles ; le seul point o l'avenir ne lui ait
point donn compltement raison, 'a t dans l'tablissement du pouvoir d'arbitrage suprme entre
les couronnes et les peuples, pouvoir que les plus
A
MOINE ET PAPE.
51
52
LIVRE XX
LES PREDECESSEURS DE CALIXTE II
Ommis pontitex ex hominibus assumptus,
pro hominibus constituitur in iis quae sunt
ad Deum, ut offerat dona et sacrificia pro
peccatis : qui condolere possit iis qui
ignorant et errant, quoniam et ipse circumdatus est infirmitate.
HAEBR.
V, 1,
2.
CHAPITRE PREMIER
Victor III, Urbain II, Pascal II et Glase II 1.
Robert Guiscard et Anselme de Lucques suivent de prs Grgoire VII
dans la tombe. L'abb Didier, du Mont-Cassin, est nomm pape
sous le nom de Victor III. Hrosme de la comtesse Mathilde.
Les princes normands de la Sicile restent fidles au saint-sige.
Des moines franais concourent la restauration catholique
de l'Espagne Henri IV est battu Bleichsseld le 10 aot 1086.
Mort de Burkhard, vque de Halberstadt.
Henri IV rejette
les offres de paix des princes catholiques. Belle lettre du comte
de Thuringe l'archevque de Magdebourg. Le moine Manegald
rconcilie l'Alsace avec le saint-sige. Mariage regrettable de la
comtesse Mathilde avec le duc We f. Urbain II restaure les
glises de la Sicile et rige en mtropole celle de Pise. Saint
Bruno fonde l'ordre des Chartreux. Sa mort. Les villes lombardes s'arment contre Henri IV. Grande dtresse du pape, qui
est secouru par Geofroy l'Angevin. Confession publique de
l'impratrice Adlade au concile de Plaisance.
56
2.
57
LEO OSTIENS.,l.
III, c. 64.
58
de la Grande Comtesse, avait t, aprs Hildebrand, le principal appui des orthodoxes en Italie ;
sa bndiction entranait les soldats de Mathilde
la victoire2; sa saintet: les retenait dans le
devoir, en domptant dans leurs coeurs les passions sculires5 ; son zle pour la rgularit
ecclsiastique le poussait professer qu'il vaudrait mieux, pour l'glise, n'avoir ni clercs ni
moines, que d'en avoir d'irrguliers4. L'exemple et
l'affection de Grgoire avaient seuls pu consoler
Anselme d'avoir abandonn sa retraite monastique
pour affronter les orages du monde 3. Priv d'un
tel guide et d'un tel ami, Anselme sentit les sources
1. Ille moriens mitram capitis sui transmisit isti, quasi potestatem
suam ligandi et solvendi, sed et miraculi, credo faciendi. ACT. SS. O.
B. IX,
59
impriale5.
Les voeux des fidles se runirent unanimement
1. Ille fons erat : hic quasi rivus bonus ab illo fluebat et aridam
irrigabat. Ille ut caput.... iste, quasi manus studiosa.... iste sicut
sol.... Vita, c. 26.
2. Post omnia, dilexi justitiam, etc. Ibid.. c. 52.
5. BONIZO, vque de Sutri, ne voulut pas laisser son corps l'abbaye de Padolirone, o il avait choisi sa spulture, parce qu'elle dpendait de Cluny, o il avait t moine.
4. De cujus vere tristantur morte fideles, schismatici gaudentDOMNIZO.
30
antcdents
les
offrait,
qui
la
de
Didier,
tte
par
sur
de sa vie, toutes les garanties dsirables. Issu du
Bnvent
1,
de
lombards
anciens
princes
des
sang
proche parent de ceux de Salerne, il avait, de bonne
heure, triomph de toutes les sductions du monde.
Un jour, vingt ans, renonant au brillant mariage que ses parents lui avaient prpar, comme
l'unique rejeton de leur race, il avait laiss ses
serviteurs, ses chevaux, son pe, au portail d'une
glise, et, se sauvant par une issue drobe, il tait
all se cacher dans un ermitage2. Arrach cette
retraite, il avait rsist aux larmes de sa mre,
aux violences de sa famille, et le prince de Salerne
l'avait conduit, entour de tous ses proches et de la
ville entire, mue d'un tel sacrifice, jusqu'au
monastre de Sainte-Sophie, o il voulait s'ensevelir 5. Transfr plus tard au Mont-Cassin, Didier
y avait succd, comme abb, au pape Etienne IX,
et, pendant vingt-huit ans, il avait gouvern cette
premire abbaye du monde avec une sagesse incomparable.
Les vastes travaux du saint moine,
pour la restauration et l'embellissement du clbre monastre,
nobilissima Beneventanorum principum origine sanguinis lineam ducens. LEO OST., Chron. Cass., III, 1.
2. Quadam die.... quasi spatiandi gratia civitatem egressi....
equos
et gladium, quo tunc erat accinctus, famulis
pro foribus voluti servanda relinquunt.... puer tam nobilis, tam delicatus,
tam dives, et
praeipue parentibus singularis. Ibid., c. 2.
3. Ibid., c. 5.
1. Ex
61
Le
1. Nous en avons parl au livre prcdent : on peut en voir le dtail donn par Lon d'Ostie et Pierre Diacre, au livre III de la
Chron. Cassin.
2. Se non modo pro abbatia, sed nec pro honore totius mundi id
minime esse facturum.... Cum Romani imperii coronam eum habere
vidisset, tunc si sibi videretur, abbatiam ab ipso reciperet, si vero nollet, dimitteret. Chr. Cass., III,
50.
II.
lui objectait un prtendu diplme de Nicolas II,
serait
qu'aucun
ne
stipul
il
lequel
tait
pape
par
lu sans le consentement imprial, il rpondit que
62
esclave, et
vendre
de
la
une
comme
personne
Nicolas et acle
possible
s'il
tait
pape
que
que,
commis
aurait
il
parlait,
compli
l'acte
dont
on
qu'il
tait
"
folie;
de
trait
et
injustice
et
un
une
" aussi impossible d'admettre que la dignit de
folie
l'glise
la
d'un
compromise
t
et
par
63
!
64
L'abb Didier
du Mont-Cassin,
nomm pape
sous le nom
de Victor III.
65
66
demi-sicle,
mirent
femmes
illustres
deux
ces
leur
l'glise
non-seulement
puisservice
de
au
nergie
mais
soldats,
leurs
une
encore
et
sance
profonde.
humilit
virile,
tempre
toute
par une
Batrice, qui avait demand qu'on inscrivt sur sa
tombe, avant tous ses litres celui de pcheresse1,
,
tait digne d'tre la mre de Mathilde dont les
actes publics commenaient ainsi : Moi, Ma" thilde,
quelque
suis
si
je
Dieu
de
la
grce
par
" chose, etc. 2. Belle, instruite, savante mme,
pour son temps, surtout dans les langues 5, plus
pieuse mme que les prtres ou les vques 4, la
comtesse commandait le respect et l'admiration
de son sicle. Presque tout le nord de l'Italie re1.
quid est.
3.
4.
67
5.
Hrosme
de
la comtesse
Mathilde.
68
Inventa est sola atque unica dux et marchionissa Mathilda in fidepermanens.... papae Gregorio obediens, totam se suae tradidit disposition!.... cui in remissionem datur ut, sicut altera Debora, populum
judicet, militiam peragat. Vit. S. Anselm., ACT. SS. O. B., IX, 474-75.
Sola enim tunc temporis inventa est inter foeminas, quae regis potentiam aspernata sit, quae calliditatibus ejus et potentiae etiam bellico
certamine obviaverit. HUG. FLAVINIAC, ap. Pagi., 1199.
2. Gregorium papam, cui servit ut altera Martha. DOMN. 1. c.
5. Haec est mulier illa de qua ab obtrectatoribus fidei et conculcatoribus veritatis crimen incestus Sancto Pontifici objiciebatur. Cui si
deessent meritorum laudes, hoc satis eam commendabilem redderet.
quod cum tali viro dum exprobratur, dum convicia suscipit, dum improperia audit, approbatur, honoratur, laudatur. HUG. FLAVIN., l. c.
II.
69
de ses Etats et de sa personne, avait constitu l'Eglise romaine son hritire universelle 1.
Grce l'arme de la princesse 2, les partisans du
pape lgitime purent arracher aux schismatiques
toute la partie de Rome droite du Tibre, y compris le chteau Saint-Ange, l'glise de Saint-Pierre,
et, de plus, l'le du Tibre, situe au milieu de la
cit. C'est l que Victor tablit sa rsidence et reut
les hommages de presque toute la noblesse romaine 3.
Mais une nouvelle rvolte clata, la veille mme de la
solennit de saint Pierre, au sein de la nombreuse
population qui restait attache la cause impriale
et l'antipape Guibert. Elle empcha Victor de
clbrer la fte du saint aptre et le fora
regagner le Mont-Cassin, dont il voulut garder la
crosse jusqu' sa mort. Cette sainte maison, aprs
avoir t le berceau de l'ordre monastique, devait
encore servir, pour un temps, d'asile et de vritable
sige la papaut si srieusement menace au milieu des mouvements tumultueux du peupleromain.
La ralit des faits se trouve ici d'accord avec
une vision qu'eurent, dit-on, certains plerins.
Ceux-ci se rendaient au Mont-Cassin, lorsqu'ils renLES PREDECESSEURS DE CALIXTE
70
II.
71
tiques 5.
Le souverain pontife dut aussi retrancher de la
communion des fidles deux hommes qui jusqu'a-
72
Odon d'Ostie
succde
Victor III
sons le nom
d'Urbain II.
II.
une
dents et les intentions de Victor, en lui imputant
une complaisance coupable pour l'Empereur 1.
L'archevque expia noblement cette injustice par
sa conduite ultrieure, et, s'il est vrai que l'ambition la lui et inspire, il en fut immdiatement puni, car Victor tant mort au bout de peu
temps 2, l'tat de suspense o se trouvait Hugues
l'exclut naturellement du choix des cardinaux,
et laissa sans rival Odon d'Ostie, seul candidat
ligible parmi les quatre qu'avait recommands; Grgoire. Victor, se sentant mourir, convoqua au Mont-Cassin les vques et les cardinaux,
et leur prsenta Odon comme son successeur 3.
1. Hugues se fondait sur la promesse faite par Didier encore abb
du Mont-Cassin, Henri IV, d'intervenir auprs du pape en faveur de
75
74
ractre assez ferme pour continuer la lutte commence par Hildebrand, et pour prcher la premire croisade, la plus grande des entreprises de
la chrtient. Le lendemain de son lection, le nouveau pape annonait, par une encyclique, au monde
catholique, quelle lourde charge venait de lui tre
impose 1, et faisait part aux vques et aux
fidles de quel esprit il tait anim : " Ceux qui
" m'ont nomm, disait-il, affirment qu'ils y ont
" t dtermins par l'autorit et le commande" ment de mes prdcesseurs, de sainte mmoire,
" Grgoire et Victor. Dieu sait jusqu' quel point
ils ont d contraindre mes dsirs et ma volont,
" Mais, puisque, sans aucune ambition ni pr" somption de ma part, l'on m'a forc d'accepter
" un tel fardeau, dans un temps si plein de dangers,
" il ne me reste qu' vous conjurer de demeurer
" fidles l'glise, de la dfendre et de combattre,
" comme de vaillants guerriers, au jour des ba" tailles du Seigneur. Quant moi, ayez confiance,
" et soyez persuads que, avide de suivre, de tout
" point, les traces de notre bienheureux pre, le
" pape Grgoire VII, je repousserai tout ce qu'il a
" repouss, je condamnerai tout ce qu'il a con" damn, j'embrasserai tout ce qu'il a aim, j'ap1. Statim in sequenti die, missis litteris omnibus catholicis....
Chron. Cass., IV, 2. Cette lettre, dont Baronius dplorait la perte,
a
t retrouve par D. Martne et publie par lui in Ampliss. collect.,
t. I, p. 520.
75.
1. De me porro ita confidete et credite, sicut de beatissimo paire nostro Papa Gregorio, cujus ex toto sequi vestigia cupiens, omnia quarespuit respuo, quae damnavit damno, quae dilexit prorsus amplector, quae vero rata et catholica duxerit confirme et approbo, et ad
postremum in utramque partem qualiter ipse sensit, in omnibus omnino sentio atque consentio... Datum Terracinae, III. Id. Mart.
2. Si qua tibi sunt pietatis viscera, si qua filii et alumni memoria... tales de filiis tuis confratribus meis, in quibus te videam, te
suscipiam, tuae consolationis in immensis perturbationibus positus
76
LES PRDCESSEURS
DE
CALIXTE II.
77
spoli par les premiers Normands et de plus appauvri par la sacrilge usurpation des vques
simoniaques 1.
Les fils de Robert Guiscard, cette poque, se disputaient, les armes la main, la succession de leur
pre; or, comme ils s'accordaient reconnatre l'autorit d'Urbain II, ce dernier put se faire le mdialeur de leurs diffrends, et les amener une rconciliation et un partage quitable 2. Malgr leurs
dissensions intestines, ces vaillants princes, en
Italie aussi bien qu'en Normandie, n'avaient point
cess de persvrer dans leur dvouement aux
papes orthodoxes, et leur concours nergique ne fit
jamais dfaut Urbain II 5.
Le roi Philippe de France, de son ct, s'empressa
de reconnatre le nouveau pape 4, et l'Espagne
chrtienne rendit bientt un double hommage
1. Quia monasterium ipsum.... cum sacrilegis usurpationibus episcoporum innumera lugenda detrimenta et indigne sustinuit. Diplme du pape, cit par Baronius ad ann. 1088, c. 8. UGHELLI, Italia
sacra, t. VII, D. RUINART, Hist. d'Urbain II, c. 28. Bantino est du diocse
d'Acerenza. On trouve encore dans Baronius, ad. ann. 1090, c. 20 28,
un diplme important rendu par les deux princes, du consentement de
leurs barons, en faveur des liberts de Bantino.
2. Le trait entre les deux frres fut conclu en 1089, par les soins
de leur oncle, le comte Roger, et du cardinal Henri, lgat d'Urbain.
Roger eut le duch de Pouille et de Calabre ; Bomond, depuis si clbre la premire croisade, eut Bari, Otrante, Tarente, etc. PIRRO
Silicia Sacr., t. III, not. Episcop. Miazzar. SAINT-MARC, Hist. d'Italie,
IV, 844.
3. Normanni Catholico papae concorditer favebant ; verum inter se
truculenter dissidebant. ORB. VIT., VII, 077.
4. BERTH., Const. ad ann. 1089.
Les princes
normands
de
la Sicile
demeurent.
fidles
au
Saint-Sige.
78
o
mme
jour
Le
sollicitude.
autorit
et sa
son
saint Grgoire VII rendait le dernier soupir Salerne, Tolde, l'antique mtropole de l'Espagne,
tait prise d'assaut, sur les Arabes, par Alphonse VI,
roi de Castille et de Lon 1, et le vainqueur convoquait aussitt une assemble de seigneurs et de
prlats, o un moine franais de Cluny, nomm
Bernard, tait l'unanimit choisi pour archevque de l'illustre sige reconquis 2. Alphonse, qui
tmoignait l'antique abbaye la plus tendre dvotion, contribuait plus que personne la construction de l'immense glise abbatiale ; il passait pour
avoir voulu s'y faire religieux5 et avait obtenu
Bernard de l'abb Hugues, afin de le placer la
tte du clbre monastre de Saint-Just et SaintFacond. Le nouvel archevque voulut aller recevoir le pallium en Italie, des mains d'un pape qui,
comme lui, sortait des rangs de Cluny. Urbain fit
plus : il rtablit l'ancienne primatie de toute l'Espagne, en faveur du sige mtropolitain de Tolde,
glorieusement rcupr, aprs trois cent soixantedix ans d'interruption, par les efforts hroques
de la chevalerie chrtienne 4.
1. 25 mai 1085.
2. Convocavit regni proceres, et majores episcopos et abbates et vi-
79
c. 26, la curieuse histoire de la colre du roi Alphonse contre le primat Bernard, parce que celui-ci avait transform en glise la grande
mosque qu'Alphonse avaitjur de laisser aux Maures ; Alphonsevoulut
le faire brler vif en expiation du parjure commis ; mais les Maures
eux-mmes, craignant l'indignation des chrtiens, obtinrent sa
grce. Bernard remplaa comme lgat en Espagne un autre moine,
Richard, abb de Marseille, dont on a parl au livre prcdent.
1. Monachi Cluniacenses, qui magna in Hispania auctoritate pollebant, quique natione Galli erant, usus Gallicos, quantumpoterant, introducebant. PAGI. ad. ann. 1091, c. 11.
2. Adelme tait n Loudun, en Poitou, et de trs-grande maison.
Ingenuitateconspicuus... parentes ejus eum secundum saeculi pomporam gloriam illustres fuissent. Act. S. S. O. B., t. IX, p. 866.
5. RADULFUS, auct. Vit. S. Adelmi, in ACT. SS. O. B., t. IX, p. 870.
4. Balteum militare.... praecinxit, in cujus status exercitamentis
nonnullos sago miles, corde monachus; transegit annos.... Ne ab amicis detineretur, intempeste nocte, cum armigero quodam suo... clam
discessit. Aliquantulum progressus, permutatis cum comite vestibus
preciosis, nudis pedibus iter arripiens, etc. Ibid., 867..
80
Le
Des
moines franais
concourent
la restauration
catholique
de
l'Espagne.
les Pyrnes : la reine Constance, femme d'Alphonse VI, conjura son mari de faire venir le saint
moine en Espagne, dans l'espoir que son exemple
sanctifierait leurs peuples. On lui donna, aux
portes de Burgos, une chapelle et un hpital qui
devint une abbaye clbre, sous le nom de SaintJean de la Vouga, o il acheva sa vie au milieu
des exploits de la charit et de la pnitence1, mais
non sans avoir pralablement propag la stricte
observance de la rgle bndictine, suivie . la
Chaise-Dieu en ce temps-l. Les Franais semblent
avoir t appels, cette poque, prendre une
part glorieuse et considrable la restauration catholiquede l'Espagne : d'un ct de saints moines,
de l'autre de nombreux chevaliers, taient accourus
de toutes les provinces de la France, l'appel d'Alphonse 2, lorsque l'invasion des Almiravides vint
donner une nouvelle force la domination sarrasine dans la Pninsule. Parmi ces Franais se
distinguait surtout le Normand Guillaume 3. La
prsence ou l'influence des hommes de cette race
1. Gloriosis facinoribus aulam et urbes illustrabat. Ibid., 869.
Les Espagnols le vnrent sous le nom de saint lesmes. Il mourut
en 1097.
2. Hoc accepto nuncio Gallorum proceres certatim milites
congregant : denique tam urhana quam rustica plebs se offert. Milites vero
gregatim convenientes, etc. Le seul bruit de leur arrive met en fuite
les Sarrasins. Fragm. histor., ap. DUCHESNE, Script., t. IV,
p. 88.
3. Inter quos unus Guillelmus.... quem vidimus, et erat Normannus. Chron. Malleac, ad ann. 1087.
81
85
d'exalter
bon
donc
Il
des
sicles.
et
paru
nous a
Tarragone, tout en
dernirement la gloire de
" chtiant les pchs de ses habitants. Il y avait
Sarrasins
les
quatre-vingt-dix
trois
cent
que
ans
le
Voil
l
la
de
chrtiens
pense
restaurer.
que
" comte Brenger, pour le salut de son me et d'ac" cord avec ses seigneurs, l'a donne, avec tout son
" territoire, au bienheureux Pierre. Nous la pre" nous donc sous la garde spciale du saint-sige ;
les immunits que
nous confirmons la libert et
" lui a confres le comte 1.
Mais la joie du rtablissement presque simultan de deux clbres mtropoles ne fit pas perdre
de vue au souverain pontife la protection qu'il
devait aux autres siges dans cette mme Espagne.
Le roi Alphonse, ayant, en effet, entrepris de dposer et d'emprisonner l'vque de Compostelle,
le pape fulmina contre lui une rprimande o respire tout entire l'me de Grgoire VII : Le
monde est rgi par deux puissances, la sacerdo" tale, et la royale. Mais, l'une est tellement au dessus de l'autre, qu'il nous faudra rendre
83
" Nous
"
"
"
"
"
" deurs, pour tre jug par nous. Autrement, lu
" nous obligerais faire contre toi ce que nous ne
" voudrions pas 1.
Pendant qu'Urbain II corrigeait ainsi les excs ;
des rois orthodoxes, et qu'il voyait les catho-
re-
gitur....
Sed sacerdotalis dignitas tanto potestatem regiam antecedit,
ut, etc... Sin autem facere nos erga dilectionem tuam compelleres
invitos,quod nos quoque fecisse nollenius. COLETTI, Concil., XII, p. 752.
2. SAINT-MARC, Hist. d'Italie, IV, p. 845.
84
85
sauvegarde de la libert apostolique. Ce noble peuple partageait ainsi avec les Normands, quoique
loign de l'Italie, la mission de repousser ou de dtourner les coups destins l'glise. Henri IV avait
ranim toute leur exaspration contre lui, en remplaant par des intrus les vques orthodoxes, et en
retenant les biens confisqus dont il avait promis
la restitution. Les Bavarois, ses adhrents les plus
anciens, se dclarrent contre lui, sous leur duc
Welf, tige de la clbre race des Guelfes. Les Souabes, qui avaient pris pour duc le fils du roi Rodolphe mort en combattant pour l'glise et pour les
vieilles lois de l'Empire, se runirent aux Saxons.
Henri, la tte de vingt mille hommes, levs principalement dans les villes du Rhin, marcha contre
les confdrs. Ceux-ci, au nombre de dix mille seulement, s'avanaient sous les ordres d'Ecbert, margrave de Misnie, et du prince que les catholiques
allemands avaient lu roi, Hermann de Luxembourg ; ils tranaient avec eux un char surmont
d'une croix trs-grande et d'une bannire consacre,
comme symbole d'une arme catholique 1. On en
vint aux mains dans les champs de Bleichsseld, prs
Wurtzbourg, le 11 aot 1086. Avant la bataille,
toute l'arme catholique se prosterna et l'archevque Hartwig de Magdebourg invoqua l'assistance
1. On reconnat ici le modle du carroccio, si usit dans les villes
lombardes, pendant leurs guerres avec les empereurs.
Henri IV
est battu
Bleichsseld
11
le
aot 1086.
86
2,
comme
se
imprialistes. Ces troupes ne rendirent pas de trsbons services leur matre : les gens de Cologne et
d'Utrecht lchrent pied tout d'abord. Henri se dfendit avec intrpidit, mais n'en essuya pas moins
la plus cruelle dfaite de son rgne. Les catholiques
occuprent aussitt la ville de Wurtzbourg, capitale
du duch de Franconie, et ls domaines immdiats
de la maison impriale : ils y rtablirent l'vque
lgitime Adalbron, qui en tait exil depuis dix
ans. Les vques de Salzbourg et de Passau furent
aussi rtablis peu aprs. Mais, comme l'Empereur
joignait une grande bravoure personnellel'activit
la plus infatigable, il eut bientt rpar les suites de
sa dfaite et repris Wurtzbourg. Avant d'y rinstaller son intrus Mginhard, Henri s'effora de ramener son parti Adalbron ; mais celui-ci ne voulut
pas mme le voir. Il dit aux princes chargs par
l'Empereur de cette ngociation : Vous pouvez me
1. Jamjam congressuri, omnes in terram prostrati, coelum oratione
penetravere, quam... archiepiscopus cum multis lacrymis et gemitibus
effudit. Igitur in nomine Domini congressi. BERNOLD. Const. ad 1086.
Cet crivain fut tmoin oculaire de la bataille.
2. Welfo dux cum sua legione, et Magdeburgensis legio, relictis
equis, pedites incedebant. Ibid. Cf. STENTZEL, I, 528.
87
d'entretenir
88
Mort
de Burkhard,
vque
de Halberstadt.
Italie
vigoureusement
l'empcher
d'agir
en
pour
contre l'glise, les confdrs manquaient d'un chef
militaire ayant assez d'ascendant pour tenir tte
l'Empereur. Le roi qu'ils avaient lu quelque temps
auparavant, Hermann de Salm, comte de Luxembourg, s'tait montr compltement au-dessous de
sa mission, et, abreuv de dgots par ses allis, il
s'tait retir en Lorraine, o il mourut en 1088. Le
chef le plus influent des catholiques, avant comme
aprs cette mort, fut Ecbert, margrave de Misnie,
personnage quivoque, goste, mais brave et habile,
qui trompa souvent les deux partis, et qui manquait
totalement de cette loyaut et de ce dvouement religieux, indispensables aux dfenseurs de l'glise.
Dans une meute fomente par ce margrave Goslar, mais dont la cause est difficile dcouvrir, l'glise perdit l'un de ses pontifes les plus courageux
et les plus purs, Burkhard, vque de Halberstadt.
La veille de l'attentat, peine arriv dans la ville o
l'avait attir un projet de confrence avec les Imprialistes qui ravageaient les terres de son vch,
il avait dclar ses familiers qu'il se sentait trop
vieux et trop fatigu pour continuer la guerre,
mais que, tant qu'il vivrait, il fuirait comme la peste
1.
BERNHOLD.,
ad ann. 1087.
89
90
margrave Ecbert, put tenter de nouveau la soumission de la Saxe, et il l'avait peu prs acheve,
lorsque Ecbert le surprit et le dfit prs de Gleichen en Thuringe 3. Burkhard de Lausanne, vque
mari, par un scandale unique au milieu mme
des dsordres de son parti*, et digne ce titre de
Propler justitiam toleravit et ipse rapinam ;
Regis ob hanc odium fugit in exilium,
Malens ille miser quam schismatis esse minister
...
Servans, Roma, tuo debita judicio....
Hic pro lege Dei nescivit cedere Regi,
Vel cuiquam forti, vel quoque dedecori.
ACTA S. GEBH.
ap. CANIS., Lect. antig., VI, p. 1257.
2. lu le 25 mars 1090.
3. A Nol 1088.
4. Selon Stentzel, c'tait remplir le prcepte de l'Aptre (unius
uxoIII,
ris virum, I Tim. 2). Il est fcheux pour Burkhard et son pangyriste moderne, qu'il ait t le seul vque de son temps ; catholique ou
schismatique, interprter le texte de l'Aptre de celte faon.
1.
91
II.
l'avait mme sacr vque de Constance. Par ses
lettres du 18 avril 1089 1, il le constitua son lgat,
92
Henri IV
rejette les offres
de paix
des princes
catholiques.
95
94
Belle lettre
du
comte
de Thuringe
l'archevque
de
Magdebourg.
plume d'Etienne, vque de Halberstadt, digne successeur du martyr Burkhard, et adressa l'intrus
"
Nous
dont
quelques
voici
rponse
passages
:
une
" disons
que tu entends mal le prcepte de l'Aptre
" et
que tu l'interprtes plus mal encore. Car, si
" toute puissance vient de Dieu dans le sens o lu
" l'entends, d'o vient que le Seigneur dise, par
" son prophte : Ils ont rgn, mais ce n'est point
par moi ; ils sont devenus princes, mais je ne les
" connais pas
2?
Waltrami
cardinal Baronius ajoute : Huc usque litterae
quem nostri
saeculi politici statuant sibi sui ipsorum dogmatis auctorem et defensorem.
2. Ipsi regnaverunt et non ex me : principes extiterunt et
non cognovi eos. OSE, VIII, 4.
3. Quod si potestas aliquid jubeat quod contra Deum sit, hic
contemne potestatem, non timendo potestatem alioquin.
4. C'est la traduction que donne Fleury, l. c, en dplaant ainsi
la virgule du verset : Quae autem sunt a Deo, ordinatae sunt.
95
l'glise
dans
des hrtiques comme toi et tes pa
" reils, qui appelleraient le bien mal, et le mal
" bien, qui changeraient la lumire en tnbres,
" et qui transformeraient les prceptes de la vrit
" en captations de l'erreur, l'Aptre a voulu tran" cher les conjectures de l'esprit rprouv par cette
" addition : " Celles qui viennent de Dieu sont or" donnes ; or donc, donnez-nous une puissance
" ordonne, et nous ne rsisterons plus, et nous
lui tendrons les bras. Mais comment, s'il le reste
une goutte de sang dans les veines, comment ne
" rougis-tu pas de dire que Henri est roi, et qu'il
" est dans l'ordre 1? Est-ce l'ordre que d'autoriser
" le crime, de confondre tout droit divin et hu" main? Est-ce l'ordre que de pcher contre son
" propre corps et d'abuser de sa femme d'une ma nire inoue jusqu' lui? Est-ce l'ordre que de
traiter en prostitues les veuves qui viennent de" mander justice?
Et ici se trouve une vive numration des crimes
de Henri et de ses attentats contre l'glise, contre
les vchs, contre les abbayes, vendus par lui ou
livrs pour des motifs souvent infmes 2. Puis le
1. Miror si in te vel gutta sanguinis est quod non erubescis.... An
ordo tibi videturjus dare sceleri
uxorem propriam scelere omnibus
saeculis mundi inaudito lupanar facere ?
2. Etenim Constantiensem, Babenberg, Mogunt, et plures alias pro
pecunia, Ratisbon. August. Strasburg. pro gladio, abbatiam Fuldens.
pro adulterio, Monasteriens. episcopatum (quod dicere et audire nefas est) pro sodomitica immunditia vendidit, quae si impudenter ne-
96
MATTH., X.
"
"
"
"
97
un
98
" Dieu;
nous nous glorifions dans les
"
"
"
"
"
" reuse 1.
99
1091.
100
II.
101
staufen la couronne impriale, devait se confondre, en quelque sorte, avec la lutte permanente entre
l'Empereur et l'glise. Pour tenir tte Frdric
et aux vques intrus qui l'appuyaient 1, les catholiques lurent duc Berthold de Zhringen, frre du
lgat Gebhard, de Constance, et gendre du roi
orthodoxe Rodolphe, qui avait t aussi duc de
Souabe 2. Les comtes de Montfort, de Hellenburg,
de Toggenburg, de Kiburg, de Bregens, et tous les
grands vassaux de la province 3, reconnurent solennellement les deux frres Berthold comme ducs,
et Gebhard comme lgat, la dite provinciale
d'Ulm (1093). Ils y proclamrent en outre la trve
de Dieu jusqu'en l'an 1096, afin de protger, les
monastres, les voyageurs, les marchands ; et cette
dernire clause leur valut l'assentiment mme des
villes, toujours dvoues l'Empereur. Chaque
comte la fit jurer, dans son comt, par tous les
seigneurs et hommes libres 4.
1. Ceux de Coire, Ble, Lausanne et Strasbourg. On comprenaitalors
dans le duch de Souabe ou d'Alamanie, l'Alsace et la Suisse allemande.
2. Berthold, fils de Rodolphe, avait t d'abord oppos Frdric
parles catholiques; mais il mourut en 1090. Berthold de Zaehringen,
son beau-frre, le remplaa alors; il est la tige de la maison actuelle
de Bade.
3. Signalons parmi les preuves des dispositions catholiques des feudataires souabes, cette poque, la fondation des abbayes de Neresheim, en 1095, par Hartmann, comte de Kyburg et Adlade sa femme,
et d'Isny, en 1096, par les comtes de Waeringen.
4. STENTZEL, I, 549. PFEFFEL, Histoire et droit public de l'Allemagne, ann. 1092.
102
le chanoine
Manegald
rconcilie
l'Alsace
avec
le Saint-Sige.
4. BERTHOLD.
5. Labbe et Pagi ont prouv que ce concile, mal propos plac par
Baronius eu 1090, avait eu lieu en 1099; et S. Marc (Hist. d'Italie,
105
Mariage
regrettable
de la comtesse
Mathilde
avec le jeune duc
Welf.
104
dix-huit;
comptait
n'en
Welf
tandis
que
que
ans,
mais il se fit, contre le gr de la comtesse, pour le
bien de l'glise 1. L'harmonie entre les deux poux
ne pouvait pas durer ; cependant, dans les commencements, il n'y eut point de dissentiment entre
eux. Welf se montra, comme son pre, un vigoureux
champion de la cause pontificale, ce qui causa de
vives inquitudes l'Empereur 2 et le dtermina
revenir en Italie, o il s'empressa de saisir toutes
les possessions de Mathilde en de des monts et
au nord des Alpes 5. Il descendit ensuite en Lombardie (1090), investit Mantoue, l'une des villes
principales des tats de la comtesse, et s'en rendit
matre aprs onze mois de sige4.
Les Romains du parti imprial ouvrirent de
nouveau leurs portes l'antipape Guibert, et, pour
la troisime fois depuis la mort de Grgoire, ils
s'emparrent du chteau Saint-Ange.
Les catholiques en furent rduits offrir la
paix l'Empereur : le duc Welf s'engagea se rconcilier avec lui, s'il voulait seulement renoncer
Guibert et restituer les domaines confisqus.
Pour la troisime fois Henri refusa 5. Son triomphe
l'enivrait : la prise de Mantoue entrana bientt la
1. Invitam licet, jam provectioris aetatis.... nunquam voluit commisceri viro. BARONIUS, ad ann. 1089, n 9.
2. BERTHOLD.
3. DOMNIZO, II, 4.
4.12 avril 1091.
5. BERNOLD., ad ann. 1091.
105
Le
moine Jean
conseille
de continuer
la guerre.
106
2.
II, 7.
Ibid.
3.
..
Ibid.
107
2. 28 mars 1091.
II, 7.
108
109
Urbain II
visite Salerne
et
consacr
le monastre
de la Cava.
110
II.
mre ensuite les diffrentes indulgences et exemptions qu'il accorde aux religieux 2, faveurs qui n'avaient du reste pour but que de mieux garantir
l'exactitude de tous les devoirs monastiques.
duc Roger voulut s'associer l'oeuvre du pape.
Il accorda au monastre la dme de la pche maritime, garantit l'indpendance de sa juridiction, et
confirma d'avance tous les dons ou cessions de fiefs
que ses barons ou vassaux voudraient lui faire. Un
ce
ce
Le
111
curre, quia jam miseri producuntur.... Pro crudelitate tua post parum temporis, hujus terrae dominus non eris. ACT. SS. O. B., t. IX,
p, 379. Saint Lon mourut en 1079, et Robert Guiscard dtrna Gisulfe
en 1075.
2. Concessit etiam vobis in perpetuum, ut in quacumque parte sui
ducatus, tu vel tui successores personaliter fueritis, et unus vel plures homines ibi fuerint ad mortem, vel ad quodlibet supplicium judicati, possitis eos, sicut volueritis, liberare et ubicumque per suum
ducatum transitum feceritis, obviosque habueritis in vestro transitu
condemnatos qui ad suspendium vel decollationis supplicium deportentur, valeatis eos, si vobis placuerit, facere liberari. Ce privilge, avec les autres accords par Roger, sont insrs dans la bulle
du pape, ap.
BARON, et COTETTI, 1.
c.
112
Urbain II
restaure
les glises
de la Sicile
et rige
en mtropole
celle de Pise.
II.
115
VII.
114
115
treuse.
116
neuses.
On ne pouvait y arriver qu'en franchissant des
forts et des prcipices d'accs tellement difficile,
qu'on courait risque de la vie en tentant le trajet;
puis, quand on y tait arriv, on ne trouvait qu'un
troit plateau entour de sapins, domin par des
montagnes pic et que sillonnaient sans cesse des
avalanches 2. Les voyageurs s'y tablirent avec bon-
1. J'abrge dessein le rcit de la fondation de la Chartreuse, rcit devenu populaire, grce au pinceau de Lesueur et aux vingt-deux
chefs-d'oeuvre dont ce grand peintre avait dcor le clotre de la Chartreuse de Paris, d'o on les a transports au Louvre, aprs la destruction sacrilge du monastre.
2. Le 50 janvier 1135, le clotre et les cellules du premier monastre, situ o se trouve aujourd'hui la chapelle de Notre-Dame de
Casalibus, furent ensevelis, avec sept religieux, sous une avalanche.
C'est alors qu'on reconstruisit le monastre sur son emplacement
actuel.
117
Saint Bruno
fonde
l'ordre
des Chartreux.
118
le
mais
parole,
la
parole
de
Dieu,
par
par
non
II.
119
infantuli. Ibid.
2. Per litteras ad S. Ecclesiaepraestanda officia graviter praecipiens,
ne venire ad urbem cunctaretur. Vit. S. Brun., ap. SURIUM, c. 16.
3. Papam solatio et consilio in Ecclesiasticis negotiis juvaturus. De
institut, ord. Cartusiens., ap. LABBE, Bibl. I, 658. Ejus opera usus in
celebrandis consiliis. BARON., ad ann. 1092, n. 12. Ces relations ont
fourni Zurbaran un de ses plus beaux tableaux : le pape et le saint,
en costume du temps, sont reprsents seuls et assis l'un en face de
l'autre. Ce chef-d'oeuvre du peintre monastique par excellence a t
transport au nouveau muse de Sville, depuis que la Chartreuse
de cette ville a t change en manufacture de faence par un cupide
industriel qui ne laisse pas mme les trangers pntrer dans l'enceinte qu'il a profane.
120
Mort
de saint Bruno
le
6 octobre 1101.
121
personne de sa seconde femme,. Adelade de Russie 1. Pre dnatur, poux indigne, Henri IV avait
voulu se donner pour complice Conrad, le beaufils de la victime 2. Entran par la plus lgitime
indignation, le jeune prince s'enfuit et alla rejoindre Mathilde et son mari Welf qui poursuivaient la guerre contre Henri. Conrad retomba,
peu aprs, entre les mains de son pre qui le fit
enfermer ; mais il sut chapper ses geliers, et,
accueilli avec transport par le parti pontifical, il
fut proclam roi des Lombards par l'archevque
de Milan. Mathilde russit, en mme temps, faire
sortir la princesse Adlade de la prison o la retenait Henri Vrone 5. Le perscuteur de l'glise eut
donc subir un double chtiment : sa femme et
son fils parvinrent s'chapper, et, rfugis dans
1. Quelques auteurs la nomment Praxde ; elle tait fille du czar de
Russie : il l'avait pouse en 1095, tant veuve du margrave de Brandebourg; il tait lui-mme veuf de Berthe, mre de Conrad qui avait
alors dix-neuf ans.
2. Incarceraverat eam, et concessit ut plerique vim ei inferrent,
immo filium hortans, ut eam subagitaret. Quo recusante patris polluere stratum, eum Rex non suum sed peregrini filium esse affirmavit. ALBERT STEDENS. Chron. in Schittir. scriptor. HERMOLD. Chron.
Slavor, ed. 1659. DODECHIN, ad ann. 1093, in PISTOR. Script. Germ.,
t. I, et ap. BARON., etc.
Ce hideux rcit, que les apologistes de Henri ont essay de rvoquer en doute, n'est que trop d'accord avec des actes du mme genre
que les insurgs allemands reprochrent de tout temps Henri IV
(voir plus haut la lettre du comte, de Thuringe) ; il est d'ailleurs confirm par les dclarations publiques de l'impratrice aux conciles de
Constance et de Plaisance, comme on va le voir.
5. DOMNIZO, II, 8.
122
Les
villes lombardes
s'arment
contre Henri IV.
125
124
125
un clotre.
126
127
aux
ronne
investitures. Il le fiana ensuite la fille du comte
t plus simple ! Et voil comme on crit l'histoire ! N'est-ce pas le
cas de se rappeler la belle parole du comte de Maistre, sur les crivains de cette cole : Ils n'ont d'entrailles que pour le crime.
1. Officium stratoris exhibuit.... In filium S. Romanae Ecclesiae
recepit. BERN., ann. 1095.
128
CHAPITRE II
Yves de Chartres et la
puret du mariage.
130
131
132
de ravager les domaines du prlat, et le fit emprisonner par Hugues, seigneur du Puiset, vicomte
de Chartres. L'histoire rapporte que cette captivit
fut tellement svre que le prisonnier manquait
mme de pain 1. Le peuple s'en montra trs-irrit ;
mais Yves dfendit absolument ses ouailles de
chercher le dlivrer main arme, comme ils
en avaient form le projet.
crivait-il, ni
leur
Dieu,
plaisir
de
bon
le
Sans
rendre
de
la
puissance
n'aura
ni
me
personne
vous
l'episcopat
point
obtenu
N'ayant
libert.
la
par
dois
je
violence
n'est
violence,
que
pas
par
ce
sige2.
remonter sur mon
Le pape, inform de ce qui se passait, crivit aux
vques de la province de Reims de ramener le roi
de meilleurs sentiments. Que s'il vous repousse,
bien que vous et moi
disait le pontife, il faudra
la loi divine des outrages qu'elle
nous vengions
a reus, et que nous percions du glaive de Phine
ces Madianites adultres 3.
pusillum gregem Domini mei legis praevaricatione scandalizare. Id.
Ep. 15.
1. Damna quae mihi usque ad penuriam panis inflicta sunt. Id.
Ep. 22, HILDEB., Coenom., ep. 100. In quodam castello quo frangat
animum, ni saxo fortior esset FRONTON., Vit. Yvon.
2. Quare ne fiat prohibeo, interdico. Nec enim incendiis domorum,
depraedationibuspauperum potestis Dominum placare.... Ep. 20.
5. Quod si contempserit et vobis et nobis, necessitas imminebit ut
ad ulciscendas divinae legis injurias pro nostri officii debito accingamur, et Phineas gladio Madianitas adulteros perforemus. Lettre du
27 octobre 1092, ap COLETT., Concil. XII, 757.
153
m'accuse
;
" mais ce reproche, laissez-moi vous le dire, s'ap plique bien plus justement ceux qui recourent
ad 1095, c. 16. On ne
sait pas positivement l'poque o Yves fut dlivr, ni la dure de son
emprisonnement.
2. Philippo Dei gratia, etc.... sic se regere ut Regi regum valeat
complacere.... Poscens igitur majestati vestrae.... ne.... quod nunc
dico in aure, cogar in vestris et multorum auribus publicare. Ep. 28,
BARONIUS,
Grande fermet
de l'vque
de
Chartres
soutenue
par Urbain II.
134
cautriser
de
lieu
remdes,
d'impuissants
au
tout
de suite la plaie. Si vous aviez t aussi fermes
dlais,
si,
voir
de
rtabli.
C'est
vos
par
vous
les
lui
obligations
et
remplissez
envers
vos
vous
suis prt
je
moi,
Quant
tat.
devoirs
de
votre
" subir toutes les peines que le seigneur roi vou" dra ou pourra m'infliger avec la permission de
" Dieu. Que le prince m'enferme, qu'il m'exile,
" qu'il me perscute : avec le secours de la grce
" d'en haut, j'ai rsolu de souffrir pour la loi de
" mon Dieu, et rien ne pourra me contraindre
" fermer les yeux sur le pch de celui dont je ne
" veux pas partager le chtiment 1.
Les efforts d'Yves de Chartres pour relever le
courage de ses confrres furent impuissants : Je
" leur ai transmis, mandait-il au pape, en em" ployant son image favorite, je leur ai transmis
vos lettres ; mais ils se taisent, comme des chiens
qui n'osent pas aboyer 2.
L'vque qui s'exprimait ainsi tait loin pourtant
d'tre un ennemi de l'autorit royale : il professait,
au contraire, l'gard de la puissance laque, des
opinions plus favorables que celles de la plupart
ce
135
transiger avec le mal. Il tait d'ailleurs profondment vers dans les secrets de ce gouvernement des
mes qu'il a si justement appel ce l'art des arts et
le plus lourd des fardeaux. Loin d'tre absorb
par les discussions sur le mariage du roi, il poursuivait, en mme temps, la rfutation des erreurs
de Roscelin 1 sur la sainte Trinit, et adressait au
sophiste le conseil, dont devraient profiler les philosophes de tous les temps, de ne pas chercher savoir plus qu'il ne convient de savoir2. Il demandait
aux prires des moines, tranquilles dans le port,
les forces ncessaires pour naviguer au milieu des
orages 3. Il enviait leur repos : " Je combats cha" que jour, crivait-il au pape, contre les btes;
mon me n'a plus de paix; mon coeur est bris
ce
Ep. 7.
3. Nos enim publicorum negotiorum tumultibus occupati.. . internae quietis suavitatem vix aliquando admittimus, raro etiam canonicum pensum determinatio horis solvere praevalemus. Vos igitur
qui velut in portu navigatis, oportet ut nobis orationis manus qua
longe potestis extendatis. Ep. 19 l'abb de Fcamp, Guillaume de
Ros.
156
Le lgat
Hugues de Lyon
est charg
par le pape
de
dfendre
en France
les
lois du mariage.
l'glise,
de
misres
les
que personne ou
ce par
J'exerce
gurir.
de
s'efforce
ne
personne
presque
ce
mais
certains
hommes,
autorit
sans
sur
ce mon
pourquoi
je
C'est
utile
grand'chose.
leur
tre
ce
de
charge,
suis
de
dposer
tent
souvent
me
ma
j'attendrai
o
ancien
replonger
dans
repos
mon
ce
Celui qui me dlivrera la fois de la pusillanice
" mit et des temptes de l'esprit. C'est mon affec" tion pour vous qui seule me retient 1.
Cette affection tait la fois pleine de noblesse
et de dsintressement. Le pieux prlat avait tous
les droits possibles d'employer cette suscription
dans une lettre adresse au souverain pontife :
A Urbain, pape, moi, Yves, son fils spirituel,
j'adresse l'hommage d'un chaste amour et non
ce
d'une servile soumission 2.
ce.
Bientt, du reste, il ne fut plus le seul dfendre,
en France, la saintet du mariage et les prrogatives
de l'glise. Depuis longtemps, en exposant au
souverain pontife les abus intolrables qu'il remarquait dans l'glise de France 5, il le suppliait
d'instituer un lgal qui rechercht non son pro1. Ad bestias quotidie pugnans.... quia video me praesse, sed nulli
fere prodesse.... quietem ubi illum expectem qui salvum me faciat a
pusillanimitate spiritus et tempestate (Ps. 54). Ep. 25.
2. Urbano summo pontifici Ivo spiritualis ejus filius, non servilis
timoris, sed castae dilectionis obsequium. Ibid.
5. Multa tolero, mulla dissimulo.... multa enim inordinata video
in domo Dei, quae me torquent, maxime quod apud nos, qui altari
non serviunt, de altari vivunt, etc. Ep. 12.
157
:
en
vous
ce
ce
ce
1. Qui non sua quaerat, sed Jesu Christi. Necessarius enim esset
Ecclesiae Dei in qua quilibet, quodlibet audet, et quod audet facit, et
quod facit impunitum transit. Ibid.
2. Il avait t prieur de Saint-Marcel-ls-Chlons,et comme, cette
poque, il n'y a pas d'exemple d'une abbaye ou d'un prieur confi
d'autres qu' des moines, Mabillon (Ann. 1, 70, n. 85) en a conclu
qu'il tait moine. Mais cette opinion a t conteste. V. Hist. littr
de France, t. IX, p. 503.
5. Ep. 24.
4. Le 16 octobre 1094.
158
139
140
141
tablissements monastiques.
2. Regem.... tanta auctoritate excommunicavit, ut intercessiones
spectabilium personarum, et multiplicium munerum illationes contempserit, et quod intra regni ipsius demorabatur limites non extimuerit. GUIB. Nov. l. c.
3. Hominem in Dei rebus venalissimum. GUIB. Nov. Il fut pay de
la mme monnaie par l'vque de Chartres, prdcesseur d'Yves, qui
lui avait promis la premire prbende qui viendrait vaquer dans son
chapitre : comme le roi lui reprochait d'en avoir dj donn plusieurs depuis sa promesse, l'vque rpondit : Je n'en ai pas donn
une seule, je les ai toutes vendues. MICHEL SCOT., lib. IV, mensa philos., c. 28, ap. PAGI, Crit. ann. 1095.
4. Facta est haec donatio anno ab Incarnat, etc.... Urbano apostolico, Francia ex adulterio Philippi indigni regis foedata.... Il faut dire
que cette donation tait faite par le comte Foulques, le mari outrag
de Bertrade. PAGI, l. c.
Triomphe d'Yves
de Chartres
le
dfenseur
de la puret
du mariage
et
de l'galit
des devoirs
entre
142
145
En cette seule anne 1095, les deux plus puissants souverains de la chrtient, l'empereur et le
roi de France, avaient t excommunis par le
pape, pour avoir viol la loi du mariage 1. D'ge en
ge, les mmes exemples devaient se reproduire
jusqu'au seizime sicle, o un pape prfra voir le
royaume d'Angleterre rompre avec le Saint-Sige
que subir l'ignominie de vendre un tyran voluptueux le droit de divorcer.
Qu'on ne s'tonne donc pas si, mme au sein de
la dgradation religieuse de notre sicle, la pit
des femmes s'est maintenue : elles payent la dette
de leurs mres !
1. Fleury remarque, plusieurs reprises (1. 64, n. 21 et 29), que
l'excommunicationlance contre Philippe n'entrana pas sa dposition,
et que personne ne cessa de lui obir. Rien n'tait plus naturel : les
consquences pnales de l'excommunication ne devenaient exigibles
que si l'excommuni laissait passer un an et un jour, depuis la promulgation de sa sentence, sans chercher se faire absoudre. Philippe
eut soin de ne jamais laisser couler ce dlai de rigueur, sans faire
quelque dmarche de soumission, ou sans obtenir une prolongation
nouvelle, jusqu' son absolution dfinitive en 1106. Il n'y eut donc jamais ncessit pour le pape de le dposer, ni pour ses sujets de lui
dsobir, la diffrence de l'empereur Henri qui, aprs avoir, obtenu
son absolution une premire fois, s'tait rvolt contre la juridiction
mme du pape, et avait t dpos par lui et par l'assemble
des princes. Le prsident Hnault ne semble pas aussi satisfait que
l'abb Fleury des suites de la sentence porte contre Philippe. Il dit
de ce roi qu'il tait moins avili aux yeux de son peuple par ses vices
que par sa faiblesse s'en laisser punir. Belle doctrine assurment,
et bien digne d'un parlementaire crivant sous le rgne de madame
de Pompadour !
La puret
se maintient
chez
les femmes
qui payent
la dette
de
leurs mres.
CHAPITRE
III
qui fait, aux yeux de la postrit, la principale gloire du concile de Clermont et d'Urbain II, c'est la prdication de la premire croisade. Cette grande entreprise avait t, depuis longtemps, pour ainsi dire, prpare par les frquents
plerinages des chrtiens d'Occident au saint spulcre. Les catholiques de tout ge et de tout rang
y venaient en foule de tous pays, travers mille
dangers 1 ; les princes s'y rendaient comme les auCe
143
VII.
10
Les premiers
plerins
en terre sainte.
Saint Simon
et
Sigebert
de Mayence
Jrusalem.
146
147
148
II.
PRDCESSEURS
CALIXTE
DE
LES
149
Calamits subies
par
les chrtiens
en
Palestine.
150
destinait
qu'il
l'expdition
sur
tombeau de Jsus-Christ, imposa aux clercs l'obligation de rciter, tous les samedis, l'office de
la sainte Vierge 1. Rien ne put refroidir le zle du
pape et briser son nergie, ni les prils que courait l'glise en Occident, ni la lutte implacable qui
durait, depuis vingt ans, entre l'Empereur et lui,
et qui l'avait empch, aprs son avnement au
pontificat, d'occuper paisiblement le sige de SaintPierre et la ville de Rome.
Avec l'abngation d'un vritable religieux et la
gnrosit d'un grand pape, Urbain sacrifia tout
la ralisation de son plan. Sa pense se concentra sur l'Orient o, sa voix, afflua la plus
vaillante chevalerie de la chrtient. Errant, exil
pendant sept annes, le pontife employait toute
son autorit, tout son ascendant rtablir la paix
intrieure afin de pouvoir envoyer au loin les plus
fervents champions de l'glise 2.
1. BARON., ad ann. 1095, c. 51.
2. Ce dsintressement parat tellement inexplicable au protestant
Lden, qu'il essaye de nous persuader qu'Urbain cda la contrainte
en prchant la croisade, et que ses discours Clermont n'expriment
qu'un enthousiasme artificiel. Erknsteller Begeisterunq, tom. IX,
p. 204, 277. Et c'est ainsi que, depuis la Rforme et la Renaissance,
on interprte les annales de nos aeux, au mpris des faits les plus
clatants, tels, par exemple, que les deux grands conciles de Plaisance et de Clermont; au mpris des assertions les plus incontestables
et du tmoignage unanime des contemporains. C'est ainsi qu'on voit
une cole d'historiens faire effort pour transformer en actes de bas-
151
Les croisades
ne
furent point
pour l'Eglise
une cause
d'affaiblissement.
152
troupe
se
pour
chariots trans par des boeufs et sur lesquels ils
transportaient non-seulement leur avoir le plus
prcieux, mais mme de petits enfants qui, chaque
fois qu'une ville ou qu'un chteau se prsentaient, demandaient navement si ce n'tait pas
l Jrusalem 5. Depuis la Galice jusqu'au Dane-
155
tui auxilium ferret... Erant autem in ipsa maxima navi, hommes diversarum nationum, Francorum scilicet, Burgundionum, Aquitanorum, Wasconum, Hispanorum, Italicorum, Siculorum, Calabridum,
sed et aliarum nationum
Un orage survient : les gens de chaque
pays invoquent leur saint national, les Franais, saint Denis ; les Poitevins, saint Hilaire; les Tourangeaux, saint Martin ; les Orlanais, saint
Aignan; les Limousins, saint Martial ; les Toulousains, saint Saturnin ;
les Auxerrois, saint Germain; les Vermandois, saint Quentin, etc. Mais
l'orage ne s'apaisa que lorsqu'un homme du Ponthieu leur eut persuad d'invoquer, tous ensemble, saint Riquier fondateur et premier
abb de la grande abbaye de ce nom.Voy. ci-dessus, l.1, c. 5, VARIULF.,
De mirac. S. Richar., c. 5, in ACT. SS. O. B., t. VII, ad ann. 981.
Mira et inestimabili divinitatis dispensatione tot Xti membra lin-
154
La
douce soit
du
saint plerinage
du
voyage de Dieu.
fourni
n'a
la
aux
jamais
sages,
Non,
aux
guerre
ce
sujet
potes,
glorieux
plus
crivains
que
un
aux
Avec ce
Seigneur.
du
soldats
exploits
des
ces
foyers par
leurs
arrachs
chrtiens
de
ce peu
l'Eglise
plerinage,
saint
du
la
1
DOUCE SOIF
ce
Le Dieu
d'Orient.
les
de
triomphe
paens
tous
anciens mirenouvelle
qui
l,
d'Abraham
est
ses
ce
l'Occident
de
fidles
les
attire
il
racles
par
:
ce
du
MesSpulcre
contempler
le
dsir
de
l'ardent
ce
ce
Urbain II
fut
le vritable
promoteur
de
la premire
croisade.
les rois 2.
Ainsi, le vritable promoteur de la croisade, ce
fut le pape Urbain 5. Pierre l'Ermite, en effet,
n'tait que l'auxiliaire enthousiaste du pontife, et
ce
155
il ressort d tous les rcits contemporains que l'ardent prdicateur ne savait point dominer, contenir,
diriger la multitude qu'il avait rassemble et avec
laquelle il partit le premier pour la terre sainte.
Il n'y avait que huit chevaliers dans cette foule impatiente et dsordonne1, qui marqua du sceau de
la corruption humaine une oeuvre d'inspiration divine, en massacrant les juifs d'Allemagne et en
ravageant la Hongrie, avant d'aller eux-mmes prir, en Bulgarie et dans les plaines de Bithynie, sous
le fer des infidles. La noblesse, qui avait plus spcialement subi l'impulsion d'Urbain, montra la
fois plus de recueillement religieux et de gravit
dans les dispositions qu'elle prit, avant de quitter
le sol natal.
si Au moment de me mettre en chemin, au
" gnal donn par le pontife romain, disait Etienne,
" comte de Blois et gendre de Guillaume le Con" qurant, dans un diplme l'abbaye de Marmou" tier, je veux donner au monastre la fort de
de mon pre.Thibaut,
Lme, en vue de l'me
offens durant sa
que je crains d'avoir souvent
" vie, ce dont je me dsole souvent avec ma fem" me, mes amis et mes serviteurs2.
4.
156
157
Fondations
pieuses
des croiss
avant
leur dpart
pour
la terre sainte.
158
159
Le protestant Bongars s'en est depuis empar pour son recueil des Historiens des croisades.
1.
GUIBERT DE NOGENT.
CHAPITRE IV
La papaut
et la premire croisade.
Urbain II prche la croisade en Limousin, dans la Touraine, le Poitou et l'Anjou. Il est arbitre entre Yves de Chartres et Geoffroy
de Vendme. Il visite Marmoutier et prside le concile de Tours.
de la croisade
Il rentre dans Rome, o plusieurs des chefs
le viennent visiter. Henri IV ne prend aucune part la croisade.
Le double intrt de la croisade et des institutions monastiques semble n'avoir pas cess d'occuper Urbain pendant tout le sjour qu'il fit en
France, aprs le concile de Clermont. Malgr le
grand nombre d'vques qui sortaient des monastres 1 ou qui, comme saint Hugues de Grenoble,
allaient chercher la Chaise-Dieu 2 un asile contre
les soucis cruels de l'piscopat5, il s'levait sans
1. Ainsi, vers cette poque, Foulques du Bec devint vque de Beauvais, Gervin, abb de Saint-Riquier, vque d'Amiens, Serlon, abb
de Saint-vroul, vque de Sez, etc.
2. Il n'avait pu y rester qu'un an; Grgoire VII l'avait forc de retourner son diocse. Il tait fils d'un gentilhomme du Valentinois
qui, tant octognaire, se fit chartreux et mourut aprs dix-huit ans
de religion, entre les bras de son fils.
5. Ainsi firent encore Robert, vque de Langres, Hilgold et Henri,
tous deux vques de Soissons, l'un aprs l'autre.
II.
161
Trente ans plus tard, la discussion se renouvela sur la matire entre l'vque d'Angers et Geoffroy de Vendme. Mais celui-ci, qui avait
MOINES D'OCC.
VII.
11
102
105
Urbain II
prche
la croisade
dans
le Limousin,
dans
la Touraine,
le Poitou
et l'Anjou,
II.
ddiant les glises cathdrales, abbatiales et autres,
qui s'levaient de tous cots, consacrant les autels,
164
A Brioude.
tierneuf. Voy. l'inscription publie par M. de Cherg, dans les Mmoires de la Socit des antiquaires de l'Ouest, anne 1844, p. 186.
(?) fvrier.
A Loudun. Ddicace de Sainte-Croix et de SaintNicolas, constate par un diplme rendu Tours le 19 mars.
10 lvrier. A Angers. Ddicace de l'glise abbatiale de Saint7"
Nicolas.
11 fvrier. A Sabl. Diplme donn Saint-Nicolas-d'Angers
Solesmes.
A Glanfeuil.
"
Au Mans.
20 "
A Vendme.
Ddicace de l'autel de la Sainte-Trinit et diplme d'exemption contre l'vque de Chartres.
Du 2 au 9 mars. A Marmoutier, prs Tours Sjour.
9 mars. A Marmoutier. Sermon sur le bord de la Loire.
10
A Marmoutier. Ddicace de l'glise abbatiale.
14 "
A Tours.
Concile. Confirmation des privilges de
Paint-Martin.
25 mars. A Tours. Procession solennelle du dimanche Loetare.
Don de la Rose d'or au comte Foulques d'Anjou.
29 mars. A Poitiers.
Nouveau diplme en faveur de SaintMartin
165
A Nrac.
Ddicace des SS. Thomas et Nicolas.
7
Leyrac. Cella de Cluny.
15
A Moissac.
Lettre Hugues de Cluny.
24
A Toulouse. Ddicace de Saint-Sernin.
29 juin. A Maguelonne.
Bndiction de l'le.
Montpellier. Examen de l'affaire de l'lu de
? ?
Paris.
12 juillet. A Nmes. Concile. Absolution du roi.
16 et 17 juillet. A Saint-Gilles. Diplme pour deux monastres
espagnols.
22 juillet. Avignon. Diplme en faveur de Saint-Gilles.
?
A Cavaillon. Confirmation des privilges de Montma?
jour.
5 aot. A Apt. Ddicace de l'glise de Saint-Eusbe.
En reportant 1095 le diplme du 11 septembre au sujet de la bndiction du. champ de la comtesse Tarascon, comme le comporte
l'nonc : anno Pontificatus octavo, et comme l'a fait Mabillon qui le rpte deux fois tort (1.69, n21 et 41), on chappe la contradiction reconnue par Pagi entre cette date, qu'il attribue l'an 1096, et la
donne si prcise de Bernold de Constance, qui dit que le pape clbra l'Exaltation de la Sainte Croix (14 septembre) Mortara, prs Pavie. Il est certain qu'il tait sur les bords du Rhne en septembre
1095; il est donc plus naturel de fixer cette poque son passage
Tarascon. Nous n'avons pu trouver de renseignement sur la date prcise de son passage Vienne, o il ordonna de fonder une glise pour
les reliques de saint Antoine, ce qui a donn naissance la belle
7
166
services
des
rendre
croyait
destins
qu'il
mes
l'glise dans la sphre la plus leve 1; dposant,
prvaricateurs
les
Limoges,
vques
; concomme
damnant la pnitence et l'expiation les seigneurs
les plus puissants, tels que le sire de Bourbon 2, le
comte d'Anjou, le duc d'Aquitaine ; enfin exerant,
dans toutes les grandes assises du pays 5, la fonction
de juge suprme de l'glise et de la socit. Les
historiens du temps rapportent que le pontife s'appliquait surtout confirmer les privilges et exemptions accords par ses prdcesseurs au clerg rgulier, sans s'arrter ce qu'ils pouvaient avoir de
contraire l'autorit des lgats apostoliques euxmmes. Il plaait ces liberts sous la garantie des
droits les plus solennels de son pontificat4. C'est
ainsi, par exemple, qu'il attribua aux abbs de
glise de Saint-Antoine en Dauphin, depuis chef d'ordre. Fleury et
Mabillon placent le passage du pape en l'an 1096.
1. Comme Milon, moine de Saint-Albin d'Angers, qui devint ensuite
cardinal-vquede Palestrine et lgat en France en 1105. En passant
Uzerches, Bernard, archevque de Tolde, qui accompagnait le pape
emmena avec lui un moine distingu, nomm Maurice Burdin ; mais
le choix ne fut pas heureux, car ce Maurice fut dans la suite antipape.
2. Urbain obligea Archambault de Bourbon rparer les dommages
qu'il avait faits Souvigny, Foulques d'Anjou remettre en libell
son frre Geoffroy qu'il tenait en prison depuis trente ans, et Guillaume d'Aquitaine restituer l'abbaye de Vendme une glise qu'il
avait usurpe dans l'le d'Olron.
5. Par exemple, celle qui dispensait les chanoines de Saint-Martin
de Tours de recevoir les lgats processionnellement, faveur qui tait
rserve au pape, au roi, et l'archevque une fois dans sa vie.
4. Voir les deux beaux diplmes accords Saint-Martin de Tours.
BARON., Ann. ad ann. 1096
Ut Romanae Ecclesiae praecepta servantes
107
jure, seu
consuetudine, quam hactenus erga vos Turonensis noscitur archiopiscopus habuisse.... si quis sanc in crastinum Archiepiscopus, aut
Episcopus, Imperator aut Rex, etc.
1. Par diplme donn Saintes, le jour de Pques 1096.
2. GOFFRID. I, 2, ep. 11, 27. MABILL.., Ann., 1, 69, p. 54.
Les vques tenaient ce que cette participation des principaux
abbs de leur diocse leur lection ft strictement excute, parce
qu'elle tait pour eux une garantie de la soumission ultrieure de
tous ces prlats en tout ce qui n'tait pas l'objet d'une exemption
particulire. Ainsi l'on voit, en 1098, l'vque d'Autun cruellement
perscuter l'abb Hugues de Flavigny, parce que celui-ci s'tait born
envoyer un reprsentant l'lection de l'vque, au lieu de s'y rendre lui-mme. Hugues finit par tre expuls de son abbaye, par
la trahison de ses moines, et malgr le jugement favorable du concile
de Valence en 1100. Il est l'auteur d'une chronique fort estime
sur l'histoire du onzime sicle.
5. Les abbs de Vendme jouirent de ce privilge pendant trois
le
pape Urbain II
arbitre entre
Yves de Chartres
et
Geoffroy
de Vendme.
188
Urbain II affranchit Glanfeuil, la premire fondation bndictine de France, du joug des moines
dgnrs de Saint-Maur-les-Fosss, prs Paris 1.
Aprs avoir pass huit jours Marmoutier, dont il
il
dna
o
le
cimetire,
l'glise
et
et
au
consacra
rfectoire avec ses cardinaux, le pape se rendit sur
le bord de la Loire, et l, dans une chaire en bois 5
dresse sur l'une des rives du fleuve, il fit entendre
sa voix loquente la foule immense qui remplissait la ville de Saint-Martin et aux personnages des
environs, qui faisaient cortge au duc.
En sortant de Marmoutier, Urbain II tint un
Urbain visite
Marmoutier
nouveau concile Tours, o il refusa d'absoudre le
et
prside le
concile de Tours. roi Philippe, et il crivit aux vques de France
pour blmer l'opinion de ceux d'entre eux qui
croyaient pouvoir encore communiquer avec le
prince excommuni et l'absoudre eux-mmes 3.
Cette persvrance dans la svrit apostolique ne
le rendait nullement injuste ; car, d'aprs le conseil d'Yves de Chartres, qui l'accompagnait partout,
il approuva l'lection au sige piscopal de Paris
cents ans : ils taient, comme cardinaux, titulaires de l'glise de
Sainte-Prisque, Rome.
1. A Fossatensium tyrannide libertati restituit, Chron. Cassin.,
1. 4, c. 18. Ils taient fort relchs. MABILLON, 1. 69.
2. In gradu ligneo. Ibid.
5. Auditum est apud nos quosdam confratres nostros in tantam audaciam prorupisse, ut asseraut se nequaquam a regis societate abstenturos... nobis sane et omnibus Turonisnobiscum Deo propitiante convenerunt, liquido paruit.... nullam solvendi quem nos ligavimus
Fraternitati vestrae suppetere potestatem. COLETT. Conc, XII, 756.
109
170
II.
1. Outre le futur antipape, Maurice Burdin, moine d'Uzerches,Bernard ramena avec lui en Espagne un moine de Moissac, Grard, qui
devint archevque de Braga, et mourut en 1110 ; il est honor comme
un saint.
2. Dux.... Henricum sibi in adjutorem adscivit contra dominam Mathildem ut ipsam bona sua filio ejus dare compelleret, quamvis nondum illam in maritali opere cognosceret. BERN., ad 1095. Selon
STENTZEL,t.
p. 555, et LABBE, Chron., II, 258, la dfection des Welfs
daterait du commencement de 1095, mais on n'en voit aucun symptme avant le dpart du pape pour la France.
I,
171
Urbain II
retourne Rome
o
plusieurs
princes croiss
viennent
le visiter.
172
II.
mis du Christ 1. Ce fut alors aussi que le cri franais de Dieu le veut, retentissant pour la premire
fois en Italie 2, vint distraire les Normands de leurs
conqutes peine acheves dans l'Apulie et la Sicile, et les prcipiter sur l'Orient.
Le fils an de Robert Guiscard, Bohmond,
partit avec l'lite de l'arme du comte Roger, et,
malgr son ardent dsir de venger, sur sa route,
les injures prodigues sa race par les perfides
Byzantins, il fut oblig de se diriger tout droit vers
Jrusalem, entran par le zle ardent de ses compagnons et surtout de l'hroque Tancrde.
Un certain nombre de princes franais, Hugues
de Vermandois, frre du roi, Robert, duc de Normandie, Etienne, comte de Blois, choisirent la voie
d'Italie, afin de passer par Berne avant de gagner
la ville sainte 3. En arrivant Lucques, ils apprirent que le pape tait dans le voisinage, et aussitt
tous allrent lui demander sa bndiction 1, heu1. Ibid.
2. Interea Boamundus Roberti ducis filius.... coelesti instinctu pro-
II.
473
reux, dit le chroniqueur, de pouvoir continuer
leur chemin avec un tel viatique.
Henri IV sembla vouloir fuir le contact de ces lgions catholiques : repassant les Alpes, il quitta
prcipitamment l'Italie qu'il ne devait plus revoir 1, cdant ainsi le territoire o il avait le plus
de partisans l'nergique action de Mathilde et
l'ascendant moral du pape.
Urbain se retrouva donc tout fait victorieux
Rome, et plus dispos que jamais, selon les exhortations de son fidle ami l'vque Yves de Chartres,
lutter comme saint Pierre et rgner comme
lui 2;
LES PRDCESSEURS DE CALIXTE
aux schmatiques.
1. Il tait de retour en Allemagne le 15 mai 1097. STENTZEL, Tabl.
Chron.
2. Domno et patri suo Urbano.... cum Petro pugnare et cum Petro regnare. Quoniam Romana Ecclesia post multa naufragia sub
vestro regimine ad portum pene pervenit, et Italiae regnum tamdiu
rebelle in conspectu vestro totum pene conticuit... Ep. YVON CARNOT. 45.
Henri IV
ne veut prendre
aucune part
la croisade.
CHAPITRE Y
La royaut
et l'indpendance de l'glise.
Un grand contemporain d'Urbain II et de Pierre l'Ermite. Anselme d'Aoste et sa philosophie. Influence d'Anselme sur les
intelligences au moyen ge. L'abb du Bec est aussi populaire
en Angleterre qu'en France. Ses amis non moins nombreux
dans le sicle que dans le clotre. Le coeur d'Anselme dbordait de tendresse pour ses amis et de charit pour ses ennemis.
Anselme est arrach tout coup la solitude du clotre. Le
roi Guillaume le Roux et Raoul Flambart son ministre. Hugues le Loup, comte de Chester, attire Anselme en Angleterre.
Maladie subite du roi, son repentir, ses vaines promesses. Auselme est violent afin qu'il accepte la primatie d'Angleterre.
L'archevque de Rouen ordonne Anselme d'obir au dsir du roi.
Sacre d'Anselme par saint Wulstan. Guillaume le Roux est
infidle toutes ses promesses. Belles paroles de saint Wulstan.
Anselme ne veut pas acheter prix d'argent la faveur du roi.
L'vque de Durham prend parti contre Anselme. Paroles admirables d'un chevalier. Intervention des barons en faveur d'Anselme. Le roi Guillaumeenvoie Rome deux clercs de sa chapelle.
Il refuse Anselme l'autorisation d'aller Rome. Les vques
d'Angleterre abandonnent leur mtropolitain.
On grand moine
contemporain
d'Urbain II
et de
Pierre l'Ermite.
Anselme d'Aoste
et
sa philosophie.
Tandis qu'un moine franais occupait si dignement le sige de saint Pierre; tandis qu'un autre
moine devanait en Orient l'lite de la chevalerie
europenne, que son loquence avait fait courir aux
175
s'astreignit envers lui un voeu d'obissance spciale, d'aprs l'autorisation du pape Urbain. Il a racont, inconcussa veritate, dit-il, la
vie de son ami dans deux ouvrages intituls : De Vita S. Anselmi et
Historia novorum. L'un renferme les dtails de la vie monastique
et intime du saint, l'autre les vnements de sa lutte avec le roi d'Angleterre. D. Gerberon les a publis, avec des notes du savant Selden,
la suite des oeuvres, de S. Anselme. In-fol. 1721. Eadmer raconte
qu'Anselme avait dcouvert un jour le travail dont il s'occupait, et
aprs l'avoir d'abord examin et corrig, il' lui avait prescrit de dtruire ce qu'il en avait dj transcrit sur ses tablettes de cire sur parchemin; mais Eadmer n'obit qu'aprs en avoir fait secrtementune
autre copie. Supplm., c. 68, p. 215. L'historien, du reste, se montre parfaitement d'accord avec Guillaume de Malmesbury, crivain
trs-favorable la dynastie normande. Parmi les modernes, nul n'a
mieux racont la vie d'Anselme que l'auteur anonyme de deux articles insrs dans les nos 66 et 67 du British Critic, recueil de la nouvelle secte anglo-catholique.
476
177
VII.
12
178
Influence
d'Anselme
sur
les intelligences
au
moyen ge.
bitre et de la grce, des solutions et des dmonstrations qui ont conserv jusqu' nos jours la valeur la
plus haute aux yeux de la thologie et de la vraie
philosophie 1, de la raison et de la foi. Par ces travaux Anselme a mrit d'tre regard par les juges
les plus comptents comme le pre et le fondateur
de la philosophie chrtienne du moyen ge. L'ardente sincrit avec laquelle il soumettait tous les
rsultats de ses recherches aux rgles de la foi,
l'infaillible autorit de l'glise 2, creuse entre sa
1. Ses traits les plus fameux (le Monologium o se trouve la dmonstration de. Dieu par l'ide que nous avons de la perfection infinie, le Proslogion, le Liber apologeticus, les dialogues De veritate,
De libero arbitrio, De casu Diaboli, etc.) ont t composs pendant
les quinze annes de son priorat, selon D. Gerberon. Pour se faire
une ide juste de la vritable nature des tendances philosophiques de
saint Anselme, il faut lire l'Essai sur sa thologie scholastique, qui
se trouve dans les Gesammelte Schriften und Aufstze de l'admirable
Mhler, auteur de la Symbolique, publis, depuis sa mort, par le
Dr Dllinger. En dehors du point de vue orthodoxe, on peut consulter
avec fruit la prface de la traduction du Monologium et du Proslogium, publie en 1841 par M. Bouchitt, professeur Versailles, sous
le titre, du reste parfaitement inexact, de Rationalisme chrtien. En
1842, un protestant, M. Franck, a publi Tubingen un essai sur
saint Anselme, o il expose, pour le rfuter dans le sens rationaliste,
la plupart des dmonstrations du saint, tout en rendant justice sa
vie morale et publique. Il reconnat en lui un moine parfait. Mais,
ajoute le philosophe, Anselme partageait beaucoup des faiblesses
de sa mre , et il lui manquait notamment la libert subjective de
l'esprit : die subjective Geistes Freiheit. Avec cela tout est dit, et on a
dmontr sans beaucoup de peine l'infriorit du moine, fils de l'glise, compar avec les docteurs du dix-neuvime sicle.
2. Voir, entre autres, les humbles lettres par lesquelles il soumet
ses traits au jugement de Lanfranc, dj archevque. Ep. I, 63, 68:
IV. 105.
179
180
s'tre
de
qui,
avant
de
faux
Il
musavants
ya
dirigent leur vol
foi,
la
renseignements
de
nis
sur
souveraines...
questions
hautes
les
plus
; ne
vers
ils
dispucroient,
qu'ils
comprendre
pouvant
ce
qui reshiboux
les
si
Comme
et
confirme.
ceux
chauves-souris,
oiseaux
semblent
et
aux
ces
devaient
nuit,
la
ciel
le
voient
lesquels
que
ne
les
du
jour,
lumire
la
contre
argumenter,
sur
lui-mme 1!
Anselme ne se bornait pas composer des travaux
mtaphysiques : il crivait, en outre, des mditations et des oraisons o sont prodigus tous les trsors de la pit asctique 2 et de l'amour le plus
profond envers Dieu, envers ses saints et surtout
envers Marie 5, la mre de Celui qu'il ne craignait
point d'appeler le frre an des chrtiens 4. C'tait
181
182
Les
amis d'Anselme
taient
aussi nombreux
dans
le sicle
que
dans le clotre
et Anselme
n'tait pas moins
populaire
en Angleterre
qu'en France.
qu'elle
1. Peu peu.
parfum
le
mme
toutes
185
tait dvou, et il n'y avait comtes, chevaliers, chatelaines qui ne se crussent privs de tout mrite devant Dieu, si l'abb du Bec n'avait reu de leur part
quelque preuve de dvouement1. Il usait de cet
ascendant pour prcher aux riches et aux nobles
des deux sexes la mortification et l'humilit. Sa
volumineuse correspondance 2 porte partout l'empreinte de cette proccupation, et lorsque la position
de ceux qui il s'adressait le permettait, il redoublait d'efforts pour les entraner embrasser la
vie monastique. Il fit parmi eux de nombreuses et
prcieuses conqutes 5 ; il y employait l'ardente charit qui l'animait et qui donnait son loquence
une force invincible 4 : Ames bien-aimes de mon
me, crivait-il deux de ses proches parents
" qu'il voulait attirer au Bec, mes yeux dsirent
1. Non fuit cornes in Anglia seu comitissa, vel ulla persona potens,
quae non judicaret se sua coram Deo merita perdidisse, etc.... Familiaris ei dehinc Anglia facta est. EADM., p. 11. On a vu plus haut
comment Guillaume le Conqurant s'adoucissait avec Anselme.
2. Il nous reste de lui quatre cent cinquante ptres o il faut
chercher la vritable clef de son caractre et de son histoire. Nous
dirons, pour cette correspondance comme pour celle de Grgoire VII,
qu'en la publiant sous une forme portative et en y ajoutant la biographie du saint par Eadmer, on rendrait l'histoire et la vrit religieuse un service essentiel.
5. V. le trsorier de Beauvais (adolescens delicatus et pulcherrimus,
valde dives et nobilissimus), dont il parle, Ep. II, 19, puis les trois
nobles dames, Basile de Gournay, Auffride sa mre, Eve de Crespin
Chron. Becc. Mams. cit. par SELDEN ap. GERBER, p. 559.
4. Voir entre autres Ep. II, 25,29, 59. Lamberto nobili viro, 40 ;
Ermengarde, dont le mari voulait se faire moine, mais qui ne voulait pas, elle, se faire religieuse.
184
s'tenbras
contempler;
ardemment
mes
vous
soupirent
lvres
embrasser,
dent
mes
pour vous
vie
de
qu'il
baisers,
reste
aprs
tout
me
ce
vos
priant
J'espre
attendre...
en
se consume vous
combien
Venez
goter
prie
esprant...
je
et
en
savoir
le
doux
le
Seigneur
est
pourrez
vous
ne
:
vivre
douceur
la
de
trouverez
tant
que vous
Soyons
dis.
je
l'exprience
de
j'ai
que
ce
que
ds prsent
donc moines ensemble, afin que,
plus qu'une
et pour toujours, nous ne fassions
Mon me est
chair, qu'un sang, qu'une me...
soude aux deux vtres : vous pouvez la briser,
mais non la sparer des vtres ; vous ne pouvez pas
non plus la disjoindre, l'entraner dans le sicle.
Il vous faut dire : ou vivre ici avec elle, ou la
briser. Mais Dieu vous prserve de faire tant
de mal une pauvre me qui ne vous en a jamais
fait et qui vous aime! Oh ! comme mon amour
me consume! Comme je voudrais faire pntrer
en vous ces paroles! Mais aucune parole ne suffit.
Que de choses je voudrais vous crire; mais le
temps me manque et je ne puis exprimer ce que
je sens. Parle-leur donc, bon Jsus, parle
leur coeur, toi qui peux seul les amener com prendre. Dis-leur de tout quitter et de te suivre.
Ne spare pas de moi ceux qui tu m'as en chan par tous les liens du sang et du coeur.
183
1. Animae dilectissimae animae meae.... concupiscunt oculi mei vultus vestros, extendunt se bracchia mea in amplexus vestros. Anhelat
ad oscula vestra os meum.... vosque non fallo, quia amicus sum, certe
nec fallo quia expertus sum.... consolidastis animam meam animabus vestris. Scindi potest, secerni jam non potest.... O quomodo inter
praecordia mea fervet amor meus ! Quomodo laborat totus erumpere
simul affectus meus !... Dic tu, o bone Jesu, cordibus eorum.... pro-
mitte illis.... nec separes a me quibus me tanto carnis et spiritus affectu junxistis.... Domine, tu testis es interius et lachrymae quae, me
hoc scribente, fluunt, testes sunt, exterius, etc. Ep. II, 28.
2. Voir les cinq lettres, 24 28, du liv. I, sur le mal de tte qu'avait Maurice, et les lettres 52 et 54 sur son rtablissement.
5. Celui-ci aussi souffrait d'une maladie analogue celle de Maurice, et dont saint Anselme donne une description dtaille et curieuse. Ep. I, 51.
4. Non sicut vulgo dici solet, quia quod longe est ab oculis longe
coeur d'Anselme
dbordait
de tendresse
pour ses amis
et
de charit
pour
ses ennemis.
186
effet,
Et,
cette
courte
Anselme.
A
Gondulphe
en
de ma
suffisante
tte
doit
salutation
paratre
en
te
celui
plus
de
dire
puis-je
lettre,
que
car que
Anselme,
Gondulphe
connat
Quand
j'aime?
et
on
ajoutait : Comment pourrai-je t'oublier? Ou blie-t-on celui qu'on a plac comme un sceau
m'apprend que
sur son coeur? Ton silence mme
lais, lu
tu m'aimes, et, de ton ct, quand je me
devines que je t'aime. Non-seulement je ne doute
pas de toi, mais, en outre, je suis certain que,
toi aussi, lu as pleine confiance en moi2... Que
pourra t'apprendre ma lettre que lu ne saches
dj, me de mon me? Descends dans les
profondeurs secrtes de ton coeur, vois quelle
est a corde.... quanto minus illa frui pro voto possum, tanto magis
desiderium ejus in veri dilectoris vestri mente fervescit. Ep. I, 66.
1. Quisquis enim bene novit Gondulphum et Anselmum, cum legit,
Gondulfo Anselmus, non ignorat quid subaudiatur, vel quantus subintelligatur affectus. Ep. I, 7.
2. Qualiter namque obliviscar tui? Te silente, ego novi quia diligis me, et me tacente, scis quia amo te. Tu mihi conscius es quia
ego non dubito de te; et ego tibi testis sum quia tu certus es de me.
Ep. I, 4.
187
188
189
1. Anima ejus anima mea est. Accipiam igitur in illo vivus qaicquid ab amicitia poteram sperare defunctus, ut sint otiosi me defuncto.... Precor et precor, et precor, memento mei, et ne obliviscaris animai Osberni dilecti mei. Quod si te nimis videor onerare, mei
obliviscere et illius memorare. Ep. I, 4.
2. Eos interiori cubiculo memoriae tuae ibi, ubi ego assiduus assideo.... colloca mecum in circuitu meo : sed animam Osberni mei,
rogo, chare mi, illam non nisi in sinu meo. Ep. I,.7.
5. 9 septembre 1087.
4. ORDER. VIT., l. VIII, p. 659 661. Dominae meae, sanctae Dei genitrici Nariae me commendo.
Anselme
est arrach
tout coup
la solitude
du cloitre
190
contre la simonie ne l'avaient point empch d'introduire dans son nouveau royaume des innovalions 3 abusives et incompatibles avec la libert de
l'glise comme avec sa mission sociale. Il avait
revendiqu le droit d'accepter ou de rejeter, selon
son bon plaisir, la nomination du pontife Tomain,
d'examiner, au pralable, toutes les lettres pontificales adresses l'glise d'Angleterre ; de sou-
191
Le roi
Guillaume
le Roux
et
Raoul Flambart
son
ministre.
192
195
15
134
Eugus le Loup,
comte
de Chester,
attire Anselme
en
Angleterre
II.
195
luit.
EADM.,
p. 54..
bantur. Ibid.
3. Ep. II. 32. 33.
196
Anselme
menacent
1.
qui
la
prils
l'arracher
aux
197
de Cantorbry 1. Pour mieux exprimer, leurs regrets, ils demandrent au roi l'autorisation de faire
prier, dans toutes les glises d'Angleterre, pour que
le Seigneur lui inspirt le choix d'un digne primat 2.
Guillaume, fort irrit, leur dit : Faites prier
tant que vous voudrez, mais soyez srs d'une
chose, c'est que toutes vos prires ne m'emp cheront pas d'en agir ma guise 3. On le prit
au mot, et les vques, que la chose regardait
tout spcialement, chargrent l'abb Anselme,
qui ne s'en souciait nullement, d'arranger ou
de rdiger les prires demandes. Il le fit de manire exciter les applaudissements de toute la
noblesse 4, et les glises retentirent bientt de ces
solennelles supplications. A ce propos, il arriva un
jour qu'un seigneur, causant en particulier avec le
roi, lui dit : Nous n'avons jamais connu d'homme
Anselme, abb du Dec. Il n'aime
aussi saint que cet
il dsire rien en ce monde. Vrai que Dieu, ne
rpondit le roi en raillant, pas mme l'ar ment?
chevchede Cantorbry ? Encore moins l'arche1. Omnes regni primores.... optimi quique uno consensu de com-
198
Maladie subite
du roi,
son repentir
et
ses vaines
promesses.
pieds
des
travaillerait
et
je
qu'il
soutiens
vous
l'obtenir;
de
chance
quelque
des
s'il
voyait
mains,
! ni lui ni perde
Lucques
le
voult
mais,
saint
par
"
de
il
n'y
le
mon
et
pas,
autre
aura
sera,
sonne
ne
moi
1.
d'autre
archevque
temps,
que
ipse nec hoc tempore nec aliis quis archiepiscopus erit, me excepto.
EADM., p. 55. Le saint Voult de Lucques tait un crucifix trs-ancien,
attribu Nicodme, et apport miraculeusement de Palestine Lucques o on le vnre encore sous le nom de Volto santo.
2. Use illum dicentem a vestigio valida infirmitas corripuit et lecto
deposuit.... onme usque ad exhalationem spiritus egit. Ibid.
3. Nihil praeter mortem ejus praestolantes.
4. lngreditur ad regem, rogatur quid consilii salubrius morientis
animai judicet.
199
200
ternelle
de
danger
mort
par
en
nous
sommes
de
libert;
sacrifice
demande
le
elle
t'altend
ta
te
;
prils
de
t'associer
de
refusant
tes
est-ce
aux
que,
strile repos1?
frres, tu resterais dans ton
A tout cela Anselme rpondait : Mais remarprie, que je suis vieux et
quez donc, je vous en
impropre tout travail... D'ailleurs, moine, j'ai
201
Anselme ! quid agis? cur me poenis jeterais cruciandum tradis? Recordare, quseso, fidelis amicitiae, etc.... Certus sum cum quod
peribo si archiep. in meo dominio tenens vilain finiero. Succurreigiturmihi, Domine Pater.:..
2. Il dit plus tard, en rappelant cette scne, que, dans ce moment,
la mort lui et sembl mille fois plus douce que l'piscopat. EADM.,
p. 56.
3. Quae verba lacrymae, et lacrymas sanguis ubertim mox e naribus illius profluens secutus ...
4. Vae ! quam cito baculus tuus confractus est. Nous avons traduit comme Fleury.
5. Virgam hue pastoralem, virgam, clamilaht, pastoralem !
1.
Anselme
est violent
pour
qu'il accepte
la
primatie
d'Angleterre.
202
Puis, saisissant le bras droit du prlat, ils rapprochrent du lit o gisait le roi, qui voulut placer la
mais,
d'Anselme;
mains
les
dans
comme ce
crosse
dernier tenait les doigts serrs de toute sa force, les
vques durent employer tant de violence pour les
ouvrir, qu'ils firent crier le patient; enfin, la crosse
fut maintenue dans la main ferme du nouvel lu,
pendant que tout le monde criait : Vive l'vque!
et que le Te Deum tait entonn 1. Ensuite le prlat
fut port dans une glise voisine, o se firent les crmonies accoutumes. Anselme protestait toujours
que tout ce qu'on faisait tait nul 2. La douleur le
rendait comme insens ; ses pleurs, ses cris, ses hurlements mme, finirent par inquiter les assistants :
pour le calmer, ils lui jetrent de l'eau bnite et lui
en firent mme avaler 3. De retour auprs du roi,
Anselme dclara qu'il ne mourrait pas de cette maladie, mais qu'en revanche il aurait rparer ce qui
venait d'tre fait par violence 4. Comme il se reti1. Episcopi vero digitos ejus strictim volae infixos erigere conali
sunt.... ipsepro sua lsesione verba dolentis ederet, tandem... clausse
manui ejus baculus appositus est, et episcoporum manibus cum eadem manu compressus atque retentus. Acclamante autem multitudine, vivat episcopus, vivat! Tous ces dtails, donns par EADMER,
p. 55-56, sont confirms par la lettre d'Osborn, moine de Cantorbry, Anselme. Ep. III, 2.
2. Kihil edt quod facitis, nihil est quod facitis. EADM.
3. Instantur lacrymae mese, et voces, et rugitus a gemitu cordis mei,
quales nunquam de me ullo dolore memini exiisse.... aqua benedicta
me aspergentes, eam mihi potandam porrexerunt. ANS., Ep. III, 1.
4. Pro hoc volonoveris quam bene corrigere poteris quod de me nunc
actum est, quia nec concessi, nec concedo ut ratum sit. EADM., 1. c.
203
rait, accompagn par les vques et par toute la noblesse, il se retourna vers eux et leur dit : Savez vous ce que vous voulez faire? Vous voulez atteler
sous le mme joug un taureau indompt et
une
pauvre vieille brebis... Et qu'en arrivera-t-il? le
taureau furieux tranera la brebis travers les
ronces et les broussailles, et la mettra
en pices
sans qu'elle ait t utile rien. L'Aptre vous
a
dit que vous tiez les laboureurs de Dieu. L'glise
est donc une charrue, et cette charrue est trane,
en Angleterre, par deux grands boeufs, le roi et Tar chevque de Cantorbry : l'un travaille pour la jus lice et la puissance sculire, l'autre pour la doc trine et la discipline. L'un des deux, Lanfranc,
est mort; il ne reste que l'indomptable taureau
avec lequel vous voulez m'alleler. Si vous n'y re noncez pas, votre joie d'aujourd'hui sera change
204
L'archevque
de Itouen
ordonne
d' Anselme
d'obir
au
dsir du roi.
lettre dans
EADM., p.
viscera mea.
2. Quia nihil in hoc mundo purius dilexi nec diligo. Ep. III, 9.
5. Dulcissimos filios ante tempus ablactatos (meos adolescentes
dico). Ep. III, 21. Voy. aussi Ep. III, 22, et la charmante lettre adres.
se ces jeunes gens. Ep. III, 17.
4. Multi propler me et fere omnes Reccum venistis. Ep. III, 7.
5. D'aprs leur lettre, Ep. III, 6, il n'tait mme pas sr que cette
majorit et t acquise.
205
.
Guillaume, Dieu m'a trop fait de mal pour que
jamais il ait lieu d'tre satisfait de moi 4.
Anselme alla trouver le prince Douvres, et,
comme condition sine qua non de son acceptation,
il exigea la restitution immdiate des biens du
1. Ep. III, 1, 7, 9, 10 et 11.
2. Multum enim nocet infirmis in Ecclesia Dei opinio alicujus vitii,
sive vera, sive falsa sit, de aliquo homine : et maxime de eo qui sic
est in Ecclesia catholica constitutus, ut et verbo et exemplo vitae aliis
debeat-et possit prodesse. Ep. III, 12.
3. EADM., p. 57.
4. Scias, o episcope, quod persanctum vultum de Luca, nunquam
me Drus bonum habebit pro malo quod mihi intulerit. Ibid.
206
207
208
mtaphysiques et de dfendre la rputation de Lanfranc et la sienne contre les imputations du sophiste Roscelin, qui prtendait les rendre tous deux
comptables de ses propres erreurs sur la Trinit 1.
L'orage qu'il avait trop bien prvu ne tarda pas
clater. Guillaume avait besoin d'argent pour faire
la guerre son frre Robert. Anselme, malgr la
misre de ses ouailles et le dsordre o il avait
trouv les biens de son glise, offrit gracieusement
un prsent de cinq cents livres d'argent. Mais des
courtisans rapaces firent entendre au roi que la
somme tait trop faible ; que le premier prlat du
royaume devait donner au moins mille ou deux mille
livres, et que, pour effrayer l'archevque et lui faire
honte, il fallait lui renvoyer son argent : ce qu'on
fit en effet. Anselme, indigne, alla trouver le roi auquel il reprsenta que mieux valait cent fois obtenir
peu d'argent, mais de bonne volont, que d'en extorquer beaucoup par violence, et il ajouta que " si,
" par affection et de plein gr, il tait prt beaucoup
" concder, jamais il n'accorderait rien qui pr" tendrait le traiter en vassal de condition servile 2.
" Garde ton argent et tes biens, et va-t-en 3 !
rpondit Guillaume furieux.
1. Voy. son Liber de Fide Trinitatis, et De Incarnatione verbi contra blasphemias Ruzelini, cap. 1 (Cf. Ep. II, 55, 41). Il commena
aussi alors le trait : Cur Deus homo.
2. Amica nempe libertateme et omnia mea ad utilitatem tuam habere
poteris, servili autem conditione nec me nec mea habebis. EADM., p. 58.
5. Sint cum jurgio tua tibi, sufficient mea mihi. Vade.
209
14
Belles paroles
de
saint Wulstan.
210
211
tenir, dit en colre: " Que t'importe cela? Ces ab" bayes ne sont-elles pas moi? Quoi ! lu fais ce que
" lu veux de les domaines, et moi je ne pourrais pas
" disposer de mes abbayes comme je l'entends1?
" Elles sont vous, rpliqua Anselme, pour que
" vous les gardiez et dfendiez, comme leur avou,
" mais non pour les envahir et les ruiner. Elles sont
" Dieu pour que ses minisires en vivent, et non
" pour dfrayer vos guerres. Vous avez assez de
domaines et de revenus pour subvenir tous vos
" besoins. Rendez, s'il vous plat, l'glise ce qui
" est elle.
Jamais,
le
dit
roi,
prdceston
!...
212
Anselme
ne veut pas
acheter
prix d'argent
la faveur
du roi.
mei...
213
vare.
2. Le dimanche de mi-carme, 11 mars 1195.
5. Eos et assistentem monachorum, clericorum, laicorum numerosam multitudinem alloquitur.
214
215
216
ordres
1.
signifi
ait
roi
le
ses
vous
et ce que
Guillaume, vque de Durham, tait le plus
acharn de tous; il s'tait fait fort, auprs du roi,
d'amener Anselme soit se dshonorer par une
honteuse soumission2, soit se dmettre de sa dignit. Le prlat insistait donc pour que l'archevque rpondt sur-le-champ, afin d'viter, disaitil, d'tre condamn comme coupable du crime de
lse-majest5. Et tous ajoutaient : " Ce que nous le
" disons-l, n'en doute pas, est chose on ne peut
plus srieuse.
ce
L'archevque leur rpondit : ce S'il existe quel" qu'un qui puisse prouver que j'aie viol mon
" serment au roi d'Angleterre, parce que je ne
" veux point renoncer l'obissance due au pon" tife romain, qu'il se montre, et il me trouvera
" prt rpondre comme je dois et o je dois.
Urbani illius qui, offenso Domino rege, nihil tibi prodesse, nec
ipso placato obesse valet, obedientiam abjice.... liber, ut arch. Cantuar. decet.... Domini Regis jussionem exspecta.
2. Rex applaudebat sibi, sperans illum vel abjurato apostolico infamem remanere in regno suo.
5. Jam nunc a vestigio ad Domini nostri dicta responde, aut sententiam tuae vindicem praesumptionis dubio procul in praesenti experiere. Nec jocum existimes esse quod agitur.
1.
217
Paroles
admirables
d'un
chevalier.
218
219
" conduite 1.
Le roi eut peur d'irriter son baronnage en insistant. Quant aux vques, leur confusion n'avait pas
de bornes. Ils taient l'objet de l'indignation uni1. Nos nunquam homines ejus fuimus.... Archiepiscopus noster est.
Christianitatem in hac terra gubernare habet, et ea re, nos qui christiani sumus ejus magisterium dum hic vivimus declinare non possumus, praesertim, etc.
Les barons
interviennent
en faveur
de
saint Anselme.
220
verselle : chacun d'eux portait un surnom injurieux : celui-ci tait appel Judas le tratre, celui-l
Pilate, un troisime Hrode 1. En fin de compte,
toutes les discussions n'ayant abouti rien, on
convint, de part et d'autre, de remettre jusqu' la
Pentecte la dcision dfinitive, toutes choses restant d'ailleurs en l'tat.
Cette situation n'tait rien moins que consolante
pour Anselme qui avait d retourner Cantorbry
o, selon l'usage, il vit infliger les plus odieux traitements aux vassaux de son glise, lesquels maudissaient l'hroque rsistance de leur pasteur 2.
Le roi fit expulser d'Angleterre le moine Raudouin,
l'ami et le conseiller intime de l'archevque, celui
qu'il avait charg de toutes les affaires sculires
dont le souci lui tait insupportable. C'tait frapper
le prlat, l'endroit le plus sensible de son me 3;
1. udires.... nunc ab isto nunc ab illo istum vel illum episcopum
aliquo cognomine cum interjectione indignantis designari, videlicet
Judae proditoris, etc.
Eadmer ajoute que, le roi ayant interrog un un les vques sur
leur renonciation l'autorit d'Anselme, il y en eut quelques-uns
qui rpondirent qu'ils n'y renonaient pas absolument et sans rserve, mais seulement en tant qu'il prtendait exercer cette autorit
sur eux, en vertu de sa soumission au Pape. Ceux-l furent disgracis et obligs de racheter la faveur du roi prix d'argent.
2. Crudeles suorum hominum oppressiones quotidie auribus ejus
insonantes.... EADM., 14. Passa est Ecclesia Cantuar. tam saevam tempestatem, ut fere universi conclamarent melius sibi absque pastore
jam olim fuisse, quam nunc sub hujusmodi pastore esse. Id., 45.
Voy. encore p. 85.
5. Rex Anselmum hoc facto atroci moeroris verbere perculit. Ibid.
221
EADMER
222
Le
roi Guillaume
envoie Rome
deux clercs
de sa chapelle.
225
EADM.,
45.
224
:
encore
" je regrette d'tre ce que je suis et de n'tre plus
" ce que j'tais. Je regrette d'tre vque, parce
" que mes pchs ne me laissent pas en remplir
" tous les devoirs.... Je succombe mon fardeau,
" car je manque de force, de science, d'habilet,
" de tout ! Je voudrais fuir ce poids insupportable :
" la crainte de Dieu seule me
retient... Nourris-
1. Sancte Paler, doleo me esse quod sum, doleo me non esse quod
fui.... Oneri cuidam Euecuuibo.... errabundus suspiro.... in naufra,;
gioposilus, si quando procellis irruentibus.... ad sinuni matris Ecclesiae confugero. Ep. III, 57.
2. GIULL. GEMETIC, VIII, 7.
5 Nihil Ecclesiarum ornamentis induisit, nihil sacris altariumva-
II.
225
sis, nihil reliquiarum capsis, nihil Evangeliorum libris auro vel argento paratis. EADM., 45.
1. Lettre d'Anselme Pascal II. Ep. III, 40.
2. Ut inde consilium de anima mea et de officio mihi injuncto acciperem. Ibid.
3. Magis illum sciamus apostolico quam apostolicum sibi in dando
consilio posse succurrere.
15
MOINES D'OCC. VII.
Guillaume
refuse
Anselme
l'autorisation
d'aller
Rome.
226
227
Les
vques anglais
abandonnent
leur
mtropolitain
II.
" lons pas manquer la fidlit que nous devons
" au roi 1.
" C'est bien, rpondit Anselme ; retournez vers
229
et
coutumes
ou
" cout 4.
Les
roboratur. Sic enim spondet homo homini. Per fidem quam debeo
Deo, fidelis tibi ero.... Ergo liquet quod eadem fides si quando contraria fidei Dei admittit, enervetur.
4. 0, o, praedicatio est quod dicit, prsedicatio est : non rei de
qua agitur ulla, quae recipienda sit a prudentibus ratio.
250
Par sa patience
et
sa fermet
Anselme
vient bout
du roi.
CHAPITRE VI
Distinction des deux puissances.
Anselme attaqu par le duc de Bourgogne.
Il est vnr dans
toute la chrtient. Le pape Urbain II dfend Anselme de
renoncer son sige. Anselme intervient auprs du pape en
faveur du roi d'Angleterre. Concile Rome et discours de Reingor, vque de Lucques. Svres paroles du pape contre les
investitures laques. Marguerite d'Ecosse y affermit le christianisme. Martyre de saint Canut en Danemark. Scandale la
cour du roi de France. Yves de Chartres fulmine contre l'archevque de Tours. Assaut et prise de Jrusalem par les Croiss.
Mort du pape Urbain II. Avnement de Pascal II. Les trois
adversaires de Guillaume le Roux. Ses violences contre Hildebert, vque du Mans. Mort tragique de Guillaume le Roux.
Anselme retourne en Angleterre o il ne trouve pas la paix. Le
roi d'Angleterre oublie ses promesses dans la prosprit. Menaces
adresses au pape par le roi d'Angleterre. Machiavlisme des
ambassadeurs d'Henri d'Angleterre Rome. Belle conduite de
l'vque Giffard. Anselme quitte l'Angleterre pour aller Rome.
Tendre sollici Il s'arrte Lyon chez l'archevque Hugues.
tude d'Anselme pour son troupeau. Ses exhortations la reine
Mathilde d'Angleterre. Rponse d'Anselme aux lettres du roi.
Anselme refuse de revenir en Angleterre. Retour du primat
aprs trois ans d'exil. Le roi dclare que nul en son royaume
Anselme partit immdiatement pour Cantorbry o, ayant rassembl ses chers moines autour
252
faisant
que son
yeux
en
de
future
libert
la
inutile
point
serait
voyage ne
l'glise 1. Aprs un touchant discours d'adieu, o
il comparait la vie religieuse la chevalerie temporelle, Anselme voulut donner tous le baiser de
paix. Cela fait, il prit sur l'autel le bourdon et la
panetire du plerin, pour aller s'embarquer
Douvres. L, une nouvelle injure l'attendait. Un
clerc, nomm Guillaume, l'arrta sur le rivage,
et, au au nom du roi, fit fouiller devant lui les
malles de l'archevque, pour s'assurer s'il n'emportait pas d'argent. On ne trouva rien : le fisc royal ne
recueillit que les maldictions de la foule indigne 2. Le roi s'en ddommagea en faisant saisir
aussitt tous les domaines de l'archevch, qui fu
rent exploits son profits.
1. Sperans in respectum misericordis Dei iter meum libertati Ecclesiae futuris temporibus non nihil profuturum. EADM., 18.
2. In littore detinuit.... Allatae ante illum bulgiae et manticae re-
crante.
5. Veut-on savoir comment les philosophes de nos jours jugent ces
luttes? Qu'on coule M. Franck qui, dans l'ouvrage dj cit, se croit
oblig d'excuser Anselme de sa rvolte contre le roi : car c'est l ce
que les protestants et les rationalistes nomment rvolte. Il dit que
cette rvolte tait beaucoup moins la faute personnelle d'Anselme que
celle de son poque, et que, comme toutes les collisions tragiques de
ce genre, elle ne doit pas tre juge d'aprs les lois de la moralit
ordinaire. DIE GEWOHNLICHE HORALISCHE MAASTAB REICHT HIER NICHT AUS,
p. 75. C'est toujours la mme prtention chez ces docteurs de libert
II.
253
et d'galit, celle de crer, pour les grands hommes et les grands vnements, une morale exceptionnelle, thorie que confondent galement et les doctrines et a conduite des grands hommes du catholicisme,
1. Videres ergo viros et mulieres, magnos et parvos, a domibus ruere
certatimque currendo.... Fama viri celerius praecurrebat et multiplici populos vo e replebat. Unde turbarum concursus, clericorum
coe us, monachorum exercitus, isti gaudio et exultatione concrepantes, illi vexillis et sonoris concentibus conjubilantes. EADM., 19, 49.
Saint Anselme
est attaqu
par le duc
de Bourgogne.
234
plerins
255
o le saint abb Hugues et son arme de moines le reurent avec bonheur. Il y passa les ftes de
Nol
256
Anselme
tait vnr
dans toute
la chrtient.
257
En ces occurrences, Anselme rabattait le capuchon de son froc sur sa tte et gardait le silence 1.
Mais le regard doux et fort, qui avait vaincu le sauvage duc de Bourgogne, rvlait aux trangers
le grand serviteur de Dieu, et, dans les auberges
italiennes, les hommes et les femmes, aprs avoir
examin le voyageur inconnu, se mettaient genoux et lui demandaient sa bndiction2.
Arriv Rome, le pape reut le primat au Latran, entour de la noblesse romaine : il l'embrassa, au milieu des acclamations de toute la cour
pontificale 5, et, prenant la parole, il fit un magnifique loge du prlat, dclarant qu'il regardait
comme son matre par la science, presque comme
son gal par la dignit, ce patriarche d'une le
lointaine 4, qui s'tait exil pour conserver la
fidlit due saint Pierre 5. Aprs avoir recueilli
les rcits d'Anselme, le souverain pontife crivit
1. Fratres, obsecro vos, vivit ille adhuc, ille Dei et omnium bonorum amicus Anselmus.... et ut valeat oro. Haec de se Anselmus dici
audiens, infestim tecto cuculae suae capitio capite, demisso vultu sedebat. EADM., 20.
2. Ecce solus Anselmi aspectus in admirationem sui populos excitabat, eumque esse virum vitae designabat.... Viri cum mulieribus
258
II.
priait
le
il
o
et
lettre
d'Angleterre
roi
une
au
mme lui commandait de rparer le mal commis 1.
L'archevque ne sjourna que dix jours au Latran ; le mauvais air de Rome le fora d'aller attendre la rponse de Guillaume dans une abbaye
de l'Apulie, prs de Tlse, que dirigeait un ancien
moine du Bec 2. tabli dans un domaine appel
Schlavia et situ sur le sommet d'une montagne,
Anselme s'y plut tellement, qu'il s'cria : " Voici
le lieu de mon repos 3. Il y reprit aussitt ses
anciennes habitudes monastiques, ses anciens
travaux, et y acheva un trait d'une remarquable
profondeur sur les motifs de l'incarnation dice
vine 4.
Cependant les Normands, dont quelques-uns
avaient t ses compagnons au Bec, ne le laissrent
pas longtemps en repos : le duc Roger, dont les
troupes assigeaient Capoue, supplia le saint de le
venir visiter afin de l'aider marcher d'un pas
plus ferme dans la voie du salut. Suivi de tous ses
chevaliers, le prince se rendit au-devant du prlat,
l'embrassa tendrement et lui fit dresser des tentes
quelque distance du gros de l'arme, non loin
1. Movet, hortatur, imperat.
2. Jean, abb de S. Salvatore. Tlse est entre Rnvent et Capoue.
5. Haec requies mea, hic habitabo.
4. C'est le trait intitul Cur Deus romo, qu'il avait commenc en
Angleterre.
259
prent point eux-mmes la sduction qu'exeraient les vertus du saint. Quand il passait dans
leur camp, les infidles lui baisaient les mains,
genoux, et appelaient les bndictions d'en haut
sur sa tte.
Cependant Guillaume le Roux, loin de cder aux
injonctions du pape, cherchait toujours, par ses
lettres et ses prsents, indisposer contre Anselmelc
souverain pontife et surtout le duc Roger. Mais
1. Cupiens.... per eum bis quae saluti suae adminiculari poterant
informari.... Adhuc longe eramus; ecce Dux ipse copiosa militum
multitudine seplus patri occurrit ac in oscula ruens.... Ducem ipsum
EADM., 51
t 21.
2. Nec facile quivis declinaret ad Papam qui non diverteret ad Anselmum.... Mira et qua; cunctos demulcebat pura cum simplicitate
humilitas. Multi ergo quos timor probibebat ad Papam accedere,
estinabant ad Anselmum venire, amore ducti qui nescit timere.
240
paumanger
ne
vret. Les dernires nouvelles d'Angleterre, en lui
apprenant les nouvelles impits et les atroces
cruauts commises par le roi, avaient redoubl son
dsir de renoncer au sige de Cantorbry et la
primalie d'Angleterre, o personne, except quel-
I.c
pape Urbain
dfend
A Anselme
de
renoncer
son sige.
1. Quomodo nullus, exceptis aliquibus monacbis cum gratia fructicandi Deum audiret. Eadmer raconte plusieurs traits infmes de
Guillaume. M. Thierry en reproduit un dans son Histoire de la conqute des Normands, t. III, p. 550, o il n'a d'ailleurs pas trouv de
place pour un seul mot sur les preuves d'Anselme et de l'glise.
241
Ce concile, en effet, s'assembla le 1er octobre 1098. Cent quatre-vingt-cinq vques y assistrent en chape, sous la prsidence du pape qui
seul tait revtu del chasuble et du pallium. Anselme, qui le souverain pontife n'avait point song
en prenant sance, tait all se placer, avec son humilit accoutume, parmi les autres prlats 2. On
commena par discuter, avec les vques grecs, la
question de la procession du Saint-Esprit. Comme la
dispute s'chauffait, et que la question devenait de
Diusenplus confuse, le pape, qui dj s'tait servi de
"
10 Episcopum
VII.
242
ce
ce
243
ce
Anselme
intervient
auprs du pape
en faveur
du
roi d'Angleterre.
244
II.
245
Concile de Rorne
et
discours de
Reinger, vque
de Lucques.
210
il s'cria :
frdonc,
faisons-nous
Mais
mes
que
enfants
des
conseils
les
prodiguons
res?
nous
crimes
des
les
taisons
dociles,
et
sur
nous nous
pillages,
mais
leurs
leurs
oppressions
sige
et
le sait,
monde
le
rsulte-t-il?
Rien;
tout
qu'en
vois-je
dans
En
gmil.
moment
pas,
et
ne
ce
en
assis
modestement
homme
assemble,
cette
un
dont
la
crie,
silence
le
dont
parmi
et
panous
rectio. EADM.,
GUILL. MALMESB.
11.
247
des prlats,
soit-il 2!
Le lendemain de la clture de l'assemble, An-
1. Et equidem expedit, nam aliter Eum qui justa judicat non transibit.
2. Execrabile videri manus quae in tantam eminentiam excreverint
ut.... Deum euneta creantem creent.... ut ancillae fiant earum manuum quae die ac nocte obscoenis contagiis inquinantur.... His ab
universis fit, fit, aeclamari audivimus. EADM. Cf. ROGER HOVED, ad
ami. 1099.
Sdvres paroles
du pape
au sujet de
l'investiture
laque.
248
cette
que
cun
retrempait son courage et son gnie.
Urbain mourut avant l'expiration du dlai qu'il
avait accord Guillaume le Roux. Auprs d'autres rois du Nord il trouva plus de consolations.
En Irlande, les relations entames par Lanfranc
1. Vane nos ibi consilium nibil auxilium operiri intelleximus....
Kihil judicii vel subvenlionis, prseterquam quod diximus, per romanum praesulem nacti. EADM. 55 Guillaume de Nalmesbury accuse
directement le pape de s'tre laiss gagner par les prsents du roi ;
mais Eadmer, qui crivait sur les lieux mmes, et qui ne reculait
devant aucune vrit, n'accuse que des individus de sa cour. Baronius et Mbler ont justifi victorieusement Urbain de ces re-
proches.
2. GUILL. MALMESB., de Gest. Pontif., I, 229. Anselme passa prs
de deux ans Lyon, trait par l'archevque non pas en hte, sed sicut indigena et vere loci dominus. Il y reprit ses travaux philosophiques et y crivit les deux traits De conceptu virginali et De
humana redemptione. EADM.,55 et 22.
249
irlandais, nomm Patrice comme le premier aptre de sa patrie, et sacr vque Cantorbry,
fut le principal instrument de ce retour l'Unit.
Pendant qu'au midi de la grande le de Bretagne, le roi normand foulait aux pieds les droits
du peuple et de l'Eglise, au nord, en Ecosse, une
sainte et royale femme, Marguerite, issue de l'antique race des princes Saxons et ramene du fond
de la Hongrie o sa famille avait t exile, pour
devenir la femme du roi Malcolm III, s'occupait
d'achever la conversion de ce royaume encore
moiti sauvage, par l'influence de ses vertus et
1. Voy. ses belles ptres dans BARONIUS, ad ann. 1090. Il n'y est
pas dit un mot du pape ni de la royaut normande, ce qui n'empche
pas M. Thierry de les traduire ainsi :
Lan Aprs la conqute de l'Angleterre, les intrigues du primat
franc, homme dvou l'agrandissement simultan de la puissance
chose.
Marguerite,
reine d'Ecosse,
y affermit
la civilisation
chrtienne.
250
11.
251
Martyre
de saint Canut
en
Danemark.
232
II.
gleterre o ses anctres avaient dtruit tant de monastres et gorg tant de religieux.
Aprs la mort de Canut, une vaste abbaye, fonde sur sa tombe o de nombreux miracles ne
cessaient de se produire, permit aux Danois end'admirer
connatre
de
et
barbares
demi
core
les enfants de saint Benot 1. Ainsi le sang du royal
martyr cimentait le triomphe du Christ dans la
patrie de ces mmes Normands, qui, pendant tant
d'annes, avaient t les plus terribles flaux de
la chrtient. Un peu plus tard, Magnus, fils du
roi Olas de Norvge, y fondait les premiers vchs et les premiers monastres2. Le successeur
de saint Canut, ric II, jaloux d'affranchir le nouveau royaume chrtien de la juridiction du mtropolitain de Hambourg, grand fauteur du schisme
imprialiste, alla lui-mme Rome solliciter du
pape Urbain l'rection d'une mtropole en Danemark 3. Le pape lui promit d'exaucer ses voeux ; et,
1. Primus enim ritus gentis suae.... correxit, et metropolitanas sedes et episcopales construxit.... monachos qui prius invisi et incogniti Danis erant, accersiit et opportunae babitationis locum in regno
suo liberaliter eis delegavit.... Grande coenobium monachorum constructum est et monasticus ordo, sicut in Anglia apud Eveshannium
servatur, regulariter constitutus est. Inde nimirum primi monachi
Danos adierunt, et coenpbiale Jus, barbaris mirantibus, diligenter ostenderunt. ORDER. VIT., l. VII, p. 650.
2. Episcopatus et c oenobia monachorum, quae antecessores ejus non
noverant. ORDER. VIT., l. X, p. 767.
3. Patriam ac domestica sacra saxonica pnelatione liberare petivit. SAXO GRAMMAT., 1. XII. Ce voyage eut lieu aprs 1095, selon
PAGI, Crit. in Baron., ad ann. 1092.
255
254
glise romaine s'appliquassent, en mdecins exp riments, gurir les grands maux, et ne fissent
pas dire par leurs ennemis : Vous vous arrtez
au moucheron et vous avalez le chameau3; nous
voyons, en effet, les plus grands crimes ouvertecommis dans le monde, mais nous ne vous
ce ment
voyons pas employer la faux de la justice pour
les retrancher. Un pareil reproche ne pouvait
certes pas s'appliquer l'archevque Hugues qui s'1. Ep. 60, d. Juret et Souchet. 1645.
2. En mars 1098. PAGI, Crit. ad ann. 1099, c. .
5. Baronius se dclare contre Hugues de la faon la plus pronon
ce. Ad ann. 1099.
4. Culicem excolantes et camelum glutientes. MATIH., XXIII, 21.
255
tait distingu par son zle promulguer l'excommunication contre l'Empereur et contre le roi des
Franais. Mais, chose grave, c'tait la justification des investitures royales, qu'Yves proclamait
dans les paroles que voici 1 : Le pape Urbain, si
bien compris sa pense, n'exclut les rois
nous avons
de l'investiture corporelle, non de l'lection
que
chefs du peuple, ou par droit de
en tant que
cession 2. Et qu'importe que cette cession se fasse
Le lgat dut transmettre ces tranges dclarations au pape, qui manifesta beaucoup d'indignation
256
de
l'piscopat
prfrerais
je
que
renoncer
et
m'exposer vos reproches, justes ou injustes.
recevez-la : S'il
suffit,
satisfaction
Si
cette
vous
dois
faire
je
dites
d'autres,
faut
que
ce
vous en
serviteur,
d'tre
si
je
Que
votre
plus.
de
cesse
fils1...
d'tre
moins
votre
je
pas
au
cesse
ne
que
autorisation,
je
defaire
je
Ce
votre
avec
que veux
moi.
Cette inimiti avait pris naissance depuis la rechute de Philippe dont l'vque avait si vigoureusement poursuivi l'adultre. Le monarque avait en
effet rappel prs de lui cette mme Berlrade enleve son mari, le comte Foulques d'Anjou, alors
257
17
Scandale
la cour
du
roi de France.
258
Yves de Chartres
dnonce
l'archevque
de Tours.
259
260
Jrusalem
affranchirez
le
deux
tombeau
1,
vous
261
l.
GUILL. TYR., 1.
IX, c. 9.
et prise
de
Assaut
Jrusalem
par les croiss
262
Mort du pape
Urbain II.
forme liturgique, l'loignement de l'Occident victorieux pour tout ce qui tenait l'glise dgnre
de l'Orient 1.
Aprs avoir assist l'lection qui fit de Daimbert, archevque de Pise et lgat d'Urbain II, le
premier patriarche latin de Jrusalem, Godefroy
de Bouillon voulut recevoir de ce prlat l'investiture de son nouveau royaume. Rien, assurment,
ne pouvait mieux dmontrer combien le nouveau
roi catholique tait revenu des opinions qui l'avaient
autrefois conduit dans les rangs des champions de
l'imprialisme.
Urbain II alla rendre compte Celui dont il tait le
vicaire sur la terre, quinze jours aprs le glorieux
accomplissement de l'oeuvre qu'il avait prche
Clermont. Il mourut, non dans l'exil comme
Grgoire VII, mais au sein d'une double victoire. Le
successeur de.saint Pierre tait rentr dans Rome
en mme temps que la Croix dans Jrusalem. Le
1. C'est ce qui a t parfaitement compris par M. Didion, en ce qui
touche aux arts : On croit, dit-il, mais c'est une grave erreur, que
les croiss ont rapport en Europe et en France les arts de l'Orient:
c'est le contraire exactement qui est la vrit. Il n'y a pas en France
une seule glise que les croiss aient btie dans le style ou sur le plan
des glises d'Orient; en Grce au contraire, Mistra, Chalcis, les
croiss champenois, devenus seigneurs de More, etc., ont bti des
glises franaises et champenoises.... Jrusalem, les croiss ont rebti le Saint-Spulcre en ogive, absolument comme s'ils eussent t en
France.... Loin d'emprunter l'Orient un systme musical, les croiss avaient port le leur jusque sur la pierre du Saint-Spulcre, sur
le tombeau mme de Jsus-Christ. Nous avons tout donn l'Orient,
et nous n'en avons rien reu. DIDRON, Annal, archol., t. V, p. 77-79.
265
264
aux talents.
Ce fut encore un moine, et un moine de Cluny
qu'on lui donna pour successeur. Trois papes 2,
du mme ordre,tels que Hildebrand, Didier du MontCassin, et Odon de Cluny, devaient naturellement
encourager les cardinaux 3 faire un quatrime
choix dans les rangs monastiques. Ce choix s'arrta
sur le Toscan Rgnier, qui, aprs avoir embrass la
vie religieuse Cluny, sous la crosse de saint Hugues, en avait t retir par Grgoire VII, tait
devenu cardinal, et plus tard abb du monastre des
Saints-Laurent et Etienne hors des murs de Rome.
1.
265
prit 1.
MARILL.,
Ann.,
1.
c.
Avnement
du
moine cluniste
Pascal II.
266
II.
exil
de
qu'il
rcompense
votre
en vous ouvous
patrie
1.
l'ternelle
les
de
portes
vrant
l. c.
267
et
PAGI,
1100, c. 7.
5. Ferreus ille Yvonis animus.
Ibid.
Les
trois adversaires
de
Guillaume
le Roux.
268
nouveau
lui rpondait que, sous plusieurs rapports, il ressemblait Anselme : Par le voult-Dieu, reprit le
Mais
rien.
ainsi,
il
s'il
prince,
vaut
est
ne
en
bien
jure
je
m'importe,
que, cette
car
peu
moi.
point
primatie
fois,
psera
sur
ne
sa
bien
je
Je
suis
libre
maintenant,
compte
et
il
agir comme il me plaira 1. Et, en effet,
ne voulut pas reconnatre le nouveau pape et
continua d'opprimer l'glise et son peuple.
Dans une expdition contre son vassal Hlie de
la Flche, comte du Mans, lequel tait un
chevalier aussi pieux et charitable que brave,
et aussi aim de ses sujets que le roi Roux tait
ha des siens2, Guillaume, ayant pris et brl le
1. Et Dei odium habeat qui inde curat. Ille vero qui modo est Papa,
cujusmodi est?... Per vultum Dei, si talis est, non valet.... Ego intrim libertate potitus agam quodlibet. EADMER, Hist. novorum,
l. I, p. 56,
2. ORDER. VIT., 1. X, p. 769 et 774. Ordric ajoute qu'il tait : instar
presbyteri bene tonsus, ce qui indiquait la rgularit des moeurs.
V. Opera S. ANSELMI,
CARNOT., ORDER. et passim.
YVON.
269
Guillaume
le Roux
et ses violences
contre
l'evque du Mans.
270
malgr les canons de l'glise, et, pour l'y contraindre, il le tint enferm datas un cachot, les
pieds elles mains enchans, pendant plus d'unan 1.
Ce dernier forfait combla la mesure : la justice de
Dieu allait frapper : les peuples, clairs par les
mystrieuses lueurs de la foi, prouvaient un frmissement prophtique, avant-coureur de leur dlivrance. Un moine 2 de Glocester vil en songe le Seigneur assis sur son trne de gloire au milieu de la
milice cleste; ses pieds tait prosterne une vierge
d'une clatante beaut, qui disait: 0 loi qui es
mort sur la croix pour le salut du genre humain,
regarde avec clmence ton peuple cras sous le
joug de Guillaume. 0 vengeur de tous les crimes,
venge-moi de Guillaume, et arrache-moi des
mains qui m'ont indignement tourmente et
souille. Et le Seigneur rpondait : Patiente
encore un peu, la vengeance est proche et sera
complte 5. A ces mots, le moine se rveilla,
tout tremblant, mais convaincu que la vierge reprsentait la sainte glise, et que Dieu s'apprtait
punir le roi de ses excs. Instruit de ce qui venait
de se passer, l'abb Serlon en crivit immdiatement
Ep. 74. BARON, ad ann. 1107. PAGI, Crit. in eumd.
BEAUGENDRE, Vita Hildeb., XIX.
2. Bonae famis, sed melioris vitae. ORDER. VIT., l. IX, 781.
5. Splendidissima virgo.... Scelerum vindex omniumque judex justissime, de Guillelmo, precor, vindica me.... Patienter tolera, paulisper exspecta. Ib.
1.
YVO CARNOT.
271
son
la colre divine est tendu contre les mchants;
dj la flche est sortie du carquois : elle part,
elle va frapper 2 !
Le lendemain du jour o le moine Foucher prchait de la sorte, une flche lance par une main
272
Mort
tragique
de Guillaume
le Roux.
II.
ide
de
l'trange
avoir
abb,
croyais
a pu
un sage
les ende
rveries
de
telles
et
me
raconter
me
prend-il
donc
Me
crit!
loin
si
de
pour
par
voyer
un autre jour
Anglais
qui
de
remettent
l'un
ces
qu'une
vieille
affaires
leurs
leurs
et
parce
voyages
ternu
rv
1?
prcdente,
la
nuit
femme,
ou
a
celle de Gauthier, soit celle d'un autre, vint lui traverser la poitrine 2. Le corps du prince, plac sur
une voilure de charbonnier, d'o le sang dgouttait
sur la route, fut transport Winchester; mais les
cloches des glises, qui annoncent les obsques du
plus infime des chrtiens, du dernier des mendiants,
ne sonnrent point pour le monarque, et de tous
les trsors qu'il avait amoncels, aux dpens de son
pauvre peuple, il ne fut pas employ une obole poulie salut de son me 5. Lorsque cet acte terrible de la
1. Rex in cachinnum resolutus est.... Miror unde Domino meo Serloni talia narrandi voluntas exorta est.... Ex nimia simplicitate mihi....
somnia sternutantium retulit.... Kum prosequi me ritum autumat
Anglorum qui pro sternutatione vel somnio vetularum.... bis dictis
celer surrexit et cornipedem ascendens in sylvam festinavit. Ibid.
2. Trabe, trahe arcum, ex parte diabolo HENRIC. KNYGHTON, p. 2373,
ap. THIERRY, II, 540. L'abb Suger rapporte que Tyrrel, qui passait
pour l'auteur de cette mort, lui avait souvent jur qu'il n'avait mme
pas aperu Je roi dans la fort. Vit. Lud., passim ap. SELDEN, not., in
EADMER, p. 190.
5. Cruore undatim per totam viam stillante. WILL. MALM., 126,
p.
sp.
II.
275
justice divine s'accomplit, Anselme visitait plusieurs monastres de la Bourgogne et de l'Auvergne. A Marcigny, le saint abb Hugues de Cluny lui
raconta que, la nuit prcdente, dans un rve, il
avait vu le roi Guillaume comparatre, comme
accus, devant le tribunal de Dieu, o il avait t
jug et condamn 1. A la Chaise-Dieu, l'archevque
apprit la mort du roi : il pleura beaucoup, et d'une
voix entrecoupe de sanglots il dclara qu'il aurait mille fois prfr mourir lui-mme que voir
le roi prir de cette faon 2.
Cependant, bientt arrivrent des messagers de
la part du nouveau roi d'Angleterre et de ses barons, qui suppliaient Anselme de revenir au plus
vite, lui dclarant que toutes les affaires du
royaume souffraient de son absence 5.
Henri, frre puin de Guillaume, s'tait ht de
s'asseoir sur le trne paternel, au dtriment de son
veluti ferocem aprum venabulis confossum,.... detulerunt. Signa etiam pro illo in quibusdam ecclesiis non sonuerunt,
quae pro infimis pauperibus et mulierculis crebro diutissime pulsata
sunt. ORD., 1. c.
1. Intulit testimonio veritatis proxime praeterita nocte regem ante
thronum Dei accusatum, judicatum, sententiamque damnationis in
eum promulgalam. EADM., 25.
2. At ille singullu verba ejus interrumpehte, asseruit quod.,.. multum magis eligeret seipsum corpore, quam illum sicut erat mortuum
THIERRY. Regem
esse.
5. Omnia negotia regni ad audientiam et dispositionem ipsius referons pendere dilata. EADM., 57. Y. in Epist. ANS. III, .41, la lettre
274
Anselme
retourne
en Angleterre
et
n'y trouve pas
la paix.
275-
Je suis sorti,
lui avait-il dit, pour l'amour de Dieu et l'hon
l'glise,
de
je n'y rentrerai jamais pour
neur
cause 2.
une autre
Ds sou arrive en Angleterre5, et le jour mme
de sa premire entrevue avec le roi, Anselme dclara qu'il ne se soumettrait plus l'investiture et
l'hommage qu'antrieurement Guillaume lui avait
imposs, et il justifia son refus en communiquant
au roi ls dcrets prohibitifs qu'avait rendus le concile de Rome, en sa prsence, l'anne prcdente.
Si le Seigneur roi ne les accepte pas, ajoutait le
primat, il n'y aura ni avantage ni honneur pour
276
II.
277
inter
Ibid.
3. Divers passages d'Ordric Vital (surtout ). III, p. 125, ed. Le
Le
roi i'AiiSlclerre
oublie dans
la prosprit
ses
serments
et
ses promesses.
278
l'ind
ncessaire
c'tait
plutt
retour
un
ou
pendance primitive de l'glise, trop longtemps
mconnue, surtout en Angleterre o la prpondloi
de
force
acquis
avait
abusive
de
la
royaut
rance
depuis un temps immmorial.
Anselme avait reu pour mission d'achever, en
Angleterre, l'oeuvre entreprise, dans l'glise universelle, par saint Grgoire VII. La rponse du pape
iPascal la premire consultation du roi, aprs le
retour de l'archevque, avait t dcisive. Voici ce
qu'il disait : Le Seigneur a tenu le langage
la
Ego
c'est
moi
qui
suis
suivant
porte
sum
:
:
l'glise
glise,
qui
dans
entreront
ceux
par eux
279
affaiblirez votre autorit; loin de l, celte auto rite n'en acquerra que plus de vigueur, de respect
lorsque le Seigneur Jsus rgnera
et de gloire,
dans votre royaume1.
Mais, tentatives vaines ! le roi n'en persista pas
moins rclamer d'Anselme soit l'hommage, soit
la conscration des voques qu'il avait investis, sous
peine de sortir du royaume : Je n'ai souci de
ce qu'on pense Rome des protestations d'An selme, rpondit le monarque. On ne me fera pas
renoncer aux us de mes prdcesseurs, et je ne
souffrirai personne dans mon royaume qui ne
dpende de moi 2. Malheureusement, parmi
les vques anglais, c'tait qui se prterait le
plus servilement aux volonts du roi 5. Anselme
lui dclara formellement qu'il ne sortirait point du
royaume et qu'il attendrait qu'on lui vnt faire
violence dans son glise.
En une telle occurrence, on convint d'envoyer
Menaces
Rome une nouvelle ambassade compose de person- adressesaupape
par
Henri d'Anglequ'Anconsidrables,
notifier
nages
au pape
pour
terre.
selme serait exil et l'Angleterre soustraite l'obis
280
mainpoint
n'tait
si
le
pontificale,
statu
quo
sance
moines
de
deux
chargea
L'archevque
ses
tenu.
de le reprsenter, et le roi confia ses intrts trois
voques 1. L'un de ces derniers put apprcier, ses
le
profonde
impression
quelle
dpens,
prepropres
mier exil du primat avait laisse en France, mme
parmi les moines les plus trangers aux vnements
du monde, car, ayant t arrt, en traversant le
Lyonnais, et dpouill par un seigneur pillard nomm Guy, celui-ci ne consentit le relcher qu'aprs
avoir obtenu de lui, sous la foi du serment, la promesse expresse qu'il ne ferait rien Rome contre
l'honneur ou l'intrt de l'archevque Anselme 2.
Le pape, on le pense bien, n'accueillit point la
requte des vques, et repoussa avec indignation la
proposition qu'on lui faisait de sacrifier les dcrets
des saints pres aux menaces d'un homme 5. C'est
dans ce sens que fut rdige la rponse adresse au
prince et l'archevque de Cantorbry 4. Dans la lettre
ce dernier, le saint-pre rappelait que, pendant le
concile qu'il venait de tenir au Latran, il avait renouvel les anciens dcrets ports contre l'investiture et les hommages rendus aux souverains, et il
ajoutait en terminant : Grce Dieu, l'autorit
1. L'archevque d'York, et les vques de Norwich et de Chester.
2. GRILL. MALMESB., 1 c; EADMER, 61.
5. Decreta, dicens indignando, et institutiones sanctorum patrum
minis actus unius hominis dissiparem ! EADM.
4. V. sa lettre au roi ap. EADM., 61.
281
te semper episcopalis auctoritas perseverat.... Eumdem enim cum patribus nostris spiritum habentes credimus, propter quod et loquimur. Et verbum quidem Dei non est alligatum. Ass. Ep. III, 44, du 15 avril 1102.
2. Si vultsuse videantur; meoe hac vice non videbuntur, etc.
5. Outre la lettre dont nous venons de donner un passage, Anselme
en produisit une autre, du 12 dcembre 1101, exactement cite par
EADMER, O Pascal lui rappelait la condamnation des investitures
au
282
Machiavlisme
des
ambassadeurs
envoys Rome
par le roi.
ambassadeurs
du
les
trois
l'effet,
dtruire
pour en
roi dclarrent, sur leur parole d'vques, que le
saint-pre les avait chargs, de vive voix et en secret,
de dire au roi que, tant qu'il vivrait en bon prince,
il n'et pas s'inquiter des investitures, et que,
si celte concession n'avait pas t accorde par crit,
c'tait uniquement pour que d'autres princes n'eussent pas la tentation d'usurper le mme privilge 1.
Le moine Baudouin, l'envoy d'Anselme, toujours
zl et courageux 2, nia formellement que le pape et
parl autrement qu'il n'avait crit. Les barons
283
Vous tes,
1. Ast hoc negotium seculare non est.... Et quidem te virum prudentem et strenuum scimus, sed ipse ordo expostulat.... Vas, vae,
nonne et Evangelia pellibus ovinis inscribuntur !
284
II.
de vnraUrbain,
seigneur
le
Rome,
concile
de
les laques,
rois
les
excommunier
et
mmoire,
ble
l'investiture
des
donneraient
qui
exception,
sans
mains.
leurs
de
recevraient
qui
la
glises,
et
ceux
l'Angleterre de
dispenser
Saintet
Votre
Daigne
puisse y deje
afin
excommunication,
que
cette
bien
me,
pril
ou
me
mon
pour
meurer sans
maintenir,
quoi
la
voulez
dire
faire
vous
que
arriver
1.
qu'il
puisse
en
285
L'archevque avait promis, pendantla trve rendue ncessaire par la nouvelle mission Rome, de
ne pas excommunier ceux que le roi investirait des
vchs, mais aussi de ne les point sacrer. Henri
s'empressa de confrer l'piscopat son chancelier
et son lardier, ou garde-magasin1. Sur le refus
d'Anselme, le roi voulut les faire sacrer par l'archevque d'York, en mme temps que Guillaume Giffard, nomm prcdemment Winchester et acautres crivains de son bord, ont plaisant sur l'importance attache
par Anselme, pendant, toute sa vie, aux prohibitions contre les crinili ou jeunes gens longue chevelure ; ils ont affect de mconnatre la cause qui faisait alors de ce genre de coiffure le signe des excs les plus monstrueux. V. ORDER. VIT., 1. VIII, p. 682. Ceux qui
ont t de nos jours en Orient savent quoi s'en tenir. Plusieurs auIres vques illustres et sortis des rangs monastiques, se signalrent, comme Anselme, par leur zle contre les criniti. Godefroi, vque d'Amiens, clbrant la fte de Nol Saint-Omer, et rejetant les
offrandes de ceux qui taient intonsi, porta le comte de Flandre et
ses chevaliers se couper les cheveux avec leurs pes et leurs poignards, faute de ciseaux. Serlon, vque de Sez, aprs avoir t
abb de Saint-Evroul, prchant pour la fte de Pques Carentan, o
le roi Henri 1er salis humiliter inter cistas rusticorum in imo loco
sedebal, tira tout coup des ciseaux de son manteau et coupa les cheveux du roi et des seigneurs qui l'accompagnaient. Son sermon ce
sujet est cit par OEDEMC VITAL, 1. XI, p. 816. n en voulait encore
plus la barbe qu'aux cheveux : In barba prolixa, disait-il des lgants de son temps, hircis assimilantur.... In nutrimento autem comarum mulierum sequaces oestimantur. Barbas suas radere devilant, ne pilisuas in osculis arnicas proecisi pungant.
1. Larderarium. Ce lardier, comme le chancelier, s'appelait Roger. Le premier, nomm Hereford, mourut immdiatement aprs
son lvation et fut remplac par Reinalin, chancelier de la reine,
qui, voyant qu'Anselme ne voulait pas le sacrer, renvoya sa crosse au
roi, qui le punit de sa noble conduite en le faisant chasser de la
cour.
II.
cept par le clerg mtropolitain. La crmonie
venait de commencer, lorsque Giffard, qui l'iniquit faisait horreur 1, dclara qu'il tait prt
tout subir plutt que de se prter une telle profanation. La multitude qui remplissait l'glise s'cria d'une voix. unanime que Guillaume Giffard
tait vraiment un homme de bien, tandis que ses
confrres leur semblaient non des vques, mais
des prvaricateurs 2.
Les vques, ples d'effroi et tout confus,
s'en allrent dnoncer au roi le digne prtre 3.
Guillaume dut comparatre devant le prince.
Debout, seul, parmi les courtisans dont les menaces
et les injures arrivaient jusqu' lui, il resta inbranlable. Dpouill de tout ce qu'il possdait, il
fut expuls du royaume 4. Anselme intercda, mais
en vain, pour le condamn dont il allait bientt
lui-mme subir le sort. Le primat, du reste, ne fit
entendre aucune plainte : crivant une abbesse
du mme diocse que le courageux exil, il disait :
Il est plus glorieux pour lui, devant Dieu et devant
les gens de bien, d'tre ainsi spoli et proscrit
pour la justice, que d'tre dot, par les mains
286
Belle
conduite
de
l'voque Giffard.
287
ment2?
Anselme, de son ct, refusa d'ouvrir les lettres de Rome, sans le concours du roi, afin que celui-ci ne l'accust point de les avoir altres. Tous
deux, d'ailleurs, en savaient d'avance le contenu.
La difficult semblait donc inextricable. Les discussions recommenaient avec plus de vhmence
que jamais; les hauts barons du royaume, les principaux conseillers du roi, pleuraient la pense
et exultent amici ejus, etc. Ep- III, 70. V. encore l'ptre III, 105, Guillaume, pour l'exhorter persvrer dans
la bonne voie : Vos scitis quia Dominus reprobat consilia principum ;
consilium autem Domini manet in seternum.
2. Quid mihi de meis cum Papa? Haec si quis mihi aufrre voluerit, quod inimicus meus sit, omnis qui me diligit certissime noverit. Anselme rpondait : Nihil eorum quae ipsius esse scio ipsi tollo
aut tollere volo. Yerumtamen noverit quod nec pro redemptione capitis mei consentiam ei de lis quae prsesens audivi in Romano concilie
prohiberi, nisi abeadem sede, etc.... EADM., 65.
1. Gaudeant igitur
288
ardeur.
priaient
pieux
coup
avec
gens
Rome
lui-mme
l'envoyer
de
Anselme
proposa
applaudit
viparlement
litige.
Le
terminer
le
pour
vement cette ide. Mais l'archevque comprit tout
de suite que c'tait un dtour pour le faire sortir du
royaume 1. Il accepta nanmoins, malgr sa faiblesse et son grand ge, car il avait alors soixantedix ans, et il dit ses familiers : Soyez bien
jusqu'au
je
arriver
si
jepuis
certains
pape,
ne
que,
contraire
honneur
ni
rien
de
conseillerai
mon
glises
des
2.
libert
la
289
l't passes, le primat s'achemina vers Rome o il fut log par Pascal, de mme
qu'il l'avait t par son prdcesseur, au palais du
Lalran. Il y rencontra, comme au temps d'Urbain II,
Guillaume Warewast1, qui avait t l'agent de
Guillaume le Roux et qui venait maintenant, vque d'Exeter nomm par Henri Ier, plaider la cause
de celui-ci. Ce Warewast savait mler les menaces
aux arguments2, et, ainsi qu'autrefois, il russit
capter les suffrages de plusieurs personnages de la
cour romaine, qui disaient tout haut, aprs avoir entendu l'habile plaidoyer de l'Anglais, qu'il fallait
d'un si puissant souverain
se rendre aux voeux
d'Angleterre.
que le roi
Anselme ne disait rien, ni le pape non plus. Encourag par leur silence, Guillaume termina sa
harangue en s'criant : Quoi qu'on puisse dire,
ici prsentes le sachent bien,
que les personnes
le roi d'Angleterre- ne consentira
monseigneur
dt-il
lui
investitures,
jamais
en
aux
renoncer
coter la couronne !
le
souverain
aussitt
rpondit
moi,
Et
pon
Pascal
le
Dieu
devant
tife,
je
dclare
ne
pape
que
Les chaleurs de
ronne d'Angleterre ne serait amoindrie; que, s'il y consentait luimme, les barons et le peuple ne le souffriraient pas, qu'il ne fallait
donc pas le forcer, malgr lui, sortir de l'obdience du pape.
BROMPTON ap. TWYSDEN, Hist. anglic. script, I, p. 099.
M
USES
p'occ. n.v
19
Anselme
quitte
l'Angleterre
pour
aller Borne.
II.
droit
possder
roi
de
jamais
ce
ton
permettra
la tte 1!
coter
lui
refus
dt
d'investiture,
ce
1. Erupit et ait... nec pro amissione regni sui passurum se perdere investituras Ecclesiarum.... Si.... rex tuus.... scias, ecce coram
Deo dico, quia nec pro redemptione sui capitis eas illi aliquando
Paschalis papa impune permittet habere.
2. Ap. EADMER, 67. Il lui disait, entre autres arguments : Dices itaque : Mei hoc juris est. Kon utique, non est imperatorium, non est
regium, sed divinum. Solius Illius est qui dicit : Ego sum ostium.
linde pro ipso rogo te, cujus hoc munus est, ut ipsi hoc reddas. Ipsi
dimittas cujus amori etiam qua3 tua sunt debes. Nos autem cur tuae
obniteremur voluntati, cur obsisteremns gratae, nisi Dei in hujus
negotii consensu sciremus voluntati obviare, gratiam amittere.... Revoca pastorem tuum, revoca patrem tuum, etc.
5. Nos, ductu gloriosae comitissae per Alpes euntes. EADMER, 67.
ANS. Epist. IV, 442. X.l'Ep. IV, 57, o il la remercie de ce service
et lui envoie ses Mditations.
291
rewast, verra trs-volontiers votre retour en Anvoulez vivre avec lui comme vos
gleterre, si vous
prdcesseurs ont vcu avec les siens.
Est-ce l tout? demanda le primat.
Je parle un homme intelligent , rpondit Guillaume.
Trs-bien, j'ai compris , dit Anselme 1; et,
ds ce moment, il prit la ferme rsolution de rester
Lyon o son ancien ami, l'archevque.Hugues,
lui offrait de nouveau le plus honorable asile 2.
Le primat y sjourna seize mois 5. Le roi ne manqua pas de faire saisir et d'employer son profit tous
les revenus du sige de Contorbry, et il fit parvenir
Anselme la dfense crite de rentrer en son
diocse avant d'avoir promis d'observer les anciennes coutumes. Ce nouvel exil de l'archevque
fut comme le signal d'un vritable dbordement de
maux en Angleterre : les rapines, les sacrilges,
l'oppression des pauvres par les barons, la violation des asiles, le rapt des vierges, les mariages in
cestueux, surtout le concubinage des prtres, tous
ces dsordres reprirent un libre cours et dsolrent
tout le pays 4. De bons catholiques s'en prenaient
tt
1. Ne amplius dices
telligo..
2. Ibi ut Pater, et Dominus loci ab omnibus habitus.
3. Dcembre 1103-avril 1105.
4. Damna Ecclesiarum i!a ut locus corporis et sanginis Domini
libertatem amitlat.... et quodque omnium primum malum est, ad de-
Anselme
reste Lyon
chez
l'archevque
Hugues.
292
du
menaait
jugement
le
On
loups.
des
dent
la
sous
dernier; on lui rappelait avec amertume l'exemple
d'Ambroise rsistant en face l'empereur Thodose 2; on lui dclarait qu'il tait responsable de
la ruine et de la honte de l'glise d'Angleterre qu'il
sacrifiait des misres 3.
Les moines de Cantorbry n'taient pas les moins
ardents se plaindre. Aucune preuve n'tait
pargne au grand archevque, et peut-tre n'en
connut-il pas de plus cruelle que cette injustice des
honntes gens. Il lui tait facile de se justifier,
et il le fit avec conscience, avec nergie 4 : Il
l'un
crivait-il
de
qui
des
moines,
gens,
a
ses
y
295
vestitures; mais j'ai entendu le pape excommu nier, en plein concile, ceux qui donneraient ou
recevraient cette investiture ; or-, je ne veux
qui
communiquant avec ces excommunis,
pas, en
devenir moi-mme un excommuni. Quant r sister aux mauvais clercs, je l'ai si souvent fait,
exil, dpouill
que c'est pour cela que je suis
de tout, ruin.
Du sein de son exil, le primat veillait avec une
tendre et active sollicilude sur les intrts de
son diocse et de ses moines, sur l'ducation des
jeunes lves du clotre, sur les pauvres qu'il avait
l'habitude de soulager 1. Il se reposait principalement, pour ces soins divers, sur Gondulphe de Piochester, l'vque le plus voisin de la mtropole, et
qui n'avait jamais trahi leur vieille amiti du Bec.
A ce fidle ami, le seul des vques anglais qui
n'et point failli, Anselme traait en ces termes la
ligne o il fallait persvrer :
nulle
nulle
Que
nulle
ruse
promesse,
menace,
:
fidle
vque, et c'est pourquoi je veux rester
1. De pauperibus quod apud Cantuariam pascere debeo, rogo mullum ne ullam patiantur inopiam. Ep. IV, 55. V. sa correspondance
trs-active sur ces sujets avec le prieur Ernulpbe de Cantorbry, et
GONDULPHE, lib. III et IV passim.
Tendre '
sollicitude
d'Anselme
pour
son troupeau.
294
de
m'carter
obligations
tous,
sans
envers
mes
plus,
rien
de
de
Rien
chacun.
devoir
envers
mon
il
ajouconcernait,
le
qui
Et,
moins
1.
pour ce
de
hommes,
les
brouill
mieux
que
rester
avec
rconcilier
Dieu
brouiller
avec
me
pour
avec
me
eux 2.
Cependant, on pressait vivement Henri de revenir des sentiments meilleurs et de rtablir
l'ordre en rappelant Anselme. La reine Mathilde,
princesse pieuse et instruite 3, que le peuple appelait la bonne reine4, se montra pleine de zle
pour amener un rapprochement. Elle aimait tendrement Anselme qui l'avait marie et couronne;
elle admirait ce grand athlte de Dieu, ce vainqueur de la nature 5; elle avait nagure trembl
1. Hoec sit vestra responsio : Christianus surn, monachus sum, episcopus sum : et ideo omnibus volo fidem servare secundum quod
unicuique debeo.... bis verhis nec addatis quicquam, nec minuatis.
Ep. III, 92.
2. Hoc autem scitote.... contra episcopalem honestatem.... Malo
hominibus non concordare, quam illis concordando, a Deo dis-
cordare.
5.
10.
GUILL. MALMESB.,
in Ans. 576.
4. Mold the god queen. ROB. OF GLOCESTEE. ROD. OF BRUNNE, ap.
Thierry.
5. Tanto patri cujus sum beneficiis obligala : tant forti Dei athletae
et humante naturoe victori. Ep. III, 55.
DEN, Not.
295
Exhortations
adresses
la reine Mathilde
par
Anselme.
296
reviendra
qui
l'poux
de
aprs
le
retour
mes,
rendra
qui
lointain
de
jour
et
royaume
son
un
fait
sa
t
qui
mal
le
le
chacun
bien
et
aura
honor
honore
Ah!
qui
l'aura
bien-aime.
sera
foul
pieds,
foule
elle;
l'aura
qui
sera
aux
avec
exalte,
l'aura
qui
loin
d'elle;
pieds
sera
aux
opprime
l'aura
qui
exalt
les
sera
et
anges,
avec
son
pape pour
pre et son consolateur 2 ; elle crivait surtout Anselme, avec toute l'effusion et la simplicit d'une
tendre fille : Mon bon seigneur, mon vnr pre,
laisse-loi donc flchir; fais ployer ce coeur que
visiter ton
j'ose appeler un coeur de fer. Viens
peuple et la servante qui soupire aprs toi. J'ai
trouv un moyen par lequel ni tes droits de pas" leur suprme ni ceux de la majest royale ne
seront sacrifis, quand mme ils ne pourraient
s'accorder; qu'il vienne du moins ce pre vers sa
fille, ce matre vers son esclave, et qu'il lui ap" prenne ce qu'elle doit faire. Oui, viens avant que
je meure, car je te le confesse, non sans crainte
de mal faire, si je meurs sans te voir, je sens
que, mme dans le ciel, je serai sans joie. C'est
1. Qui banc honorant, cum illa honora buntur; qui hanc conculcant....
qui banc deprimunt, cum dremonibus deprimentur. Ep. III, 57.
2. Ep. III, 99.
297
pourquoi je tends vers loi mes mains supplian tes, pour que lu daignes la ranimer par la douce
rose de ton coeur1.
La rponse d'Anselme, quoique ngative 2, procura la plus vive joie la reine : Tes paroles,
lui crivait-elle, ont chass le nuage de tristesse
et visita servam luam; veni.... lacrymas absFlecte, bone Domine, pie Pater.... et ferreumpace tuadixeterge
rim pectus amolli.... Inveni viam qua nec tu pastor.... nec regiae
majestatis jura solvantur.... Veniat ad filiam pater, ad ancillam dominus.... Improbe loquar : timeo ne mihi eliam in illa terra viventium et latantium olnnis exultandi pracidatur occasio. Ep. III, 95.
2. Je pense que cette rponse est l'ptre 107 du 1. III.
5. Tristitiae nebulis expulsis.... tanquam novae lucis radius. Chartulam.... locopatris amplector, sinu foveo, cordi quoad possum propius admoveo.... Ea namque frequenter secreloque consulens spondet filioe reditum patris, aneillre domini, ovi pastoris. Ep. III, 96.
Elle ajoute que son mari est moins irrit qu'on ne le dit, et qu'elle
fera de son mieux pour l'adoucir encore. Anselme lui rpond que
Dieu ne rend pas la femme responsable des iniquits de son mari.
Ep. III, 97. Voir encore les lettres galement tendres de la reine.
Ep. III, 119 ; IV, 74, 70.
1. Veni, Domine,
298
Rponse
d'Anselme
aux
lettres du roi.
tendre
moins
et qui
mais
d'une
du
roi,
teneur
tres
lui valurent la rponse suivante :
dit
de
et
tmoigne
amiti
Votre
lettre
votre
me
Lanfranc
voulais
si
je
tre
comme
vous
avec
que
plus
m'aimeriez
volontait
pre,
votre
vous
avec
mortel
tiers
autre
tout
en votre royaume.
que
je
amiti,
rends
de
Pour
qui
est
votre
vous
en
ce
pre
et Lanqui
mais,
votre
grce;
concerne
ce
en
baptme
ni
ni
dans
rponds
je
franc,
mon
que
n'ai
je
promis
ordinations,
de
dans
mes
aucune
de
Lanfranc
lois
de
d'obir
votre pre;
ou
aux
c'est
la loi de Dieu, c'estaux prceptes divins que
je ne puis ni ne dois vous taire que Dieu vous de" mandera compte non-seulement de la royaut,
mais encore de la primalie d'Angleterre. Ce dou" ble fardeau vous crasera. Il n'y a pas d'homme
" au monde qui il convienne mieux qu' un roi
d'obir la loi de Dieu, car il n'y en a pas qui
" court plus de danger s'y drober. Ce n'est pas
" moi, c'est l'criture sainte qui dit : Patentes po tenter tormenta patientur, et fortioribus fortior
" instat cruciatus. Je ne vois dans votre lettre
" qu'une temporisation qui ne convient ni votre
" votre me ni l'glise de Dieu. Si vous diffrez
" encore, moi qui dfends non pas ma cause, mais
" celle que Dieu m'a confie, je n'oserai plus diffrer
299
300
Anselme
refuse
de revenir
en
Angleterre.
toujours
qui
l'avait
Henri,
roi
du
secouru pensoeur
dant son exil, et il n'hsita point se dtourner de
arrive,
Mais,
consoler.
aller
la
son
route
pour
sa
il la trouva presque gurie, et il ne lui dissimula pas
que son intention tait d'excommunier le roi d'Angleterre, son frre. Le bruit de ce projet se rpandit
aussitt, et rjouit singulirement les nombreux
adversaires du roi Henri 1, qui guerroyait en ce
moment pour enlever la Normandie au duc Robert son frre an. Comme les rois de France
ne pouvaient manquer de profiter d'une telle
occasion d'affaiblir leur redoutable rival, Henri
d'Angleterre s'en effraya et pria sa soeur de
lui servir de mdiatrice. Et, en effet, une entrevue eut lieu le 22 juillet 1105, Laigle, o le
roi se montra plein de prvenance et d'humilit
envers Anselme 2 : il s'engagea rendre l'archevque non-seulement ses bonnes grce, mais, en
outre, les revenus du sige de Canlorbry. Malgr celle apparente rconciliation, Anselme ne
voulut point rentrer en Angleterre avant qu'une
dernire ambassade, envoye Rome, n'y et rgl
gny, que saint Hugues de Cluny avait fond pour y recevoir les femmes de grande noblesse. V. lib. I.
1. Jam enim in multis locis per Angliam, Franciam et Normanniam fama vulgaverat regem proxime excommunicandum, et ideirco
ei utpote potestati non adeo amatre multa male struebantur, quaj illi
n tanto viro excommunicato facilius inferenda putabantur. EADM., 71.
2. Quoties erat aliquid inter illos agendum semper ipsum ire ad
Anselmum.
II.
501
302
que
ce
en
l'glise
de
la
libert
livr
avaient
au roi,
pourtant
furent obligs de rclamer l'appui d'Anselme 2.
Aprs avoir subi tous les genres d'preuves, le courageux pontife devait connatre tous les genres de
rparations : six vques, parmi lesquels se trouvaient les trois prvaricateurs dont il est parl plus
haut, et qui avaient falsifi les pices du procs qui
crivirent
l'loternelle,
la
ville
jugeait
dans
se
quent champion de l'glise pour implorer son assistance: Il n'y a plus de pain pour nous, disaient" ils, lve-toi comme Mathathias... Tes enfants
combattront avec toi ; nous sommes prts, non" seulement te suivre, mais mme te prcder,
" si tu le commandes... Nous te promettons, dans
la nouvelle lutte qui va s'ouvrir, de ne consulter
" que les intrts de Dieu et non les ntres 5.
Anselme leur rpondit : Je plains vos souf frances, mais je vous flicite surtout de la
constance piscopale que vous me promettez
d'avoir. Vous voyez enfin quoi vous ont rduits
ce
ce
505
"
"
restituer son autorit spirituelle 2. Henri lui promit satisfaction tout en prtendant qu'il n'avait agi
que dans l'intrt de l'archevque.
Les envoys de Rome revinrent enfin, au printemps de 1106. C'taient toujours Guillaume Warewast pour le roi, et, pour Anselme, le moine Baudouin, qui avaient reu mission de dbattre ce
longprocs entre la royaut despotique d'Angleterre
et l'antique libert de l'glise 5. Ils taient chargs
1. Bonum est et gratum mihi quia tandem cognoscitis ad quid vos
perduxit, ut mitius dicam, vestra patientia. Ep. III, 122.
2. Quod hactenus inauditum et inusitatum est in Ecclesia Dei de
ullo rege et de aliquo principe.... Plus sum episcopus spiritali cura
quam terrena possessione. Ep. III, 109.
5. Pro causa quai inter regem Anglorum et me, imo inter illum et
libertatem Ecclesiae pro qua sum exul.... et spoliatus. Ep. IV, 48.
504,
cder,
sans
roi par quelque condescendance : Celui qui
le
couch
homme
peut
ne
un
faire qu'en s'inclinant ; mais, quelque bas qu'il
taille
cela
perd
s'incline,
il
sa
napour
pas
ne
1. Qui enim stans jacenti ad sublevandum manum porrigit nunquam jacentem eriget nisi et ipse curvetur.... Statum tandem rectitudinis non omiltit.
2. Donec per omnipotenlis gratiam ad hoc omiltendum cor regium
tua3 praedicationis imbribus mollialur.
Cette lettre est du 25 mars 1106.
5. Le roi tenait surtout aux hommages. V. la lettre d'Anselme
Hugues de Lyon. Ep. III, 125, sur ce sujet, et la rponse de Hugues
505
impos toutes en gnral. Anselme retourna ensuite en Angleterre, aprs un second exil de plus de
trois annes; il fut accueilli par des transports de
joie: la reine Mathilde, qui voyait enfin ses voeux
exaucs, alla au devant du primat dont elle avait
fait prparer le logement. Les agents du fisc disparurent aussitt des glises et des monastres.
Henri tait rest en Normandie : il y remporta
peu aprs la victoire clatante de Tinchebrai, qui
le rendit matre du duch et de la personne de son
frre. La voix publique attribua celte victoire la
rconciliation du roi avec le primat 1. Au concile
de Londres (1er aot 1107) les clauses du trait furent solennellement dbattues entre Henri, les vques, les abbs et les barons. Il s'y trouva plus
d'un courtisan et plus d'un clerc mal fams, pour
pousser le roi revendiquer, comme un droit,
l'exemple de son pre et de son frre, les investitures par la crosse; mais les dispositions des
principaux conseillers du prince avaient subi un
heureux changement. Warewast lui-mme tait
revenu de son dernier voyage de Rome tout dvou
la cause de la libert de l'glise 2. Le comte de
Meulan, frapp d'excommunication, puis clair,
1. Igitur ob pacem quam rex fecerat cum Ansehno hac Victoria eum
potitum multi testati sunt. EADM., 76. Robert ne valait gure mieux
que Henri, en ce qui touchait aux droits de l'glise, d'aprs les plaintes d'Yves de Chartres contre lui.
2. Erat enim tune jam ad libertatem Ecclesioe Dei cor habens.
EADM., 75.
20
MOINES D'OCC. VII.
Anselme
retourne
en Angleterre
aprs
trois ans d'exil.
506
par
la crosse
et par l'anneau.
p.126.
6. Ut ah eo tempore in reliquum nunquam per dationem baculi
pastoralis vel annuli quisquam episcopatu vel abbatia per regem
vel quamlibet laicam manum investiretur in Anglia. EADM., 76.
7. On voit, par plusieurs exemples (EADM., 79), que les nouveaux
vques prtaient hommage au primat comme au roi.
507
508
pulaire.
1. Malo mori et quandiu vivam omni penuria in exilio gravari
quam ut videamhonestatem Ecelesiae D.i, causa mei aut meo exemple ullo modo violari. Recommandation donne son agent Rome
en 1106. Ep. IV, 48.
2. Telle tait, du moins, l'opinion d'Eadmer, esprit trs-peu port
la concession (Victoriam de libeitate Ecclesioe, pro qua diu laboraverat, Ansclmus adeptus est, p. 25), et du cardinal Hugues de Lyon,
le plus zl champion de l'glise et l'instrument dvou de Grgoire VII : Comperio quod illud propter quod assequendum tantopere
hactenus laborastis.... per Dei gratiam jam tandem ex magna parte
assecuti estis. Ad Axs. Ep. III, 124. Il le supplie de ne pas tenir ferme
sur les questions de l'hommage. L'historien gallican Saint-Marc cit :
Pascal, dans sa lettre, n'accordait pas au roi le droit d'obliger les
vques et les abbs lui rendre hommage de leurs fiefs : il conseille seulement l'archevque de ne pas consacrer ceux qui se trouveraient avoir rendu cet hommage, et le charge de persuader au roi
de ne le plus exiger. Par l, le dcret d'Urbain II subsistait sans atteinte.... Ainsi Rome parut, dans cet accommodement, consentir reculer, et ne recula point cependant. Hist. d'Italie, t. IV, p. 960.
509
510
II.
Anselme ne survcut que peu de temps au concile de Londres. Il consacra le reste de sa vie
gurir les plaies faites au pays pendant la lutte de
l'glise et de la couronne. Il s'associa aux mesures
prises par le roi pour rprimer les faux monnayeurs
ainsi que les odieuses oppressions dont les agents
nerl'appuya
roi
Le
peuple.
accablaient
le
royaux
giquement dans ses rsolutions pour la rforme
de la discipline, le rtablissement du clibat et le
maintien des droits de la primatie de Cantorbry,
511
ce
ce
ce
niam ille suas tenet in pace.... Rex enim noster diligenter inquirit
quod de illo rege facitis. Ep. III, 182.
1. Utmonachus, non ut episcopus mori cupiens, in domum infirmorum se deferri jussit, ut inter monachorum manus spiritum redderet. MABILL., 1. LXXI, c. 69.
2. Domine Pater.... ad paschalem Domini tui curiam, relicto soeculo, vadis. EADM., 25.
3. Verum si mallet me adhuc inter vos saltem tamdiu manere, donec quaestionem quam de animae origine mente revolvo, absolvere
possem, gratiosus acciperem, eo quod nescio utrum aliquis eam me
defuneto sit absoluturus.
L'vque
Gondulphe,
de Rochester,
prcde Anselme
dans la tombe.
Dernires
maladies
du primat;
immensit
de ses travaux.
Sa mort
et sa gloire.
512
Travaux
extraordinaires
d'Anselme
aux
derniers jours
de sa vie.
cilice
moribond
coucha
le
et sur
l'on
un
sur
mena,
des cendres. Il y rendit le dernier soupir, entour
de ses moines, le mercredi saint 21 avril 1109,
l'ge de 76 ans. Le dernier voeu du prlat, son regret de ne pouvoir finir une tude philosophique,
ne peint-il pas au vif l'actif esprit et le ferme caractre de l'immortel philosophe? L'histoire n'offre pas
luttes
ml
des
si
exemple
d'un
homme
autre
un
multiplies, si terribles, et restant nanmoins dvou des spculations mtaphysiques qui semblent
exiger le repos intrieur et la calme uniformitde la
vie extrieure 1 Au milieu de tant de luttes et d'embarras, Anselme menait de front ses recherches thologiques cl philosophiques et une correspondance
immensment tendue. La droiture et la simplicit
de l'me doublaient sans doute les forces de l'intelligence chez un tel homme. Sa pense tait aussi
vaste que son courage indomptable. La sollicitude
pour le bien des mes individuellement ne le cdait en rien, chez lui, au zle le plus ardent pour
les grands intrts de l'glise universelle. Au plus
fort de tribulations de toutes sortes, Anselme dirigeait, avec la plus scrupuleuse attention, la conduite
de sa soeur, de son beau-frre, de son neveu qu'il
eut le bonheur de conqurir la vie religieuse 2.
1. Depuis son retour d'exil, il avait compos un trait sur l'accord
du libre arbitre avec la grce, la prsence divine et la prdestination.
2. Voir ses lettres touchantes sa famille. Ep. III, 65, 66, 67, etc.
515
tendresse de coeur dont son poque possdait le secret, il ne se renfermait ni dans la sphre
troite de la famille ni dans celle d'une glise
particulire. Il gouvernait la conscience d'une
foule de femmes pieuses, de moines, d'trangers 1.
Il crivait tantt l'archevque de Lund, en Danemarck, pour l'clairer sur des points de discipline 2; tantt l'vque de Saint-Jacques, en Galice, pour lui promettre ses prires contre les Sarrasins 5 ; tantt l'vque de Naumbourg, en Allemagne, pour lui reprocher de suivre, en opposition contre le saint-sige, le parti du successeur
de Nron et de Julien l'Apostat 4. Il intervenait auprs des rois d'Irlande et d'Ecosse dans l'intrt du
droit et des moeurs 5. Il envoyait la grande comtesse Mathilde des prires et des mditations";
il guidait les pas de la, comtesse Ida de Boulogne dans la voie de la perfection, et, chaque
Avec la
1. Voir Epist.,
passim, surtout 1. III, 155,157, 158. Dans cette dernire on trouve cette belle pense : Vita pressens via est. Ham quamdiu homo vivit, non facit nisi ire ; semper enim aut ascendit, aut
descendit. Aut ascendit in eoelum, aut descendit in infernum.
2. Epist, IV, 90 et suppl. Ep., 10, d. Gerberon.
5. Ep. IV, 19.
4. Ep. III, 134, en lui envoyant une consultation sur la diffrence
entre l'glise romaine et l'glise grecque. Cet vque de Naumbourg
est le mme Valran dont nous avons vu plus haut le plaidoyer imprialiste, adress au comte Louis de Thuringe. Il se convertit et devint secrtaire du collge des cardinaux : il en fit part Anselme,
qui le flicita, en lui envoyant un second opuscule.
5. Ep.lll, 152,142, 147.
6. Vid. supra.
SU
Au
nord, il recommandait au comte des les Orcades
le soin des mes de ses sujets 2 ; au midi, il prchait au marquis Humbert le respect des droits
maternels de l'glise 3. Il flicitait le comte Robert
de Flandre d'avoir renonc spontanment aux investitures, et de s'tre ainsi mis part de ceux qui,
dsobissant au vicaire de Pierre, ne pouvaient
compter dans le troupeau que Dieu lui avait confi, ce Que ceux-l cherchent, disait-il, quelque au" tre porte du ciel, car ils n'entreront certaine" ment pas par celle dont l'aptre saint Pierre tient
" les clefs 4. Puis, franchissant les mers, la pense
du pontife allait saluer la nouvelle royaut chrtienne, qui s'levait prs du saint spulcre affranchi, et rappeler au roi Raudouin de Jrusalem cette
vrit trop oublie : Dieu n'aime rien plus au
glise
la
libert
monde
de
! Il ne veut
que
son
point d'une servante pour pouse 5. Ces paroles
ce
taient en quelque sorte la devise du grand moine
qui a t regard, pendant sa vie, comme la fleur des
1. Charissima, vos salutat mea epistola, sed quotidie vos aspicit
mea memoria. Ep. III, 56. V. en outre, 1. II, 24, 27; 1. III, 18, 56.
2. Ep. IV, 92.
5. Ep. III, 65.
4. Quoerat igitur ille alias regni coelorum portas : quia perillas non
intrabit quarum claves Petrus apostolus portat. Ep. IV, 15.
5. Kihil magis diligit Deus in hoc mundo quam libertatcm Ecclesiae suae.... Liberam vult esse Deus sponsam suam,
non ancillam.
Ep. IV, 9.
515
CHAPITRE VII
II.
517
tait beaucoup plus puissant que son suzerain. Toutefois, avant d'offrir un asile au primat " dfenseur
et
victime de la libert de l'glise Philippe avait
ce
,
d se courber lui-mme sous la verge maternelle
de cette glise. On se rappelle comment, emport
par sa passion pour la comtesse d'Anjou, le roi de
France, d'abord excommuni au concile de Clermont, puis absous aprs s'tre spar de sa matresse, tait retomb dans l'adultre public ; on
n'a pas oubli avec quelle nergie Yves de Chartres avait dnonc le scandale. Ds son avnement, Pascal II avait en effet charg deux cardinaux lgats, Jean et Benot, d'aller juger de nouveau
celte grande cause. Yves flicita tout d'abord l'un des
prlats de s'tre abstenu de toute communion avec
le roi, la diffrence d'autres vques qui n'avaient
pas craint de le couronner, depuis la mort du pape
Urbain II, comme si la justice tait morte avec
celui qui devait en tre le hraut 1. D'accord avec
Yves, les. prlats convoqurent un concile PoiConcile
tiers, afin de siger hors des contres directement de Poitiers,
rassembl
soumises au roi,et o l'on n'aurait pu sans scandale pour condamner
le
faire entendre certaines dpositions des tmoins2. roi de France.
Le concile se clbra l'octave de la Saint-Martin de
1. Quidam Belgicae provinciae episcopi.... tanquam mortuo praecone
justitiae, justitiam mortuam esse crediderunt. Ivox., CARNOT. Ep. 84.
2. Quia si intra Belgicam vel Celticam celebiuretur multa premi
silentio oporteret.... quae ventilata scandalum generarent.... pressa
vero silentio tanquam verbo Dei alligato, legationis tuae auctorilali
plurimum derogarent. Ibid.
518
519
entour d'une
bande de soldats furieux comme lui 2, et qui, interrompant la lecture, dit haute voix : " Le roi mon
seigneur m'a mand que vous vouliez l'excom
" munier, sa honte et la mienne, dans celte
" ville que je tiens de lui 5. Il m'a donc ordonn
" de ne pas le souffrir, en raison de la faut que
" je lui dois, et je viens vous dfendre d'entre prendre rien de pareil.
Comme le comte joignait ces paroles la menace de faire main basse sur tous ceux qui dsobiraient3, plusieurs prlats se rangrent de son ct 4 ;
1. Ibi vigiliis et orationibus sedulus instabat, donec mdia fere
nocte ad hospitium remearet.... Nocte vero illa prolixius et propensius cum lacrymis orabat.... cum in medio precum suarum obdormire coepisset Ne timeas, carissime frater.... quoniam in con...
cilio cras ero tecum....
2. Nimio furore succensus, jussit omnes illos depredari, flagellari,
occidi. GAUF. Gnoss., 1. c. Cum primam causamlegunt.... advenit tanquam furibundus, magna caterva slipatus suorum.... multumquevociferans, in haec verba prorupit.... Scr. rer. Franc., t. XIV, p. 108.
5. Ad dedecus ipsius et meum in hac urbe quam ab ipso habeo.
Ibid.
4. FLEURY, 1.
LXV.
n. S.
520
II.
" sommes les vicaires ! Que les mercenaires s'ef" frayent et s'enfuient devant le loup ; mais que les
" bons et vrais pasteurs restent ici, avec nous, et
" sachent endurer la perscution pour la justice 5.
Puis, se retournant vers le comte, Jean lui dit
haute voix : " Le bienheureux Jean-Baptiste a eu la
" tte coupe par Hrode, dans des circonstances
" analogues; moi aussi, je suis prt laisser tran" cher la mienne par toi, si cela te convient.
1. Cum episcopis et abbatibus de proprietate rgis. Scr.
Franc, 1. c.
rer.
521
522
Repentir
et pnitence
du duc
d'Aquitaine.
lions par lesquelles se terminent de pareilles assembles, un homme du peuple, qui se tenait aux
galeries suprieures de l'glise, lana contre les
cardinaux-lgats une pierre qui ne les atteignit
point, mais qui alla casser la tte un clerc de leur
suite. La vue du sang vers dans l'glise augmenta
l'excitation et le tumulte. Alors, les deux lgats,
tant leurs mitres, restrent tte nue afin de montrer qu'ils ne craignaient ni les pierres qu'on pourrait encore leur lancer, ni la mort sous quelque
forme qu'elle leur vnt 1. Tant de calme et de coufoule,
de
la
les
fureurs
dsarmer
finirent
par
rage
et bientt on vit le duc lui-mme venir confesser
il
leur
cardinaux,
les
devant
Prostern
faute.
sa
demanda pardon, et jura de ne plus enfreindre la
libert de l'glise l'avenir2. L'anne suivante, en
effet, il partit pour la croisade o se rendait aussi
Eudes, ce duc de Bourgogne que le regard de
saint Anselme avait arrt dans sa violence, vaincu
dans sa rvolte contre les lois divines, et pouss
vers la croisade, comme le duc d'Aquitaine, par
l'irrsistible ascendant du gnie catholique.
Quant au roi Philippe, la terrible sentence produisit sur lui l'effet accoutum; elle lui fit corn1. Manent columnfe Christi immobiles, mortem intrepidi aperientes, et ad saxa volantia, mitris ablatis, capila nuda retegentes. HUGO
FLAVIN. Chron. Virdun., Scr. ver. Franc., t. XIII, p. 620.
2. Prostratus in terra coram cardinalibus, culpam confitebatur et
veniam postulabat.... se talia non commissurum cum juramentopollicitur. Append. ad Vit. S. Hilar., 1. c.
525
324
la
tribu
grande
si
part
une
nous avons eu
" lation 1.
Philippe ne mit point sa menace excution;
mais, vers le mme temps, Yves dut s'lever contre
L'glise
prince.
fait
de
scandale
du
ce
un nouveau
de Beauvais tant devenue vacante, on y avait lu
roi
du
recommandation
la
et de
vque,
pour
Bertrade 2, un clerc de grande naissance, Etienne
de Garlande, qui tait fils du snchal de France,
et autrefois avait t chass de l'glise par l'archevque de Lyon, par suite d'un adultre public. Yves,
plein d'une tendre sollicitude pour l'glise de
Beauvais, dont il tait sorti, dnona aux lgats
Jean et Benot, puis au pape lui-mme, cette lection
scandaleuse 3. Elle fut casse Borne, et la partie
saine du chapitre, de l'avis des seigneurs du diocse,
lut, avec le consentement du peuple, un religieux
nomm Galon, de naissance obscure, mais qui, outre
qu'il tait trs-instruit et le disciple d'Yves, menait la
vie la plus exemplaire 4. Les autres chanoines, gagns par les prsents de Garlande, protestrent
ce
525
nergie
indomptable
de
Yves de Chartres.
526
et,
s'opposa
cette
son ct,
ne
Galon obtint du pape qu'il consentt absoudre
le roi, sous certaines conditions. Yves lui-mme,
au bout de quelque temps, rclama pour la faiblesse du prince tous les tempraments qui pouvaient tre compatibles avec le salut de son me 2.
Un nouveau lgat fut envoy, et, aprs deux conciles tenus Troyes (2 avril 1104) et Beaugency
(50 juillet), le roi fut dfinitivement absous Paris,
le 2 dcembre 1104, selon les rgles prescrites
par le pape.
En prsence d'Yves, de Galon, de huit autres
vques, et d'une foule de clercs et de laques, Philippe vint, pieds nus, avec tout l'extrieur de l'humilit et de la dvotion, jurer sur l'vangile de renoncer ses relations illicites avec Bertrade, et de
ne plus la voir qu'en prsence de tmoins non suspects. Bertrade fit le mme serment. Tous deux
furent alors rconcilis avec leur mre l'glise par
1. BAROX., ann. 1104, c. PAGI, Crit. in.emnd.
2. Suggerendo dicimus non ducendo.... ut imbecillitati homihis,
amodo, quantum cum salute ejus potestis, condescendatis,. et terrain quae ejus anathemate periclitatur, ab hoc periculo eruatis.
Ep. 144
II.
527
In
cum Bertrada exercui.... penitus et sine retractatione abjuro
proesentia honorabilium clericorum et laicorum non parva multitudine inibi consistentium.... Taliter reincorporatus est rex Franorum
S. catholicse Ecclesise matris suae Ms. Igniacens. et Ms. Corbeiens.
ap. LAIDE. Concit., tom. X, 668 et 742. Cf. PAGI, Critic, in 1104.
2. Voir la collection de ses ptres, au nombre de deux cent quatrevingt-sept, remises dans un ordre nouveau et publies avec des notes, par JURET, chanoine de Langres, et SOUCHET, chanoine de Chartres. In-fol. Paris, 1647.
,
5. Ep. 247, 252 et passim.
4. Ep. 70,110 et passim.
5, Ep. 154, 166, 185, 221, . 242, 245, etc.
...
328
Franchise
d'Yves
de Chartres
dans
ses relations
avec
le souverain
pontife.
II.
529
camriers et autres officiers infrieurs de la cour romaine, lesquels prlevaient des droits sous tous les
prtextes et jusque sur les plumes et le papier 1.
" Je ne sais comment rpondre ces rcriminations,
" ajoutait le prlat, si ce n'est en citant cette pa" rle de l'vangile Faites ce qu'ils disent, et
:
non
" ce qu'ils font2. Il laissait voir que le silence des
honntes gens sur ces sujets de scandale lui semblait
une vritable prvarication, ce Si la honte de mon
" pre, disait-il, est de nouveau dcouverte, ce qu'
" Dieu ne plaise,, nous ne nous en moquerons pas,
" comme des fils de perdition, mais nous cesserons
" de donner des avis inutiles. Que Votre Saintet ne
" s'indigne pas de ce que je lui parle ainsi, comme
" un fils son pre, car il est beaucoup d'amis de la
" justice qui, s'apercevant qu'on a pardonn ou
arrivent prendre
dissimul trop de crimes, en
" le parti du silence, par dsespoir 3.
tas nobis deferunt ad pallendam malitiam suant vel defendendam
mobedientiam.... Ah ipsis columnis gratanler audiuntur cum vitam
religiosorum aliquibus maculis respergere moliuntur. Ep. 110.
1. Cubicularios et ministros sacri palatii.... cum nec calamus nec
charta gratis ibi (ut aiunt) habeatur. Ep. 155.
2. Matin., XXIII, 5.
5. Si qua pudenda patris, quod Deus avertat, revelata fuerint...
quia multos amatores justitife jam vidi propter remissa flagitiis....
550
531
" lui dirais publiquement : Voici le seuil de l'" glise visible, je te permets de le franchir, les
" risques et prils; mais je ne puis l'ouvrir ainsi
la porte du royaume des cieux1.
Ses actes dans la grande lutte de son sicle entre
les deux pouvoirs furent toujours remarquables par
leur modration. Quoique la ncessit de la dfense l'ait condamn tre, pendant la plus grande
partie du pontificat d'Urbain II, en guerre ouverte
contre le prince dont il avait dnonc les dsordres
et qui l'avait mis en prison pour se venger, il n'en
avait pas moins conserv un affectueux respect pour
la royaut franaise si dvoue au saint-sige. Mais,
s'tant lui-mme soumis l'investiture royale, il
lui rpugnait de dclarer, avec Grgoire de sainte
mmoire 5, que l'usage constituait une hrsie au
mme titre que la simonie3. Cependant, il finit par
admettre et proclamer formellement, sur ce point,
la doctrine de Grgoire et d'Urbain 4. Mais il et dsir
Si
Modration
sans faiblesse
de
Yves de Chartres
dans la lutte
entre
les
deux pouvoirs.
532
II
555
Rendez Csar. Il
crivait au comte de Meulan, principal ministre du
roi Henri d'Angleterre : " Si la puissance royale
" entreprend quelque chose contre le Christ et son
" glise, tu dois te rappeler que tu
as t rachet
" par le sang de ce Christ, initi (initiatus) aux
lois de ce Christ, rgnr par les sacrements de
et
l'glise
; que lu es l'affranchi de Celui qui s'est
354
cela
de
Pensez
Dieu.
rsister
et
royaume
au
seigneur,
le
tes
pas
non
vous
comprenez
que
Dieu,
de
des
serviteurs
le
serviteur
mais
et que
du
Liban,
le
cdres
de
devez
tre
que
ces
vous
un
oiseaux
du ciel
les
plants
Seigneur
que
pour
a
vous
1.
ombrage,
priant
pour
en
55b
Yves de Chartres
reprsentations
au pape.
356
Ce
que devinrent
Jrusalem
et les croiss
aprs
la mort
de
G. de bouillon.
1.
18 juillet 1100.
2. Ou Thobert, archevque de Pise, envoy lgat auprs de l'arme
croise par Urbain II, en remplacement d'Adhmar, vque du Puy,
mort Antioche.
5.
x,
557
1. Mox profectio [popuosa et quse pene priori posset numero duntaxat aequari, subsequitiir. Chron. Ursperg.
2. Il sacro calino, transport Paris sous l'empire, et restitu
MOINES D'OCC. VII.
22
,
338
Italie., t. VI, p.
MURATOR.,
Script, rer.
248.
1. LDEN, Geschichte des Deutschen, etc., t. IX, p. 289.
ECKHARD.
abbat., libell. in ampl. Coll., t. V, p. 507. ALB. ACTES, in Gesta Dei
per Francos.
559
CONC.
340
bohmond,
prince
d'Antioche,
pouse
la fille de Trance
et prche
la croisade
N.-D.de Chartres,
en Espagne
et
en Italie.
II.
quatre ans de captivit, revint en France 1, il enflamma tous les coeurs par les rcits de la croisade.
En digne fils de Robert Guiscard 2, Bobmond avait
pris le parti du patriarche Daimbert revenu Borne
chevalier
vaillant
du
fit
don
lui.
Pascal
au
avec
gonfanon de Saint-Pierre, et lui associa, pour prcher la croisade, l'vque Bruno de Segni, l'ami et
le lgat de Grgoire VII, qui venait de se rfugier au
Mont-Cassin 3, d'o le pape le retira pour accompagner Bohmond. Celui-ci se rendait en France
pour accomplir le voeu qu'il avait fait, dans sa
prison; de visiter en plerin le tombeau du moine
saint Lonard, dans l'glise de ce nom, en Limousin 4. Le prince y fit l'offrande des chanes d'argent
dont les Turcs s'taient servis pour le lier dans son
cachot. Le roi Philippe accorda au hros sa fille
Constance, et, Chartres au milieu des ftes du
mariage, Bohmond monta dans une tribune dresse
devant l'autel de Notre-Dame et, faisant appel aux
1. En mars 1106. ORRERIC VITAL, XI, 816. Cet crivain attribue sa
dlivrance l'amour qu'il avait su inspirer la fille de l'mir dont il
tait prisonnier.
2. Daimbert lui crivait : Tu autem, nisi paternae gloriae vis esse
degener filius, qui tyrannica crudelitate clausum ab impia manu dominum apostolicum Gregorium de urbe Romaeripuit, undememorabile oculis omnibus nomen meruit. GUILL. TYR., 1. x, c. 14.
5. PETR. DIACO, Chron. Cassin., 1. IV c. 55.
4. Cette glise monastique, qui a donn naissance la petite ville
de Saint-Lonard, subsiste encore : elle est, dans sa forme actuelle,
peu prs contemporaine de Bohmond ; on peut en voir une reprsentation assez exacte dans l'Ancien Limousin, de M. Tripon, t. I.
541
589.
Concile
de Poitiers
o
Bohmond
d'Antioche
et
le moine Bruno
prchent
la croisade.
542
doue1(1108)
Bohmond en ramena de nouveaux soldats de la
croix et il en trouva d'autres en Italie, avec lesquels
il entreprit de chtier la longue perfidie des schismatiques grecs l'gard des Latins; mais l'expdition choua. Il en ressortit, du moins un merveilleux tmoignage de l'union de tous les peuples
chrtiens sous la main des papes, dans celte grande
et longue guerre contre les infidles. Et, en effet,
l'anne mme o mourut Bohmond, on vit une
flotte norvgienne dbarquer sur la plage de Syrie
des auxiliaires inattendus, et Sigurd, le fils du roi
Magnus, avec dix mille des siens, venir aider le roi
de Jrusalem conqurir Sidon (19 dc. 111l) 2,
puis s'en retourner au fond de la Baltique sans
autre rcompense qu'un morceau de la vraie croix.
Cependantle roi d'Aragon et de Navarre, Alphonse
le Batailleur, entretenait toujours la croisade en Espagne et mritait son surnom par un grand nombre
de combats livrs aux infidles, et de victoires remportes sur eux. Les moines taient, l comme partout, plus ou moins directement mls l'action
des peuples catholiques, et entretenaient dans les
clotres ces foyers de vie spirituelle, o les rois et
1. GRILL. TYR. 1. XI, c. 14. TORF. Hist. rer. Norvegicar., pars III,
c. 18.
.
2. Il rgna de 1104 1154 ; sa capitale tait Saragosse.
II.
343
les chevaliers venaient se retremper, et puiser la
force qui armait leurs bras et leurs coeurs.
Nous avons racont comment les moines de
Cluny avaient t pour ainsi dire associs la fondation des royaumes de Caslille et d'Aragon, sous
Sanche le Grand et sous Bamire Ier1 A la fin du
onzime sicle, ces royaumes subirent la nouvelle
influence de la congrgation de Notre-Dame de la
Grande-Sauve, en Guienne, dont on a vu plus haut
l'origine toute chevaleresque2. Sanche Ramire Ier,
qui, comme son grand-pre Sanche le Grand, runit la Navarre l'Aragon, franchit les Pyrnes et
alla visiter, dans leur solitude, entre la Gironde et
la Dordogne, ces preux sortis de leur terre natale
pour venir exercer la chevalerie chrtienne au fond
d'incultes forts : frapp de la profonde pauvret
de ces serviteurs de Dieu 3, le prince espagnol leur
accorda d'abondantes concessions de territoires
dans son royaumeet demanda qu'en change de ces
dons un pauvre ft nourri perptuit dans l'abbaye, comme reprsentant la personne du roi d'Aragon, dans le prsent et dans l'avenir, avec la seule
obligation pour les donataires de prier pour leur
LES PRDCESSEURS DE CALIXTE
1. Voir ci-dessus.
2. Ibid.
5
Qui de'patria progressi in silva majori, dignam Deo exerce-
bant militiam.... cum postea ad eos gratia visendi venissem, eorumque nimiam cognovissem potestatem, etc. Diplme du roi Sanche, in
Acr. SS. 0. B., t. IX, p. 846, ad ann. 1095.
Influence
des
moines
de
la Grande-Sauve
sur
la chevalerie
d'Espagne.
344
545
p. 584
CHAPITRE VIII
L'Allemagne
en proie
au schisme
ne
s'associe pas
l'lan
des croisades.
celui qui avait le moins partag l'lan de la croisade. On y avait trait de folie le mouvement qui
arrachait leurs foyers tant de chevaliers et de soldats, tant de pauvres paysans, de femmes et d'enfants des campagnes, pour les lancer, malgr les
prils d'une route si longue, travers des contres inconnues et barbares 1.
1. Teutoncus populus.... tot catervas ruricolarum, foeminarum ac
parvulorum quasi inaudita stultitia delirantes subsannabant, utpote
547
348
549
550
Les chevaliers
allemands
prouvent
le dsir de
prendre part
la croisade.
siges.
Cependant le succs de la premire croisade et
la dlivrance du saint spulcre ayant retenti en
Allemagne, l'on vit le duc Welf de Bavire, repentant d'avoir fait dfection au parti de l'glise,
prendre la croix et s'en aller, de concert avec
Thimon, l'archevque orthodoxe de Salzbourg,
chercher la mort en Orient 1.
Le dsir de s'associer la croisade et de ne
pas rester en arrire de tous les autres peuples catholiques, ne larda point enflammer
la chevalerie allemande. L'empereur, voulant assurer sa domination sur les esprits, annona luimme l'intention de se croiser, et il en fit la dclaration publique, la dite de Mayence, pendant la
grand'messe de Nol 2. Il y proclama, cette fin,
la trve de Dieu et une paix gnrale pendant
quatre annes. Il conquit ainsi tous les coeurs 3.
Mais lorsqu'on le vit diffrer sans cesse l'excution
de sa promesse, et puis s'y refuser compltement,
l'indignation des princes clata de nouveau. C'tait
1. Aprs la destruction de l'arme allemande en Asie mineure,
Welf mourut dans l'le de Chypre, et Thimon prit sous le fer des
Sarrasins.
2. Nol 1102. Il crivit en mme temps une lettre sur ce sujet
son parrain, l'abb Hugues de Cluny, lettre d'apparat, qui, selon L-
551
552
Robert II,
comte
de Flandre,
accomplit
de tels exploits
en Palestine,
que
les Sarrasins
le prennent
pour
saint Georges.
553
l'glise
qui
rig
dans
lever
a
couronne,
sa
qui
s'est
simonie,
de
la
l'idole
saint
lieu
et
le
l'glise
les
serviteurs
de
de
chasser
par
vu
Nous
leurs
vicaires.
saints
aptres
les
Dieu,
et
par
chevaliers,
cela,
ordonnons
tous,
vous
vous
rmission de vos pchs, et afin de vous
pour la
la
triomphes,
labeurs
et
conduire,
ces
par ces
Jrusalem
1. Anselme de Cantorbry
cleste
262. Cet auteur ne voit dans l'entreprise du comt Robert que le dsir de s'agrandir aux dpens de la puissance impriale.
1. Qui reversus Hierusalem Syrise, in coelestem IIierusalem justis
25
D'OCC
MOINES
VII.
354
Dieu
de
prier
l
les
snateurs
invitez
tous
par
mon
vous en
Seigneur, ne croyez jamais que vous puissiez
amoindrir votre dignit en aimant et en dfenl'glise,
dant
libert
de
pouse de Dieu et
la
votre mre; ne croyez jamais que vous puis" siez vous humilier en l'exaltant, ou vous affaiqui
Bobert,
fortifiant
recevait ces
blir
la
1.
en
355
Belles paroles
de
l'abb Udalric
au pape
Urbain II
556
317
L'ahbaye
de
Saint-Hubert
dans
les Ardennes.
358
II
HUGO FLAVINIAC,
MARTENN. Ampl.
559
recevoir, avec bonheur, les enfants fugitifs de l' glise 1 . Mais il ne fallut pas en venir celle extrmit. L'nergique intervention de la noblesse du
pays fora l'vque Albert l'tablir non-seulement
l'abb Thierry Saint-Hubert, mais encore celui
de Saint-Laurent de Lige dans sa ville piscopale 2, d'o on l'avait chass. Les mauvais vques
intrus ou schismatiques redoutaient avec raison ces
saintes maisons o se maintenait le zle de la justice et de la vrit. De l sortaient gnralement
les pasteurs lgitimes qui parvenaient maintenir
un certain nombre de siges l'abri du schisme
ou remplaaient les schismatiques sur leur trne
usurp. Au concile de Beims, en 1105, l'abbEudes,
le rformateur de Tournay, fut lu vque de Cambrai au grand dsespoir de ses moines, par les vques de la province qui le substiturent au schismatique Gaucher, toujours obstin dans sa rvolte
contre le pape 5. Au concile de Troyes, l'anne prc
560
Graves
accusations
contre
Albert de Lige.
par son
Ce moine, nomm Godefroy et abb de Nogentsous-Coucy, avait aussi rform son abbaye qui
tait rduite six moines, et il l'avait repeuple de
religieux fervents. Il resta toujours moine de coeur
comme de nom au sein de sa nouvelle dignit 2.
L'anne suivante 3, Albert de Lige fut la veille
d'prouver le mme sort que Gaucher de Cambrai :
accus, devant le concile provincial d'Aix-la-Chapelle, par son archidiacre et au nom de tout son
clerg 4, d'avoir boulevers tous les droits tant ecclsiastiques que civils, d'avoir vendu les abbayes,
foul aux pieds les liberts garanties par les anctres 5, il fut svrement rprimand, puis suspendu
1. Avril 1104.
2. Vit. S. Godefr., ap. Surium. 8 nov. GUIB. NOVIG., De vita sua,
c. 22. Il s'intitulait toujours : FRATER GOBEFRIDUS, Dei gratia Ambianiensium episeops. MABILL., Ann., 1. LXXI, n. 65. Il obtint d'Enguerrand, comte de Boves, le rtablissement de l'abbaye de Saint-Fuscien.
Appartenant par sa naissance la noblesse du pays, il intervint avec
succs dans les luttes des seigneurs de la ricardie entre eux, notamment lorsqu'il obtint la dlivrance d'Adam de Saint-Omer, en excommuniant le vidante de Picquigny, qui l'avait emprisonn en l'arrachant au cortge de l'vque.
3. Au commencement de 1106.
4. Tolius cleri Leodiensis, ce qui doit tre une exagration; car
il est difficile de croire que ceux d'entre le clerg ligeois .qui adoptaient les doctrines imprialistes de la lettre de Sigebert de Gemblours, se soient ainsi prononcs contre Olbert, le principal partisan
de l'empereur.
5. ...Et, quod est deterius, corrumpi consenserit.... quod contra
II
561
de sa charge. Il
libertatem publici juris, leges a majoribus nostris bactenus habitas violenter infringere contenderit. Hist. Andaginens. monast.,
n. 126, in Ampliss. Collect., t. IV, p. 1020.
1. Catholicarum partium studiosissimus. MABILL. 1. 70, c. 5i.
2. Arnoul, moine de Saint-Gall. Nous avons dj fait remarquer
que Saint-Gall tait du petitnombre des abbayes enlaches de schisme,
et que Hirschau tait, au contraire, le foyer de l'orthodoxie en Allemagne. L'abb de Saint-Gall, Udalric, avait t fait par Henri patriarche d'Aquile.
362
les
exhortant
lettre
au
en
sa
et suivre les instructions de Gebhard, qu'il appelait
l'oeil de l'glise. S'ils agissaient ainsi, il leur prometlait l'absolution de toutes les censures qu'ils avaient
fulminer
de
de
proposait
qu'il
encourir,
et
nouse
pu
rejet,
venait
d'tre
qui
l'intrus
comme
contre
veau
catholique
1.
l'unit
de
hors
pourri,
membre
un
Le mme jour, le pape adressa aux moines de
Hirschau et tous les abbs et religieux catholiques 1 de la Souabe l'ordre de prendre Gebhard
pour modle, de l'entourer de leur amour, et de
chercher auprs de lui les secours dont ils avaient
besoin au milieu de leurs tribulations 2. Mais,
gloire.
Le
tribulations
ajouta-t-il,
sont
votre
ces
les
jamais
monde
plus
vous,
svit
contre
que
ocan
flots
de
les
perscutions
s'accroissent,
cet
engloutir.
vouloir
grossissent
semblent
et
vous
.
fouls
les
le
Seigneur
Mais
flots,
sous ses
a
ces
565
p. 1113.
364
Le
(ils d'Henri IV
se rvolte
contre son pre.
l'vch
1102,
qui
il
imposa,
chapelain,
et
en
son
de Bamberg, malgr sa violente rsistance. Cet Otton
redoutait la responsabilit de l'investiture laque,
et il ne fut pas plus tt install Bamberg, o il
entra pieds nus, marchant sur la neige et la glace 1,
qu'il courut Borne, et l, dposant aux pieds du
pape la crosse et l'anneau, il lui exposa l'affaire,
lui demanda pardon de son imprudence ou de son
erreur, et s'engagea d'avance se soumettre au chtiment canonique 2. Le pape non-seulement lui fit
grce, mais voulut le sacrer lui-mme 3 ; puis il le
renvoya dans son diocse, comme un ministre dvou
du saint-sige 4. Ces dfections ecclsiastiques n'taient que les avant-coureurs de l'orage qui allait
fondre sur l'empereur. Les princes laques se dtachaient aussi graduellement. Ils lui imputaient
l'assassinat de deux des plus considrables d'entre
eux, Conrad de Beichlingen et Sighartde Bavire 5.
Il ne leur manquait qu'un chef pour diriger leurs
efforts, et ce chef se trouva dans le fils mme de
l'empereur, dans ce jeune roi Henri qu'il avait fait
1. Vit. S. Otton. in Canis. Thes, antig. lection., c. 5, par un tmoin
oculaire.
2. Fatetur omnia, baculum ponit et annulum ad pedes Apostolici....
pro quo et severius in se canonicae districtionis sibimet imprecatur
ultionem. Ibid.
5. A la Pentecte de 1105.
4 Baronius l'appelle transfugam a schismaticis ad catholicos. Ann.
1105, c. 1. Cf. Epist. Oriox et PASCII. papas ad Eccles. Babenberg.
Ibid.
5. Chron. Ursperg., ad ann. 1105 et 1104.
565
rer. German.
gure
ricus senior,
non pas tant " cause de son ge, car il n'avait
plus de cinquante ans, mais pour le distinguer de son fils.
566
s'enfoncer dans le schisme et braver l'excommunication 1; mais un intrt politique excitait aussi
567
L'empereur
veut ngocier
avec
son fils
qui
s'y refuse.
368
jeudi
du
pieds
la
procession
nus
burg, et il acheva de gagner les coeurs de ses sujets
par son humilit au concile provincial de Nordhausen 4, o furent renouvels les dcrets des assembles
orthodoxes, et o s'tait rendue une foule immense
d'vques, d'abbs, de moines, tous ayant soif du
rtablissement de l'unit 5. Le jeune roi s'abstint
d'entrer jusqu' ce que les pres du concile l'eussent appel ; et alors il parut vtu d'un costume
des plus modestes, confirma tous les dcrets des
1. Totam Saxoniam apostolicae sedi reconciliavit. Ann. Saxo.,
ad 1105.
2. A Isenburg notamment, o tait mort l'vque martyr Burkhard
de Halberstadt.
3. Ainsi Halberstadt, Minden, Paderborn, Hildesheim,Magdebourg,
Wurtzbourg, Ratisbonne et Spire. Ce dernier sige fut donn Gebhard, abb de Hirschau, de l'abbaye si souvent cite comme le principal foyer de la rsistance catholique.
4. 29 mai 1105.
5. Ingens enim cum episcopis et clericis, abbatum et monachorum
Ecclesise unitatem sitiens turba confluxerat. Chron. Ursperg., ad
1105, etc.
369
24
Le
vieil empereur
est
abandonn
par
ses lieutenants.
570
371
372
Humiliation
de
l'empereur
Henri IV.
375
rien obtenir, consentit tout : il abdiqua la couronne impriale, confessa son iniquit, et resta seul,
dpouill, dsespr, et toujours excommuni 1.
L'expiation, si dure qu'elle ft, tait mrite par
trente ans d'attentats contre l'glise, la famille, la
justice et l'honneur ; mais il est jamais regrettable
qu'elle ait t inflige par un fils, avec une apparente sanction de la part de l'glise 2.
1. Sic
bid.
2. Loin de nous la pense de nous associer aux falsifications systmatiques des historiens gallicans, protestants et rationalistes, qui ont
tous l'envi reprsent Henri IV comme une victime innocente, comme
un vnrable vieillard indignement perscut par un fils parricide et
un clerg fanatique, et qui se gardent bien de rappeler les crimes
a'roces qu'il avait commis, pendant tout son rgne, contre les papes,
contre l'honneur des femmes et de la sienne propre, contre tous les
droits politiques et sociaux de l'Allemagne. Pour nous, Henri IV
n'est qu'un odieux tyran qui mritait mille fois d'tre dpos par la
double autorit de l'glise et des seigneurs de la nation allemande.
Mais, aprs un examen attentif des diffrentes versions de ce grand
vnement, nous trouvons que le jeune roi (biendiffrent en cela de
son frre an Conrad) agit avec une mauvaise foi rvoltante et
digne de son pre envers celui-ci ; nous croyons aussi que le lgat
Richard ne montra pas, au moment de la victoire, cette compassion
qui est l'apanage spcial et exclusif de l'glise. Il nous en cote de
nous loigner ici de l'avis de Baronius qui, aprs avoir reproduit,
avec une impartialit que les ennemis de l'glise n'ont jamais imite, toutes les imprcations de l'empereur contre son fils, conclut
ainsi : Inter quos si arbiter sedeas quod ad persecutionem, captivitatem, atque privationem imperii spectat per filium procuratas in
patrem, cum ex animi affecta isla pendeant, nihil habes in quo
damnes filium magis quam si vehementi febre phrenetico, deliranti,
insanienti, furentique pius filius injiciat vincula patri, si vero intuitu
pietatis, ut facere prae se lulit, ea omnia praestitit. Certe quidem furor Ilenrici senioris toto vitse suae tempore majoribus in dies accs-
374
Le
fils d'Henri IV
est lev
l'empire.
le sort de
subir
puissiez-vous
l'Eglise
de
Dieu,
votre prdcesseur !i
Malgr une chute aussi profonde, Henri IV eut
remis
de
la
Un
relever.
l'espoir
de
instant
peu
se
un
condamnation qui l'avait frapp et craignant qu'on
ne l'emprisonnt pour le reste de ses jours, il s'tait rfugi Cologne, qui lui tait trs dvoue,
puis Lige, o se trouvait un clerg excommuni,
ouvertement hostile l'glise, et un vque, 0lbert, qui s'arma aussitt pour dfendre le souverain
dchu. Ce n'est pas tout : d'autres villes du Rhin,
excites par l'vque de Lige, puis le duc de Lorraine et plusieurs autres princes, se prononcrent
leur tour pour le vieux monarque. Henri se hta
d'adresser aux rois de France, d'Angleterre, de Danemark et d'autres royaumes, le rcit dtaill du
sionibus auctus in Ecelesiae catholicae detrimentum, et cladem assiduam occidentalis imperii, ejusmodi plurimis experimentis cognitus
est, ut aliter curari non posset, nisi hujus modi vinculis.... Caeterum (quod exclamat pater) si ea ex malis artibus nempe perjuriis
offensa prastiiae fidei, ficri contigerunt, laudari minime possunt.
[Ann. 1106, c. 14.)
1. Ut si non justus regni gubernator et Ecclesiarum Dei defeusator
existeret, ut ei sicut patri suo eveniret. [Ann. Saxon., ad
ann. 1106.)
575
576
tte
avec
trouva
put bloquer celle des assigeants. Reprenant le titre
imprial, dont il s'tait dpouill Ingelheim, il publia deux manifestes adresss, l'un aux princes et
il
reprochait
auquel
fils,
l'autre
vques,
son
aux
il
dont
s'tait
violences
les
de
foi
et
son manque
rendu coupable envers un pre. Il ajoutait, dans ce
redegit. Ibid.
377
et Apostolicae fidei obedientia abdicavimus, catholicum nobis, licet ipsius de semine elegimus. Ibid.
2. Re autem vera solitis argumentis castra haec Domini dispergere,
Christi exercitum exarmare conatur...immo Christumjam iterumin
Ecclesia sua resurgenfem in omnium cordibus cruifigere meditatur.
5. Coram praesenti senatu simul ac populo causant suam agat, justifiant suscipiat, justitiam et reddat quatenu.... tam filio quam patri
justifia sua respondeat.
1. Henricum.... zelo Dei
578
Mort imprvue
de
l'empereur
Henri IV.
570
5S0
lieu
d'tre
tranger
comme
que, au
anciens perscuteurs, il occupait le premier rang
parmi ses enfants, et que, d'ailleurs, nul ne pouvait contester que de nombreuses qualits se mlaient chez lui aux dispositions les plus perverses
et les plus funestes. Ses adversaires n'hsitaient
point reconnatre que nul n'et t mieux fait pour
rgir l'empire, si son me n'avait t dprave
et comme touffe par ses passions 1.
La joie des catholiques fut immense. La justice
divine avait enfin prononce : l'glise tait venge
du Pharaon, du Nabuchodonosor qui l'avait opprime pendant un demi-sicle; le Galilen avait
vaincu une seconde fois 2. Les mes les plus sain1. Nemo videretur fascibus imperialibus ipso aptior, si tamen in
conflictu vitiorum homo non degeneraret vel succumheret interior.
Chron. Vrsperg., ad ann. 1106. Ce jugement d'un moine du douzime
sicle se rapporte exactement celui que portait, un sicle et demiplus
tard, le franciscain Salimbeni sur le plus brillant mule de Henri IV,
l'empereur Frdric II : a Homme accompli, s'il et aim son
me !
2. Universorum tam ibidem quam ubivis fere christianorum corda
simul et ora inflnito nimis tripudio.... rumore replesse. Non altius
concinebat Isral Domino, Pharaone demerso..., Deo autem gratias
qui, licet tarde, tamen permagnifice victoriam coneessit Ecclesiae suae,
cui etiam ejusdem Nabuchodonosor quinquagesimum exactionis
annum iste Galileus, qui Julianum quondam vicerat, vertit in Jubilaeum. Chron. Ursperg., ad ann. 1106. On sait que l'importante chronique qui porte le nom de Urspergense (Auersperg) n'a pas t enti-
381
cherchrent tirer de
ce grand exemple des leons utiles au prochain :
crivait saint Anselme au comte de Flan Voyez,
regardez
de
dre,
autour
vous, et considrez le
l'glise et la fouprinces
qui
des
attaquent
sort
Concile gnral
de
Guastalla.
58-2
la confirmation de l'lection du prince, lui promettre que le successeur de Henri IV serait le fal
du saint sige, et qu'il se soumettrait l'glise
comme sa mre, au pape comme son pre 1.
Pascal rendit une suite de dcrets ncessaires pour
consolider la victoire de 1'glise 2; il sacra et rconcilia plusieurs prlats, en dposa d'autres, donna
pour vque la ville de Parme, sur la demande des
Parmesans, le cardinal Bernard Uberti, abb de Valombreuse, qui, deux ans auparavant, avait t arrach de la cathdrale, bless, battu et jet en prison par ces mmes Parmesans alors tout dvous
l'empereur 2. Par amour pour la paix, et vu le petit
nombre de membres du clerg rests orthodoxes
en Allemagne 5, le pape reconnut les vques
1.
Stentzel traduit jus regni par " le droit de donner l'investiture aux'
vques ; c'est une version qui parat en contradiction directe avec
tous les antcdents de la situation et avec le dcret rendu immdiatement aprs par le pape. Ce qui dmontre ce contre-sens, c'est que
la Vie de Mathilde, en prose, par un anonyme, publie dans Murator
[Script., t. V, p. 596), dit expressment : Petens ut sibi regnandi jus
concederet. Stentzel remarque, du reste, avec raison, l'espce de drision que" contenait la promesse du jeune roi, puisque sa mre tait
morte et qu'il avait trahi et dpos son pre. Entendue dans ce
sens-l, sa promesse fut tenue.
1. Ravenne, sige de l'antipape Guibert, fut prive de son droit de
mtropole sur les villes de la province milienne.
2. DONNIZO, Vita Math., II, 14, 17.
3. Ut vis pauci sacerdotes aut clerici catholici in tanta terrarum
latitudine reperiantur.Totigitur filiis in hac strage jacentibus, chri-
II.
585
Nol avec le
Ecclesiae viscera
384
CHAPITRE IX
La
Dans la
Ainsi, dans cette grande lutte, vainqueurs et vaincus, l'empereur Henri et le pape Pascal, dirigeaient
galement leurs penses et leurs voeux vers la
France et vers Cluny, vers le royaume toujours orthodoxe et vers l'abbaye toujours sans rivale. C'tait l'appui du roi de France que Henri IV invoquait surtout pour venger les droits outrags de la
VII.
25
Dans la guerre
des
investitures,
les vainqueurs
comme
les vaincus
se tournaient
toujours
vers la France
et
vers Cluny.
586
allait
cherII
Pascal
Hugues,
saint
de
que
crosse
cher des hommes pour le seconder dans la solution
dfinitive de la question des investitures 1, au lieu
de se rendre en Allemagne, o venait de succomber
le redoutable ennemi de l'glise.
Depuis la rconciliation de Philippe Ier avec l'glise, en 1104, la royaut franaise tait rentre
dans ses voies naturelles et avait repris, aux yeux
des peuples, ce caractre habituel de tendre et ardente dvotion envers l'glise, et spcialement enles
distinguaient
qui
Monastique,
l'Ordre
vers
princes captiens, lorsque la passion amoureuse
ne venait point les garer 2.
Quand PhilippeIer mourut 5, aprs quarante-huit
confiance,
il
invoqua
de
rgne,
avec
comme
ans
son bisaeul Hugues Capet, la puissante assistance
de saint Benot. Il voulut qu'on l'enterrt auprs
des reliques du grand moine, l'abbaye de Fleurysur-Loire : Je sais bien, disait-il, que la spulture
des rois franais est Saint-Denis ; mais, comme
je reconnais avoir t un pcheur endurci, je
n'ose pas me faire enterrer auprs d'un si grand
1. Suger le dit expressment : Ut regem Francorum et filium regeni
designaium et Ecclesiam Gallicanam consuleret super quibusdam
molestiis, et novis investiturae Ecclesiasticae querelis quibus eis infestabat, et magis infestare minabatur Henricus imperator. De Vita
Eudovici Grossi, c. IX.
2. Robert et Berthe. Philippe I" et Bertrade. Voir de sages rflexions ce sujet dans MICHELET, Hist. de France, t. II, p. 149, etc.
5. 50 juillet 1108.
II.
587
d'tre
et de partager le sort de
le
vnrable pre des moines, et je
j'invoque
plein
Benot
de
clmence
est
et je sais qu'il
car
Le culte
de
saint Benoit
chez les
descendants
d'Hugues Capet.
588
gliseset les moines 1. Le clerg payait le roi de son dvouementfilial, en lui prtant l'appui le plus dvou.
A la mort du vieux roi, Yves de Chartres s'tait
ht de runir l'assemble des barons, pour faire
confirmer, par une nouvelle lection, le droit hrditaire de Louis la couronne qu'il avait dj porte du vivant de son pre 2. Le prlat convoqua
tous les vques qui, comme lui, taient suffragants de Sens, et, malgr les rclamations de la mtropole de Beims qui revendiquait le droit exclusif
de procder la crmonie, il fit sacrer la hte le
jeune roi Orlans 5, afin de couper court toutes
1. In exordio nostri principatus quam proxime nostri interesse officii primum quaerere regnum Dei et juslitiam ejus considerans, ad incrementum nostrae salutis tam corporis quam animas credimus proficere, si Ecclesiis sanctorum et monasteriis studuerimus nonsolum
de nostris possessionibus largiri etc. Diplom. pro monast. S. Quintini
de Monte, in Ampl. Collcct., p. 625.
2. On sait qu'alors et jusqu' l'poque de saint Louis, la succession
hrditaire des rois en France n'tait constate que par le sacre, crmonie o l'change des serments et le consentement des vques
et des barons rappelait l'ancien droit lectif dont dcoulait l'hrdit
royale. Il y avait donc alors assez peu de diffrence entre le droit de
succession l'empire et la royaut allemande et le droit reconnu
en France. Philippe Ier avait fait lire son fils de son vivant, comme
l'avait fait Henri IV, ce qui n'empcha pas Louis le Gros et Henri V
d'avoir tous deux besoin d'une nouvelle lection en succdant leur
pre.
5. Ad regni fastigia sicut bonorum voto adsciscitur, sic malorum
et impiorum voliva machinatione, si fieri posset, excluderetur. Consulti ergo proceres, et potissimum dictante venerabili ac sapientissimo
Yvone.... ut ad repellendam impiorum machinationem citissime
Aurelianos conveniant, ejus exaltationis operam dare festinant.
Senonensis igitur archiepiscopus invitatus, cum comprovincialibus,
589
390
591
Voyage
du
pape Pascal
dans
diverses rgions
de
la France.
592
Paris,
dirigea
Pascal
en consacrant, sur
vers
se
ny,
son chemin, les grandes glises monastiques nouvellement acheves 1. A Saint-Bnigne de Dijon, le pape
1. L'itinraire de Pascal II, pendant son voyage en France, n'est pas
aussi facile tablir que celui de son prdcesseur Urbain II ou de
ses successeurs Calixte II et Innocent II. Voici les seules donnes que
. . . .
....
....
SUGER, 1.
c.
....
de Henri V. Ibid.
23 mai. A Troyes. Concile et condamnation nouvelle des investitures. Chron. Vrsperg. Ibid.
25 mai ?
A Souvigny. Diplme en faveur de Cluny. Ep. 71, in
Concil., t. XII, d. COLETTI, p. 1028, et Bibl. Cluniac, p. 550.
4 aot. A Aiguebelles [Aquam Bellam). Nouveau diplme en faveur de Cluny. Ep. 70. Ibid.
1er septembre.
A Modne.
18 septembre.
A Fisole.
24 septembre.
A Florence.
Il est impossible de concilier la date du diplme rendu Souvigny
le 25 mai, selon la Bibliotheca Cluniacensis, l'dition des Conciles de
Coletti, avec la tenue du concile Troyes le jour de l'Ascension qui
595
594
Le
pape Pascal
et
l'abb Suger
la
Charit-sur-Loire
et
Saint-Denis.
pape
crmonie, au milieu d'un grand concours d'vques et de barons, parmi lesquels se trouvait un
moine de Saint-Denis, de basse naissance, nomm
Suger, lequel devait rapporter de prcieux souvenirs de son voyage dans le royal monastre qu'il
tait appel gouverner comme abb, avant de
gouverner la France elle-mme 2.
De la Charit, le souverain pontife se rendit
Tours, puis, aux fles de Pques, dans la ville de
Chartres o le conviait le grand vque Yves qui,
avec la respectueuse mais complte franchise des
hommes de ce temps-l, fit entendre au chef de l'-
1. Omnia laudans, omnia benedicens, adultimum in capitulum venions consedit, ubi sermonem faciens (il prit pour texte le verset 4
du ch. xv de l'p. aux Romains).... Et quia monachis loquebatur quibus maxime necessaria patientia est, eam posuit quasi fundamentum.
Chron. Besuense, in Spicileg., t. II, p. 444.
2. Celeberrimo archiepiscoporum.... conventu.... affuerunt et
no-
595
p. 810.
rliquit
exemplum, quod nec aurum.... quod multum timehatur.... non tantum non affectabat, sed nec respicere dignabatur.... Sanctorum pignoribus humllime prostratus, lacrymas compunctionis offerebat....
Ne displiceat, inquiens, si de vestimentis ejus nobis vel parum reddideritis, qui eum vobis apostolatu Galliae insignitum absque munere
destinavimus.
SUGER,
l.
C.
596
Le vieil arbre
plant
par saint Benoit
pousse
en France
les
.
plus vigoureux
rameaux.
suerunt. Ibid.
397
aspect nouveau. C'est ainsi qu'on vit natre l'ordre de Grandmont et celui des Chartreux; c'est
ainsi qu'on vit, tout coup, resplendir l'ordre de
Cteaux, n dans un coin obscur de la Bourgogne.
A l'poque o Pascal II visitait la province qu'honoraient, un si haut degr, les vertus d'Yves de
Chartres et d'Hildebert du Mans, trois nouvelles fondations, dues trois saints amis, commenaient
attirer le respect des fidles, et promettaient de nouvelles consolations l'piscopat gallican.
Le Breton Bobertd'Arbrissel, dont on a vu clater
le courage au concile de Poitiers 1, en 1100, aprs
avoir t archiprtre de Bennes et coltre d'Angers, avait quitt le monde pour vivre en ermite
dans la fort de Craon, en Anjou, o il dirigeait
une abbaye de chanoines rguliers. Urbain II l'en
avait tir pour l'obliger prcher dans les diocses
voisins. Bobert parcourut la Normandie, la Bretagne, l'Anjou, la Touraine. Il remplit sa mission avec
un clatant succs, entranant sur ses pas de grandes
troupes de pnitents de l'un et de l'autre sexe, qui
campaient dans les bois afin d'tre plus porte d'entendre le saint prdicateur. Bobert, avec une hardiesse inoue, dnonait tous les dsordres, mme
ceux de certains suprieurs ecclsiastiques. Quelques
imprudences commises par la foule errante d'hommes et de femmes au milieu desquels vivait nuit et
jour l'ardent missionnaire, et surtout le zle par1. V. plus haut. Il tait n en 1047.
598
de
Bobert
d'Arbrissel.
599
Marie,
1117)
400
LES PRDCESSEURS
DE CALIXTE II.
401
Bernard,
abb de Tiron
dans
le Perche.
402
cellae1
prieului,
de
runis
cent
et
ou
autour
rent
rs, ne tardrent pas constituer une nouvelle
congrgation qui, place sous la rgle de Saint-Benot, porta dsormais, comme Bernard lui-mme,
le nom de Tiron. Les habitants du pays, la vue
de cette nouvelle espce de cnobites vtus encore
plus pauvrement que les anciens moines, s'imaginrent que c'taient des Sarrasins venus pardessous terre et ensuite des prophtes, la faon
de saint Jean-Baptiste. Bernard se servit de la
curiosit de ces demi-barbares pour les convertir :
il aimait recruter son troupeau monastique
parmi les ouvriers et les artistes, qui il faisait
continuer leur mtier dans son monastre. Et, tandis que charpentiers et maons, peintres et sculpteurs, orfvres et forgerons, laboureurs et vignerons, trouvaient Tiron le travail qui leur tait
propre 2, la renomme de la nouvelle fondation se
rpandait au loin et touchait si profondment le
coeur des hauts barons, qu'au bout d'une anne,
une grande disette tant survenue, le comte Guillaume de Nevers envoya gnreusement un grand
1. Centum cellae GAUFR. GROSS., Vit. S. Bernardi, n 52.
Fleury,
d'aprs Gall. Christ, (t. IV, p. 864), ne compte que 12 abbayes,
48 prieurs et 22 paroisses.
2. Singulas artes quas noverant, lgitimas in monasterio
exercere
praeepit. Unde libenter convenerunt ad eum tant fabri lignarii quam
403
MABILL.
404
Conversions
opres
par saint Vital.
leur
Fougres,
de
vicomte
Baoul,
lui,
de
et
tour
abandonna toute la fort de Savigny, prs Avranches, avec les dbris d'un vieux chteau qu'ils
transformrent en monastre1. Cette nouvelle fondation devint, son tour, le berceau et le cheflieu de trente et une grandes abbayes, tant en
France qu'en Angleterre. Vital, qui possdait le
don d'une vive loquence, quittait souvent sa
solitude pour aller faire retentir la parole de Dieu
parmi les nobles de la Normandie, lesquels, depuis
la conqute de l'Angleterre par l'un des leurs,
s'abandonnaient aux entranements de l'ambition
et souvent s'cartaient de la voie trace par les
anciens preux2. A son loquence Vital joignait
beaucoup de hardiesse et de courage. Sa parole
austre n'pargnait personne; il effrayait d'abord;
mais ceux qui venaient l'entendre attirs par la
curiosit, s'en retournaient ordinairement ples,
mus, tout confus d'avoir entendu dvoiler publiquement des mfaits qu'ils croyaient avoir mieux
dissimuls. L'aptre, ajoute l'hagiographe, faisait
trembler les seigneurs les plus orgueilleux,
comme les rustres les plus grossiers, les filles
des champs comme les nobles dames. A ces
dernires il reprochait le luxe effrn de leurs
1. Vital s'tait retir dans la fort de Savigny ds l'an 1105 ; mais
l'acte de donation par Raoul de Fougres n'eut lieu qu'en 1112 ; il
fut confirm par Henri 1er et par bulle de Pascal II du 25 mars 1115.
Cf. FLEURY, 1.
LXVI,
II.
405
soieries et de leurs fourrures. Les plus grands
seigneurs, et le roi lui-mme, n'en estimaient que
davantage le saint homme 1. Comptant sur cette indulgence, le hardi prdicateur ne craignit pas de
se prsenter, avant la bataille de Tinchebray,
comme mdiateur entre les deux frres ennemis,
le roi Henri et le duc Bobert, qu'il ne put toutefois
russir rconcilier 2.
Quelque fcondes et populaires que fussent les
nouvelles fondations, l'clat de Cluny ne plissait
pas devant elles. Trente-cinq abbayes du premier
ordre recevaient ses lois et lui taient compltement
soumises5 ; onze autres, les principales de la France,
comme Vzelay, Moissac, Saint-Gilles, avaient accept ses coutumes, sans entrer dans les liens de sujtion qu'elle maintenait si serrs, comme l'aLteste le
soulvement de Saint-Cyprien contre elle 4. C'est l
1. Fortitudine et facundia praditus et ad proferendum quicquid
volebat animosus : non parcens in populari sermone infimis nec po-
406
les puissants
rfugier
prfrence
de
venaient
se
que
du sicle et de l'glise, quand Dieu touchait leurs
avoir
aprs
Bourges,
de
qu'un
l
c'est
comte
coeurs :
engag au roi Philippe son comt, pour subvenir aux
frais de la croisade, s'arrtait son retour de la
brave
Le
captivit.
affreuse
d'une
sainte
et
guerre
chevalier se fit moine Cluny, d'aprs le conseil du
pape 1, mais lui n'hsita point dtourner Hildebert, vque du Mans, le digne rival d'Yves de
Chartres par la science et la saintet, du projet qu'il
avait conu d'abdiquer sa dignit, pour se rfugier
Cluny, o il esprait chapper aux vexations des
rois normands et des comtes du Mans 2.
Peu de temps aprs avoir donn l'hospitalit au
troisime des moines de Cluny appels par la Providence monter sur le trne de saint Pierre 5, le
Berlin, qui avait introduit dans son abbaye la rforme de Cluny, alla
demander Rome une sauvegarde contre l'abb Pons de Cluny, qui
prfendait, en sa qualit de pre spirituel, y venir avec un cortge
de cent mules et y clbrer la Pque languam in proprio. MABILL.,
Ann., 1. LXXII, c. 44.
1. ORDER. VITAL, 1. x, p. 795.
2. Cujus sinum, quasi reus eram, amplexus fuissem, si papa consultas pontificis onus amoliri permisisset. Hildebr. Epis t., 1. 5. Cet
illustre vque avait t chercher Pascal Rome pendant que celuici passait en France, et revint sur ses pas pour le rejoindre enfin
l'abbaye de Souvigny en Bourbonnais. En Italie il avait t parfaitement accueilli par le comte Roger de Sicile, par Geoffroy de
Mayenne, et les autres Normands, qui, fidles leurs anciennes
prdilections, l'avaient combl de prsents pour les glises de son
diocse, et surtout pour sa cathdrale de Saint-Julien, qu'il reconstruisait et qui fut ddie en 1120.
5. Grgoire VII, Urbain II, Pascal II.
407
Mort de l'abbflugues
de Cluny.
II.
mme, le pieux abb Fulgence d'Afflighem, vit en
songe deux lits d'or (lectuli), ports au ciel par les
anges, et on lui dit que l'un tait destin saint
Anselme, l'autre saint Hugues de Cluny 1.
Le roi Alphonse VI de Cas tille, ce grand bienfaiteur de l'glise de Cluny, fidle et reconnaissant
ami de l'abb Hugues qui avait autrefois bris ses
fers, le suivit de prs dans la tombe 2. Il voulut
tre enterr chez les Bndictins de Sahagun (San
Facundo) 5.
L'intrpide fermet d'un moine de Cluny, de
Bernard, archevque de Tolde, dfendit, cette
poque, contre une invasion d'Arabes du Maroc,
la capitale et le royaume que la mort d'Alphonse
venait d'branler si profondment 4.
Les droits de dona Urraca, l'hritire du prince
dfunt 5, furent contests par Alphonse d'Aragon.
408
Vision
de Fulgence
d'Afflighem.
Bernard de Cluny
en
Espagne.
4.
MARIAKA,
Bist. Eispan.,
1.
x, c. 8.
PAGI,
1110.
5. Veuve du comte Raymond de Bourgogne et mre d'Alphonse VII,
qui s'intitula empereur des Espagnes.
409
La princesse
410
CHAPITRE X
Le Pape
et l'Empereur Rome.
L'glise avait grand besoin de renforcer ses armes, car elle tait la veille de subir une preuve
inconnue pour elle pendant les mille ans de son
histoire antrieure, et de courir des dangers plus
graves que tous ceux qui avaient t jusque-l son
412
sur
leurs siges
tous
les vques
expulss.
tuaire.
Henri
415
1. O il
414
redevenir
esclave
si
plus
libert,
peut
:
ne
en
l'glise
le
prlat
lire
plus
peut
sans
conun
ne
plus
n'est
elle
l'empereur,
de
sentement
que sa
mise
Christ
du
nant.
la
est
mort
servante,
et
Si le prlat lu est investi par la crosse et l'an neau, qui appartiennent l'autel, c'est une usur pation des droits de Dieu ; et si ce prlat soumet
le
de
le
mains
consacres
et
sang
corps
par
ses
Notre-Seigneur, aux mains d'un laque, ensan glantes par l'pe, il droge son ordre et son
onction sacre 2.
Les Allemands, furieux et peine contenus par
la prsence des Franais, s'crirent : Ce n'est
pas ici, mais Rome et coups d'pe que se
1. Pro regalibus, ut annulo et virga investiatur fidelitatem et hominium facere.... Etenim civitates et castella, marchias, thelonea,
et quaeque imperatoriae dignitatis nullo modo aliter debere occupare.
SUGER, 1. c.
2. Ecclesiam pretioso Jesu Christi sanguine redemptam et liberam
constitutam, nullo modo iterato ancillari oportere. Si Ecclesia eo inconsulto praelatum eligere non possit, cassata Christi morte, ei serviliter subjacere; si virga et annulo, etc.... contra Deum ipsum usurpare; si sacratas Dominico corpori.... ordini suo et sacrae unctioni
derogare. Ibid.
415
Un
concile Troyes
en 1107.
416
l'glise
de
adhrents
principaux
deux
les
mme
pas
romaine, Ruthard de Mayence et l'ancien lgat Gbhard de Spire, lesquels avaient eu la faiblesse
de conserver des cures dont l'investiture avait t
accorde par le roi. Mais une simple menace de
suspension ramena ces prlats au devoir 1. Pascal assigna ensuite Henri un dlai d'un an pour venir
discuter la grande cause, dans un concile gnral
Borne, vers laquelle il se dirigea lentement2 et o les
Romains le reurent, cette fois, avec transport 3.
Henri sembla d'abord se proccuper assez peu de
ces dispositions nergiques de la cour de Rome. Il
consacra les annes 1108 et 1109 des expditions
assez peu glorieuses contre la Hongrie et contre les
princes slaves de la Bohme et de la Silsie, qui ne
reconnaissaientqu'avec peine la suzerainet de l'empire. Vers la fin de 1109, il envoya au pape une
nouvelle ambassade compose des archevques de
Cologne et de Trves, du chancelierAlbert et d'autres
seigneurs, pour traiter d'un accommodement qui
devait ncessairement prcder la collation de la
dignit impriale, dont les rois d'Allemagne ne pouvaient tre revtus qu'aprs avoir t couronns
par le souverain pontife. Pascal rpondit sans d1. Pour ces diffrentes sentences, Cf. COLETTI, Conc., t. XII, pp. 11551156 ; MARTNE et DURAND Ampliss. Collect., t. I, praef. et
p. 618.
2. Cum amore Francorum, dit Suger, qui multum servierant, et
timore Theutonicorum.
3. Tanto Romani tam cleri quam populi tripudiis suscipiebatur, acsi de mortuis redivivus crederetur. Ann. Saxo., ad 1107.
417
tati jam patriae amatoris.... sacramento nimis voluntario confirmatis. Ibid., Ann. Saxo., etc.
5. A Pques, 10 avril 1110.
VII.
MOINES D'OCC.
27
Mariage
du
roi Henri V
avec Mathilde
d'Angleterre.
418
Henri
V
o
srieux
danger
pouvait
tre
cas
au
un
ce
manquerait aux promesses faites Ratisbonne.
Cependant, le pape, pour ne laisser aucun doute
prparatifs
du
les
roi,
malgr
rsolution,
sur sa
renouvela, dans le concile tenu au Latran le 7 mars,
la condamnation formelle des investitures et de
toute intervention laque dans la disposition des
choses ou des biens de l'glise 1. Il y confirma, de
plus, le canon, souvent renouvel pendant les sicles
catholiques, qui plaait les naufrags sous la garde
de l'glise et frappait d'excommunication, comme
des voleurs et des meurtriers, ceux qui s'appropriaient les dbris d'un naufrage 2. Pascal n'oublia
point ceux qui avaient t les dvous champions
de ses prdcesseurs dans les moments les plus critiques : il se rendit en Apulie, o il runit le duc
Roger, le prince de Capoue, tous les comtes normands
l'glise,
de
et il leur fit prter serment de
vassaux
lui porter secours contre Henri, en cas de besoin.
Les chefs de la noblesse romaine prirent 5 envers
lui le mme engagement. Cela fait, le pape attendit
1. Si quis ergo principum vel aliorum laicorum dispositionem seu
donationem rerum sive possessionum Ecclesiasticarum sibi vindicaverit, ut sacrilegus judicetur. Conc., t. XII, p. 1150, d. Coletti.
2. Quicumque res naufragorum diripiunt, ut raptores et fratrum
necatores ab Ecclesiae liminibus excludantur. Ibid.
3. Ducem ac principem, omnesque Apuliae comites evocans, cum
eis paciscitur, ut si opus esset, contra Henricum imperatorem dimicent.... Omnes Romanorum proceres simili sacramento constrinxit.
PETR. DIAC., Chron. Cassin., l. IV, c. 57.
419
420
Grand effroi
caus
par le sac
de Novare.
voir des empereurs allemands, pendant la lutte contre les princes catholiques, pour accrotre leur libert
politique : elles se faisaient la guerre entre elles
comme autant de seigneuries indpendantes. Mais
il n'y avait pas encore, entre leur cause et celle de
l'glise, cette fusion, cette solidarit qui valut plus
tard l'une et l'autre de si clatants triomphes.
Quelques-unes de ces cits belliqueuses firent mine
de rsister l'invasion du prince allemand. Mais le
sac de Novare, premire ville qui lui refusa l'obissance, effraya les autres. Elles lui ouvrirent leurs
portes sans rsistance, et toutes lui envoyrent des
prsents, sauf la fire Milan, o le prtre Luitprand, mutil pour la foi, entretenait depuis longtemps un foyer de rsistance orthodoxe : cette ville
ne voulut pas lui donner d'argent 1. Ayant pass le P
dans la plaine de Roncaglia, o il campa pendant
six semaines, Henri reut l'hommage de tous les feudataires de cette partie de l'Italie. Seule la grande
comtesse Mathilde ne s'y prsenta pas 2. Cependant
elle ne chercha point s'opposer au passage des
Allemands, soit qu'elle se sentt trop faible, soit
qu'elle se trompt, comme le pape, sur les intentions
du roi. Comme il importait Henri de s'assurer au
1.
2.
Ibid
421
422
garanti
la
paix
qu'il
jusqu'
et
ce
comme empereur
de l'glise, en renonant aux investitures. Henri
soutenait, lui, qu'il ne pouvait amoindrir et sa couronne et l'empire, en renonant un droit exerc
depuis plus de trois cents ans et confirm par le
Proposition
des
plus dangereuses
faite
par le pape.
consentement de soixante-trois papes 5. Alors le pontife proposa une solution aussi nouvelle qu'importante, et qui tmoignait hautement de sa bonne
foi et du dsintressement absolu de l'glise dans
cette question vitale. Il proposa de renoncer, au
l'glise,
de
toutes les possessions et rgales
nom
l. Lon, pre
425
qu'elle tenait des anciens empereurs 1, et de se contenter, modestement, des dmes et des oblations, en
interdisant toujours aux vques d'Allemagne,
sous peine d'anathme, d'occuper dsormais les
villes, duchs, comts, monastres, pages, marchs, avoueries, manoirs, chteaux et droits quelconques, qui dpendaient de l'empire, et qui
taient compris sous le nom de rgales2. Moyennant
cette concession, le futur empereur, que le pape
s'engageait couronner en cette qualit, devait
son tour renoncer, par crit et en public, le jour de
son couronnement, tout ce qu'il avait usurp sur
l'glise (c'est--dire aux investitures), dclarer
libres les glises, avec leurs dmes et celles de leurs
possessions qui n'appartenaient pas manifestement
l'empire; enfin, restituer et garantir le patrimoine de Saint-Pierre, ainsi que la scurit personnelle du souverain pontife, contre tout attentat, violence ou emprisonnement 5.
1. Omnia praedia et regalia quae a Carolo et Ludovico, Ottone et
424
Situation de
l'glise
d'Allemagne
analogue
celle de
l'glise
de France.
1. Reichslehne, fiefs d'empire tout fait distincts des Kirchengter ou biens d'glise. GERVAIS, 1, 40.
425
reur : charta conventionis, quoique dans sa forme actuelle elle paraisse avoir t consomme ; mais il est vident qu'elle n'tait destine tre rendue que le lendemain du couronnement de Henri, puisqu'on y lit : Porro Ecclesias.... liberas decernimus, sicut in die
coronationis tuae omnipotenti Domino in conspectu totius Ecclesiae
promisisti. Cette promesse tait, aussi bien que le couronnement,
une des stipulations du trait ; et le pape la supposait remplie. Mais
Henri ne fut couronn que deux mois aprs et sans faire aucune promesse de ce genre; d'un autre ct, il avait dj une copie de cette
lettre, qu'il envoie aux Parmesans en leur disant : Petii ab eo ut sicut
in charta conventionis ejus scriptum est, mihi adimpleret. Haec est
charta conventionisejus ad me. Suit le texte que nous citons. Cf.
Cod. Udalric, nos 261, 262 et 265. Fleury s'est tromp en rapportant
cette lettre du pape au concile de Latran en 1112. Saint-Marc (Hist.
d'Italie. IV, 982) a dj relev cette erreur trange.
426
frquenter
les
possessions
leurs
astreints
par
la
Les
faire
justice
de
et
guerre.
cesse
sans
cours
les
ministres
l'autel
devenus
ministres
de
sont
427
du chancelier Albert 2,
se bornrent prsenter quelques objections au
plan de Pascal, dclarant que le roi ne voulait pas
faire violence l'glise ni encourir la peine du sacrilge en la dpouillant 5. Mais il est certain qu'ils
acceptrent le trait, tout en sachant parfaitement,
comme leur matre le dclara depuis*, que le trait
tait inexcutable. Ils n'hsitrent point dclarer
que leur roi, moyennant la concession offerte par
le pape, renoncerait aux investitures 5, et ces prliminaires furent confirms par le serment rciproque des ngociateurs des deux parties 6, prt au
parvis de Saint-Pierre, le 5 fvrier 1111. Les ambassadeurs de Henri lui portrent Sutri le trait, qu'il
accepta sans hsiter, sous la rserve de la confirmation authentique et solennelle des princes ecclsiastiques et sculiers 7. Il jura, de plus, d'accepter
1. Ce caractre laque des plnipotentiaires du pape est remarqu
dans la lettre du cardinal Jean de Tusculum l'vque d'Albano, ap.
c. 13.
2. Leurs noms se trouvent en tte du serment cit par les Acta Sutrina, ap. BARON., ad ann. 1111, et Cod. Udal., n 262.
3. Cum nostri responderent : Nos quidem nolle Ecclesiis violentiam inferre, nec ista subtrahendo tot sacrilegia incurrere. Cod.
Udalr., 261.
4. Nostris tunc idem firmantibus, si haec uti praemissum est, complesset (papa), quod tamen nullo modo posse fieri sciebant. Lettre de
Henri V lui-mme aux Parmesans, Cod. Udalr., 261.
5. Me quoque investituras Ecclesiarum, uti quaerebat, refutaturum. Ibid.
6. Voy. aux Pices justificatives.
1. C'est--dire, probablement, d'une dite o se trouveraient tous
ceux des vques ou des princes qui ne l'accompagnaient pas. PraeBARON., 1. IV,
Serment
prt au pape
par
l'empereur.
428
attentat ou emprisonnement 2.
Frdric, duc de Souabe, le chancelier Albert,
le comte Hermann de Saxe, et neuf autres seigarantirent
et
comtes
tous
margraves,
gneurs,
aussi et sous la foi du serment, la scurit personnelle du pape 5. On changea, en outre, des
otages qu'on devait garder jusqu' l'entier accombuit rex assensum, sed eo pacto quatenus haec transmutatiofirma et
autentica ratione, consilio quoque vel concordia totius Ecclesiae ac
regni principum assensu stabiliretur. Chron. Ursperg., ann. 1111.
objet si important pour
On conoit qu'il ne pouvait stipuler sur un
la constitution de l'empire, sans le consentement de tous les intresss.
1. Haec ita jurejurando firmavit imperator. Chron. Cassin., IV, 57.
2. Post haec misit papae nuntios Sutrium coram quibus rex juravit
in haec verba. Juramentum Henrici, etc.. : Ego, Henricus rex, ab hac
hora in antea non ero in facto aut consilio, ut dominus Paschalis
papa II perdat papatum, vel vitam, vel membra, aut capiatur mala
captione, vel per me, vel per submissam personam.... Sic observabo
domino papae sine fraude et malo ingenio, si D. papa proxime die Dominica sic adimpleverit mihi, sicut in conventionis chartula scriptum
est. Acta Sutr., ap. BARON., ann. 1111.
3. Qui jurabant papae securitatem de vita, de membris, de papatu,
de captione.... Hi omnes post imperatorem eo ordine jurarunt, ut si
imperator haec implere nollet, ipsi cum omnibus suis cum Romana
Ecclesia tenerent.... Actum Sutrii in hurgo, quinto Idus Februarii.
Ibid. Voir le texte de tous ces actes aux Pices justificatives. Le
429
plissement du trait. Frdric, le neveu de l'empereur, avec quatre autres seigneurs, furent envoys au pape : le roi choisit, lui, Pierre de Lon
et sa famille. Pascal alors crivit en termes trsaffectueux Henri pour s'excuser de ce que la rudesse de la saison l'empcht d'aller au-devant de
lui 1.
tur. Ibid.
430
l. c.
4. Ibi ex libro professionem imperatoriam faciens..., mox super
eum orationem primant (sicut in ordine continetur), Lavicanus episcopus dixit. Ibid.
431
Saint-Pierre, a toutes les apparences d'un coup mont d'avance avec l'empereur pour obtenir le couronnement sans trait.
Gervais croit que Henri et le chancelier Albert avaient cherch cacher aux vques allemands le trait conclu avec le pape, jusqu'au
moment o le pape en rclamerait l'excution, de manire faire retomber sur celui-ci toute l'explosion du mcontentement des prlats
(t. I, p. 200, n. 1). Raumer reconnat que Henri avait certainement
l'intention de tromper le pape, mais qu'il n'a pu trouver aucune
preuve d'une intention analogue chez Pascal. Hist. des Hohenstaufen, t. I, l. n, c. 2. Lden, au contraire, prtend que le pape
avait dsir et espr cette scne, et luttait de ruse arec Henri; il
est vrai qu'avec cette extrme mauvaise foi dont cet auteur donne
tant de preuves, il supprime compltement dans son rcit le fait imdans
Fourberie
de l'empereur
Henri V.
432
Protestations
des
vques
et
des abbs.
puissants de l'empire. Il n'y avait parmi ces derniers que trois vques italiens, dont deux, Bernard
de Parme et Aldo de Plaisance, fussent connus par
leur zle pour l'glise 1. On ne sait pas les dtails
prcis relatifs cette fatale confrence ; mais, quand
les Allemands sortirent de la basilique, aprs avoir
t invits se hter par un message du pape 2, un
tumulte effroyable clata subitement5. Les vques
et les abbs 4 reprochrent vivement au souverain
pontife d'avoir rendu un dcret hrtique,, qui
portant de la rvolte des vques allemands contre la confiscation de
leurs fiefs. Geschichte der deutschen Volks, t. IX, l. XX, p. 591.
L'abb Suger, dont l'autorit est un peu plus imposante, comme contemporain et comme.... (sic) n'hsite pas accuser la mauvaise foi de
l'empereur. Inire callens pacem simulat, querelam investiturarum
deponit, multa et haec et alia pollicetur, et ut Urbem ingrediatur,
quia aliter non poterat, blanditur nec fallere summum pontificem et
totam Ecclesiam, immo ipsum Regem regum veretur. Voir p. 290.
1. V. plus haut, l'entrevue de Chlons. Le troisime tait Bensignore de Reggio.
2. Cum autem longior se hora protraheret, missis nuntiis pontifex
conventionem supradicti tenoris repetiit adimpleri. Act. Sutr., l. c.
5. Il parat cependant que les vques allemands commencrent
par rendre au pape les honneurs qui lui taient dus. Tunc episcopi
transalpini corruerunt et ad oscula surrexerunt. Sed post paululum,
la discussion commena. Suger n'y voit qu'une feinte, inopinata nequitia ficta litis occasione furor Theutonicus frendens debacchatur (l. c.).
4. Universis ei in faciem resistentibus et decreto suo plenam haeresim inclamantibus, scilicet episcopis, abbatibus tam suis quam
nostris et omnibus Ecclesiae filiis. Epist. Henr. ad Parm.; cod.
Udalr., 262. On ne sait qui Henri prtend dsigner par ces mots,
tam suis; puisqu'il fit ensuite arrter, en mme temps que le pape,
les trois vques lombards, une foule de cardinaux et de prtres, il
est vident que le clerg romain ne se prononait pas contre le pape.
C'est donc un mensonge de plus.
433
les spoliait de leurs biens, et ils refusrent ouvertement d'obir. Les princes laques ajoutrent de
commencrent
se plaindre, eux aussi, de l'injustice d'un pareil
trait : on leur rpondit, de la part du pape, en
citant les textes si souvent invoqus par les ennemis
de la libert de l'glise, portant qu'il faut rendre
Csar ce qui est Csar, et que celui qui combat
pour Dieu ne doit pas se mler aux affaires du sicle 2.
Pour bien expliquer les motifs de sa conduite,
Pascal II voulut lire le diplme ou, si l'on aime
mieux, la bulle qu'il avait adresse Henri et qui
contenait toutes les stipulations du trait 5; mais
1. Tumultuantibus in infinitum principibus, pro ecclesiarum spoliatione et per haec beneficiorum spoliatione. Chron. Ursperg., ad ann.
Familiares regis dolos suos paulatim aperire coeperunt, dicentes.... Quibus Evangelica et Apostolica auctoritas objiceretur, scilicet
quiareddenda sunt Coesari, etc.... et nemo militans Deo, etc.... Acta
Sutrin., ap. BARON., l. c.
assez
Nous croyons que Fleury, qui passe
lgrement sur cette crise si vitale pour l'glise, a commis un contresens en mettant ces objections dans la bouche des partisans de Henri.
Hist. eccls., l. LXVI, n. 5.
5. Hoc, si salva pace Ecclesiae dici potest, privilegium proferre vo2.
MOINES d'OCC.
VII.
28
434
Le
pape et sa suite
sont livrs
la soldatesque.
impriale
recevoir
la
l'empereur
veut
couronne
Charles,
Louis
lui,
l'ont
avant
et
reue,
comme
ainsi;
Pascal
refusa
de
la
donner
mais
Ppin
4.
435
456
l'empereur,
favori
de
hautement,
et
un
prouva
Henri, burgrave de Messnie, surnomm Capet 1,
fut tellement indign, qu'il mit l'pe la main et
menaa le prince de son pe. L'archevque, qui
tait prt mourir pour la justice et qui avait
horreur de l'attentat commis sur le Vicaire de Dieu,
tendit le cou au meurtrier 2. Il ne fut point frapp ;
mais il expia son courage par neuf ans de perscution et d'exil 5. Dieu choisit ce moment pour toucher le coeur d'un homme qui devait compter plus
tard parmi ses grands serviteurs. Norbert, alors
chapelain de l'empereur, et depuis fondateur de
l'ordre de Prmontr, se prosterna devant le pontife prisonnier, lui demanda l'absolution de ses
pchs, et, renonant au monde, alla se cacher
dans une profonde solitude 4. Norbert et Conrad
commenaient aux pieds d'un pape enchan devant la Confession du premier pape martyr, la carrire au bout de laquelle tous les deux devaient
tre canoniss par un successeur de Pascal II.
1. Henricus Caput, ou cum Capite. On trouve des dtails sur lui et
sa carrire ultrieure dans GERVAIS, t. I, p. 206, not. 4. Une chronique monastique contemporaine l'appelle Henricus quidam regioe tyrannidis capitancus; Lden le qualifie d'homme hroque. T. IX,
p. 478.
2. Zelo aequitatis vicem Dei dolens.... tanquam pro justifia mori
optans, jugulum praebuit. OTTO FRISING., Chron., VII, 14.
5. Il fut oblig de se cacher dans une caverne prs d'Admont, en
Styrie, o il fonda ensuite un clbre monastre.
4. HERIMANN., De restaur: S. Martini Tornac., in Spicileg., t. II,
p. 915.
437
un nombreux clerg, et beaucoup de laques prisonniers comme eux 1. Henri lana ses soldats sur
la foule d'hommes, de femmes et d'enfants, venue
avec des fleurs, des rameaux, et dont plusieurs furent dpouills, battus, enchans et mme gorgs 2. Les Allemands mirent au pillage les ornements et les vases sacrs qui avaient servi la
procession 5. Le peuple de Rome, au bruit de ces
indignits et de la captivit du pape, s'arma et fit
main basse sur tous les Allemands qu'il put rencontrer dans la ville. Le lendemain, les Romains,
de plus en plus enflamms, allrent attaquer le
camp imprial au parvis de Saint-Pierre; l'empereur, renvers de cheval, courut les plus grands
dangers; le comte Otton de Milan fut mis en
pices. On combattit pendant toute la journe; les
Romains, d'abord vainqueurs, puis repousss, finirent par forcer les Allemands rentrer dans leurs
retranchements 4. Deux cardinaux, Lon, moine du
Mont-Cassin, vque d'Ostie, et Jean, vque de
1. Capta est cum eo clericorum et laicorum copiosa multitudo. Act.
Sutr., l. c.
2. Pueros item, ac diversae aetatis homines, qui obviam ei cum floribus et palmis exierant, alios obtruncari, alios.... jussit. Act. Sutr.,
l. c.
5. Rodulf. Chron. abb. S. Trudonis, p. 697, ap. STENTZEL, I, 659;
DONNIZO, II, 18.
4. V. les dtails. Chron. Cassin., IV, 41.
Violences
exerces
contre le pape,
les
cardinaux,
et
contre
des prtres
et
des laques.
438
RON., l.
c.
5. Epist. ad Rich. Alban., l. c. Nous avons pens que celte lettre du cardinal Richard, vque d'Albano, crite immdiatement aprs
la captivit du pape, n'tait qu'une circulaire; mais il faut observer
que bien probablement Richard n'tait pas dans son diocse : depuis
longtemps il exerait les fonctions de lgal en France, et on l'y retrouve ensuite aprs la dlivrance de Pascal.
4. Voici comment M. de Saint-Marc, gallican consquent du dernier
sicle, qualifie la conduite du roi : Henri, plus fier et plus imptueux encore que son pre, ne voyant alors, j'oserai mme dire ne
439
laques arrts en mme temps que le pontife, suivaient dpouills de leurs vtements les plus indispensables, et attachs, comme leur matre, par
des cordes. On enferma Pascal, avec six cardinaux,
dans le chteau de Trabico. Dfense fut faite
aucun Italien de lui parler : il tait gard et servi
ments subis, sept cents ans plus tard, par Pie VI, Pie VII, et les cardinaux noirs, Savone et Fontainebleau ?
Le
pape
est enferm
dans le chteau
de Trabico.
440
les
Romains
des
porter
reet
rage
traite de l'empereur. Mais, sans le secours des
anciens auxiliaires de l'glise, de Mathilde et des
Normands, que pouvait-on esprer? Mathilde ne
bougeait point, et les Normands se trouvaient hors
d'tat de remplir leurs obligations de vassaux de
Saint-Pierre. En apprenant l'arrive de Henri aux
portes de Rome, le pape avait crit ses vaillants
auxiliaires pour les engager persvrer dans leur
fidlit envers l'glise 1. Mais, avant d'avoir reu
cette lettre qui l'et fait voler au secours de son
suzerain, le duc d'Apulie et de Calabre, le fils de
Robert Guiscard, venait de mourir 2. Pour comble
de malheur, Bohmond, prince de Tarente, avait
aussi cess de vivre5, et la Sicile se trouvait dans
les mains d'un mineur, le jeune Roger, le fils du
grand comte et que sa mre gouvernait. Sans chefs
qui pt les mener au combat, les Normands taient
donc rduits l'impuissance, et ils avaient tout
lieu de craindre que leurs conqutes italiennes ne
leur chapassent. Les Lombards, qu'ils avaient
remplacs en Apulie, comptaient, en effet, sur
une revanche prochaine 4. Les troupes de Roger
1. Pontifex hortatorias litteras illico disseminans, Northmannos et
Longobardos monebat in Romanae Ecclesiae fide ac devotione persistere. Ibid., c. 58.
2. 21 fvrier 1111.
5. 7 mars 1111.
4. Horum itaque mors, ut Northmannis magnum incussit metum
441
durent se retrancher, dans l'attente d'une prochaine invasion. Le prince Robert de Capoue put
seul envoyer trois cents chevaliers au secours de
Rome; mais ceux-ci rencontrrent Jeventino le
comte de Tusculum, prince d'une maison ternellement hostile la libert de l'glise, lequel,
runi d'autres chefs du parti imprial, mit en
droute cette poigne de fidles serviteurs du saintsige, dont le chef fut rduit solliciter la paix 1.
Henri passa le carme Albano et fit ravager
cruellement les environs de Rome, dans l'espoir
d'intimider les Romains, qu'il cherchait d'un autre
ct gagner par des offres d'argent. Mais ces
derniers, sous l'impulsion de l'vquede Tusculum,
ne voulurent traiter qu' la seule condition que le
pape et les cardinaux seraient mis en libert. L'empereur, alors, fit ramener le pape dans son camp 2,
et l lui dclara solennellement que si les conditions proposes n'taient point acceptes, la moiti
des nombreux captifs 5 qu'il tranait sa suite serait gorge, l'autre moiti mutile, et qu'en outre
ejusque exercitui, et Longobardis omnibus extulit
animos. Verebantur illi ne imperatoris adventu sedibus suis et
principatu pellerentur.... Chron. Cassin., IV, 41.
1. Chron. Cassin., l. c.
2. Postremo tam suspicionis quam et concordiae gratia in castro reductus est. Fuit Apostolicus in eodem ergastulo sexaginta et unum
captivit du pape ne dura que
dies. Ibid.
la
dmontr
Pagi
que
a
442
445
souill
de
tant de crimes, et du sang de tant
riale des troupes romaines, le 11 avril 1111. L'empereur promit de mettre en libert, le lendemain
ou le surlendemain, le pape, les cardinaux et
tous les captifs ; de restituer ce qu'on avait pris
du patrimoine de l'glise romaine, et d'obir au
1. Absit vero ut homini interfectorum sanguine cruentato, tantisque
flagitiis exsecrando consecrationem impertiam ! Trithemius, ap. MABILL., V, 559.
2. Voir ibid.
5. Victus tandem lacrymis atque suspiriis filiorum. Chron. Cass.,
l. c.
4. En cogor pro Ecclesiae pace
Pascal 11
cde
la volont
de l'empereur
pour sauver
ses
serviteurs.
444
pontife, sauf l'honneur du royaume et de l'empire, comme les empereurs catholiques avaient
coutume d'obir aux papes catholiques 1.
Pascal, son tour, jura de ne jamais inquiter
l'empereur ni l'empire au sujet des investitures
d'vchs ou d'abbayes, de pardonner tous les maux,
tous les outrages que ses amis et lui avaient subis,
de ne jamais prononcer d'anathme contre l'empereur, enfin de le couronner sans dlai et de l'aider de bonne foi maintenir en paix son empire2.
Cette promesse fut jure par les seize cardinaux
captifs5; mais Henri ne s'en contenta pas : il exigea,
avant de mettre le pape en libert et de le laisser
rentrer Rome o le sceau pontifical tait rest,
que Pascal rdiget et lui remt sa bulle qui devait
reconnatre le droit des investitures.
Le lendemain donc, 12 avril, dans le champ des
1. Salvo honore regni et imperii, sicut imperatores catholici pontificibus Romanis soient. Cette promesse fut jure par quatre vques,
le chancelier Albert, sept comtes et le marquis Wemer. On est
tonn d'y voir figurer, en premire ligne, Frdric, archevque de
Cologne, dont la conduite ultrieure dmentit si hautement sa participation cet acte.
2. Neque aliquod malum redditum reddet sibi vel alicui personae
pro hac re, et penitus in personam regis nunquam anathema ponet.
GUILLELM. MALMESE. l. v, ex Chron. David. Scott. Bancor. episc. Cf.
BARON., ann. 1111, et Concil., ed. COLETTI, t. XII, p. 1174.
La stipulation relative l'anathme n'est pas reproduite dans l'acte du serment pontifical donn par Baronius (ex Act. Vit. Pasc.), mais peut
tre comprise dans les termes gnraux : Non inquietabit regem nec
ejus regnum et imperium.
5. Dont deux vques suburbicans et trois diacres.
445
le sceau pontifical, un secrtaire qui, pendant la nuit, libella la bulle que Pascal signa aussitt sous le titre de privilge 1. Il y tait dit que le
pape confirmait l'empereur la prrogative accorde par ses prdcesseurs ceux de Henri ;
que les vques et abbs, lus sans violence ni
simonie, seraient investis par l'empereur de la
crosse et de l'anneau, et que nul vque lu sans
le consentement de l'empereur ne serait consacr avant d'avoir t ainsi in vesti 2. L'anathme
tait prononc contre quiconque enfreindrait les
dispositions de ce privilge, qui ne fut, du reste,
garanti ni contresign par aucun cardinal.
Enfin, le jeudi 15 avril, Pascal II et Henri V entrrent dans la cit Lonine 5, et se rendirent
avec
Le pape
consent
couronner
l'empereur.
446
en
une
l'glise
Seigneur,
du
que
ca empereur, ce corps
Marie,
Vierge
de
la
affirme
n
tholique
tre
et
le
donnons
croix
mis
vous
nous
pour
nous,
en
violera ce trait 2.
Pascal rentra ensuite dans Rome, o le peuple le
reut avec joie. L'empereur, aprs avoir combl
de prsents le pape et son clerg, partit le mme
riv droite du Tibre qui comprend Saint-Pierre, et qui tait alors regard comme en dehors de la ville de Rome.
1. Portis omnibus Romanae urbis, ne quis civium eo adveniret, observates. Chron. Cass., l. c.
2. Cette dernire phrase, cite seule par Pierre Diacre, ne se
trouve pas dans les versions de l'allocution du pape que donnent
Guillaume de Malmesbury, d'aprs le recueil du chapelain de l'empereur, David de Bangor, le codex Udalr. n 264, et Papyrus Masson
dans ses Notes sur Yves de Chartres. Lden (t. X, l. xx, c. 4, n. 11, p.
056) parat indign de cette communion deux, qu'il appelle une profanation. La contraction de l'hostie lui semble surtout incroyable et
l'autorise appeler le pape non pontifex, sed carnifex. Il est clair,
d'aprs ces observations, que l'historien ne sait pas que, tous les
jours, dans toutes les messes dites par tous les prtres catholiques,
cette confraction a lieu. Voil pourtant par quels savants l'glise
catholique est, chaque jour, juge et condamne !
447
jour pour le Nord 1. Pralablement, il tait all visiter la comtesse Mathilde 2, dont il voulait se concilier la faveur, et la prire de laquelle il avait immdiatement dlivr les vques de Parme et de
Reggio faits prisonniers en mme temps que le
saint-pre 3. C'est dans le chteau de Bibianello que
se virent les deux illustres personnages, et passrent
trois jours ensemble4, pendant lesquels ils n'eurent
pas besoin d'interprte, car elle savaitparfaitement
l'allemand. Henri dclara qu'il n'avait jamais vu
une femme aussi extraordinaire; il lui donna le
nom de mre et la constitua vice-reine d'Italie.
Henri se rendit ensuite Vrone, o il clbra la
fte de la Pentecte et renouvela l'alliance de l'empire avec la rpublique vnitienne, aprs quoi,
franchissant les Alpes, il alla, pour rhabiliter la
mmoire du pre qu'il avait dtrn, lui faire clbrer les plus magnifiques obsques qu'on et encore
vues. Usant de l'autorisation qu'il avait obtenue du
pape, l'empereur fit enterrer le corps de l'excommuni 5 dans la cathdrale de Spire. A cette occasion,
des immunits furent accordes aux bourgeois de la
1. Chron. Ursperg., l. c., 18.
2. DONNIZO, II, 18.
5.
Pergere nec Caesar sapiens
usquam cupiebat
Ibid.
4. Du 5 au 6 mai 1111.
5. D'aprs la Chron. Ursperg., l. c., on pourrait croire qu'il avait
encore obtenu cette concession du pape captif.
Lempereur
va
visiter
la comtesse
Mathilde.
448
CHAPITRE XI
Victoire de la puissance temporelle.
Bruno, vque de Segni, invite le pape casser sa bulle.
La
lettre de Bruno mcontente le souverain pontife. Les vques
franais protestent leur tour. Intervention de Geoffroy de
Vendme. Exaspration des moines de Hirschau. Manifeste
des moines rfugis Saint-Bnigne de Dijon.
Pascal II rassemble
un concile au Latran. Humilit du souverain pontife. Profession de foi de Pascal devant le concile.
Sentence des Pres du
Latran. Hildebert du Mans et Yves de Chartres apologistes de
Pascal II. Joceran rpond Yves. Concile de Vienne, o l'empereur est excommuni. La mauvaise foi de l'empereur claire
les princes sur les dangers dont ils sont tous menacs. Henri V,
devenu plus puissant que Henri IV, ne mnage plus rien. Dfection du chancelier Adalbert de Mayence. Adalbert est enferm
dans sa propre forteresse de Trifels. Mariage d'Henri V avec
Mathilde d'Angleterre Mayence. Insurrection contre l'empereur. Victoire des confdrs. Thomas de Marle est excommuni
et dchu des prrogatives de chevalier. Concile tenu SaintGron de Cologne.
Adalbert sort de captivit. Erlung de
Wurtzbourg abandonne l'empereur Henri V.
D'OCC.
VII.
29
450
dict
trait
souscrire
imprial,
par
un
pour y
camp
l'empereur, il y avait une revanche plus que complte de l'humiliation que ce prince prtendait
avoir subie Canosse. Sorti vainqueur d'une lutte
qui durait depuis quarante annes, Henri, le fils
de l'excommuni, revenait pour rhabiliter la mmoire paternelle et clbrer un double triomphe,
tenant la main le privilge des investitures, sign
par le pontife mme qui les avait tant de fois proscrites. Les auxiliaires laques de l'glise voyaient
courber la fois, sous l'ascendant de l'empire,
et la puissance de l'glise et l'indpendance des
serviteurs laques dont l'pe l'avait si souvent
prserve. Les Normands tremblaient pour euxmmes dans leurs montagnes, et, pour la premire
fois, la grande Mathilde avait pactis avec l'empereur allemand. Le successeur de Grgoire VII n'avait su ni vaincre ni mourir, ni mme garder le
silence. Il restait dans sa ville de Rome, sans allis,
sans ressources et sans gloire. Mais c'tait de
cet excs mme d'abaissement que l'glise allait
sortir, aussi forte et aussi libre qu'auparavant, et
que l'esprit de Grgoire VII allait se montrer plus
vivace et plus fcond que jamais.
Lorsque Grgoire avait pris en main le gouvernement de l'glise, il lui avait fallu crer seul et
entretenir un foyer de rsistance contre l'usurpation laque ; il lui avait fallu former et discipliner
l'arme dont put disposer l'glise un quart de sicle
451
1. Celle de Soleri.
2. V. plus haut.
452
Bruno,
vque de Segni,
invite le pape
casser sa bulle.
taient
pape
contraire,
Mais
d'autres,
auparavant
5.
au
comme
faisaient l'apologie de tout ce qui s'tait pass.
Bruno, averti qu'on le dnonait comme un fauteur
de discorde et de scandale, se crut oblig d'crire au
pape dans les termes suivants : A Pascal, souverain
tel
pontife,
tout
qui
d
seigneur
Pre,
est
et
un
ce
serf
bienheureux
pcheur,
vque
du
Bruno,
et
453
l'unique porte pour y entrer, et en ouvre beaucoup d'autres pour les voleurs et les larrons? Nous
avons les canons et les constitutions des saints
Pres, depuis les aptres jusqu' toi. Il faut marcher dans cette voie royale, et ne s'en dtourner
ni droite ni gauche. Tu avais tabli une
excellente constitution, identique celle des aptres, qui condamne et excommunie tous ceux
qui reoivent l'investiture de la main des laques.
454
La
lettre de Bruno
mcontente
le
souverain
pontife.
II.
l'glise
1. Bruno, par nominade
vernement
455
naux avant la protestation de Bruno, en quoi ils se trompent manifestement : la lettre de Pascal aux cardinaux, pour leur reprocher
leur conduite, tant du 5 juillet, tandis que la dmission de Bruno
des fonctions d'abb du Mont-Cassin, motive par sa protestation, doit
tre du mois de mai, puisqu'il fut lu le 1er octobre 1107, et gou1. Nolo ut
456
sache
Pascal,
Crucifi
qui
le
est mort
volont
fonder
ta
sur
pouse,
confie
l'a
qui
te
et
pour que
pour
son
Sache
lui.
de
digne
maintiennes
toujours
la
tu
violer
laisser
de
la
pontife,
plutt
mourir,
que
faux
de
sduire
l'ennemi,
amants,
par
ou
par
Les
vques franais
protestent
leur tour.
glise
1, "
son
En France l'indignation des catholiques clata
avec une force plus vive encore, et le pape cessa
d'tre estim par le grand nombre 2. Les vques
Robert de Paris, Gualon de Lon, l nouvel abb
verna l'abbaye trois ans et sept mois, au dire de Pierre Diacre. Chron.
Cass., l. IV, c. 51, 44.
1.
ORDER. VITAL,
l. x, p: 762,
457
rrent que toutes les concessions faites l'empereur taient nulles de plein droit, et que Pascal,
aurait d plutt mourir que de livrer le droit et les
dcrets des Pres au pouvoir sculier 1. Le moine
Joceran, abb d'Ainay, qui avait remplac sur le
sige primatial de Lyon le fameux Hugues, ami de
Grgoire VII et longtemps lgat, rassembla en concile non-seulement ses suffragants, mais encore les
vques des provinces voisines; de sorte que le bruit
se rpandit qu'on y jugerait et condamnerait Pascal 2. Un prlat aussi minent par son zle que par
sa haute naissance, alli du roi de France et qui
Dieu rservait la glorieuse conclusion de la grande
lutte du sacerdoce et de l'empire, Guy de Bourgogne, archevque de Vienne, crivit au pape pour
savoir la vrit sur les faits et connatre ses
futures dispositions 5.
L'abb Geoffroy de Vendme, celui qui avait rinstall Urbain II dans la chaire du Latran, reconquise sur l'antipape Guibert 4, intervint, de son
redarguebat... quidquid imperatori verbo seu scripto
concesserat, irritum esse debere indubitanter censebant.... Pro veritate et justifia debuisset optare mori.... Vincula et flagra perpeti
quam aliquid contra jus et statuta Patrum potestate annuere sae1. Papam
culari.
2. V. la
Pascal, ad Guidon.,
Intervention
de
Geoffroy
de Vendme.
458
briser
le
de
jusqu'au
malade
et
pas
ne
sang,
rouille
2. Mais,
la
d'en
ter
essayant
vase en
la vue de l'humiliation de l'glise romaine, le zle
du prlat ne connut plus de limite : L'glise,
chastet
foi,
la
la
vit
Pascal,
mandait-il
par
459
ce que le Christ, saint- Pierre et les canons r prouvent, sa plaie n'en est pas moins profonde,
puisqu'au lieu de sauver ses fils, il a mis un
obstacle leur salut. Les saints ne nous ont jamais
appris soustraire la mort des hommes qui, con damms la subir tt ou tard, pouvaient entrer
tout de suite dans la vie ternelle que Dieu leur
l'glise universelle.
prparait dans l'intrt de
Quand mme ils auraient t assez lches pour
la
s'carter de la porte du paradis en renonant
exhorta vrit, c'tait toi de les soutenir par tes
tions et tes exemples, en mourant le premier pour
la bonne cause. Et, comme cette faute est inex
cusable, comme en essayant de l'excuser on ne
peut que l'aggraver, il faut l'expier sans retard;
l'glise, qui semble prte rendre
de la sorte,
le dernier soupir, ne succombera pas. On peut
tolrer le pasteur s'il a de mauvaises moeurs,
mais non s'il erre dans la doctrine. Alors, le
dernier des fidles, ft-ce mme un pcheur
public, un infme, a le droit de s'lever contre
460
Exaspration
des
moines
de Hirschau.
ignorance
le
dire,
qu'on
pardonne
mon
: si
haine
pardonne
le
qu'on
dit
j'en
ai
trop,
ma
461
lemagne, tait mort avant l'expdition de l'empereur Rome. L'archevque de Saltzbourg, le seul,
parmi les prlats allemands, qui et protest
Rome contre les violences impriales,
tait rduit
se cacher dans une caverne des montagnes de son
diocse 1. Henri avait envoy toutes les glises de
l'empire une copie du privilge extorqu Pascal,
avec ordre de l'observer fidlement2. Richard, vque intrus de Verdun, excommuni au concile de
Troyes, en 1107, ne manqua pas de porter triomphalement cet crit l'abbaye de Saint-Vanne, qui
tait le foyer principal de l'esprit catholique en
Lorraine. Ayant fait assembler les moines, le prlat
leur donna lecture de la concession papale, et leur
dit ensuite : Voyez quel rsultat ont abouti vos
tribulations, vos exils, tout ce que vous avez voulu
tomb dans la boue 5 ! Sur quoi ceux qui accompagnaient l'vque se mirent disserter sur l'tendue de la puissance royale, soutenir que le roi
tait, lui aussi, pontife, et qu'il lui appartenait de
crer et de dposer les vques 4. Les moines, voyant
1. V. plus haut.
2. Per omne regnum omnibus suis misit ac transcribi
jussit. Hist. episc. Virdun., in Spicil., t. II, p. 248.
et teneri
sunt. Ibid.
4. Quid referam quosdam comites ejus.... grandia de rege disputasse, eum regem pariter et summum sacerdotem (quod nec apud ul-
462
avait
romaine
capitul,
la
foi
de
citadelle
la
que
rougirent et restrent silencieux 1. Mais bientt,
encourags par la nouvelle de la rsistance que l'archevque de Vienne 2 et d'autres prlats, hors d'Allemagne, opposaient l'empereur, ils protestrent
leur tour, et, quoique seuls de leur parti dans
cette province, ils refusrent de communiquer avec
les imprialistes.
L'vque intrus et ses chanoines dployrent
alors contre les moines tous les moyens de violence
l'usage des schismatiques. Les laques que la dvotion attirait auprs de ces prlats furent publiquement fouetts; des religieux furent soufflets,
insults, vols, privs de leur bibliothque, troubls dans tous leurs offices. Les riches bnficiaires
du chapitre les traitaient de rustres, de gardeurs
de btes, et de misrables trangers que la misre
avait runis 5. Alors, les dignes religieux reprirent
le chemin de l'exil, qu'ils connaissaient dj. Sous
la conduite de leur abb, Laurent, ils allrent
de nouveau chercher un asile Saint-Bnigne de
Dijon, que le saint et zl Jarenton leur avait autrelos haereticos dictum invenitur), ejus juris esse ut praesules faciat vel
deponet dialecticasse. Ibid.
1. Conventus erubuit, ingemuit, et quia turris Romanae fidei cesse-
463
1. En 1085.
2. V. plus haut, c. 14.
3. Il mourut le 10 fvrier 1112, et les moines de Verdun taient
partis aprs la fte de Saint-Vanne, le 9 novembre 1111.
4. Ut libera mater Ecclesia sub nulla servitute laica ancilletur...,
Manifeste
des
moines rfugis
Saint-Bnigne
de Dijon.
464
guliers.
Conc., XII, 1161.
4. Summam itaque in tanto naufragio Romanae Ecclesiae et sacerdotali constantia Conon sibi gloriam comparavit, laudemque peperit
immortalem. Ita, Deo mirabili modo operante, ut quod deficit in capite robur, in cohaerentibus membris magis ac inagis accreverit ad
alligandum perfidum regem in compedibus anathematis, et nobiles
ejus in maledictionibus sempiternis. BARON., Ann., ad ann. 1111.
5. Chron. Ursperg., ann. 1116;
COLETTI,
465
catholiques contre les actes sacrilges de l'empereur, le pontife resta longtemps flottant et indcis. Il se plaignit d'abord Henri V des insultes
qui lui taient adresses, non-seulement de loin,
mais mme par ceux qui l'entouraient, et, ne
pouvant, disait-il, obtenir d'eux satisfaction, il les
abandonnait au jugement de Dieu, pour ne pas
troubler gravement l'glise 2.
Borne acceptait donc avec rsignation, le blme
nergique des vques de France 5. Mais bientt, le
1. Chron: Cassin., IV, c. 46. Les Romains nommrent pour aller
sa rencontre, une ambassade de six cents personnes, dont les chefs
sont dnoncs l'empereur Henri par l'abb de Farfa dans sa lettre
ap. Cod. Epist. Udalr., n. 259. On ne voit pas quelles furent les
suites de cette curieuse ngociation.
2. Quod autem de episcopis conquereris, cor nostrum vehementer
angustat. Ex quo enim vobiscum illam, quam nostis, pactionem fecimus, non solum longius positi, sed ipsi etiam qui circa nos sunt
cervicem adversum nos erexerunt, et intestinis bellis viscera nostra
collacerant, et multo faciem nostram rubore perfundunt. De quibus
466
qu'il avait cd la violence 2; que, revenu luimme, il cassait, annulait, condamnait jamais
toutes les concessions qu'on lui avait arraches dans
le camp imprial, et qu'il maintenait et maintiendrait toujours, toutes les condamnations, toutes
les dcisions prononces par les canons apostoliques, par les conciles, et surtout par Grgoire VII
et Urbain II, d'heureuse mmoire 5. Aprs quoi,
pntr de douleur et de confusion, le saint-pre
se retira dans une solitude o, reprenant son froc
de moine, il fit connatre son dsir de passer le
reste de ses jours dans l'le dserte de Ponza4.
comme synonyme de sage, savant. PAGI, Crit. in Baron., ann. 1111.
n 7.
1. Eo tempore multas a Romana Ecclesia passus est injurias, objicientibus ei, etc. Chron. Ursperg., ann. 1112.
2. Quibusdam litteris mini scripsit se coactum fecissequod fecit,
et adhuc se prohibere quod prohibuit, quamvis quaedam nefanda
quibusdam nefandis scripta permiserit. Yvon. epist., 255. Qui-
467
SUGER,
pro-
Pascal II
rassemble
un
concile
au Latran.
468
dans
Dieu
jugera
investitures,
des
sa souveque
j'ai
fait
l'crit
raine
quit.
Quant
par
que
Humilit
du souverain
pontife.
mais
ma
vie,
contrainte,
en vue
sauver
pour
non
que
n'en souffrent dommage 2.
Pascal fit ensuite connatre son intention de renoncer au pontificat, dclarant qu'il s'en reconnaissait indigne, qu'il prononcerait lui-mme sa
dposition et qu'il laissait l'glise le droit de juger sa place. A ces mots, le pape ta sa mitre et
sa chape 5. Mais le concile, aprs lecture des pices,
1. Le serment du pape avait t garanti par les cardinaux; mais
l'crit ou Privilge que l'empereur avait fait dresser dans son camp
n'avait t sign que par le pape. V. plus haut.
2. Sicut praire factum cognosco, ita prave factum confiteor, et omnino corrigi, Deo praestante, desidero : cujus correctionis modum
fratrum qui convenerunt consilio judicioque constituo, ne forte per
hoc in posterum detrimentum aliquid Ecclesiae aut animae meae praejudicium relinquatur. Acta conc., ap. COLETTI, t. XII, p. 1164.
5.
I.
469
470
termes
en
ces
:
ce
Sentence
des
qui
sacrilge,
n'est
privilge
mais
pas
un
un
Pres du Latran.
lequel a t extorqu par la violence de Henri au
pape Pascal II, qui voulait assurer la dlivrance
l'glise,
des
captifs
de
et
Profession de foi
de Pascal
devant
le concile.
prparer l'arrt.
471
avec
Privilegium illud quod non est privilegium, neque vero dici debet privilegium, sed pravilegium..... iudicio Spiritus sancti damnamus et irritum esse judicamus, et ne quid auctoritatis et efficacitatis
habeat, penitus excommunicamus. Acta conc., l. c.
2. Acclamatum est ab universo concilio : Amen, amen. Fiat! Fiat!
1.
Ibid.
5. On remarque parmi les signataires les cinq vques suburbicaires, le patriarche de Venise, treize cardinaux-prtres et huit cardinaux-diacres, dont deux abbs : Qui in damnationem consenserunt
cum abbatibus aliis et innumerabili multitudine tam clericorum
quam laicorum. Ibid. Fleury, par une trange bvue, mais tromp
par un intitul de la Collection des Conciles (COLETTI, t. XII, p. 995),
rapporte ce concile le projet de bulle dress par Pascal lors du
trait de Sutri, et que nous avons cit plus haut sa place convenable.
4. Voy. les dtails de cette lection dans Landulph. Jun. chron., c.
25, 25, ap. MURAT., t. V.
472
malgr la vive rsistance des partisans de l'empe1. Les principaux agents de celui-ci en Italie,
reur
c'est--dire l'vque d'Acqui et l'abb de Farfa, lui
crivirent ce qui se passait Rome et en Lombardie,
et l'invitrent revenir en toute hte, avant que
l'incendie ne se ft tendu partout 2. Mais dj l'vque Grard d'Angoulme avait t charg par le
concile d'aller notifier ses dcrets l'empereur, et
de l'inviter renoncer aux investitures 5.
Le prlat franais s'acquitta avec un zle si courageux de cette mission, en prsence de Henri V,
que les gens de la cour impriale, en entendant son
discours traduit par le chancelier Albert, en ressentirent la plus violente colre. Mais l'empereur,
plus gnreux, combla le prlat de prsents, tandis
que l'archevque de Cologne, qui avait t lve de
Grard et le recevait chez lui, se montrait trsirrit : Matre, s'cria-t-il, vous avez afflig notre
cour d'un grand scandale! L'vque d'Angoulme, indign, rpondit : Ce peut tre un grand
1. Quod ego videns contra imperii vestri honorent fieri omnino interdixi. Epist. Anzonis Aquensis in cod. Udalr., n. 258. La suscription seule de cette lettre montre de quel esprit servile cet vque
tait imbu : Excellentissimo Domino suo Henrico, etc. A.... Najestatis
suae et Aquensis Ecclesiae servus....
2. Vestrae est adhuc Longobardiae dum terror quem incessistis in
corde ejus vivit, et facilius potestis cum pugillo aquae scintillulam
ignis extinguere quam flammarum globum cum aquarum abundantia. Ibid. Cf. Ep. Farfensis abbat., cod. Udalr., n. 258.
5. Quatenus investitures Romanae Ecclesiae exponeret. Hist. Engol.
pontif., l. c. Stentzel croit qu'il faut lire deponeret.
475
scandale
pour vous; mais, sachez-le, pour moi
l'vangile
c'est
mme qui a parl 1 !
Hildebert
du Mans
et
Yves de Chartres,
apologistes
de
Pascal II.
474
II.
crit
avait
il
quels
voici
dans
son
termes
en
et
mais
plaignez-moi,
moi
Priez
et
ne
pour
fois
Rachet
de
une
ranon.
ma
vous occupez pas
besoin
de
n'ai
je
Christ,
du
le
dj
pas
par sang
voil ma ransang-l,
Ce
fois.
l'tre
encore
une
prix
racheter
laisserais-je
Comment
me
on.
dj
suis
qui
le
moi
d'argent,
par une ranon
infme
c'est
D'ailleurs,
prix?
ranon
une
sans
l'glise
lui
de
la
libert
qui
celle
et
lue
que
les
il
faut
servitude,
la
tous
vaut
memque
car
ploy
le
le
chef
lorsque
bres
est
servent
sous
n'estime
Certes,
je
tribut....
joug
d'un
pas assez
mort
profit de ma vie. Il est d'un vque de mou rir pour la cause de tous, lorsqu'il ne peut plus
glise
vivre
1.
pour son
clerg :
475
476
Joceran
rpond Yves
de Chartres.
l'audace
la
pusillanimit
devant
la
et
guerre
gens
Yves crivit encore plusieurs autres lettres (Ep. 122, 255) sur la
ncessit de mnager le pape, et de procder avec charit et condescendance envers l'empereur.
2. Novum et inauditum philosophan di genus, hortari contra fortes
timidos.... fieri in bello fugaces, in pace veto audaces. Detestabilis
magister navis qui in tranquilla serenitate artis suae fastigium exercet. Ap. Epist. Yvon., n 257.
477
et Christi
478
Concile
de Vienne,
o l'empereur
est
excommuni.
ad
5. A cause de l'embarras qu'il prouvait parler, quod impeditioris fuerit linguae. Hist. Vit. S. Godefr. Ambian. III, 7.
4. Ipse sine cunctis ut Henricus qui sic enormiter in Paschalem
peccasset, excommunicaretur.... effecit. GUIG. CARTH., De Vita
S. Hug., c. 5.
5. Imperatorem tyrannum anathemate innodantes mucrone B. Petri perfoderunt. SUCER, l.
c.
479
camp
1. Litteras bullatas.... audacter praetendentes.... super bis multa
nobis admiratio incuteretur. Litt. synod. ad Pasch. pap., l. c.
2. Scriptum illud quod rex a vestra simplicitate extorsit damnavimus. Ibid.
480
butte
apostoliques,
toutes
sortes
insignes
en
ses
le roi Henri a
drisions,
de
d'indignits
et
et
que
crit
abomiviolence,
extorqu
un
par
au pape,
l'anaroi,
ledit
excommunions
nable,
nous
nous
giron
de
du
le
sparons
notre
thmatisons,
nous
pleine
satisait
donn
il
lui
fait,
qu'il
tout
a
ce
faction 1.
Les Pres demandrent aussitt Pascal la confirmation, par acte public, des dcrets rendus, afin
de pouvoir en donner communication leurs frres 2,
et ils terminrent en adressant Pascal la requte
que voici : Comme la trs-grande majorit des
peuple
le
seigneurs
du
tout
et
presque
pays,
affaire,
cette
pensent
nous vous
nous
sur
comme
la
enjoindre,
rmission
de
leur
prions
de
pour
481
Un mois plus tard 2, Pascal confirmait solennellement tous les actes du concile, en rendant grces
Dieu, mais sans faire aucune mention de l'empereur 5.
et..., propitius sit nobis Deus quia nos a vestra subjectione et obedientia repelletis. Ibid.
2. Diplme donn au. Latran, le 20 novembre 1112. Conc., t. XII,
1180.
5. Unde Deo gratias
referimus et quai statuta sunt ibi rata suscipimus et confirmamus et, cooperante Domino Deo nostro, illibata perBaronius, qui n'avait pas eu connaissance
manere censemus. Ibid.
de ce diplme, croit que Pascal diffra sa confirmation jusqu'en 1110.
Il en blme svrement le pape en ces termes : Sic papa Paschalis....
apostolicae constantiae succisis nervis, visus est languescere et hebescere, eum nec tot undique stimulis agitatus in Henricum sacrilegum
insurrexerit, eumque anathemate condemnaverit, nimis tenax praestiti, immo per vim et metum extorti juramenti. Sed et quod ejusdem proditoris usum amicitiae retinuerit, et quod ex adverso undique
magno animo insurgentes, et zelo catholicae Ecclesiae libertate laesae
aestuantes papa represserit, magnam ipse sibi notam incussit. Ann.,
an. 1112, c. 17. Pascal ne mritait pas une telle svrit, mais il
est certain que sa correspondance avec Henri, constate in Cod. Epist.
Udalr., nos 266 271, prouve une attitude quivoque de sa part.
Nous avons d'ailleurs reproduit cet extrait du plus illustre dfenseur
de l'autorit et de l'infaillibilit pontificales, imprim Rome mme,
pour montrer quelle tait, au dix-septime sicle, la haute indpendance des crivains ultramontains.
51
482
La
mauvaise foi
de
l'empereur
claire
les princes
sur
les dangers
dont
ils sont
tous menacs.
II.
II.
485
484
Henri V
devenu
plus puissant
que
Henri IV
ne mnage
plus rien.
maison de Nordheim 2.
Au retour de la triomphante expdition de l'empereur Rome, expdition laquelle les princes
et les seigneurs du nord de l'Allemagne n'avaient
pris aucune part, le mcontentement de ces derniers
devint de plus en plus manifeste. L'empereur, au
comble de ses voeux et par la conqute des investitures et par l'acquisition d'une puissance toujours
refuse son pre, ne mnageait plus rien. Tantt
directement, tantt par quelques vassaux d'un
ordre infrieur, qui lui taient dvous, il em1. En 1106.
2. Sa mre Hedwige avait pous en secondes noces le duc Thierry
de Lorraine, dont elle avait eu Simon, duc de Lorraine, et deux filles
maries au comte Sieghart de Bavire et au comte de Hollande. Par
son pre, Lothaire reprsentait la maison de Walbeck. Sa grand'mre
!\
GER-
II.
485
486
Dfection
du chancelier
Adalbert
de Mayence.
II.
487
contre la papaut, qu'il devint tout coup l'adversaire le plus implacable et le plus dangereux de
Henri V. On a longtemps cherch, mais sans succs, expliquer, par des motifs temporels, cette
transformation surprenante 1; mais les intelligences catholiques sauront y retrouver une de ces rvolutions merveilleuses par o Dieu se plat transformer des ennemis en serviteurs de sa misricorde,
soit par un coup foudroyant de sa grce, comme
saint Paul, soit par la grce seule de l'piscopat,
1. Ambitione magis quam pro justifia, dit la Chron. Petersliusdunn. ap. Ussermann. Germ. sacr. prodromus. Mais quelle pouvait tre cette ambition, si ce n'est celle de rendre l'glise sa
libert et ses droits ? Gervais (I, p. 101) pense qu'il faut attribuer ce
changement au dsir que devait prouver Adalbert d'tre sacr par le
pape et d'obtenir le chapeau de cardinal. Mais on est stupfait de voir
un historien ordinairement srieux s'arrter des raisons aussi futiles. Adalbert n'avait nul besoin du pape pour tre sacr, et on ne
voit pas qu'aucun de ses prdcesseurs immdiats ait eu recours au
saint-sigepour l'tre; quand lui-mme se fit sacrer, aprs sa mise
en libert, il le fut par un de ses suffragants. D'ailleurs Pascal, qui
avait consenti couronner Henri, n'aurait probablement pas refus de
sacrer le premier ministre de celui-ci, s'il l'avait fallu. Quant au
cardinalat (le chapeau de cardinal tait inconnu alors et jusqu'au
concile de Lyon en 1250), cette dignit tait certainement infrieure
celle d'archevque-primat de l'Allemagne, dont Adalbert tait revtu..
A cette poque, les vques sigeaient et signaient avant les cardinaux-prtres, dans les conciles tenus Rome mme, et l'on ne
voit jamais figurer un vque tranger parmi les cardinaux-vques.
On remarque mme que si les simples prtres, investis du caractre
de lgat, taient presque toujours cardinaux, les vques lgats,
comme Guy de Vienne et Grard d'Angoulme, ne l'taient pas. Richard, cardinal et abb de Saint-Victor de Marseille, lgat de Grgoire VII, aprs avoir t lu archevque de Narbonne en 1106, ne
prit plus le titre de cardinal. D. VAISSETTE, Hist. de Languedoc, II, 544.
488
Adalbert
est enferm
dans sa
propre forteresse
de Trifels.
cause
tait pas permis d'abandonner, et qu'il ne perglise
mettrait
de
4.
dpouiller
cette
personne
L'empereur le fit enfermer dans sa propre forteresse de Trifels, o il lui fut donn de pouvoir
1. Hic simul ut infulas accepit episcopales, mutatur in virum alterum.... BARON., Ann., 1112, c. 19.
2. Voir la lettre o Henri numre ses griefs contre lui. RAUMER,
Hist. des Hohenstaufen, t. Ier, l. II, c. 2 ; ex Cod. Palat., MS. n. 271 ;
et Conf. Lden, IX, 658, n. 1.
5. Chron. Ursperg., an. 1112. Gervais croit qu'Adalbert tait d'intelligence' avec les Pres du concile de Vienne, par cela seul qu'il ne
fut pas compris dans le dcret d'excommunication. La raison semble
peu concluante. Helmold, dans sa Chron. Slav. (I, c. 40), dit expressment que ce fut l'excommunication qui souleva Adalbert contre
l'empereur.
4. Chron. Halberst., p. 151, in Lecbrut. script. Brunsw. Rer.,
t.Ier.
489
OTT.
14.
2. Imperator non nisi propter Romanae Ecclesiae obedientiam carceris etiam mihi captivo tenebras intulit. GUDEN, Coll. dipl., p. 118,
ap. GERVAIS, p. 102.
5. Par lettre du 25
pape.
4. RAMIER, t. Ier, l. II, c. 2.
5. L'archevque de Mayence, comme archichancelier, avait le pas
490
491
sur tout le monde. Comme le saint vque de Bamberg, Otton, qui avait toujours eu coeur de se
maintenir en union avec Rome 1, ne voulait plus
venir la cour, Henri prit le parti d'aller clbrer
les ftes de Nol Bamberg mme, soit afin de cacher au public un dissentiment qui ne pouvait
manquer de lui faire grand tort, soit afin d'prouver la fidlit du prlat 2. Henri, en mme temps,
jugea le moment favorable pour consommer son
union, depuis longtemps arrte, avec Mathilde,
fille peine nubile de Henri Ier, roi d'Angleterre.
Cette alliance devait rapprocher intimement le
chef de l'empire et le souverain le plus puissant
de l'Occident. Ce dernier, lui aussi, avait longtemps
lutt contre l'glise romaine, pour maintenir les
investitures, et, depuis la mort d'Anselme de Cantorbry 5, il renouvelait tous les errements de son
indigne pre, Guillaume le Roux, en laissant vaquer le sige primatial de Cantorbry, et en refusant l'entre de son royaume aux lgats apostoli1. Voir plus haut.
2. Hoc non simpliciter, quia virum Dei Ottonem urbis episcopum
propter quaedam jam in regno orientia scandala curiam frequentare
Mariage
de Henri V
avec Mathilde
d'Angleterre
Mayence.
492
495
494
Insurrection
contre
l'empereur
Henri.
Victoire
des confdrs.
constitution germanique, il pulvrise la prtention de ceux qui cherchent y trouver l'origine des monarchies modernes avec leur bureaucratie.
2. Verum in hac curia quo pene omnes principes regni confluxerant conspirationes fiunt, ac ex tunc non solum occulto consilio, sed
et publica contra eum machinamenta disponuntur. OIT. FRISING., l. c.
495
sante de l'empire, se joignit eux, et son archevque, Frdric, se plaa la tte de l'insurrection.
Henri, surpris, furieux, voulut d'abord assiger
Cologne; il choua, et, avant la fin de cette anne 1114, commence au sein de tant de splendeur, il fut deux fois battu compltement par les
confdrs, prs de Bonn et prs d'Andernach.
Vaincu de la sorte sur le Rhin, l'empereur se retourna contre la Saxe, et voulut la rduire au coeur
de l'hiver. Mais l, une droute plus honteuse encore
l'attendait. On en vint aux mains dans les bois de
Welfesholz 1, prs d'Eisleben, et on y combattit tout
un jour; les insurgs, commands par le duc Lothaire, quoique moins nombreux de moiti que les
impriaux, remportrent une victoire complte.
Roger de Mansfeld, qui Henri avait promis le duch de Lothaire, y prit, et l'empereur s'enfuit jusqu'en Bavire 2. Les Saxons vainqueurs levrent
une chapelle sur le champ de bataille o ils venaient d'anantir les germes du despotisme autocratique 3, et ils y placrent la statue d'un guerrier
arm la faon de leurs aeux, dont ils maintenaient si, glorieusement les franchises 4. Et, ce qui
dtermina le nouveau caractre religieux de la
1. 11 fvrier 1115.
2. Vita Viperti, ap. GERVAIS, I, 155.
3. GERVAIS, I, 154.
4. Les paysans firent de cette statue un saint : quasi Saxones victoriam ipsius auxilio habuerint. CORNER., p. 657. Dodectur., an. 1115.
KRANTZ, Hist. Sax., V, 36. Ap. GERVAIS, l. c.
496
ecclsiastique
spulture
la
ils
refusrent
guerre,
excommuni
1.
service
d'un
vaincus
tus
au
aux
Un nouveau personnage apparut alors en Allemagne, pour confirmer ce caractre et donner une
impulsion nergique aux efforts des catholiques.
Le cardinal Conon, vque de Palestrine, qui, des
rives de la Syrie et pendant que l'Europe se taisait
encore, avait os le premier lancer contre l'empereur la sentence de l'excommunication, obtint,
en 1114, les pouvoirs de lgat, et s'en servit pour
pousser outrance la guerre contre Henri. Par sa
naissance, il appartenait la haute noblesse de
l'empire, et, par la vie monastique qu'il avait
longtemps mene, il tenait l'lment le plus pur
et le plus actif de l'glise. Il commena ses fonctions dans la France septentrionale, et tint d'abord
un concile Beauvais 2 o se trouvrent presque
tous les vques des provinces de Reims, Bourges et
Sens. Il y promulgua, pour la seconde fois, et en
leur nom, la sentence d'anathme contre l'empereur. Puis il rgla divers graves intrts de l'glise
et du pays, pourvut la scurit des biens ecclsiastiques 3, remettant en vigueur les dcrets les plus
importants de Grgoire VII et d'Urbain II. La cra1. Chron. Ursperg., an. 1115.
2. 6 dcembre 1114.
497
tion des communes bourgeoises dans les principales villes piscopales de la province de Reims
agitait cruellement ces contres 1. L'vque de
Laon venait d'tre massacr et sa cathdrale brle 2 par les bourgeois exasprs par la suppression de leur nouvelle commune. Le saint vque
d'Amiens, Godefroy, qu'on a vu prsider la condamnation de l'empereur au concile de Vienne,
avait concd une commune sa ville piscopale;
mais dsespr des dsordres et des sacrilges qui
en rsultaient 3, il renvoya son anneau et ses sandales
au mtropolitain de Reims, et, retournant la vie
religieuse qu'il avait quitte regret, alla se rfugier Cluny d'abord, puis la grande Chartreuse.
Un seigneur aussi sanguinaire que perfide, Thomas
de Marie, fils d'Enguerrand de Coucy, s'tait ml
toutes ces discordes, tantt pour protger les assassins, tantt pour brler, dans Amiens, une glise
toute remplie d'innocents, et toujours pour opprimer la justice, les pauvres, les monastres. Le
lgat Conon frappa ce flon du glaive de saint Pierre,
l'excommunia et le dclara dchu du droit de porter
le bouclier de la chevalerie, attendu qu'il tait un
reviendrons plus loin sur la nature de cette rvolution
communale dans ses rapports avec l'glise.
2. A Pques 1112.
3. Guibert de Nogent, ennemi jur des communes, dit de lui : Turbam moverat quam sedare non poterat. De vit. sua, III, 14. Mais
son biographe et compagnon Nicolas dit : Quod tot saecularium tumultuum tempestates ferre non posset. Ap. MABILL., l. LXXII, n. 60.
1. Nous
VII.
MOINES D'OCC.
32
Thomas de Marle
est
excommuni
et dchu
des prrogatives
de
chevalier.
498
chrdu
ennemi
infme
sclrat
et
nom
un
tien 4.
A ce mme concile, des dputs d'Amiens redemandrent leur vque, quoique celui-ci et crit
de sa chre solitude qu'il tait indigne de l'piscopat. Les prlats runis de nouveau Soissons 2,
envoyrent aux Chartreux l'ordre de restituer leur
novice l'glise. Godefroy se jeta aux genoux des
moines, les suppliant, avec larmes, de ne pas souffrir qu'on l'arracht de leur monastre. Tous pleuraient comme lui; mais ils n'osrent le garder.
Godefroy les quitta donc, et, en s'en allant, dit
l'hagiographe, il ne cessait de se retourner, les yeux
pleins de larmes, pour apercevoir encore la pieuse
Chartreuse o il s'tait flatt de finir ses jours 3. Mais
Conon connaissait tout le prix d'un saint vque
en ces jours d'orage, et, lorsque Godefroy extnu
par ses austrits monastiques reparut devant ses
frres assembls en concile Reims, le lgat lui
reprocha svrement d'avoir abandonn le dpt
que Dieu lui avait confi et nglig le salut de
plusieurs pour ne songer qu'au sien propre 4.
1. Innumerarum pulsatus molestia querelarum, Ecclesiarum, pauperum et orphanorum, derogationum, tyrannidem mucrone B. Petri,
anathemate scilicet generali detruncans, cingulum militarem ei, licet
absenti, decingit, ab omni honore, tanquam sceleratum, infamatum,
Christiani nominis inimicum, omnium judicio deponit. SUGER, De Vit.
Lud. Gross., p. 506, ap. DUCH.
2. 6 janvier 1115.
5. Vit. S. Godefr., auct. Nicolao, ap. SURIUM, 8 nov.
4 Ibid.
Godefroy retourna Amiens o il fut reu avec joie,
499
M. Gurard, conseiller auditeur la cour d'Amiens, dans un remarquable Mmoire insr au tome VI des Mm. de la Socit des antiq.
de Picardie, a prouv qu'il vivait encore en 1121, et il fixe sa mort au
8 novembre de cette anne.
1. 28 mars 1115.
2. In MART., Ampliss. Coll., I, 664 : Denuntiamus vobis in nomine
Domini. ut non cito moveamini a vestro sensu, tam dictis pseudofratrum nostrorum.... quibus ex ore domini papae efficaciter respondemus, quia etsi nobis parochiali jure commissus non fuerit, auctoritate tamen Spiritus sancti et SS. Patrum, pro tanto scelere merito excommunicare debuimus.
500
l'glise
gmissait
1.
l'oppression
o
s'lever contre
de Dieu, lui disait-il, ou
la
maison
zle
de
Si
le
dissimulez plus,
moelle
de
la
dvore
ne
os,
vos
la
cruelle
dsolation
la
et
patience,
de
excs
par
Voici que, par
Dieu.
de
l'hritage
de
profanation
s'ouvre,
grande
divine,
porte
misricorde
la
une
silencieuse
longtemps
vrit
la
trop
se
pour que
longtemps
libert
trop
jour,
fasse
notre
pour que
la sainte
voici
la
relve
tte
supprime
que
:
elle-mme
glise
voix
lve
la
romaine
et
pour
Saxe,
la
joint
France
La
nous;
se
pour nous.
vrit
grands
proclame
la
l'entendre,
avez
pu
vous
insensible
quand
pourrait
donc
cris
qui
2
rester
:
palais
quand
les
de
de
des
profit
et
cour
;
gens
conciles
annuels
diocsains,
les
synodes
et tous
501
convellatur.
3. Ex hac qua coepimus veritatis libera professione nec tribulatio,
nec angustia, nec mors, nec vita separabit. Cod. Epist. Udalr., n 277,
crit entre les conciles de Beauvais et de Reims.
4, Salutat vos dominus Chuono, pronepos tuus. Ibid.
5. A Nol 1115, il tait Cologne.
562
Concile
tenu
Saint-Gron
de
Cologne.
503
investitures.
Le duc Lothaire d'un ct, l'archevque Frdric
de Cologne de l'autre, serraient chaque jour de
plus prs les lieutenants et les allis de l'empereur 2. Henri voyant son toile plir, essaya de traiter : il convoqua une dite gnrale Mayence pour
la Toussaint, promettant d'y faire droit toutes les
plaintes et d'y rparer tous ses mfaits au gr des
princes 5. Mais comme personne ne pouvait avoir
confiance en lui, personne ne rpondit l'appel 4.
Mayence, o se tenait l'empereur en attendant
la runion annonce, le peuple se souleva, soutenu
par les chevaliers vassaux du sige mtropolitain
et exigea, les armes la main, la dlivrance de
1. Saxonum consensus ad resistendum illi magis ac magis robora-
504
Adalbert
sort
de captivit.
cder
Henri
dut
archevque
1.
pour sauver sa
son
plus
la
de
trois
aprs
Adalbert,
vie
2.
ans
propre
dure captivit, sortit de son cachot, ple et maigre
dmarche
fut
premire
Sa
squelette
5.
comme un
Thodoric
qu'il
lgat
soumission
de
acte
au
un
Coconcile
Nol,
nouveau
un
convoqua pour
logne. Le lgat mourut en route; mais Adalbert,
qui possdait toutes les qualits ncessaires, devint
bientt l'me et la tte de la ligue dont le duc Lothaire tait le bras 4.
Entour des quatorze vques allemands dj dtachs du schisme, il fut sacr Cologne, le lendemain de Nol, par le saint vque de Bamberg,
Otton, son suffragant ; et, dans cette imposante assemble, o assistaient Lothaire et beaucoup d'au1. Moguntini.... urbis familia, tam nobiles, tam ministeriales,
Chron. Ursperg., Ann. Hildesh., ann. 1115 ; Cf. LUDEN, t. IX, l. xx, c. 6.
not. 19 ; GERVAIS, I, 145, not. 1.
2. Dans sa lettre aux Mayenais (in Cod. Udalr:, n 519), Henri af
firme qu'il ne le relcha qu'aprs avoir prt serment et donn des
otages en garantie de sa tranquillit future. Il nous est permis d'en
douter, surtout en rapprochant cette lettre de celle qui la prcde
dans la mme collection (n 518), o Henri affirme que le pape, en
prsence de tous les cardinaux, avait dsavou le concile de Vienne,
condamn les lgats Thodoric et Conon, avec les archevques de
Cologne, de Mayence, de Saltzbourg, et dclar que tous ceux qui
faisaient la guerre l'empereur taient paens et sacrilges. On peut
bien croire des dmarches quivoques de la part de Pascal l'gard
de l'empereur; mais des actes de cette nature sont en contradiction
avec tous ceux qui ont t conservs par les monuments contemporains
et cits en partie par nous.
5. Vixossibushaerentem. Ann.Saxo, ann. 1115; OTTO FRISING., VII, 14.
4. V. STENTZEL, I, 666.
II.
505
Erlung
de Wurtzbourg
abandonne
l'empereur
Henri V.
506
CHAPITRE XII
Les preuves de la papaut.
Henri V met la main sur les domaines et les forteresses de la
comtesse Mathilde. Concile du Latran, o le pape Pascal raconte ses
508
509
tam quae nunc habueram quam ea quae in antea acquisitura eram sive jure successionis, sive alio quocumque
jure ad me pertineant. Acte du 17 juillet 1102, ap. LEIBNITZ, Script.
Brunsw., et MUR., V. Il est probable qu'elle n'appliquait pas les
termes jure proprietario et pertineant " aux fiefs impriaux, mais il
est impossible de distinguer, parmi ces vastes territoires, ceux qui
avaient cette qualit. Le terme de propres est encore employ
vaec soin par Donnizo :
Propria clavigero sua subdidit omnia Petro.
mea jure proprietario
Ailleurs
510
Henri V
met la main
sur
les domaines
et
les forteresses
de
la comtesse
Mathilde.
V.
511
Normands s'taient relevs. Dociles aux exhortations.du pape, les Pisans avaient dirig une expdition sur les les Balares, pour y anantir la pi-
512
Concile
de Latran,
o
le pape Pascal
raconte
ses douleurs
et celles
de l'glise.
II.
515
reticusfuit.
MOINES D'OCC.
VII.
33
514
tait
hrtique
! Certes, l'crit qu'il a sign
pape
hrnullement
n'tait
mais
mauvais
une
ce
;
il
faut
mais
mme
d'hrsie,
il
n'y
rea pas eu
peuple
le
dlivrer
chercher
connatre
a
que
louable.
t un acte
Or, en entendant prononcer ce mot horrible
d'hrsie, Pascal perdit patience. Imposant silence
de la main, il s'cria : Mes frres et mes seiglise
l'hrsie;
jamais
n'a
cette
connu
gneurs,
combattu, renvers
c'est elle, au contraire, qui a
elle
hrsies.
N'est-ce
les
toutes
que le
pas
pour
2.
515
516
Pascal II
approuve
les
actes de Conon
de
Palestrine.
j'avais
sachent
afin
concile,
saint
tous
que
que
ce
mission 1.
reu
Le pape rpondit : Oui, tu as t ventabletoi
latere,
lgat
tout
et
et
notre
ment
que
ce
a
lgats,
cardinaux,
vques
frres,
et
autres
nos
l'apsige,
je
l'autorit
de
fait,
ce
par
vous
avez
condamne
je
le
confirme
je
tout ce
et
;
prouve,
que vous avez condamn 2.
Alors Conon numra les diverses sentences d'excommunication qu'il avait prononces contre l'empereur, d'abord Jrusalem, au premier bruit de
son attentat, puis en Grce, en Hongrie, en Saxe, en
5ALorraine, en France, dans cinq conciles, Rome
et dans toutes ses glises ; et il finit en demandant
que les Pres du concile confirmassent tous ses
actes,comme venait de le faire le souverain pontife.
Les envoys de l'archevque de Vienne firent la
mme demande. Il s'leva bien quelques rclamations parmi l'assistance, mais tous les voques et
abbs furent unanimes 5.
1A
23D4CC
517
Avant de se sparer, le concile mit fin la controverse qui agitait depuis plusieurs annes l'glise
de Milan. C'est l qu'avaient commenc poindre
les semences d'orthodoxie et de
rgularit jetes
sur le sol, durant longues annes de luttes contre
la simonie, par l'hroque Luitprand, ce prtre
lombard qui les schismatiques avaient coup le
nez et les oreilles'.
518
Lettre
de Frdric
de
Cologne
aux consuls
et
aux habitants
de Milan.
de Rome, un homme dvou la libert ecclsiastique et assez influent pour grouper autour de lui,
lments
les
de
catholique,
la
profit
de
cause
au
force et de rsistance qui grandissaient chaque
jour dans les municipalits lombardes. Milan commenait ds lors devenir le foyer de la grande
lutte qui devait durer un demi-sicle et lui valoir
tant de malheurs, mais aussi tant de gloire. Ce
beau rle convenait cette vieille cit qui n'avait
point cess d'honorer la mmoire de son grand
Ambroise, et de conserver le souvenir des salutaires humiliations infliges l'empereur Thodose ;
il revenait de droit la ville illustre o, pour la
premire fois, s'tait rvl le prestige de la puissance rpressive, jusqu'alors inconnue dans le
monde, mais dont Dieu avait investi l'glise,
l'encontre de la puissance humaine.
A peine de retour du concile, le nouvel archevque, l'instar de Conon et de Guy de Vienne, promulgua la sentence d'excommunication contre
Henri 1. Les princes allemands insurgs contre l'empereur n'eurent garde de ngliger l'alliance prcieuse que leur offrait, au del des Alpes, la petite
rpublique catholique. L'archevque Frdric de
Cologne adressa aux consuls, aux capitaines, la
milice et au peuple de Milan, une lettre o il leur
1. Henricum.... una eum clero et populo suo Joanni Crementi cardinal Romano praecipienti in pulpito sanctae Theclae excommunicavit.
LANDULPH. jun., c. 51 ; MURAT., V, 500.
519
disait ceci : Nous admirons la grandeur et la mi sricorde de Dieu qui a dot votre ville de la
libert, la grande joie du monde entier; car
vous rsistez firement toutes les puissances
de l'iniquit. Cit illustre, conservez prcieusement votre libert : c'est la condition de votre
gloire; et, sachez-le bien, aussi longtemps que
vous rsisterez aux puissances ennemies de l' glise, aussi longtemps vous jouirez d'une vrita ble libert, avec le concours du Christ. Fondez
donc votre confiance, trs-chers amis, sur la jus" tice de votre cause, sur la gloire du nom
que
rendons tous hommage (applaudens unanimitas). Et en effet, tous tant que nous sommes,
princes de Lorraine, de Saxe, de Thuringe et de
toute la France, nous sommes unanimes pour
vous aimer : nous ne faisons tous qu'un corps,
et vous nous trouverez toujours prts dfendre avec vous la justice et la libert lgale.
Demandez-nous tel concours que vous voudrez,
et comptez sur notre diligence vous l'accorder 1.
520
5'21
Henri s'efforce
de
tromper
l'Allemagne.
522
Henri V
est condamn
au concile
de
Bnvent.
525
tandis que Pascal finissait l'anne parmi les Normands, ses dfenseurs aussi fidles que vaillants,
Vers Nol, le souverain pontife put rentrer dans
Saint-Pierre et dans la cit Lonine 4. Il se prparait
faire attaquer la garnison impriale de Rome,
lorsque Dieu mit un terme son laborieux pontificat : il mourut le 21 janvier 1118 e. Peu de
jours auparavant, il avait fait assembler les cardinaux et leur avait instamment recommand de
persvrer dans la foi, dans la charit, dans l'excration du schisme et des violences germaniques 3.
Les cardinaux rsolurent de lui donner pour
successeur Jean de Gate 4, diacre et chancelier de
l'Eglise romaine, qui se trouvait alors au Mont-Cassin, o, depuis son enfance, il avait pris le froc
bndictin 5. On envoya chercher le futur chef de
l'Eglise, et, dans une runion tenue dans une
petite glise prs du Capitole, l'lection se fit
1. Vit. Pasch., ap. BARON., ann. 1117, c. 5.
2. Date fixe par PAGI. Crit. in BARON., ann. 1118.
3. Ut caverent dolos ab iis qui intus erant et extra in execratione
Guibertinorum ac enorminatis Teutonicae. BARON., ann. 1118, c. 1.
On voit par la lettre de l'archevque de Cologne aux cardinaux
Jean de Gate
lu pape
sous le nom
de
Glase II.
524
qui concoururent l'lection, au nombre de quatre vques, vingtsix prtres et dix-huit diacres ; il ajoute Approbatur ab omnibus,
:
necnon etiam ab episcopis, quorum nulla est prorsus aliain electione
praesulis Romani potestas, nisi approbandi.
5. Ut per eloquentiam sibi a Domino traditam stylum... reformaret, etc.
4. Industria et litterarum scientia excellentissime roboratus. Chron.
Moriniac. ap.
DUCUESNE;
IV, 566.
525
Glase 11
devient
un courageux
dfenseur
de la libert
apostolique.
52G
acharn
plus
du
faire
la
grce,
de
sut
perun coup
scuteur de l'glise naissante l'Aptre des nations ,
changea subitement aussi le ministre timide et vacillant d'un pontife sans fermet, en courageux
confesseur de la libert apostolique. Au moment
mme o le pontificat suprme, avec son effrayante
responsabilit, pesait de tout son poids sur lui,
l'me du pontife s'leva la hauteur de sa forlune; et le chancelier au caractre faible fit place
au moine qu'Urbain II avait tir du clotre pour le
mler aux grandes batailles de l'glise ; et le captif de Sutri n'aspira plus qu' donner sa vie,
l'exemple de saint Pierre, pour la libert de l'glise 1.
Le premier acte de Glase, comme pape, fut
d'adresser une fraternelle salutation ce mme
Conon qu'il avait si violemment combattu au concile de Latran et qu'il sollicitait maintenant de
continuer sa lgation 2, en attendant qu'il le dsignt comme le plus digne d'tre son successeur.
Les imprialistes ne s'y tromprent pas : Cencio
Frangipani, un de leurs chefs, en apprenant l'lec1. Ita repente eum nomine et animum mutavit, ut tempore perpetuo, quo supervixit, postea piis operibus sludens, Ecclesiam mirifice
illustraret : adeo ut etiam paratus fuerit, contempta regis tyrannide,
pro libertate Ecclesiae eum Petro et animam ponere. Anon. vit.
Theotg., 1. c.
2. Tanquam fratrem carissimum ofciosissime salutavit. Ibid. Conon, alors en Allemagne, demanda au porteur de la lettre des dtails
sur l'lection, et, inform de l'unanimit des suffrages, il proclama
aussitt Glase.',
II.
527
528
Le
pape Glase
trouve un refuge
au chteau
de Saint-Paul
d'Arde.
529
FALCO BENEVENT.
MOINES D'OCC
VII.
54
350
Henri V
cre
un antipape.
c,
PANDULPH. PISAN., 1.
LES PRDCESSEURS
DE CALIXTE
II.
551
552
Pques,
pour
d'introniser
1.
venait
celui-ci
le
et
pape, que
reur
Le concile termin, Glase, l'exemple de ses
prdcesseurs, se retira au Mont-Cassin, qui tait
la fois le berceau de sa vie religieuse et la citadelle
de son parti. L, les moines le reurent avec bonheur, et il oblint des princes normands la promesse de pousser la guerre avec vigueur 2. Cependant, de part et d'autre, l'on se battait mollement,
et l'empereur se vit rduit lever le sige du
chteau de Torricella, dans les Abruzzes, qui appartenait aux moines de Saint-Andr. Cela n'empcha pas le monarque de se faire couronner,
la Pentecte, par son antipape, avant de s'en retourner dans le nord de l'Italie, o l'archevque
de Milan, Jordain, entretenait contre lui une nergique rsistance 5.
1. Regem ipsum eum idolo suo excommunicavimus. Epistol. Gelas,
ad canon, in Cod. Udalr., n. 295. Elle est du 15 avril et manque dans
le Recueil des conciles.
2. Duci et principi Capuano aliisque baronibus dedit firmiter in
mandatis, ut omnes contra Barbarum arma compararent. PANDULPH.
PISAN., 1. c.
5. Voir plus haut le concile tenu celte occasion Milan.
L'glise de Ravenne, qui avait t si longtemps
un des foyers du
schisme imprialiste, et dont l'archevque, Guibert, avait t antipape, revint cette poque l'orthodoxie, comme le dmonnte la
bulle de Glase, qui lui restitue les droits mtropolitains dont Pas
cal II l'avait dpouille au concile de Guastalla, en 1106. Filii ipsius,
dit le pape dans sa bulle du 1er septembre 1118, delicta patrum
cor-
II.
555
c.
2. Quae S. Maria in secundo cerco dicitur. Ibid.
3. Pandulphi nomine : en outre, et Petri Latronis Corserum.
4. 0 quanti lamenti matronum quae papam solum, tanquam scur-
Se pape
retourne Rome.
554
Glase II
site la France.
seul
vaudrait
matre
criait-t-il,
mieux
que
un
555
fidle, qui, docile la voix de Victor III et de Pascal II, avait envoy tour tour ses galres contre
les Sarrasins d'Afrique et des les de la Mditerrane, et qui maintenait, depuis trente ans,
une croisade perptuelle contre les ennemis du
Christ. Le saint-pre fut reu avec transport par
une multitude innombrable, venue des campagnes
de la Toscane, et devant laquelle il prcha avec son
loquence accoutume 1.
Dlivr des agitations de Rome, Glase put jouir
de la libert complte du pontificat 2, et il en usa
pour riger le sige piscopal de Pise en mtropole,
avec des privilges extraordinaires 3, et pour consacrer, en l'honneur de la Vierge glorieuse et toujours triomphante, la nouvelle cathdrale 4 que les
Pisans venaient de construire avec les dpouilles
des Sarrasins. Ce monument, qui dpassait en magnificence tous ceux qui existaient en Italie, est
encore debout, et les descendants de ceux qui l'ont
construit y voient avec orgueil un tmoignage de
1. Coram innumerabilibus turbis Tusciaa. Cod.ms. in UGHELL.,
Ital,
556
PAGI,
l. c.
CHAPITRE XIII
Le triomphe du pouvoir spirituel.
Concile d'Angoulme. Conciles Dijon, Langres, Tournus, o le
peuple afflue. Les moines reoivent Glase II avec une grande
libralit. Les dcrets de plusieurs conciles salus par le peuple
La guerre recomavec enthousiasme. Le pape Glase Cluny.
mence entre les princes allemands et l'empereur. Henri V, excommuni de nouveau, retourne en Allemagne. Mort de Glase II ;
lection de Calixte II.
Confirmation, Rome, de l'lection de
Calixte. Concile de Toulouse. Dite gnrale Fribourg; allocution de Guillaume de Champeaux. L'empereur s'engage par
serment respecter le trait conclu avec le pape. L'lection de
Calixte II est solennellement reconnue Tribur. Concile de Reims
(1119), les cinq cents chevaliers d'Adalbert de Mayence.. Harangue
du cardinal Conon. L'empereur Mouzon. Calixte II se retire
dans un chteau. Le pape lance contre l'empereur une excommunication solennelle. La trve de Dieu dcrte de nouveau.
Hildegarde, duchesse d'Aquitaine, porte devant le concile les
graves sujets de plainte qu'elle avait contre son mari. Calixte II.
assur.
558
L'tat gnral de ce royaume tait alors satisfaisant. En effet, les troubles suscits, dans un
petit nombre de villes du Nord, par l'institution des
le
roi
Louis
le
entreprises
luttes
les
par
communes,
Gros contre ses grands vassaux, luttes o les nouvelles communes, conduites la bataille par des
vques et des abbs, apportaient la royaut un
secours efficace 1; enfin, la guerre de Louis de
France contre le roi d'Angleterre, et sa dfaite
Brenneville, malgr le fcheux retentissement
qu'elle avait eu 2, n'avaient point port d'atteinte
srieuse la libert et l'action salutaire de
l'glise. Mais celle-ci pleurait une perte immense, celle d'Yves de Chartres 3, l'une des lumires du clerg de France, l'ami de Pascal II,
et que de nombreuses sympathies unissaient Glase. Il avait t suivi de prs dans la tombe par
son ami et son conseiller fidle, Robert d'Arbrissel4, le fondateur de Fontevrault, et par Bernard
de Tiron 5. Ces deux rivaux de saintet fconde et
1. OUDER. VITAL, l. xi, p. 856.
2. Quod longe lateque divulgatum est, et per omnes provincias cis
Alpes a lugentibus sive subsannantibus passim diffusum est. ORD.
VIT., 1. XII, p. 855.
5. En janvier 1117, aprs vingt-sept ans de pontificat, date fixe
avec soin par Pagi. Saint Pie V a autoris son culte pour l'ordre des
chanoines rguliers en 1570.
4. 21 ou 25 fvrier 1117.
5. Le 25 avril 1117. Bernard avait form cinq cents moines, dont
il garda trois cents Tiron, envoyant les deux cents autres en divers
beux, pour vivre douze dans chaque maison, o il les visitait de temps
539
540
Concile
d'Angoulme.
petite ville de Laon, une vritable universit frquente par la jeunesse de toutes les contres de
l'Europe.
La France, malgr tant de perles cruelles, possdait encore un certain nombre d'hommes d'lite :
Hildebert, vque du Mans; Geoffroy, abb de Vendme; Joceran, archevque de Lyon, et bien d'autres
zls prlats et savants docteurs, parmi lesquels
figuraient, au premier rang, les deux lgals Grard
d'Angoulme et Guy de Vienne, qui, pendant les
dernires annes de Pascal II, avaient continu de
remplir, au profit de la libert, de la discipline
ecclsiastique, de la justice et du bon droit de tous,
la glorieuse mission qu'ils s'taient impose depuis tant d'annes. Grard eut rduire le comte
Conan de Bretagne, qui, aprs avoir dpouill les
moines de Quimperl d'une donation faite par ses
anctres 1, voulait les empcher d'en appeler au
saint-sige. Grard en vint bout dans un concile
d'Oldenbourg et aptre du Holslein; en France, Raoul, son frre et:
son successeur comme collre de Laon; saint Bruno, Mathieu de
Laon, cardinal vque d'Albano, Hugues Melet, abb de Saint-Lon de
Toul ; Gilbert de la Porre et Guillaume de Champeaux ; Raoul Levert,
archevque de Reims; Geoffroy le Breton et Hugues d'Amiens, archevques de Rouen; un archevque de Rouen, des vques de Coutinces et du Mans, et enfin Ablard (qui en dit beaucoup de mal) taient
tous sortis des coles d'Anselme. Hist. litt. de France, t. X, 175, et
DIVISMEHist. de Laon, t. Ier. p. 251.
Cette numration, bien incomplte d'ailleurs, indique assez l'unit et l'activit de la culture
intellectuelle au douzime sicle.
1. Il s'agissait de Belle-Isle en Mer, que l'abb de Redon avait
usurpe.
541
justice
de
romaine,
Per ipsum igitur potestate accepta, noli adversus eum cervicem cordis erigere, nec ejus Ecclesiam impugnare, sed potius ejus omnipo tentiam cogita, et humiliter Ecclesiae praecepta custodi, ut qui magna
suscepisti, majora merearis suscipere. Ibid.
Conciles
Dijen, Langres,
Tournus,
o
le peuple afflue.
542
545
544
Les
moines reoivent
Glase II
avec
une grande
libralit.
l'envi le droit de soulager la pnurie, la noble misre et les souffrances du pontife. Glase arrivait
trs-incommod de son voyage par mer, dpourvu de
tout, et dans un tal voisin de l'indigence 1, ajoutant, de la sorte, les privations de la pauvret aux
outrages, aux violences, aux dangers, aux fatigues
de l'exil, en un mot, toutes les preuves qui, depuis
le commencement de son pontificat, couronnaient
ses cheveux blancs de tous les mrites que peut
ambitionner un digne vicaire du Dieu crucifi.
C'tait aux moines surtout que devait revenir l'honl'subvenir
besoins
chef
de
du
de
aux
neur
glise, moine comme eux. Le pape d'abord log
l'abbaye de Saint-Gilles, y fut trait avec la plus
librale hospitalit 2. L'abb Pons de Cluny, qu'il
avait prvenu de son arrive par un courrier expdi de Pise, comme un fils particulirement chri
de l'glise romaine, accourut au-devant du pontife et le mena dans le domaine de son pre, le
comte de Melgueil, o il le combla de prsents et
le soigna jusqu' ce que l'auguste vieillard ft refabili et honore immenso eum susceperunt. FALC. Benev. Chron., 1. c.
Pauperie quippe multa angebatur. SUGER, De vit. Ludov. Gross., c. 21.
Pro maris molestia infirmatum. Biblioth. Cluniac, p. 559.
1. Selon Suger, Maguelonne, et selon son compagnon Pandulphe, Saint-Gilles, situ une lieue du Rhne et assez loin de son
embouchure; mais, selon la chronique de Maurigny, Marseille (ce
que confirme le diplme dat de l, le 26 octobre 1118). Ann. Ben.,
I. LXXIII, c. 52.
2. Quam bene, quam largissime ab eis fuerit diutius pertractatus,
salis manifestum est. PASDULPH. PISAN., l. c.
545
et specialem filium..,.
ta
MOINES D'OCC.
VII.
35
546
II
Glase
cortge,
se
avec ce
le
nord,
diriger
de
Mais,
avant
vers
pas
ses
pays.
le souverain pontife eut la consolation de recevoir
l'hommage d'un peuple admirablement chrtien,
qui, depuis quatre sicles, gardait, au milieu des
combats contre les infidles, un attachement inviolable et toujours plus ardent l'glise. Tandis que
les rois et les preux d'Espagne poussaient graduellement en avant la frontire des territoires enlevs
par l'pe aux Maures et aux Arabes, derrire eux
les vques et les moines, aprs avoir pris une part
clatante ces combats, fondaient, consolidaient
l'ordre social et le droit chrtien au sein des pays
reconquis. Ces admirables rsultats des dlibralions d'une srie de conciles dont toute la noblesse
aimait sanctionner les dcrets, portent l'empreinte la fois du zle le plus catholique et
de celte sollicitude vraiment fraternelle pour les
classes pauvres, qui a toujours tant honor l'Espagne catholique. A Palencia, en 1114, les Pres du
concile jugrent ncessaire de pourvoir la restitution des biens usurps pendant les guerres civiles 2; Compostelle ils dcidrent que, lorsqu'un
1.
l. c. Ann. Bened., l.
52.
2. Incipiunt decreta D. Didaci Compostellani episcopi ad protegendos pauperes:... canonicorum, judicum, caeterorumque nobilium virorum consilio. Ap. COLETT., Concil., t. XII, p. 1205. Voir la longue
liste des signatures donnes par la noblesse de Galice au concile
d'Ovido. Ibid., p. 1210-12(9.
PANDULPH. PISAN.,
LXXIII, C.
547
Les dcrets
de plusieurs
conciles
salus
par le peuple
avec
enthousiasme..
548
549
Le pape Glase
Cluny.
550
tout rcemment de se
signaler, dans le pays de Metz, par des prodiges
d'habilet, de courage et d'activit. Ce diocse
tait, depuis longtemps, opprim, dshonor par
les violences d'Albron, parent de l'empereur 1,
lequel avait fini par usurper l'autorit piscopale, qu'un courageux archidiacre nomm Albrius osait seul lui disputer. Naturellement,
l'intrus finit par triompher, et l'archidiacre, dont
tte avait t mise prix par l'empereur, dut
aller, travers mille prils, chercher un refuge
Rome. L, le pape, bien inform, donna l'ordre
au cardinal Conon de retourner, comme lgat,
au del des Alpes, pour porter remde une telle
situation. Conon russit franchir heureusement
les passages alpins, en trompant la surveillance
des satellites impriaux; et, dguis en crivain
public, il s'en alla, portant suspendus l'paule
les instruments de celte profession, jusqu' la cit
de Reims2. Il s'y fit connatre, convoqua un synode
et proclama la dposition d'Albron. Sans perdre
un instant, le lgat courut ensuite chercher, en
un coin dsert de la frontire diocsaine, un pieux
abb nomm Thotger, qu'il fit lire vque. Ce
Thotger, qui venait de la Fort-Noire, avait pourLe cardinal Conon venait
la
551
552
553
GERVAIS,
n 280.
Cette initiale B indique l'un des quatre vques suivants : Burkhard de Halberstadt (+ 1118) ; Bruno de Spire, vice-chancelier jusqu'en 1116; Bruno de Strasbourg, vice-chancelier de 1117 1125;
554
sette, un chevalier de Souabe, Ulric de Norningen, dclara qu'il fallait d'abord manger les moines,qui taient bien gras, avant de rendre
la place par famine : Melius fore ut pingues monachi ederentur quam
castrum propter ciborum inopiam hostibus traderentur. OTTO FRISIKG., De Gest. Frid.,t. Ier, l.I, c. 14. Cette menace obligea les moines
dcouvrir les magasins de vivres qu'ils voulaient soustraire aux
ennemis de l'glise.
5. Il y avait dans l'empire quatre grandes abbayes dites impriales, dont les abbs taient chapelains de l'empereur, devaient l'accompagner au couronnement de Rome et la guerre, et sigeaient
ses pieds, dans les dites, comme rfrendaires : Fulda, Hersfeld,
Wissembourg et Lorsch. Plus tard Corvey, Kempten et Murbach eurent le mme rang. Elles formaient une classe suprieure celle des
regalia monastcria, quoe jura feudalia sive regalia tenebant ab imperio Bomano, et ad communia regni obsequia per vices obligata
erant. TRITHEM., Chron. Hirsaug., ann. 1114. La troisime classe
comprenait toutes les abbayes qui n'taient ni impriales ni royales.
4. L'abb imprialiste de Lorsch fut vigoureusement combattu et
555
La nouvelle de l'lection de l'antipape Grgoire VIII et de la renaissance du schisme, au printemps de 1118, ne servit qu' raffermir le zle du
parti catholique, et l'arrive du lgat Conon en
Lorraine eut pour rsultat de lui imprimer une
nouvelle activit.
Dans un concile tenu Cologne1, Conon fulmina
de nouveau l'excommunication contre l'empereur,
contre ses neveux Frdric et Conrad, contre le
comte Palatin et ses adhrents principaux 2. Comme
les princes et prlats de la basse Allemagne avaient
pu seuls assister ce concile, Conon et Adalbert
en convoqurent un autre Fritzlar en Hesse 5,
o la sentence fut renouvele. Les princes y dcrtrent qu'une assemble gnrale serait tenue
Wurtzbourg, que l'empereur y serait appel
s'expliquer, et qu'on procderait sa dposition
s'il refusait de comparatre au jour indiqu 4.
enfin expuls par le comte Berchthold, avou du monastre. GERVAIS,
I, 224.
1. Le 19 mai 1118.
2. Chron. Ursperg., 1119. Cod. Udalr., 291.
5. 26 juillet 1118. Ces dates ont t fixes avec sagacit par Stentzel (t. II, p. 329), qui a rectifi l'erreur o taient tombs Pagi et
la plupart des historiens, en reportant ces conciles l'an 1119.
4. Gervais (t. Ier, p. 248), croit que ce dernier dcret ne fut pas
Henri V,
excommuni
de nouveau,
retourne
en Allemagne.
550
proposuisset, ubi ipse aut proesens ad audientiam exhiberi aut absens regno deponi. Ann. 1119.
Gervais prtend en outre que les princes laques ligus contre
Henri s'taient dtachs des prlats, vers cette poque, et qu'un rapprochement s'tait opr entre eux et les chefs du parti imprial ;
mais il ne cite aucune preuve de celte double supposition.
1. Efferatus animo....se nimis insperatus exhibuit. Chron. Ursp.,
1.
c.
2. Qui instar fulgoris coruscantis abiens et rediens.
1118, c. 20.
BARON.,
ann.
557
Hildebert,
vque du Mans,
flicite
et encourage
Conon
de Palestrine.
558
si bene novi te..., etc. Epist. HILDEB., t. II, n. 16, ed. Beaugend.,
p. 99. La date de cette lettre est incertaine : l'intitul pourrait indiquer l'poque o Conon revint d'Orient (en 1114). Nous avons cru
pouvoir la placer au moment o Conon se trouvant Rouen, tait le
plus rapprochde Hildebert du Mans.
1. Multa novis saeculis nova et inaudita proponentem facturum.
EADMER, Hist. nov., 1. v, p. 95.
2. Subita passione, quam Graeci pleuresim vocant. PANDULPH. PISAN.
op. BARON. 1119.
5. In propria domo proprius pastor. Bibl. Clun., p. 55.
4. Juxta normam monasticam strato terrae corpusculo. PANDOLPH.,
l.
c.
Cluniacensi
Dormiit in proprio Romani juris asylo.
PETR. PICTAV.,
Epist,
GELAS.
ap.
BARON., l.
c.
559
jours surtout, d'tre dfendue contre la perscu" tion par l'influence et la richesse temporelles.
Si vous voulez en croire mes conseils, nous
l'archevque de Vienne, homme aussi
lirons
religieux que prudent, et, de plus, illustre et
Mort
de Glase II
et
lection
de Calixle II.
560
561
1. Ego ut fratribus qui cum domino eo venerant, prout ratio exigebat, solatium exhiberem, Cluniacum cum gravi dolore perrexi....
Episcopi, cardinales, et centum clerici et laici Romanorum, invitum
me penitusque renitentem.... Ep. CALIXT., I, in Concil.
2. Qui se indignum iterato reclamans, idcirco omnibus modis resistebat, quia et incertum habebatur a multis utrum Romae factura
hujusmodi teneretur. Propter quod vix cappa rubea amiciri sustinuit, donec. PANDULPH. PISAN. l. c.
..
5. H Quingey, en Franche-Comt.
4. Quelques auteurs ont cru qu'il tait aussi de l'ordre de SaintBenot, mais on n'en a pas de preuves. D. II. Mnard l'a pourtant
plac dans le Martyrologe bndictin.
5. Victor III et Glase II taient moines du Mont-Cassin.
MOIRES D'OCC. VII.
36
562
505
564
d'Allemagne
1 et le roi
l'empereur
cousins
pour
d'Angleterre.
Calixte II tenait donc, par le sang, aux princes
les plus puissants de l'Europe. Ses neveux propres
possdaient la Franche-Comt2, la Bourgogne 3, la
Flandre 4, la Castille 5, et l'un des deux tait arche-
Confirmation,
Rome,
de l'lection
de
Calixte.
vque de Resanon 6.
Pendant les trente-six ans qu'il avait passs sur
le sige archipiscopal de la vieille capitale du
royaume de Bourgogne 7, Guy avait non-seulement
dtach sa propre famille de la cause impriale,
mais en outre organis la rsistance catholique en
Dauphin et sur les rives du Rhne.
Ds son avnement, Calixte II s'empressa d'envoyer Rome le cardinal-diacre Roscemann, moine
de Maurienne et de Savoie, et de Gisle de Bourgogne, soeur de Calixte.
1. Par Agns de Poitou, femme de l'empereur Henri III; consanguinilatis lineam a regibus Alemannioe, Francioe atque Anglioe ducens. PANDULPH. PISAN , MUR., III, 419. Voir aussi SUGER ap. DUCHESSE,
IV, 510.
2. Guillaume III, dit l'Allemand, fils de Raynaud II, rgna de 1100
1124.
laume-Tte-Hardie.
Le roi Rodolphe III de Bourgogne avait joint ce sige le comt
de Vienne. FLEURY, 1. 67, c. 15.
7.
505
vques auxquels Calixte n'avait pas crit dclarent qu'ils approuvent son lection : Quam neque lepra Simonis, neque tumor ambitionis infecit, tanquam a Deo datam amplexati sumus.
3. Lambert qui fut plus tard pape sous le nom d'Honorius II.
4. Le 9 fvrier 1119. Lettre de Conon, ap. Hist. Vizediac. in Spicileg.
5. Chron. Ursperg., ann. 1119. Hist. littraire de France, t. X,
p. 511.
6. GERVAIS, l. c. ANSELM. GEMBLAC, Chron. 1119
7. EADM., Hist. nov., V, p. 93.
506
Concile
de Toulouse.
lats, pour fliciter 1 Calixte II, qui reut cette ambassade en Auvergne, d'o il se rendit Toulouse avec
l'infatigable lgat. L se runirent en concile les
prlats de l'Aquitaine, du Languedoc, d'une partie
de l'Espagne et de la Bretagne. On y dcrta plusieurs canons destins maintenir la puret et la
libert de l'glise, et livrer au bras sculier les
hrtiques manichens, dont le foyer se conservait
toujours dans ces rgions 2.
Le pape revint ensuite vers le nord, en traversant le Quercy, le Prigord, le Poitou, l'Anjou et
la Touraine, signalant partout son passage, comme
l'avaient fait ses prdcesseurs Urbain II et Pascal II ; redressant les griefs, terminant d'anciennes
contestations, ddiant de nouvelles glises cathdrales et abbatiales 5, visitant les principaux
monastres, tels que Fontevrault, Saint-Maur, Marmoutier, confirmant leurs privilges et exemptions 4. Pendant son sjour en Anjou, le saint-pre
tendit la protection de l'glise romaine sur les
nouvelles crations monastiques de Fontevrault et
de Savigny 5, qui avaient dj port des fruits si
prcieux.
1. Chron. Maurin., p. 569.
2. Concil., t. XII, p. 1285. FLEURY, l. 67, c. 2.
3. Cahors, Fontevrault, Saint-Maur, Angers, Maurigny.
4. Voir son itinraire avec les dates de ses sjours et de ses diplmes aux pices justificatives.
5. Bulles des 8 et 16 septembre 1118.
507
negoliis.
2. Chron. Maur., p. 568-569. Il tait dj revenu auprs du pape
Maurigny, aprs son voyage de Reims. Le chroniqueur de cette abbaye l'appelle avec raison : Totius Francioe ac Teulonioe, Alemannioe
ac Saxonioe legatus.
5. Cui eum omnes nostrates episcopi obedientiam professi....
Chron. Ursperg., ann. 1119.
Dite gnrale
de Tribur.
Allocution
de
Guillauoie
de Champeaux.
568
II.
509
tout ce qui se rfrait anciennement la chose
publique, mais dont les rois chrtiens ont enl'glise
richi
catholique, je m'acquitte de mon
en soit
ainsi, je n'en demande pas davantage 2.
L'vque de Chlons reprit : Si vous voulez
abandonner les investitures, restituer les biens
l'glise et de tous ceux qui ont travaill
de
pour
elle, et leur garantir une vraie paix, nous ferons
de notre mieux, avec l'aide du Seigneur, pour
mettre fin la lutte 5.
L'empereur, aprs s'tre concert avec les siens,
promit formellement d'accomplir les conditions sti!
blicam pertinebant, et antiquitus scilicet a regibus christianis Ecclesiae Dei donata sunt, ita fideliter deservio, sicut in regno tuo episcopi tibi deserviunt, etc. Comment. HESSONIS SCOLASTICI in Concil..
t. XII, p. 1300, et Cod. Udalr., n 503. Cet auteur, auquel la chronique d'Auersperg renvoie, comme la source la plus digne de foi,
termine son rcit par ces mots : Quod vidi et audivi, fideliter, et
quanto brevius potui, pedestri sermone descripsi.
2. Manibus elevatis.... Eia, inquit, sic fiat : non quaero amplius.
Ibid.
5. Si investituras dimittere volueris, et possessionem ecclesiarum,
et eorum qui pro Ecclesia laboraverunt, reddere, et veram pacem
eis dare, laborabimus, etc. Ibid.
L'empereur
s'engage
par serment
respecter
le trait conclu
avec
le pape.
570
571
pontife chargea sans retard ses deux plnipotentiaires, et avec eux deux de ses cardinaux, l'vque
d'Ostie et Grgoire diacre de Saint-Ange 1, d'aller re-
et
GERVAIS.
L'lection
de Calixte II
est
solennellement
reconnue
Tribur.
II.
l'empereur, se vit son tour trahi, abandonn
par la puissance mme laquelle il avait tout sacrifi.
Dans la dite, on arrta, en principe, la cessation
des hostilits, la restitution rciproque de tout ce qui
avait t enlev l'empereur 1 ou aux princes, et
on approuva d'avance la runion du concile de Reims,
o Henri promit de se rendre afin d'oprer dans
l'glise 2 une rconciliation gnrale. L'empereur
se mit ensuite en route, avec une arme de trente
mille hommes, pour aller au-devant du pape. Entre
Metz et Verdun, le prince rencontra les quatre ambassadeurs de Calixte, et, renouvelant, entre leurs
mains, par crit et sous la foi du serment, les stipulations dj arrtes Strasbourg 5, il promit de les
excuter, en prsence du pape, Mouzon, le vendredi
25 octobre suivant. Le duc de Bavire, le comte
Palatin et les autres princes jurrent, aprs l'empereur, dont l'engagement crit tait ainsi conu :
Moi, Henri, par la grce de Dieu empereur au guste des Romains, pour l'amour de Dieu, du
bienheureux Pierre et du seigneur pape Calixte, je
renonce l'investiture de toutes les glises, j'ac572
575
vraie
corde
paix
tous ceux qui, depuis l'oriune
ceux
travaill
qui
ont
pour elles, celles de leurs
possessions
que je dtiens, et je les aiderai loya
lement rcuprer celles que je ne dtiens
point moi-mme.
L'crit du pape, garanti par le serinent de ses plnipotentiaires, portait ce qui suit : Moi, Calixte
second, par la grce de Dieu, vque catholique
l'glise
Romaine, j'accorde une vraie paix
de
: je
restituerai ou ferai restituer leurs possessions
tous ceux qui les ont perdues cause de celte
guerre.
evocati... congregati sunt pro amore Salvatoris, ejus parati grantanter obedire mandatis. ORD. VIT., t. XII, p. 857.
1. Apostolico jussu
Le
concile de Reims
(1119)
et
les cinq cents
chevaliers
d'Adalbert
de Mayence.
574
1. De insulis Occani et cunctis occidentalibusprovinciis, dit Ordric. A-t-il voulu dsigner par l l'Irlande ou simplement les les de
la Mditerrane?
2. Sed superfluas adinventiones regno meo inferre nolite. Ibid.
Comme l'affaire des investitures tait rgle depuis douze ans en Angleterre, cette rserve du roi ne devait s'appliquer qu' la contestation entre les archevques d'York et de Cantorbry dont nous parlerons plus loin.
5. Cinq d'entre eux taient ses suffragants. Il y avait en outre un suffragant de Cologne, deux de Trves, deux de Magdebourg, et un de Besanon.
4. ORD. VITAL, 1. c. L'archevque Frdric de Cologne ne vint pas
en personne, mais envoya des ambassadeurspour tmoigner au pape
sa soumission et son affection. Ibid.
5. Ordric nomme ceux de Reims, de Bourges, de Sens, de Lyon,
de Rouen, d'York, de Tours, de Dol, et alii octo archiepiscopi,
dit-il.
Un titre de Tours, cit ap. Concil. XII, 1509, nomme ceux de Mayence,
de Besanon, de Tarentaise et de Tarragone. Parmi les vques
taient Guillaume de Champeaux, vque de Chlons, Hildebert du
575
franais,
1. Kumerabantur ibi personarum pastoralium virgae 424. ROGER
HOVED. Ann. Angl. Le scholaslique Hesson, tmoin oculaire, dit 427.
2. Quamvis gravi laborantem infirmitate, molestia corporis vehementer urgente. Epistol. LUDOV. ad CALIXT. in Regest. ad fin.
Biduo cum principibus suis concilio eidem interfuit et mandata
Ecclesiae sicut catholicus et christianissimus veneratione debita obedivit. Concil. XII, 1509. Cf. ORDER., l. c.
5. ORDER., l. c.
4. Ante crucifixum : c'est--dire devant le jub, qui tait toujours
surmont d'un grand crucifix, comme le montre la dnomination anglaise de cette partie de l'glise, rood-loft.
5. Conon de Ralestrine, Lambert d'Ostie, Boson de Porto, Jean de
Crme et Hotton de Viviers : ils taient chargs d'examiner proe omnibus aliis les questions, et rpondaient tout avec une merveilleuse
rudition. Ibid.
II.
nait le livre des canons pour faire connatre, en
anciens
1.
dcisions
des
les
besoin,
de
cas
Calixte II fit en latin un sermon sur le passage
de l'vangile o il est dit que Jsus ordonna ses
disciples de s'embarquer et de le devancer sur la
l'glise
de
la
barque
Il
orageuse
2.
montra
mer
agile par les flots des tentations et des tribulations, et le souffle de l'impit subitement abaiss
marcher
qui
fit
alors
Sauveur,
du
la
venue
par
Pierre sur les eaux. Puis, le cardinal Conon, se
levant, harangua avec la plus grande loquence les
prlats sur leur devoir pastoral 5. Le souverain pontife fit ensuite connatre au concile quelle avait t
sa principale intention en appelant de si loin et en si
grand nombre ses pres et ses frres 4 : c'tait afin
d'extirper, avec leur concours, l'hrsie simoniaque,
qui empruntait toute sa force aux investitures. Aprs
quoi Calixte ordonna l'vque d'Ostie d'exposer
en latin la suite des ngociations avec l'empereur,
576
Harangue
du
cardinal Conon.
1. Manu canones gestabat, promptus propinare authenticas majorum sententias, ut res exigebat. ORDER.
2. MATIH., XIV, 22,
5. Il leur appliqua ce qui est dit dans la Gense (XXXI, 58) du soin
que Jacob prenait des troupeaux de Laban. Des quatre historiens protestants que nous avons sous les yeux, Raumer, Stentzel, Lden et
Gervais, pas un ne cite cet appel du pape et du premier des cardinaux
l'autorit de l'criture sainte, dans cette occasion solennelle.
L'rudition philosophique prtend que la Bible n'a t respecte et
connue que depuis la Rforme !
4. Domini patres et fratres, causa pro qua vos de terra longinqua
et remotis regionibus ad concilium vocavimus.... HESSO SCHOLAST., in
Cod. Udalr., p. 503.
577.
37
578
579
L'empereur
Mouzon.
580
l'explication
main,
et
que
avons
en
nous
que
jurer,
suis
d'entendre,
je
prt
sur
venez
vous
l'vangile,
reliques
saintes
les
et
que vous
sur
581
ne pouvait que s'accrotre par l'abandon de prtentions tout fait contraires la loi de Dieu. Henri
se radoucit alors; mais il demanda un dlai jusqu'au
lendemain, afin, disait-il, de confrer, pendant la
nuit, avec les princes; il tmoigna surtout le dsir
de voir Calixte. Les envoys du pape cherchrent
entretenir Henri V part; mais, toutes les fois
qu'ils l'essayaient, ils taient aussitt entours
d'une fouie de gens de cour, qui brandissaient des
lances et des pes pour les intimider 1, et ne rappelaient que trop leur souvenir les scnes violentes
de Rome huit ans auparavant. Aussi, les envoys
pontificaux eurent-ils grand soin de tenir le pape
loign du lieu de la confrence, de peur qu'il
n'et subir le sort de Pascal II.
Les officiers impriaux ne manqurent pas d'lever des difficults au sujet de l'absolution que
leur seigneur devait recevoir, disant qu'il serait
intolrable de voir un empereur se prsenter nupieds, comme les autres pcheurs pour demander
l'absolution 2. Les prlats promirent d'intervenir
auprs du saint-pre pour qu'il ret Henri V secrtement et chauss.
caeteris omnibus,
582
Aprs toute une journe passe en interminables pourparlers (vendredi, 24 octobre), les
prlats revinrent auprs de Calixte, qui, dsesprant de la paix, voulait s'en retourner immdiatement Reims. Mais, la prire du comte de
Troyes et d'autres seigneurs, le pape attendit jusqu'au lendemain, samedi 25, midi.
Ds le point du jour, les prlats allrent chercher la rponse de l'empereur. L'vque de Chlons
lui dit que, ds la veille, ses collgues et lui auraient eu le droit de se retirer, puisque le prince
avait jur d'excuter, ce jour-l mme, les stipulations arrtes, mais qu'ils n'avaient pas voulu,
cause du retard d'une seule nuit, rendre impossible
le bien qui se pouvait encore faire. Ils ajoutrent
que, si l'empereur voulait tenir sa promesse, le
souverain pontife tait prt accomplir la sienne 1.
A ces mots, Henri V s'cria avec colre qu'il consentait la libre lection des vques et des abbs,
mais qu'avant de renoncer l'investiture des biens
ecclsiastiques2, il tait indispensable qu'il convoqut une dite gnrale des princes, pour obtenir
leur consentement. Henri ne voulait pas se souvenir
que la dite de Tribur venait tout rcemment d'au1. Heri quidem, domine rex, cum justitia possemus a te recedere, etc. Ibid.
2. Hesso ne mentionne pas cette distinction, que nous croyons ce-
pendant probable, et qui est formellement nonce par Roger de Hoveden, Ann. Anglic. ap, Concil., XII, 1508.
II.
583
1. Quia saepe inducias quaerendo, quae promisisti implere dissimulas, nihil nobis et tibi amplius : revertar ad dominum papam. HESSO.
2. Peut-tre Vouziers. Le comte de Troyes, ou de Champagne,
tait Hugues Ier, qui se fit plus tard templier.
5. Promittens se facturum omnimodis feria II quod loties abnegaverat. Hesso.
Calixte II
se retire
clans un chteau
584
accorde une
Dieu
si
soit
aprs,
concile,
le
nous
dispos recevoir
toujours
serai
paix,
je
vraie,
ouverts
1.
bras
l'empereur
Comme les prlats craignaient que Henri ne voult poursuivre Calixte II avec toute son arme 2,
le saint-pre se mit en chemin, ds le dimanche
16 octobre, avant le jour, et il marcha si vile qu'il
arriva Reims, aprs un trajet de vingt lieues 3, assez
tt pour clbrer la messe et sacrer, le mme jour,
vque de Lige, le candidat repouss par l'em-
pereur 5.
Aprs deux jours de repos, pendant lesquels le
cardinal Jean de Crma fit au concile la relation
du mauvais succs de leur voyage, Calixte rouvrit
les sessions, et, le mercredi 29 octobre, il ft lire
les cinq canons ou dcrets que le concile devait
rendre et qui rsumaient et confirmaient les conqutes faites en faveur de la libert et de la discipline de l'glise depuis Grgoire VII.
1. Feci, fratres, pro desiderio pacis
ad hominem istum cum
multo labore perveniens, ea quae pacis sunt in eo non inveni. Si
..
autem in concilio vel post concilium, veram pacem Deus nobis dede-
585
586
voulait leur ter les dmes et bnfices ecclsiastiques ou biens d'glise, dont ils jouissaient depuis
longtemps. Il en rsulta une discussion qui dura
jusqu'au soir. Calixte remit la dcision jusqu'au
lendemain 30 octobre, dernier jour du concile.
Ce jour-l, le saint-pre ouvrit la sance en entonnant l'hymne du Saint-Esprit, qui fut acheve avec
une grande ferveur par toute l'assemble 4. Puis,
inspir tout coup et enflamm par une loquence
surnaturelle, qui ne lui tait pas habituelle2, il
dpeignit, en traits de feu et au milieu de l'admiration gnrale 3, l'action de cet Esprit saint, source
de toute sagesse et de toute discipline, lien d'unit,
de charit et de concorde. Nous savons, trs-chers
frres, dit le pontife en finissant, nous sa vons que le zle qui vous a amens de si loin
pour travailler avec nous la libert universelle
l'glise
de
sainte
4, a plu Dieu et
mre
notre
587
scandalises. Aujourd'hui, nous disons avec l'A ptre : S'il y a ici un infidle, qu'il sorte et
qu'il laisse aux fidles traiter ce qui touche
l'glise
et ce qui est ncessaire sa libert. Et
l'glise
qui
dans
de Dieu la place
tenez
vous
des aptres, nous dirons comme le Seigneur aux
douze : vous aussi, voulez-vous donc m'aban-
donner 2?
L'assemble fut entrane, et personne n'ouvrit
la bouche pour rclamer 3, d'autant plus que le
canon dont lecture venait d'tre faite par ordre du
pape et qui avait trait aux investitures avait subi
une modification importante et ne s'appliquait plus
qu'aux vchs et aux abbayes 4. Dans cette forme
nouvelle, ce canon fut approuv et adopt l'unanimit ainsi que les quatre autres.. Aprs avoir
fix de la sorte le droit catholique, il fallait
l'appliquer au fait. Alors, Odelgaire, moine ca
ut nec unus quidem contra decreta synodica quae postea lecta sunt,
os aperire praesumeret. HESSO.
4. Investituram Episcopatuum et Abbatiarum per manum laicam
fieri omni modo prohibemus. Le texte primitif portait : Investituram
omnium Ecclesiarum per manum, etc.
588
Le pape lance
contre
l'empereur
l'excommunication
solennelle.
589
lains de tous les chteaux forts et aux moines habitant les cellae, ou prieurs fonds par les seigneurs
dans le voisinage des chteaux, de cesser le service
divin ds qu'ils y verraient transporter du butin
descendit... ut letalem guerram
per protoplasti reatum progressam pie sedaret.... Membra quippe
Christi populum Christianum appello, quem ipse sanguinis sui pretio
redemit. ORDER., l. c.
1. Filius Dei
pro pace de
coelo
La
trve de Dieu
dcrte
de nouveau.
590
l'interruption
maintenir
de
prisonniers,
des
et
ou
jusqu' ce que les objets enlevs fussent restitus,
faon
1. Tous les
d'une
faite
justice
bien
autre
ou
mercredis, au soleil couchant, les cloches de toutes
les paroisses devaient sonner la paix jusqu'au soleil
levant du lundi suivant ; les hostilits taient en outre
interdites pendant l'Avent, le Carme, le Temps
pascal, les Vigiles et Jenes, et toutes les ftes de
de la sainte Vierge 2. Les moines, les femmes et
leur escorte, les marchands, les chasseurs et les
voyageurs devaient jouir d'une paix perptuelle 5.
Les institutions monastiques furent noblement
reprsentes dans ces grandes assises de la chrtient par les crosses de plus de deux cents abbs.
Vital, chef de la nouvelle congrgation de Savigny,
y prcha avec tant de force, que le pape Calixte dclara publiquement que personne en de des monts
ne lui avait, jusque-l, si bien fait connatre ses
obligations et ses dfauts4. Norbert, qui avait d1. Capellani castrorum jurant, si praeda vel quodcumque raptum,
vel captus aliquis ipsis scientibus ad castrum.... deductum fuerit, se
nullum divinum officium ibi celebrare, non expectantes alicujus reclamationem, donec reddatur ablatum, etc. Concil., t. XII, p. 1292.
2. Le temps ordinaire rserv par la trve de Dieu durait depuis
le son des cloches des paroisses, du mercredi soir jusqu'au lever du
soleil, le lundi. Ibid.
3. Omni tempore pacem babeant. Ibid.
4. ETIENNE DE FOUGRES, Vie manuscrite, l. II, c. 12. FLEURS-, Hist.
eccls., l. 67, c. 10. Il mourut trois ans aprs, en donnant le plus
courageux exemple de son amour pour la rgle. Mortellement atteint
et aprs avoir reu les derniers sacrements, il ne voulut pas moins
591
592
dfendons
Parce
du
que
nous
pape....
propre
un
fidles
donn
les
vigoureusement
ont
nous
que
ce
appelle
envahisDieu,
de
l'amour
nous
on
pour
injustement
subissons
toutes sortes
et
nous
seurs,
beaupoint
n'ai
m'en
d'opprobres.
Je
occuper
compressit. Ibid.
2. Cluniacensis Ecclesia soli Romanae Ecclesiae subdita est et papae
propria.... Nimia de bis ad me sollicitudo non pertinet. Ecclesiam
suam dominus papa defendat si vult. Ibid.
5. Romana auctoritas Cluniacensium privilegia corroborat, el in
virtute Dei omnibus Ecclesioe filiis imperat, ne guis, etc. Ibid. Orderic ajoute que plusieurs prlats furent trs-mcontents de ce dcret,
quamvis aperte contradicere jussionibus papoe non auderent.
193
38
594
conformment
si,
demanda
son
pape
Guillaume s'tait rendu au concile. Plusieurs
prlats d'Aquitaine se levrent et rpondirent que
leur duc tait rest malade en chemin. Il lui fut
alors accord un dlai pour se prsenter la cour
du pontife, et y reprendre sa femme, sous peine
d'anathme1.
595
590
Calixte II
mdiateur
de paix entre
le roi de France
et celui
d'Anglelerre.
597
concile, restituer son frre le duch de Normandie, en lui rendant la libert. Mais le roi fit
un
tel tableau de l'tat de dsordre et de misre o les
glises et le peuple de la Normandie taient tombs
pendant l'administration de Robert, par suite de
l'incapacit totale de celui-ci, que le pape se rendit
aux raisons du monarque et ajourna la question.
Toutefois, le saint-pre n'en mit que plus de zle
amener une rconciliation entre les deux princes :
la paix fut conclue, sous la mdiation du souverain
pontife, moyennant la restitution rciproque des pri
sonniers et des chteaux enlevs, et au milieu de la
joie gnrale des peuples 1. Calixte fut moins heureux en ce qui concernait les intrts spciaux de
l'glise: il dut concder au roi anglais la confirmation des coutumes que le conqurant avait tablies,
et renoncer au droit d'envoyer en Angleterre d'autres
lgats que ceux dont le souverain aurait agr la
nomination 2. Quoique des rois aient souvent russi
toque osculo pacis inter muluos amplexus uterque exultavit. ORDER.
VIT., l. XII, p. 864.
1. Ibid., 866.
2. Tel est le rcit d'EADMER (Hist. novorum, l. V, p. 95), avant tout
moine de Cantorbry, trs-irrit contre Calixte, cause des dcrets
de ce pontife en faveur de l'indpendance du sige d'York.
Mais ce rcit ne s'accorde gure avec le fait de la lgation du fameux cardinal Pierre de Lon en Angleterre, deux ans aprs l'entrevue de Gisors. On peut voir, du reste, dans Eadmer mme, toutes
les ruses de Henri Ier pour empcher ce lgal de communiquer avec
les monastres et les glises pendant sa rsidence en Angleterre. Le
pape Calixte avait t lui-mme lgat en Angleterre, au commencement du rgne de Henri Ier. Il faut ajouter que saint Anselme lui
598
Voyage
triomphal
du pape
en France
et
en Italie.
aussi s'tait dclar contre toute autre lgation que la sienne, comme
archevque de Cantorbry et lgat-n. (Epist. IV, 2, ad Paschal). Cette
prtention anglaise de ne pas recevoir d'autre lgat que leur primat
tait identique celle qui surgit plus tard en Sicile sous le nom de
Monarchia Sicilioe. Les rois de Sicile prtendaient, en vertu d'un dcret d'Urbain II, dont Baronius a dmontr la fausset, tre lgatsns dans leur royaume.
1. ROGER DE HOVEDEN, ap. BARON., in ann. 1119, c. XIII. La bulle fut
donne Gap le 5 mars 1120. V. TH. STUBTS, Act. Pontific.Eborac. in
SELDEN, Script. Angl., II, p. 1716.
2. Undique confluente immunera multitudine populorum, eum
599
600
Le saint-pre
reu avec
enthousiasme
dans Rome.
601
Eginh. ap.
BARON.
602
du pape jusqu'au Latran, au milieu des chants latins, grecs et mme hbraques, d'un nombreux
cortge de petits enfants portant des rameaux
comme l'entre du Sauveur Jrusalem, et de la
chevalerie romaine accourue au-devant de Calixte,
trois journes de la ville, un abb allemand de la
suite pontificale crivait-il ses compatriotes que
Csar et t indign et que Cicron serait peut-tre
devenu chrtien, s'ils avaient pu voir, l'un et l'autre,
la bannire de la croix l'emporter tellement sur les
trophes des consuls et des empereurs 1.
La veille de cette entre triomphale, Calixte accorda un chevalier dauphinois, tige de l'illustre
maison de Clermont-Tonnerre, qui l'avait escort
des bords du Rhne jusqu' Rome, la faveur deporter pour armes les clefs et la tiare, avec la fire
devise : Etsi omnes, ego non.
Aprs avoir difi Rome par sa douceur, par
Tonnerre. Les exemples que nous avons cits du duc d'Aquitaine et
de Geoffroy d'Anjou dmontrent l'importance symbolique attache
ds lors l'usage des armoiries.
1. Caesar si superesset, indignans miraretur. Tullius forsitan attraheretur, dum vexilla crucis omnium consulum et imperatorum superari trophaea conspicaretur. Epist. Eginon. ap. BARON, ann. 1120, et
CANIS., Thes. anecdot., t. II, p. 240. Cet ginon tait abb de Saint-Ulrich, Augsbourg: il avait eu soutenir des luttes cruelles contre
l'vqueschismatique d'Augsbourg, et, d'aprs l'avis d'Adalbert, tait
all rejoindre Calixte en Italie. Le pape le mena avec lui Rome, afin
qu'il pt raconter, en Allemagne, le triomphe de l'glise : relaturi
terrae nostrae (ut ipsius verbis utamur) triumphum Ecclesiae. Il
mourut cette mme anne Pise, pendant son voyage de retour et
aprs avoir dict la lettre ci-dessus.
II.
605
II.
toutes les maldictions de la soldatesque : C'est toi,
lui criait-on de toutes parts, qui as os dchirer
604
Calixte arrache
l'antipape
Burdin
ses bourreaux.
catholique;
l'unit
dtruire
Christ,
du
tunique
la
avoir
maudit,
mille
fois
maudit,
donc
sois
pour
monde
1! Puis, on le
scandale
tel
donn
au
un
605
606
607
d'Ablard.
CHAPITRE XIV
La papaut se rconcilie avec l'empire.
Adalbert, nomm lgat par Calixte, organise la rsistance. Armes
en prsence sur les bords du Mein, en 1121. Une dite convoque
Wurtzbourg. Admirable conduite des princes confdrs.
Lettre de Calixte Henri V. Assemble et trait de Worms.
Grand spectacle sur les bords du Rhin. La joie de Calixte II aussi
profonde que celle des peuples. Concile oecummique au Latran.
Consquences de la paix conclue entre le pape et l'empereur.
Apprciation errone du concordat de Worms. Ce qui serait advenu si la papaut n'avait pas remport la victoire. Les
grands champions de l'glise. Rome paenne oppose Rome
chrtienne. Vie prive des religieux dans les divers monastres.
Les moines du Bec taient des philosophes, des grammairiens,
des savants. Guillaume de Champeaux et les coles de Paris, o
affluent les trangers. Fondation de l'universit de Cambridge.
Jurisconsultes, mdecins, historiens dans les monastres. La
vie du clotre recherche surtout par les classes leves de la socit.
L'abbaye appele le Mont-des-Anges dans l'Unterwald. Osmond,
Mainsende et leur fils devenu leur biographe.
L'abbaye de Fontevrault refuge des veuves de haute naissance. Baudouin, comte
de Flandre, se fait moine Saint-Bertin.
Fondation de l'abbaye
du Kloster Neubourg, prs de Vienne. Otton, vque de Bamberg,
VII.
39
610
611
612
Adalbert,
nomm lgat
par
Calixte,
organise
la rsistance.
615
juin 1121. Henri dut reconnatre alors l'impossibilit de prolonger la lutte : le temps tait fcond
en avertissements pour son orgueil. Son rival dtest, l'objet principal de sa haine, Adalbert, tait
l, avec la moiti de l'Allemagne range en bataille
contre lui. Burdin, on ne l'a pas oubli, tait
tomb du trne pontifical o l'empereur l'avait fait
asseoir. Guillaume, le fils unique du roi d'Angleterre, dont s'taient dj manifestes les dispositions
les plus oppressives contre ses futurs sujets, avait
pri, avec sa soeur et trois cents compagnons, sur
un vaisseau bris contre un cueil de la cte de Normandie au milieu de la mer la plus tranquille 2. Le
monde avait vu dans celle effrayante catastrophe, un
nonice pastores elegerunt quos.... Mogontino praesule.... probabiliter et Ecclesiastica libertate consecrari fecerunt.... contra voluntatem imperatoris restituunt. Chron. Ursp., 1120-1121.
1. Ad defensionem metropolis totius Germaniae animos omnium
catholicam obedentiam profitentium tandem excitat. Ibid.
2. 25 novembre 1120.
Armes
en prsence
sur
614
II
615
Une dite
est convoque
Wurtzbourg.
II.
Wurtzbourg, pour la Saint-Michel (1121), afin d'y
conclure cette paix tant dsire.
Quand les deux armes se retrouvrent en prsence, sur les bords de la Wernitz, campes un
jour de marche l'une de l'autre, il y eut bien quelques vellits de renouveler les hostilits1; mais
l'empereur resta, cette fois, fidle son serment,
et consentit ce que toutes les questions fussent
vides d'aprs la dcision des princes 2. Ceux-ci,
tant laques qu'ecclsiastiques, mais parmi lesquels
les vques occupaient la premire place 3, se montrrent dignes de leur haute mission : ils manifestrent un esprit de justice, de modration et de
gnrosit, qui tmoigne de la grandeur de leur
me, de la hauteur de leur intelligence et prouve
combien ils taient dignes de fixer les destines
de leur patrie, et d'intervenir, en guise de mdiateurs, entre l'Eglise et la royaut 4 qu'ils avaient
616
1. Licet nonnulli pacem odientes scandala nova veteribus superseminare tentaverunt. Chron. Ursp., ann. 1121.
2. Imperator sponsionis suae non immemor.... quantum.. non sui
.
arbitrio.... sed juxta senatusconsultum concludi per omnia in omnibus concessit. Ibid.
5. Nous ne trouvons nulle part l'numration de ces seigneurs; admettre avec Gervais (t. Ier, p. 524, note 5) que les princes dont la dcision fut reconnue souveraine taient tous, ou en trs-grande majorit, laques, ce serait contredire toutes les donnes de l'histoire et
tous les usages de l'poque, surtout en Allemagne. D'ailleurs, nous
voyons par Charton, t.1er, p. 671, et Chron. Ursp., p. 1121, qu'Adalbert et Ollin de Bamberg y eurent un rle important.
4. STENTZEL (I, 701) et GERVAIS (I, 550), ont fort bien expos l'importance et le mrite de l'intervention des princes dans cette occa-
617
pape Strasbourg, ils commencrent par dcrter, sous peine de la vie, l'tablissement d'une paix gnrale, complte, la restitution rciproque de tous les domaines et hritages
enlevs au fisc royal, l'glise ou aux hritiers
lgitimes ; le rtablissement des justices et des
privilges de chaque ordre 1; la poursuite rigoureuse des pillards. C'tait pourvoir, avec sagesse
et quit, aux intrts temporels de l'empire; mais
il restait rsoudre la question spirituelle, la principale cause de la lutte. La pratique des investitures,
pour la majorit des seigneurs laques, tait un apanage hrditaire de la dignit impriale, et quand
l'archevque Adalbert avait expos le droit de
l'Eglise, il s'tait entendu qualifier par plusieurs
de. destructeur de l'empire 2. Ces princes, auxquels
sion ; mais ils nous semblent avoir trop insist sur la nouveaut d'une
pareille intervention, dont l'histoire antrieure d'Allemagne et de
tous les Etats de l'Eurppe fournissent des preuves nombreuses.
1. Omnique personas vel conditioni propriam adjudicatam est justitiam. Chron. Ursp.
2. Tam imperium quam imperator tanquam hereditario quodam
jure baculum et annulum possidere volebant, pro quibus universa laicarum multitudo imperii nos destructores inclamabat. Epist. ADALB.
ad Pap. ap. MARTES., l. c. Il est vident que cette unanimit ne pouvait pas s'entendre la lettre, ni s'appliquer tous les seigneurs,
puisque la moiti au moins d'entre eux se battait depuis cinquante
ans contre le droit d'investiture impriale. Si elle et exist, le droit
prcit n'aurait pas t, coup sr, abandonn du consentement
de tous par le concordat qui fut le rsultat de ces ngociations.
618
Admirable
conduite
des princes
confdrs.
II
619
Ce
liques taient autoriss communiquer provisoirement avec l'empereur, jusqu' ce qu'une rponse
ft arrive de Rome 1; mais, pralablement, les
princes s'engagrent interposer leur autorit,
dans le cas o l'empereur entreprendrait de venger, sur qui que ce ft, les injures reues pendant la
guerre; et ils ne se sparrent qu'aprs avoir fait
serment de maintenir les bases d'accommodement
arrtes entre eux, quand mme l'empereur les
violerait 2. L'vque de Spire et l'abb de Fulda
furent chargs de porter Rome le rsultat de la
confrence-; ils revinrent au commencement de
1122, avec les trois cardinaux Lambert, Grgoire et
Saxo, qui avaient dj, l'anne prcdente, rendu
tmoignage des dispositions pacifiques de Calixte 3.
Ils arrivrent temps pour empcher la paix d'tre
de nouveau trouble au sujet d'une lection conteste
au sige de Wurtzbourg, o l'empereur s'tait em1. Donec id fit, episcopi et omnes catholici, sine ulla injuria et
periculo communionem suam custodiant.
2. Si autem imperator hoc consilium proeterierit, principes sicut
ad invicem fidem dederunt, ita eam observent. On ne sait sur quoi
Gervais (I, 531) se fonde pour prtendre qu'ils prirent un engagement semblable, rencontre du pape : c'est une affirmation certaine-
ment gratuite et en outre absurde, puisqu'ils s'en remettaient prcisment la dcision mme du pape.
S. Voir, sur le double voyage de ces trois lgats, PAGI, Crit. ann.
1122, c. 9.
620
Lettres
de Calixte II
Henri V.
II.
press d'user encore une fois de son droit d'investiture en faveur d'un candidat de sa faon, le comte
Gebhard de Neisseberg. L'archevque Adalbert,
d'accord avec la plupart des princes, et mme avec
les deux neveux de Henri', opposa son protg un
sujet plus digne en la personne du diacre Rudiger 2, qui fut sacr dans l'abbaye de Schvvartzach.
Les lgats reconnurent le nouvel lu, malgr l'empereur 5 qui dut subir cet chec, tempr, du
reste, par les lettres affectueuses qu'ils lui apportaient de la part du pape Calixte, et dans lesquelles
il tait dit qu'ils devaient traiter ensemble, nonseulement de pontife monarque, mais comme
des parents 4 plus rapprochs, par les liens du
sang qu'aucun de leurs prdcesseurs. L'Eglise,
de les
ajoutait le pape, ne veut rien s'arroger
droits, elle qui, comme une mre, fait don
chacun de tout ce qui lui appartient. Elle ne pr" tend lien enlever la gloire de l'empire. Nous ne
1. Indignatus ab im'peratore suo avunculo suo discedere. Chron.
Drsj., 1. c. C'taient Frdric, duc de Souabe, et Conrad, duc de
Franconie, celui-ci spcialement intress la question, puisque son
duch lui avait t donn aux dpens de l'vch de Wrtzbourg.
2. Gervais (I, 338) reconnat que Rudiger tait un sujet plus digne
que Gebhard, et que les dtails de cette contestation sont assez ob seurs, ce qui ne l'empche pas de suivre aveuglment la version intresse du candidat imprialiste (in Cod. Epist. Ddalr., n 555) et
d'en profiter pour accuser de nouveau l'archevque Adalbert.
5. Contra voluutatem imperatoris per auctoritatem arebiepiscopi
Adalberti cetorumque legatorum papae. Chron. Ursp., l. c.
4. L'impratrice Agns, grand'mre de Henri V, tait nice du
comte Raynaud I", grand-pre de Calixte II.
621
si
dominer,
et
veulent
lu
te
pourvoirons
d,
leur
qui
l'honneur
glise
est
nous
ministre d'hommes
l'glise
le
Dieu
de
par
les
dtriment,
mais
religieux,
ton
car
et
sages
qu'elles sont 1.
choses
rester
peuvent
ce
ne
ce
622
et
son
par
avec
sincre pour la paix 1, parvinrent calmer l'irritation produite de part et d'autre par l'affaire de
Wurtzbourg 2, et convoqurent, pour la fte de la
Nativit de Notre-Dame, une assemble gnrale,
o avaient t convis l'empereur, les prlats, les
moines, les clercs instruits d'Allemagne et mme
de France 3, par des lettres qui respiraient
le dsir le plus sincre de la concorde et de la
sicut mater sua omnibus gratuito administrt. Nec regni nec imperii
gloriam affectamus, sed soli Deo in Ecclesise suse justitia deservire
optamus. Redi ergo ad te ipsum, redi.... habes milites adjutores tuos:
Ecclesia Regem regum.... obtineat Ecclesia quod Christi est,
habeat imperator quod suum est
sit pars utraque contenta suo officio, nec sibi ad invicem ambitione aliqua sua usurpent, qui debent
omnibus justitiam observare.... Hos et totam Ecclesiam ita tibi nexibus dilectionis divincies.... quod si stultorum et imperare tibi volentium adulationibus.... adhaeseris.... Ecclesiae Dei curabimus provideri, quoniam sic esse diutius non valemus. Lettre du 19 fvrier 1122.
KEUGART, Cod. Dipl., II, 841.
1. STENTZEL, plus juste ici que Gervais, reconnat qu'Adalbert fut
le mdiateur de cette paix tant dsire. T. Ier, p. 710, not. 57.
2. Cf. Epist. Adalb. ad Calixt., ap. MART., l. c. Benignus et amator
Jesus per industriam servorum suorum.... legatorum qui tunc Moguntiae morabant, immo per habitantem in eis Spiritum suum, spiritum principum paci contrarium auferre caritatemque in eorum cordibus diffundere coepit. Chron. Ursp., l. c.
5. Omnibus Galliarum archiepiscopis, abbatibus, monachis, clericis praecipue in sacris Scripturis eruditis, et omnibus principibus.
Cod. Udalr., n. 551. On ne voit pas qu'aucun prince ou prlat franais ait rpondu celte invitation, et il nous parat probable que le
mot Galliarum provient de l'erreur d'un copiste qui aura complt
ici l'initiale G, place pour Germanioe. De telles erreurs
ne sont pas
rares dans les manuscrits.
bet
625
paix 1. Cette assemble se tint Worms; et, pendant que les lgats, l'empereur et les princes dlibraient dans la ville, la foule nombreuse qui
formait leur cortge campait sur les bords du
Rhin. La dlibration dura plus d'une semaine,
au milieu d'une anxit gnrale2. Mais, enfin
Celui qui tient dans ses mains le coeur des rois,
flchit, au del de toute esprance, l'orgueil de
l'empereur, et le courba sous le joug de l'obissance apostolique 5. Henri V renona au fameux
droit d'investiture, que ses prdcesseurs avaient
si longtemps exerc et qu'il s'tait tant de fois promis de n'abandonner qu'avec la vie4. Le 23 septembre 1122, le trait clbre, connu dans l'histoire sous le nom de Concordat de Worms, fut
conclu par l'change des deux engagements solennels rendus au nom du pape et de l'empereur, au
nom de la sainte et indivisible Trinit. Voici l'engagement sign par l'empereur : Moi, Henri,
Rodes
Dieu
la
de
grce
auguste
empereur
par
glise
la
sainte
de
de
Dieu,
mains,
l'amour
pour
Assemble
et
trait de Worms.
624
le salut
Calixte,
du
romaine
et
et
pour
pape
saints
Dieu,
j'abandonne
de
me,
ses
mon
glise cathola
sainte
Paul
Pierre
aptres
et
et
l'anla
investiture
et
lique,
toute
par
crosse
par
la
restitue
sainte
libres.
Je
conscrations
les
et
glise
rgales
possessions
romaine
et
toutes
ses
discorde,
du
de
l'origine
qui
depuis
temps
celte
ce
625
VII.
40
626
parti
1.
de
qui
t
ton
qui
ont
sont
ou
tous ceux
Ce grand acte fut consomm avec toute la publicit que comportaient alors les vnements de la vie
politique, et avec le concours de tous les hommes
libres qui constituaient la nation germanique 2.
1. Il semble rsulter de ces diverses dispositions qu'en Allemagne
627
tem. Ibid.
3. Qualiter.... humiliatus pro Christi coram multitudine maxima
abnegaverit, et in manus Episcopi. .. ac per ipsum domino.... suaeque
in perpetuum jus Ecclesiae dimiserit, rursusque quale sibi auctoritas apostolica concesserit. Ibid.
Grand spectacle
sur les bords
du Rhin.
628
II.
029
comme un
missa.... ejusdem congregationis frater.... juxta privilegium praescriptumregalia vel fiscalia eidem coenobio pertinentia ab imperatore
suscepit. Chron. Ursp., l. c.
1. Domno Apostolico Calixto, consanguineo scilicet jam sibi mitissimo. Ibid.
2. Te jamdudum nimium reluctantem.... Lettre du 15 dcembre
1122, in Conc. XII, 1531.
La
joie de Calixte II
aussi profonde
que
celle des peuples.
650
notre paternelle affection, et nous voulons d'au" tant plus chrir ta personne et honorer la cou" ronne, que lu as obi plus dvotement que les pr" dcesseurs l'Eglise romaine, et que tu nous es
" plus troitement uni par les liens du sang. Fais
" donc en sorte, trs-cher fils, que nous puissions
" jouir l'un de l'autre dans le Seigneur, et rflchis
" combien cette longue discorde de l'glise et de
l'empire a nui aux fidles de toute l'Europe et com" bien notre univers sera fcond en biens, avec le
secours de Dieu... Nos frres les vques, les cardi" naux et tout le clerg romain se joignent nous
pour te saluer, toi, tes princes et tes barons 1.
Ensuite, pour imprimer celte paix le sceau de
la confirmation la plus solennelle, Calixte II convoqua au Latran un concile oecumnique, le premier
qui ait t tenu Rome avec ce caractre2. Le concile s'ouvrit pendant le carme de 1125 (le 18 mars),
et on y compta presque tous les prlats de la chrtient 5, trente-deux cardinaux, plus de trois cents
vques et de six cents abbs 4 venus de toutes les
"
Concile
oecumnique
au Latran.
mentum. Ibid.
2. On le compte pour le neuvime des conciles oecumniques et le
premier du Latran en Occident.FLEURY, l. 67, n 51. Hist. litt., t. X,
p. 527.
5. V. leur nom au bas du diplme sur la juridiction mtropolitaine
en Corse. Conc. XII, 1542.
4. SIMON DUKELM., de gest. Angl., ann. 1122. Ultra montanos omnes
631
632
633
Consquences
de la paix
conclue
entre le pape
et
l'empereur.
654
lit allemande. Celle paix, en outre, assura dfinitivement l'alliance indispensable des petits tats
entre eux, et runit les diverses fractions du corps
politique sous l'gide de la royaut lective, responsable, telle que les peuples catholiques l'avaient
partout comprise 1.
Ce rgime assurait la dure des principauts ecclsiastiques, dans lesquelles, jusqu' leur dernier
jour, l'autorit fut si bienfaisante et le peuple si
heureux 2; et il sut donner pour frein au pouvoir
des empereurs et pour auxiliaire l'antique et lgitime libert des laques, la libert et l'indpendance
des vques et des abbs des monastres les plus
influents.
Grce celte heureuse rvolution, on rendit
jamais impossible le retour de cette souverainet,
absolue au spirituel aussi bien qu'au temporel, que
les Othons, Henri III, Henri IV et Henri V, monarques affams d'absolutisme, avaient toujours tent
de s'attribuer, et qui, si elle et malheureusement
triomph, aurait fini par n'tre plus en rien distincte
du monstrueux despotisme des Csars paens.
L'organisation sociale de l'Allemagne se consolida sur ces bases conformes la fois la nature
d'une socit affranchie par le christianisme et au
1. Cette ide est parfaitement dveloppe par GERVAIS, I, 125 et 155.
2. Nous avons dj cit le dicton si rpandu en Allemagne jusqu'
la scularisation : Unter dem Krummstab ist es gut leben, il fait
bon vivre sous la crosse.
655
636
Apprciation
errone
du concordat
de Worms.
657
usurpation.
Cependant, on a voulu voir, toute force,
une
transaction l o n'existait qu'une distinction
ncessaire. Le concordat de Worms ne sanctionnait en effet aucune transaction : il tablissait
seulement une distinction essentielle et trop longtemps mconnue entre l'vque en tant que pontife, et l'vque-prince ou vassal de l'empire, entre le devoir temporel et l'autorit spirituelle de
l'un ou de l'autre. Et cette distinction fut marque par l'introduction d'un nouveau symbole,
c'est--dire du sceptre considr comme instrument de l'investiture donne par l'empereur ; tandis que les symboles anciens et universellement reconnus, ceux de l'lection et de la conscration 1,
la crosse et l'anneau, furent jamais rservs la
1. Le passage suivant de la vie de l'archevque Conrad de Saltzbourg, ap. PEZ, Thesaur. Anecdot , t. II, p. 5, n. 227, cit par
Stentzel, montre quelle tait la porte de l'usurpation impriale au
moyen de ces symboles : Forma vero electionis quae tune fiebat episcoporum et regalium abbatum talis erat : defuncto Ecclesiae cujuslibet episcopo vel abbate, mox ad palatium proficisci non differunt,
praepositus, decanus, magister scolarum et prior monasterii, et cum
eis majores et seniores concilii personae de civitate, annulum episcopalem secum portantes et baculum, communicatoque concilio cum
bis quos in palatio circa imperatorem (esse opportebat) episcopis,
cancellario et capellano, secundum beneplacitum et favorem imperatoris, cui sustinendus erat, eligebatur. Or, comme l'archevque
Adalbert l'avait parfaitement dfini, pendant les ngociations qui
638
659
640
serait
advenu
si la papaut
n'avait
pas remport
la victoire.
Ce qui
grands
champions
combattent pour
l'glise.
Rome paienne
oppose
Rome
chrtienne.
De
641
VII.
41
642
"
d'autres honneurs
II
645
644
Vie prive
des religieux
dans
les divers
monastres.
GUIBERT. NOVIG.,
Gest.
645
t. IX, p. 50 et suiv.
LANDULPH. JUN.
ap. MURAT.
Script. d'Ital., t. V, p. 487. Voir le tableau que trace Jean de Salisbury de ses tudes Paris, dans le Metalogicus, 1, 2 et 3. Il y a l de
quoi tonner ceux qui ne savent pas quelle activit merveilleuse,
quelle libert fconde rgnaient dans les intelligences au moyen ge.
2. Suger qualifie Louis le Gros litteratissimus theologus. Vit. Ludov.
Gross., p. 520, d. Duchesne. Thibaut de Champagne et Etienne
de Blois, depuis roi d'Angleterre, furent levs par l'abb Gotfrid de
Croyland.
5. Sous l'abb Anselme, lu en 1113, et plein de zle pour sa bi-
648
les noms des moines auteurs composaient un catalogue qu'il serait trop long de citer 1. Mais les
647
mandie. On y cultivait les sciences avec tant d'ardeur, qu'un contemporain, qui habitait le pays,
n'a pas craint de dire que presque tous les moines
de cette communaut privilgie pouvaient passer
pour des philosophes, et que les moins cultivs
d'entre eux taient capables d'en remontrer aux
grammairiens les plus infalus de leur mrite 1.
Si la rgle des nouveaux religieux de la Chartreuse s'opposait ce qu'ils eussent des coles, ils
en ddommageait la science par l'ardeur qu'ils
dployaient copier, rpandre les manuscrits. La
bibliothque qu'ils avaient forme tait rpute
une des plus riches de l'Ordre Monastique, o l'on
en comptait pourtant un si grand nombre 2.
Les abbayes de filles elles-mmes entretenaient
non-seulement des coles, mais des bibliothques,
et l'on n'y donnait le voile qu' celles qui savaient
le latin 5.
saint Anselme, fut Gislebert Crespin, petit-fils du comte de Brionne
et abb de Westminster.
1. Sic ex bono usu in tantum Beccenses coenobitae studiis literarum sunt dediti, et in quaestione seu probatione sacrorum aenigmatum utiliumve sermonum insistunt seduli, ut pene omnes videantur
philosophi, et ex collocutione eorum etiam qui videntur inter eos illiterati et vocantur rustici, possint ediscere sibi commoda spumantes
grammatici. ORD. VIT., l. IV, p. 246.
2. L'Histoire littraire cite surtout pour cette poque les bibliothques de Saint-Pre de Chartres, de Fleury, Corbie, Vendme,
Saint-Victor de Marseille, Saint-Pierre-le-Vifde Sens, et Saint-Remy
de Reims. On peut en voir la longue numration au t. IX, p. 140
et suiv. de cette Histoire.
5. Hist. litt. de Fr., t. IX, p. 127-129. On vantait les religieuses
Les
moines du Bec
taient
des philosophes,
des
grammairiens,
des savants.
648
Guillaume
de Champeaux
et les
coles de Paris,
o
affluent
les trangers.
Les chanoines rguliers, de plus en plus assimils, dans cette priode, aux enfants de saint Benot,
ne le cdaient en rien aux moines de cet ordre.
Aucune cole en effet ne fut plus clbre ni plus frquente que celle qui se forma autour de l'illustre
Guillaume de Champeaux, lorsque, aprs avoir
649
650
651
l'Angleterre2.
Ce n'tait donc pas seulement, comme on le voit, la
thologie que les moines tudiaient et enseignaient.
Ils embrassaient, dans leurs tudes, l'ensemble de
ce qu'on nommait alors les sept arts libraux2,
c'est--dire la grammaire, la rhtorique, la dialectique, d'une part, et la musique, l'arithmtique,
la gomtrie et l'astronomie de l'autre 5. Ils y
ajoutaient l'tude du droit et de la mdecine, et
l'on vit se former au sein des clotres de savants jurisconsultes, et des mdecins renomms 4, dont on
venait de trs-loin interroger la science et qui la
prodigurent tous, jusqu'au jour o l'exercice
public de ces deux professions fut interdit aux moines par le concile de Reims en 11515.
Plus d'un des codes locaux, connus sous le nom
de Coutumes, eurent alors des moines pour au1. Ex isto itaque fonte parvo, qui crevit in fluvium jam magnum,
videmus nunc laetificatam civitatem Dei, et totam Angliam factam
frugiferam per plurimos magistros et doctores de Cantabrigia exeuntes
ad similitudinem sanctissimi paradisi. PETR. BLESENSIS, ap. Ann., l. c.
2. On sait que les trois premiers formaient le trivium ou enseignement primaire, et les quatre derniers le quadrivium ou enseignement secondaire.
5. Hist. litt. de Fr., t. IX, p. 218.
Ibid, p. 194.
5. ZIEGELBAUER, Hist. litt., O. S. B. II, 249.
4.
Fondation
de l'universit
de
Cambridge.
652
Jurisconsultes,
mdecins,
historiens
dans
les clotres.
655
par Clarius 1, Saint-Pierre-le-Vif par Lon le Marsique, et par le diacre Pierre au Mont-Cassin, par
l'abb Robert Saint-Remy de Reims, par l'abb
Rodolphe Saint-Frond2, maintinrent sans interruption la chane des annales catholiques. A celle
liste il faut ajouter Hugues de Sainte-Marie 5, et Sigebert de Gembloux4, dont le mrite historique doit
tre signal, malgr l'opposition flagrante de leurs
opinions, en matire de droit social et sur la politique catholique, avec la thorie et la pratique suivies
par tous les pontifes et docteurs approuvs du moyen
ge. Il importe surtout de ne pas oublier Guibert,
se compose de deux parties distinctes ; la premire, qui nous regarde
et qui s'arrte 1126, est l'oeuvre d'un moine de Bamberg, comme
l'a prouv Stentzel, dans son excellente critique des historiens de cette
poque (t. II, p. 106), en se fondant sur un travail antrieur de Schumacher, publi en 1770. Cf. avec PAGI, Critic., in BARON., 1102 et 1105.
1. Spicileg., t. Ier.
2. Ibid.
5. Hugues de Sainte-Marie tait moine de Fleury, et mourut en
1109. Outre la chronique trs-estime qui s'arrte Charles le
Chauve, et qu'ont publie Duchesne et D. Bouquet, il a laiss un trait
intitul : De regia potestate et sacerdotali dignitale (publi par BALUZE, Miscell., t. IV), o se trouvent la plupart des thories modernes sur la soumission due aux rois, mme paens, sur l'obissance
absolue due la souverainet, etc. Naturellement, Hugues se montre
favorable aux investitures.
4. R en 1050, mort en 1112, Sigebert de Gembloux a laiss une
rputation de science et de pit. On lui attribue la lettre du clerg
de Lige Pascal II, en faveur du schisme et de l'empereur. Dans sa
chronique, il dit que les dcrets de Grgoire VII contre les simoniaques et les concubinaires sont contraires aux sentiments des saints
Pres (V. ad ann. 1074). Aussi les savants auteurs de l'Histoire littraire de France n'ont-ils pas hsit le qualifier de bon citoyen
dvou son prince lgitime. Hist. litt., t. IX, p. 556.
654
655
La vie
des monastres
recherche
surtout
par
656
d'ordonner
successeur
son
ger
droit onreux dont il se repentait d'avoir, de son
vivant, grev les habitants. Ces droits frappaient les
toiles et les tissus (qu'on avait coutume de laver dans
les fosss du chteau de Semur) et qu'on venait, de
toutes parts, faire blanchir dans cette ville.
Guillaume, comte de Mcon, se plut dclarer
aux amis de la paix et de la vrit 1, qu'il confirmait Cluny les donations faites Marcigny, sa
fille, par quatre gnrations de ses aeux, notamment par son oncle et sa mre, religieuse du
monastre. Le successeur de saint Hugues, Pons,
dont l'administration fut si difiante, et qui devait
remplir un rle si important dans les ngociaentre l'empereur et l'glise, tait fils du
comte de Melgueil, neveu du comte d'Auvergne,
filleul du pape et cousin de l'empereur 2. Un autre
chevalier, revenu, comme le comte de Bourges, de
la premire croisade 3, Guillaume Malet, sire de
tions
1. Vestibus ac telis quae undecumque abluendae ad castrum de Sinemuro deferuntur. PETR. VENER., De Mirac, l.I, c. 26. Bib. Cl., p. 1289.
2. Cunctis ammantibus pacem et veritatem. An. 1107. Ann. Bened.,
l.71, n. 44.
3. Voirie beau portrait que fait de lui Orderic Vital, l. XII, p. 887.
Sur Mallet, V. DUMOULIN, Hist. de Normandie.
657
3.
MOINES D'OCC.
VII.
42
658
le
Mont-des-Anges
dans
l'Unterwald.
Laon 2.
En Suisse, dans une gorge glace et sauvage de
l'Unterwald, le noble Conrad de Sellenburen,
659
660
Osmond et
Mainsende.
Leur fils
devient
leur
biographe
L'abbaye
de Fontevrault
refuge des veuves
de
haute naissance.
de Saint-Amand, demander sa compagne l'autorisation de mettre son me l'abri dans un monastre. Or, le jour mme o il avait reu ce conseil, Osmond pleurait, assis sur son lit : Mainsende,
qui survint, lui demanda la cause de son chagrin,
et, l'ayant apprise, elle lui dit d'essuyer ses larmes, parce qu'elle dsirait aussi pourvoir au salut
de son me. Tous deux offrirent donc Dieu leurs
personnes, leurs biens, et jusqu' leurs trois enfants
dont le dernier, encore au berceau, fut dpos par
sa mre sur l'autel. C'est ce mme enfant grandi
dans le clotre, qui nous a laiss le touchant rcit
d'un sacrifice dont l'histoire offre plus d'un exemple.
Cet abandon de la vie conjugale, fait Dieu par
consentement mutuel, se reproduisit ailleurs sous
des formes diverses. Ainsi en Anjou 1, Gauthier de
Nidoiseau, ayant fond sur les bords de l'Oudon
un monastre, auquel il donna son nom, y prit
lui-mme l'habit monastique avec sa femme, et,
aprs y avoir saintement vcu tous les deux, ils y
moururent le mme jour 2.
Les veuves de haute naissance avaient coutume
de finir leur vie dans les monastres : c'est ainsi que
1. L'hagiographe ajoute que tout le Tournsis fut branl par
cet exemple; que bientt plus de soixante femmes converties furent runies dans la maison mme de sa mre, Mainsende qui, ayant
tout donn Dieu, gagnait sa vie en filant et en tissant.
2. Dedi quamdam terram desertam supra Uldonium cum aqua et
MAB.,
661
662
Mathilde
d'Anjou,
sicle,
et
son
mois
prit
six
qui
roi
du
fils
an
mme
ans au
aprs dans le naufrage de la Blanche-Nef, se firent
toutes deux religieuses Fontevrault, l'une pour y
pleurer ses pchs, l'autre pour y vivre avec
l'poux immortel1. Ermengarde, duchesse de
Bretagne, rendue libre par suite de la vocation
monastique de son mari, attendait dj ses nobles
compagnons. Beaucoup d'autres veuves de grands
personnages se rfugirent Fontevrault sous
Robert d'Arbrissel : Philippine, femme de Guillaume VII, duc d'Aquitaine; Hersende de Champagne, veuve du sire de Montsoreau; Ptronille de
Craon, veuve du sire de Chemill 2. Adle, comtesse de Chartres, fille de Guillaume le Conqurant, nice du roi Etienne d'Angleterre et du comte
Thibaut de Champagne, amie de saint Anselme,
alla grossir le nombre des religieuses de noble
naissance qui peuplaient Marcigny, cette illustre
ce
665
664
Baudouin,
comte
de Flandre,
se fait moine
Saint-Bertin.
garde lui, parce qu'autrement il l'irait chercher jusqu' Bruges. A quoi le comte rpondit que
le roi et s'pargner cette peine 1, parce qu'il
irait d'abord le trouver Rouen. El, en effet,
il partit sur-le-champ avec cinq cents chevaux, et
alla enfoncer sa lance dans la porte ferme de
Rouen, provoquant ainsi au combat le roi qui se tenait emprisonn dans la ville. Henri ayant refus la
bataille, le comte s'en retourna en ravageant le
pays pour tmoigner au roi son mpris. Mais
peine revenu dans ses tats, le comte reut dans
un tournoi une blessure dont il sentit qu'il ne
gurirait pas 2. Alors il prit le froc Saint-Bertin,
o il devait bientt mourir dans la pnitence, en
donnant aux moines un diplme o il disait ceci :
" Je sens que Dieu m'a justement flagell et pater nellement chti cause de mes pchs, et surtout
" parce que je n'ai pas rendu aux glises des saints
l'honneur et la protection que je leur devais,
ce
" quoique Dieu m'et constitu leur dfenseur :
" usant donc des conseils des hommes pieux que la
bont divine a ports me visiter, je suis venu
ce
" me rfugier dans cet asile de contrition et de pni" tence, et je veux qu' l'avenir toutes les glises du
1. Ne tantum laboris assumeret. Ann. Bened., l. 75, n. 82.
2. Le respect de la vrit nous oblige de mentionner la cause qui
rendit sa blessure incurable, selon Ordric Vital ; ce fut parce que la
nuit mme o il la reut cum muliere concubuit .
665
666
priode
qu'on
la
pendant
effet
constat
toute
en
vient de parcourir. On a remarqu, dans le cours
du rcit, l'heureuse influence de l'esprit rformateur de Cluny sur les grandes abbayes des Pays-Bas 1,
et admir la fcondit des fondations nouvelles
dues, en France, Robert d'Arbrissel, Bernard
de Tiron, Vital de Savigny, Graud de Salis ; et
cependant force nous a t de renvoyer plus lard
l'histoire des origines et de la propagation de
l'ordre de Cteaux 2.
En Allemagne, la guerre entre l'glise et l'empire ne ralentit en rien le mouvement permanent
qui portait la noblesse allemande sanctifier sans
cesse ses domaines par de nouvelles fondations religieuses, enrichir sans cesse ses possessions de
nouveaux monastres. La fille de l'empereur schismatique Henri IV, Agns, d'abord marie au duc
de Souabe puis au margrave d'Autriche, fonda
1. Voir plus haut.
2. Parmi les fondations purement bndictines
qui devenaient
,
plus rares, en France, mesure que se dveloppaient les ordres nouveaux mans de la rgle primitive, il faut signaler Maurigny, prs
d'Etampes, dot en 1106 par Anseau fils, Arembert et Haimon de
la Fert-Baudouin, aux moines de Flavy, et bientt combl des donations de Philippe I" et de Louis VI : parmi ses bienfaiteurs, elle
compte Ermanric, bourgeois d'Etampes. La chronique de Muarigny est
une des sources les plus importantes dans l'histoire de cette priode :
elle est dans les Scriptores de DUCHESSE, t. IV.
667
Fondation
de l'abbaye
de
Kloster-Neuburg
prs de Vienne.
668
en voir une lithographie exacte dans l'ouvrage de M. Sulpice Boissere, intitul : Monuments du Bas-Rhin. V. pour les dtails de la fondation BROUWER, Ann. Trevir., lib. XIII, p. 7 et MAB., Chron. Bened., 1. 72, p. 47.
2. Andulu, non loin de Munich, 1120, et Spanheim, prs de Kreuznac, en 1124.
3. MABILL., Ann. Ben., l. 71, n. 90. VITO WIPRACHT,
C. VI-X, ap. GERVAIS, I. 88.
669
1. Michelsberg, Pharis, Bantz, Aarau, Michelwend, Entzders, Prfening, Gengenbach, Sentauer, Stein, Regentsters, Arnolstein, Clunick, Biburg, Hosterhof. MABILL., Ann., l. c.
2. Prs Ratisbonne. Il y a un ouvrage spcial sur ce monastre :
Fontilegium sacrum sive fundalio insignis monast. S. Georgii martyris Ord. S. Bened. vulgo Prfening dicti, etc. R. P. F. MELCHIORE WENER,
ejusdem monasterii seniore. Ingalstadii, 1626.
5. Il avait t d'abord abb de Lorch, fond par la soeur de l'empereur Henri V; mais, apprenant que celui-ci se vantait de lui avoir
fait un beau cadeau en lui donnant cette abbaye et qu'il en esprait
un retour, il eut horreur du soupon de simonie, et s'en retourna
Hirschau avec quarante de ses moines. MABILL., l. 71, c. 24.
Othon, vque
de Bamberg,
restaurateur
et fondateur
d'abbayes.
670
savait
l'abb
Christ,
du
mapauvres
jest impriale. Lorsque Henri V vint visiter l'abbaye, Ermenold ne voulut pas communiquer avec
de
les
prires
malgr
il
refusa,
excommuni
1,
un
l'vque Othon lui-mme, et malgr les menaces du
cortge imprial, de recevoir le monarque. L'empe
reur eut le mrite de respecter ce noble courage,
qui devait valoir au vnrable religieux la palme
du martyre.
En Angleterre, Henri Ier fonda plusieurs monastres, entre autres celui de Reading, qu'il soumit
Cluny et o il choisit sa spulture. Cette abbaye,
situe au point de jonction des principales routes
du royaume, et munie d'un hpital et d'une lproserie, devint comme la plus grande htellerie d'Angleterre, et compta toujours, grce, son infatigable
hospitalit, plus d'htes que d'habitants 2. Croyland,
qui avait t, du temps des Saxons, le plus vnr
1. Venerabilis Otto se interponens : neminem, ait, devitare debemus et tenemur, de cujus nobis excommunicatione non constat. Quo
contra vir Dei.... ne gratiae fundatoris nec imperatoriae deferens ma-
671
n. 87.
Les qutes
pour rtablir
les
monastres
dtruits.
672
bry.
5. En 1120.
673
vint, en effet, que le roi, aprs avoir dsir vivement la nomination du vnrable admer, ne le
trouva point assez docile ses volonts. Comme la
plupart des rois de ce monde, Alexandre voulait
tre tout dans son royaume et n'y rien tolrer qui
ne dpendt exclusivement de son autorit 1. Mais
Eadmer, lui, tait fermement rsolu ne point
rompre tout lien avec son monastre, se faire
sacrer par son archevque lgitime et lui demeurer subordonn; il dclarait, en outre, qu'au
prix du don de toute l'Ecosse, il ne renoncerait pas
sa qualit de moine de Cantorbry. Convaincu
qu'il ne pourrait vaincre la rsistance du roi, admer dposa sa crosse archipiscopale sur l'autel
o il l'avait prise, sans avoir voulu recevoir l'investiture ni prter l'hommage, et il s'en retourna
son abbaye, tmoignant ainsi, ce sont ses propres
paroles, qu'il avait t form l'cole de saint Anselme2.
Le frre et le futur successeur d'Alexandre d'Ecosse, David, duc de Lothian, fils de sainte Marguerite, et depuis canonis comme sa mre, tmoignait
ds lors aux moines le plus ardent dvouement
1. In regno suo vult esse omnia solus, nec sustinebit ut quaevis potestas sine ejus dispositione quicquam in aliquo possit. EADM., Hist.
novor., l. V, p. 99, ed. Gerberon
2. Ibid. lib. VI, p. 102. Plus lard, il se montra moins inflexible et
il crivit au roi pour lui dire qu'il renonait la suprmatie du primat de Cantorbry. On ne voit pas quel fut le rsultat de cette
concession.
MOINES D'OCC.
VII.
45
674
Le
due de Lothian
Tiron.
675
676
zle
du
prcisment
choix,
que ce
cause
ce
mme Boson avait montr pendant les luttes
d'Anselme contre lui 1. Toutefois, sur la prire
ritre des moines, Henri finit par se laisser flchir. Mais Boson ne voulut pas accepter, et rsista
aux supplications de ses frres 2, comme aux exhortations de l'archevque de Rouen, de peur que
le roi ne lui demandt l'hommage auquel il avait
rsolu de ne se pas soumettre, ayant promis au pape
Urbain II, mort depuis vingt-cinq ans, qu'il ne
ferait jamais un tel acte au profil d'aucun laque 5.
Les vques anglais furent indigns d'un pareil
motif de refus : " Comment, disaient ceux d' vreux et de Lisieux, nous qui sommes des vques,
" nous rendons bien hommage au roi, et voil ce
moine qui dit qu'il ne fera point ce que fait
" tout le monde4!
Mais ils eurent beau exciter le roi contre Boson, pendant qu'il chevauchait ses cts, dedisciplina venerabilis Anselmi. De libertate Beccensis Monast. in Append., t. V. Ann. Bened., n. 15.
1. Ut frus homo omnino renuit Erat enim ei infensus idem Boso,
propter quasdam causas quse jnter ipsum Henricum et Anselmum
quondam exsliterant. Ibid.
2. Fratres humiliter prostraverunt se in lerram, petentes ne eos
desereret. Ibid.
5. Olim cum apud domnum Apostolicum Urbanum conversarer, promisi ei, quasi ex fde, quod nunquam laico hominis hominium facerem, etc. Ibid.
4. Nos qui episcopi sumus, facimus hominium domino nostro, et
iste monachus dicit se nullo modo facere quod omnes alii faciunt !
Ibid. Cf. MILO. CRISP., Vit. abb. Bec. post Lan fr., p. 48.
677
terioribus.
678
Projets
de l'empereur
Henri V
contre
Le royaume
de
France.
679
autel, comme entre les mains de son seigneur, l'oriflamme qui servait de bannire au comt de Vexin,
il courut la dfense de Reims 1. Toute la France
le suivit avec un lan unanime dont l'histoire
n'avait gure offert d'exemple 2 : les vassaux les plus
puissants et les loigns, tels que les ducs de Bretagne et d'Aquitaine, les habitants des villes de Champagne, de Picardie et de l'Ile-de-France, se runirent autour de Reims, o une arme formidable
s'organisa, bien rsolue venger les injures de
celle qu'ils appelaient dj la reine des nations 3.
Un moine de basse naissance4, nomm Suger,
nouvellement lu abb malgr le roi 5, y conduisait
les vassaux de l'abbaye de Saint-Denis, et ce fut
parmi eux que se plaa le roi Louis VI, en disant.
C'est ici que je combattrai le mieux, sous la pro tection des saints qui sont mes seigneurs, et
dans les rangs des compatriotes au milieu des1. Ibid. supra.
2. Le rcit de Suger, qui se trouva lui-mme Reims, porte l'em-
La France,
ds le temps
de
Louis le Gros
et
Je Suger,
reoit le titre
de
reine
des nations.
680
Gloires
de l'abbaye
de Cluny
intimid
1 par
L'empereur,
lev.
quels
j'ai
t
681
682
L'tat religieux
en hutte
l'envie
et la haine
des princes
et
des vques
mmes.
opprobrii et protervise.... non ferant impune sprevisse Coesreumdiadema. Ibid. L'empereur, comme nous l'avons dit plus haut, ne voulut pas suivre leurs conseils et respecta l'indpendance de l'abb -Ermenold et de ses moines.
II.
683
de ce monastre illustre.
2. Par bulle du 9 janvier 1121, Calixte II interdit l'vque de Mcon jusqu' ce qu'il et rpar le tort fait par lui Cluny. Thesaur.
anecd., I, 547. Mais il ne faut pas croire que les papes donnassent
toujours raison aux abbayes contre les vques : on a un diplme de
Pascal II par lequel il blme l'abb de Cluny d'avoir consacr le saint
chrme, et le lui interdit pour l'avenir. Reg. Pasc, n. 75, in COLETT.
Concil. XII, 1050.
3. Interdicimus abbatibus et inonachis publicas poenitentias dare,
-et infirmos visitare, et unctiones facere, et missas publicas cantare.
084
II.
des vques levrent aussi la voix contre les envahissements du Mont-Cassin et probablement des
Un
moine
du Mont-Cassin
prend
la dfense
de l'Ordre
Monastique
veng d'ailleurs
par le pape
Calixte II.
moines en gnral 1.
Il ne reste plus, disaient-ils, qu' nous ter
la crosse et l'anneau et nous mettre aux ordres
des moines. eux les glises, les villes, les chteaux, les dmes, les oblations des vivants et des
morts. Les chanoines et les clercs sont tombs en
discrdit depuis que les moines qui passent pour
avoir abandonn ce monde et toutes ses concupiscences, poursuivent avec une insatiable avidit
les choses du monde, et, ddaignant le repas que
leur offre saint Benot, ne s'occupent nuit et jour
qu' drober aux vques leurs droits2. Un moine
1. La suite du rcit semble indiquer que ces plaintes n'taient diriges que contre le Mont-Cassin. Fleury (1. 67, n. 51), en retranchant
la rplique de l'vque ligurien, et la dcision du pape a gnralis
les accusations.
2. Episcopi adversus monachos invidia inflammati, coeperunt dicere, nil superesse aliud, nisi ut, sublatis virgis et annulis, monachis
deservirent. Illos enim villas, castra, etc.... detinere; his quae mundi
sunt inhiare non desinunt, et quibus per B. Benedictum ultro quaerendi locus offertur, ad episcoporum jura rapieuda, diu noctuque
occupantur Chron. Cassin., 1. IV, c. 80.
685
1. Neque enim ita Cassinenses abbates de sede apostolica meruerunt, ut quoe S. Benedicto imperatores.... contulerunt, luec apostolatus
686
l'ini-
687
APPENDICE
ILS
(Voir
VII.
44
90
APPENDICE.
APPENDICE.
091
092
APPENDICE.
APPENDICE.
693
(Voir t. VI, p.
286.)
694
APPENDICE.
APPENDICE.
695
(Voir
t.
VI
II.
et VII, passini).
696
APPENDICE.
APPENDICE.
697
licis prohibent accedere ad ecclesias per secularem potestatem : et frequentais (sicut in sequentibus videbitur) pracipiant eorum omnino vitare in conductu dignitatem. Tali ergo.
deceptus errore abbas ORNATUS, necnon abbas ULRICUS, baculum uterque super altare advocati conductu suscepit : et
haec illicita, nec memoriae digna conditio in bac sancti Michaelis ecclesia usque ad clectionem domini abbatis Lauzonis perseveravit. Igitur proedicto abbate ULRICO carnis
claustra egresso, quidam fratrum spiritu ferventes, atque
sacrorum canonum studiosi scrutatores, hujus miserandae
conditionis pestem dm in ecclesia lactatam, diu nutritam,
diu roboratam, vehementer ingemuerunt; atque assumpto
fidei clypeo, adversus eam pro posse suo decertare seipsos et
universam Ecclesiam excitaverunt, sic scilicet, ut priusquam
advocatus accurreret, abbatem sibi Lauzonem nomine praeficerent, et ad allare absque ullo laicali conductu ad baculum
suscipiendum deducerent, et soli sine seculari dignitate in
sede collocarent. Sed his ita gestis, aures universorum, qui
antiquae consuetudinis ecclesiae et advocatorum notitiam habueraut, quasi r inaudita concutiuntur, corda omnium in
stuporem vertuntur. Monachi hoc preesumpsisse ausi, nimia
insipientia et etiam insolentia notantur. Cornes etiam RAYtemporis ecNALDUS, praedicti comitis THEODORICI filius, tunc
clesiae advocatus, hoc audito furore commotus, cum principibus regionis ad ecclesiam venit, qui monachos dignitatem
suam injuste sibi subtraxisse salis indignando conquerebatur. Quod nisi celeriter corrigeretur, sic scilicet ut abbas
de se egrederetur, multis assertionibus affirmabat quod
ecclesiam oppressionibus quibus posset, persequeretur. Sed
tamen eo virorum prudentium consilio mitigato, dies determinatur, in quo jus suum antiquum omnibus convenientibus recitaret, et injuriam quam a monachis perpessus fuerat,
revelaret. Interim ab utraqueparte consilium requiritur episcoporum. Die determinato fit conventus abbatum, monachoin judicio
laicorum.
partis
utriusque
Res
clericorum,
rum,
ponitur ; sed monachi nihil superbe, nihil insolenter, sed religiose, sed prudenter fecisse quod fecerant, inveniuntur.
698
APPENDICE.
larium principum aut potentum, aut alterius laicae dignicanoni tatis adversus communem et consonantem atque
electionem Ecclesiastici ordinis agere temptaverit, ana cam
thema sit, donec obediat atque consentiat, quod Ecclesia
de electione et ordinatione proprii pastoris se velle mons travit. His atque plurimis aliis testimoniis, quae prolixitas adhibere prohibuit, atque virorum religiosorum consiliis cornes RAYNALDUS non tantum monachorum, sed et
suum periculum discens, si quod jus circa pastoralem curam
retentaret, indignationem tandem flexit : et quoniam non
malitiose, sed pro sua religione monachos decertasse cognovit jus illud antiquum quod a progenitoribus suis retinere
quaerebat, inspirante sibi Spiritu sancto guirpivit. Erunt forte
qui judicent, nos ista supervacue retulisse. Sed noverint, nos
qui laborem certaminis sustinuimus, circa fratres in hanc
ecclesiam nobis successuros piam sollicitudinem suscepisse,
et eorum utilitati dilectionis studio deservisse : ut in his percipiant, quanta servitute hoc coenobium olim depressum fuerit, cum quoties abbas moreretur, non solum comites, sed et
comitissae capitulum ingrediebantur, ut eorum potestate aller
subrogaretur. Sit igitur deinceps cautela fratrum religiosorum, ut quoties abbas eligendus fuerit sine seculari pompa,
sine conventu omnino laicorum, clericorum, soli capitulum
habeant, soli patrem sibi cum timore Dei eligant; electum
soli ad altare ad suscipiendum baculum deductum constituant, constituto obedientiam promittant. His expletis, abbas
APPENDICE.
699
culorum.
Suivent la date de l'anne seulement et les signatures des
tmoins, ecclsiastiques et laques.
(Voir
t.
II
A CALIXTE
II.
VI, p. 372-573.)
APPENDICE.
700
(LABBE,
Con-
1048. Lon IX. Electione cleri et populi ecclesiae Tullensis ordinatus est episcopus. (Chronic. Tull., sive sancti Richardi, Dachcrii
Spicil., t. II, p. 549.
Romam vado, ibique si clerus et populus sua sponte me elege rit, fasiam quod rogatis.
Dicit electionem cleri et populi canonicali auctoritate aliorum dispositionem praeire....
nibil sibi-tutius
Nisi fiat electio ejus communi omnium laude
fore credidit quam populari electione assentiri.
Clerus et populus concordi voto, etc. (Act. SS., 19 aprilis, t. II,
p. 653, 658, 659.)
A clero et populo Bruno in summum pontificem eligitur. (LABBE,
Concil., t. IX, col. 947.)
1055. Victor II. Consensu cleri ac populi pontifes. (LABBE, Concil., t. IX, col. 1077.)
II. Comuni totius cleri ac populi consensu electus est pontifex. (LABBE, Concil., t. X, col. 420.)
1088. Urbain
1099.
expetiit.
Ob hoc patres cardinales, episcopi, diaconi, primoresque urbis,
primiscrinii et seribae regionarii in ecclesia S. Clementis conveniunt....
Ecce tibi in pastorem sibi elegit dari populus urbis, te elegit clerus, te collaudant patres. (Act. SS. maii, t. IV, pars I, p. 202.)
APPENDICE.
701
1118. Glase ll. A clero, senatu populoque Romano, et congregatis omnibus quos Pandulphus hujus temporis enumerat cardinalibus, pari voto ac desiderio invitus ac renitens, Spiritus sancti gratia
mediante, electus est pontifex. (LABBE, Concil., t. X, col. 812 et 815.)
Son biographe dit :
Romani de senatoribus ac consulibus.... praeter familiam nos" tram. (Act. SS. maii, t. IV, pars 2, p. 10.)
1119. Calixte II. Unaniini consensu lotius cleri ac populi Romani.... electus est pontifex. (LABBE, Concil., t. X, col. 815. Vit.
Calisti, p. 11.)
TOME VII.
Pages:
CHAP.
peuples
Lettre de Grgoire VII au roi d'Allemagne, au duc de Pologne et aux rois de Danemark, Hongrie, Norwge, etc. .
Ce qui frappe surtout dans les lettres de Grgoire VII, c'est
sa passion pour la justice, et la crainte de compromettre
son salut
La tendresse de Grgoire VII clate surtout dans ses panchements avec les princesses Batrice et Mathilde
Confidences de Grgoire VII l'abb Hugues de Cluny
Tendre dvotion de Grgoire envers la sainte Vierge
...
....
4
10
13
19
21.
25
26
34
36
38
41
704
Pages.
44
45
50
LIVRE XIX
LES PRDCESSEURS DE CALIXTE
II.
CHAP.
Ier.
55
64
67
72
77
88
80
85
92
bourg
94
Le chanoine Manegald rconcilie l'Alsace avec le saint-sige 102
Mariage regrettable de la comtesse Mathilde avec le jeune duc
Welf.
Le moine Jean conseille de continuer la guerre
Urbain II visite Salerne et consacre le monastre de la Cava.
Urbain restaure les glises de la Sicile et rige en mtropole
celle de Pise
Saint Bruno fonde l'ordre des Chartreux
Mort de saint Bruno le 6 octobre 1101
Les villes lombardes s'arment contre Henri IV
103
105
109
112
117
120
122
705
CHAP. II.
de leurs mres
Pages.
129
133
136
141
143
CHAP.
....
148
149
151
154
154
157
CHAP. IV. -
163
167
168
171
175
l'glise.
l'indpendance
de
La
royaut
et
Un
CHAP. V.
VII.
MOINES D'OCC.
45
706
Pages.
189
Anselme est arrach tout coup la solitude du clotre.
191
Le roi Guillaume le Roux et Raoul Flambart son ministre.
Hugues le Loup, comte de Chester, attire Anselme en Angle194
terre
198
Maladie subite du roi, son repentir et ses vaines promesses
Anselme violent pour qu'il accepte la primatie d'Angleterre 201
L'archevque de Rouen ordonne Anselme d'obir au dsir
204
du roi
Sacre d'Anselme par saint Wulstan. Guillaume le Roux in207
fidle toutes ses promesses
209
Belles paroles de saint Wulstan
212
Anselme refuse d'acheter prix d'or la faveur du roi
216
L'vque de Durham prend parti contre Anselme
217
Paroles admirables d'un chevalier
219
Les barons interviennent en faveur de saint Anselme
222
Le roi Guillaume envoie Rome deux clercs de sa chapelle
225
Guillaume refuse Anselme l'autorisation d'aller Rome
Les vques anglais abandonnent leur mtropolitain
227
Par sa patience et sa fermet, Anselme vient bout du roi.
230
...
....
CHAP.
gleterre
243
Concile de Rome et de Reinger, vque de Lucques
245
Svres paroles du pape au sujet de l'investiture laque.
247
Marguerite, reine d'cosse, y affermit la civilisation chrtienne. 249
Martyre de saint Canut en Danemark
251
Yves de Chartres censur par le saint-sige
254
Scandale la cour du roi de France
257
Yves de Chartres dnonce l'archevque de Tours
258
Assaut et prise de Jrusalem par les croiss
261
Mort d'Urbain II
262
Avnement du moine cluniste Pascal II
265
Les trois adversaires de Guillaume le Roux
267
Guillaume le Roux et ses violences contre l'vque du Mans 269
Mort tragique de Guillaume le Roux
272
Anselme retourne en Angleterre et n'y trouve pas la paix
274
707
Pages.
d'exil
277
279
282
286
289
291
293
293
298
300
305
306
309
311
312
CHAP.
roi de France
317
320
322
325
828
331
335
336
341
343
708
CHAP.
Ardnnes
346
352
355
357
360
364
367
369
372
374
378
381
CHAP.
....
385
387
391
394
396
398
401
404
407
408
CHAP.
....
412
415
417
420
422
709
soldatesque
Pages.
433
434
437
439
443
445
447
CHAP.
......
452
454
456
460
463
467
468
470
473
476
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482
484
486
488
491
494
497
402
504
505
CHAP.
710
Pages.
512
de l'glise
Pascal s'indigne qu'on prononce son sujet le mot d'hrsie 514
Le souverain pontife approuve les actes de Conon de Pales-
trine
511
518
521
522
525
525
550
533
534
CHAP.
enthousiasme
Glase II Cluny
La guerre recommence entre les princes allemands et l'em-
pereur Henri V
Henri excommuni de nouveau
Hildebert du Mans flicite et encourage Conon de Palestrine
Mort de Glase II et lection de Calixte II
Confirmation, Rome, de l'lection de Calixte
Dite gnrale de Tribur. Allocution de Guillaume de
Champeaux
Henri fait serment de respecter le trait conclu avec le pape.
L'lection de Calixte II solennellement reconnue Tribur
Le concile de Reims (1119) et les cinq cents chevaliers d'Adalbert de Mayence
Harangue du cardinal Conon
L'empereur Mouzon
Calixte II se retire dans un chteau
Le pape lance contre l'empereur l'excommunication solennelle.
La trve de Dieu dcrte de nouveau
Hildegarde, duchesse d'Acquitaine, porte devant le concile les
547
549
552
555
557
559
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567
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596
711
...
Pages,
593
596
598
600
604
XIV. La papaut se rconcilie avec l'empire. Adalbert, nomm lgat par Calixte, organise la rsistance
612
Armes en prsence sur les bords du Mein, en 1121
613
Une dite convoque Wurtzbourg
615
Admirable conduite des princes confdrs
618
Lettre de Calixte Henri Y
620
Assemble et trait de Worms
623
Grand spectacle sur les bords du Rhin
627
La joie de Calixte II aussi profonde que celles des peuples
629
Concile oecumnique au Latran
630
Consquences de la paix conclue entre le pape et l'empereur 633
Apprciation errone du concordat de Worms
636
Ce qui serait advenu si la papaut n'avait pas remport la
CHAP.
victoire
De grands champions combattent pour l'glise.
Rome
paenne oppose Rome chrtienne
Vie prive des religieux dans les divers monastres
Les moines du Bec taient des philosophes, des grammairiens, des savants
Guillaume de Champeaux et les coles de Paris, o affluent les
trangers
Fondation de l'universit de Cambridge
Jurisconsultes, mdecins, historiens dans les monastres.
La vie du clotre recherche surtout par les classes leves de
la socit
L'abbaye appele le Mont-des-Anges dans l'Unterwald
Osmond, Mainsende et leur fils devenu leur biographe....
L'abbaye de Fontevraultreluge des veuves de haute naissance
Baudouin, comte de Flandre, se fait moine Saint-Bertin
Fondation de l'abbaye du Klosler-Keuburg prs de Vienne
Otton, vque de Bamberg, restaurateur et fondateur d'abbayes
Les qutes pour rtablir les monastres dtruits
640
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...
FIN DE
LA TABLE DU TOME
VII.
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