Sinnett AP Developpement Ame PDF
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LIVRE
PRFACE DU TRADUCTEUR
En 1890 parut en France la traduction du premier livre de M. A.-P.
Sinnett, le Bouddhisme sotrique. Il ne donnait alors qu'un rsum du
processus gnral de l'volution et des grandes lois de la Nature. Depuis lors
le mouvement des ides thosophiques s'tant considrablement accru, il
nous a sembl utile de prsenter aux lecteurs de langue franaise le
complment de cet ouvrage.
Le Dveloppement de l'me ne s'adresse pas aux dbutants dans l'tude
de la science sotrique, il suppose mme une certaine connaissance,
pralablement acquise, des grands problmes si passionnants pour ceux qui
cherchent la vrit. Nous conseillerons aux lecteurs, non familiariss avec
les doctrines thosophiques, de commencer par en tudier un aperu gnral,
soit dans le Bouddhisme sotrique du mme auteur, soit dans la
Philosophie sotrique de l'Inde de J.-C. Chatterji, soit dans la Sagesse
Antique de Mme A. Besant, ou dans quelques-uns des traits lmentaires
indiqus la fin de cet ouvrage. [VI]
Nous avons cru devoir ajouter quelques notes pour prciser certaines
citations employes par l'auteur et encore pour donner quelques explications
complmentaires l'expos si magistral des diffrents stades de l'volution
humaine dans "le systme auquel nous appartenons". En ce faisant, nous
nous sommes inspir des documents les plus rcents et les plus autoriss ;
mais si cependant quelque erreur s'y tait glisse, nous en prenons toute la
responsabilit.
Paris, Juin 1902.
PRFACE
La manire dont le public ordinaire et les tudiants de l'cole laquelle
j'appartiens considrent les destines de l'me humaine, sont spares par un
gouffre qui s'largit d'annes en annes. "L'enseignement classique" comme
l'appelle M. Balfour, est stationnaire ; mais la connaissance des conditions
d'existence dans les mondes hyperphysiques de la Nature s'est dveloppe
singulirement, depuis une quinzaine d'annes, chez ceux qui ont puis aux
bonnes sources, et elle s'agrandit avec une rapidit croissante.
Ds le dbut de l'enseignement thosophique, on nous a dit que
quelques philosophes, qui se tiennent l'cart des foules pour certaines
raisons personnelles, taient arrivs la connaissance de choses considres
jusqu'ici comme inconnaissables ; que cette connaissance pouvait tre
acquise par ceux qui voudraient suivre certaines mthodes spciales ; que
les personnes, possesseurs des qualits pralables ncessaires, pourraient
arriver cette connaissance beaucoup plus rapidement encore. Ce
renseignement n'a pas t perdu pour ceux qui les premiers ont su apprcier
la valeur [VIII] de la Thosophie. Beaucoup d'entre eux sont entrs sur le
sentier du progrs, et quelques-uns sont assez avancs dj pour s'assurer
par eux-mmes de certains mystres regards jusqu'ici comme au-dessus de
l'entendement humain. En sorte que bien des enseignements de la premire
heure considrs comme des exposs "ex cathedra" trs conformes la
raison peut-tre, mais chappant toute vrification sont aujourd'hui du
domaine de l'observation personnelle pour plusieurs tudiants qui nous sont
connus. La source des premiers enseignements n'est pas tarie ; nous
sommes, au contraire, en position de les justifier par des tmoignages
concordants, et des informations dtailles provenant de certaines personnes
qui ont dj parcouru partiellement le chemin du vrai dveloppement
spirituel. Certains lieux de la nature, que les perceptions humaines
ordinaires ne peuvent atteindre, sont aujourd'hui du domaine de
l'observation scientifique positive pour ceux qui ont su profiter de ces
enseignements. Maintenant que bien des choses jadis ignores nous sont
connues, nous voyons avec peine l'attitude mentale de ces incrdules qui
nient, en les raillant, ces facults dont quelques-uns parmi nous se servent
quotidiennement pour l'tude, qu'il s'agisse de philosophie ou de certaines
conditions de la vie gnralement, inconnues. Cet au-del dont, selon le
dicton, nul n'est revenu, est pour eux parfaitement accessible, ils y vont et
en retournent en toute libert ; et ceci ne fait aucune allusion aux
"communications" que peuvent faire assez souvent ceux des humains que la
mort a jets dans l'autre monde. [IX]
Les explications que nous donnons dans le prsent volume, au sujet des
principes qui gouvernent le dveloppement de l'me, sont bases sur cette
source d'informations, et reprsentent le dveloppement progressif des
enseignements fondamentaux donns dans Esoteric Buddhism 1.
Ceux de nos lecteurs qui ne connaissent que la mtaphysique ordinaire
non thosophique, regarderont probablement notre expos comme un
fruit de la spculation intellectuelle pure et simple ; il n'en est rien pourtant,
et, ils le reconnaitront plus tard ; tout ce qui est donn ici est le rsultat strict
d'observations attentives faites par des reprsentants vivants de notre
humanit incarne. Le corps physique n'est pas une prison, comme on le
supposait jadis ; on peut dvelopper d'autres sens que les sens connus, et
explorer bien des dpartements de la nature inexistants pour les sens
ordinaires.
Sans ces enseignements, il serait impossible de rendre compte des
possibilits de dveloppement de l'me humaine ; je dirai plus, pour
prsenter ce sujet, pour faire admettre simplement qu'il n'est pas une folie et
qu'il peut tre trait devant des gens senss, il nous faut d'abord combler le
gouffre signal au dbut, pour que ceux qui essayeront de nous comprendre
possdent, ne ft-ce qu' titre d'hypothse, ces notions gnrales sur le
monde hyperphysique que l'on a enseignes, ces dernires annes, aux
tudiants de la Thosophie. Le processus de dveloppement prsent par les
mes humaines est le rsultat d'une laboration aussi soigneuse, aussi
longuement prpare, que le processus physique qui transforme la plus
simple cellule organique en le corps d'un animal suprieur. [X]
L'erreur fondamentale commise au sujet de la nature intrieure de
l'homme, erreur adopte par plusieurs systmes religieux, si sublimes et
rels qu'ils puissent tre dans leur essence spirituelle, c'est de dire que
l'me humaine passe par deux phases seulement : l'existence physique que
nous connaissons sur cette terre, et la vie d'outre-tombe, vie de flicit ou de
malheur ternels selon l'emploi fait de cette courte vie terrestre, ou selon les
prfrences de la prdestination.
CHAPITRE I
INTRODUCTION
Progrs de l'enseignement thosophique. Investigations hyperphysiques. Dveloppement de la
littrature thosophique. Son apprciation des problmes de la vie. L'volution peut tre avance
dans certains cas. Les preuves dcisives en occultisme. Preuves videntes pouvant dire prsentes
actuellement. Tmoins de la vrit parmi nous. Premires preuves largement augmentes
aujourd'hui. La divinit latente dans l'homme. Son dveloppement au cours de l'volution.
*
* *
L'enseignement thosophique s'est dvelopp, dans ces douze dernires
annes, au point de constituer aujourd'hui un vaste expos bien coordonn
comprenant l'volution humaine, les conditions d'existence qui attendent
l'humanit sur les plans hyperphysiques de la nature, et les mthodes qui
permettent d'acqurir des facults, un savoir et des occasions de rendre
service, dpassant de beaucoup les possibilits ordinaires de l'humanit
actuelle. Il apparait comme le systme philosophique le plus avanc auquel
la pense ait pu atteindre jusqu'ici.
Considr au seul titre d'hypothse, il attire fortement l'attention, en
offrant une explication plausible de bien des phnomnes que toute autre
thorie laisse l'tat d'nigmes douloureuses autant qu'insolubles. Mais,
comme il s'appuie en outre sur une science positive des conditions dans
lesquelles la conscience humaine peut fonctionner hors et indpendamment
du corps, il ne peut que faire un puissant appel toute [2] intelligence
avance. Tout savant, digne de ce nom, attacherait aux recherches
spirituelles une importance dpassant celle de ses propres travaux, s'il
croyait que les dcouvertes faites dans cette voie puissent tre
dfinitivement prouves. Malheureusement les plus patients investigateurs
de la Nature, en Occident, sont persuads que les problmes relatifs aux lois
et proprits de la matire sont seuls susceptibles d'une solution dfinie ; si
donc, on pouvait leur dmontrer que les problmes concernant les lois et
proprits de la conscience peuvent tre rsolus aussi explicitement que
ceux de la matire, beaucoup d'explorateurs dirigeraient leurs recherches
vers ce domaine qu'ils croient encore inconnu.
Il est vrai que ces tudes sont choses fort dlicates. La matire et les
forces subtiles, qui la pntrent sont uniformes et constantes dans leur
activit ; lorsqu'on leur a arrach une fois leur secret, une mme question
pose on obtient toujours une mme rponse si souvent que la question soit
pose. La vrit peut tre difficile atteindre, mais, lorsqu'on l'a trouve,
elle ne se voile plus. D'autre part, jusqu' ces dernires annes, rien n'avait
pu tre tabli d'une faon indiscutable au sujet des lois et des proprits de
la conscience considre comme spare de son vhicule physique. Quant
la mtaphysique, si tant est qu'on puisse considrer comme une science
l'ensemble des spculations vagues qui portent ce titre, elle s'est plutt
occupe de la pense elle-mme que de la conscience comme entit
pensante.
Nous ne pouvons prsenter au public un ensemble de faits et de
phnomnes probants et dfinir clairement leur aide la conscience
extracorporelle, ou plutt ceux d'entre nous qui peuvent vrifier ces
phnomnes [3] et ces faits ne peuvent les livrer l'examen du public. Un
compos chimique, si instable et si difficile manier qu'il soit, est le mme
entre les mains de tous les exprimentateurs. Un tre humain anormal, dou
de facults spirituelles qui lui permettent de vivre et de fonctionner
consciemment hors du corps, est un tre humain, avec tous ses droits
d'humain, et dou gnralement d'une sensibilit extrme la souffrance. Il
peut rendre d'inapprciables services au moule en rvlant les lois qui
rgissent la conscience en fonction hors de son corps physique, mais il ne
peut pas plus servir briser le roc de l'incrdulit gnrale qu'un violon ne
peut tre employ creuser le sol en guise de bche. Le mieux pour tous,
dans ce cas, c'est de s'en rapporter aux observateurs srieux qui ont analys
avec soin les enseignements et les pouvoirs de ces tres anormaux.
Neuf fois sur dix, on se refuse croire ces tmoignages de seconde
main ; pourtant il est des hommes plus aviss, leur nombre grossit
insensiblement ; ils forment une minorit mieux claire dont l'opinion
gagne chaque jour du terrain, et ceux qui rsistent la pousse croissante de
la foi en un monde invisible et dans lequel la conscience humaine peut se
manifester sans le secours des sens physiques peuvent tre considrs
comme faisant partie de l'arrire-garde de l'humanit pensante. Il y a sans
doute loin de la simple acceptation d'un monde thr la comprhension
claire et scientifique que la Thosophie nous donne des lois qui rgissent
l'volution de la conscience dsincorpore, mais il n'en est pas moins vrai
de dire qu'un esprit logique admettra que, s'il existe un monde invisible, il
doit faire partie intgrante de la Nature et qu'il doit tre soumis ses lois.
Ce monde [4] doit aussi avoir ses phnomnes, et les lois qui rgissent ces
phnomnes doivent former une science que l'avenir permettra de dcouvrir.
dfaut d'autre, cette raison suffirait pour savoir gr aux crivains
Parmi les rvlations faites, l'une des plus importantes est celle que les
chemins de l'initiation sont toujours ouverts ceux qui sont aptes y
marcher ; que les "Maitres", malgr leur rclusion, ne sont pas inaccessibles
aux personnes chez lesquelles certaines facults intrieures sont mures pour
le dveloppement. Cette dcouverte encouragea bien des personnes faire
les efforts ncessaires ; et dans ce nombre [15] se trouvaient des Europens
que je connais ; elles ont appris transfrer leur conscience sur le plan astral,
circuler librement dans cette sphre de la nature, obtenir accs auprs
des Maitres, et enfin retrouver, comme condisciples sur le plan astral, des
amis qu'elles connaissaient dans leur corps charnel. L'un de ces Europens,
qui avait commenc se dvelopper depuis la formation de la Socit
thosophique, entra, le premier, en relation consciente avec les Mahatmas
tandis qu'il travaillait pour la Thosophie au quartier gnral de la Socit
Adyar, dans l'Inde. Un autre obtint le mme privilge ici en Europe, alors
qu'il connaissait peine les personnes qui s'occupaient de l'organisation de
la Socit thosophique dans l'Inde. Depuis un an ou deux et dans mon
cercle intime d'amis, plusieurs Europens et une personne d'origine orientale
ont, des degrs divers, acquis les facults de conscience sur le pian astral
et de clairvoyance l'tat normal. C'est ainsi qu'il leur est permis quelquefois
de converser avec quelques-uns de ces Mahatmas, ou de les voir mme,
lorsque ces grands tres ou quelques-uns de leurs disciples se rendaient
astralement au milieu de nous.
Donc nous avons ici, non plus un ou deux mais un grand nombre de
tmoins de la vrit. Je vais les dsigner par des lettres de l'alphabet, pour
exposer plus clairement la concordance de leurs tmoignages 2.
A, dans son corps physique, alla au Tibet il y a quelques annes. C
D et E l'ont vu auprs des Maitres lorsqu'ils s'y trouvaient eux-mmes
dans leur corps astral. [16]
B est "mort", en ce qui concerne le corps dans lequel je l'ai connu.
Comme il tait disciple rgulier, ses expriences post-mortem n'ont pas suivi
la marche ordinaire. C l'a connu lorsqu'il habitait l'Inde ; il le voit de
temps en temps en corps astral avec les Maitres.
C est un disciple avanc. Il se sent aussi chez lui sur le plan astral, et
il a un souvenir aussi prcis des choses qui lui sont arrives, que s'il les avait
observes la veille, dans son corps charnel. Sur le plan astral, il voit
2
Le nombre de mes tmoins ayant considrablement augment depuis 1894, les lettres ne
reprsenteront pas toujours les mmes personnes qu'elles dsignaient alors.
seul, l'lvation spirituelle, mme dans les stades les plus levs, le progrs
dsir ne peut tre motiv que par le ferme dsir de favoriser le
dveloppement spirituel de l'humanit entire ; et ceux qui font leurs
premiers pas sur le "Sentier", avec la notion bien nette de son but, sont tenus
d'affirmer, de toutes leurs forces, combien sont importantes les dcouvertes
qu'ils ont faites au sujet du degr lev que les Mahatmas occupent sur
l'chelle de l'volution spirituelle de l'humanit.
C'est seulement en apprenant apprcier suffisamment les attributions
et les pouvoirs de ces Frres Ains, que la gnralit des humains pourra
entrevoir l'avenir qui l'attend et les possibilits qui, dans l'volution
spirituelle, accompagnent le rang qu'ils ont conquis actuellement dans la
Nature. La recherche de ces possibilits est la tche principale de ceux qui
mritent d'tre appels tudiants thosophes.
Leur deuxime effort dans la voie du progrs sera de chercher raliser
dans leur vie journalire, dans leurs penses et leurs habitudes, l'idal
sublime que [20] la Thosophie propose nos aspirations. Pour bien diriger
cet effort, il nous faut comprendre le systme dont nous faisons partie et le
but vers lequel il tend ; car nous ne pouvons donner tous nos efforts et viser
vers les plus sublimes objets, sans savoir jusqu' quel point la conscience
peut tre dveloppe sur ces hautes rgions de la Nature, jusqu' prsent
voiles la vision ordinaire. L'imagination mme ne peut nous servir
comprendre ces plans suprieurs, et nous avons besoin des descriptions de
ceux qui sont en tat d'y fonctionner librement. Si trange qu'elle paraisse
au premier abord, la vaste cosmologie de l'enseignement occulte doit tre
saisie dans ses grandes lignes avant que le vrai caractre de l'volution
spirituelle qui nous attend puisse tre intgralement compris. Mais il n'est
pas ncessaire de l'examiner au dbut de notre tude. Nous commencerons
entrevoir l'avenir qui s'offre nous lorsque nous serons persuad, que
l'homme n'est pas simplement un produit de la Nature, flottant la drive
sur le torrent de l'volution, mais qu'il est, pour ainsi dire, port par ce torrent
vers un vaste ocan qu'il ne franchira que par des efforts conscients et
personnels. Alors, avec quelque connaissance des vents et des courants,
c'est--dire avec quelque comprhension des plans suprieurs de la Nature,
tels que nous les dcrivent ceux qui les connaissent, nous en saurons assez
pour juger des moyens par lesquels l'homme peut hter son ascension vers
des stades plus levs.
CHAPITRE II
*
* *
Celui qui entreprend srieusement de comprendre l'enseignement
thosophique sur le dveloppement de l'me, ne doit pas se faire l'illusion
de le supposer hostile toute religion ou bas sur quelque systme de
philosophie athiste. Loin de mriter ce reproche, la Thosophie, au
contraire, a rendu sympathiques aux ides essentiellement religieuses ceux
de ses adhrents qui, rpugnant la faon dont certains dogmes
ecclsiastiques dguisent la religion, avaient abord la Thosophie avec un
esprit agnostique et mme purement athiste. La science occulte nous
reprsente clairement le but auquel doit tendre l'humanit. On nous
objectera peut-tre que la foi religieuse le fait aussi, quelque varies que
soient les croyances dont elle s'accompagne, car elle nous promet toujours
la flicit spirituelle en rcompense d'une vie pieuse et irrprochable. Mais
ceci n'est pas un but "clairement dfini", parce que les saintes critures ne
nous ont jamais expliqu exactement les conditions de cette existence
suprieure. La donne thosophique, au contraire, [31] nous dcrit d'abord
les conditions de l'existence spirituelle engendres par une vie pieuse et
irrprochable, puis aussi certaines conditions suprieures encore,
accessibles ceux qui uniront une vie absolument pure la connaissance
adquate du but et des possibilits de l'existence humaine. Ceux-l dont la
vie aura t guide par cette science lumineuse pourront s'harmoniser avec
les principes divins qui gouvernent l'volution du monde, et s'lever dans la
conqute de la cration jusqu' ces sphres qui, compares l'empire de
notre humanit, peuvent vraiment tre appeles le Royaume divin.
Avant d'aller plus loin, je voudrais dire quelques mots de l'erreur dans
laquelle tombent souvent ceux qui commencent l'tude de l'enseignement
thosophique et de ses tendances thiques. Ils croient que la Thosophie se
borne simplement rpter les anciens enseignements chrtiens sous une
forme nouvelle et dpouille de l'ancienne phrasologie ecclsiastique.
Modern Science and Modern Thought. Londres, Chapman and Hall, 1885-1898.
The Unseen Universe or Physical Speculations on a Future State, par B. Steward et P. G. Tait. 1894.
tenir celle que le Christianisme nous donne concernant l'influence que cet
univers invisible exerce sur nous". Quant au sort futur des mchants, "il est
douteux qu'aucune cole thologique ait jamais pu nous clairer sur les
mystrieuses rgions qui leur sont rserves".
L'enseignement thosophique, au contraire, s'appuie sur cette
dclaration rassurante qu'une connaissance trs tendue de ces sujets est
accessible et a t acquise, et qu'elle est aussi prcise et certaine que celle
de la composition des molcules ou du mouvement des plantes : je veux
parler des conditions hyperphysiques de la conscience humaine, des lois
naturelles rgissant le transfert de cette conscience d'un plan de la Nature
l'autre, et des conditions d'existence de certains tres, les uns suprieurs, les
autres infrieurs l'humanit qui peuple notre terre. Mais en observant
l'influence pratique de cette science spirituelle sur les actes journaliers de la
vie usuelle, en comparant son thique avec celle de la religion aux
aspirations ardentes, quoique plus vagues, nous les trouvons identiques sous
bien des rapports. Les tudiants en Thosophie n'en sont pas surpris parce
qu'ils ont dj compris que toute religion vraiment digne de ce nom a pris
sa source dans la science spirituelle de son poque. En effet, les religions
fondes par les grands instructeurs et prophtes de l'humanit, et destines
tre enseignes aux foules, sont toutes des rsums, plus ou moins voils
par le symbolisme, de la connaissance scientifique des lois spirituelles de
l'Univers, telle que la possdaient alors les initis de la sagesse sotrique.
La similitude des thiques religieuse et thosophique [34] ne diminue
nullement l'importance de la direction spirituelle que nous offre aujourd'hui
la doctrine thosophique. En effet, l'acquisition de cette science spirituelle
devient, un moment donn de l'volution, une condition sine qua non de
progrs, si l'on veut pousser ce progrs volutif sa limite extrme.
Une vie irrprochable nous conduira la flicit future, comme nous
l'enseignent avec raison toutes les religions ; les aspirations religieuses qui
l'auront guide donneront mme une caractristique particulire
l'existence subjective qui s'ensuivra. Mais cette vie ne nous procurera que le
bonheur, et encore ne sera-t-il pas ternel. Pour s'lever sur l'chelle de la
Nature au-dessus des conditions transitoires auxquelles sont sujettes toutes
les consciences humaines, incarnes ou dsincarnes, nous devons faire
certains efforts spciaux qui ne peuvent s'accomplir qu'au moyen de la
connaissance des lois spirituelles et suprieures de la Nature.
de ce travail que la science contenue dans les critures orientales n'a pu tre
acquise que par des tres capables de diriger leurs observations vers des
plans de la Nature impntrables la perception de nos sens ordinaires. La
connaissance de ces plans suprieurs acquise, soit par d'anciens voyants, il
y a quelques milliers d'annes, soit tout rcemment par des voyants
contemporains, a d rsulter ncessairement de la faon dont ils ont su
exercer certaines facults hyper-sensuelles.
Nous reconnaissons volontiers que cette connaissance de la Nature, o
la Thosophie a puis une morale si leve, n'aurait jamais pu tre obtenue
par la seule tude des phnomnes tels qu'ils s'offrent l'observation [41]
scientifique. Le don de clairvoyance, et mme celui de la plus haute
clairvoyance spirituelle ont d contribuer la tche longue et ardue d'lever
le mental humain jusqu' la comprhension des grands desseins de la Nature
laquelle il appartient ; la grande tche qui nous incombe est donc de
cultiver en nous les mmes facults, si nous dsirons nous familiariser avec
ces aspects de la Nature dont le contact a dvelopp la science spirituelle
chez les voyants.
Nous n'entendons pas dire par l qu'aucun progrs dans la science
spirituelle n'est possible, sans avoir pralablement dvelopp les pouvoirs
qui nous rendent conscients sur les plans suprieurs de la Nature. Ceci
quivaudrait dire qu'il faut rpudier toute notion d'astronomie avant d'avoir
pu construire notre propre observatoire, ou d'avoir assimil toutes les autres
sciences subsidiaires. Dans l'tude des diverses connaissances de l'esprit
humain, chacun de nous s'en rapporte trs souvent, et dans la plus large
mesure, aux recherches faites par d'autres ; et la majeure partie de l'humanit
devra, pendant longtemps encore, s'en tenir aux dcouvertes de quelquesuns, sur la science des choses spirituelles. Mais moyennant quelques sages
prcautions ils pourront le faire avec confiance, dans ce cas comme dans
l'autre. Sans doute, au dbut, la situation ne laisse pas d'tre embarrassante,
surtout en ce qui concerne l'investigation psychique ; on sait, d'autre part,
que tout observateur est surveill et contrl par beaucoup d'autres ; si, en
outre, quelque nouvelle conclusion d'un observateur indpendant est ratifie
par la science contemporaine, tout le monde s'empressera d'accepter cette
sanction. La science spirituelle ne dispose pas actuellement d'une Socit
[42] Royale 5 pour sanctionner ses nouvelles dcouvertes, ou plutt il en
La Socit Royale de Londres correspond : peu de chose prs notre Acadmie des Sciences.
(NDT).
Les Sagas sont des lgendes religieuses ou rcits potiques composs par des bardes Islandais ou
Scandinaves (NDT)
CHAPITRE III
LA RINCARNATION
L'ide mre de l'volution, Nature de la preuve offerte. Seule thorie qui s'adapte aux faits. La
vraie doctrine dpouille de toute fausse interprtation. Loi du Karma, Hrdit et assimilation.
Perte ncessaire de la mmoire ordinaire. Certitudes logiques de la prexistence. Les ingalits
de la vie expliques. Pas d'accidents de naissance. Acceptation universelle de cette doctrine.
L'enseignement bouddhiste sur ce sujet. Manire absurde dont l'ont compris bien des crivains
occidentaux. Explication de quelques symboles bouddhistes. La rincarnation reconnue par le
Christianisme. Rfrences qui se trouvent dans les vangiles. Connaissance certaine de la
Rincarnation possde par les disciples de l'occultisme.
*
* *
Pour tudier avec fruit les enseignements de la doctrine sotrique,
l'tudiant devra avant tout se persuader que la croissance et le
dveloppement de l'me humaine ne peuvent s'effectuer que par une
succession de vies physiques, spares entre elles par des priodes
correspondantes de repos spirituel. L'ensemble de ces procds naturels est
ce qu'on appelle la Rincarnation.
Il est vrai que ce sujet est insparable des autres branches de la science
laquelle il appartient ; et qu'il est souvent ncessaire, pour bien saisir les
conceptions fondamentales de la doctrine sotrique, d'en avoir dj
embrass l'ensemble, et constat la parfaite harmonie.
L'enseignement sotrique ne ressembla pas, sous ce rapport, la
gomtrie d'Euclide dont il faut apprendre seulement une petite quantit
la fois et la bien assimiler pour la retenir. Les deux sciences ont ceci de
commun que, pour en comprendre les dernires propositions, il faut d'abord
avoir bien saisi celles [47] qui prcdent. Mais dans l'enseignement occulte,
pour en arriver l, il est souvent ncessaire d'anticiper beaucoup et de
comprendre combien les premires notions sont indispensables la
conception des hautes ides spirituelles qui seront exposes dans la suite. Si
alors l'tudiant reprend nouveau tout l'enseignement, il commencera peuttre en voir les principes fondamentaux sous un jour nouveau et pourra
alors les adopter comme convictions permanentes ; il y trouvera ainsi une
base solide pour difier ses futures connaissances.
Mais, nous demandera-t-on tout d'abord, la Rincarnation peut-elle tre
prouve ? Nous devons reconnaitre que cette doctrine, qui rsume
l'volution humaine tout entire, ne peut se prouver aussi positivement
mes humaines dans des corps d'animaux. Cette ide a pu faire partie d'une
doctrine trs rudimentaire, mais on ne pourrait l'admettre que pour
symboliser la dgradation morale produite par une mauvaise vie ou pour
voiler l'enseignement vritable. La seule thorie que nous soutenions
absolument est celle d'une constante progression dans les rincarnations
successives. Quels que soient les tats d'existence qu'elle ait traverss pour
atteindre le stade humain, ce niveau une fois atteint, l'me ne le quitte plus
et continue y progresser.
Pour exposer la donne occulte de la Rincarnation, il faut l'envisager
ce point de l'volution o l'me, dj parvenue au stade humain, se trouve
dans les conditions d'existence qui nous sont familires. D'aprs cette
donne, lorsqu'un homme meurt, c'est--dire perd son tat de conscience
sur le plan physique, cette conscience entre, tout d'abord, dans des
conditions d'existence spirituelles ou relativement spirituelles d'une trs
longue dure et d'une importance considrable. Sous certaines conditions,
elle pourra, sans doute, conserver ses rapports avec la conscience de ceux
qui sont encore vivants, ainsi que le confirment les nombreuses expriences
des spirites. Mais, d'autre part, l'me peut aussi passer des tats beaucoup
trop levs pour lui permettre de communiquer, du moins au sens o on
l'entend gnralement, avec les amis qu'elle a laisss sur terre. On voit par
ces considrations que la Rincarnation ne discute qu'un seul point des
diverses conceptions relatives la vie spirituelle : celui de la dure ternelle
qu'on lui attribue ; parce qu'elle nous fait entrevoir, dans la suite des temps,
un [50] type humain tellement perfectionn, sous le double rapport du corps
physique et de l'me, qu'il parait inadmissible que notre humanit actuelle,
encore si imparfaite, sait destine une existence ternelle qui en
perptuerait les imperfections.
Cette doctrine ne conclut pourtant pas un effacement rapide de la
personnalit ; l'existence spirituelle qui suit la dlivrance de l'me peut au
contraire se prolonger pendant un laps de temps considrable, lorsqu'elle
s'est trouve vivement et profondment impressionne par ses expriences
terrestres. Mais, dans l'esprit de la philosophie sotrique, les causalits ne
sauraient produire que des effets limits et les expriences terrestres
recueillies par l'homme, du berceau la tombe, ne sont jamais que des
causes finies, gnres par les actes, penses et motions d'une seule
existence. Donc, en accordant mme ces nergies subjectives une trs
grande puissance, un temps viendra, suivant notre doctrine, o elles se
dissoudront, pour ainsi dire, dans l'essence mme de la vie. L'me, dans sa
rincarne, ou, pour parler d'une faon plus scientifique, de l'go qui se
rincarne. Le phnomne de l'hrdit n'offre ici rien d'embarrassant. La
ressemblance frappante observe entre un pre et son fils n'est pas toujours
imputable l'hrdit ; elle est la rsultante des qualits manifestes par le
fils dont le Karma exigeait ce vhicule spcial, que seule l'organisation
physique du pre choisi tait en tat de fournir.
Nous voyons bien souvent des cas o les forces et les pouvoirs de la
Nature agissent par un intermdiaire ; et c'est par la loi d'assimilation que la
Rincarnation et le Karma se concilient avec l'hrdit 8.
Cet expos de la Rincarnation telle que le conoit la philosophie
orientale rpondra par avance aux nombreuses objections de ceux qui n'en
possdent qu'une ide fausse ou incomplte. On prtend souvent, par
exemple, que si nous avons vcu plusieurs fois sur cette terre, nous en
aurions conserv le souvenir. Cette objection s'appliquerait ait toute
thorie autre que celle que je viens de dmontrer ; car il est de toute
impossibilit pour l'me qui se rincarne de rapporter sur terre des souvenirs
qui doivent tre compltement vanouis, dissips et oublis dans tous leurs
dtails, avant qu'elle soit apte se rincarner. On pourrait allguer (et le fait
s'est prsent bien souvent) certains exemples de sujets spcialement
organiss qui auraient conserv le souvenir d'une vie prcdente ne
remontant pas une poque trs loigne. Nous nous contenterons de faire
[53] observer que dans tous les rgnes de la Nature les lois relatives au
progrs normal des tres sont souvent outrepasses par quelques
individualits exceptionnelles.
Dans notre race la moyenne de la vie humaine est de soixante-dix
annes ; mais cette rgle n'est-elle pas bien souvent enfreinte ? Il est donc
convenable qu'il en soit de mme dans les rgions spirituelles, et que
quelques mes en sortent prmaturment pour revenir, avant l'heure, la vie
terrestre. Nous prsumons, en outre, que sur les plans suprieurs, l'me
libre est peut-tre sujette des accidents analogues ceux qui, sur le plan
physique, nous ravissent parfois subitement l'existence. Les cas de
rincarnation prmature sont rares et sont alors causs par des
complications karmiques dont la recherche nous entrainerait trop loin. Le
point important retenir est, qu'au cours normal des choses, l'go doit avoir
Voir Doctrine secrte, 1er vol., p. 213 et 214 les intressantes dcouvertes du philosophe
embryologiste allemand, le professeur Weissar. NDT.
perdu tout souvenir de sa vie antrieure pour tre prt entrer dans une vie
nouvelle.
C'est d'ailleurs ce qu'on pourrait souhaiter de plus dsirable au progrs
de l'me, s'il n'y avait d'autre raison ; car la vie serait insupportable
l'homme, aux stades infrieurs de son volution, s'il avait sans cesse devant
les yeux l'interminable srie d'existences insignifiantes qu'il a d traverser
avant qu'un certain dveloppement spirituel lui ait montr la voie du progrs.
De plus, les expriences recueillies aprs chaque vie ne porteraient pas
autant de fruits, si les leons n'en avaient t apprises, pour ainsi dire, une
une. Mais, avant tout, la cause principale de l'oubli des existences passes
vient de cette sage prvoyance de la Nature qui nous permet de recueillir,
dans des tats de conscience appropris, le maximum des jouissances [54]
gnres par nos aspirations spirituelles ici-bas. Il ne serait pas juste que
l'me gardt la mmoire du pass avant d'avoir dvelopp des facults
suprieures celles que possde actuellement l'humanit. Les souvenirs sont
gnralement tristes, souvent voils de vagues regrets. Pour admettre qu'un
homme se souvienne de quelque bonheur vanoui d'une vie passe, il
faudrait supposer une de ces deux choses : ou il a quitt le Ciel trop tt, et
par cela mme s'est trouv injustement priv du complment de joie
spirituelle qui lui tait d ; un bien ses nouvelles conditions d'existence sont
dues un mauvais karma, c'est--dire des fautes commises dans la vie
prcdente ; il est alors doublement puni, s'il conserve le dchirant souvenir
des bonheurs perdus.
J'essaye ici de justifier cette loi, mais je dois dire, en terminant, qu'il ne
nous est pas toujours possible de le faire compltement ; et si un esprit
critique incline encore douter de la sagesse de la Nature qui nous abreuve
aux sources du Lth avant de nous faire "glisser d'tat en tat", nous lui
rpondrons que, dans l'tude de ces mystres, la premire chose faire est
de trouver ce qui est, laissant un ordre de connaissance suprieure le soin
d'approfondir pourquoi il en est ainsi.
D'ailleurs, le seul fait d'avoir oubli nos existences antrieures, associ
cette loi misricordieuse qui permet l'me, aprs chaque tape terrestre,
de s'panouir dans les rgions spirituelles et d'y jouir d'une longue priode
de repos et de flicit, ne peut nous faire repousser la doctrine de la
Rincarnation, si elle se recommande par des arguments d'un ordre diffrent.
ses propres critures sacres. C'est peu de chose lorsqu'il s'agit de justifier
la ngation du dogme de la Rincarnation et d'imposer cette ngation des
esprits qui pensent par eux-mmes.
J'ai dit que le Bouddhisme avait repris sans hsiter la doctrine
brahmanique de la Rincarnation ; mais l'enseignement de Bouddha, dans
les principaux points touchant la croissance de l'me, a t si ridiculement
dnatur par ses commentateurs auxquels manquait l'intuition spirituelle
ncessaire sa relle [63] interprtation, que je vais faire appel l'attention
de mes lecteurs pour aborder ce sujet dans le vritable esprit des critures
bouddhiques.
Tous ceux qui ont tudi l'Orient savent que ses crivains se plaisent
jeter sur les vrits philosophiques et religieuses le voile transparent de
l'allgorie. Ne serait-ce pas trahir un pote que de le prendre la lettre au
lieu de rechercher le sens profond qu'il a cach sous la fiction ? Que
penserions-nous d'un homme qui prtendrait interprter littralement la
magnifique allgorie de la vrit cache au fond d'un puits ? Un tel procd
de critique ne nous paraitrait-il pas absurde ? C'est cependant celui de la
plupart des auteurs contemporains qui se sont occups d'interprter la
littrature indoue.
Je vais en donner des exemples :
Lorsque la littrature indoue traite des avatars de Vishnou, elle voile les
thories cosmogoniques par des rcits d'incarnations divines dans des
formes animales. Il en est encore de mme lorsqu'elle dcrit la mort de
Bouddha survenue, dit un des Soutras Pali 9, la suite d'une indigestion
cause par de la "viande de porc dessche", qui lui fut servie par un certain
Kounda, travailleur sur mtaux Pava. Cette interprtation littrale du rcit
de la mort de Bouddha se retrouve dans tous les pitomes classiques du
Bouddhisme que nous a donn la littrature europenne. Si au lieu de
reproduire aussi servilement le texte indou, les traducteurs s'en fussent
rfrs aux instructeurs bouddhistes contemporains, ceux-ci les auraient
remis dans [64] la bonne voie. Le porc est en Orient, le symbole de la
connaissance sotrique ; il est driv du porc avatar de Vishnou, forme
dans laquelle ce dieu s'incarna pour retirer la terre des eaux o elle tait
plonge. Autrement dit (d'aprs la traduction du Vishnou Pourana par
Wilson), l'avatar en question reprsente allgoriquement la religion
9
Les Soutras sont les vangiles bouddhiques. L'admirable version anglaise du Maha-Paranibbana
Soutta est due la plume de M. Rhys-David : Sacred Books of the East, vol. XI.
Ces ides sont exprimes sans quivoque, dans les uvres de Spence
Hardy, Max Mller, Rhys David, Alabaster, Bigandet, Burnouf et autres 10 ;
elles sont encore accentues et ridiculises par l'amricain Dr S. H. Kellogg
dans sa caricature de la doctrine bouddhique. Le commentateur allemand Dr
Oldenberg se distingue honorablement, en combattant l'ide que Nirvana
soit synonyme d'annihilation ; mais, dans sa longue et laborieuse
argumentation, il a omis de citer certains passages des critures qui eussent
victorieusement [66] rsolu la question. Barth nous dit aussi dans "Religions
of India" qu'il se permet de douter que l'intention du Bouddhisme soit
d'enseigner la non survivance de la conscience individuelle d'une
incarnation l'autre ; mais il ajoute que cet go si vaguement caractris, si
faiblement compris ne saurait se comparer l'me simple et imprissable de
la philosophie sankhya. L'exgse europenne de la doctrine bouddhique
peut donc se rsumer par les deux thories prcites : pas de vie future, et
annihilation dans le Nirvana.
La conciliation de ces deux erreurs fondamentales n'a pas t facile pour
les critiques du Bouddhisme. En effet, si la soi-conscience de l'homme
n'existe que pendant sa vie, pourquoi pratiquer le renoncement et les
mortifications imposs au candidat du Nirvana, pour en arriver quand mme
l'annihilation finale ? D'autre part, l'enseignement bouddhique fait sans
cesse allusion au Karma, qui, reprsentant la somme des mrites et
dmrites qui dtermine les conditions de l'incarnation future, prsuppose
logiquement une conscience persistante de l'me, que ces conditions ont
pour but de rcompenser ou de punir.
Il est vrai qu'on sort de ce dilemme par cette autre conception (due
l'ingniosit du Dr Rhys David), que le Karma n'accompagne pas
l'individualit d'une incarnation l'autre, mais qu'il donne simplement
naissance une nouvelle individualit trangre la prcdente et
nanmoins charge de son bon comme de son mauvais Karma, ceci
expliquerait la raison altruiste qui pousse l'homme se sacrifier pour
atteindre au Nirvana ; son Karma se trouvant puis par l'annihilation, nul
n'en sera charg, et ne renaitra aux souffrances terrestres. Le promoteur de
cette [67] thse reconnait combien ce mobile est insuffisant pour guider la
conduite des hommes ; nanmoins, il ne parait pas douter des conclusions
premires qui lui ont donn naissance.
10
Lire aussi un expos trs bien fait du Nirvana dans Le Bouddhisme G. de Lafont. Chamuel, dit
en 1895. Livre III, chap. II.
11
Dans le XIe chap. de saint Matthieu, Jsus y fait allusion en ces termes :
"Qu'tes-vous donc alls voir ? Un homme vtu avec des
habits prcieux ? Voici, ceux qui portent de riches
vtements sont dans les maisons des rois. Pourquoi donc
tes-vous alls ? Pour voir un prophte ? Oui, [73] vous
dis-je, et plus qu'un prophte. C'est celui de qui il est crit :
Voici, j'envoie mon messager devant ta face, qui prparera
ton chemin devant toi. Je vous le dis en vrit, entre ceux
qui sont ns de femme, il n'en a t suscit aucun plus
grand que Jean-Baptiste. "Et si vous voulez le
comprendre, il est cet Elie qui devait venir. Que celui qui
a des oreilles pour our entende."
La mme ide est exprime ainsi dans le IXe chapitre de saint Marc :
"Et ils l'interrogrent en disant : Pourquoi les Scribes
disent-ils qu'il faut qu'Elie vienne auparavant ?
Il leur rpondit : Il est vrai qu'Elie devait venir
premirement et rtablir toutes choses et qu'il en devait
tre de lui comme du Fils de l'Homme, duquel il est crit
qu'il faut qu'il souffre beaucoup et qu'il soit mpris.
Mais je vous dis qu'Elie est dj venu, comme il est crit
de lui, et qu'ils lui ont fait tout ce qu'ils ont voulu."
Nous lisons de mme dans le VIIe chapitre de saint Matthieu :
"Et ses disciples l'interrogrent, disant : Pourquoi donc les
Scribes disent-ils qu'il faut qu'Elie vienne premirement ?
Et Jsus leur rpondit : Il est vrai qu'Elie devait venir
premirement et rtablir toutes choses. Mais je vous dis
qu'Elie est dj venu, et ils ne l'ont point reconnu, mais ils
lui ont fait tout ce qu'ils ont voulu ; c'est ainsi qu'ils feront
aussi souffrir le Fils de l'Homme. Alors les disciples
comprirent que c'tait de Jean-Baptiste qu'il leur avait
parl."
Quelle signification pouvait-en donner ces paroles, sinon celle que
Jean-Baptiste tait une Rincarnation du prophte Elie ? Ces mots
significatifs : "Que celui [74] qui a des oreilles pour our entende," marquent
bien que cette information s'adressait ceux qui taient dj clairs, plutt
qu'au peuple en gnral, qui n'en et pu comprendre le vrai sens. Il ressort
galement de cet autre passage, XVIe chap. de saint Matthieu, que Jsus
savait que ses auditeurs croyaient la Rincarnation :
"tant arriv sur le territoire de Csare de Philippe, Jsus
interrogea ses disciples en disant : "Qui dit-on qu'est le
Fils de l'Homme ?" Ils lui rpondirent : "Les uns disent
que c'est Jean-Baptiste ; les autres Elie, d'autres Jrmie
ou l'un des prophtes."
Jsus leur fit connaitre qu'il n'avait rien de commun avec ces prophtes ;
mais cet entretien fait voir que la Rincarnation tait une ide familire ses
interlocuteurs, et que, loin de la rpudier en principe, il la confirme
implicitement en ce qui concerne Jean-Baptiste.
On verra combien cette croyance tait rpandue parmi les disciples de
Jsus par cette citation, (XIe chapitre de saint Jean) qui a trait un aveugle
de naissance :
"Comme il passait, il vit un homme aveugle de naissance.
Et ses disciples lui demandrent : "Maitre, qui a pch, cet
homme ou ses parents, pour qu'il soit ainsi n aveugle ?
Jsus leur rpondit : "Ce n'est point que lui ou ses parents
aient pch, mais c'est afin que les uvres de Dieu soient
manifestes en lui."
Analyser la rponse de Jsus serait une digression inutile ; la question
seule est significative pour nous. Cet homme tait aveugle-n, et les
disciples demandaient si c'tait lui qui par ses pchs avait mrit ce
chtiment ? Ou cette question tait absurde, ou videmment [75] elle
signifiait : avait-il pch dans sa dernire incarnation ?
Il semble prouv d'ailleurs, que seuls les peuples occidentaux
contemporains ont perdu tout souvenir de ce dogme si important. La raison
en est due au progrs croissant d'une civilisation toute matrielle qui, en
touffant le dveloppement des facults intrieures de l'homme, a paralys
sa nature spirituelle. Les Thosophes, tudiants de la divine Sagesse, luttent
actuellement pour rtablir cette croyance la Rincarnation ; mais elle a t
si longtemps oublie, chacun s'est fait une conception si personnelle des
destines futures, qu'on n'y renoncera que difficilement en faveur d'une
vrit qui parait gnante. Cette raison parait suffisante beaucoup
d'hommes pour les amener nier la Rincarnation. Tout en rejetant la
doctrine Bouddhiste, on a omis d'examiner la croyance actuellement
CHAPITRE IV
LE SOI SUPRIEUR
Insuffisance des ides reues concernant Paine, La partie spirituelle de l'homme hyperphysique.
Liaison graduelle de l'me spirituelle avec le corps de l'enfant. Le vritable but de la vie est le
dveloppement du Soi suprieur. Action du Soi suprieur dans la conscience l'tat de veille. Son
identit travers les incarnations successives. Son ddain des expriences Infrieures. Champ de
l'volution. Version errone de l'enseignement. Le plus haut tat de conscience contient le plus
bas. Les rcompenses mrites par le Soi infrieur. Rapports entre le Soi suprieur et le Soi
infrieur.
*
* *
Une erreur fondamentale de la pense moderne, relativement la
constitution de l'me humaine, a t de considrer cette me comme une
entit simple, complte en soi, contenue, en soi sur le plan de la Nature
auquel elle appartient, de mme que l'homme incarn est, ou plutt paraitre,
contenu dans son moi et limit lui par rapport aux autres tres semblables
qui l'environnent. Nos contemporains ceux du moins qui sont d'accord
avec l'enseignement religieux conventionnel au point d'admettre qu'il existe
quelque chose comme une me ? imaginent cette me peu prs comme
le Djin du vieux conte de fes, ce Djin enferm pour un temps dans la
bouteille que trouva le pcheur des Mille et Une Nuits ; la mort est le
processus qui lui permet de sortir de la bouteille pour continuer, ds lors,
vivre conformment sa nature, entit complte en soi, dsormais
affranchie, qui se trouvait prcdemment emprisonne. Lorsque sonne
l'heure de la mort, on ouvre la bouteille, et l'me dlivre peut alors vivre
selon sa [79] nature ; c'est une entit complte qui s'est libre. Or, plus nous
tudions la Nature, plus nous la trouvons complexe, mme sur le plan
physique ; nous constatons galement que les lois qui gouvernent ce plan
rgissent aussi les plans suprieurs d'activit. Si, de plus, nous voulons
approfondir les oprations hyperphysiques, nous les voyons s'tendre ad
infinitum ; la premire ide qu'on puisse s'en former n'est pas plus adquate
la vrit que celle que nous nous formerions d'un solide en regardant un
seul de ses cts ; l'esprit ne pourrait saisir tous les attributs de ce solide
qu'aprs avoir ajout de nouvelles conceptions son impression premire.
A ce dernier point de vue, ces impressions, dont il vaut mieux tenir compte,
sembleraient avoir donn une ide imparfaite de la vrit ; mais elles
ouvrent la voie des conceptions plus complexes, qui, pour cette raison,
nous faire croire que leur subtilit a su dpasser les ressources ordinaires de
langage, mais ils sont le plus souvent aussi incapables de saisir eux-mmes,
que de nous faire comprendre les ides qu'ils ont la prtention d'analyser.
L'obscurit de langage n'est pas la profondeur de la pense.
La science occulte peut s'exprimer aussi dignement en un stylo clair et
prcis que par d'obscures formules allgoriques ; on fit pourtant jadis un
usage quelque peu excusable de ces symboles obscurs, autant parce que les
crivains taient obligs au secret partiel, que parce que le fanatisme de cette
poque leur interdisait de s'exprimer plus librement. Mais aujourd'hui
l'investigation spirituelle s'accompagne de circonstances favorables
inconnues aux alchimistes comme aux mystiques du moyen-ge, et ce que
nous cherchons avant tout, c'est faire comprendre le mieux possible ces
mystres, voils jusqu'ici d'une impntrable obscurit. En poussant plus
avant nos dcouvertes, nous arriverons forcment un degr o la pense et
l'imagination chapperont toute description ; il est nanmoins de la plus
haute importance de pousser la prcision aussi loin que possible. Avec
beaucoup de travail et de patience nous pourrons les dcrire de faon faire
comprendre nos lecteurs quelques-uns des procds servant au
dveloppement de l'me, si invisibles et intangibles qu'ils soient ; tout
comme on est parvenu comprendre plusieurs des lois compliques qui
gouvernent les ractions chimiques des molcules, non moins invisibles et
intangibles, de la matire.
La loi qui rgle l'alternance des vies physiques et spirituelles de l'entit
humaine est celle qu'il nous [82] faut tout d'abord soumettre un examen
microscopique plus rigoureux qu'on ne l'a fait encore. Lorsque l'me est
lance dans le torrent de l'volution comme tre individualis, elle doit
traverser, comme nous venons de le voir, des phases alternatives d'existence
physique et d'existence relativement spirituelle. Elle passe d'un plan (c'est-dire d'une couche, d'une condition) de la Nature sur l'autre sous
l'impulsion de ses affinits karmiques ; l'existence qui lui choit en partage
a t prpare l'avance par son Karma, quelque peu modifi par les
circonstances ; et elle se forme un nouveau Karma suivant le bon ou le
mauvais usage qu'elle fait des occasions de progrs qui lui sont offertes.
la conclusion de chaque existence terrestre (aprs avoir ralis les
expriences que lui offre le plan astral intermdiaire), l'me est rendue la
vie spirituelle pour y jouir d'un repos paisible, mais aussi pour y absorber en
son essence mme (comme progrs cosmique) le rsultat des expriences
recueillies sur terre.
que le corps naitrait d'abord, et que l'me l'habiterait un peu plus tard ; on
doit envisager l'me et le corps de l'enfant comme unis ds le dbut. Mais la
conception, que je suis en train d'exposer, s'harmonise seule avec la
proprit des choses et les analogies de la Nature. L'me qui attend sur le
plan spirituel l'heure de sa rincarnation se lie, pour ainsi dire, l'embryon
humain dont la destine et les attributs physiques paraissent lui offrir le
vhicule le plus appropri. Il ne s'agit pas ici d'un choix volontaire et
conscient ; les affinits karmiques constituent une ligne de moindre
rsistance dont l'me se sert instinctivement, pour mettre une manation
magntique dans le monde objectif ; elle obit ainsi au mme principe que
la racine qui, pour germer, se fraye un passage dans l'endroit o le terrain
est le plus lger et y fait pousser le dlicat rejeton qui apparait au ras du sol.
Un exemple plus abstrait mais plus juste encore serait celui du courant
lectrique qui, parmi les conduits les plus appropris qui puissent l'amener
son but : la terre, choisit, non pas toujours le plus court, mais celui avec
lequel il a le plus d'affinit. C'est par un courant magntique analogue (qui
se renforce au fur et mesure de la croissance de l'enfant) que l'entit
psychique pntre, par degr, son nouveau vhicule.
Cette mme ide pourrait s'exprimer diffremment. Jusqu' ce qu'il ait
atteint l'ge de sept ans, un jeune enfant (moralement irresponsable et
incapable de gnrer du Karma) est, dit-on, priv du sixime principe. [85]
Ce qui revient dire qu'avant l'ge de sept ans, il y a trop peu de l'me
incarne dans la conscience, peine forme, de l'enfant pour permettre le
dveloppement d'un sens moral. La conscience ne se manifeste pas encore
et le Soi Suprieur ne peut modifier les impulsions de la chair. Si l'enfant
vient mourir, l'me ira simplement s'implanter ailleurs. Cette considration
est trs importante dans tous les problmes concernant la mort des enfants
en bas ge et leurs conditions aprs la mort. Mais ce sujet demanderait une
tude spciale.
Observons maintenant l'enfant s'acheminant vers l'adolescence entour
des conditions les plus favorables. Au fur et mesure de son dveloppement,
la vraie conscience de l'me pntre peu peu dans son nouvel organisme,
et lorsqu'arrive l'ge d'homme, cette me (c'est--dire tout ce que cette me
peut exprimer dans l'tat de conscience physique) se trouve nouveau
rtablie, rincarne sur le plan terrestre.
Mais il y a dans l'me un quelque chose, en ralit sa partie la plus
importante, qui demeure sur le plan spirituel (je me vois oblig d'employer
quelque temps encore ces expressions trop matrielles, afin de bien tablir
change mutuel d'ides entre le Soi et son incarnation, comme s'il s'tait agi
de deux personnalits trangres. Un autre homme encore peut avoir avec
son Soi Suprieur des relations bien moins prcises et considrer ses avis
comme l'expression de ce que l'on appelle la voix de la conscience.
La thorie que nous ludions ici est en harmonie parfaite avec celle qui
tient le monde que nous habitons pour un phnomne de l'illusion ; la
signification de ce point de vue de la philosophie orientale a t souvent
ridiculement dnature. Cette doctrine ne prtend pas que le plan matriel,
avec ses innombrables attributs, n'ait pas d'existence relle, mais seulement
que la conscience incarne s'illusionne en y voyant un tout complet,
permanent et se suffisant lui-mme. Le monde spirituel est plus rel que
le ntre, qui, avec ses conditions matrielles et transitoires, n'en est que
l'manation ; mais en disant que le monde matriel n'est qu'une illusion, il
faut se garder de donner ce mot son sens ordinaire. La conscience
suprieure de l'homme en peroit le phnomne (c'est--dire les
manifestations de la Nature qui y sont exprimes) tout aussi bien que ceux
des plans suprieurs, car le plan physique est aussi ncessaire que les autres
l'quilibre et l'harmonie du magnifique [88] plan de la Nature. La
doctrine du Soi Suprieur nous explique les relations qui existent entre la
vie physique et l'tat de conscience spirituel ; si nous la comprenons bien,
nous ne tomberons pas dans l'erreur grave de restreindre notre champ de
conscience aux limites de l'tat de conscience infrieur. Le plan lev de la
Nature, o l'go permanent prend racine, est d'une importance bien
suprieure celui o fleurissent ses boutons phmres, qui bientt se
fltrissent et disparaissent, tandis qu'alors la plante rassemble ses nergies
pour y faire pousser encore de nouvelles fleurs. Supposons ces fleurs seules
visibles nos sens et la plante prenant racine sur un autre plan invisible et
intangible ; des philosophes d'un monde qui prsagerait de telles choses en
germe sur un autre plan d'existence, ne seraient-ils pas fonds dire de ces
fleurs : ce ne sont pas de vraies plantes, ce n'est qu'un phnomne illusoire ?
La doctrine du Soi Suprieur se recommande aussi par sa
correspondance avec celle de l'inspir et de l'expir de Brahma, symbole du
phnomne naturel sur l'chelle du macrocosme, et par consquent
applicable celui du microcosme ; la mort du corps humain correspondant
ici l'inspir.
Le processus karmique de, l'me, comme il est dcrit dans la premire
et simple conception de ses passages successifs du plan de l'esprit au plan
de la matire, ne contrarie en rien l'existence permanente du Soi Suprieur
sur le plan spirituel. Dans ce large expos, aucune ide essentielle n'est
infirme par cette thorie plus avance et mieux labore. Examinons, par
exemple, un homme qui, ne voyant dans la nature que le plan physique, le
seul dont il soit conscient l'tat de veille, espre avant tout conserver la
conscience [89] de sa personnalit aprs la mort. Cette esprance, non
sanctionne par la connaissance spirituelle, est la base premire des religions
exotriques. On se dit avec une certaine apparence de raison : "Si je ne me
souviens pas de ma vie actuelle dans ma prochaine incarnation, c'est que le
"moi" n'y a eu aucune part ; donc, il n'y a eu pour ce moi ni immortalit ni
survie." La doctrine sotrique ne contredit ni ne rebute aucune objection si
naturelle. Elle nous rpond dans sa plus simple expression : "Vous vous
lasserez la longue de votre personnalit actuelle ; elle se dissipera, vous
finirez par la quitter, comme vous en avez autrefois quitt tant d'autres ; mais
cette sparation ne se fera pas soudainement. Lorsqu'aprs la mort vous
passerez sur le plan astral, puis sur le plan mental, vous serez encore vousmmes, les phases principales de votre vie vous seront prsentes la
mmoire, et si les circonstances vous sont favorables, vous trouverez dans
ces rgions leves de la Nature un champ bien autrement vaste que notre
plan physique, pour y dvelopper les beaux et nobles sentiments gnrs
pendant l'existence terrestre. Ce n'est qu'aprs l'puisement complet des
forces engendres par la vie, lorsque ses divers tats de conscience auront
vibr Jusqu' la limite du possible, que L'me, redevenue indiffrente aux
rminiscences prcises, s'abreuvera aux sources du Lth, en cherchant dans
une autre incarnation une personnalit nouvelle." Voyons prsent
comment la thorie du Soi Suprieur modifierait cette donne. Elle en
conserve essentiellement l'ide principale, quoiqu'elle soit expose sous une
forme des plus matrielles.
Il faut considrer que le Soi Suprieur domine l'infrieur ou la
personnalit incarne, des degrs variables [90] selon les individus ; les
personnalits trs enracines dans la conscience physique reprsentent des
mes dont les lments karmiques sont en phase ascendante. Pour celles-l,
la runion des deux "Soi" aprs la mort implique plutt l'absorption du Soi
Suprieur par le Soi Infrieur. Mais, en ralit, lorsque l'me vient de
traverser une priode complte de vie terrestre, les lments karmiques, lors
de la runion des deux "Soi", entrent ncessairement pour une si large part
dans son nouvel tat conscient qu'ils en dterminent provisoirement la
caractristique. Et cette transfusion de la dernire personnalit dans le Soi
Suprieur, la faon dont celui-ci en est en quelque sorte satur rpondent
Prononcer Dvakane.
13
Maya veut dire : illusion, notre terre est souvent considre comme le plan de l'illusion. NDT.
pcule pour l'emporter dans sa patrie. Il ne sait pas au juste dans quelles
circonstances il se trouvera lors de son retour, ni quel emploi il pourra faire
chez lui de ses conomies. Mais l'ide seule de dpenser au milieu des siens
le fruit de son labeur est dj pour lui une compensation suffisante aux
travaux, aux sacrifices de sa jeunesse. Ainsi devons-nous concevoir dans un
sens bien plus lev et plus glorieux, le tableau des luttes terrestres et de leur
rcompense spirituelle non sujette aux risques qui, trop souvent sur terre,
brisent dans nos mains la coupe du bonheur. Il faut bien que nous
pressentions la rcompense que doit remporter l'homme qui a bien rempli
son rle dans le drame de la vie ; sans quoi l'existence ne serait qu'une
tragdie sans sanction.
Je n'ai pas cru ncessaire d'envisager ici comme partie intgrante des
desseins de la Nature, la possibilit pour nous d'atteindre, mme durant cette
vie, quelque chose de plus qu'une conviction purement intellectuelle de la
rcompense que nos luttes ici-bas nous prparent sur le plan spirituel ; si les
circonstances sont propices, nous pourrons obtenir ce rsultat en cherchant,
par des efforts conscients et bien dirigs, [105] comprendre pleinement,
ds cette vie, le systme que nous venons d'exposer. Cette Importante
considration ne saurait tre passe sous silence dans l'nonc de notre
thorie, et il est bon de prendre note de la possibilit laquelle je fais
allusion. Il peut se rencontrer parfois des tres qui, n'tant gure au-dessus
de la moyenne de notre race humaine, possdent nanmoins le merveilleux
don de clairvoyance spirituelle. Ceux-ci pourront de temps autre s'lever
et prendre contact avec leur Soi Suprieur, puis rapporter dans leur cerveau
physique l'empreinte de cette exprience. Ces hommes seront les pionniers
de leurs frres moins bien dous, car ils rendront tmoignage de la
communication possible entre le Soi Suprieur et le soi infrieur. Ce
prcdent est en outre de nature encourager les hardis explorateurs du plan
suprieur ; ceux-ci pourront alors esprer que d'autres aussi, par de srieux
efforts dans la mme voie, arriveront une connaissance anticipe de ce
qu'on a regard jusqu'ici comme l'insoluble et solennelle nigme de la mort.
En exposant ces problmes, j'ai surtout dsir viter cette incertitude de
la pense, si vague et si pnible, qui nous envahit lorsque nous nous
efforons d'examiner nos conditions d'existence actuelles au point de vue de
cette science mtaphysique, qui cherche se fondre dans l'infini. Je me suis
donc confin de prfrence dans des formes de pense moins leves que
les hauteurs o nous entraine le plus souvent ce genre de spculations. Je
ferai pourtant remarquer qu'en nous occupant de l'attraction existant entre le
soi infrieur et l'go c'est dire le Soi Suprieur, nous traitons par cela
mme des circonstances par lesquelles la vritable individualit (qui est
baigne [106] par les rayons de l'esprit la faon dont lui-mme rayonne
sur l'homme incarn) est elle-mme attire par la plus haute des influences,
celle du Soi Universel ou Esprit Universel. Au point actuel de notre
avancement, nous ne pouvons rien prsager sur cette opration ; mais nous
pouvons en dduire avec certitude ceci : L'volution du Soi Suprieur qui
dpend du soi infrieur, c'est--dire de l'homme lui-mme, n'est autre que sa
rponse la mystrieuse manation du Suprme ; cette volution est en
outre le but final vers lequel tendront, dans un avenir encore lointain, tous
les efforts conscients d'une humanit perfectionne.
CHAPITRE V
*
* *
L'objet principal de cet ouvrage est de faire connaitre les opportunits
de progrs spirituel qui s'offrent l'humanit. La nature de ces opportunits
fut la premire grande rvlation de la science occulte, de mme que les
perspectives qui s'ouvrent nous, quand nous les recherchons rsolument,
forment l'objet des plus srieux travaux des tudiants en occultisme. Toute
la foi, toutes les motions inspires par la religion bien comprise, se trouvent
en harmonie avec la donne thosophique dans son exposition de la tche
volutive qui nous est impose par les desseins mme de l'univers. Nous
avons esquiss, dans la grande loi de la Rincarnation, la mthode
qu'emploie la Nature pour favoriser ce projet jusqu' un certain degr ; nous
avons vu aussi comment le Soi Suprieur de chaque entit humaine, ce
centre permanent de conscience, est en fait l'go, et l'expression finale de
tous les efforts raliss pendant les priodes successives de ses longues
luttes dans la vie incarne. Nous allons maintenant essayer, autant que faire
se peut, avec l'tat de [108] conscience limit que reflte notre organisme
matriel, de comprendre le genre d'existence auquel doit aspirer le Soi
Suprieur dvelopp, clair par la connaissance et les capacits acquises,
s'il veut atteindre aux plus hautes potentialits de sa nature. Nos explications
seront corrobores par un coup d'il rtrospectif dans l'histoire ancienne et
cette du moyen ge ; car nous y retrouverons des indice qui prouveront,
maintenant que nous avons la cl, de leur signification, combien les
gnrations d'alors s'occupaient dj de ce grand problme. Mais il faudra
clairer encore bien des explications dj donnes avant de pouvoir
reconnaitre quel point la donne thosophique est satisfaisante. Il faut
mentionner ici quelques points de mtaphysique de nature embarrasser les
penseurs accoutums aux coles philosophiques europennes, et qui
pourraient nuire l'tude d'une doctrine importante servant de pivot tous
nos arguments. Je veux parler ici de la doctrine qui reconnait dans la volont
14
On pourrait peut-tre traduire ici le mot Necessity par la Fatalit qui, dans la plupart des
controverses mtaphysiques de nos auteurs contemporains, est oppos au Libre Arbitre ou la
Libert.
Littr a dfini ainsi le mot Ncessit : ce qui fait qu'une chose ne peut pas ne pas tre. Ncessit
mtaphysique, celle qui fait qu'une chose est telle que le contraire est impossible. D'autre part
Michelet dfini la Fatalit : "la ncessit qui rsulte de la nature des choses", puis il ajoute : "Avec
le monde a commenc une guerre qui doit finir avec le monde et pas avant : celle de l'homme contre
la nature, de l'esprit contre la matire, de la libert contre la fatalit." (Introd. l'hist. universelle (p.
9.) NDT)
enclin voir l'intelligence humaine s'arrter pour l'attendre sur la route d'un
progrs qu'il n'admet, toutefois, comme une possibilit de la Nature, que
lorsqu'il aura pass dans d'autres tats de conscience. Mais les tats de
conscience sont tous coexistants, si nous regardons dans leur ensemble les
plans de la Nature. Le temps et le changement conduisent simplement au
progrs de la connaissance plutt qu' un centre quelconque de conscience,
localis sur un point donn de l'espace. Si, par exemple, A, B un de nos
contemporains peut arriver, dans un temps dtermin, un tat de
conscience qui doit lui donner la cl de certain mystre de notre poque, Y.
Z a d certainement acqurir le mme degr de dveloppement dans les
[112] tapes progressives des temps passs. Nous ne sommes pas
ncessairement contraints d'attendre aussi longtemps qu'on se l'imagine
quelquefois, la rvlation de ces choses qui, comme on le pense avec raison,
dpassent les limites ordinaires de nos facults intellectuelles. Ce qui est
connu peut quelquefois tre communiqu dans un monde qui possde,
dans son tat conscient, des voies plus nombreuses que n'en peuvent user la
plus grande partie de ses habitants.
Parmi les nombreuses communications de cette nature qui, depuis
quelques annes, ont si largement ouvert l'esprit de l'tudiant thosophique
la science spirituelle, une des plus intressantes est, sans conteste, celle
qui a trait cette grande nigme mtaphysique : la lutte entre le libre arbitre
et la ncessit. J'en veux donner ici la solution occulte, d'abord pour en
montrer la relle valeur, puis aussi parce qu'il est indispensable de bien la
comprendre afin qu'aucune fausse conception des partisans de la ncessit
n'empche de reconnaitre compltement cette vrit : que l'homme tient sa
destine future entre ses mains, quoique les arguments exotriques nous le
reprsentent comme enchain dans les limitations troites de son entourage.
Ds le dbut l'nigme dont nous parlons, considre en tant que
dilemme logique, se trouve rsolue lorsque, son apparente contradiction,
nous opposons la loi de Rincarnation. Si l'on veut, en effet, voir dans la vie
humaine une opration complte de la Nature, commenant au berceau pour
finir la tombe, on n'arrivera pas concilier ces deux arguments, dont l'un
prouve que le libre arbitre doit ncessairement s'exercer afin que la justice
puisse rgir les affaires humaines, tandis que l'autre nous [113] dmontre
que, ne pas admettre la ncessit, c'est violer l'uniformit de la loi de cause
et d'effet. Mais en nous souvenant que la justice s'exerce non sur une vie,
mais sur une longue srie de vies, nous pourrons comprendre sa faon
d'oprer, bien qu' chaque instant de l'existence les actes puissent tre
produits par une influence prdterminante. Tout acte peut tre (et il l'est)
environn comme d'une atmosphre intrieure de conscience, le nuage de la
pense qui l'accompagne. En d'autres termes, il ne faut pas considrer
exclusivement l'acte, car il peut se commettre dans des tats d'esprit bien
diffrents. La conscience intrieure peut s'y prter, l'appuyer, ou bien hsiter
et en quelque sorte y rsister. Or, il est certain que cette conscience intime
voix de la conscience, c'est--dire impulsion du Soi Suprieur mlange aux
habitudes de pense engendres par la volont incarne ou soi infrieur
doit tre regarde comme dpendant entirement du libre arbitre, quand bien
mme la loi de cause et d'effet devrait, par son influence dominatrice et en
dernier ressort, dterminer l'accomplissement de cet acte. Karma, l'un des
aspects de cette loi de cause et d'effet sur le plan spirituel, ne peut
certainement pas ngliger l'esprit dans lequel une action a t commise.
L'acte en lui-mme est une consquence karmique de la somme totale des
influences qui, dcoulant de la vie prcdente, doivent porter sur ce moment
prcis de l'existence. Et l'accomplissement de cet acte causera
ncessairement d'autres consquences qui se rpercuteront dans l'existence
suivante. Au moment mme de sa projection en objectivit comme cause, il
peut tre extrmement modifi par la pense, la disposition d'esprit ou d'me
qui l'accompagnent ; et par l son effet dans l'existence suivante s'en
trouvera modifi [114] dans la mme proportion. En sorte qu' chaque pas
en avant nous puisons un karma ; celui de causes gnres dans notre
existence antrieure ; puis, suivant l'esprit avec lequel nous le subissons, et
en opposant chaque instant notre libre arbitre la ncessit qui nous
domine, nous dterminons l'effet karmique de nos actes sur les conditions
de bonheur, de bientre et de chances que nous offrira la vie suivante.
L'effet de cette loi peut se dterminer par l'exemple de quelques cas
extrmes. Supposons d'abord celui d'un homme dont la vie actuelle se trouve
domine par un terrible karma, gnr dans sa vie antrieure, et qui non
seulement lui amnerait des infortunes et des souffrances, mais encore le
contraindrait enfreindre de nouveau les lois de la Nature. Disons mme
qu'il est dans la "ncessit de la situation" qu'il viole gravement, non les
enseignements levs de l'thique, mais les plus lmentaires principes du
bien et de la justice. Il ne sentira pas qu'il agit en automate en commettant
cet acte, cet acte est un crime, pourra-t-on vraiment affirmer qu'il ait agi
consciemment ? Il entre alors en jeu une modification dont je parlerai plus
loin ; quoique la loi gnrale de la Nature place nos actes sous la dpendance
du karma, elle laisse une certaine latitude l'exercice des forces considres
comme rsultante de l'action. Mais laissons ce sujet pour continuer l'examen
presque tous atteint aujourd'hui, nous, hommes du : XIXe sicle, ou, comme
le diraient les occultistes, de la cinquime race, nous avons tous dpass le
point o nous n'tions, en ce qui touche nos actions, que de [121] simples
automates dans les mains du karma. Par exemple, il serait faux de prtendre
aujourd'hui qu'un habitant du monde civilis puisse tre forc par ses
antcdents karmiques commettre un meurtre ; la suggestion karmique
peut l'y pousser, mais nous nions absolument qu'elle puisse tre assez
inflexible pour faire de l'homme le simple instrument d'un pareil crime.
Lorsque je parle ici de meurtre, j'entends le meurtre volontaire, inspir par
une intention bien dfinie, et je n'entre dans aucune des distinctions lgales.
On en pourrait dire autant de tous les manquements graves au devoir,
qu'ils tombent ou non sous le code moral humain ; car les moins clairs
d'entre nous commencent dj tre responsables.
Dans l'tude des sciences en gnral, et de la science occulte en
particulier, la solution d'un problme nous en suggre un autre, jusqu'alors
insouponn ; il est donc prfrable d'aborder maintenant un point difficile
qui tt ou tard nous embarrasserait en examinant le libre arbitre restreint (du
moins quant aux actions) que la science occulte accorde notre race
actuelle. Nous sommes tous en relations troites les uns avec les autres sur
ce plan physique ; peut-tre en est-il ainsi sur tous les autres plans,
quelquefois mme un degr plus prononc. Quoi qu'il en soit, la faon dont
nos actions s'influencent rciproquement est tellement vidente que les
penseurs superficiels se refusent ne voir aucune apparence de
prdtermination dans le cours des vnements. Si A vole B, la vie de
ce dernier peut en tre compltement change. Or, s'il dpend du libre arbitre
de Ade voler ou de s'en abstenir, comment le karma de B pourra-t-il
s'accomplir rgulirement ? On peut appliquer ce raisonnement ad infinitum
aux [122] petits faits, aux actions insignifiantes, comme aux vnements
importants. Les plus graves vnements de notre vie eurent souvent pour
point de dpart certaines actions faites par d'autres et qui, l'poque,
semblaient absolument insignifiantes. O pourrions-nous, scientifiquement
parlant, tablir une ligne de dmarcation ? Les affaires humaines sont si
enchevtres qu'il semble qu'on doive dire : De deux choses l'une : ou
chaque action, si lgre soit-elle, est automatique et invitable ; ou rien n'est
prvu dans le cours des vnements, et le fonctionnement rgulier du karma
n'existe pas. Pourtant il est un moyen d'tablir cette ligne de dmarcation ;
de nouvelles rvlations viennent le rendre intelligible, et elles sont si
subtiles qu'il ne faut les aborder qu'insensiblement.
nous parlions plus haut, et qui la dpasse autant que les ondulations de la
lumire, se chiffrant par billions la seconde, dpasseraient la rapidit
d'excution d'un pianiste. Mais entre la facult de penser deux choses ou
deux millions de choses la fois, il n'y a qu'une question de gradation, ce
qui rend logiquement possible l'intelligence humaine la conception de
cette opration transcendante.
C'est tout ce qu'il nous faut reconnaitre pour concevoir, en imagination,
le gouvernement karmique accordant un champ d'action subsidiaire au libre
arbitre individuel. Chacun d'entre nous peut, de temps autre, dranger le
plan prmdit du karma dans lequel il se trouve englob. Admettons par
exemple qu'il soit prvu dans le karma de A et de B qu'ils doivent tre
ruins et prouver un grand dommage matriel par la faute (probable) de
C Mais C, usant de son libre [126] arbitre spirituel, a dvelopp un sens
moral dpassant de beaucoup celui qu'il possdait lors de sa prcdente
incarnation, et, en quelque sorte, il manque de parole au karma. Il faudra
donc faire intervenir d'autres arrangements, envoyer d'une autre faon A
et B l'preuve qu'ils doivent subir, et cela ncessitera bien des
rajustements de moindre importance. Mais ceci n'exige qu'une capacit
adquate de la part du pouvoir dirigeant, et notre hypothse (ou plutt la
donne sotrique concernant cet tat de choses) reconnait que les
"Providences" du monde la possdent.
Ce principe, que je vais essayer d'expliquer et qui concerne l'action
subsidiaire du libre arbitre pendant chaque vie physique, sera rendu plus
clair par le schma ci-contre.
Dans cette figure, la ligne centrale A B reprsente la direction gnrale
d'volution prise par la majeure partie de la race, et les petits
paralllogrammes figurent quelques existences individuelles. Voyons
d'abord la vie sa place sur la ligne centrale indique que les impulsions
karmiques de l'incarnation antrieure placent l'individu, dont nous
considrons la vie, au niveau de la tendance normale de son poque. Mais
cet homme jouit du privilge d'un libre arbitre partiel qui lui permet de
modifier sa tendance volutive dans la mesure indique par les lignes
pointilles s'tendant droite et gauche de la ligne centrale ; il ne saurait
la modifier davantage, tant maintenu entre ces lignes par les limitations du
karma et les circonstances, pour autant que les lignes latrales de son
paralllogramme en restreignent la divergence. Supposons le bien spirituel
reprsent par la ligne dirige vers la droite, et le mal spirituel par celle
C'est ainsi que les prceptes de l'glise anglicane, nous informent (dans
l'intrt de la thorie ncessitaire) que "la Prdestination la vie est l'ternel
dessein de Dieu ; c'est pour cela qu'avant que fussent tablies les fondations
du monde, il prit secrtement la rsolution de dlivrer de la maldiction et
de la damnation [133] ceux d'entre les hommes, qu'il avait choisis en Christ
pour les conduire par Christ au salut ternel, comme vases d'honneur
certains autres vases trs nombreux tant de la mme faon construits pour
tre des vases de dshonneur et traits de faon trs diffrente".
Ces tres choisis "obissent par la grce cet appel" et gravissent
religieusement le sentier des bonnes uvres. Ce n'est jusqu'ici qu'un expos
aride de la ncessit faisant des hommes les automates d'une Divinit qui,
suivant cette hypothse, aurait, ds avant les fondations du monde, rsolu
de les gouverner par des principes qui rvoltent le sens moral. Mais ces
prceptes, qui n'hsitent pas insulter la divinit, sont tout prts se
contredire eux-mmes, afin de permettre leurs disciples une interprtation
de leur choix. Ainsi l'article, o nous avons puis ces quelques mots, termine
en disant "qu'aprs tout nous devons recevoir les promesses de Dieu, de la
manire dont elles nous sont gnralement prsentes dans les Saintes
critures". Et les Saintes critures prtant bien des controverses, les
partisans du libre arbitre et de la justice comme principe fondamental d'un
gouvernement divin, sont alors autoriss accepter, s'il leur plait, l'article
en question, non dans le sens indiqu par les mots, mais dans un sens
diamtralement oppos. A gale B : telle est la doctrine de l'glise, mais si
nanmoins vous pensez qu'A ne soit pas gal B, vous pouvez continuer
le croire, tout en restant fidle croyant de la doctrine de l'glise.
C'est comme si quelque professeur de gomtrie venait nous dire : Je
vous affirme que les trois angles d'un triangle sont gaux quatre angles
droits ; mais vous pouvez, nanmoins, si vous vous obstinez le [134] nier,
soumettre le sujet aux conclusions gnrales du thorme d'Euclide ; et, en
ayant ainsi tranquillis votre conscience, allez et enseignez qui vous
parlera de ce sujet, que c'est ce chiffre de quatre angles droits que les gens
bienpensants devront ajouter foi.
Les mtaphysiciens ne traitent gure le sujet avec plus de logique que
l'glise. La philosophie matrialiste, en rgle gnrale, opterait pour
"l'uniformit" mot plus agrable que ncessit ou prdestination, mais, dans
cette suite d'ides, signifiant absolument la mme chose. Le libre arbitre s'en
va donc par dessus bord et avec lui toute justice dans le gouvernement du
monde, ainsi que toutes conjectures relatives la persistance de l'tat de
Son libre arbitre, inspir par de plus nobles dsirs, [136] trouvera devant
lui la voie libre, dbarrasse des obstacles qui suscitaient auparavant de si
terribles luttes. Peut-tre aussi en rencontrera-t-il en plus grand nombre,
mais seulement alors pour constater qu'il en peut triompher, si pniblement
que ce soit.
Le grand point sur lequel il nous faut insister est la constatation de cette
libert intrieure qui se trouve en harmonie complte et scientifique avec
l'aspect universel de la Nature, tel que nous le reprsente l'enseignement
sotrique. L'un des effets en sera d'accomplir ce qui a t regard jusqu'ici
comme un problme aussi insoluble que celui de la quadrature du cercle
la conciliation du Libre Arbitre et de la Ncessit.
CHAPITRE VI
*
* *
Nous allons bientt commencer l'tude des conditions relles de ces
royaumes que l'me, en cours d'volution, doit traverser depuis l'instant de
la mort physique jusqu' celui de la renaissance. Pour nous prparer la voie,
il est utile de nous arrter ici un moment et de tacher de nous former une
conception plus claire de la constitution complexe de l'homme. Cette
constitution comprend en elle-mme des vhicules appropris pour
exprimer son tat conscient sur chaque plan de la Nature, en outre de celui
qui nous concerne spcialement. Nul penseur n'arrivera une
comprhension adquate du processus par lequel s'accomplit l'volution du
centre de conscience individuel, s'il n'a pu pralablement saisir le vritable
caractre des divers vhicules au moyen desquels cette conscience peut, de
temps autre, se manifester. Sur le plan d'incarnation physique ces vhicules
sont tous contenus les uns dans les autres ; aussi, un certain point, sommesnous des tres plus simples dans les royaumes suprieurs de la Nature que
sur notre plan d'existence [138] actuel. Les conditions de l'existence
physique rendent indispensable l'tat plus complexe que nous y rencontrons.
Mais, en examinant ce que l'enseignement occulte nomme "les sept
principes de l'homme", il ne faut pas oublier que cette constitution septnaire
s'applique l'aspect physique de l'homme, et que la vritable individualit
ne doit pas se concevoir comme un faisceau d'mes sparables les unes des
autres, comme on croit tort que la science occulte l'enseigne. L'entit
complte, telle que nous la voyons ici, est plutt un faisceau de vhicules,
aptes fonctionner sur diffrents plans de la Nature, et que l'humanit en
gnral considre comme insparablement fixs dans le vhicule infrieur
le moins dvelopp, c'est--dire dans le corps physique. Ces divers vhicules
sont jusqu' un certain point sparables, mme chez le commun des
hommes ; ils le sont compltement et facilement s'il s'agit de personnalits
dont l'entrainement spirituel a atteint certains stades et dont l'volution
(processus lent pour la gnralit des humains) a t hte par des moyens
anormaux.
Passant maintenant aux dtails, je vais numrer les sept principes d'une
manire qui ne diffre pas essentiellement de celle que j'ai expose dans le
Bouddhisme sotrique, ainsi que le verront ceux qui ont lu cet ouvrage,
mais, au point de vue de langage, les termes que j'emploie ici viteront peuttre les malentendus que la terminologie premire rendait possibles. Les sept
principes par ordre numrique peuvent se dcrire comme suit ;
1 Le Corps physique ;
2 Le Double thrique ;
3 Jiva ou Prana ;
4 Le Vhicule astral ; [139]
5 Manas ;
6 Bouddhi ;
7 Atma.
Les trois premiers principes considrs dans cet ordre appartiennent
entirement la manifestation physique. Dans le premier nonc de ces
ides j'avais plac Jiva comme deuxime principe, et le "Linga Sharira" ou
Double thrique au troisime rang. La modification que j'apporte ici ne
constitue pas une altration dans le fond de l'enseignement, mais elle me
semble prfrable certains points de vue. En ce qui concerne le Linge
Sharira, ce terme fut tout d'abord emprunt la terminologie orientale par
notre littrature thosophique, qui l'adopta ; mais une apprciation plus
parfaite de la fonction exacte que remplit cet lment dans notre organisme
nous le montre comme une contrepartie plutt thrique qu'astrale du corps
physique. C'est en mme temps l'organisme intermdiaire par lequel Jiva ou
la force vitale influence le systme tout entier. Les tudiants en Occultisme
comprendront aisment la diffrence exprime par ces deux termes ; mais
les lecteurs ordinaires pourraient au premier abord ne pas la remarquer. La
matire thrique est encore d'ordre physique, selon la plus stricte
classification qui puisse tre adopte, bien qu'elle chappe dj entirement
l'observation des instruments et qu'elle ne puisse tre aperue que par les
sons plus subtils du vhicule astral.
En nous levant jusqu'aux tats subtils du Cosmos, nous voyons que
chaque plan de la Nature est constitu-par diffrents ordres de matire,
chaque ordre tant lui-mme soumis des modifications diverses sur son
propre plan. Par exemple, nous avons les matires solide, liquide et gazeuse,
et il existe encore en plus quatre [140] varits de matire thrique, dans
lesquelles peuvent se dcomposer graduellement les molcules des lments
connus par la chimie ordinaire. C'est l un sujet profondment intressant,
mais il m'loignerait trop de mon objet principal si je m'arrtais l'expliquer,
en me limitant mme aux points examins jusqu' prsent. Il me suffira de
rendre intelligible, dans ses grandes lignes, l'ide principale du
dveloppement occulte de la science chimique. Tout en restant d'accord
avec la ralit positive de la nature, lorsqu'on considre la molcule de
matire possdant les caractristiques d'un des lments chimiques connus,
il faut se la reprsenter comme une structure complique, forme de
nombreux atomes ultimes. Tous ces atomes ultimes sont identiques dans
leur composition et leurs attributs, approximativement du moins ; en tous
cas, les diffrences latentes en eux n'ont rien de commun avec leurs aspects
sur le plan physique. Chaque molcule peut tre considre, de prime abord,
comme une construction diffrente des autres, mais chacune de ces
constructions est faite de matriaux identiques. Certaines structures
molculaires exigent un grand nombre de matriaux, et tandis que la
molcule la plus simple connue en chimie, celle de l'hydrogne, ne contient
que dix-huit atomes, les molcules de certains gaz en contiennent plusieurs
centaines, et ces chiffres s'lveraient encore s'il s'agissait de molcules
entrant dans la composition d'lments mtalliques.
Si l'on arrive dsagrger, en les subdivisant, les molcules gazeuses
que la chimie reconnait, elles passent dans la condition de l'ther le plus
dense et paraissent aussitt chapper toute perception des sens physiques
et des instruments.
Leurs effets sont nanmoins manifestes dans les [141] divers
phnomnes de la nature, correspondant aux vibrations thriques, et un
temps viendra o, grce au progrs de la science, tout ceci deviendra l'a, b,
c des manuels. Dans les varits suprieures de matire thrique, ces
subdivisions molculaires se dsagrgent encore, et enfin dans la varit la
plus leve nous voyons les atomes entirement spars les uns des autres ;
ce point, l'atome de matire est parfaitement uniforme dans sa structure et
homogne dans sa constitution.
Le Double thrique est compos de matire provenant des sous-plans
thriques, sa constitution est soumise l'observation de lois trs subtiles,
vritable expression de la volont spirituelle la plus leve qui rgit notre
plante. Le Double thrique prside l'organisation des molcules
Jiva, aprs son assimilation par le corps thrique, est transform en Prana, la vie solaire physique
est transforme en vie humaine physique ; c'est en somme une simple modification vibratoire de la
mme force. Nous continuerons donc, suivant les traditions adoptes dans les ditions franaises,
appeler Prana le Jiva spcialis. NDT.
physiques, et qu'une nature trs matrielle, tant par elle-mme trs peu
sensitive, se dpouille en gnral trs difficilement de ses propres
influences. D'autre part, le sensitif, qui ressent trs facilement les
manations magntiques des autres, est aussi celui qui se laissera le plus
facilement soutirer la vitalit qu'il peut possder.
Il ne faudrait pas dduire de ces considrations qu'une robuste et
excellente constitution physique soit l'indice d'une nature trs matrielle. Ce
serait trs mal comprendre l'ensemble de cette question que de faire
dpendre, ainsi qu'on le fait trop souvent, le degr de sensitivit d'une sant
plus ou moins bonne.
Le quatrime principe ou Corps Astral est le vhicule dans lequel L'me
peut fonctionner sur le plan astral, celui qui se trouve immdiatement audessus du plan physique et dont nous examinerons bientt la nature et les
particularits. Rien n'est plus difficile, dans l'tude des interprtations
occultes, que de choisir l'ordre dans lequel on doit en considrer les
diffrentes subdivisions, car on ne peut rien comprendre parfaitement, si l'on
n'en possde dj un aperu gnral. Le sujet qui nous occupe en ce moment,
celui de la constitution septnaire de l'homme, exige, pour tre correctement
apprci, la comprhension de l'ensemble du systme plantaire auquel nous
appartenons ; mais on ne saurait entreprendre un trait sur cet important
sujet sans faire constamment allusion aux principes de l'homme.
Nanmoins, si quelque aperu semble obscur dans l'expos que nous en
donnons ici, il s'claircira par la suite. Aprs un certain progrs dans l'tude
de l'Occultisme, ce qui impressionne le plus [144] vivement l'tudiant est la
sublime cohrence de l'ensemble du systme et la faon merveilleuse dont
chacune de ses parties s'adapte aux autres, en se ramifiant dans le tout.
Le corps, l'tat de veille, renferme en lui-mme les vhicules ou corps
destins fonctionner sur les plans suprieurs de la Nature. Il en est de
mme du corps astral qui, libr du corps physique et considr en
particulier, contient en lui-mme les vhicules plus levs destins
fonctionner sur les plans spirituels. Il contient l'homme complet, moins le
vhicule physique, et par ce transfert dans la condition astrale, l'homme ne
perd rien de ses facults de penser et de sentir ; pour comprendre dans quelle
mesure ceci est vrai, demandons-nous ce qui est rest de la conscience
primitive dans le corps inerte ? Au rsum, absolument rien ; il ne s'est rien
perdu de la conscience ou des sentiments, de qui, transfre du plan
physique sur le plan astral, commence fonctionner dans son corps astral.
attributs tant que notre pense se trouve encore limite par les conditions de
l'intelligence physique. Il serait inutile de parler d'Atma autrement que dans
ses effets, dans ses manifestations, qui reprsentent la totalit de l'Univers
qui nous entoure, et tous les tres conscients, quelque stade d'existence
qu'ils se trouvent. Nous ne pouvons jusqu' prsent rien connaitre de sa
nature. On ne saurait, en quelque sorte, voir en lui que la potentialit de
toutes choses et de toutes manifestations.
Nous dirons donc que l'ocan de Bouddhi est la premire manifestation
d'Atma qu'il nous soit ncessaire de considrer. Et lorsqu'on dit quelquefois,
dans un langage potique, que chaque homme renferme en lui une tincelle
de la Divinit, on pourrait exprimer autrement cette vrit en disant que tout
homme est en contact ou en relation avec l'ocan de Bouddhi, ou encore, s'il
est permis de matrialiser cette pense pour la rendre plus tangible, nous
dirions qu'il a tabli un foyer individuel dans Bouddhi. En d'autres termes,
un centre individuel cr dans le Bouddhi est devenu lui-mme ; ce foyer
ou tourbillon tant ds lors et jamais un fait indlbile. Aux premiers temps
de son volution, ce foyer existe peine en potentialit, ne contenant rien
qu'on puisse considrer comme une individualit consciente. Pourtant ce
quelque chose est la manifestation de Bouddhi sur le Plan dvachanique, et,
envelopp dans un vhicule de matire [147] dvachanique, il constitue la
vritable individualit humaine que nous tudions et dont on parle
quelquefois comme du cinquime principe ; on l'appelle aussi Soi Suprieur
ou go Suprieur, d'autres fois encore Manas Suprieur.
Sur les niveaux suprieurs du Plan dvachanique (et nous verrons plus
tard sa reprsentation en aspects varis sur les niveaux infrieurs), le
principe bouddhique anime le vhicule, qu'il ne faut plus considrer
maintenant comme un vhicule, mais comme l'me permanente elle-mme,
quoiqu'elle soit dsigne sous son aspect de vhicule par le nom de Karana
Sharira dans la philosophie orientale. Ce principe, considr soit comme
l'me elle-mme, soit comme vhicule permanent de cette individualit qui
est une facette de l'lite universelle, passe d'une manifestation l'autre, se
rincarnant dans diffrents corps physiques, et attirant autour de lui chaque
nouvelle descente dans la vie physique, les lments constitutifs d'un
nouveau corps astral.
En ce qui concerne le niveau ordinaire de l'humanit composant notre
race actuelle, le Karana Sharira lui-mme est tout au plus l'embryon de ce
qui, dans la suite, deviendra un tre rellement spirituel. Il fut un germe
imprissable ds le premier instant de son apparition dans l'ocan de
Bouddhi ; mais avant que son volution ne soit acheve, il doit se manifester
dans la Nature sur des plans de plus en plus infrieurs, jusqu' son arrive
sur le plan physique. Ne pouvant descendre plus bas, il commence alors
s'panouir, acqurir la soi-conscience, recueillir les expriences
accumules au cours de nombreuses incarnations successives, rcoltant de
chacune d'elles quelque chose, si peu que ce soit, qu'il conserve dans sa
propre conscience permanente. [148]
Ce procd d'volution peut dj s'observer dans la plupart des stades
que parcourt l'humanit. Chez quelques hommes le Soi Suprieur
individuel, le Manas ou cinquime principe, est dj devenu une magnifique
entit du plus haut dveloppement, tandis que chez d'autres tres, ce mme
principe ne peut tre aperu, par ceux dont la vision pntre les niveaux
aroupiques du Dvakhan, que comme un nuage d'une forme peine dfinie ;
et cet embryon ne peut pas tre le sige d'un tat de conscience lev. Son
progrs est nanmoins assur dans l'avenir ; car ceux d'entre nous, qui sont
aujourd'hui les plus aptes fonctionner dans les royaumes spirituels de la
Nature, ont eu, en leur temps, un embryon manasique aussi indcis son
dbut.
L'tude des sept principes est insparablement lie celle de l'Aura
humaine. Les vhicules suprieurs contenus dans l'homme peut-tre
pourrait-on dire plus exactement que l'homme est contenu en eux sont
visibles aux sens astrals et la perception, dvachanique de ceux qui ont
dvelopp le pouvoir de clairvoyance, et ils les dcrivent sous le nom d'aura.
Cette aura est mle avec certaines irradiations provenant des trois principes
infrieurs. Ces irradiations ne sont point des vhicules de l'me, mais elles
se manifestent dans les limites que les vhicules suprieurs occupent autour
du corps. De sorte que si, pour mieux tudier les diverses auras, nous les
sparons, par la pense, les unes des autres, nous pouvons nous les figurer
toutes comme limitrophes.
L'Aura s'tend une distance de 45 60 centimtres du corps dans
toutes les directions et prsente approximativement une forme ovale. Dans
la plupart des cas ses contours ne sont pas trs dfinis ; ses bords s'estompent
[149] graduellement jusqu' devenir invisibles. Une plus srieuse tude de
ce nuage lumineux nous dmontre qu'il est constitu par des composs
distincts et que ces composs eux-mmes sont forms de matire des tats
diffrents. Chacun d'eux est par le fait une aura distincte, et si on supprimait
les autres, on la verrait occuper seule l'espace qu'elles couvraient ensemble.
On les dcrit comme diffrant sensiblement les uns des autres, et chacune
qui le fait dsigner dans les crits thosophiques sous le nom "d'uf
aurique"
Cette multiplicit de termes est embarrassante pour le commenant,
mais toute confusion disparaitra ds qu'il aura saisi le vritable sens des
ides 16. [154]
Lorsqu'on considre le corps physique au milieu de ses vhicules
suprieurs, ceux-ci, qui le dpassent de tous cts, prsentent l'apparence
d'une manation ; d'o le nom d'aura qui leur a t donn ; mais en toute
connaissance de cause, il ne faut pas perdre de vue ce principe fondamental,
que l'aura est vritablement compose des vhicules suprieurs, couvrant un
volume plus considrable que celui occup par le corps physique. Lorsque
les individus se groupent cte cte, leurs auras, c'est--dire leurs vhicules
suprieurs, se confondent d'une faon trange et s'influencent mutuellement,
si elles ne sont pas gouvernes par une connaissance spciale des lois
occultes.
Quelques-uns de ces principes sont sparables les uns des autres
pendant la vie, mais les claircissements dj donns nous font voir qu'il ne
faudrait pas pousser cette conception trop loin. Au degr infrieur de
l'chelle, le troisime principe Prana ne peut tre spar du double
thrique, dont il est vritablement la vie. Et quoique le double thrique,
accompagn de son principe Prana, puisse, dans des conditions anormales,
tre spar pour quelque temps du corps physique, si cette sparation se
prolongeait au-del de courtes priodes, elle entrainerait la mort du corps
physique ; aussi ce mode de sparation n'entre-t-il jamais dans le cours
rgulier de l'entrainement occulte. D'autre part, au degr suprieur de
l'chelle, aucune des conditions spirituelles les plus leves que nous
puissions concevoir ne saurait sparer le principe [155] Bouddhi du Karana
Sahrira. Mais les quatrime et cinquime principes se sparent aisment de
leurs enveloppes intrieures, et le quatrime (emportant en soi les principes
suprieurs) se dgage rellement du corps pendant le sommeil, mme chez
les individus normaux et non psychiques ce dgagement devient possible,
par un effort de volont, chez les occultistes arrivs par l'entrainement un
certain stade d'avancement ; de plus, lorsque cet entrainement est pouss
16
Pour une tude plus complte des auras, nous renvoyons le lecteur au livre tout rcent de M. C. W.
Leadbeater mes et Corps ; cet ouvrage contient un grand nombre de planches colories, du plus haut
intrt, reprsentant les diffrentes noms de l'homme depuis son stade le plus primitif Jusqu' son
expression la plus sublime. NDT.
CHAPITRE VII
LE PLAN ASTRAL
Terminologie du moyen-ge leur sujet. Forces physiques sous leur aspect lmental. Les forces
lmentales sont soumises la volont. Dbuts de l'volution lmentale. Les trois rgnes
lmentals. Classification complexe. Formes lmentales. lmentals agissant pour le bien et
pour le mal.
*
* *
En exposant les nombreuses considrations qui font de la doctrine de la
Rincarnation l'explication la plus plausible des voies que suit la Nature
pour effectuer le progrs et l'volution de l'me, j'ai voulu viter de
compliquer les arguments ; aussi n'ai-je fait qu'une allusion passagre aux
conditions varies permettant la conscience de fonctionner sur les divers
plans d'existence pendant la longue priode qui spare deux incarnations.
Mais, pour comprendre les diverses phases de l'volution spirituelle
accomplir dans cet intervalle, il est ncessaire de se faire une ide bien nette
des diffrents plans de la Nature qui, tout en tant hyperphysiques, ne
prsentent pas tous les mmes caractres de spiritualit pure et leve.
Le plan ou la rgion qui se trouve en contact immdiat avec notre plan
et dont les phnomnes deviennent tout d'abord perceptibles aux sens
psychiques du clairvoyant ordinaire ne peut, en aucune faon, tre
considr, par l'tudiant occultiste, comme un plan d'ordre purement
spirituel. Ceux qui, d'une faon ou [157] de l'autre, obtiennent le privilge
(ou trouvent l'occasion, grce aux facults des autres) de faire des
investigations dans les mystres de la Nature invisibles l'il physique,
commettent tout d'abord une mprise trs excusable : celle de prendre ce
royaume qu'ils sont mme de connaitre pour la totalit du royaume
spirituel, pour "l'autre monde", suivant le terme thologique usuel. Dans
cette vaste antichambre du monde spirituel, les conditions de la Nature ne
sont pas moins surprenantes pour ceux qui, aprs la mort, s'y veillent sans
tre instruits que pour ceux qui, tant encore en incarnation physique,
peuvent devenir aptes en observer les phnomnes.
Il me semble propos de conserver cette rgion le nom qui lui est
attribu dans la littrature mystique et occultiste europenne, celui de Plan
astral. Il n'est pas prcisment bien choisi, car cette rgion n'a rien de
commun avec les toiles, mais le temps l'a consacr depuis si longtemps,
Que faut-il entendre par cette subtilit de la matire ? Rien n'est plus
important, pour l'tude des plans hyperphysiques, qu'une comprhension
approfondie de cette question. Notre habitude de considrer la matire, telle
que la peroivent nos sens, sous ses tats liquide, solide et gazeux, pourrait
nous induire en erreur. En effet, suivant l'interprtation occulte, le gaz le
plus lger, l'hydrogne, n'est ni plus subtil ni plus thr que le plus lourd
des minraux. L'atmosphre et le rocher sont tous deux forms de matire
du monde physique. Pour ceux qui sont capables de percevoir la matire du
plan astral, celle-ci peut paraitre aussi solide que [161] l'or ou le granit, et
cependant la balance la plus dlicate n'en peut dceler la prsence ; par
contre, cette balance elle-mme, ainsi que le laboratoire qui la renferme,
resteraient invisibles pour tout tre dont les sens ne pourraient percevoir que
les seuls phnomnes du plan astral.
J'ai dj expliqu de quelle faon la matire du plan astral est soumise
l'influence des penses, de la sympathie et de la volont. Cette conception
s'accorde avec les conditions du plan astral, o la pense devrait tre, et est
rellement plus manifeste et plus visible que sur le ntre ; en sorte que les
tres de l'astral peuvent rciproquement voir leurs penses. C'est ici qu'il
faut chercher l'explication de bien des merveilleux phnomnes du
spiritisme moderne et de l'importance exagre que les aptres de ce
mouvement accordent ce plan d'existence d'astral) avec lequel ils se
mettent le plus facilement en relation. Une entit capable de lire leurs
penses prsentes, et mme celles oublies depuis longtemps et relgues
dans un pass lointain, peut rvler la connaissance d'incidents de leur
propre vie, qu'ils sont seuls connaitre. Il n'est donc point surprenant que
ces spirites puissent accorder une semblable entit un rang voisin de
l'omniscience spirituelle. Une personne, cependant, retenue encore dans la
rgion astrale, aprs avoir quitt le plan physique, et mme le Soi Suprieur
d'un clairvoyant ou d'un sensitif magntis fonctionnant dans le corps astral,
peuvent tre l'un et l'autre sujets des impressions illusoires qui proviennent
de cette mme transparence de pense qui les environne de toutes parts. Ils
prendront pour des ralits objectives les impressions qui ne seront que
l'cho d'autres penses ; d'autre part, la conscience humaine, transfre sur
le plan astral aprs la mort ou pendant [162] la trance, se trouvera en
prsence d'innombrables phnomnes, ralits objectives de ce plan, mais
qui paraitront si bizarres, si tranges mme, que souvent ils ne seront pas
compris. Sur le plan astral, en effet, nous sommes, non seulement en face
d'un ordre de matire spcial ce plan, mais aussi en face d'une espce ou
plutt de beaucoup d'espces d'tres spciaux cette rgion.
C'est dire il faudrait alors envisager la question du bien et du mal du point de vue scientifique et
la retirer du domaine de la lgislation Judiciaire. NPT.
par les tats de conscience les plus dgrads. L'me, dans son corps astral,
est projete aprs la mort dans une existence qu'elle-mme s'est
inconsciemment prpare durant la vie, et son progrs final est entirement
dtermin [167] (si nous portons notre attention sur l'action scientifique et
prompte de la loi naturelle) par la qualit de matire que contient son
enveloppe astrale. Par le fait, le vhicule astral de tout individu doit contenir
la matire astrale de chacune des sept subdivisions du plan ; mais ici
intervient une complication merveilleuse qui ne pourra manquer de captiver
tout esprit scientifique. La matire de chaque subdivision peut-elle mme
exister sous diffrents tats qui correspondent approximativement aux tats
solides, liquide, gazeux, etc. Or, si la matire du plan infrieur attire par le
corps astral d'un individu dtermin se trouve d'une qualit subtile et
thre, elle se dsagrgera trs rapidement, sans que l'individu soit
conscient du mode de dispersion de ses molcules ou atomes ; dans ce cas
l'me, dgage du corps, traverse la plus grossire subdivision du plan astral,
pour me servir d'une expression familire, comme la flche perce le nuage.
Il en est de mme pour la seconde subdivision. Si la matire de ce sous-plan
entrant dans la composition de l'enveloppe astrale est de la qualit la plus
subtile, elle se dsintgrera non moins spontanment ds que l'me se
trouvera sur ce plan ; en sorte que, par l'opration automatique d'une loi
naturelle, chaque me aussitt aprs la mort se trouve prcisment sur la
partie du plan astral laquelle correspondent ses affinits.
Si nous en revenons au plan infrieur, nous comprenons comment
l'me, dont le corps astral est compos surtout de la matire infrieure de
cette subdivision, peut y tre retenue pendant un temps apprciable, mme
trs long. L'existence sur ce plan est naturellement fort peu enviable. Sans
nous arrter discuter les superstitions fantastiques relatives aux [168]
souffrances physiques qui suivent la mort, nous comprendrons facilement
que lorsque le corps conscient tout entier, reprsent par une me, s'est
absorb en des dsirs uniquement matriels, il doit s'ensuivre un sentiment
de dsir intense que l'aprs-vie, mme sur les couches infrieures du plan
astral, est impuissante satisfaire ; ce sentiment d'impuissance doit
ncessairement donner lieu un tat de souffrance morale trs accentu.
Cette rgion de la Nature prsente certainement nos observations un triste
spectacle ; mais je m'attache plutt en ce moment dcrire les conditions du
monde hyperphysique qu' m'tendre sur leurs consquences morales.
amitis terrestres, et se sera plutt laisse dominer par ces sentiments ? Nous
admettrons volontiers que cet idal puisse comprendre [170] les jouissances
de l'affection ; mais si celles-ci ne forment pas l'lment prdominant si
les dsirs de cette me s'exercent surtout sur l'ensemble des circonstances de
la vie matrielle elle ne pourra se dtacher entirement de l'attraction
exerce sur elle par la contrepartie astrale des paysages et des scnes de la
vie terrestre.
Au lieu de chercher s'lever vers les rgions de la pense et du
sentiment vers ce plan spirituel dont les tats de conscience intrieurs
forment le contingent important la personnalit, que je viens de dpeindre,
se contentera d'une simple reproduction, sur le plan astral, de l'existence
banale qu'elle vient de quitter.
Comme je l'ai dj dit, la matire astrale est beaucoup plus plastique,
plus obissante l'imagination et aux dsirs que la matire grossire du plan
terrestre, et d'autre part le corps astral est totalement insensible la fatigue,
au froid, aux blessures et aux souffrances, ainsi qu' ces dsirs imprieux,
ces ncessits qui sont autant d'obstacles la ralisation du bientre idal
sur le plan physique. !Il s'ensuit que ceux des habitants du plan astral qui
sont simplement librs des dsirs physiques sans l'tre des dsirs matriels
peuvent se construire, ou imaginer une contrepartie thre de la vie
terrestre qui, dans un certain sens, est un monde complet, et un monde trs
peupl o pourront se renouer bien des amitis terrestres, o l'on peut mme
esprer revoir et accueillir ventuellement ceux qui manquent encore au
cercle intime des vieux amis runis l-haut.
Ces remarques s'appliquent particulirement la condition des trois
rgions suprieures du Kma-Loka, que nous considrons maintenant en
dtail. La [171] cinquime est celle o se reproduisent le plus compltement
les caractres extrieurs de la vie, sous son aspect le plus gracieux, quoique
toujours non spiritualis. Ici nous apparaissent, dans leur dveloppement
complet, les conditions relles qui servent de base la conception de ce plan
astral, peut-tre trop idalise, que se forment quelques spirites et, qu'ils
dsignent par le nom de "Terre printanire" (summerland). Dans cette
condition de l'existence, les tres s'aperoivent fort bien qu'ils ont quitt la
terre et subi ce changement qu'on nomme la mort, mais ils se croient
transports dans un autre monde qui leur offre des intrts et des occupations
semblables ceux qu'ils viennent de quitter, sans toutefois prsenter l'aspect
pnible ou douloureux qui les caractrisait ici-bas. Les habitants de cette
rgion se crent des demeures, des glises, des divertissements, de la
CHAPITRE VIII
LES LMENTALS
Terminologie du moyen-ge leur sujet. Forces physiques sous leur aspect lmental. Les forces
lmentales sont soumises la volont. Dbuts de l'volution lmentale. Les trois rgnes
lmentals. Classification complexe. Formes lmentales. lmentals agissant pour le bien et
pour le mal.
*
* *
Peu de sujets, dans les sciences occultes, prsenteront autant de
difficults l'tudiant que l'tude des lmentals. On pense bien que ce
terme s'applique certains esprits ou entits du plan astral. On a bien
constat qu'ils n'appartiennent pas l'humanit, bien qu'ils soient soumis au
contrle de la volont humaine ; on sait aussi qu'ils se divisent en varits
innombrables, mais, avant la publication du magnifique trait de M. C. W.
Leadbeater sur le "Plan Astral", tous les renseignements, dont on disposait,
ont plutt obscurci qu'lucid le mystre concernant la place et la fonction
de ces tres dans l'volution. Au dbut de 1 enseignement thosophique on
prfra rserver toute information sur les lmentals, sous prtexte qu'il tait
presque impossible d'tre explicite sur ce sujet, sans rvler des secrets
concernant l'exercice du pouvoir occulte. C'tait par l'intermdiaire des
lmentals, nous disait-on, que s'obtiennent les phnomnes de l'occultisme,
ainsi que ceux qui, d'une faon peu scientifique, se manifestent sous forme
de faits merveilleux [175] dans quelques sances spirites. Quelques livres
thosophiques ont fait allusion aux lmentals de la terre, de l'air, du feu et
de l'eau ; aux gnomes, sylphes, salamandres, ondines selon la
nomenclature adopte par quelques auteurs du moyen-ge dans les mystres
occultes ; mais tout expos de ce genre obscurcissait l'ensemble du sujet
au lieu de l'clairer, et l'tudiant, dj instruit, pouvait se demander s'il n'tait
pas voil dessein.
Quelques-uns d'entre nous ont cependant trouv le moyen de taire, pas
pas, quelques progrs dans la comprhension de ce mystre profond et
compliqu. Si nous constatons un accroissement graduel dans le nombre des
tudiants, de la Thosophie moderne, capables de transfrer leur tat de
conscience sur le plan astral, et conservant ensuite, dans leur conscience
normale, un souvenir de ce qu'ils y ont appris ; il devient possible, nombre
d'entr'eux, de franchir les barrires qui sparent la science du monde
extrieur de la connaissance des occultistes initis. Et c'est ainsi que nous en
supposer tout fait la conscience et la volont de l'animal, mais elle est, dans
une certaine mesure, vivante et susceptible d'tre dirige par une conscience
d'un ordre suprieur.
L'action de la volont humaine sur la force lmentale varie
naturellement dans de grandes limites, bien plus grandes encore que celles
qui sparent les aptitudes d'un cuyer habile de celles d'un cavalier ordinaire.
Sans pousser l'analogie plus loin, on peut cependant, par cet exemple des
relations entre l'homme et l'animal, arriver se rendre compte de celles qui,
sur le plan astral, peuvent exister entre l'homme et les lmentals. Avec du
courage et de la confiance en [180] soi, certains hommes peuvent en imposer
aux btes les plus froces, alors qu'un manque de rsolution ou de courage
pourrait bien intervertir les rles. Pour les mmes raisons, les lmentals
repousseront la domination humaine si l'individu, qui intervient, ne se
montre pas la hauteur de sa tche ; et cependant, sur le plan astral, la force
lmentale est, dans une large mesure, docile l'influence d'une volont
humaine trs moyenne et mme un dsir s'exprimant peine comme acte
conscient de volition.
Nous n'avons pas la prtention d'expliquer comment cette force
lmentale arrive s'exprimer sur le plan physique ; mais l'exprience du
phnomne occulte, jointe aux affirmations abstraites de son enseignement,
nous prouvent que la transition est possible. Ce serait seulement, par un
entrainement occulte appropri, que la volont de l'oprateur arriverait
impressionner suffisamment l'agent lmental associ au morceau de
charbon et l'amnerait mettre en activit sa manifestation physique 18. Ceci
est l'explication de ces phnomnes bien authentiques, de feux ou de lampes
allums d'une manire anormale sous l'influence de certains cas particuliers
de mdiumnit ; et la donne occulte nous porte croire que ce genre de
phnomne tait familier parmi les occultistes avancs.
Un autre exemple des rapports existant entre les forces du plan physique
et le rgne lmental est dmontr par certains phnomnes naturels, encore
moins connus que ceux de la combustion.
Voyez ce lourd bloc de pierre que nous dsirons soulever ; nous
mesurons trs exactement la force qui [181] l'attire vers le centre de la terre ;
nous l'appelons d'un nom connu, mais nous connaissons peu son mode
d'action. Sur le plan physique, nous ne pouvons la dominer qu'en lui
18
Voir la remarquable tude de l'auteur Pyramids and Stonehenge dans laquelle il donne une
explication scientifique trs intressante de la force employe jadis par les constructeurs de
pyramides. NDT.
20
au premier abord, elle peut suggrer d'une faon gnrale et indcise l'ide
que les rgnes de la nature que nous connaissons sont le rsultat de certaines
forces mystrieuses agissant sur une matire d'ordre plus subtil que celle en
laquelle elle se convertit ultrieurement. Il parait maintenant que les trois
rgnes lmentals qui prcdrent notre volution minrale n'ont pas
disparu ; nous faisons partie d'un stade ultrieur de ce processus, mais les
agents prcdents sont encore en activit.
Il existe trois rgnes lmentals, bien distincts, relis l'volution de
notre chaine plantaire c'est--dire qu'en considrant la matire un autre
point de [183] vue, la force se manifeste sous trois aspects diffrents. Ces
lmentals n'appartiennent pas tous au plan astral ; les deux rgnes
suprieurs peuvent tre considrs comme tributaires de plans plus subtils,
quoique interpntrant l'astral. Rappelons-nous que le plan astral est une
sphre d'activit pour des facults suprieures celles qui lui appartiennent
en propre, et qu'il se divise en sous-plans qui diffrent trs sensiblement les
uns des autres. Souvenons-nous encore qu'en parlant maintenant des deux
rgnes "suprieurs" d'lmentals, nous rtrogradons le parcours suivi par
l'volution pendant la descente de l'esprit dans la matire.
Les rgnes lmentals suprieurs furent les premiers dans l'ordre de la
manifestation, les premiers qui mergrent de la non-manifestation. Le plus
infrieur des trois est le plus dvelopp et le mieux organis, car il touche
de plus prs au plan physique qui est plus dvelopp encore, mieux labor
et plus parfait sous le rapport de la matrialit.
On ne peut atteindre aux rgnes suprieurs que par des pouvoirs
appartenant, pour ainsi dire, au mme niveau spirituel que ces rgnes. Pour
y arriver, un tre humain devrait remonter le cycle de son volution jusqu'au
point o sa conscience et sa volont (ayant, en plus, les expriences de
l'incarnation physique) se retrouverait encore en activit sur les plans
spirituels. Cette pense n'a rien d'embarrassant pour celui qui aura saisi les
premiers principes de la donne occulte en relation avec l'volution
cosmique ; et leur importance, dans le sujet qui nous occupe, simplifie notre
tude au lieu de la compliquer.
Pour le moment, nous pouvons ignorer les deux premiers rgnes
lmentals. Le troisime, c'est--dire [184] celui qui se rapproche le plus de
la manifestation physique, concerne le plus directement la conscience
humaine normale. Pour les investigateurs du plan astral, capables de voir
ces phnomnes et sans avoir, pour cela, atteint un niveau trs lev dans
Le lecteur non familiaris avec la gomtrie descriptive transcendante, aura quelque difficult
suivre l'auteur dans cette partie de son expos. NDT.
impuissantes nuire aux hommes de sang froid qui opposent leurs attaques
une volont ferme ; mais elles peuvent souvent tourmenter, faire souffrir
mme ceux qui envahissent leur domaine, et dont l'effroi paralyse les forces.
D'autres formes lmentales, non moins relles, et existant comme
entits temporaires bien dfinies, peuvent revtir l'aspect le plus agrable et
exercer une action bienfaisante si elles sont appeles la vie par des penses
d'amour et de charit. Mais la dure de leur existence dpendra de la
persistance de la volont [189] qui les a fait naitre, et lorsqu'elles ont rempli
leur mission ou perdu leur cohsion par le relchement du pouvoir qui les a
voques, elles se rsorbent dans l'ocan d'essence lmentale laquelle
elles appartiennent ; les lments qui constituaient cette forme lmentale
peuvent ainsi servir quelque nouveau but bon, mauvais ou insignifiant.
Ces dernires explications pourront donner une interprtation
scientifique (au point de vue occulte) l'histoire des "Dieux" tutlaires de
quelques temples indiens ; les esprits occidentaux les qualifient
naturellement de superstitions vides de sens ; car ils sont frapps du
caractre inadmissible de la croyance indigne sous son aspect lmentaire,
et ne possdent pas la connaissance occulte qui pourrait leur montrer la
potentialit naturelle qui s'y trouve cache. L'essence lmentale revtue
d'une forme, si elle est anime ds Sa cration par une volont humaine
suffisamment puissante, peut persister dans cette forme pendant de longues
priodes et manifester des pouvoirs en harmonie avec son impulsion
primitive ; il n'est pas surprenant, ds lors, qu'une populace ignorante lui
confre le pouvoir surnaturel d'un demi-Dieu.
la tte de chacune des grandes divisions d'lmentals se trouvent des
tres d'une nature permanente, bien dfinie, et du caractre le plus lev, qui
contrlent ou inspirent toutes les manifestations de l'nergie lmentale. On
ne peut en savoir davantage sur la nature et la constitution de ces tres, sinon
qu'ils sont d'ordre cosmiques : ce sont les agents des Lipikas. N'appartenant
pas notre volution, ils n'appartiennent pas notre systme volutif
humain, et, comme bien on pense, ne peuvent tre dcrits dans des termes
appropris la mentalit humaine. [190]
L'existence de ces tres est nanmoins un fait, et il concorde avec ce
grand principe, que la donne occulte nous prsente sous bien des formes ;
d'aprs lequel toutes les lois de la Nature sont l'expression de la volont
d'tres conscients, placs un niveau plus ou moins lev dans le systme
universel et dont la puissance s'exerce en harmonie avec la Volont suprme
et cache qui les guide. Au point de vue occulte, la force aveugle est une
chose qui n'existe pas. Dans ses manifestations les plus infrieures, la force
peut paraitre aveugle elle peut se frayer une voie bien dfinie, insoucieuse
des obstacles qu'on lui oppose ; mais son origine primitive cette force est
gnre par une volont intelligente.
Un problme se posera ici, naturellement, en rflchissant aux penses
que nous venons d'mettre. Quelle est la matire qui semble former le
vhicule de ces lmentals, de forme et d'aspect bien dfinis ? Est-ce bien
un vhicule au vrai sens du terme, comme le corps physique ou astral qui
peut, sous certaines conditions, servir de vhicule la conscience humaine ?
Ou bien le vhicule apparent de la force lmentale est-il aussi de la mme
essence que cette force ? Une statue de marbre ou un nuage vaporeux sur un
ciel clair peuvent avoir chacun une forme dfinie ; mais leur surface
extrieure n'est pas d'une matire diffrente, par sa nature, de celle du
marbre ou de la vapeur en question. C'est ainsi que l'lmental qui nous
apparait sous une forme grotesque, humaine ou animale, peut tre cependant
d'une constitution homogne c'est autant de force lmentale vivante,
agissant dans des conditions dtermines, et tirant sa forme extrieure de la
pense cratrice qui l'voque. Des deux conceptions, celle-ci me parait la
plus rationnelle, bien [191] qu'elle ne s'impose pas l'imagination sans
difficult. Mais il faut nous souvenir que l'ordre volutif du monde qui nous
entoure procde, travers les rgnes lmentals vers le rgne minral, et de
l vers des rgnes suprieurs d'tres organiss. Les lmentals ne sont pas
les habitants d'un monde tout agenc ; ils sont les fondations, la substance
du monde. Ils pourront subir des transmutations mystrieuses ; mais avant
de parvenir ces hautes rgions de conscience humaine qui sont l'apanage
de l'essence spirituelle, on ne rencontrera rien dans le monde qui ne soit
lmental par sa nature. Les cellules minuscules, dont se composent le corps
de l'homme ou de l'animal, sont des produits volutifs du rgne lmental.
La matire et la force sur le plan physique sont des lmentals condenss
matrialiss. Les lmentals, visibles sur le plan astral, sont de la matire et
de la force thrises. Ils sont en relation avec leurs propres manifestations
infrieures comme la vapeur est en relation avec la glace, et l'acide
carbonique gazeux avec l'acide carbonique neigeux. Ils n'ont besoin d'aucun
vhicule pour se manifester l'inverse de la conscience humaine qui en
exige un. Ils sont la fois vhicule et vie (mais non pas conscience).
CHAPITRE IX
LE PLAN SPIRITUEL
Ceux qui devancent l'volution normale. Pourquoi il est ncessaire que certains tres le fassent.
Grandeur de cette entreprise. Possibilit d'un avancement goste. Le champ du sentier du
dvouement. Ses premiers disciples. Impulsion du dveloppement de la 5e race. Les motifs de
l'effort vers le dveloppement, La souffrance humaine et la compassion des Adeptes. Le
gouvernement divin de l'univers et ses ministres.
*
* *
Livrons-nous maintenant la contemplation de ce royaume spirituel,
dont le plan astral n'est que l'antichambre. Ds l'abord il faut avoir prsent
l'esprit la dualit d'aspect de ce royaume, qui correspond la dualit d'aspect
du plan astral. Le plan spirituel reprsente un tat spcial pour les mes de
condition normale qui, entre deux priodes d'incarnation, s'y reposent dans
de dlicieuses motions ; il reprsente une autre condition pour l'go purifi
de l'initi qui, vivant encore, est capable de s'lever ce niveau de
conscience, tout en prenant part aux conditions d'activit et de responsabilit
morale que comporte la vie terrestre.
Les entraves, causes par une ide religieuse mal dveloppe, sont de
nature empcher ceux d'entre nous qui ne sont pas des occultistes entrains
de comprendre cette distinction. On se figure volontiers que le Ciel offre,
ceux qui passent de la vie la mort, des conditions d'lvation et de progrs
beaucoup plus hautes qu'elles ne le sont rellement. Bien que le [194] champ
de ces possibilits soit, pour ainsi dire infini en ce qui concerne la
connaissance et l'lvation de la conscience dans chacun des cas elles
rpondent exactement aux caractres d'volution spirituelle de l'me. Il
n'existe en fait aucun plan de la Nature qui ne soit soumis la loi de cause
et d'effet. Si nous transplantons au Ciel une conscience, un tre dont les
attributs ne s'lvent pas au-dessus des sentiments ordinaires de la vie
physique, le Ciel ne lui offrira, ainsi qu'il ses pareils, rien de plus que la
jouissance engendre par ces mmes sentiments. Vous ne changerez pas la
nature d'un sauvage d'Afrique en le transportant dans une contre civilise
et en le plaant, sans transition, dans un milieu artistique, scientifique et
littraire. Je dirai mme, en me servant d'un exemple familier, que si l'on
offre ce sauvage toutes les ressources imaginables de la civilisation, il ne
choisira que les agrments de la nourriture, de la boisson et du confort
matriel, seuls objets que son exprience de la vie lui fasse considrer
archives est accessible aux facults spirituelles qui s'exercent librement sur
le plan spirituel. Nous sommes alors en mesure de nous souvenir de tout ce
qui s'est pass dans l'histoire de notre monde, non de cette faon vague ou
obscure propre la mmoire physique, mais en voyant se drouler devant
nous et avec tous leurs dtails les scnes du pass ou la succession des
vnements qui attirent notre attention.
Mais ces archives ne se droulent que si l'attention s'y fixe dans un but
dtermin. C'est l un point extrmement important ; et l'on verra que
l'Aksha ne revt son caractre panoramique que pour les mes du plan
spirituel inspires du dsir de les consulter. Pour l'individu qui meurt dans
les circonstances usuelles et qui, aprs sa libration du plan astral, passe sur
le plan spirituel, ces archives commmoratives de la Nature sont pour lui
lettre morte si toutefois l'esprit de cet homme n'a pas t pouss les
consulter.
Quoique le plan spirituel soit sujet certaines limitations pour ceux qui
y entrent par la voie ordinaire, il ne s'ensuit pas que son caractre de flicit
soit limit de la mme faon. Dans cette bienfaisante atmosphre, il n'y a
place pour aucune souffrance de quelque nature qu'elle soit. Tous ceux qui
y parviennent se trouvent, par ce seul fait, pntrs d'un sentiment intime de
joie, de flicit pure et sans mlange. Les luttes, les souffrances de la vie
incarnes, sont finies, abandonnes pour un temps et un temps mme trs
long. L'me plonge dans le ravissement a sans cesse conscience de la
prsence des tres et des choses indispensables son bonheur parfait,
pourvu que ces conditions de bonheur soient susceptibles [197] d'expression
sur le plan spirituel. D'ailleurs, si cette me tait assez peu volue pour ne
comprendre la jouissance que dans un entourage tout fait matriel, elle ne
pourrait jamais avoir accs au plan spirituel. Mais il ne s'agit pas ici des
mes que leurs attaches terrestres retiennent dans l'astral, mais bien de celles
qui, si faibles qu'elles soient, se sont leves plus haut.
Au premier abord, l'tudiant pourra juger peu satisfaisant ce genre de
bonheur spirituel ; il pourra trouver mme un caractre illusoire la flicit
promise aux habitants du ciel que je dpeins. Prenons le cas d'un individu
que nous dsignerons par la lettre A et dont le bonheur dpend de son
intimit avec B Sur le plan spirituel il jouira de cette intimit. Mais
supposons que B ne comprenne d'autre bonheur que l'amiti de C Il est
possible que B ne se soucie nullement de A On pourrait objecter ici que
A se mprend lui-mme, qu'il est dupe d'une illusion dont la dcouverte
rduirait nant son bonheur. Cette critique est dfectueuse, parce qu'elle
nous posons des problmes que les ressources mmes du plan dvachanique
sont impuissantes rsoudre.
Il faut toujours nous souvenir que le plan spirituel, considr ici, est le
plan spirituel de ce monde. L'imagination ignorante commet souvent l'erreur
d'apporter dans sa conception du Paradis une certaine incohrence d'ides.
Elle se figure que l'me quittant la vie terrestre, au stade actuel de l'volution
humaine, glisse sans transition dans un Paradis que l'on croit tre le Ciel
homogne du Cosmos universel, et o nous serions tous mis en prsence de
la Divinit absolue et susceptibles [204] de prendre part son omniscience.
La science occulte exposant les faits de la Nature qu'elle est mme
d'approfondir, nous dcrit le plan spirituel de ce monde, dans lequel les mes
des mortels sont appeles sjourner pendant un certain nombre d'annes,
avant de retourner immanquablement vers une nouvelle incarnation
terrestre. Elle tient pour absurde que le Ciel actuel de notre humanit puisse
tre celui de l'univers entier ni qu'il doive durer ternellement. Dans les
limites de l'ternit, qui pourrait dire quels sommets nous seront accessibles,
avec quels plans d'existence, quels tats de conscience nous pourrons entrer
en contact ? Le vritable occultiste est aussi soigneux d'viter les
dngations dogmatiques, que le vritable savant se garer de ces piges
intellectuels. Mais le vrai scientiste avoue que beaucoup de choses dpassent
sa science, et se contente d'affirmer celles qui sont de sa comptence. Il en
est de mme dans la science occulte. L'observateur, possdant les dons
ncessaires, peut rellement entrer en relation avec le plan spirituel de la
terre, et y reconnaitre les mes de ceux qui ont vcu sur terre. Il peut mme
comprendre et considrer ce plan, comme faisant partie du grand plan de
l'volution humaine, et constituant cette ralit que s'efforcent d'atteindre
ceux qui aspirent aux joies du Paradis. Le vritable occultiste sait aussi que
bien des conceptions du Ciel, adoptes par l'imagination humaine, sont au
moins prmatures et que quelques autres sont mme grotesques.
Le dveloppement, l'volution et l'exprience que l'homme acquiert,
soit dans son corps, soit hors de son corps, se dterminent toujours par des
transitions graduelles, quelque infini que puisse nous paraitre l'ensemble des
possibilits qu'un avenir lointain lui rserve. [205]
Le Ciel dont notre race actuelle jouit entre deux incarnations est sujet
des limitations ; il n'en faut pourtant pas dduire que tout progrs spirituel
au-del de ces limitations soit jamais interdit l'humanit. Les errements
de la pense moderne ce sujet tiennent en grande partie ce fait que les
esprits cultivs de notre poque ont oubli la grande loi de rincarnation,
dans laquelle une longue srie d'existences jouent le rle que les croyances
populaires attribuent une seule vie. La plan spirituel de notre monde, o
les tres humains prouvent, pendant les dix ou vingt sicles sparant deux
incarnations, la joie la plus intense qu'ils soient capables de concevoir, peut
tre envisag comme un simple lieu de repos pour un tat de conscience plus
lev qui sera gnralis dans un avenir loign, et que quelques mes
sublimes ont dj atteint aujourd'hui. Mais, en ralit, ceux qui ont l'habitude
de se figurer le Ciel, qui les attend, comme s'tendant tout l'Univers, seront
peut-tre dsappoints ; mais cette dception ne saurait provenir que d'une
imparfaite comprhension des relations existant entre leur tat de conscience
actuel et l'infini. L'enfant tendant la main pour saisir la lune est un faible
exemple de la faon dont certains penseurs mconnaissent leur propre
niveau spirituel, car rien ne saurait les satisfaire, aprs la mort, sinon la
totalit des potentialits du Cosmos.
Ces rflexions me ramnent au cas de cette me qui, mme sur le plan
spirituel dont je viens de parler, pourrait aspirer vers une connaissance plus
tendue encore que ne le comportent les ressources de ce plan. Le Ciel
spirituel, qui n'est jamais que l'aspect spirituel de ce monde, renferme en ses
limites de nombreuses conditions diffrentes. Dans l'tat que j'ai cherch
[206] dpeindre les ressources de ce plan rpondent la soif de bonheur
prouve par la gnralit des hommes, en leur donnant la conscience
intensifie des affections qu'ils dsirent, et en outre des occasions presque
illimites de s'instruire. Mais cet tat n'est, aprs tout, que le premier degr
de la vie spirituelle. Il suffit si compltement la condition normale de la
conscience humaine que des milliers d'tres sont incapables d'une aspiration
plus leve. Mais ceux dont les aspirations latentes furent trs
spiritualises durant la vie incarne, le plan spirituel rvlera graduellement
des possibilits d'un degr suprieur ; leur me passera peut-tre des sicles
dans l'tat prcdent, puis ses aspirations latentes, vers une condition plus
pure encore de conscience spirituelle, pourront s'affirmer ventuellement.
Cette me s'veillera alors la perception de ce fait, qu'au-del de la brillante
lumire dans laquelle elle existe, une autre lumire rayonne d'un clat plus
blouissant encore, dont elle approfondira plus tard les mystres.
Par cette raison, bien que le plan spirituel ne soit pas une rgion
compatible avec l'effort ou la lutte, d'anciens efforts et les luttes antrieures
de la vie terrestre y donnent l'me une impulsion progressive qui se traduit
en progrs conscient dans le royaume spirituel. Le langage serait impuissant
suggrer la nature des rsultats dtermin par ce progrs ; voici nanmoins
mesure, cette loi dont je viens de parler s'applique galement aux individus
qui, sans tre volus pour agir librement sur le plan dvachanique pendant
leur [216] vie terrestre, le sont nanmoins suffisamment pour vitaliser
inconsciemment leur propre image, idalise et voque par le penseur
dvachanique.
Une explication scientifique de ce fait nous entrainerait des
dveloppements bien subtils au sujet de l'unit, sur les plans suprieurs, de
toutes les natures vraiment spirituelles, et il est prfrable de ne pas aborder
ici cette partie obscure de mtaphysique occulte. tous gards, l'tudiant en
occultisme qui ne peut encore se considrer comme "sur le sentier" c'est-dire comme un disciple rgulier, dont le sort futur est soumis des lois
diffrentes de celles qui rgissent la vie dvachanique normale, se rjouira
des possibilits auxquelles j'ai fait allusion. Si sa ferveur spirituelle
s'accompagne d'une sympathie particulire pour quelque grand Adepte, dont
la renomme soit parvenue jusqu' lui, et dont le caractre sublime lui
inspire une confiance justifie, alors mme qu'il ne serait pas encore prt
entrer positivement dans le sentier de l'initiation, ses expriences
dvachaniques seront glorifies par la prsence de ce grand Adepte, dans
une vision dvachanique trs relle. Peut-tre ne pourra-t-il pas profiter de
son enseignement aussi entirement qu'il le ferait un stade ultrieur de son
volution, mais rien ne saurait interrompre le lien qui les unit, sauf une grave
dgnrescence dans ses existences suivantes.
En interprtant les mystres occultes, on ne peut tout dire la fois, aussi
n'ai-je pas encore abord une question qui frappera l'esprit de tout lecteur
voulant se rendre compte des expriences de ceux qui pntrent volont
sur le plan dvachanique.
Quel aspect leur prsente ce lieu ? Ou plutt car il ne s'agit pas d'un
lieu, au sens physique du mot, [217] sous quelle apparence voient-ils la
Nature, au point o ils se trouvent placs ?
Ceci nous amne l'un des cts les plus importants de notre sujet
l'aspect des subdivisions du plan dvachanique. Tout comme le plan astral,
il se divise en plusieurs rgions dont les caractristiques diffrent
largement ; mais il ne faut pas oublier que le sous-plan infrieur est dj si
merveilleux que l'me, son premier veil sur cette rgion, la considre
comme l'infini et la perfection mmes. Il n'est pourtant que le premier degr
d'une nouvelle chelle de perfection. Le Dvakhan comporte sept stades
progressifs bien dfinis que nous considrerons, pour en faciliter la
23
En sanscrit ces deux divisions se nomment : Rpa et Arpa (le se prononce toujours ou). NDT.
Lusage a consacr, dons la littrature thosophique franaise, le nom de Corps causal pour le
Karana Sharira, de Karana, cause ; Sharira, Corps. Nous remplacerons donc dans le texte anglais les
mots Karana Sharira par Corps causal. NDT.
qu'il ne reste plus d'expression pour qualifier la condition aroupique. Sur les
couches roupiques, nous l'avons vu, le monde qui environne chaque entit
est un monde idal ; abstraction faite ici des tres qu'un certain
dveloppement met en tat d'y fonctionner temporairement ; il est
permanent pour elle et lui [225] reprsente l'ensemble parfait de ses dsirs
et de ses sentiments les plus levs. Mais si son volution spirituelle se
trouve de nature l'lever ventuellement jusqu'aux plans aroupiques, elle
n'aura d'autre idal que la ralit absolue des choses.
Sur les plans aroupiques, un tre voit ses semblables exactement tels
qu'ils sont ; et cette perception n'est point un obstacle la batitude parfaite
de chacun d'entre eux ; parce que tout individu, capable d'exister
consciemment sur ces plans, est tellement au-dessus des limitations de
l'existence, telle que nous la comprenons ici-bas, que l'illusion n'est plus
ncessaire son bonheur. Les sentiments d'amour et d'affection que nous
ressentons ici-bas sont en quelque sorte le rsultat de notre conscience
limite et cependant cette pense sera difficile faire accepter celui qui n'a
jamais cherch dpasser les confins de l'existence terrestre. Pourtant, ces
sentiments ne sont pas touffs ou dissips par leur transfert sur des rgions
o les limitations qui les ont gnrs se fondent dans l'unit spirituelle ; mais
leur nature se modifie entirement sous l'influence de cet tat transcendant.
Ils perdent toute relation avec les circonstances transitoires qui donnent
naissance l'idal, aux illusions mme les plus sublimes. Les mots peuvent
peine rendre des penses d'un caractre aussi subtil. Toutefois, que celui
qui dsire se former une conception de l'tat aroupique concilie ces deux
ides : Il est impossible de mconnaitre la vraie ralit sur ce plan ; d'autre
part, le regret et le dsappointement ne peuvent y trouver place.
Le vhicule du Soi Suprieur appel, comme je l'ai dit, Karana Sharira,
dans la terminologie occulte et Corps Causal, dans un langage plus simple,
est la [226] forme que doit revtir toute entit qui se manifeste sur l'un
quelconque des plans aroupiques. Le Soi Suprieur fonctionne dans cet
unique vhicule permanent, pendant toute la dure du Manvantara, animant
successivement de nombreuses personnalits.
Le dveloppement de l'me tant le but final de notre volution, nous
en dduirons avec raison que, dans les priodes primitives, le Corps Causal
dut tre fort peu dvelopp chez l'individu. La grande majorit de
l'humanit, notre stade actuel, est encore incapable d'activit consciente
sur les niveaux aroupiques. Le Corps Causal volue graduellement,
recueillant, comme entit permanente, les quelques fruits que lui apportent
Il est prsumer que le Corps Causal de tout tre humain doit exister
dj l'tat d'embryon plus ou moins dvelopp sur le plan aroupique
infrieur. Sur le plan intermdiaire se trouvent les Corps Causals, [228]
parvenus un dveloppement intellectuel et spirituel, dj trs important, et
sur le plan suprieur, les tres seuls qui ont ajout ce dveloppement
l'acquisition volontaire de la connaissance et du pouvoir correspondant, pour
le moins, au premier des grands stades d'initiation. Ce processus de
l'initiation nous reprsente l'accomplissement prmatur de l'volution que
doit atteindre l'humanit vers la deuxime moiti du Manvantara. Cette
priode, une fois dpasse, l'volution aura entrain le plus grand nombre
des hommes sur ces niveaux qui ne sont accessibles prsentement qu' ceux
d'entre eux qui ont gravi ce sentier avec une rapidit surprenante.
En consquence, nous en apprendrons davantage sur le plan aroupique
suprieur, en tudiant l'volution anormale, que si nous nous en tenons son
dveloppement normal.
Nous reprendrons ce sujet plus tard, en dcrivant spcialement le
processus de l'initiation. Pour l'instant, il n'est pas ncessaire d'introduire le
plan aroupique suprieur dans une tude restreinte du cours normal de
l'volution que poursuit l'entit humaine et des progrs qu'elle accomplit
dans la priode qui spare deux incarnations.
Nous pouvons nanmoins faire pressentir en terminant ce sujet que les
conditions spirituelles accessibles l'me humaine, encore en relations avec
cette terre, ne s'arrtent pas aux plans de la Nature que nous avons dcrits
jusqu'ici. La donne occulte nous enseigne qu'au-del des niveaux
aroupiques se trouve un tat spirituel, plus transcendant encore, et cependant
accessible l'homme. Mais il est inutile, dans un langage physique, de
chercher dcrire les caractristiques de ce plan, qui se trouve d'ailleurs en
dehors [229] des cycles naturels de l'existence humaine ; au cours normal
des choses, l'me, aprs la mort, ne s'lve pas jusque-l. Elle redescend, au
contraire, des plans spirituels que nous avons dpeints, pour se rincarner
en temps voulu. Il n'est donc pas ncessaire de considrer maintenant cette
rgion transcendante ; mentionnons seulement en passant qu'elle constitue
cet tat de ravissement spirituel innarrable que la Thosophie orientale
dsigne sous le nom de Nirvana.
CHAPITRE X
*
* *
Tous ceux qui ont tudi la donne thosophique lmentaire sont dj
familiariss avec les ides qui vont suivre. La plante, que nous habitons
actuellement, fait partie d'une srie continue sur laquelle se dverse la vague
de vie humaine ; celle-ci ne se manifeste en pleine activit que sur une seule
plante la fois, et pendant une priode dtermine. Le cours du Manvantara
entier comprend un voyage septnaire autour de cette chaine de mondes ;
chacun de ces mondes entre successivement en pleine activit puis retourne
dans une obscuration relative aprs le passage de la vague de vie. Ce passage
sur les sept globes est appel conventionnellement une "ronde", et sept de
ces rondes composent le Manvantara entier 25.
Les preuves et les luttes pour la vie ne sont pas galement rparties sur
tous ces globes ; sur quatre d'entre eux (deux qui se trouvent sur l'arc
descendant et deux [231] sur l'arc remontant du cercle), l'humanit n'est
mme pas soumise l'preuve de l'existence physique. Sur le premier globe
de la srie, les conditions d'existence correspondent tout fait celles de
notre plan dvachanique ; tandis que l'tat de matire le plus grossier que
puisse atteindre le deuxime globe est analogue celui de notre plan astral.
Sur la troisime plante de la srie descendante, la vie se manifeste dj dans
le vhicule physique, et cette plante est par consquent perceptible nos
sens actuels ; c'est par le fait la plante. Mars. Aprs avoir dpass notre
stade terrestre, l'humanit fonctionne encore sur un globe physique la
plante Mercure passe ensuite sur la sixime, dont la matire la plus dense
est astrale, puis encore sur une septime, qui, comme la premire, est de
nature dvachanique. Notre terre occupe le point milieu dans la srie de
chaque ronde, et cette priode d'activit terrestre est la priode mdiane du
25
26
27
La carte gographique a donc dj chang quatre fois depuis le dbut de notre priode mondiale.
Le manuscrit Troano a t dcouvert en 1866 par l'abb Brasseur de Bourbourg Madrid chez un
M. don Juan de Tro y Ortolano descendant de Fernand Corts. NDT.
les luttes et les efforts de toutes ces existences ont t perdus et gaspills. Il
n'en est rien cependant.
Un temps tout aussi considrable a t ncessaire la formation des
stalactites, ce prodigieux monument de patience de la nature, et celui qui
sait apprcier les analogies en comprend la signification. Si lent qu'ait t le
progrs au cours incommensurable des ges, le rsultat atteint, en ce qui
concerne aujourd'hui l'individualit spirituelle de l'tre humain, reprsente
une volution suprieure celle de la stalactite, car il faut savoir apprcier
la diffrence entre cette premire uvre de la nature et celle qui parachve
cette forme minrale, bien ancienne il est vrai, mais prissable.
Mais quelle route parcourir pour l'go, en voie de dveloppement,
depuis cette seconde moiti du Manvantara jusqu' la ralisation complte
de ses possibilits ? Faut-il en mesurer l'tendue d'aprs le terrible voyage
accompli, dont seul l'engourdissement de notre nature suprieure nous voile
l'insupportable lenteur ? value d'aprs la place occupe actuellement par
l'humanit et celle qu'elle doit atteindre la fin du Manvantara, la distance
parcourir est au moins gale celle qui spare l'un des meilleurs spcimens
de la civilisation moderne, un homme remarquable par ses connaissances
scientifiques et ses talents littraires, d'un sauvage inculte de la terre de Feu.
Il est dans les plans de la Nature que la majorit de la grande famille
humaine atteindra, l'expiration de la septime ronde, une condition telle
que la libert dont elle jouira alors surpassera autant celle de notre existence
terrestre, que celle de l'homme actuel surpasse celle de la pierre. [234]
Si, en imagination, nous attribuons la pierre une conscience
quelconque, cette conscience ne pourra tre que fort restreinte ; la pierre, en
effet, existe l o elle a t jete, et ne peut se transporter volontairement
d'un point un autre.
L'homme peut, dans certaines limites, se transporter volont sur la
surface de la terre ; mais par rapport l'tre qu'il doit devenir, il est aussi
emprisonn dans son vhicule, aussi enchain un mme lieu par ses
capacits limites, que la pierre que nous lui comparions tout l'heure.
L'homme, par : venu au stade final de perfection, pourra se servir du corps,
qu'il possdera alors, comme d'un simple instrument, qu'il revtira ou
abandonnera volont. Les royaumes suprieurs de la Nature, dont j'ai parl
en cherchant dcrire le cours des expriences humaines depuis la mort
jusqu' la renaissance, d'autres rgions, encore mille fois plus
transcendantes, seront aussi accessibles cet homme que les diverses
pas un espace infini ou homogne, mais bien le plan astral de cette terre,
les tudiants de l'sotrisme, sont quelquefois embarrasss par cette
question : Quel est, dans la srie ascendante, le plan qui est commun avec
tout le systme solaire et quel est le plan commun avec le Cosmos ? La
rponse se trouve dans ce fait que chaque plan est reprsent par de la
matire diffrents tats de subtilit ; c'est -dire, les sept tats habituels.
Les sous-plans infrieurs sont toujours localiss autour de chaque plante,
mais, dans chacun des cas, le sous-plan le plus lev est coextensif avec le
systme solaire et, pour autant que nous en savons, avec l'univers luimme. Ainsi donc, mme dans un certain sens, le plan physique est
coextensif avec l'espace, c'est--dire qu'il y est reprsent par le plus lev
des tats atomiques de l'ther. Il en est de mme pour les plans astral et
dvachanique, et a fortiori pour les plans plus levs encore ; dans leurs
tats les plus levs, ils sont coextensifs avec l'ther.
Il rsulte de ce qui prcde que de la matire dans ses diverses varits,
et de plus avec toutes ses potentialits, prexiste dans cette rgion dans
laquelle le pouvoir sublime, dirigeant la manifestation de notre systme, met
en uvre ses activits. Ces activits, nous dit-on, eurent pour premier effet
d'attirer de l'espace environnant, comme dans un tourbillon, d'immenses
rserves de cet ther omniprsent. Quelques objections scientifiques
s'lveront sur ce point, cependant les systmes solaires sont placs des
distances respectives [243] assez considrables pour admettre l'ide que
l'ther lui-mme que nous supposons incompressible pour pouvoir
concilier quelques-uns de ses attributs avec la conception gnralement
forme de la matire puisse tre rarfi dans l'espace inter-solaire, puis
relativement condens dans l'intrieur et autour des systmes solaires. Quoi
qu'il en soit, l'interprtation sotrique de la gense de notre systme semble
impliquer l'ide d'une condensation de cette nature ; puis, sur l'ther ainsi
conditionn, une influence, descendant d'un des plans suprieurs de la
Nature, convertit finalement cette masse condense en une nbuleuse
physique, c'est dire en un volume norme de gaz incandescent port une
temprature extraordinairement leve.
C'est alors que la thorie nbulaire parait entrer en jeu. Des anneaux de
substance nbulaire, se dtachant de la masse mre, se segmentent leur
tour et leurs fragments, continuant suivre le mouvement giratoire de la
masse entire, finissent par s'agrger en plantes ; ce ne sont point encore
les plantes actuelles que nous connaissons ; celles-ci sont, en effet,
Bode, astronome allemand, signala en 1780 une loi empirique assez curieuse sur les distances des
plantes au soleil. crivons les nombres suivants qui se dduisent du prcdent, partir du second,
en le multipliant par 2 :
0. 8. 6. 12. 24. 48. 98. 192. 381. ajoutons chacun le nombre 4 :
4. 7. 10. 16. 28. 52. 100. 196. 388. enfin divisons les nombres par to, nous aurons :
0,4. 0,7. 1,0. 1,6. 2,8. 6,2. 5,2. 10. 19,6. 38,8. Ces nombres reprsentent sensiblement les distances du
Soleil aux 7 plantes principales et aux plantes tlescopiques par rapport la distance de la terre
prise comme unit ; en effet les distances relles sont :
Mercure
Vnus
La Terre
Mars
Plantes tlescopiques
Jupiter
0,38
0,72
1,50
2,8
5,2
Saturne
Uranus
Neptune
9,5
19
30
La loi de Bode servit dcouvrir Uranus et les plantes tlescopiques, mais la dcouverte de Neptune
en 1846 vint dtruire l'importance de cette loi, l'cart de 8,8 tant un peu trop grand. (NDT)
que nous devons d'avoir un peu dpass maintenant le degr d'volution que
nous rservait strictement notre vraie place dans notre propre chaine. Notre
volution a t acclre par quelques-uns de ceux qui sont, au sens le plus
lev du terme, nos frres ains dans l'ensemble du systme. Ils ont trouv
parmi nous quelques lves remplis d'aptitudes, qui sont dj parvenus un
niveau d'lvation spirituelle comparable celui de leurs sublimes
instructeurs.
Comprise dans l'orbite de Vnus se trouve la plante Mercure, qui
appartient notre chaine. Le milieu de notre priode d'activit plantaire
tant actuellement dpass, l'aube d'une volution nouvelle se lve sur cette
plante et la prpare l'avnement de notre famille humaine, lorsque les
derniers reprsentants de ses grandes races mres auront achev leur travail
sur cette terre.
Il existe dans l'orbite de Mercure une autre [250] plante qui,
probablement, sera dcouverte un jour ou l'autre par nos astronomes. Ils en
souponnent dj l'existence, et la recherchent activement lorsqu'une clipse
de soleil leur donne quelque chance de l'apercevoir ; car elle s'efface
tellement dans l'clat blouissant du Soleil qu'il est inutile de la chercher par
un ciel dcouvert. Quelques astronomes ont donn prmaturment cette
plante inconnue le nom de Vulcain. Ce doit tre effectivement un petit
monde trs brulant, bien que la loi de Bode lui attribue une distance
d'environ trente-huit millions de kilomtres du point central. Quoi qu'il en
soit, Vulcain fait partie d'un systme d'volution indpendant, et qui n'est
pas destin faire voluer la vie jusqu'aux niveaux levs qu'atteindront
dans la suite notre systme et celui de Vnus. Cette plante complte la srie
des sept chaines plantaires. En voici encore l'numration :
1
La chaine de Neptune
Uranus
Saturne
Jupiter
La Terre
Vnus
Vulcain.
Les 1re et 5e chaines de cette srie ont chacune trois plantes physiques ;
les autres n'en possdent qu'une seule.
Il y a fort peu dire actuellement des trois chaines qui n'ont aucun
rapport avec le plan physique, sinon qu'elles appartiennent des ordres
d'volution trs levs, et, en quelque sorte, l'aurore d'une perfection finale
de la vie de notre systme, lorsque toutes les chaines septnaires auront
complt leur cycle volutif. [251]
Il ne faudrait cependant pas supposer que leur activit soit ajourne
jusqu' la fin des cycles prcdents. Elles sont dj en activit, et chacune
d'elles aurait sept plantes occupant des places dfinies dans l'espace, mais
composes d'ordres de matire trop subtils pour tre perus par nos sens
physiques. D'autre part, il ne faudrait pas considrer leurs existences comme
tellement au-dessus des atteintes de notre imagination ; leur plan le plus
infrieur, en effet, correspond directement au plan roupique du Dvakhan.
D'aprs cet aperu gnral de la formation du systme et de son but,
d'aprs surtout bien des passages de la littrature thosophique rcente, il
ressort clairement que la configuration du systme solaire n'est pas plus
immuable pendant la dure de ce systme que la configuration des
continents et des mers, formant la surface de la terre, n'est immuable pendant
une priode d'activit plantaire.
Dans tous les systmes, la chaine de plantes sur laquelle s'effectue
l'volution d'un Manvantara quelconque se dsintgre lorsque celui-ci est
achev, et une nouvelle chaine de mondes est appele l'existence. Ceci ne
signifie pas que, de la substance non manifeste il soit cr de la matire
nouvelle, mais que les plantes, leur cycle d'existence une fois termin, sont
brises ou rduites en poussire, qui, disperse dans la totalit du systme
solaire, sera employe l'agrgation de nouvelles formes ; absolument
comme les lments du cadavre humain, dissous dans la terre ou dans l'air,
sont absorbs au cours des temps par le tissus vgtal et servent un jour de
nourriture de nouvelles formes animales ou humaines.
On verra d'aprs cela que notre terre, par exemple, [252] comme ses
plantes compagnes, est non seulement une cration nouvelle relativement
l'tat de choses existant lors de la condensation premire de la nbuleuse,
mais encore qu'elle appartient en ralit une quatrime gnration ou
cration nouvelle de notre chaine plantaire. Je ne possde aucune donne
sur la faon dont la matire plantaire du systme fut rpartie l'origine,
mais il est de toute vidence que, d'Uranus au centre du systme, aucune des
29
Depuis l'poque o ce livre a t crit (1896) de nouvelles recherches ont t faites ce sujet et, si
elles ne modifient que peu les premires donnes, elles apportent toutefois d'importantes additions
ce que nous pouvons savoir du processus gnral de l'volution humaine dans notre Manvantara.
Nous allons les rsumer en quelques mots.
Chacun des Manvantaras qui a prcd le ntre a donn cours l'volution de chacun des sept rgnes
de la nature, chaque Manvantara faisant avancer d'un pas chacun de ces rgnes. La monade humaine
actuelle reprsente et est le fruit des stades d'volution par-lesquels elle a pass prcdemment, c'est-dire de la monade animale du Manvantara prcdent et aussi des reprsentants de l'humanit lunaire
qui n'ont pu poursuivre leur volution dans la cinquime ronde de ce Manvantara ; cette monade est
aussi le fruit de la monade vgtale du deuxime Manvantara et de la monade minrale du premier
Manvantara.
Il en est de mme aussi, par Analogie, des rgnes animal, vgtal, minral et lmentals du notre
Manvantara qui, eux aussi, sont les fruits de l'volution des reprsentants de cette monade dans les
Manvantaras passs. Dans le Manvantara lunaire l'humanit actuelle occupait la place du rgne
animal.
Il ne faudrait pas croire que nous tions, proprement parler, les animaux de la Lune, nous tions
plutt la vie animant le rgne animal pendant la priode lunaire. En d'autres termes, la monade
animale ou la vie animant ce rgne animal de la Lune tait ce qui est devenu les corps causals de
l'humanit actuelle.
la fin de chaque Manvantara, l'humanit, arrive sa perfection relative, quitte l'volution ordinaire
de notre systme en choisissant, suivant son degr d'volution, une des sept voies ou possibilits qui
lui sont rserves (Voir p. 263 et suivantes) ; et dans chaque Manvantara cette perfection relative
atteinte par l'humanit est d'un degr plus lev que dans le Manvantara prcdent. Il en rsulte que
l'humanit qui a achev son dveloppement pendant le Manvantara lunaire et qui a quitt l'volution
de notre systme, n'est de longtemps pas arrivent point qu'atteindra l'humanit la fin du Manvantara
actuel.
la fin du Manvantara lunaire, les Pitris de 1re catgorie taient des entits, plus ou moins
individualises, du rgne animal ; on les a diviss en 3 classes : la 1re classe comprenait ceux qui
taient compltement individualiss et pourvus d'un corps causal bien dfini, ceux de 2e classe avaient
matire physique s'en est spare pour fortifier le corps de son enfant ; nous
savons dj par quel moyen ce rsultat frit obtenu.
Les reprsentants les plus avancs de la famille humaine s'incarnrent
donc pendant la priode mdiane de ce Manvantara, c'est--dire la priode
actuelle d'activit mondiale ; leur condition reprsentait alors le
dveloppement maximum ralis dans le Manvantara Lunaire 31, et en plus
les progrs ultrieurs accomplis durant les trois priodes spirituelles.
Pendant ce temps, les catgories qui s'incarnrent ds les premires rondes
de ce Manvantara eurent l'occasion d'arriver assez prs du mme
dveloppement, tout en restant encore en arrire de cette premire catgorie,
que l'on peut considrer comme l'avant garde et que reprsente actuellement
la fleur de notre race. Ce sont aujourd'hui les plus avancs d'entre les
intellectuels, ceux surtout qui, ds l'aurore de la vie terrestre, tmoignrent
d'aptitudes spirituelles, de tendances spciales l'tude des plus hautes
destines de l'homme et des conceptions religieuses les plus leves ; ce sont
aussi spcialement ceux qui se sont adonns la philosophie occulte laquelle
unit aux plus nobles aspirations une connaissance exacte des tats
hyperphysiques de l'existence. Nous pouvons donc considrer comme
provenant de la premire catgorie de Pitris Lunaires non-seulement ceux
qui, ds qu'ils en curent la possibilit, devancrent le reste de l'humanit et
qui, profitant largement de la [262] direction d'tres plus volus encore
passrent au rang d'Adeptes, mais aussi tous ceux qui, dans un sens
quelconque sont leurs lves, ou que leur genre de dveloppement
intellectuel et moral prdispose devenir, aprs quelques incarnations
encore, de futurs occultistes. Il ne faudrait pas en dduire qu'il soit
impossible aux entits des autres catgories d'atteindre l'lvation
spirituelle ; mais au stade d'volution actuel, la grande majorit de ceux qui
y parviennent sont des Pitris de premire classe. Par la puissante force de
l'volution progressant travers les rondes successives du Manvantara, un
grand nombre de Pitris des autres catgories accompliront graduellement
certains progrs spirituels qui leur ouvriront une voie plus rapide vers les
niveaux encore levs accessibles pendant ce Manvantara ; mais la premire
catgorie est appele les atteindre bien avant la fin du Manvantara.
cette poque, trs loigne encore, il sera thoriquement impossible
tous les membres de la famille humaine, dont la diffrenciation en entits
spcifiques a t accomplie au cours du Manvantara Lunaire, d'atteindre le
31
sublime sommet. Les seules entits qui pourraient y arriver sont celles qui
ont merg du rgne animal, comme entits bien dfinies, pendant les
premires rondes du Manvantara actuel. En tenant compte du nombre
norme des humains, et les probabilits en cette matire quivalent presque
des certitudes lorsqu'on considre un champ d'action aussi vaste, l'on peut
admettre que les trois cinquimes des entits constituant la famille humaine,
celles qui ont merg du rgne animal durant la premire moiti du
Manvantara, et celles aussi qui ont eu pour anctres des Pitris de premire
classe, arriveront ce degr d'avancement appropri que j'ai appel les
sommets [263] sublimes de notre Manvantara. Les deux cinquimes restants
auront jouer, dans le Manvantara suivant, un rle assez analogue celui
qu'on remplit les catgories suprieures de Pitris Lunaires au milieu du
ntre.
Sur ces trois cinquimes la moiti environ arrivera raliser le progrs
maximum que ce Manvantara a pour but d'effectuer. Ce progrs lvera
chacun de ces lus dans une position si suprieure aux conditions de notre
humanit actuelle que, par leur savoir, leur puissance et leur aptitude
excuter les desseins du Cosmos, ils nous sembleraient, nous, presque des
tres divins. Ils possderont la pleine et entire comprhension de tous les
pouvoirs, les forces et les capacits divines dont cette chaine de mondes a
t l'expression. Cette chaine entire leur offrira dans ses manifestations
matrielles, comme dans ses aspects astral et spirituel, un champ d'activit
trs familier. Ils pourront fonctionner, en pleine conscience, sur les plans de
la Nature communs tous ces mondes. Tous les globes de la chaine leur
seront aussi facilement accessibles que le sont actuellement pour l'homme,
les diffrentes chambres de la maison qu'il habite. L'volution morale,
marchant de pair avec le dveloppement de leur connaissance et de leur
pouvoir, les mettra en parfaite harmonie avec la conception divine dont ce
Manvantara a t l'expression. Ils seront devenus des auxiliaires conscients
et intelligents de l'volution et, en ce qui concerne leur progrs ultrieur, ils
n'auront qu' choisir, parmi les voies d'volution nombreuses et varies qui
s'ouvriront eux, celles qui leur paraitront les plus favorables
l'accomplissement de desseins suprieurs encore ceux que comporte
directement notre Manvantara. Ils pourront, ou bien continuer leur [264]
collaboration cette chaine d'existence en guidant et dirigeant le cours du
progrs dans les Manvantaras qui se succderont, ou bien passer dans
d'autres rgions o doit, en quelque sorte, se parfaire l'uvre finale
laquelle se rattache notre chaine d'volution ; et l'on peut ajouter que cette
uvre se relie galement des oprations plus importantes que nous
CHAPITRE XI
*
* *
Nous n'aurions jamais t en position d'acqurir la connaissance que
nous possdons aujourd'hui des grandes chaines d'volution de ce systme
plantaire, si quelques individualits de la famille humaine n'avaient pu
devancer le cours normal de l'volution, et acqurir prmaturment les
facults spirituelles inhrentes une volution suprieure, facults qui ne
seront accessibles la totalit de notre race que dans un avenir trs loign.
Nous allons chercher mieux comprendre ce qu'il faut entendre par
devancer l'volution normale ; puis nous approfondirons en dtail certaines
considrations qui dmontrent que ceux d'entre nous qui pourraient
accomplir cette uvre n'iraient en aucune faon l'encontre du plan volutif
normal. Ils se proposent, au contraire, d'unir le plus tt possible leurs efforts
individuels, si faibles soient-ils au dbut, au travail si grandiose de la nature,
d'accomplir pour ainsi dire, en ce qui nous concerne spcialement, les
desseins de la Providence, et de contribuer la ralisation du programme
qui concerne la [268] majorit de l'humanit ; si cette faon d'agir est
comprise sous son vritable jour, on remarquera qu'elle s'harmonise avec le
but normal de l'volution. Car l'enseignement, qui permet ceux qui le
professent d'acclrer le cours de leur volution, est en somme accessible
galement tous et bien que tout homme puisse toujours choisir soit
d'entrainer ses forces pour aider l'volution spirituelle de l'humanit entire,
soit au contraire de les exercer pour l'entraver, il est mathmatiquement
certain que, dans l'ensemble des individualits humaines, quelques-unes
d'entre elles comprendront le but lev de leur destine et rempliront un rle
de prcurseur, absolument ncessaire la prosprit de l'uvre de ce monde.
En revoyant le cours de l'histoire humaine depuis quelques mille
sicles, nous remarquerons que, ds les temps les plus reculs, quelques
rares personnalits surent prvoir ce qui les attendait et, se servant de la
lumire intrieure vivifie par leurs propres aspirations, travaillrent leur
Ils ont accentu leur personnalit (5e principe) en lui sacrifiant leur spiritualit qui est le 6e principe,
l'tincelle divine en nous. Or, quand la personnalit s'vanouit, consquence ncessaire lorsque, dans
anims des dispositions convenables), taient mieux connus dans les temps
anciens que dans ces derniers sicles.
Les frres ains ne pouvaient compter sur de nombreux renforts pendant
la prdominance de la race Atlante. Cette race tait d'abord foncirement
goste ; on pourrait mme allguer que cet gosme tait ncessit par ses
fonctions dans l'volution, et que ces Atlantes ne furent pas plus coupables
que ne l'et t une troupe d'animaux placs dans les mmes circonstances.
Parfaitement individualiss, mais c'tait tout, ils eurent pour mission de
conduire la multitude des humains jusqu' la cinquime race, en dveloppant
suffisamment leur intelligence pour les mettre mme de comprendre la
premire leon de l'arc ascendant du grand cycle, celle de l'union fraternelle.
Les Atlantes taient suprieurement organiss sous le rapport intellectuel,
[277] mais dpourvus de tout ce qui ressortait de l'intuition spirituelle. Les
connaissances trs-tendues qu'ils possdaient ont t perdues par les jeunes
gnrations de la cinquime race, par nous-mmes et nos ascendants
immdiats.
Dpassant les limitations de nos sens physiques, ils avaient pntr bien
des mystres du plan Astral et obtenu des rsultats encore insouponns par
la science actuelle. N'oublions pas que ces renseignements, puiss aux
sources de la science occulte, concernent la race atlante son apoge.
L'humanit est entre dans son cinquime cycle doue de toutes les
capacits intellectuelles ncessaires pour retrouver la science oublie des
Atlantes, et elle y parviendra certainement avec le temps. La rincarnation
d'une race se comprend, par analogie, comme la rincarnation individuelle.
La nouvelle personnalit arrive l'ge adulte entre en possession de toutes
les potentialits engendres par son go permanent durant la vie
prcdente ; et la race nouvelle hrite galement, dans la mme proportion,
des facults de celle qui la prcda. Les Atlantes furent des sommits
intellectuelles ; nous ne leur sommes certainement pas trs infrieurs, et la
possibilit de les galer nous sera donne en temps voulu.
Quelque chose de plus encore nous sera accorde, si nous en avons le
dsir : l'veil des facults ncessaires pour comprendre les potentialits
spirituelles de notre nature intime. La courbe descendante du grand cycle
doit tre envisage comme une courbe d'laboration ; la courbe ascendante,
au contraire, favorise l'panouissement, dans la ronde actuelle ; elle
commence au point nadir de la quatrime race.
34
longues sries de cycles enchains les uns aux autres, et chacun de ces cycles
a ses priodes de tendance spirituelle et de tendance matrielle.
Parfois les conceptions exotriques des religions humaines favorisent
l'expansion de la vraie connaissance ; d'autres fois elles l'entravent. Ceux
qui, devanant leurs contemporains, ont acquis le pouvoir et la batitude du
Royaume Divin, ne peuvent souvent faire davantage que protger le petit
nombre d'tres qui, malgr les efforts et les dangers qui s'y rencontrent, les
suivent pniblement sur le sentier du progrs.
En d'autres temps ils peuvent chercher rformer les religions adoptes
pour les mettre plus en harmonie avec les lois naturelles qui, de toute
ternit, gouvernent l'volution spirituelle. Mais, tout en agissant plus ou
moins selon les temps, il est une uvre toujours en leur pouvoir et laquelle
ils n'ont jamais failli, c'est celle d'entretenir le feu sacr, expression
symbolique bien suggestive. Par leurs soins, il y aura toujours, sur terre, une
communaut d'Adeptes prts instruire et guider le nombre croissant de
ceux qui, profitant de conditions cycliques plus favorables, se prpareront
au sentier du dveloppement intrieur et deviendront ainsi les collaborateurs
de la Nature dans ses desseins les plus sublimes ; il ne faut pas perdre de
vue que tous les stades prliminaires de l'volution leur sont subordonns.
[289]
Quant aux tres qui, depuis longtemps, ont atteint l'lvation du
Royaume Divin, peut-tre seront ils appels d'autres conditions
mystrieuses de repos et de batitude ; sans en savoir beaucoup ce sujet,
nous pouvons raisonnablement supposer qu'ils y pntreront l'un aprs
l'autre, non sans avoir accompli la grande tche qu'ils avaient entreprise et
trouv des successeurs, vainqueurs leur tour dans la grande lutte et prts
les remplacer.
Ce qui prcde nous dmontre que la Fraternit des Adeptes n'est pas
seulement une organisation d'hommes extrmement volus et spiritualiss,
mais encore une fraternit d'un caractre si lev qu'elle se rattache la
grande hirarchie d'tres suprieurs qui dirigent l'volution spirituelle du
monde. Quelques-uns d'entre ceux qui atteignent l'adeptat entrent leur tour
dans cette Hirarchie, et l'on peut dire alors qu'ils guident et dirigent les
manifestations multiples de la Volont cache qui les inspire. Cette ide,
lorsqu'on la comprend bien, n'infirme en rien la conception religieuse, un
peu vague, qui attribue la cration du monde Dieu ; pas plus que ce fait,
que l'homme, spcialisant l'lectricit et l'employant des besoins
dtermins, n'en infirme cette profonde vrit que l'lectricit elle-mme est
une force puissante et toujours prsente dans la nature. Il est absolument vrai
que la Volont Divine agit en se servant de puissances intermdiaires entre
l'homme et Dieu ; c'est une interprtation scientifique des uvres de la
Nature et non le rsultat de quelque croyance vague propre aux esprits peu
cultivs qui n'ont jamais cherch prcise leurs croyances.
L'ide d'un tre dirigeant consciemment l'volution de l'humanit, ds
son apparition dans notre Grande Priode d'activit plantaire, est, je le
rpte, parfaitement [290] raisonnable et s'harmonise avec les plus hautes
conceptions religieuses. C'est d'ailleurs moins une ide qu'un fait rel
constat par ceux-l mmes qui servent d'intermdiaires entre cet tre et le
reste de l'humanit.
Par ces agents, quelques connaissances bien dfinies ont pntr jusqu'
ceux d'entre nous qui, cherchant s'lever, reoivent dj l'instruction des
Adeptes. Il est certainement impossible l'esprit incarn, prisonnier de son
corps charnel et dou d'une conscience trs limite destine fonctionner
sur le plan matriel, de concevoir une ide exacte des attributions de cet tre
Suprme ; la connaissance de son existence est dj un premier pas vers la
comprhension de la hirarchie spirituelle entire.
Quelques personnes supposent qu'un obstacle infranchissable spare
l'homme de Dieu ; ils considrent l'humanit comme un compos d'units
individuelles et ternelles, qui, en regard de la Divinit, sont dans une
limitation, un asservissement absolus, tels qu'un jouet entre les mains d'un
enfant. Cette conception est vraiment humiliante pour l'tre humain, et fait
mpris de toutes les lois de la Nature ; car si elle tait conforme aux faits,
ces lois n'auraient aucun but, aucune raison d'tre. Admettons, au contraire
en principe, que l'homme, aprs avoir franchi le mystre de la mort, soit
appel des destines plus hautes, et lev une connaissance, une sagesse
et une puissance vraiment divines, qui le feront ensuite participer s'il s'en
montre digne la direction spirituelle de toute sa race ; nous arrivons alors
une conception vritablement sublime du systme de l'volution humaine.
Cet ordre d'ides, plus encore que la doctrine de la rincarnation, nous
montrera la triste erreur commise [291] par quelques personnes lorsqu'elles
considrent la brivet de chacune de nos vies terrestres, erreur cause par
leur soumission voulue, ou inconsciente peut-tre, aux dogmes d'une
thologie troite et borne. Les vrais savants, admirateurs passionns de la
Nature et tudiants rvrencieux de ses lois, sont particulirement
CHAPITRE XII
*
* *
J'ai dj cherch tablir la distinction qui existe entre la donne
thosophique et l'enseignement religieux, et j'ai dmontr pourquoi, tout en
diffrant largement sous certains rapports, ces deux enseignements ne sont
point en ralit contradictoires.
En approfondissant davantage ce genre d'ides, nous sommes amens
conclure que, jusqu' une priode historique assez rcente, l'enseignement
thosophique marchait de pair avec l'enseignement religieux ; l'un tant le
complment, le couronnement de l'autre. Les enseignements dsigns sous
le nom "d'Initiation" dans l're des Mystres gyptiens et grecs,
s'identifiaient de trs prs avec ce que nous appelons aujourd'hui la
Thosophie. Cette conclusion se dgage presque avec certitude de l'tude
des documents que nous possdons sur les anciens mystres, lorsqu'on les
examine la lumire de la doctrine thosophique. Il ne faudrait pas attacher
une trop grande importance l'ide, un peu facilement admise, que la
Rvlation chrtienne est venue se substituer l'enseignement des mystres
[295] qui tait suffisant une poque o les peuples s'adonnaient
gnralement au polythisme paen. Cet enseignement ne fut pas remplac
par la Rvlation chrtienne ; l'auteur de cette rvlation en parle mme
constamment comme d'une instruction suprieure encore celle qu'il
donnait la multitude.
La doctrine du Christianisme moderne fut substitue la donne
sotrique, non par le Maitre de cette doctrine, ou par ses disciples, mais par
l'glise, lorsqu'elle devint une puissance organise ayant des intrts
temporels sauvegarder, et qu'elle s'arrogea un despotisme spirituel en
prtendant monopoliser la science spirituelle.
Ses prtentions s'accenturent de plus en plus dans les temps modernes
en proportion inverse de la science spirituelle que possdait en ralit le
clerg. Et lorsqu'on jette un regard en arrire sur la science spirituelle
suprieure laquelle prtendait, avec juste raison, le clerg des temps
36
Apule, Mtamorphoses, t. II, liv. XI, p. 387. Bibliothque franco-latine, Paris, C. L. Panckoucke,
1835.
38
Dialogues de Platon, dit. Charpentier, 1862. Dialogues Socratiques, 2 vol, pp. 339, 340.
Cette citation et les suivantes sont extraites de l'dition originale en langue franaise, dans tude
de Philologie et de Critique, par M. Ouvaroff. Paris, Firmin-Didot frres, 1845.
Strom, V, Cap, 1.
42
"De tout ce que votre Athnes a produit et rpandu parmi les hommes d'excellent et de divin, rien de
plus excellent que les mystres, qui nous lvent d'une vie rude et sauvage la vritable humanit ;
ils nous initient dans les vrais principes de la vie ; car ils nous enseignent non seulement vivre
agrablement, mais encore mourir avec de meilleures esprances."
De Leg., II, NDT.
43
44
crit en 1824.
CHAPITRE XIII
LA THOSOPHIE AU MOYEN-GE
Le travestissement alchimique. Le but spirituel de l'Alchimie. Les motifs qui poussaient les vrais
Alchimistes crire. Leurs grossiers imitateurs. Les vrais Alchimistes aspirant l'Adeptat. Les
pouvoirs qu'ils ont ventuellement acquis. Leur chimie symbologique, Son origine hermtique.
Exemples tirs d'crivains alchimistes.
*
* *
Les tudiants de la sagesse sotrique, dont l'objet principal est d'tudier
et de comprendre les principes de l'volution spirituelle, savent dj que ces
principes furent en tout temps reconnus par les mystiques de tous les pays.
La haute science qui les rsume n'est pas une invention des Thosophes
modernes, ni l'apanage d'un petit groupe d'adeptes, jaloux de la drober aux
recherches de tous les philosophes. L'irruption soudaine de certaines
donnes occultes en relation avec les lois naturelles, la faon dont elles se
sont imposes aux esprits contemporains, depuis quelques annes,
pourraient suggrer cette ide. Mais plus nous comprenons les
enseignements occultes, mieux nous les retrouvons dans la littrature
philosophique et religieuse des premiers ges ; ils s'y voilent sous diffrents
symboles ; mais l'identit des ides-mres et du sens intime des termes
dcle une commune origine.
On a dj beaucoup crit il serait souhaiter qu'on crivit davantage
encore pour prouver combien [312] la gnose chrtienne s'identifie avec la
science sotrique dans ses points les plus importants. La disparition
graduelle des conceptions gnostiques, touffes sous les dogmes rigides et
troits que les glises reconnues avaient intrt imposer, offrirait un sujet
d'tude intressant, qui nous clairerait sur les causes de la dgnrescence
laquelle sont voues les croyances populaires. Mais, tandis que
l'sotrisme chrtien s'obscurcissait graduellement, comprim par la
puissance grandissante de l'glise pendant le moyen-ge, ses doctrines
essentielles, qu'aucune perscution ne pouvait soustraire l'attention des
esprits clairs, cherchrent d'autres dbouchs en raison mme de cette
compression et chapprent ainsi l'attention publique. La philosophie
essentielle de la religion se spara de l'image grossire sous laquelle on la
reprsentait, elle s'entoura d'un voile impntrable tous, sauf quelques
initis et l'glise se montra aussi incapable de le soulever que le laque
ignorant. Ce voile fut la science si dcrie qu'on nomme l'alchimie, cette
une suite de lectures qui pourrait relever dans leur estime cette alchimie si
dcrie par la littrature pseudoscientifique du XIXe sicle.
Mais, avant d'en venir aux citations qui pourront nous ouvrir une
mthode d'investigation rationnelle, il est bon de donner un aperu succinct
des consquences indirectes qui rsulteront de nos dcouvertes.
Ce que nous avons dit jusqu'ici de l'alchimie est la stricte vrit. Les
vrais alchimistes taient des philosophes spirituels qui se consacraient
l'uvre importante de dvelopper les possibilits divines latentes en leur
nature humaine ; c'taient des tudiants de la vraie religion, au sens le plus
lev du terme des hommes que leur intelligence avait affranchis des
dogmes plus ou moins bizarres de l'glise exotrique et qui, l'abri des
grosses erreurs d'un clerg goste et frivole, cherchaient encore s'associer
la volont de Dieu ; ils s'efforaient, pour ainsi dire, de s'identifier aux
desseins de la Nature, la loi d'volution spirituelle, en un mot, au principe
du bien qui rside dans l'univers. Alors que les prtres et ministres d'une
religion, indignes de ce nom, tuaient, volaient et torturaient tous ceux qui
s'opposaient la tyrannie intresse exerce par le clerg sur les croyances
populaires, les alchimistes, par leur vie pure et pleine d'abngation et par de
hautes aspirations, cherchaient lever le niveau moral d'une humanit qui
se souillait des pires excs. Par une mthode qui ne diffre pas
essentiellement de la ntre, ils essayaient de gravir, jusqu' un certain point,
le sentier du dveloppement occulte conduisant l'Adeptat. Mais, dira-t-on,
pourquoi [315] persister crire dans d'aussi mauvaises conditions,
puisqu'ils ne pouvaient tre compris que par ceux dont le savoir tait gal au
leur ?
S'ils avaient enseign ouvertement leur doctrine du salut, ils eussent t
bruls avec leurs livres, par austrit de l'glise. tait-il alors vraiment utile
d'exposer ces doctrines dans un langage inintelligible ceux qui eussent pu
profiter de la leon ?
Il y a deux rponses cette question :
1 Les alchimistes, qui se comprenaient entre eux, paraissent avoir
pens qu'ils seraient compris aussi des hommes assez mrs d'esprit
pour bnficier de l'enseignement occulte. Nous ignorons dans
quelle mesure leurs esprances ont pu se raliser ;
2 Un autre motif pouvait encore les pousser crire, malgr
l'alternative de rester souvent incompris : c'tait celui de se
reconnaitre entre eux.
On ferait une longue histoire des perscutions subies par les alchimistes,
malgr les soins qu'ils mettaient viter tout conflit avec une glise hostile ;
mais je me bornerai donner un aperu succinct de la situation ; le lecteur
trouvera dans les ouvrages cits plus loin tous les dtails qui s'y rattachent.
Presque tous les critiques matrialistes ont prtendu que, si les
alchimistes avaient vraiment russi dans leur entreprise, les tourments
infligs beaucoup d'entre eux auraient d suffire pour arracher leur secret ;
l'esprit du sicle est, d'ailleurs, toujours prt nier l'existence d'un secret qui
n'a pas t rvl. Mais certaines notions de la science occulte qui nous sont
partiellement connues nous donnent la cl de ce mystre. Le premier pas
faire, pour celui qui voulait obtenir le pouvoir de transmuter le plomb en or,
tait de transformer d'abord sa nature humaine en une nature presque divine.
Il tait donc prsumable que l'avide chercheur d'or ne pourrait s'y rsoudre
et, incapable mme de comprendre cette ide, n'y verrait qu'une ruse
destine garer sa curiosit ; mais la connaissance des principes
lmentaires de la science occulte clairent aussitt ces nigmes
alchimiques, qui resteraient insolubles sans son secours.
Cependant, si ces alchimistes taient de vrais philosophes spirituels,
pourquoi choisir d'aussi dangereux symboles que l'or et l'argent ? N'tait-ce
pas prcisment calcul pour veiller la cupidit des foules et s'exposer ainsi
des prils aussi graves, dans un autre genre, que ceux qu'ils cherchaient
fuir ? Nous rpondrons cela qu'ils n'avaient pas invent, mais retrouv ce
systme symbolique, dj employ une poque trs antrieure l're
chrtienne et son clerg tyrannique. La version alchimique de la
philosophie spirituelle, [321] remonte la priode d'Herms Trismgiste,
considr, par quelques auteurs, comme un personnage fabuleux et, par
d'autres, comme un Adepte ; roi d'gypte, il vivait environ deux cents ans
avant l're chrtienne. Quoi qu'il en soit, les crits qui lui sont attribus sont
fort anciens ; ils constituent la source de cette philosophie hermtique qui,
au moyen-ge, se confondait entirement avec la donne alchimique. Mais
depuis quelques annes, depuis l'extension du mouvement thosophique,
cette forme de science sotrique a beaucoup sduit certains esprits
inquisiteurs par sa source relativement occidentale. Au surplus, jusqu' une
poque trs rcente, le mystre hermtique rsumait, pour les investigateurs
europens, toute la sagesse occulte, et ils n'avaient pas d'autres mthodes ou
systmes d'enseignement suivre que ceux-l.
L'Aigle, ou oiseau d'Herms, reprsente l'eau fugitive dans ses sublimations ; le Lion vert, ou
minerai de Mercure, est cette terre magique des philosophes qui ne mouille pas les mains et a la
proprit de rduire ou de volatiliser tous les mtaux, comme le lion, roi des animaux, a le pouvoir
de les tous dtruire. Dans ce jargon obscur des alchimistes nous trouvons encore les expressions de :
Lion vert des fols (vert-de-gris et mercure sublims), Lion rouge (teinture d'or, ou lixir parvenu au
rouge parfait), Lion volant (synonyme d'aigle ou de sublimation), Lion ravissant (correspondant au
dissolvant universel). Pour plus de dtails, voir : Les Douze Clefs de la Philosophie, de Basile
Valentin, traduit de l'original en 1670. NDT.
rflchi le suivrait jusqu'au bout sans tre convaincu qu'il se trouve sur la
piste de la vritable interprtation. M. Hitchcock n'tait pas assez [331]
occultiste pour dcouvrir tout ce que renferme la philosophie alchimique ;
mais le thosophe de notre gnration, s'il a profit de toutes les opportunits
qui lui sont offertes, doit tre mme de comprendre mieux encore que lui
ce sujet. Bref, l'excellent ouvrage de M. Hitchcock servira toujours
quelques-uns de mes lecteurs comme introduction au sujet, si, intresss par
ce que j'en ai dit ici, ils dsirent poursuivre une investigation tout la fois
rebutante et captivante, si je puis employer cette expression paradoxale bien
en harmonie avec l'esprit des auteurs que j'ai cits. L'alchimie, M. Hitchcock
en convient, peut avoir pass jamais, sans espoir de retour : "Cela peut
tre", dit-il "mais les questions qui ont proccup les alchimistes n'ont pas
pass et ne passeront pas tant que l'homme sera errant sur cette terre, parce
que ce sont les plus intressantes qu'il soit donn au cur humain
d'approfondir. Et si ces questions prennent leur origine dans l'homme, leur
solution doit embrasser la fois le microcosme et le macrocosme."
CHAPITRE XIV
*
* *
Si nous comprenons bien la porte de l'initiation dans l'ancienne gypte
et si nous la rattachons, dans une juste mesure, cet aperu gnral de
l'volution naturelle que la donne sotrique nous expose, la simple
rflexion nous dmontrera que le sentier de l'ancienne initiation est encore
accessible aujourd'hui. Accessibles aussi, dans une certaine mesure, sont
ceux de nos prdcesseurs qui, ds les premiers stades de l'volution du
monde, s'levrent au-dessus des lois qui gouvernent les incarnations
priodiques de l'humanit ordinaire. Ils ont pu atteindre une condition
d'existence plus haute se caractrisant, d'un ct, par une longvit
considrable et, de l'autre, par une persistance plus extraordinaire encore des
pouvoirs qui leur sont ncessaires pour fonctionner sur les plans levs de
la Nature. Ils n'en sont pas moins accessibles nos recherches, non parmi la
foule affaire qui encombre nos cits, mais dans de profondes retraites, o
le vhicule physique, qui leur permet encore de prendre contact avec notre
plan d'existence, se trouve [333] l'abri de la contagion magntique qui se
dgage des centres plus peupls, et les rendrait incapables d'exercer les
hautes fonctions spirituelles que comporte maintenant leur rang lev dans
la Nature.
Au reste, de tels tres sont dans des conditions d'existence si diffrentes
de celles de l'humanit ordinaire qu'il serait plus juste de les considrer
comme de grands esprits qui conserveraient, sur terre, un corps physique
pour en faire usage dans des circonstances urgentes, que comme des tres
humains possdant le pouvoir de s'lever certains tats spirituels de la
Nature. De plus, dans le long intervalle qui s'est coul depuis les anciennes
initiations de la priode gyptienne, de nombreux nophytes sont entrs dans
le courant de l'volution suprieure, en outre de ceux qui ont rejoint le
sentier cette poque recule. Les occasions de se faire initier n'ont jamais
fait dfaut ; mais, aprs avoir jet un dernier clat en Grce, les initiations
taient retombes dans l'oubli, et on en avait perdu la trace.
Le caractre des preuves a d forcment se modifier graduellement,
afin de s'adapter aux ncessits de l'poque ; car la race humaine,
uniquement proccupe des progrs de la science, ngligeait
temporairement toutes considrations d'un ordre plus lev. Mais aucune
poque de l'histoire du monde, le sentier de l'initiation n'a t absolument
ferm. Il a toujours t accessible ceux dont les aspirations spirituelles
d'une vie antrieure ont dvelopp, dans les vies suivantes, ces facults
suprieures de vision et de conscience que nous appelons aujourd'hui
psychiques, et qui en sont les consquences karmiques ; ce sont ces facults
qui leur ont facilit l'accs de la connaissance suprieure.
L'homme qui veut entrer aujourd'hui dans la voie [334] du
dveloppement occulte n'est plus oblig de se prsenter dans un temple
dtermin et de devenir le disciple d'un Hirophante visible tous ses
fidles. Il existe pour lui un temple intrieur auquel ses propres facults
psychiques (puisque, dans notre hypothse, il en possde) lui donnent accs.
C'est par ces moyens que la corporation des Adeptes initis s'est maintenue
jusqu'ici, quoique, en aucun temps peut-tre, dans l'histoire de notre race,
elle n'ait t aussi peu nombreuse qu'aujourd'hui. Le cycle qui dveloppe
une grande activit dans le domaine des connaissances physiques, l're
scientifique par excellence en donnant au mot "science" l'acception limite
que nous lui donnons depuis peu a pour corolaire forc une priode de
stagnation spirituelle. Ces deux phases de progrs ne se nuisent pourtant en
rien : avant d'atteindre leur complet panouissement, les plus hautes
aptitudes scientifiques peuvent et, vers la fin, doivent s'unir un grand
dveloppement spirituel. Mais les forces de l'volution naturelle,
considres dans leur ensemble, provoquent certaines poques une
impulsion plus prononce vers les sciences physiques ; tandis qu'en d'autres
temps, cette impulsion reste latente, et les aspirations spirituelles reprennent
l'avantage.
Nous voici arrivs ce fait important, qu'aujourd'hui comme jadis,
quoique avec d'autres mthodes de dveloppement, la voie de la haute
perfection spirituelle est accessible tous ceux qui y apportent les aptitudes
requises jointes d'ardentes aspirations ; et cette haute perfection spirituelle,
au sens o nous l'entendons, comprend notamment la connaissance, le
pouvoir et ce progrs que l'on accomplit comme un devoir. Le magntisme,
la clairvoyance, la transmission de pense, le spiritisme, en un mot toutes
Cette conception qui semble remettre les destines d'un homme entre
les mains de ses semblables, si avancs soient-ils en sagesse et en pouvoir
spirituel, peut, au premier abord, froisser les ides de quelques-uns d'entre
nous ; la plupart des gens, en effet, lorsqu'ils envisagent l'existence venir,
sont levs dans la croyance que le meilleur parti prendre est de vivre, icibas, dans un juste discernement du bien et du mal, et, quant au reste, de s'en
confier aveuglment la misricorde de Dieu. Mais, si l'on analyse
intelligemment notre expos, on verra qu'il ne s'y oppose nullement. Nous
soumettons, au contraire, ce grand problme aux conclusions de l'exprience
acquise dans les conditions de la vie que nous connaissons, et il en est de
mme de tous les problmes moins importants. [340]
Celui qui veut rcolter de bons fruits sur un pommier sauvage ne se livre
pas une douce quitude, une confiance pieuse en la bont de cette
puissance qui dirige le dveloppement du rgne vgtal comme celui de
l'volution humaine. Cet homme sait que les pouvoirs de la Nature lui
viendront en aide s'il travaille conformment ses lois. Il tudie alors ce
qu'on en peut connaitre avec d'autres hommes qui les ont observes avant
lui et, appliquant ses connaissances au but qu'il se propose, il russit
amliorer son fruit.
Je pense que tous les doutes ce sujet se dissiperont d'eux-mmes, le
jour o la situation sera un peu mieux comprise. L'existence d'tres humains
infiniment plus avance que leurs contemporains et restant cependant, en
relation avec notre terre sera reconnue comme une ncessit mtaphysique,
par tous les esprits lucides qui aborderont ce sujet.
Une question plus grave et plus srieuse pourrait embarrasser ici ceux
qui persvrent dans la recherche de la voie : comment l'aspirant peut-il
entrer en relation avec ses frres plus avancs, avec ces Instructeurs ou
Maitres de la sagesse sotrique ? Je vais essayer de rsoudre cette question
dlicate ; mais ce genre de sujet ne peut tre trait en quelques mots. Il
n'existe certainement, pas plus aujourd'hui qu'autrefois, une agence
officielle o puissent s'adresser ceux qui prouvent le rel dsir d'une
direction spirituelle bien entendue. Dans les ouvrages occultistes du moyenge, il est souvent question, en point de vue symbolique, de portes qui
s'ouvrent toujours devant celui qui frappe ; ce genre de phrase a le don
d'irriter les esprits occidentaux, car ils ont perdu le sens de ce symbolisme
lev et, tout en prfrant parfois rester [341] dans l'ignorance de ces sujets,
ils exigent nanmoins, si l'on consent dvoiler quelque peu ce qu'ils
dsirent savoir, qu'on le leur dise sans dtour et d'une faon comprhensible.
En ralit, les premiers pas vers les Maitres de l'initiation ne peuvent se faire
qu' l'aide de ces facults suprieures que l'initiation a prcisment pour
mission de dvelopper chez l'homme. Notre raisonnement semble entrer
dans un cercle vicieux. L'aspirant la science spirituelle la dsire justement
afin d'veiller, dans les mystrieuses profondeurs de son tre, les sens
suprieurs qui conduisent la perception psychique en sorte que, lorsqu'on
lui dit que ces sens sont indispensables pour parvenir jusqu'aux Maitres, il
se plaint d'tre mystifi par un paradoxe et de n'avoir pas avanc d'un pas.
Ce paradoxe, il faut pour l'lucider se remmorer la doctrine dj expose
en dtail dans ce livre, et qui nous dcrit la mthode dont la Nature se sert
pour hter l'volution de l'me humaine. Il faut se souvenir que la
rincarnation est le lot de tout tre humain, et appliquer ce principe toutes
les considrations, et surtout tous les mystres qui se rattachent l'tude
de l'volution spirituelle.
Avant de complter mon expos prparatoire, je dois ouvrir une
parenthse pour expliquer qu'il est des cas fortuits o certaines influences
spciales, dtermines par le karma des vies antrieures, peuvent placer
l'homme en relation avec les Maitres spirituels ou, plutt, lui faire entendre
qu'il pourrait bnficier de leur enseignement sans faire des efforts
surhumains et sans mme possder des aptitudes psychiques dj
dveloppes. Mais, avant d'entrer dans le dtail de ces cas exceptionnels,
considrons d'abord la rgle normale. D'aprs cette rgle, lorsqu'une
personne a [342] prouv, au cours d'une de ses nombreuses existences, un
srieux dsir d'atteindre la sagesse spirituelle, son premier effort vers la
haute initiation doit consister diriger ses penses vers ce grand problme
et ou faire l'objet d'une tude intellectuelle. Celui qui dsire entreprendre
un genre d'volution spirituelle qui lui donne accs l'volution suprieure
(la seule qui puisse tre appele spirituelle, doit s'appliquer comprendre,
apprcier la nature de la tche qu'il entreprend, ainsi que les attributs des
tres qui prsident aux avantages et aux opportunits de l'initiation.
En prsentant ainsi la chose, je parais m'carter des doctrines
prconises, avec tant d'enthousiasme, par la littrature thosophique
rcente, qui, de prfrence tout travail intellectuel, recommande le
dvouement, la philanthropie, l'altruisme et la puret morale, parce qu'elles
sont, par leur effet prparatoire, tellement Suprieures tout effort
intellectuel, qu'il devient presque superflu d'imposer un autre genre de
travail aux candidats l'initiation.
ainsi des aptitudes scientifiques, des gouts littraires et aussi des facults
psychiques.
Si, au cours de ses existences, un homme prouve le dsir vif et constant
de pntrer les mystres du plan psychique, s'il entre en relation
sympathique avec des personnes que leurs facults mettent en tat de
pntrer ces mystres, et qu'en outre, il tudie ce sujet autant que le lui
permettent les circonstances, le rsultat karmique de ces bonnes dispositions
[346] s'panouira sous forme de facults psychiques. Il pourra ds lors
exercer celles-ci librement, lorsqu'il renaitra sur le plan physique toujours
en admettant qu'aucune cause karmique indpendante n'y mette obstacle. En
y rflchissant, on verra que cette simple loi, si clairement dmontre par la
connaissance que nous avons aujourd'hui des principes du karma et de
l'volution spirituelle, peut s'appliquer indistinctement toutes les
investigations relatives aux facults psychiques, varies et contradictoires,
que nous observons dans la vie. Celles-ci se montrent quelquefois sous la
forme d'une admirable clairvoyance spirituelle, qui met son heureux
possesseur en relation avec les plans d'existence suprieurs et leurs
habitants. D'autres fois, elles ont pour effet de rendre les yeux sensibles
des phnomnes astrals, qui, sans provenir d'un plan lev de la Nature,
chappent encore la vue physique normale. Ces facults s'unissent tantt
un caractre trs lev, inspir des plus nobles intentions, tantt une
nature basse et cupide ; elles peuvent mme le cas est rare heureusement
une malveillance positive et aux tendances les plus perverses.
Mais, dans ces diffrents cas, les facults psychiques, en elles-mmes,
sont toujours le fruit du dsir que l'on a eu de les possder, et des efforts
accomplis dans ce but. Le caractre qui les accompagne n'est que
l'expression normale, sur le plan physique, des tendances et des efforts
gnrs par l'individu pendant ses vies antrieures. Le dsir ou l'effort
produira son effet aussi infailliblement que la balle lance par un fusil fait
sa troue dans l'air. Le but atteint par cette balle dpendra de la direction
imprime de l'arme ; mais ceci est une tout autre question. Si l'on veut bien
approfondir [347] ces rflexions, on verra qu'elles s'appliquent toutes les
manifestations si complexes de la "mdiumnit", selon l'expression du
spiritisme moderne. Les singularits mdianimiques que nous observons
dans la constitution psychique peuvent tre considres comme des dons
merveilleux ou nfastes ; mais ce sont des effets qui ne peuvent se produire
sans causes. Nous avons vu, d'ailleurs, que les qualits morales ou mentales
qui se rvlent par le caractre sont des effets, dont la cause doit tre
cherche dans les efforts de leur possesseur une poque antrieure de son
volution.
Ces progrs psychiques irrguliers, pourrait-on dire, sont assez
mystrieux, assez intressants, pour faire l'objet d'une tude spciale,
indpendamment de notre sujet, actuel, qui traite des conditions dont on doit
s'entourer de nos jours pour s'approcher du seuil de l'initiation.
Afin d'en avoir une ide exacte, il faut nous reporter au processus
normal de la rincarnation. Nous comprendrons alors comment Je secours
d'un Adepte peut, certains stades de l'volution, hter les progrs de ceux
que l'espoir d'un avancement plus rapide dtermine faire quelques
sacrifices.
Considrons premirement le but dfini que se propose la Nature dans
les expriences dvachaniques prolonges qui sparent les existences
terrestres ; ce but est le dveloppement de l'me, et ce dveloppement se
produit par les expriences et les activits de la vie responsable. Pour ceux
qui accomplissent ce travail uniquement pendant la vie physique et c'est
le cas de la plupart des tres qui nous entourent les actions de l'existence
physique reprsentent une quantit considrable de matriaux mal
amalgams, qui [348] demandent tre tris et purs avant que l'go
permanent puisse en extraire ce qui doit contribuer son expansion. L'entit
se trouve prcipite dans le monde astral, accompagne des habitudes, des
tendances et des dsirs qu'elle a gnrs pendant sa vie ; c'est encore,
proprement parler, un tre du plan physique, et le cours habituel de ses
penses ne l'a pas mise en tat de profiter, dans toute leur tendue, des
opportunits de la rgion astrale, et moins encore de passer des conditions
plus pures et plus spiritualises. Il lui faut, en quelque sorte, s'accoutumer
aux plans d'existence levs et laisser sa conscience s'y panouir en
proportion des efforts raliss dans cette voie.
Peut-tre comprendra-t-on mieux l'absorption graduelle, dans l'go
permanent, du fruit des expriences et des luttes de la vie, si l'on considre
l'ensemble de l'volution sous un autre aspect. Le centre de conscience
actuel destin grandir et s'panouir l'me, au sens le plus lev, le plus
profond du mot est assurment engendr sur un plan spirituel suprieur ;
mais l'origine, ce centre de conscience ne possde aucun attribut spcial ;
c'est une individualit, mais une individualit sans caractristiques. L'me
est, en quelque sorte, pousse s'extrioriser : elle suit le courant de la
manifestation travers les diffrents plans, et ne trouve de repos que
ont fourni au Soi Suprieur des attributs permanents. Il est vrai que nous
considrons ici l'humanit un stade d'avancement trs infrieur.
Longtemps avant d'avoir atteint son dveloppement actuel elle avait dj
pass par quelques centaines de vies successives, qui toutes avaient apport
un faible contingent la conscience permanente du Soi suprieur ; et
l'influence de celui-ci sur les existences suivantes s'tait accrue en
proportion.
La voix de la conscience, cette intuition intrieure, dtermine parfois
l'action dans les cas mmes o il ne s'agit pas de discerner le bien du mal, et
elle peut devenir active dans la personnalit, qui reprsente l'go sur le plan
physique. Cette personnalit se trouve ainsi guide ici-bas, en bien des
circonstances, et incite contribuer toujours davantage au dveloppement
de l'go l'volution de l'me. Un canal plus large, si je puis employer
cette mtaphore, relie alors la vie physique et le plan spirituel, dans lequel
se trouve centre la conscience de l'go permanent, et lui permet d'acqurir,
aprs chaque incarnation, une exprience plus tendue. L'entit pourra
renaitre, comme avant, entoure de beaucoup d'lments qu'elle avait rejets
en s'levant sur les plans suprieurs de la Nature ; [354] mais elle ou attirera
graduellement d'autres plus aptes s'exprimer sur ces plans levs et
reprsenter les caractristiques de l'go individuel sur le plan infrieur.
l'origine, comme je l'ai expliqu, l'go ne se proccupe que peu ou
point de la personnalit qui le reprsente et qui habite le plan physique. Mais
il arrive un moment o ces deux influences, celle du monde objectif
environnant et celle de la conscience intime, se font quilibre. Plus tard
encore la conscience intime arrive prdominer positivement. La
personnalit commence alors comprendre les fins leves pour lesquelles
elle fut cre ; ses relations avec le monde extrieur en subissent l'influence,
et, lorsqu'elle se concentre encore en elle-mme, aprs la mort, sa tche
devient plus importante. Les lments dont sa personnalit s'tait entoure
sur le plan physique se dissipent aisment sur les sous plans astrals, car
l'entit relle se sent capable d'activit sur les rgions spirituelles de la
Nature ; et elle y retourne avec joie, sentant que l-haut se trouve le contre
vritable de son existence. Lorsqu'elle aura ralis ces conditions, l'me, en
voie de dveloppement, sera parvenue un stade d'volution o des
possibilits anormales pourront intervenir pour hter encore ses progrs.
Sous quelle forme ces possibilits vont-elles se prsenter ?
Il est vrai que ce temps pargn n'a pas une grande importance, un
certain point de vue. En ngligeant certaines considrations, on pourrait
mme objecter que l'volution normale conviendrait aussi bien au nophyte,
et lui serait mme plus agrable sous bien des rapports. Il jouirait d'abord,
en pleine conscience, de la flicit intense des plans spirituels suprieurs.
Chaque vie nouvelle rveillerait en lui, en vertu des lois normales de
l'volution, le vif dsir d'avancement qui l'animait dj la fin de sa vie
prcdente.
"Que gagnerait alors le nophyte une rincarnation immdiate ?"
pourrait nous demander l'observateur superficiel.
Cette question comporte deux rponses : l'une assez intelligible,
lorsqu'on l'envisage un certain point de vue ; l'autre, au contraire, trs
abstraite. La plus comprhensible a trait aux relations du nophyte avec le
Maitre auquel il s'est attach.
Les expressions servant peindre les affections, les liaisons ordinaires
de la vie, seraient impuissantes rendre le sentiment d'ardente affection
qu'prouve le [357] disciple lorsqu'il a atteint la condition qui lui permet
d'entrer en relations personnelles avec un tre d'une nature si leve, avec
l'un de ces grands Adeptes qui sera, dsormais, l'influence prdominante de
sa vie.
Un de ses dsirs les plus intenses sera d'entrer dans une intimit plus
franche, plus troite, si l'on peut dire, avec le Maitre. Il aspirera de toutes
ses forces au jour o son propre avancement l'lvera non loin de la rgion
o brille la lumire qui guide son destin. Par consquent, s'il s'attardait
suivre le cours de l'volution normale, s'il jouissait pendant quelque mille
ans de la flicit dvachanique, le Maitre vers lequel tendent tous ses dsirs
pourrait, pendant cette longue priode, tre appel des fonctions
suprieures encore dans l'ordre de la Nature. Il deviendrait alors inaccessible
son lve, si celui-ci progressait trop lentement.
Bien que l'lve, clair sur la situation et dsirant la rincarnation
immdiate, soit surtout inspir par l'amour trs concevable qu'il porte son
Maitre, il faut encore tenir compte d'une considration plus complexe. La
renonciation l'existence dvachanique ne semblera peut-tre pas d'une
grande importance, si on l'envisage avec l'intelligence relativement peu
claire de notre plan. Tant que les exigences de l'avancement dpendent
largement des conceptions de la vie prsente, l'individu qui cherche, pour
gagner du temps, viter la priode dvachanique et qui entrevoit les
souviendra l'tat de veille de tout ce qu'il aura fait sur les rgions
suprieures et, dans la limite du possible, ralisera en sa conscience
physique beaucoup d'tats de conscience nouveaux, inhrents aux plans
dvachaniques et aux autres. Ces plans sont accessibles au disciple, malgr
la renonciation dont j'ai parl, parce que, une fois rincarn sur le plan
physique, il lui est possible de passer volont dans l'tat de conscience
dvachanique ou d'en sortir quand la voix du devoir l'appelle ailleurs.
Considrons maintenant les premires mesures que l'aspirant devra
prendre pratiquement lorsqu'il se dcidera, pour la premire fois, s'lever
au-dessus de l'volution normale de l'humanit et entrer en contact avec
ces possibilits glorieuses.
CHAPITRE XV
LE SENTIER DE PROBATION
La porte s'ouvre celui qui frappe. Il faut se prparer soi-mme ; l'appel est demand. Qualits
dvelopper. Les grandes initiations.
*
* *
Au premier aperu de notre sujet, les tudiants de la littrature occulte
moderne, s'ils en ont bien compris et accept les belles conceptions, seront
peut tre ports croire qu'ils ont se faire prsenter dans quelque fraternit
occulte pour se voir initier des mystres insouponns et y subir sance
tenante de solennelles preuves. La porte est ouverte tous ceux qui
frappent nous dit l'aphorisme bien connu. Le royaume des Cieux doit tre
pris d'assaut, suivant une autre phrase symbolique qui a le don d'irriter,
parfois, ceux qui manquent d'une direction intelligente. quelle porte doiton frapper Quelle brche faut-il emporter d'assaut ? La rponse se
dgagerait d'elle-mme de tout ce que nous avons crit prcdemment ; mais
le moment est venu de nous expliquer avec franchise et prcision. Il me faut
ajouter cependant que les tudiants ne me comprendront que s'ils ont saisi,
dans son ensemble, l'expos prliminaire de l'volution humaine tel que
nous le prsente la donne Thosophique. [364]
Il est impossible l'aspirant qui veut gravir le sentier des hautes
initiations de monter plus de quelques chelons au cours de l'existence o il
commena entreprendre cette grande uvre. C'est la principale raison pour
laquelle il ne peut esprer tre mis en rapport, au dbut de ses efforts, avec
les Maitres qu'il dsirerait obtenir pour guides. La premire tche qui lui
incombe est le dveloppement de son caractre, de faon se rapprocher de
la perfection qui reprsente le but de ses efforts. Les impatients trouveront
peut-tre cette perspective dcourageante, mais il n'existe pas de voie plus
rapide o l'on soit dispens d'acqurir ces caractristiques intrieures qui
seules permettent de participer la sagesse et aux pouvoirs des Adeptes de
la grande Loi.
On se tromperait trangement en considrant le dveloppement des
facults psychiques comme la chose la plus importante. Les gardiens de la
science que recherche l'aspirant se sont consacrs la tche sublime
d'activer, de favoriser l'volution spirituelle de l'humanit, et non de lui
enseigner simplement la manipulation des forces subtiles de la Nature, sans
considrer quelles fins ces forces seraient appliques dans la suite. Ils ne
dsirent pas seulement des disciples capables d'exercer leur puissance sur
les plans suprieurs de la Nature, mais des collaborateurs cette grande
uvre de dvouement qui consiste lever le niveau de l'humanit en lui
inspirant des penses et des sentiments plus nobles que ceux qui animent
aujourd'hui la plupart des hommes. Un ardent dsir de percer les mystres
fascinants du monde Hyperphysique, soutenu mme par la force et le
courage, ne saurait constituer une prparation suffisante la vritable
initiation occulte. L'lve accept doit faire [365] preuve de certaines
qualits qui puissent le rendre apte, avec le temps, seconder ceux qui ont
pour mission dans le systme gouvernemental du monde, de diriger et de
protger l'volution de l'humanit. Il doit, en outre, se rendre digne d'tre
prsent par son Maitre la hirarchie occulte, et admis au nombre de ceux
qui sont dfinitivement entrs dans le sentier. L'impatience qui pousserait le
nophyte s'lever contre ce programme trop exclusif du moins pourraitil le croire n'aidera en rien son avancement. Les pouvoirs et les facults
observs chez quelques personnes et dont le charme a peut-tre captiv son
imagination, peuvent avoir t acquis par des mthodes irrgulires, trs
impropres favoriser l'volution ultrieure. Mais les Hirophantes de la
grande Fraternit Blanche n'accorderont ces pouvoirs qu' l'aspirant qui se
distinguera par certaines qualits morales propres leur inspirer confiance,
parce que ces Maitres de Sagesse sont aussi des Maitres en Suprme
Compassion et qu'ils veulent tre assurs que le disciple n'emploiera pas au
mal le pouvoir et les nouveaux sens de perception qu'il convoite.
Dans quel but propagerait-on publiquement des informations qui
permettraient au premier venu, et sous un prtexte quelconque, d'entrer en
relations personnelles avec les Maitres les plus levs ? Le fait qu'il existe
un sentier, que l'tudiant spiritualiste peut aborder, est suffisamment
dmontr toute personne ayant assez d'intelligence pour tudier le sujet
dans la littrature thosophique actuelle. L'enseignement que les Maitres
Adeptes ont largement rpandu y est clairement expos, et pour la premire
fois, dans un langage prcis et intelligible. Cet enseignement indique aux
nouveaux aspirants les conditions indispensables [366] au dveloppement
occulte. S'ils accomplissent le travail prliminaire de prparation que leur
nature doit subir, le Karma leur offrira infailliblement, au plus tard dans la
vie suivante, l'occasion de poursuivre leurs progrs sous la direction
personnelle d'un Maitre, auquel, par le fait mme de leur prparation, ils
auront fait un inconscient appel. La prsence de ce Maitre ne leur sera peut-
tre pas sensible, mais la raction occulte de leurs efforts aura surement
attir son attention.
Voyons maintenant plus en dtail le genre de prparation qui doit
amener ce rsultat. Il n'y a l ni secret ni mystre. Le perfectionnement moral
exig pour l'initiation actuelle, qu'il s'agisse de nophytes orientaux ou
occidentaux, se dcompose en un certain nombre de qualits, et l'acquisition
de ces qualits forme les diffrents stades de ce que nous appellerons le
sentier de probation. Quelques crivains les ont assez exactement dcrits
comme constituant les premiers stades de l'initiation qui conduit l'Adepte.
Mais, quoique l'acquisition de ces qualits puisse imprimer l'aura de
l'aspirant certaines caractristiques qu'un Adepte pourrait reconnaitre, il
serait impropre de les considrer comme autant d'examens passs dans un
ordre rgulier. Ces qualits peuvent au dbut s'acqurir un degr plus ou
moins parfait. On ne peut gure, en effet, exiger de l'aspirant qu'il les
possde toutes parfaitement, alors qu'il est encore en dehors des stades
rguliers de ; car l'tre idal qui les runirait ainsi toutes deviendrait par cela
mme digne de l'initiation suprieure. La seule chose exige du commenant
est de montrer des dispositions sincres et srieuses acqurir ces qualits,
et, au cas o quelques-unes d'entre elles prdomineraient dj [367] dans
son caractre, il lui suffira de possder les autres un degr imparfait pour
parvenir son but. Cette assurance consolante prservera le dbutant du
dcouragement qu'il pourrait ressentir en se croyant oblig par les autorits
occultes raliser, compltement et ds ses premiers pas, des conditions qui
ne semblent compatibles qu'avec une lvation morale presque surhumaine.
Et maintenant, passons aux qualits qui doivent faire l'objet de ses efforts.
Ces qualits peuvent parfaitement se dfinir dans notre langue et ne
nous obligent pas recourir aux termes sanscrits ou palis usits dans 1
Orient. L'ide, quel que soit le langage employ, est d'ailleurs la partie
essentielle retenir. Le premier but des efforts du nophyte pourrait tre
appel la "Soumission au Soi suprieur".
Il doit chercher approfondir, en ce qui le concerne, la signification de
cet enseignement occulte qui nous reprsente ce Soi suprieur comme
l'lment imprissable de notre conscience, qui croit et se dveloppe en se
manifestant sur le plan physique par des incarnations successives. Chaque
incarnation nouvelle fait naitre des motions, des dsirs, des caractristiques
varis, qui se groupent temporairement autour du Soi suprieur, et
constituent la personnalit, le masque physique de l'me immortelle, c'est-dire l'homme terrestre, tel que le connaissent les autres hommes. Mais ceci
2e qualit ou Vairgya.
et nous montre aussi qu'il ne devient une force que s'il procde rellement
d'une vraie sympathie pour l'humanit.
L'assimilation de ces ides, dans une mesure raisonnable, et des
sentiments qu'elles veillent, constitue la seconde qualit que l'aspirant doit
s'efforcer de possder. On l'a quelquefois dcrite comme l'indiffrence aux
fruits des bonnes actions ; mais cette dfinition est sche et peu expressive ;
il vaudrait mieux dire : l'indiffrence la rcompense personnelle
constituant le fruit d'une bonne action ou encore, plus succinctement, le
dvouement l'ide abstraite du bien. La plupart de mes lecteurs trouveront
sans doute cette vertu plus facile pratiquer que l'indiffrence aux objets et
dsirs terrestres ; mais c'est simplement parce que nous sommes, pour la
plupart, pntrs de l'ide que l'existence terrestre doit tre suivie d'une
autre ; la pratique du bien ici-bas nous assure par consquent le bonheur
[373] l-haut. Il y a probablement des cas qui confirment l'inexactitude de
cette thorie surtout s'il s'agit d'un avenir assez lointain. Mais l'existence
qui, pour la premire fois, sera caractrise par le dvouement au devoir
sera, pour l'aspirant, le prlude d'une succession d'efforts et de sacrifices.
Avant de pouvoir tre qualifi, au point de vue occulte, comme ayant acquis
ce dvouement au bien, il doit envisager cette ventualit avec un courage
serein, et sans que son enthousiasme en puisse tre refroidi.
Poursuivons l'tude du dveloppement intrieur qui prcde l'initiation,
et envisageons un groupe de six qualits, ou habitudes mentales 49, exiges
de l'aspirant.
La premire est souvent appele la discipline de la pense. On la
dsigne aussi quelquefois comme la puret de la pense, ou le contrle de
la pense. Il est certain que le contrle absolu de la pense ferait
instantanment de l'homme un magicien ; d'autre part, une mentalit qui
serait purifie ce point que nulle tendance mauvaise, basse ou impure ne
saurait s'y glisser (mme pour en tre chasse aussitt), mettrait la
personnalit privilgie presque en tat d'entrer en Nirvana. Mais bien qu'il
soit assez improbable qu'un simple aspirant puisse remplir entirement cette
condition, il ne peut cependant continuer ses progrs si sa pense est
indiscipline et demeure le jouet des circonstances qui tourbillonnent autour
d'elle. Le contrle ou la discipline de la pense est un travail norme, qui,
de plusieurs faons diffrentes, et pendant longtemps, [374] exigera toute
49
L'ensemble de ces six qualits ou vertus est souvent appel Shatsampatti, et se dcompose en
Shama, Dama, Ouparati, Tiliksha, Samadhn et Shraddlh. NDT.
elles-mmes et pour les mille liens d'associations qui s'y rattachent ; cellesl y trouveront plutt un obstacle qu'une aide leurs progrs. Aucun
instructeur occultiste et autoris n'a jamais sollicit un homme l'esprit
religieux d'abandonner la religion laquelle il est attach. Cet homme
l'purera lui-mme en progressant, et se sentira de moins en moins l'esclave
des formules extrieures du culte ou de la doctrine. Sa faon d'envisager
cette conception plus haute de la religion donnera la mesure de ses progrs
dans l'acquisition de cette troisime qualit que nous pourrions nommer la
libration de la bigoterie c'est--dire d'un attachement exagr une foi
dogmatique quelconque, qu'elle soit originaire de l'Orient ou de l'Occident.
La quatrime condition requise est un tat d'me qui rend l'homme
incapable de tout ressentiment pour les torts ou les affronts qu'on lui inflige
ici-bas. Cette qualit l'tat parfait serait de nos jours une vertu sublime, et
je crois inutile de rpter que cet attribut divin ne peut tre exig de l'aspirant
qui commence peine son travail de prparation. D'autre part, rien ne serait
plus incompatible toute ide d'initiation que la tendance contraire. Il est,
en effet, trs concevable que les guides de l'humanit, qui nous montrent
avant tout l'exemple de la compassion et du dvouement, ne sauraient faire
bon accueil des lves, si bien dous soient-ils sous d'autres rapports, qui
seraient capables du pire des gosmes de la vengeance. Avant de confier
aux mains d'un initi les pouvoirs que lui confrera la science occulte, on
veut tre assur qu'il n'en fera pas l'instrument de ses vengeances
personnelles ici-bas.
Il s'tudiera donc, ds le commencement, ne pas [378] mme prouver
de ressentiment et, en tout cas, dyne jamais y cder. Ce travail lui sera plus
facile s'il a dj dvelopp, dans une certaine mesure, la premire des
qualits ncessaires. Car plus nos dsirs tendent vers les vritables intrts
du Soi suprieur, plus ils se dtachent des objets qui excitent d'ordinaire la
convoitise des hommes : et nous en devenons moins enclins prouver un
ressentiment contre ceux qui nous ont supplants sur ce terrain, je ne
m'arrterais pas dvelopper cette ide comme thse de morale, mais je
crois pouvoir dfinir cette quatrime qualit d'une faon exacte et concise
en l'appelant : l'Endurance.
La cinquime qualit, comme la troisime, existe presque d'instinct
chez certaines natures, tandis qu'elle est, chez d'autres, trs difficile
dvelopper. On nous dit qu'elle empche le nophyte de se laisser dtourner,
de sa voie, par la tentation. Pour les tres qui ont choisi la voie occulte et
qui sont dous d'un temprament ferme et rsolu, les motifs qui les
dterminrent, une fois bien apprcis, ne perdent plus leur valeur. D'autres,
au caractre plus enthousiastes, plus impulsifs, se laisseraient peut-tre plus
facilement dtourner, sans avoir t, pour cela, moins sincres au dbut.
Mais, quant ceux qui ont dj ralis de srieux progrs dans les tendances
que nous venons de dcrire, on peut au moins supposer que leur fidlit ce
but sublime arrivera, en se fortifiant, constituer une qualit caractristique,
qui doit former un trait prdominant dans la nature intime de l'aspirant avant
la fin de son stade prparatoire. Le mot "Constance" caractriserait assez
bien ce genre de tendance.
Passons maintenant la dernire qualification de cette srie la
Confiance dans le pouvoir que possde le Maitre d'enseigner la vrit et
aussi la confiance que [379] le disciple doit avoir en lui-mme, pour
embrasser cette vrit dans toute sa complexit et accepter la responsabilit
des pouvoirs que cette science peut lui confrer, ainsi que d'autres l'ont fait
avant lui.
Cette dernire qualit, ainsi classe parmi les attributs prparatoires que
doit acqurir le futur initi, est trs significative. Comment, en effet, un
"Maitre" entre-t-il soudainement en scne ? Jusqu'ici tous les efforts
mentionns concernaient la prparation individuelle, travail que, selon toute
hypothse, le nophyte doit entreprendre seul, et sans espoir d'entrer
pralablement en relation consciente avec l'un quelconque des grands
Instructeurs. Mais j'ai dj expliqu que tout dbutant est certain d'attirer,
ds ses premiers pas, l'attention de l'un des grands Instructeurs, s'il s'efforce
srieusement d'entreprendre le dveloppement intrieur qui doit prcder
son introduction consciente la haute science, et l'association fraternelle.
Peut-tre restera-t-il longtemps inconscient de ce fait, mais en comprenant
bien les deux importantes conditions primitives, en s'entrainant pour
acqurir les premires qualits ncessaires, il arrivera connaitre le Maitre
vers lequel il s'achemine insensiblement, avant mme que la sixime de ces
qualits ne devienne pour lui d'une importance pratique.
De fait, il ne faut jamais oublier que rien, dans une telle uvre, ne peut
se prcipiter. Les premires qualits mmes ne sauraient s'acqurir, un
degr suffisant pour le dbutant, sous l'impulsion seule d'une motion
nouvelle. Un pareil changement intrieur survient insensiblement la suite
de longues habitudes mentales ; et si certaines personnes se trouvaient
capables de soutenir une conviction acquise sous l'empire d'un enthousiasme
subit, le Maitre, dont elles attirent [380] l'attention, laisserait un certain
c'est ce genre d'preuves fort peu clmentes que doit s'attendre l'aspirant
de nos jours. Si l'irritation, l'impatience causes par ces preuves, avaient
pour effet de dtourner ses penses et ses dsirs de la voie qu'il commenait
suivre, il chouerait, pour cette vie du moins, dans l'acquisition de la
cinquime vertu ; mais sa responsabilit ne sera pas indument augmente
par les rvlations, par l'illumination intrieure que lui apporterait la sixime
vertu.
D'aprs notre classification, qui est la plus gnralement adopte,
l'acquisition des six vertus ou qualifications prcdentes constitue la
troisime qualit du Sentier de Probation. La quatrime 50 serait la rsultante
[382] naturelle de ces qualits. Elle prend la ferme d'une aspiration bien
dfinie vers la vie spirituelle et vers l'union avec le plus haut idal que puisse
concevoir le candidat sur ce plan de la pense. Et la cinquime est plutt,
proprement parler, un stade de progrs qu'un rsultat distinct acqurir. On
la dcrit comme la parfaite aptitude l'initiation ; c'est aussi la consquence
naturelle des qualits prcdemment acquises.
Puis, avec le temps, l'aspirant que nous ne dsignerons plus seulement
par ce nom toujours conduit par le Maitre qui guida et protgea ses
premiers pas, atteint un grand rsultat. Il franchit enfin le portail qui le
sparait des membres de la grande Fraternit de Perfection et devient en
quelque sorte un des leurs. Il est vrai, un autre point de vue, que c'est alors
seulement qu'il commence gravir le vritable sentier de dveloppement
occulte. Pendant de nombreuses devra lutter encore pour acqurir les
aptitudes qu'exige l'Adeptat. Les horizons que, de ce niveau, peut embrasser
le disciple s'largiront alors dans une proportion que nul ne saurait apprcier.
En tout tat de cause, l'aspirant qui franchit les limites de la premire grande
Initiation a gagn quelque chose qu'il ne perdra plus, quel que soit l'avenir
qui lui est rserv et les difficults qu'il pourra rencontrer par la suite. Il ne
peut plus, dans l'ordre des choses, redevenir ce qu'il tait avant le
changement si important opr en lui par la persistance de ses efforts,
d'abord, et confirm ensuite par son admission au sein de la hirarchie qui
gouverne le monde. [383]
L'Initiation qui entraine ainsi et pour toujours l'aspirant au-del du
gouffre sparant l'humanit ordinaire du monde occulte se nomme
l'initiation "Sohan" Elle ne dpend en aucune faon des dons psychiques. Il
50
Appele Moumouksh, est aussi le dsir d'obtenir sa libration, la rsolution dcisive de se librer
de toutes les limitations. NDT.
est mme thoriquement possible (bien que le cas soit rare) de la recevoir
sur les plans de conscience suprieurs sans que la personnalit incarne se
le rappelle ou en ait connaissance. Mais encore une fois il n'y a l qu'une
question de dveloppement moral ou d'thique. En l'absence de ce
dveloppement, la possession des sens psychiques ne hterait pas l'initiation
d'un jour, car ceux-ci pourraient tre le rsultat karmique d'efforts entrepris
autrefois (pendant des vies antrieures peut-tre) pour pntrer les mystres
de la Nature, et avoir t inspirs par des motifs trs diffrents de l'altruisme
lev qui caractrise le vrai, le pur disciple des Maitres. Les facults
psychiques acquises par ces moyens nuisibles seraient plutt propres
entrainer celui qui les possde de dangereuses relations sur les plans
occultes de la Nature qu' l'aider dans le vrai sentier de l'volution.
Aprs avoir reu l'initiation Sohan, le principal objet de l'entrainement
venir ne consistera pas encore dvelopper, chez l'homme incarn l'tat
de veille, ces facults psychiques qui lui donneraient les cls de la
connaissance confre par son initiation. En ce qui concerne son propre
entrainement, il s'appliquera surtout perfectionner les qualits morales ; de
plus, en vertu d'une utilisation plus active de son Soi suprieur, il pourra,
sous une direction convenable, accomplir bien d'autres travaux dont la
nature chappe nus facults mentales. Maintenant qu'il est dfinitivement
entr dans le sentier de l'initiation, il est ncessaire perfectionne, d'une faon
absolue, les caractristiques [381] qu'il avait seulement bauches pendant
la priode de probation. Mais il arrive ce rsultat d'une faon un peu
diffrente.
En dcrivant les progrs du disciple, travers les divers stades
d'initiation conduisant l'Adeptat, on ne dit pas que le disciple acquiert telle
ou telle qualit, mais qu'il rompt certaines "entraves", qui l'attachent aux
plans d'existence infrieurs. Dans quelques ouvrages orientaux, ces entraves
sont numres dans un ordre dtermin ; mais je crois inutile, ici, d'en faire
l'analyse ; envisage au point de vue ordinaire, la signification relle qu'on
y attache dans le monde occulte ne serait probablement pas comprise. Nous
pouvons parfaitement analyser et apprcier l'ensemble des qualits
probationnaires. Mais, pour interprter celles du Sentier, suprieur, il nous
faudrait une connaissance plus leve encore. Il n'en est pas Moins
intressant d'examiner les stades de ce sentier qui, mme dans notre milieu,
peuvent tre fort bien compris par tous ceux qui tudient srieusement
l'occultisme.
des pouvoirs, mais ne pratiquant pas au mme degr les hautes vertus
morales qui distinguent le simple disciple en probation de la Loge Blanche.
Nous dirons seulement, leur sujet, que, tant qu'ils n'auront pas acquis
le dveloppement moral en question, et bris les "entraves" qui s'opposent
au progrs du disciple pendant les derniers stades de l'initiation conduisant
l'tat d'Arhat, ces individus ne pourront atteindre aux stades suprieurs ou
parvenir assez haut pour n'tre plus en danger de retomber dans les sentiers
de la Magie noire, avec ses terribles consquences finales. [388]
Je l'ai dj dit, il est impossible, avec le seul tat de conscience du plan
physique, de dfinir la nature exacte des qualits qui conduisent l'Adepte.
Autant vaudrait essayer d'crite un trait de mtaphysique en monosyllabes.
Tout merveilleux que nous paraissent les progrs actuels de l'esprit
humain dans les diffrentes branches de la science, lorsqu'on les compare
ceux des poques plus rudimentaires, ils n'embrassent qu'un aspect de la
Nature, un seul plan de conscience, tandis que l'Adepte est en rapport avec
plusieurs. Il serait impossible de dcrire les taches d'un plan dtermin en se
servant des termes usits sur un autre plan.
Cette premire difficult nous arrte, avant mme d'arriver concevoir
en imagination le niveau d'volution de l'Arhat, et nous dissuaderait encore
d'entreprendre la description des qualits qui distinguent ces grands Adeptes
et des fonctions ultimes qu'ils finissent par exercer. Ils s'unissent par la suite,
en quelque mystrieuse faon, avec les lois fondamentales du Cosmos, dont
ils deviennent en quelque sorte l'expression le foyer rayonnant d'o mane
l'ide divine. On ne peut rien savoir de plus leur sujet ; mais nous pouvons
en dduire ce principe gnral, qu'il n'existe aucune limite l'volution de
l'humanit vers la perfection et l'infinie sagesse. Arrtons-nous donc au seuil
de certains mystres ; il serait tmraire de vouloir les approfondir, notre
stade d'avancement et dans un trait destin la publication.
Il est cependant un rang spirituel suprieur encore celui d'Arhat, et
que nous pouvons dfinir clairement, parce qu'il reprsente un tat
d'volution qui, si prodigieux qu'il soit, est pourtant le but thorique de toute
la race humaine du prsent Manvantara. Tous [389] les hommes n'y
arriveront certainement pas ; ceux qu'emporte le courant ordinaire de
l'volution n'y parviendront qu'aprs des millions d'annes, et ont en
perspective d'innombrables existences qui, distribues suivant leurs mrites,
ne justifieront que trop souvent la philosophie pessimiste. Mais,
thoriquement, cette volution est la porte de tous ceux qui lisent ces
lignes.
Nous allons donc essayer de comprendre un peu le rang qui, dans la
hirarchie suprieure, surpasse celui d'Arhat. Il s'acquiert aprs des priodes
de lutte et d'attente dont nous ne pourrions actuellement nous rendre
compte ; l'Arhat y atteint aprs avoir bris la dernire "entrave" qui
l'attachait encore ce stade. Cette entrave n'est autre qu' "Avidya"
l'ignorance et ce terme, appliqu un pareil sujet, nous dmontre combien
il serait facile de se mprendre sur la terminologie du "Sentier" suprieur.
La plupart d'entre nous entendent par "Ignorance" le rsultat d'une
comparaison tablie entre certains tats d'esprit et le niveau intellectuel du
XIXe sicle, considr comme le nec plus ultra de la raison et de la science.
Mais "l'Ignorance" de l'Adepte se mesure d'aprs la connaissance absolue
de tout ce qui concerne la chaine plantaire et le systme d'volution auquel
il appartient. Lorsqu'il possde enfin sans doute aprs de trs nombreuses
incarnations choisies et acceptes volontairement toute la sagesse et la
connaissance qu'il lui tait possible d'acqurir dans ce systme d'volution,
il peut alors passer outre. Mais il doit tre capable d'observer le processus
d'volution o la grande famille humaine est engage, depuis ses origines
les plus recules jusqu' l'avenir presque illimit qui en marque le terme. Il
faut encore qu'il comprenne [390] fond les lois naturelles et les forces qui
rgissent cette volution, soit qu'elles oprent sur le plan physique, dans la
merveilleuse complexit de ses molcules et de ses forces, soit sur d'autres
plans, invisibles l'il ordinaire, qui interpntrent et entourent le plan
physique, et dont la complexit est plus tonnante encore. Puis, lorsqu'il aura
intimement ralis la vritable signification des innombrables problmes
que prsentent le bien et le mal, le pch, la douleur ou l'esprance ; lorsque,
enfin, la terre, l'immensit des cieux, la vie et la mort mme n'auront plus
de secrets pour lui, alors seulement l'Adepte sera digne d'occuper le rang
suprme dans l'immense chaine d'volution que nous venons d'tudier. Il est
alors connu par les initis sous le nom d'Aseka. C'est cette apprciation,
aussi exacte que possible, de la position occupe dans la Nature par les
Adeptes Asoka qui inspire leurs lves, quel que soit leur degr
d'avancement, une si grande confiance dans les enseignements secrets
provenant d'une source aussi autorise 51.
51
La traduction du mot Avidya par ignorance est certainement dfectueuse ; si le mot tait franais,
il serait plus correct de l'appeler la "nescience". NDT.
CHAPITRE XVI
*
* *
Depuis fort longtemps, les facults psychiques naturelles sont, sous une
forme ou une autre, soumises l'observation gnrale ; mais cette tude a
t dirige d'une faon intermittente, si irrgulire et si peu scientifique,
qu'aucun des nombreux crivains adonns ces recherches n'a pu aboutir
une conclusion satisfaisante. Ces facults se rencontrent-elles, comme il
arrive frquemment, chez des individus atteints de maladies diverses ? On
en conclut aussitt, bien tort, qu'elles sont lies, par leur nature, un tat
maladif du corps humain. Le cas si remarquable de la voyante de Prvorst,
relat par le Dr Kerner, en est un exemple typique. Frdrique Hauffe, la
voyante en question, naquit dans la premire anne de ce sicle, au village
de Prvorst, en Wurtemberg. Sa merveilleuse clairvoyance, les visions
remarquables qu'elle obtenait des autres plans de la Nature, s'associaient
de terribles souffrances physiques, auxquelles mit terme une mort
prmature. L'tat nerveux trange et mal compris, qu'on dsigne
vaguement sous le nom d'hystrie, [392] s'allie aussi trs souvent, chez
certains tres, une sensitivit qui en fait de prcieux sujets pour les
expriences de magntisme. Une trop grande hte de gnraliser les choses
fit alors attribuer ce don quelque maladie mal dfinie du systme nerveux,
et rcemment, en France, des mdecins vraiment observateurs, dont les
recherches donnrent lieu ce qu'on appelle l'hypnotisme, ont vulgaris
tel point ces expriences que presque tout le monde aujourd'hui adopte avec
eux l'erreur que les sens psychiques sont le rsultat d'un tat pathologique
dtermin. Au surplus, si l'on considre les choses sous un autre aspect, on
remarquera que l'opinion accrdite provient en grande partie du peu
d'estime accorde au mdium spirite. Les plus ignorants se contentent de le
regarder comme un imposteur, qui abuse de la crdulit humaine par des
jongleries. Mais ceux qui approfondissent un peu mieux le sujet savent que,
si l'imposture entre, pour une grande part, dans la mdiumnit qui s'achte,
puis-je dire, comme une marchandise, il existe pourtant, cache sous cette
fraude, quelque facult ou influence anormale. Nombre de personnes ont
observ, dans la vie prive, des cas de mdiumnit sous des conditions qui
excluaient tout soupon de fraude, dmontrant ainsi jusqu' l'vidence
qu'une communication est possible, dans certaines circonstances encore mal
expliques, entre les habitants de notre plan d'existence et ceux de certains
plans invisibles et intangibles.
La mdiumnit elle-mme, lorsqu'elle est vridique, se manifeste par
des aspects si varis qu'elle semble dfier toute analyse scientifique. Si ces
facults psychiques se dclent par la sensibilit l'influence magntique,
elle revt encore mille formes diffrentes, [393] prouvant clairement aux
exprimentateurs que la crature humaine possde un organisme physique
beaucoup plus complexe que ne le ferait supposer sa contrepartie physique ;
car rien n'a pu jusqu'ici nous clairer sur les raisons qui font que tel sensitif
peut lire dans un livre ferm qu'on appuie derrire sa tte, tandis qu'un autre,
incapable de l'imiter, peroit dans des visions d'autres tats d'existence, ou
se trouve capable d'observer distance certains vnements qui se
produisent sur le plan physique. De plus, les facults se montrent parfois
chez ces sensitifs l'tat de veille, d'autres fois seulement sous l'influence
de la transe magntique, et cette alternative parait tre entirement reflet du
hasard. Quelques-uns d'entre eux possdent des facults, appeles
psychomtriques, et tellement dveloppes qu'ils semblent pouvoir acqurir,
au contact d'un objet quelconque, la notion exacte du lieu, des tres et des
vnements auxquels se rattachait autrefois cet objet ; par contre, ils se
montrent souvent tout fait rebelles l'influence magntique. En ce qui
concerne cette influence magntique, la plupart des exprimentateurs ont d
(ne pouvant faire plus) se borner relater les faits rsultant de leur
observation personnelle qui, tout en dmontrant clairement l'action d'une
influence puissante, diffrent tellement entre eux par leurs caractres qu'ils
nous aident fort peu interprter scientifiquement cette influence
magntique.
Mais, si difficile que puisse tre une enqute dans le ddale de la
psychologie empirique, ces manifestations irrgulires et capricieuses des
sens astrals sont assez comprhensibles pour l'tudiant qui, se plaant pour
ainsi dire au-dessus d'elles, les contemple d'un niveau plus lev. Supposons
un tre plac au milieu [394] d'un pais morceau de cristal ; il ne pourrait,
dans cette situation, en distinguer les contours. Il devra, pour le faire, se
placer en dehors du cristal, afin de le considrer dans son ensemble. Par la
mme raison, ce n'est qu'aprs avoir dvelopp les facults psychiques, au
point de pouvoir fonctionner sur le plan dvachanique, que l'on peut, de ce
rarement constats, les dons psychiques, les plus intressants tudie, sont
le fruit d'essais prcdemment tents dans la voie du dveloppement occulte.
Prenons l'exemple d'un homme qui, au cours de sa vie prcdente, s'est
trouv mme de saisir une de ces occasions spciales. Il en a profit dans
les limites de son avancement, qui, peut-tre, comportait des aspirations
propices au dveloppement des sens astrals. Il se trouve maintenant engag
par son Karma dans une existence qui favorise sans doute ses progrs
ultrieurs, [399] lors mme qu'il n'en saisirait pas d'abord la porte. Ses
facults naissantes le remplissent d'intrt. Les forces spirituelles de sa
nature rendent les visions qu'il est susceptible d'avoir plutt attrayantes
qu'effrayantes. Il s'assimile, avec une prodigieuse facilit et par le ct
intellectuel, tout enseignement de nature lui indiquer la vritable voie du
dveloppement occulte.
Un homme de ce genre peut devenir, non plus un simple psychique, ou
mme un ardent promoteur de la philosophie thosophique, mais aussi un
de ces disciples clairs que leur conscience, spcialement entraine, met en
tat de travailler librement sur des niveaux suprieurs au plan astral. Ces
disciples, pour inaugurer la longue carrire de dvouement qu'ils
poursuivront durant leurs vies ultrieures, ont l'inestimable privilge de
constituer un lien entre les grands maitres et les aspirations naissantes de
beaucoup d'tudiants habitant encore notre plan d'existence. Grce leur
appui, ceux-ci pourront acqurir, avant l'poque que leur assignerait leur
dveloppement, une connaissance tout fait spciale du monde occulte, et
seront assurs d'atteindre leur tour, dans la vie suivante, le mme stade
d'volution que ces disciples clairs.
Dans l'intervalle, pour comprendre exactement le problme confus des
facults psychiques naturelles, il faut faire la part des nombreux cas
intermdiaires existant entre l'explorateur curieux du plan astral qui tombe
entre les serres du Magicien noir et l'aspirant aux ides leves que ses
facults psychiques, bien dveloppes, mettent en relation consciente avec
ceux qui peuvent le guider vers les plus sublimes altitudes. Depuis que la
race humaine a atteint l'ge adulte, c'est--dire (en partant de la priode
plantaire actuelle) [400] depuis la priode moyenne de la race Atlante, il y
eut toujours des individus possds du dsir de la science et du
dveloppement occulte, et inspirs en cela par des mobiles trs diffrents,
dont la puret variait l'infini.
Il est prsumer que les plus levs d'entre ces tres ont t guids par
l'influence karmique vers le sentier conduisant directement l'association
sublime des Adeptes, et j'ai dj entrepris d'expliquer, dans le chapitre du
"Sentier de l'Initiation" comment cette association s'unit, par ses
ramifications suprieures ; la hirarchie qui gouverne notre merveilleux
systme, participant ainsi l'ineffable grandeur spirituelle de la hirarchie
cosmique. Mais bien souvent, et diverses reprises, des occultistes peuvent
avoir fond d'autres Loges ou associations, dont le caractre et le but
pouvaient tre admirables, et semblent avoir group autour d'eux un grand
nombre de personnes autant pour leur avantage propre que pour celui de
leurs semblables. Selon toute apparence, ces Loges secondaires d'occultisme
finissent, tt ou tard, par s'unir au courant principal ; mais certaines
personnalits, cdant des tendances individuelles et caractristiques,
peuvent continuer longtemps leur progrs en compagnie de leurs premiers
associs, et parvenir ainsi un rang influent sur les plans hyperphysiques de
la Nature. clairs alors par leurs propres convictions, ils font leur possible
pour contribuer au progrs spirituel de l'humanit.
Or c'est prcisment l'une de ces Loges indpendantes qui prit
l'initiative pratique du mouvement connu sous le nom de spiritisme et
l'alimenta en grande partie. Ce systme prit, par la suite, une telle importance
que si, d'un ct, il dpassait tout fait le but propos, [401] de l'autre, il
accomplissait trs imparfaitement son uvre, destine prouver tous que
des forces indpendantes du plan physique se manifestent autour de nous.
Les conditions actuelles de ce mouvement ne laissent gure supposer
qu'il soit dirig par des tres bons, intelligents et hautement volus. Mais
les personnes bien au courant de ces dveloppements du spiritisme se
sentiront convaincues que, dans quelques cas bien dfinis, les pouvoirs
dirigeants furent bons et intelligents, trs avancs mme dans la
connaissance spirituelle. Les hautes influences occultes auxquelles j'ai fait
allusion en taient sans doute la cause.
Dans le systme d'Allah Kardec, entre autres, l'enseignement qui s'y
trouve donn nous amne forcment cette conclusion. La rincarnation en
est l'ide dominante. Or, comme je l'ai dj expliqu, les rvlations
relatives cette loi, l'une des plus importantes dans la Nature, ne peuvent
jamais provenir spontanment des habitants du plan astral ; cela est
impossible ; mais il serait assez naturel que quelques-uns des instructeurs
occultes avancs, qui guident et contrlent les entits astrales, aient essay
d'introduire cette doctrine dans les groupes occidentaux, pour savoir si les
esprits seraient assez murs pour la comprendre.
Cette doctrine ne s'est propage, dans la totalit du monde spirite, que
d'une faon trs restreinte, tendant ainsi confirmer notre opinion, que cette
mthode d'enseignement n'tait pas des mieux choisies. Ainsi en est-il des
phnomnes physiques. Il y a vingt ou trente ans, ces phnomnes taient
en pleine activit, dans des conditions mdianimiques qui se prtaient
parfaitement l'investigation scientifique.
Mais la science ne profita que trs rarement de ces [402] occasions, et
les consquences tirer des conditions actuelles du phnomne spirite
dmontrent bien que l'impulsion puissante et intelligente du dbut cesse
d'agir, sauf dans quelques cas particuliers ignors du plus grand nombre. Les
phnomnes spirites les plus rcents semblent l'cho expirant de l'impulsion
primitive.
La littrature amricaine nous rend bien compte de nombreux cas de
matrialisation d'esprits ; mais ces expriences ne sont pas faites pour largir
notre connaissance des lois de la Nature, et, d'ailleurs, ce genre de
manifestations est peut-tre, entre tous, le plus susceptible de fraude.
L'ensemble de ces remarques nous induit conclure qu'il ne faut pas
chercher le vritable progrs spirituel dans ce qu'on appelle gnralement le
spiritisme. Tous ceux qui ont tudi les mthodes d'entrainement
thosophique, s'ils s'adonnent aux expriences spirites, ne le feront qu'avec
une grande rserve, tout intressantes qu'elles soient le plus souvent. Mais,
d'autre part, le spirite est un chercheur avec lequel, ce me semble, le vrai
thosophe ne peut que sympathiser. Tous deux possdent en commun des
croyances qui les distinguent de la foule des matrialistes, comme du grand
nombre de ceux que leur ignorance mme empche de comprendre les
dogmes de leur propre religion. Ces deux coles devraient tre animes
rciproquement de meilleurs sentiments, et elles y arriveraient
insensiblement, si les malentendus se dissipaient de part et d'autre. Le
thosophe serait vraiment bien avanc dans l'tude de l'occultisme, s'il ne
trouvait, dans les expriences spirites, matire de nombreuses rflexions.
D'autre part, beaucoup d'admirables conceptions thosophiques, relatives
aux conditions de l'volution [403] humaine aprs la mort, nous expliquent
les phnomnes spirites qui se rapportent la vie spirituelle et ses
complexits diverses.
CHAPITRE XVII
L'INDIVIDUALIT
Origine et destine de l'individualit. Son volution est une tche immense. Prparation de
l'essence monadique. Instinct animal. Focalisation de la conscience. Contact avec AtmaBouddhi. But spirituel de l'Univers. Le Sacrifice du Logos.
*
* *
Certains problmes de conscience, paraissant au premier abord toucher
de trs prs l'tude philosophique de la Nature et des destines de l'homme,
sont, en ralit, si complexes qu'on ne peut les examiner qu' la lumire
d'une science tendue. C'est prcisment le cas de l'tat de conscience que
nous nommons Individualit. Il semblerait rationnel d'tudier ce sujet en
retraant d'abord le cours de l'volution humaine ; mais on ne pourrait le
traiter sans faire allusion toutes les phases de l'volution. Pour apprcier
comme il convient la gense et les destines de l'individualit, il faut
embrasser la fois les nombreux plans de la Nature, les tats de conscience
infrieurs o ce phnomne de l'individualit n'est pas apprciable, et aussi
l'ensemble du systme auquel nous appartenons. La faon absurde dont la
spculation conventionnelle analyse ce sujet dmontre combien il est
impossible de le faire intelligemment, sans une comprhension assez
complte de l'ensemble de la donne thosophique.
La cration d'une me humaine serait un simple [405] acte de Volont
divine, excutable aussitt qu'il plait deux tres humains de raliser
certaines conditions ; elle est l'opinion favorise par l'ignorance, et une
ignorance du type le plus primitif, si mme elle se cache sous des dehors
scientifiques ou rudits. Cette opinion n'est pas de nature exalter la
Puissance divine ; elle implique l'absence de toute perception des Mthodes
divines, et mconnait, de la faon la plus absurde, la grandeur de l'uvre en
question. La haute science nous dmontre que la cration des mes
humaines le dveloppement de l'individualit dans la conscience
universelle est l'un des buts essentiels du systme auquel nous
appartenons. Si l'organisation des systmes et chaines plantaires, avec tous
leurs rgnes naturels, n'tait qu'un jeu pour l'Omnipotence, elle
reprsenterait encore le plus dplorable gaspillage d'nergie que l'esprit pt
concevoir. La Sagesse suprme ne saurait tre prodigue ce point elle ne
serait pas alors la Sagesse suprme. Mais lorsque, avec le temps, nous
saurons avec quels soins l'individualit humaine est guide, protge ds les
latent en toute forme de vie (et par consquent dans la nouvelle entit
rincarnante) avec l'ocan d'Atma-Bouddhi qui plane, pour ainsi dire, sur la
cration entire. Cette union est provoque par le dveloppement de Manas,
et, lorsqu'elle est accomplie, l'entit qu'il faut dornavant considrer comme
un go imprissable est dfinitivement reprsente sur les niveaux
aroupiques du Dvakhan par un vhicule de conscience appropri cette
condition le Corps Causal, comme le nomment gnralement les
thosophes europens. Dsormais ce vhicule de conscience permanent, qui
demeure immuable travers toutes ses incarnations successives, devient
l'individualit de l'entit en question. Chaque fois qu'il redescend sur le plan
matriel il s'enveloppe nouveau dans un vtement appropri, sans pour
cela perdre aucune des qualits prcdemment acquises.
Au dbut, l'go ainsi dvelopp procde trs lentement dans
l'acquisition de qualits nouvelles. S'il est divin dans sa nature, il ne l'est pas
par son dveloppement.
En ngligeant de faire cette distinction, on a quelquefois introduit une
grande confusion dans certains points : de la donne occulte. Il existe une
grande diffrence entre le savoir et la capacit d'apprendre. Sans l'go
imprissable, l'tre (bien que diffrenci et non plus simplement l'une des
nombreuses expressions d'une mme me collective) serait incapable de tout
contact avec la conscience manasique suprieure. [411] Ce contact une fois
tabli, lorsque le Corps Causal est n, la capacit d'apprendre s'veille. La
nouvelle entit se trouve maintenant relie l'ocan d'Atma-Bouddhi, par
une espce de fil tnu, mais indestructible ; ce n'est cependant pas cet
ocan qu'elle puise directement sa connaissance. Elle la recueillera pendant
bien longtemps encore, dater du point que nous considrons, par les
expriences et dans les enveloppes des plans infrieurs.
Beaucoup de ces incarnations ne produiront peut-tre qu'un rsultat trs
minime. Le courant normal de l'volution est lent ; le plan qui servit tablir
les Manvantaras nous le prouve. Mais il n'en est pas moins vrai qu'arriv
un certain stade, une volution extrmement rapide succde cette lente
croissance. Le point tournant qui spare ces deux natures de progrs peut
tre regard comme un stade volutif, aussi dfini en lui-mme que l'union
primitive avec Atma-Bouddhi, c'est dire la premire diffrenciation de
l'me collective du rgne animal.
Il fait don de Sa Vie aux tres qui sont encore naitre ceux qui sans Son
dvouement ne possderaient jamais la conscience individuelle, et Il le fait
aussi pour que la totalit de la Conscience divine puisse s'enrichir
d'innombrables centres de conscience intelligents.
C'est par amour pour nous, que ce grand acte s'est accompli ; pour nous
et pour d'autres tres qui, comme nous, ou d'une manire diffrente,
poursuivent leur volution travers les diverses rgions spirituelles de la
Nature. Nous tendons tous vers cette rgion, d'o descendit l'origine la
grande impulsion qui prcipita, dans le Cosmos de la vie objective, chacun
des globes visibles ou encore invisibles de notre chaine plantaire.
Le premier grand souffle d'nergie du Logos, celui qui donna l'existence
notre systme, se manifeste par une loi rgissant tous les mondes qui nous
sont connus loi qui prescrit qu' tous les stages d'existence [415] la vie et
l'nergie soient cdes au bnfice d'une conscience autre que celle du
dispensateur, quoique finalement identifies cette mme loi qui est
l'essence de tout le systme. Cette loi de dvouement n'implique pas un
sacrifice absolu et dfinitif ; mais elle peut seule effectuer le progrs de
l'volution dans la Nature.
Ce don de soi nous apparait sous son aspect le plus sublime par la
manifestation mme du systme ; dans quelques-uns de ses plus humbles
effets, c'est, sur le plan physique, une loi d'amour et de bienfaisance. Dans
les degrs intermdiaires, cette loi est consciemment applique par ceux qui,
du haut des rgions suprieures, travaillent l'volution et au bien de
l'humanit.
Mieux nous connaissons le vritable occultisme et la manire
intelligente dont s'exerce le pouvoir sur les plans suprieurs, plus nous
sommes en mesure d'apprcier ce grand principe, qui inspire galement,
diffrents degrs il est vrai, le dvouement incessant de l'Adepte et la charit
dsintresse de certains tres vertueux, hommes et femmes, obissant plus
ou moins inconsciemment aux impulsions de la nature spirituelle qui
s'veille en eux. Nous ne pouvons encore, au point o nous en sommes,
distinguer parfaitement le but final ; mais remettons-nous-en avec, certitude
cette assertion, que tous ceux qui, dans un lan de sympathie gnreuse
pour leurs frres, se dvouent ce grand principe, concourent ainsi au
perfectionnement de notre systme. Et, s'ils persvrent, le temps viendra
o ils aideront cette uvre, guids par une connaissance, une apprciation
plus claires de son but. Ils rpondront alors la Sympathie divine, dont leur