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Grecs D'italie Du Sud Et de Sicile Au Moyen Age. Les Moines

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Mlanges d'archologie et

d'histoire

Grecs d'Italie du Sud et de Sicile au Moyen Age : Les moines


Andr Guillou

Citer ce document / Cite this document :

Guillou Andr. Grecs d'Italie du Sud et de Sicile au Moyen Age : Les moines. In: Mlanges d'archologie et d'histoire, tome 75,
n1, 1963. pp. 79-110;

http://www.persee.fr/doc/mefr_0223-4874_1963_num_75_1_8824

Document gnr le 04/05/2017


GRECS D'ITALIE DU SUD ET DE SICILE
AU MOYEN AGE: LES MOINES*

PAR

M. Andr Guillou
Secrtaire Gnral de l'cole

L'Italie mridionale et la Sicile mdivales sont de ces rgions pri


vilgies pour l'historien de la civilisation, o se rencontrent, s'affrontent
et cohabitent des populations de races diverses, et sous des rgimes poli
tiques successifs; ce sont ici les Latins, les Arabes et les Grecs. Mais
qui dit cohabitation dit points de contacts et de cohrence et points
d'opposition et de sparation; saisir et expliquer ceux-ci, dterminer la
part de chacun dans la vie de l'ensemble constitue une tche passion
nante, mais combien dlicate. C'est ainsi que l'histoire politique de l'Italie
sous le rgime byzantin du VIe au VIIIe sicle pour l'Italie de l'Exarchat
de Eavenne, et du IXe au milieu du XIe sicle pour le Sud, raconte l'his
toire du rgime byzantin appliqu ces rgions, mais nous laisse ignorer
l'histoire des Byzantins et des Grecs d'Italie qui s'tend bien au-del
du rembarquement des troupes byzantines Bari en 1071. Les historiens
de l'art sont venus, certes, colorer et animer ces descriptions et ces rcits;
il n'en reste pas moins que, profitant des tendances de l'histoire moderne,
il nous faut repenser ces images dans le cadre d'une histoire de la civili
sation grecque; maints faits humains, en outre, qui sont documents ici,
ne le sont pas dans les terres demeures plus longtemps byzantines et
sont restes l indchiffrables. C'est donc des enqutes successives
que l'historien doit se livrer, mais, en faisant halte de loin en loin pour

* Une premire rdaction de ces quelques pages a t prsente en lan


gue italienne sous forme de rapport la deuxime semaine d'tudes organise
par l'Institut d'Histoire Mdivale de l'Universit Catholique de Milan
Passo
in Occidente
dlia Mendola
nei secoli
(Trento)
XI eenXII
septembre
. 1962 sur le thme: L'eremitismo
80 A. GUILLOU

faire le point et retoucher le tableau d'ensemble, avant de se remettre


en route. D'aprs les sources dites et indites que j'ai pu exploiter
jusqu' prsent, il m'a ainsi paru ncessaire de me prciser le point d'avan
cement de mes recherches dans un domaine de cette histoire des popula
tions grecques d'Italie du Sud et de Sicile au Moyen Age, celui du mona-
chisme et des moines grecs: j'ai t ainsi amen constater que les
cadres vnementiels devaient tre interprts et qu' l'intrieur de
ceux-ci je pouvais tenter d'oprer quelque classement en examinant le
fait monastique dans l'conomie et dans la socit. C'est donc d'une
esquisse partielle qu'il s'agit 1. *

I. - Annales

Les travaux scientifiques qui se sont intress l'histoire du mona-


chisme grec en Italie du Sud et en Sicile ne sont pas, jusqu' prsent,
parvenus imposer une vue claire du cadre vnementiel de cette histoi
re 2 . Je l'baucherais de la faon suivante.

1 J'ignore ici dessein le monachisme grec de l'exarchat de Ravenne


proprement dit, celui de Rome t celui de Naples.
2 P. P. Rodota, Dell' origine, progresse, e stato prsente del rito greco in
Italia osservato dai Greci, monaci basiliani, e Albanesi. Libri tre, II, Rome,
1760, in-4, 275 p.; P. Batiffol, L'abbaye de Rossano. Contribution l'histoire
de la Vaticane, Paris, 1891, p. iv-xxxix; J. Gay, L'Italie mridionale et l'Em
pire byzantin depuis V avnement de Basile Ier jusqu' la prise de Bari par les
Normands ( 867-1071 ) ( Bibliothque des Ecoles Franaises d'Athnes et de
Home, 90), Paris, 1904, p. 254-286, 376-386; K. Lake, The Greek Monasteries
in South Italy, The Journal of Theological Studies, 4, 1903, p. 345-368, 517-
542; 5, 1904, p. 22-41, 189-202; F. Chalandon, Histoire de la domination nor
mande en Italie et en Sicile, t. II, Paris, 1907, p. 584-593; L. T. White, Latin
monasticism in Norman Sicily (The Mediaeval Academy of America. Publi
cation n. 31. Monograph n 13), Cambridge, Mass., 1938, p. 16-52; M. Scaduto,
Il monachismo basiliano nella Sicilia medievale. Rinascita e decadenza, sec.
XI-XIV, Rome, 1947, in-8, lx-367 p.; L.-R. Mnager, La Byzantinisa-
tion religieuse de l'Italie mridionale (IXe -XIIe sicles) et la politique monas
tique des Normands d'Italie, Revue d'Histoire Ecclsiastique, 53, 1958, p. 747-774;
54, 1959, p. 5-40; H. -G. Beck, Kirche und theologische Literatur im Byzanti-
nischen Reich (Handbuch der Altertumswissenschaft . . . , Iv. von Millier, 12.
Abt., 2. Teil, Bd. 1, Byzantinisches Handbuch, 2. Teil., Bd. 2), Munich, 1960,
p. 227-229.
GRECS D'ITALIE DU SUD ET DE SICILE AU MOYEN AGE 81

a) Les origines: VIIe-VIIIe sicles.

Procope de Csare, dans une description peu claire des rgions et


des populations qui occupent l'ancienne Grande Grce sur le littoral
de la mer Adriatique et de la mer Tyrrhnienne, au moment du dbar
quement des troupes byzantines, au VIe sicle, cite les , les
, les , les , les et les , et note
que les premiers Grecs (") n'apparaissent qu'en Epire1; il semble
considrer que l'Italie du Sud tait alors habite par des Latins; les
dernires recherches des linguistes sur l'origine des dialectes no-grecs
de ces rgions paraissent prouver que les Grecs n'ont jamais disparu de
la pninsule 2. Information lacuneuse de Procope? Question de nuances?
L'historien manque de sources dcisives pour trancher. L'existence d'une
importante population grecque en Sicile, et surtout en Sicile orientale,
est, par contre, srement atteste par le grand nombre des inscriptions
funraires grecques du IVe et du Ve sicle3. Mais il manque encore ici
la convergence des preuves. Ce qui peut tre considr comme une hypo
thse pour la priode prcdente, qui reste, et cela est indiscutable ,
muette sur la prsence de moines grecs en Italie du Sud et en Sicile,
fait place la certitude pour le YIIe sicle; si on carte, en effet, cause
de son caractre lgendaire la Vie de s. Jean Damascne qui ferait venir
d'Italie ( ' = Italie du Sud ou Sicile) le moine rudit
Kosmas, qui fut le matre du grand docteur byzantin 4, on conserve la

1 De bello gothico, I, 15 (d. G. Dindorf, Bonn., 1833, p. 78-80).


2 C'est la position (convaincante) de St. C. Caratzas, L'origine des dia
lectes no-grecs de l'Italie mridionale, Paris, 1938, qui (p. 17-77) a clairement
rsum les diverses opinions des linguistes; mais tout le problme n'est pas l.
3 Y.. Strazzulla, Musum, epigraphicum seu inseriptionum christianarum
quae in Syracusanis catacumbis repertae sunt corpusculum, Palerme, 1897.
Les opinions contraires sont rappeles par S. L. Agnello, Sillage di iscrizioni
paleocristiane dlia Sicilia, Borne, 1953, p. 8-12. La question est seulement
pose. Pour l'existence d'une population grecque Syracuse au VIe sicle,
on notera que Procope au moment du dbarquement retrouve un ami d'en
fance, install dans le port sicilien pour ses affaires (De bello vandalieo, I,
14, d. Gr. Dindorf, Bonn, 1833, p. 371).
4 Acta SS., Maii, II, Paris-Rome, 1866, p. 112 (trad. lat.), p. II (texte
grec); sur cette vie crite par Jean de Jrusalem au Xe sicle, voir M. Jugie,
Dict. Thol. Gath., Paris, 1924, s. v, p. 696, et H.-Gr. Beck, Kirche und theo-
logische Literatur, . . ., Munich, 1959, p. 567 (= F. Halkin, Bibliotheca Hagio-
graphica Graeca (Subsidia hagiographica, n 8a), Bruxelles, 1957, n 884).
Mlanges d'Arch. et d'Hist. 1963, 1. 6
82 A. GUILLOU

longue lettre thologique de Maxime le Confesseur adresse, entre 646


et 648 tous les higoumnes, moines et populations orthodoxes de
Sicile 1; ce n'est pas dans le terme orthodoxe , qui l'poque couvre
tout le monde chrtien, que l'on cherchera argument, mais dans le fait
que la lettre est crite en grec. Il y avait donc au milieu du VIIe sicle
un certain nombre d'higoumnes et donc de monastres grecs en Sicile;
on connat seulement, il est vrai, pour l'poque le nom de quatre d'entre
eux, S. Lucia, prs de Syracuse 2, S. Pietro ad Baas, S. Nicolas et la
Capitulana, mais de nombreuses grottes et de nombreux ermitages res
tent anonymes 3, et il me parat sr que le pays de Sicile choisi par l'em
pereur Constant II en 663 pour y installer la nouvelle capitale de l'Empire
constituait alors une province de population grecque prospre 4. En con-

1 Migne, P. G., t. 91, col. 112:


. . .
Et il parat certain qu'une partie de ces populations venaient de Syrie, de
Palestine, et, peut-tre, d'Egypte, fuyant la migration arabe, et aussi du Plo
ponnse, chasses par la progression slave. Je reviendrai bientt sur cet im
portant problme dmographique. Pour la date et le sens de la lettre de
Maxime le Confesseur, voir P. Sherwood, An Annotated date-list of the works
of Maximus the Confessor (Btudia Anselmiana . . . , 30), Rome, 1952, p. 55.
2 Vie de s. Zosime, vque de Syracuse, Acta 88., Mart., III, p. 836.
3 Liber Pontificalis, d. L. Duchesne, I, Paris, 1955 (d. anastatique),
p. 354; l'aspect archologique du problme a t expos, dans l'tat trs
fragmentaire o demeure la recherche, par Gr. Agnello, L'architettura bizan-
tina in Bicilia ( Golezione mridionale diretta da U. Zanotti-Bianco. Ber.III:
Il Mezzogiorno Artistico), Florence, 1952, p. 14, 61-68, 81-88, etc.
4 L'archologie est ici une source prcieuse de documentation; conten
tons-nous de signaler les pices les plus connues: un anneau d'or nuptial
inscrit (VIIe s.) trouv Syracuse (Palerme, Muse national, cat. n 31),
un autre, peut-tre un peu plus ancien (VIe-VIIe s.), achet Patern (Syra
cuse, Muse archologique national, inv. n 35261), un collier d'or (VIIe s.)
trouv Campobello di Mazzara (Palerme, Muse national, cat. n 825).
Les derniers sondages archologiques effectus par D. Adamesteanu Soflana
(voir le compte-rendu paratre dans le prochain fascicule du Bollettino
d'Arte) ont apport au jour un certain nombre de bijoux de la fin du VIe
ou, plus probablement, du VIIe sicle. Devant ces dcouvertes occasionnelles,
faites par les archologues de l'Antiquit, on se demande quand l'archologie
byzantine ne sera plus considre comme une parente pauvre de l'archologie
classique: pour l'histoire de la Sicile du VIe au XIe sicle, la documentation
la plus sre et quelquefois la seule est archologique et elle est encore
rechercher; on peut bien penser qu'il n'est pas encore question d'une future
carte archologique byzantine de la rgion. Pour la Calabre et les Pouilles,
le problme est le mme; il faudrait en premier lieu au moins dater les grottes
GKECS D'iTALIE DU SUD ET DE SICILE AU MOYEN AGE 83

fisquant les biens de l'Eglise de Rome en Sicile et en Calabre, Lon III,


en 731, arrachera pour longtemps ces rgions l'autorit du pontife
romain, en donnant aux populations grecques une nouvelle raison de
s'panouir1.

b) Naissances et renaissances: IXe-XIfc sicle.


On ignorera toujours, faute de sources, la nature et l'extension du
monachisme grec (et mme peut-tre de la populatipn grecque) en Sicile
jusqu'au XIe sicle 2; en particulier on ne connat du sort fait celui-ci
par les Arabes que ce qu'en disent quelques hagiographes, qui ont fait
des raids arabes le thme de l'exode et l'origine de migrations vers le
Nord (en particulier vers la Calabre) 3. Il est attest, Certes, qu'un certain

monastiques et distinguer celles-l des autres, car on en connat certaines qui


peuvent remonter au VIIe sicle et avoir t occupes par des moines de
Syrie ou de Palestine (R. Jurlaro, Sulle precedenze cultuali paleocristiane di
alcune grotte greche eremitiche del Salento, Bollettino Bad. Or. Grottaf errata,
n. s., 16, 1962, p. 25-32); on peut aussi citer les objets d'art dcouverts in
situ, comme les deux trs belles boucles d'oreilles (VIe-VIIe s.) qui provien
nent d'une tombe des environs d'Otrante (Tarente, Muse national, inv.
n 22617-22618), etc. Voir les dpouillements partiels dits par P. Orsi,
Sicilia Bizantina, vol. I ( Collezione mridionale diretta da U. Zanotti-Bianco.
Ser. III : Il Mezzogiorno Artistico), Rome, 1942, in-4, 249 p., et G. Agnelloj,
Le arti figurative nella Sicilia bizantina (Istituto sieiliano di studi bizantini
neoellenici. Testi e monumenti pubblicati da B. Lavagnini. . . Monumenti, 1),
Palerme, 1962, in-4, 374 p.
1 Fi Dlger, Begesten ( Corpus der Griechischen Urkunden..., Reihe A,
Abt. 1, 1. Teil), Munich, 1924, n 301.
2 Les iconodules, en tout cas, ne sont pas venus grossir en masse la
population grecque de Calabre ou de Sicile, car ils auraient retrouv dans
ces rgions les lois impriales, qui les avaient amens s'exiler; les victimes
de l'iconoclasme se sont rfugies dans les territoires de l'Italie qui ne faisaient
pas partie de l'Empire byzantin, Rome, Naples et dans les environs
(voir Vie de s. Stphane le Jeune, Migne, P.G., t. 100, col. 1117, 1120). Si des
moines iconodules ont pris le chemin de Lipari, comme le signale Thodore
du Stoudiou dans l'une de ses lettres, c'est sous bonne garde et pour y vivre
sous surveillance: '
; (Migne, P.G., t. 99, col. 1071). ne peut s'agir, ici, de mou
vement dmographique d'une valeur sensible.
3 Une semblable lgende voudrait que le moine Thodore et t chass
de son monastre de l'Olympe en Bithynie par un raid arabe, qui serait donc
l'origine de la fondation du monastre du Stoudiou. Pour l'Italie, lire les
vies de s. Elias de Enna, de Lon-Luc de Corleone, de s. Elias le Splaits,
de s. Luc de Demenna (F. ,, Bibliotheca ffagiographica Graeea . . . ,
84 A. GUILLOU

nombre de moines furent tus la chute de Syracuse (878) x; qu'il y ait


eu des assassinats et des dportations, le fait est certain, mais il n'y eut
pas de perscution; s'il y eut des dparts de colonies monastiques sici
liennes vers le continent et une progression de celles-ci vers le nord de la
Calabre et la. Lucanie, ils furent provoqus plus par l'inscurit conomi
que et le got de certains moines pour les retraites loignes que par
les svices du nouvel occupant 2. Au reste, plus d'un monastre grec
poursuivit sous le rgime arabe en Sicile sa paisible existence: S. Maria
di Yicari dans le Yal di Mazzara, S. Angelo di Brolo, S. Filippo e S. Bar
bara dans le Yal di Demenna, etc. 3. Les dvastations et les pillages des
cavaliers arabes doivent tre ramens leur juste mesure; les rcits des
contemporains eux-mmes nous y invitent: une troupe arabe parcourt-
elle la rgion du Merkourion (haute valle du Lao), les moines quittent
leurs couvents et leurs ermitages pour se rfugier dans la montagne ou
dans le proche sous la protection de la troupe; la bourrasque
passe, ils regagnent leurs cellules, pour constater que leurs pauvres af
faires leur ont t drobes 4; et la vie reprend. S. Sabas fonde-t-il un
monastre sur la rive du Sinni, non seulement il choisit le voisinage d'un
mais il assure, en outre, la premire dfense de son couvent
en protgeant les abords par un rempart ()5; et, face aux atta
ques ennemies, il ne faudrait pas penser que les moines grecs fuyaient
toujours ou cherchaient toujours le martyre: s. Luc de Demenna, quand

Bruxelles, 1957, nos 580, 581; Bibliotheea Hagiographica Latina, Bruxelles,


1900-1901, nos 4842, 4978.)
1 Voir M. Scaduto, Il monachismo basliano . . ., Rome, 1947, p. xxvi.
2 Je me suis lev rcemment contre cette construction soutenue encore
par L.-R. Mnager, La Byzantinisation religieuse de V Italie mridionale. .
Revue d'Histoire Ecclsiastique, 53, 1958, p. 747-774, dans V Introduction
mon volume, Les actes grecs de S. Maria di Messina. Enqute sur les popula
tions grecques d'Italie du Sud et de Sicile (Istituto siciliano di studi bizantini
e neoellenici. Testi e monumenti pubblicati da B. Lavagnini . . . Testi, 8), Pa-
lerme, 1963, p. 19-29, et dans un article rcent, Inchiesta sulla popolazione
Greca dlia Sicilia e dlia Calabria nel Medioevo, Rivista Storica Italiana, 75, 1,
1963, p. 53-68. Je crois pouvoir nier nergiquement les migrations massives
des populations grecques imagines par l'auteur.
3 M. Scaduto, Il monachismo basliano . . ., Rome, 1947, p. 69.
4 Vie de s. Elias le Splaits, Acta SS., Sept., III, 69, p. 876; vie
de s. Nil de Calabre, Acta SS., Sept., VII, 1867, 30, p. 280.
5 Vie de s. Sabas, d. J. Cozza-Luzi, Historia et laudes SS. Sabae et
Macarii juniorum e Sicilia, Rome, 1893, 9, p. 17-18.
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CARTE POUR SERVIR A L'ETUDE DES POPULATIONS GRECQUES EN ITALIE DU SUD ET EN SICILE AU MOYEN AGE

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GRECS D'ITALIE DU SUD ET DE SICILE AU MOYEN AGE 85

une troupe arabe est en rue, choisit les moines les plus courageux etles
plus robustes du couvent et, tel un chef de guerre, enfourche son cheval
et marche l'ennemi; le texte qui raconte le fait ajoute que les Arabes,
terrifis par l'aspect de la monture du saint, qui leur apparaissait environ
ne de flammes, prirent la fuite1; on peut penser que l'allure dcide des
compagnons de s. Luc et les armes qu'ils portaient auraient suffi faire
rebrousser chemin l'ennemi. L'inscurit politique a donc eu pour con
squence la construction de monastres fortifis et c'est la pnurie cono
mique qui, dans ces rgions d'quilibre vital prcaire, a pu causer des
dplacements sensibles de population2; un exemple, la rgion d'Agira,
au sud de l'Etna, qui vient d'tre parcourue par des bandes arabes, au
milieu du Xe sicle, est victime d'une famine si totale que, si j'en crois un
hagiographe, les parents mangrent leurs enfants et les enfants leurs
parents; on comprend la fuite des moines du couvent S. Filippo, situ
au centre du flau, vers les ctes calabraises 3. Dans une autre rgion,
et au milieu du XIe sicle, Drogo et sa bande normande, ravagent toute
la rgion du Latinianon; le monastre S. Nicolas de Trypa, mis sac, fut
abandonn par son higoumne, Hilarion: les annes passrent, les dsor
dres et l'inscurit ne diminurent pas, le monastre et ses terres retour
nrent la friche 4. Telle est donc l'ambiance; mais je laisse dans l'om
bre un problme dmographique plus gnral qu'il faudra poser.
Peut-on localiser sur le terrain les principales institutions grecques
pendant la grande priode du monachisme! Ou, au moins, leur aire d'ex
tension? Question d'importance, car, en relisant les sources hagiographi
ques, on reste convaincu que le monastre constitue un lment essentiel
de fixation pour la population (lieu de plerinage ou point d'exploitation
rurale et centre d'changes). En Sicile, autour de Syracuse, de Taormine 5,

1 Vie de s. Luc de Demenna, Acta 88., Oct., VI, p. 340.


2 Voir A. Gruillou, Inchiesta sulla popolazione Greca . . ., Bivista Storica
Italiana, 75, 1, 1963, p. 63.
3 Vie de s. Sabas, d. J. Cozza-Luzi, Historia et laudes . . . , Rome,
1893, VI, p. 13.
4 Gertrude Robinson, History and Oartulary of the Qreek Monastery of
8t. Elias and 8t. Anastasius of Carbone, II, 1, Oartulary (Orientalia Christiana,
XV, 2), Rome, 1929, n VIII-57, p. 172-175. La date du document reste
tablir, l'auteur ne s'est pas rendu compte que les lments de celle-ci, 6589
et indiction 9, ne concordent pas.
5 M. Scaduto, Il monachismo basiliano ..., Rome, 1947, p. xxv-xxvi.
86 A. GUILLOU

Agira1,
V* le val de Mazzara, le val de Demenna, toute la rgion de Ea-
metta, Troina, et, naturellement, Messine2; en Calabre et Lucanie, les
centres sont Beggio, Armo, Penditattilo, Les Salines (Melicucc,
Sinopoli, Seminara, Tauriana, S. Cristina) 3, la rgion de Mesiano 4,
celle du Mont Mula prs de Cassano 5, la rgion du Merkourion, sur les
v pentes occidentales du Mont Pollino e, le Latinianon, sur le cours moyen
du Sinni, avec Carbone, Teana, Chiaromonte, Noepoli (au Moyen Age
Noa), et Kyr-Zosimo 7, toute la valle du Cilento, jusqu'aux portes de
Salerne 8, la rgion du Vulture 9, celle de Tricarico, avec la Thotokos del
Rifugio10; dans les Pouilles, les recherches archologiques ont permis de
reconnatre habitats monastiques ou lieux de culte entre Otranto et le
cap S. Maria di Leuca, entre Brindisi, Monopoli et Andria, enfin autour
de Gravina, Matera et peut-tre Massafra11; on connat galement l'existen
ce de nombreux monastres grecs Bari12. Aucune de ces fondations n'est
date, on s'en doute; les plus rcentes ont choisi, parfois, des lieux de
culte ou des centres monastiques abandonns 13 . Mais cette prhistoire
est difficile saisir. Et ici s'achve ce que j'appellerais l'poque byzantine

1 Acta 88., Mart., I, p. 99.


2 M. Scaduto, II monachismo basiliano . . ., Rome 1947, p. xxvi-xxxii.
3 Voir, par exemple, vie de s. Elias de Enna (d. Gr. Rossi Taibbi,
Vita di sanfElia il Giovane (Istituto siciliano di studi bizantini e neoellenici.
Testi e monumenti pubblicati da B. Lavagnini . . . , Testi, 7, Vite dei santi sici-
liani, III), Palerme, 1962, ligne 595, p. 44, 205-206, et la carte hors-texte.
4 Ibidem, ligne 784, p. 58.
5 Vie de s. Lon-Luc de Corleone, Acta 88., Mart., I, p. 100.
6 Voir, par exemple, vie de s. Sabas, d. J. Cozza-Luzi, Historia et lau
des . . ., Rome, 1893, 7, p. 14.
7 Ibidem, 9, p. 17-18.
8 B. Cappelli, I Basiliani nel Cilento Superiore, Bollettino Bad. Gr.
Grottaf errata, n.s., 16, 1962, p. 9-21.
9 J. Gray, L'Italie mridionale et V Empire byzantin ..., Paris, 1904,
p. 267.
10 A. Guillou-W. Holtzmann, Zwei Katepansurkunden aus Tricarico,
Quellen und Forschungen aus italienischen Archiven und Bbliotheken, 41,
1961, p. 19, 1. 43 et p. 27-28.
11 Alba Medea, Gli affreschi dette cripte eremitiche pugliesi (Collezione
mridionale dir. da U. Zanotti-Bianco. Ser. III, Il Mezzogiorno artistico),
Rome, 1939, p. 21; E. Jacovelli, Gli affreschi bizantini di Massafra, Massafra,
1960, in-fol., 45 pages.
12 Gertrude Robinson, op. cit., p. 138, . 1.
13 Vie de s. Sabas, d. J. Cozza-Luzi, Historia et laudes ..., Rome,
1893, 3, p. 8; vie de s. Luc de Demenna, Acta 88., Oct., VI, p. 340.
GRECS D'ITALIE DU SUD ET DE SICILE AU MOYEN AGE 87

du monachisme grec d'Italie du Sud et de Sicile; retenons qu'il dborde


les frontires , assez imprcises d'ailleurs, entre les thmes byzantins
et les principauts lombardes, et qu'il se maintient dans la Sicile arabe.
Avec l'arrive des princes normands en Italie du Sud, on assiste
la cration ou la restauration de grands centres monastiques, ce qui
n'est pas contraire aux traditions monastiques grecques, comme on le
verra plus bas, mais ce qui manifeste de la part du pouvoir un dsir de
centralisation; les anciennes institutions sont ainsi places sous l'autorit
de ces centres: S. Elias de Carbone, pour la Basilicata, S. Jean le Moisson
neur Stilo pour l'Aspromonte, S. Maria del Patir Rossano pour la
Sila, S. Nicolas de Casole prs d'Otranto pour la Lucanie et les Pouilles,
S. Salvatore di Messina pour la Sicile1; concentration ncessite par
l'tat de dcadence de nombreux couvents, ou voulue par la structure
du nouveau royaume? J'ai cru pouvoir tablir, aprs une enqute parti
culire dans quelques dossiers d'archives que le niveau dmographique
et culturel des populations grecques de Calabre s'tait maintenu jusqu'
la fin du XIIe sicle; si je ne me trompe, on peut donc admettre la volont
des princes normands de contrler les nombreuses institutions monastiques
grecques par la fondation de couvents importants et richement dots,
tout en tolrant la fondation ou la restauration de couvents grecs dans
les rgions de population grecque majoritaire.

c) Extinction: XIIIe-XVe sicle.


Le monachisme grec, comme la population grecque en gnral,
est entr dans le vtement normand qui l'toufera: coup, dsormais,
des grands foyers orientaux de spiritualit et de culture, au milieu d'une
population latine de plus en plus largement majoritaire, bientt mme,
sous les Angevins et les Aragonnais, dans un climat d'inscurit ou de
guerre permanente, quelquefois d'hostilit marque de la part du pou
voir, il s'tiole peu peu; le recrutement devient impossible, la discipline
est mal consentie, la culture, pour les meilleurs, a t abandonne pour
l'ascse la plus extravagante 2. Les papes tenteront de rformer l'Ordre
de s. Basile comme disait la Curie romaine; mais la commende avait
achev sur le plan matriel ce qui demeurait encore debout. Bessarion,

1 K. Lake, The Greek Monasteries in South Italy, The Journal of Tho-


logical Studies, 5, 1904, p. 24-27.
2 Vie de s. Philartos, Acta 88., April., J, p. 607, 608, 609, etc.
88 A. GUILLOU

malgr tout son zle, travaillera en vain relever les institutions mortes;
les deux visiteurs qu'il enverra en inspection dans les monastres de
Calabre, Athanase Chalkopoulos et Macaire, lui rapportent en 1457-1458
un long procs-verbal qui constitue le dernier jalon historique de cette
histoire de huit sicles: beaucoup de monastres sont en ruines, les moines
sont tous latins, les biens qui ne sont pas en friche sont exploits par des
gens avides et sans scrupules 1. L'histoire du monachisme grec en Italie
du Sud et en Sicile doit tre close ici.
Telles sont les annales commentes de ce monachisme, dont je vou
drais essayer maintenant de comprendre le rle dans l'histoire de la
civilisation de ces rgions.

II. - Le fait monastique dans l'conomie et dans la socit

Pour Basile de Csare, matre incontest des moines orientaux,


l'idal du moine tait de dcouvrir la mesure entre le
et le , traduisons la vie active et la vie contempla
tive , pour atteindre Dieu et assurer ainsi le salut de son me 2.

A) , ou monachisme grec et conomie en Italie du


Sud et en Sicile.
Il convient que le moine se livre des travaux appropris son
tat, de ceux qui ne comportent aucun trafic ou de trop grands tracas
ou des gains scandaleux, de ceux qui peuvent tre excuts aussi l'in
trieur du monastre, o nous nous trouvons le plus souvent, afin que,
d'une part, le travail soit fait et que, d'autre part, 1' soit conser
ve ... , dit l'auteur des 3, qui conclut, ailleurs, que ce sont
les travaux des champs qui lui paraissent le mieux convenir l'tat mo-

1 M. -H. Laurent-A. Gruillou, Le Liber Visitationis d' Athanase Chal


kopoulos (1457-1458). Contribution Vhistoire du monachisme grec en Italie
mridionale (Studi e testi, 206), Cit du Vatican, i960, p. xxiv-xlv.
2 Migne, P. G., t. 31, col. 881: ',
.
3 Migne, P.G., t. 31, col. 1360; la ncessit du travail manuel est maintes
fois souligne par le pre du monachisme byzantin, voir encore col. 772,
876, 1009-1018, 1349.
GRECS D'ITALIE DU SUD ET DE SICILE AU MOYEN AGE 89

nastique1; mmes prescriptions chez Dorothe de Gaza au VIe sicle2


et chez Thodore de Stoudiou, le rformateur du monachisme grec, au
IXe sicle 3 ; il ne manque plus aucun jalon jusqu' nos moines dfricheurs
d'Italie du Sud et de Sicile 4.
C'est bien l, en effet, l'activit la plus impressionnante des moines
grecs en Sicile, en Calabre, en Lucanie et jusque dans les Pouilles au Xe
sicle; ils transforment la fort ou la lande en terres de culture (
dans les textes grecs); s. Elias le Splaits au dbut du sicle fait couper
des arbres immenses ses disciples5, le pre de s. Sabas le Jeune prs
d'Agira, en Sicile, au milieu du sicle doit gagner sur la nature la force
de ses bras l'espace o il lvera oratoire et skite 6, la mme poque
Jnas, moine de la Thotokos del Rifugio au sud de Tricarico, dfriche
un lia,rge espace de terres voisines de son couvent 7, Sabas et Macaire
dfrichent dans la rgion du Merkourion, dans la haute valle du Lao 8,
puis au nord-est du mont Pollino, dans la valle moyenne du Sinni, dans
cette rgion appele Latinianon 9. Les Yies de Saints affirment donc que
les moines grecs dfrichaient au Xe sicle et certaines nous laissent dduire

1 Migne, P.Q., t. 31, col. 1016-1017.


2 Migne, P.G., t. 88, col. 1649, 1652. La bibliographie sur l'abb Doro
the se trouve dans H. -G. Beck, Kirche und theologische Literatur. . ., Munich,
1959, p. 396.
3 Grande Catchse, d. J. Cozza-Luzi, Novae Patrum bibliothecae ab
Aug. card. Maio collectae tomi noni pars II, Rome, 1888, p. 48; Petite Cat
chse, d. E. Auvray, Theodori Studitis praepositi, Parva Catechesis, Paris,
1891, p. 208: , , -
, . . . ., et . 298; voir J. Leroy, La rforme studite, dans
Il monachesimo orientale ( Orientalia Ohristiana Analecta, 153), Rome, 1958,
p. 191-192. Sur Thodore, on trouvera la bibliographie dans H. -G. Beck,
Kirche und theologische Literatur ..., Munich, 1959, p. 491-495.
4 On verra plus bas l'influence exerce par le rformateur constantinopo-
litain sur les monastres grecs de l'Italie du Sud et de la Sicile.
5 Acta 88., Sept., III, 68, p. 875:
& . . .
8 Ed. J. Cozza-Luzi, Historia et laudes . . ., Rome, 1893, 3, p. 8:
. . .
7 A. Guillou-W. Holtzmann, Zwei Katepansurhunden aus Tricarico,
Quellen und Forschungen . . ., 41, 1961, p. 26 et 27, 1. 19-20: ,
. . .
8 Ed. J. Cozza-Luzi, Historia et laudes ..., Rome, 1893, 7, p. 15.
9 Ed. J. Cozza-Luzi, Historia et laudes ..., Rome, 1893, 9, p. 17:
. . .
90 A. GUILLOU

qu'au sicle prcdent il en fut autant: Jnas, prs de Tricarico ne fait


que poursuivre l'uvre commence par ses prdcesseurs1, de mme
Sabas au Merkourion 2 et Elias aux Salines et ici le pionnier a d tre
Elias de Enna cinquante ans plus tt 3, etc.; le grand moment des dfri
chements en Italie du Sud fut-il le Xe sicle ou mme plus prcisment
la premire moitie du Xe sicle? J'en ai l'impression, et aucun texte
n'y contredit.
Qui dit dfrichements dit accroissement de la demande en biens de
consommation, mme si, ici, ils sont trs modestes. Cet accroissement
peut-tre d une monte de la dmographie, dont l'origine la plus sim
ple serait rechercher dans l'Empire byzantin (le Xe sicle est aussi
l'poque des dfrichements monastiques au Mont-Athos 4 et au Latros 5),
si on admet que les migrations locales ne sont pas importantes en volume.
C'est une hypothse de recherche.
Qui dit dfrichements dit mise en exploitation de nouvelles terres,
le plus souvent aprs cobuage; Sabas et Macaire trouvent-ils dans le
Merkourion un site qui leur semble propice pour un tablissement monas
tique, ils dtruisent arbres et buissons par le feu, assainissant ainsi la
terre qui se trouve prte pour une culture de dix quinze ans 6.
Qui dit dfrichements dit, enfin, fixation au sol d'une population
rurale; les premiers bnficiaires en sont, naturellement, les moines.
Dans leur fuite les moines parviennent en un lieu dsert prs de la mer,

1 Le monastre de la Thotokos del Rifugio auquel appartient Jnas


menait, avant mme la donation que lui fit Jnas, une existence normale:
il avait conquis son existence sur la fort; voir A. Guillou-W. Holtzmann,
Zwei Katevansurkunden aus Tricarico, Quellen und Forschunaen. . . , 41,
1961, p. 27.
2 II trouve son arrive une vritable cit monastique, leve avant
lui aux dpens de la fort; voir d. J. Cozza-Luzi, Historia et laudes...,
Rome, 1893, 7, p. 14.
3 Gr. Rossi Taibbi, Vita di sanElia . . ., Palerme, 1962, ligne 595, p. 44.
4 Pli. Meyer, Die Haupturkunden fur die Geschichte der Athosklster,
Leipzig, 1894, p. 105 (Typikon d'Athanase).
5 H. Delehaye, Vita s. Pauli junioris in monte Latro cum interpretatione
Latina Jacobi Sirmondi 8. J., Analecta Bollandiana, 11, 1892, p. 14-15.
6 Vie de s. Sabas, d. J. Cozza-Luzi, Historia et laudes. . Rome, 1893,
9, p. 17-18. C'est l'cobuage; sur les ressources, maigres mais diverses, de
ces sols voir A. Guillou, Les actes grecs de 8. Maria di Messina . . . , Palerme,
1963, p. 26-29, et id., Inchiesta sulla popolazione Greca..., Bivista Storica
Italiana, 75, l, 1963, p. 61-63.
GRECS D'ITALIE DU SUD ET DE SICILE AU MOYEN AGE 91

ils dcouvrent un oratoire : ils voient l le dessein de Dieu; ils dfri


chent donc l'emplacement ncessaire leur installation, construisent
un nouveau sanctuaire, runissent un grand nombre de disciples et
fondent ainsi un trs clbre couvent, o ils rivalisent dans Faction et la
contemplation. Ceci est un exemple type: celui de la naissance du monas
tre Saint-Laurent dans le Latinianon 1. On se doute bien que les bti
ments conventuels ne suffisent pas pour constituer la cellule conomique
qui se forme; les textes nous permettent d'y ajouter seulement le moulin
grain, et, une fois, une saline 2. Il faut suppler le silence des sources et
nantir le nouvel tablissenfent des installations et de l'quipement requis
par toute exploitation agricole. Les moines, dit, en effet, l'un des plus
brillants des fondateurs calabrais, s. Nil, qui doivent se suffire eux-
mmes, font donc tous les travaux des champs 3. C'tait aussi les
consignes laisses par Thodore de Stoudiou ses moines de Constan-
tinople 4.
Les moines ne suffisent bientt plus l'exploitation des terrains qu'ils
gagnent sur la friche, ils font alors appel la main d'oeuvre civile et pren
nent ainsi place, sous le rgime byzantin, dans la classe envie des pro
pritaires terriens. C'est ainsi que le monastre de la Thotokos del
Blfugio, prs de Tricarico, fond peut-tre au dbut du Xe sicle, reoit
de l'un de ses moines, sa mort, une belle tendue de terrains proches
du couvent; l'higoumne, Kosmas, appelle des , paysans dga
gs d'obligations vis--vis du fisc, pour exploiter le nouveau domaine;
quinze annes suffisent pour que la nouvelle exploitation soit organise
et assez prospre pour intresser le cadastre et le fisc impriaux: le repr
sentant de l'administration impriale, cette date, en effet, reconnat
par un document solennel au monastre la proprit du nouveau chrion

1 Vie de s. Sabas, d. J. Cozza-Luzi, Historia et laudes . . ., Rome, 1893,


9, p. 17-18.
2 Vie de s. Elias le Splaits, Aeta 88., Sept., III, 43, p. 865:
. . .
. . .
3 Vie de s. Nil, Aeta 88., Sept., VII, 31, p. 280: "
. . .
4 Pour Thodore le monastre est une cit conomiquement autonome,
comme l'a vu J. Leroy, La rforme studite, dans II monachesimo orientale
(Orientalia Christiana Analecta, 153), Rome, 1958, p. 191-192.
92 A. GUILLOU

(), mot qui dsigne la circonscription fiscale dans la langue admi


nistrative grecque 1.
Dans le monde religieux de la vie byzantine, il va de soi que la nou
velle circonscription fiscale tait dgreve de toute charge vis--vis de
l'tat2. Les revenus de l'exploitation pouvaient donc tre consacrs
son entretien et son extension. Mais les produits du sol ne constituaient
pas toujours l'unique ressource du monastre. Non contents d'abandon
ner aux institutions monastiques les taxes qu'ils taient en droit de per
cevoir sur les proprits, le gouvernement byzantin, l'Empereur, les
grands personnages de l'Empire, assuraient leur salut ternel en dotant
richement les couvents qui taient, leurs yeux, les intermdiaires effi
caces entre la terre et le ciel: le monastre des Salines, fond par Elias
de Enna, reoit ainsi de l'empereur Lon VI un grand nombre de biens-
fonds () et une quantit importante de revenus () 3.
C'est un exemple.
La puissance conomique de cette population rurale, groupe autour
du propritaire gros ou petit, le monastre, fut certainement un lment
important de la vie agricole (sinon commerciale) de ces rgions, par son
unit et par sa stabilit. Le monastre est une cit conomique autonome
et hirarchise, ici, comme ailleurs dans l'Empire. L'image juridique de
ce fait conomique se trouve encore dans Thodore de Stoudiou 4.
L'higoumne devient donc, sinon propritaire5, du moins grant
responsable des domaines qui lui sont confis. Le taxiarque Kaln, pre

1 Voir A. Guillou-W. Holtzmann, Zwei Katepansurkunden aus Tricarico,


Quellen und Forschungen, . . ., 41, 1961, p. 26-28.
2 Ibidem.
3 G. Rossi Taibbi, Vita di sanfElia . . . , Palerme, 1962, ligne 1632,
p. 120.
4 Voir par exemple, la Grande Catchse, d. J. Cozza-Luzi, p. 13:
, , -
, , '
' , ,
, * et . 38,
" ,
" et . 202, -
. . . (voir Petite Catchse, d. A. Auvray, p. 151, 437).
5 On sait que d'aprs le droit canon byzantin les moines ne peuvent
tre propritaires (Photius, Syntagma Canonum, P. G., t. 104, col. 836:
' ) ; le sujet est traiter.
GRECS D'ITALIE DU SUD ET DE SICILE AU MOYEN AGE 93

du spatharokandidat Jean, avait donn tout ce qui lui appartenait, ter


rains, vignes, arbres fruitiers, moulin, situs sur le territoire du chteau-
fort qu'il avait construit, au moine Grasimos, pour qu'il y levt un
sanctuaire et un monastre, avec cette clause que, si Grasimos ne veil
lait pas la prosprit de la proprit {zi ), celle-ci
serait confie un autre moine. Le donateur mort, le spatharokandidat
Jean constate l'incurie de l'higoumne; il se met d'accord avec son frre
pour congdier Grasimos et confie l'exploitation et le monastre S. Nico
las au moine Hilarion. Les dprdations commises par les Normands, la
chute du rgime byzantin en Lucanie et en Calabre, sont accompagnes
ou suivies dans la rgion de troubles conomiques parfois dterminants:
le moine Hilarion, quant lui, renonce et abandonne son couvent, aprs
avoir restitu au propritaire la convention crite qui lui en donnait la
responsabilit spirituelle et temporelle. Quelques annes aprs, le spatha
rokandidat confie le domaine et le couvent l'important monastre
voisin de S. Anastasios de Carbone 1.
Un sicle plus tard, en Sicile normande, Oul, fille de Jean Grapheus,
un grand officier de l'administration royale, et son mari Roger, un haut
fonctionnaire de Messine, fondent et dotent deux monastres grecs, l'un
de femmes Messine mme, l'autre d'hommes sur la rivire Bordonaro,
au sud de la ville. On a conserv le texte de la convention crite (
) passe entre la donatrice (car elle cde son bien) et l'hi
goumne Arsnios pour le second monastre: celui-ci s'engage clbrer
chaque anne un office en l'honneur de la donatrice et un autre en l'hon
neur de son poux, et prendre soin, avec une gale attention, des int
rts spirituels et temporels du couvent. Oul conserve, sa vie durant, la
proprit de ses biens qui, sa mort, passeront la communaut2.
Jusqu'ici je ne vois rien de chang dans le rgime de gestion des monas
tres entre l'poque normande et l'poque byzantine. Ce n'est qu'une
apparence. Lisons, en effet, plus attentivement. Le nouvel higoumne
est choisi en 1189 par Oul, qui, en principe pourtant, a donn son bien

1 Gertrude Robinson, op. cit., n VIII-57, p. 173-174.


2 Une copie du document, faite en 1731, par Joseph Vinci, prtopapas
des Grecs de Messine, est conserve la Bibliothque Communale de Palerme
(Ms. QQ. H. 237, fol. 15-19v) avec une traduction latine de l'auteur (fol.
417-419 v). Elle est dite et commente dans mon ouvrage, Les aetes grecs
de 8. Maria di Messina . . ., Palerme, 1963, Appendice JI, p. 197-214.
94 A. GUILLOU

an monastre, et avec l'accord des boni homines ( ), repr


sentants de la juridiction gracieuse qui assistent le propritaire; les mmes
peines spirituelles et financires (trs lourdes) sanctionnent l'higoumne
qui ngligerait ses devoirs de chef religieux et celui qui ngligerait ses
devoirs de chef d'exploitation; d'autre part, la redevance annuelle, fort
leve, qui grve la donation et qui est destine, d'aprs les termes du
contrat, payer les frais du culte consacr la mmoire des deux poux
donateurs, est un cens, le terme mme employ () ne laisse
aucune place au doute: enfin, le seigneur du couvent, c'est--dire la
donatrice et sa famille, y auront toujours droit au gte, au couvert et aux
honneurs traditionnels: la scne se passe en terre fodale normande, la
propritaire grecque loue son bien (monastre et exploitation agricole)
l'higoumne et renonce celui-ci seulement sa mort en faveur du
monastre 1. L'higoumne () reoit, temporairement, dlgation
d'autorit sur la cellule fodale que constitue le monastre (biens-fonds
et personnes, en particuliers les deux serfs mentionns dans le document),
avant de devenir seigneur lui-mme par lection en principe de la com
munaut 2.
C'est dans cette hirarchisation des liens personnels et matriels,
propre aux institutions fodales et ignore des institutions grecques au
Moyen Age, que je crois pouvoir trouver l'origine de la formation des
grands centres monastiques grecs de l'poque normande, tmoins heureux
d'une politique intresse peut-tre, mais avise. Je ne puis dterminer
le sens de ces crations de la fin du XIe sicle et du XIIe sicle ou de
telle ou telle naissance, avant de les avoir localises gographiquement
toutes, d'une part, et, d'autre part, avant d'aveir fix la courbe conomi
que de ces rgions entre le dbut et la fin du XIe sicle.
Etendons le champ d'observation du problme. Lors de l'arrive
des Normands, S. Anastasios de Carbone est un monastre prospre:
il possde le monastre de l'Archistratgos au nord-ouest de Chirico,
celui de la Mre de Dieu, tous les deux dans le Latinianon, le mtoque
de S. Sofia Bari, le monastre de la Thotokos de Casanite, l'glise de
S. Pancrace, et il a rassembl sous son autorit (spirituelle et conomique)
les skites, laures, couvents et autres ermitages de Noia et d'Armento,

1 Ibidem.
2 Ibidem.
GRECS D'ITALIE DU SUD ET DE SICILE AU MOYEN AGE 95

Tout ceci parat avoir t l'uvre du second Luc peu avant le milieu du
XIe sicle. Les seigneurs normands de Carbone, les Chiaromonte, vingt-
cinq ans plus tard par leurs donations accroissent considrablement les
proprits du monastre, leurs successeurs au XIIe sicle feront du mo
nastre byzantin un redoutable concurrent des fondations bndictines
latines. Ds la fin du XIe sicle il a runi sous son contrle tous les petits
monastres grecs de la rgion, et, plus tard, tous ceux compris l'intrieur
d'une ligne runissant Salerne, Eboli, Conza, Melfi, jusqu'au Bradano,
suivant la cte ensuite jusqu' Pollicoro et Cerchiara (moins Cassano,
possession de l'vque de Bari), longeant la valle du Lao, rejoignant
Belvedere au Sud pour suivre enfin de nouveau la cte jusqu' Salerne *.
La puissance de l'higoumne Hilarion, au milieu du XIIe sicle, lui permet
de se dfendre avec succs en justice contre les plus grands seigneurs;
je pense au procs qu'il gagna contre Bobert, katpan de la valle du
Sinni2. Premier exemple d'une baronnie monastique fodale ne d'un
centre monastique grec dj prospre.
Observons maintenant une cration: celle de Saint-Sauveur de Mes
sine. Je dis tout de suite que l'image que l'on en connat restera floue,
tant que les problmes poss par la reconstitution des archives du monas
tre n'auront pas t examins et tant que l'dition commente des textes
connus n'aura pas t entreprise par un spcialiste. Je vois cette cration,
pour le moment, ainsi, d'aprs le texte organique sign par le roi Boger II
en mai 1131 : il est cr a la pointe du phare de Messine un grand mo
nastre destin tre la maison-mre de tous les monastres grecs qui
sont soumis sa juridiction, soit une quarantaine environ, diviss en
monastres mineurs qui seront administrs par des conomes envoys par
le Saint-Sauveur de Messine, et en monastres indpendants administrs
par des higoumnes, choisis par leur communaut, avec approbation de
l'archimandrite du Saint-Sauveur; car tel tait le nom du chef de cette
congrgation du genre bndictin. L'archimandrite, lu par les moines
du Saint-Sauveur, fait ratifier son lection par le roi, avant de recevoir
la bndiction: il ne dpend d'aucune autorit ecclsiastique, ne relve

1 Gertrude Robinson, History and Oartulary of the Greeh Monastery


of 8. Elias and St. Anastasius of Carbone. I. History (Orientalia Christiana,
XI, 5), Rome, 1928, p. 285-302.
2 Gertrude Robinson, op. cit., p. 298-299.
96 A. GUILLOU

que du roi, mais verse un cens l'vque de Messine1. On a reconnu


l'exemple type de la grande seigneurie monastique mdivale d'Occi
dent. L'archimandrite de Saint-Sauveur de Messine est, en effet, un des
plus grands feudataires de Sicile, ses biens domaniaux sont exempts de
charges seigneuriales, ses biens allodiaux (donations, biens personnels des
moines, biens achets des prix drisoires) sont considrables; tous ne
peuvent que s'accrotre puisque la proprit monastique est inalinable 2.
Et il semble bien que l'agent grec des grandes crations centrales norman
des ait t, directement ou indirectement, le fondateur de S. Marie du
Patir de Eossano, s. Barthlmy et il s'est inspir, il le dit textuellement,
des constitutions monastiques ( en grec) du Stoudiou, du Mont-
Athos et de S. Sabas de Jrusalem.
L'histoire du temporel de S. Marie du Patir de Eossano et de S.
Jean Thrists de Stilo, qui pourra tre crite, celle de S. Mcolas de
Casole, qui ne pourra tre qu'esquisse, faute de sources, tendra la des
cription de ces nouvelles puissances conomiques fodales; chacune mrite
une monographie; elles sont nes de la volont de ne pas laisser prir des
institutions grecques byzantines alors en dcadence conomique, (com
me le reste des autres classes paysannes en Italie sans doute, dans la
deuxime moiti du XIe sicle) 3, mais aussi de la volont de les inclure
dans un cadre institutionnel, d'o les excluait leur nature premire;
substitution d'un lien juridique autoritaire des liens simplement spiri
tuels, qui rattachaient chacune des skites d'Italie au patriarche de Cons-
tantinople et l'Empereur, par le lien de 1', qui est le bon ordre
de la socit humaine dans l'ordre de la Cration.

1 Editions: 1) S. Cusa, I diplomi greci ed arabi di Sicilia, I, 1, Palerme,


1868, p. 292-294 (d'aprs une copie faite par Antonino Amico au XVIIe
sicle); 2) G. Spata, Diplomi greci inediti, 3Iiscellanea di storia italiana, 9,
1870, p. 94-101 (d'aprs la mme copie); une autre copie du XVIIe sicle
est conserve Rome, Bibl. vat., God. Vat. Lot., n 8201, fol. 128-129. L'acte
est relev par E. Caspar, Boger II ( 1101-1154 ) und die Grilndung der norman-
nisch-sicilianischen Monarchie, Innsbruck, 1904, p. 507, n 69; voir une analyse
du document dans M. Scaduto, Il monachismo basiliano ..., Rome, 1947,
p. 75-77.
2 La description touffue, mais convaincante de cette puissance est
lire dans le volume de M. Scaduto, Il monachismo basiliano . . ., Rome, 1947,
p. 217-265.
3 M. Scaduto, Il monachismo basiliano..., Rome, 1947, p. 185.
GrRECS D'ITALIE DU SUD ET DE SICILE AU MOYEN AGE 97

C'est le rle des monastres grecs d'Italie du Sud et de Sicile dans


l'histoire conomique du Moyen Age que je me suis efforc d'examiner
et d'expliquer jusqu' prsent; si cette base peut tre considre comme
suffisamment ferme, pntrons l'intrieur de ces couvents et immisons
nous quelque peu dans leur intimit.

) , ou socit monastique et spiritualit grecques


en Italie du Sud et en Sicile.
Avant d'essayer de comprendre les cadres spirituels de la vie monas
tique grecque, il me parat ncessaire, en introduction, de faire connais
sance avec les hommes et de les placer dans le cadre matriel de leur vie
journalire.

1) Introduction

a) Images de couvents.
Suivons Christophe et son fils, Macaire, cheminant en Calabre la
recherche d'une retraite, au milieu du Xe sicle; ils arrivent au Merkou-
rion, rgion montagneuse couverte de forts et peuple de moines diss
mins a et l: Certains mnent la vie absolument rmitique , crit
l'hagiographe, et passent toute leur vie sans autre interlocuteur que
Dieu, d'autres habitent dans une quantit de laures, o ils pratiquent
1', d'autres, enfin, suivant une rgle mixte, acceptent le combat
pour l'obissance 1. Ce sont l, dcrits en un langage un peu fruste,
les trois modes de vie des moines grecs du Merkourion comme des autres
centres monastiques du monde byzantin: V ermitage inaccessible, le
monastre compos d'un certain nombre de petites demeures spares
voisines de l'glise conventuelle, et, enfin, la demeure Veart du moine
qui a reu de son higoumne l'autorisation de s'isoler pour un temps plus
ou moins long. A ces trois modes de vie correspondent trois formes de
rsidences monastiques, dont il reste un assez grand nombre de vestiges

1 Vie de s. Sabas, d. J. Cozza-Luzi, Historia et laudes . . Rome, 1893,


7, p. 14: ' -
*
, , '
.
Mlanges d'Arck. et d'Hist. 1963. 1
98 A. GUILLOU

incompltement inventoris dans tout le sud de l'Italie et en Sicile 1.


J'ai employ le terme imprcis de rsidences , car, jusqu' l'poque
normande o les nouveaux centres furent pourvus de btiments impor
tants, la diversit et la rusticit des tablissements, allant de la grotte
humblement amnage aux constructions labores, et, pour parler en
termes conomiques, du gte pastoral le plus lmentaire l'exploitation
rurale, sont l'image la plus vraisemblable, dans l'tat actuel de nos con
naissances. Il faudrait distinguer encore, bien sr, entre les installations
urbaines et les centres ruraux, puis dterminer les rapports, s'il y en eut,
entre les deux: c'est ainsi que les monastres ruraux aidaient le monastre
constantinopolitain du Stoudiou2.
Mais je voudrais insister encore sur cette image descriptive des ins
tallations monastiques et ajouter, l'intention de ceux qui s'occupent
de l'histoire du monachisme occidental, que les trois formes cites du
monachisme oriental cohabitent et ne sont pas, comme on l'a cru quel
quefois, trois stades d'une volution3; le moine d'un monastre cnobiti-
que peut quitter le couvent et mener, non loin, la vie retire de l'ascte
pour rentrer ensuite dans le cadre cnobitique; celui qui, comme Sabas ou
Macaire, gagne un centre monastique, peut se fixer dans une grotte ou une
caverne, celle-ci sera, en gnral, situe proximit d'un monastre 4,

1 Les professeurs Adriano Prandi, Agostino Pertusi et moi-mme avons


obtenu que les savants runis Passo dlia Mendola (Trento) au mois de
septembre 1962, pour traiter de L'eremitismo in Occidente nei secoli XI e
XII , mettent le vu que soit institu l'Universit de Bari un centre
international (dit Centro per lo studio delle sedi eremitiche e cenobiticlie
d'Italia ) qui serait charg de centraliser la documentation bibliographique
et monumentale disperse en Italie du Sud et en Sicile, en vue de la rdac
tion d'une carte archologique et de la publication des monuments. On peut
esprer la ralisation de ce projet.
2 J. Leroy, La rforme studite, dans II monachesimo orientale ( Orientalia
Ohristiana Analeeta, 153), Rome, 1958, p. 206.
3 K. Lake, The GreeTc Monasteries in South Italy, The Journal of Theo-
logical Studies, 4, 1903, p. 364, imagine tort, je crois, une volution chrono
logique de chaque institution depuis l'ermitage jusqu' la laure et au monas
tre; le texte cit ci-dessus (p. 97, . 1) prouve le contraire. Une tude sman
tique faire des termes employs pour dsigner les tablissements monas
tiques carterait aussi l'interprtation du savant anglais.
4 Dans le Merkourion, Nil remarque une grotte, qui tait situe peu
de distance des monastres, (Vie de
s. Nil, Acta SS., Sept., VII, 13, p. 270).
GRECS D'ITALIE DU SUD ET DE SICILE AU MOYEN AGE 99

dont l'anachorte dpendra plus ou moins. Cet change perptuel entre la


vie cnobitique et la vie rmitique, sans qu'il y ait, comme on le verra
ensuite, opposer les deux modes de vie, explique l'aspect htroclite
et dsordonn des sites monastiques grecs et l'originalit de ces groupe
ments: la naissance de ces centres serait chercher et dans des lieux de
culte paens ou chrtiens (paens, puis chrtiens) antrieurs et dans des
ermitages plus ou moins lgendaires, celui de s. Luc pour le Latinianon,
celui de s. Sabas pour le Merkourion, celui de s. Elias dans Les Salines
et tant d'autres.
Le microcosme monastique form d'un couvent organis contrlant
et protgeant un certain nombre de skites et d'ermitages isols a pu s'lar
gir en Italie, comme dans le reste du monde byzantin, en une vritable
confdration de monastres place sous l'autorit du centre le plus
puissant. Je prends un exemple en Asie mineure, pour carter cer
taines interprtations qui voulaient voir dans les associations de monas
tres grecs en Italie une cration latine; celui de S. Paul sur le mont La-
tros (Besh-parmak) prs de Palatia (l'ancienne Milet) en Asie Mineure:
en septembre 1222, le patriarche Manuel Ier lui restitue l'archimandritat
qui tait pass au monastre ; l'higoumne de S. Paul
est responsable dsormais de la discipline dans les dix monastres pa
triarcaux fixs sur les flancs de la montagne 1. Je citerai encore le monas
tre du Stoudiou Constantinople qui contrlait le Sakkoudion sur l
mont Olympe en Bythinie, S. Christophore, Les Tripoliens, le monastre
des Katharoi, etc. 2 l'poque de Thodore, celui de S. Anastasios de
Carbone, les groupes du Merkourion, du Latinianon et d'autres en Calabre
et en Lucanie, plus tard le Mont-Athos en Grce 3. Tous ceux-ci pendant

1 F. Miklosich-J. Mller, Acta et diplomata graeca medii aevi sacra et


profana, IV, Acta et diplomata monasteriorum et ecelesiarum Orientis, Vienne,
1871, p. 296:
, . . .
& -
. . . On doit penser que la naissance de ces confdrations tait nces
site par l'tat de dcadence de certains monastres.
2 J. Leroy, La rforme studite, dans II monachesimo orientale (Orientalia
Christiana Analecta, 153), Rome, 1958, p. 205-206: c'est l'higoumne du
Stoudiou qui nomme aux higoumnats et aux diaconies.
3 Voir, par exemple, L. Brhier, Les institutions de VEmpire byzantin
(L'volution de Vhumanit, 32 bis, Le Monde byzantin, II), Paris, 1949,
p. 560-561.
100 A. GUILLOU

la priode byzantine. La cration de l'archimandritat de Messine et des


antres grands centres italiens (Casole, Carbone, Stilo, Bossano) par le
pouvoir normand avait donc nne solide tradition dans l'histoire monas
tique byzantine depuis l'archimandrite du Mont-Olympe 1 et les rformes
disciplinaires du grand higoumne du Stoudiou 2. L'innovation apporte
par l'unification normande est qu'elle a t voulue et faite autour d'insti
tutions (appuyes, certes, par des implantations grecques antrieures
substantielles), tandis que les groupements byzantins se sont effectus
progressivement autour de grands noms de religieux et de rformateurs
et de leurs monastres. L'esprit est diffrent, l'aboutissement est le mme:
ce sont des puissances conomiques et religieuses qui protgent , com
me l'on disait au sicle dernier, des groupes conomiques plus faibles.
Mais l'aspect de ces couvents reste inachev, si nous ne munissons
pas ceux-ci des moyens de dfense exigs par la situation d'inscurit dans
laquelle ils sont ns: certains, je l'ai dit plus haut, sont proprement for
tifis, d'autres ont choisi de s'tablir prs d'ouvrages militaires tenus par
la troupe, les moins nombreux sont exposs aux raids des pirates de
toutes origines et devront se rapprocher, en cas de danger, de sites moins
ouverts.
Passons la porte de l'une de ces pieuses demeures, pour apercevoir
quelques uns de leurs habitants.

b) Portraits de moines.
Les moines, dont on peut connatre un peu de la physionomie, sont
connus par les Vies de Saints. L'hagiographie grecque d'Italie du Sud
et de Sicile inspire quelque confiance, car les auteurs sont tous peu prs
contemporains des hros dont ils dcrivent les exploits. Il n'en reste pas
moins qu'ils obissent la loi du genre, qui est de plaire au lecteur mdi
val en l'difiant; il reste aussi que la vrit me parat avoir eu un autre
sens en grec et en latin. Ceci dit, regardons.
Voici, d'abord, un grand moine international, Elie de Enna (fin du
IXe sicle); n en Sicile de parents illustres, il fait de trs bonnes tudes,
puis, aprs avoir t dport par les Arabes en Afrique, il visite les grands

1 ' ' , cit par J. Pargoire, dans Dict.


Arehol. Ohrt. Lit., art. Archimandrite, Paris, 1907, col. 2750.
2 J. Leroy, La rforme studite, dans 11 monachesimo orientale { Orientalia
Ohristiana Analecta, 153), Rome, 1958, p. 192-195.
GRECS D'ITALIE DU SUD ET DE SICILE AU MOYEN AGE 101

sanctuaires et les monastres fameux de Palestine et d'Egypte (Alexandrie,


Sina), il va jusqu'en Perse, revient en Afrique, rentre en Sicile, mais pour
peu de temps, avant une nouvelle course dans le Ploponnse, l'Epire,
Corfou, Borne, pour se retirer enfin dans Les Salines, au nord-est de Beggio
o il fonde l'un des plus clbres monastres de la Calabre byzantine. Il
mourra Thessalonique, en route vers Constantinople, o l'appelait
l'empereur Lon VI \ Voici un splaits, un moine qui vit dans une
caverne (dbut du Xe sicle): il est n dans une famille riche de Beggio,
o il a tudi longuement les Ecritures, s'est retir ensuite sur une col
line de Sicile, puis a rejoint un monastre voisin de Beggio avant de
s'installer dans une tour prs de Patras o il vivra huit ans avec son dis
ciple Arsnios, fuyant l'avance arabe, pour revenir ensuite son monas
tre de S. Eustratios prs de Beggio, puis aux Salines, et se retirer, enfin,
dans une caverne Melicucc (25 km. N.-E. Bggio) que l'affluence de
ses admirateurs le contraindra transformer en centre monastique 2.
Voici un ascte rudit: s. Vital de Sicile (milieu de Xe sicle); n, lui
aussi, dans une famille riche de Sicile, il tudie avec les plus grands savants
(de Sicile!) et devient son tour trs expert dans les lettres sacres; moine
dans le clbre monastre S. Philippe d' Agira, il vivra quinze ans la vie
conventuelle, mais se retirera ensuite prs de Santa Severina en Calabre
dans des thermes en ruines, reviendra en Sicile vivre sur une colline prs
de son ancien monastre, reprendra la route de Calabre o il vivra dans
une grotte prs d'Armento, puis fondera deux monastres 3. Voici le type
du grand fondateur: Nil de Calabre (910-1005), n d'une famille illustre
de Bossano, il reoit une ducation soigne et s'intresse surtout aux vies
des Pres, il se retire dans un monastre du Merkourion, puis au monas
tre S. Nazaire, probablement prs du mont Bulgheria, il gagne ensuite
Borne pour prier sur le tombeau des Aptres et chercher des manuscrits,
rentre au Merkourion, puis fonde l'important monastre de S. Hadrien
au nord-ouest de sa ville natale, puis celui de S. Anastasie Bossano
mme; 60 ans, il gagne la Campanie o il fonde le monastre S. Michel
sur le domaine de Valleluce, qui lui a t cd par l'abb bndictin du

1 Vie de s. Elias de Enna, d. Gr. Rossi Taibbi, Vita di sanVElia. . . ,


Palerme, 1962, p. 2-123.
2 Vie de s. Elias le Splaits, Acta 88., Sept., III, p. 848-887.
3 Vie de s. Vital de Sicile, Acta 88., Mart., II, p. 26-35.
102 A. GUILLOU

Mont-Cassin; 85 ans, il va fonder un autre monastre prs de Gaete


Serperi et enfin prs de Tusculum, celui de S. Agathe 1.

S. Nil de Rossano
(Abbaye de Grottaferrata. Muse. Panneau d'un
diptyque de bois de l'Ecole florentine du XIIIe s.).

Telles sont les figures les plus hautes en couleurs; il en est de moins
clatantes, celle de Lon de Corleone, un ptre qui deviendra higoumne

1 Vie de s. Nil, Acta 88., Sept., VII, p. 282-342.


GRECS D'ITALIE DU SUD ET DE SICILE AU MOYEN AGE 103

au mont Mula prs de Cassano 1, celle de Sabas le Jeune, n d'une famille


distingue des environs de Troina en Sicile, qui vivra au Merkourion2,
comme Christophe et Macaire 3, celle de Luc de Demenna, riche et savant,
qui vivra au monastre S. Julien prs d'Armento 4. Tous ou presque sont
de famille aise, ont fait des tudes srieuses, entendons qu'ils ont pris
en tout cas une solide formation scripturaire prs d'un monastre ou
dfaut d'un vieux moine; mais Ml de Calabre est aussi un brillant com
mentateur des textes sacrs 5. Et notons au passage que les grands monas
tres voisins des villes taient des foyers de culture intellectuelle impor
tants 6. Tout retirs du monde qu'ils sont, ces moines sont sollicits par
les plus hauts fonctionnaires ou les notables influents sur la conduite
suivre dans telle ou telle circonstance dlicate, ils interviennent aussi
pour dfendre les faibles ou les opprims contre ls entreprises du pouvoir:
Elie de Enna conseille le commandant de la flotte byzantine7, Elie le
Splaits descend de sa tour pour venir parler aux notables de Patras
qui l'invitent i djeuner en leur compagnie8, Ml sauve les habitants de
Eossano de la vindicte du reprsentant local de l'empereur, par une
dmarche personnelle 9. Ces moines sont les grands fondateurs, les thauma
turges, dont le souvenir, un peu embelli, est ncessaire toute histoire
monastique. Les hagiographes, dans un raisonnable souci de merveilleux,
ont tu l'existence des trs nombreux disciples de ces grands chefs; et: de
ceux-l l'histoire ne peut qu'imaginer le visage mais ne doit pas oublier
le rle conomique et social essentiel. Il semble qu' cette poque hroque
d'nergie ait succd une priode de dcadence qui se concrtiserait dans

1 Vie de s. Lon-Luc de Corleone, Acta 88., Mart., I, p. 98-102.


2 Yie de s. Sabas, d. J. Cozza-Luzi, Historia et laudes . . ., Rome,
1893, p. 5-70.
3 Yie des saints Christophe et Macaire, d. J. Cozza-Luzi, Historia et
laudes . . ., Rome, 1893, p. 71-96.
4 Yie de s. Luc de Demenna, Acta 88., Oet., VI, p. 337-341.
5 Vie de s. Nil, Acta 88., Oct., VI, p. 289-291.
Le sujet reste traiter; il y a eu plusieurs enqutes particulires. Il
faudra les poursuivre dans deux directions: scriptoria et bibliothques mo
nastiques. On peut lire titre d'exemple, celle qui a t conduite par R. De-
vreesse, Les manuscrits grecs de l'Italie mridionale ( Histoire , classement,
palographie) ( Studi e testi, 183), Cit du Vatican, 1955, in-8.
7 Vie de s. Elias de Enna, d. Gr. Rossi Taibbi, Vita di sanfElia. .
Palerme, 1962, p. 74-76.
8 Vie de s. Elias le Splaits, Acta 88., Sept., III, p. 857.
9 Vie de s. Nil, Acta SS., Sept., VII, 61-62, p. 296-297.
104 A. GUILLOU

la figure de s. Philartos: ptre, devenu jardinier aux Salines, pendant


l'poque normande, c'est un ascte d'une rare rsistance physique, mais
d'une inculture gale 1. Est-ce un type lui aussi? Je le crois.
La scne et les acteurs nous sont dsormais sensibles. Nous pouvons
nous risquer comprendre le combat pour le salut qui se livre devant
nos yeux. Il ne peut tre question de l'observer dans toute sa vivante et,
parfois, dramatique diversit. C'est encore l'essentiel que je tendrai
ici, en essayant de saisir et d'expliquer l'idal spirituel de cette socit
monastique.

2) L'idal du moine grec: cnobitisme et h-


sychasme

a) . . ., . . . 2.
La vie cnobitique est la vie parfaite, celle o tous les biens sont en com
mun ... , affirme s. Basile qui rsume ici son sentiment et celui des Pres
de l'Eglise; le docteur de Csare, qui russit assurer la stabilit de la
socit monastique en tablissant les vux perptuels et a voulu lui
laisser, non une rgle, mais une doctrine de vie, a prfr la vie du cno
bite celle de l'anachorte. Ses disciples, qui dicteront des rgles d'ap
plication partir des principes qu'il avait exprims, et qui avaient t
nuancs ou amplifis par les dcrets des conciles, les ordonnances des
patriarches et les commentaires, souligneront encore cette tendance.
Thodore de Stoudiou, conscient des dsordres ns des perscutions icono
clastes, qui avaient pratiquement abouti la disparition des monastres
cnobitique traditionnels, remplacs par des assemblages plus ou moins
cohrents d'anachortes, ou des crations improvises, renoue avec l'en
seignement de s. Basile, en insistant sur la ncessit de la vie en commun 3.

1 K. Lake, The Greek Monasteries in South Italy, The Journal of Theolo-


gieal Studies, 5, 1904, p. 22.
2 , Migne, P.O., t. 31, col. 1382; une trs belle apo
logie du cnobitisme est dveloppe par l'auteur jusqu' la colonne 1388.
3 C'est tout l'esprit de l'uvre de Thodore du Stoudiou; lire, par
exemple, la Grande Catchse, d. J. Cozza-Luzi, Novae Patrum bibliothecae . . .
tomi noni pars II, Rome, 1888, p. 36, ou 44: '' ,
, , -
-9-, & , -
, , ' ... Je
GRECS D'ITALIE DU SUD ET DE SICILE AU MOYEN AGE 105

L'obissance l'higoumne, la pauvret qui est absence de proprit,


mais aussi pauvret du vtement et de la nourriture, la chastet, qui est
virginit et fuite devant la femme et le jeune homme, tel est le cadre
gnral impos par s. Basile et prcis par Thodore du Stoudiou 1, qui
insiste en outre, aprs ses matres, sur l'obligation de demeurer dans le
mme monastre, car l'union du moine et de son couvent est aussi indis
soluble que le lien du mariage 2, sur l'obligation de la prire en commun
depuis l'aube jusqu' la nuit suivante 3, enfin sur la ncessit du travail
manuel4. Thodore du Stoudiou, comme Basile de Csare, assortiront
ces consignes de peines plus ou moins chiffres, mais qui excluent toujours
les peines corporelles et, en particulier, la fustigation 5; le fait est noter.
Tels sont les prceptes, pris dans les Catchses, le Pnitentiel ou
l'Hypotypsis du Stoudiou, qui servirent de base la rdaction des typka,
des monastres d'Italie: l'higoumne est responsable de la morale et de la

me rfre la Grande Catchse, car c'est celle qui, de l'avis de tous, eut
le plus d'influence sur les monastres grecs de l'Italie du Sud; lire J. Leroy,
La rforme studite, dans II monachesimo orientale ( Orientalia Christiana Ana-
leeta, 153), Rome, 1958, p. 213; T. Minisci, Biflessi studitani nel monachesimo
italo-greco, dans II monachesimo orientale (Orientalia Christiana Analecta,
153), Rome, 1958, p. 224.
1 S. Basile, P.G., t. 31, col. 1424: o xv Iv -
Siqc -9- . Voir aussi col. 637,1344-1345,
1361. Thodore du Stoudiou, Petite Catchse, d. E. Auvray, Theodori
Studitis praepositi, Parva Catechesis, Paris, 1891, p. 176, 227, 267, 338, 357
et P. G., t. 99, col. 940 (Lettre son disciple Nicolas, qui vient d'tre lu
higoumne): , &
, col. 944 ,
col. 1556, etc.
2 S. Basile, P. G., t. 31, col. 1395; Thodore du Stoudiou, P.G., t. 99,
col. 1596: El (= dans le mariage)
, .
3 S. Basile, P.G., t. 31, col. 1325.
4 ( = chant de l'office) &
.
,
, ,
2 , , ' . . . (Grande
Catchse, d. J. Cozza-Luzzi, p. 48).
5 S. Basile, , P.G., t. 31, col. 1305-1316; Thodore du Stoudiou,
, P.G., t. 99, col. 1733-1757, et Grande Catchse, d. J. Cozza-Luzi,
p. 79: . . ., ( = confusion) -
, & .
106 A. GU1I/LOU

discipline, il ne peut accueillir un moine d'un autre monastre, la vie


commune exige limitation dans le vtement et la nourriture, repas en
commun dans le silence avec lecture difiante, l'higoumne est seul
pouvoir absoudre certaines fautes et certaines priodes de l'anne, il
veillera l'entretien des lampes qui doivent brler jour et nuit devant les
reliques et les icnes saintes et l'accroissement de la bibliothque de
son monastre, etc. Ce sont les principales rgles d'un typikon d'Italie,
celui de S. Sauveur de Messine1; les autres taient semblables.
Ces textes sont l'uvre de rformateurs. L'histoire sait ce que valent
ces rformes, lois dictes souvent contre des tendances irrversibles.
S. Ml de Calabre, fondateur et chef attentif de monastres fameux,
retourne sa grotte, pour retrouver la solitude et ' qu'il chrit
comme une mre 2. Nous touchons ici au problme spirituel le plus in
time de la socit monastique grecque.

b) : solitude et paix contemplatives.


L'ascension spirituelle de celui qui a choisi la vie monastique est une
progressive conversion du cur qui s'loigne des choses extrieures, o
vagabonde l'esprit, pour atteindre les choses intrieures. C'est l'enseigne
ment des Noplatoniciens puis du Pseudo-Denys l'Aropagite, de s. Basile,
de ceux que l'on appelle les Pres mystiques et enfin des Hsychastes.
La prire intime ( ) des moines de l'Athos au XIVe sicle
est l'expression la plus frappante de cette discipline 3. Cette conversion
du cur des phnomnes extrieurs vers le moi intrieur, prsuppose
silence, calme () et absence de soucis ().
Ce combat solitaire contre la nature est ncessaire, si l'homme veut
atteindre Dieu et faire son salut, but de la vie monastique. L'homme qui
vit sur la terre est, en effet, comme exil de sa patrie naturelle, qui est le
sjour de Dieu 4. Le moine s'levera donc peu peu au-dessus de cette

1 M. Scaduto, II monacMsmo basiliano . . ., Rome, 1947, p. 196-213.


2 ' , ,
. . . -
(Acta 88., Sept., VII, 22, p. 276; voir
aussi le 86, p. 311).
3 Thokltos de Dionysiou, . "
, Athnes, 1956, . 73.
4 Ibidem, . 67.
GRECS D'ITALIE DU SUD ET DE SICILE AU MOYEN AGE 107

terre pour se rapprocher du ciel: , extrait du monde, il main


tiendra son existence en suspens entre ciel et terre , comme le veut le
titre d'un volume rcemment paru sur la spiritualit orientale, crit par
un moine orthodoxe 1.
Ce but spirituel a-t-il un support philosophique? On le nie, car les
systmes philosophiques, ns de la contrainte d'expliquer les phnomnes,
ne sont que germes de dsordre et de trouble pour l'me. Le moine, au
lieu de chercher expliquer le mystre du monde et son cheminement
vers le salut, doit repatre son me de mystre, car l'me est naturelle
ment mystique 2. Point essentiel, et l'on peut dire que le moine oriental
cultive ce mysticisme tout prix, de ses formes les plus hautes aux mani
festations les plus enfantines. Ce mystre est son climat de vie, la spiri
tualit qui mne la saintet est, en effet, sentiment de l'me et non r
flexion de l'esprit. Autre point important, car les thologiens et les savants,
outre qu'ils sont souvent bouffis par leur science , suivent une voie qui
ne conduit pas Dieu. Les moines se dfient donc des sciences; certains
peuvent renoncer quelque temps 1' salvatrice sous une pression
extrieure et s'intresser aux dernires dcouvertes faites en thologie ou
en histoire de l'Eglise, mais, pour la plupart, il ne reste ni problmes,
ni lacunes, car ils savent que leur croyance est juste et que leur silence
est de sagesse. . . ce sont les paroles de l'un d'entre eux3.
La pense scientifique reste en de de la spiritualit, elle est donc
superflue, sauf, car il faut un cadre mental l'ascse pour Dieu, l'tude
des Pres de l'Eglise, et encore pas de tous: il suffira de lire les principes
d'asctisme donns par s. Basile, s. Jean Chrysostome, s. Denys l'Aro-
pagite (toujours trs cout), Diadoque de Photice, Maxime le Confes
seur 4. Pour la plupart de nos moines grecs du Moyen Age cette lecture
a tenu lieu de culture. Et cela parat juste si la vie du moine est Foi
(dans le mystre ncessaire l'ascse) et Amour (de son salut). On ne
peut que rester ptrifi devant cette forteresse ou saisi d'tonnement.
La conversation intrieure avec Dieu tant l'exercice perptuel du
moine l'Eglise ou dans sa cellule, on comprend que les matres du mo-

1 Ibidem, p. 28.
2 Ibidem, p. 72.
3 . . . ,
oocpiqc . . . (Ibidem, p. 11).
4 Ibidem, p. 7 et passim.
108 A. GUILLOU

nachisme oriental aient eu un certain mal faire admettre le travail


manuel comme une dmarche de l'ascse monastique. Elie de Enna, au

S. Barthlmy de Rossano
(Abbaye de Grottaferrata. Muse. Panneau d'un
diptyque de bois de l'Ecole florentine du XIIIe s.).

milieu du IXe sicle, dans son monastre des Salines, passe tout le jour
et toute la nuit en prires, car le vrai travail, pensait-il, est celui qui con
siste prendre soin de son me, les exigences du corps tant des besoins
GRECS D'ITALIE DU SUD ET DE SICILE AU MOYEN AGE 109

accessoires1. C'est un trait qui spare la spiritualit orientale et la spiri


tualit occidentale: la spiritualit orthodoxe a toujours estim que sa
sur latine attachait une valeur dmesure au travail. N'est-ce-pas une
consquence normale de la valeur minente de la Crucifixion du Christ,
leve en exemple par les pres du monachisme occidental, Franois d'As
sise, Joachim de Flore, Igtiace de Loyola, Bernard de Clairvaux, Jean de
la Croix? La spiritualit orthodoxe ne s'attarde pas sur le fait de la souf
france rgnratrice (le monachisme oriental ignore la pnitence corporelle
puisque le corps n'a pas de valeur), mais tend toute entire vers la joie
de l'Anastasis, la Rsurrection 2.
On voit mal le rle que jouent ces asctes dans la socit de leur
temps. Car, son tat de perfection, ce monachisme est asocial : il ignore
et veut ignorer tout contact avec le monde. Mais dans la socit essen
tiellement religieuse du monde byzantin, ces moines sont le message
continuel du royaume des cieux; classe contemplative de l'Eglise,
le moine prie pour lui-mme, pour l'Eglise toute entire, pour
toutes les mes qui souffrent et peinent, pour celles, enfin, qui n'ont
jamais pri 3. Le rle reconnu des asctes est l. Et ils sont ainsi partie
intgrante de la socit byzantine. Les joues ravines par les exercices
asctiques, les yeux creuss par les veilles, le visage blafard marqu du
sceau des jenes et des prires continues, tel est l'ermite grec, tels taient
Ml de Calabre, Barthlmy de Rossano, Luc de Deinenna, et tant d'au
tres, dans leur singulire grandeur, tels nous les ont livrs fresques
et icnes 4.
On ne regrettera pas, pour l'histoire sociale et conomique du temps,
qu'ils n'aient pas atteint, eux-mmes et leurs disciples, l'idal du moine
oriental qu'ils s'taient fix: chaque monastre a eu ses ermites, les
ermites ont vcu l'ombre des monastres; les deux formes extrmes

1 ,

, (d. Gr. Rossi Taibbi, Vita di
sanfElia . . ., Palerme, 1962, 41, p. 62).
2 Thokltos de Dionysiou, op. cit., p. 96. Un exemple trs net: le sens
donn au tombeau du Christ, , '
(Vie de s. Elie le Jeune du Xe sicle, d. Gr. Rossi Taibbi, Vita di sanfElia. .
Palerme, 1962, 18, p. 26).
3 Ibidem, p. 70.
4 Voir p. 102, 108.
110 A. GUILLOU. GRECS D'iTALIE DU SUD ET DE SICILE AU MOYEN AGE

de la vie monastique ont toujours cohabit dans le monachisme grec,


sauv de la dispersion par l'unit de sa doctrine et de ses principes
de vie.

Conclusion

Je n'ai pas mis en doute l'origine byzantine du monachisme grec


de l'Italie du Sud et de la Sicile, puisqu'il ne demeure plus, me semble-t-il,
d'hsitation sur ce principe. Historien de la civilisation byzantine, j'ai
donc cherch individualiser certains aspects du fait monastique grec
dans ce pays pour comprendre quel rle il y a jou, quelle volution il a
subie, quelle a t sa place dans l'histoire de la civilisation grecque mdi
vale, au sens le plus large (histoire des hommes et de leurs ides); isol,
en effet, pour l'analyse, le fait monastique grec doit tre replac ensuite
dans son cadre, qui est la vie des populations grecques de l'Italie du Sud
et de la Sicile, o il s'insre troitement. Et c'est dterminer la place
occupe par les moines grecs au milieu de ces populations (latine, grecque,
arabe) qu'il faut parvenir pour comprendre l'trange tableau humain
offert par ces rgions au Moyen Age; et je crois pouvoir ds prsent
retenir comme hypothse de recherche que le monachisme grec, sous son
aspect conomique, social et culturel, a t l'lment d'unit et de con
tinuit de la vie grecque en Italie du Sud et en Sicile du VIIe sicle
peut-tre, en tout cas du Xe jusqu'au XIIIe sicle. Stable par son prin
cipe, vivant par sa rsistance aux influences trangres (et il en mourra),
et ces deux traits lui donnent aux yeux des profanes son apparente iner
tie, si proche des populations rurales dont il est, en gnral, issu et qui
dpendent matriellement ou spirituellement de lui, le monachisme grec,
ici, comme ailleurs en d'autres poques, a t le levain avant de devenir
le reliquaire des traditions byzantines.
Et ceci est un trait original de la civilisation grecque mdivale.

Andr Guillou.

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