Affaire W.D. C. Belgique
Affaire W.D. C. Belgique
Affaire W.D. C. Belgique
(Requte no 73548/13)
ARRT
STRASBOURG
6 septembre 2016
DFINITIF
06/12/2016
Cet arrt est devenu dfinitif en vertu de larticle 44 2 de la Convention. Il peut
subir des retouches de forme.
ARRT W.D. c. BELGIQUE 1
PROCDURE
1. lorigine de laffaire se trouve une requte (no 73548/13) dirige
contre le Royaume de Belgique et dont un ressortissant de cet tat, M. W.D.
( le requrant ), a saisi la Cour le 28 octobre 2013 en vertu de larticle 34
de la Convention de sauvegarde des droits de lhomme et des liberts
fondamentales ( la Convention ).
2. Le requrant a t reprsent par Me P. Verpoorten, avocat
Herentals. Le gouvernement belge ( le Gouvernement ) a t reprsent
par son agent, M. M. Tysebaert, conseiller gnral, service public fdral de
la Justice.
3. Le requrant allgue en particulier que son maintien en dtention dans
un lieu inappropri son tat emporte violation des articles 3 et 5 1 de la
Convention. Il se plaint galement de lineffectivit des recours
(articles 5 4 et 13 de la Convention).
4. Le 26 mars 2015, la requte a t communique au Gouvernement.
EN FAIT
A. Cadre lgal
39. Les CDS dcident du lieu dinternement. Celui-ci est choisi parmi
les tablissements organiss par le gouvernement. La CDS peut toutefois,
pour des raisons thrapeutiques et par dcision spcialement motive,
ordonner le placement et le maintien dans un tablissement appropri quant
aux mesures de scurit et aux soins donner (article 14 de la loi de dfense
sociale).
40. En pratique, si la CDS dcide que linternement doit tre effectu
sous forme de placement, lintern peut tre plac soit dans un tablissement
de dfense sociale, une section de dfense sociale, un tablissement externe
destin spcifiquement laccueil des interns ou un tablissement externe
du rseau ordinaire (voir paragraphes 56-63, ci-dessous).
41. Par un arrt no 142/2009 du 17 septembre 2009, la Cour
constitutionnelle, saisie dune question prjudicielle, sest prononce sur le
point de savoir si la loi de dfense sociale tait compatible avec les
articles 10 et 11 de la Constitution belge combins avec larticle 5 1 de la
Convention en ce quelle ne prvoit pas que la CDS puisse obliger un
tablissement appropri vis par larticle 14 alina 2 de la loi accueillir
un intern, ce qui aurait pour effet quil ne peut tre garanti que les
dcisions relatives laccueil de cet intern dans un tablissement
psychiatrique adapt soient excutes dans un dlai raisonnable. La Cour
constitutionnelle se pronona en ces termes :
B.7.3. Lorsque la juridiction comptente a jug quune personne interne doit tre
accueillie dans un tablissement appropri, il appartient aux autorits comptentes de
faire en sorte que cette personne puisse y tre accueillie (CEDH, Johnson
c. Royaume-Uni, 24 octobre 1997 ; Brand c. Pays-Bas, 11 mai 2004 ; Morsink
c. Pays-Bas, 11 mai 2004). Si, lorsque ltablissement dsign par la commission de
dfense sociale ne peut accueillir la personne interne, un quilibre raisonnable doit
tre recherch entre les intrts des autorits et ceux de lintress, un tel quilibre est
rompu lorsque celui-ci est laiss indfiniment dans un tablissement que la juridiction
comptente a jug inadapt pour permettre son reclassement.
B.7.4. Cette atteinte au droit [ la libert et la sret] ne provient cependant pas de
la disposition lgislative sur laquelle la Cour est interroge. Elle est due
linsuffisance de places disponibles dans les tablissements dans lesquels la mesure
ordonne par le juge a quo pourrait tre excute.
B.8. Une telle situation concerne lapplication de la loi. Sa sanction relve des cours
et tribunaux et chappe par consquent la comptence de la Cour, de telle sorte que
la question prjudicielle appelle une rponse ngative.
42. La CDS peut doffice ou la demande du ministre de la Justice, du
procureur du Roi, de lintern ou de son avocat ordonner le transfert de
lintern dans un autre tablissement. Si la demande de lintern ou de son
avocat est rejete, ils peuvent la renouveler aprs lexpiration dun dlai de
six mois. La CDS peut galement admettre lintern un rgime de semi-
libert dont les conditions et modalits sont fixes par le ministre de la
Justice (article 15).
ARRT W.D. c. BELGIQUE 9
B. Voies de recours
pouvaient participer des activits rcratives, organises par une association, leur
permettant de passer une bonne partie de la journe hors de leur cellule.
ltablissement pnitentiaire de Merksplas, cinq projets destins la prise en
charge des petits groupes dinterns taient en place. leur arrive, les interns
taient placs en observation au pavillon F, dans le cadre du projet Vesta. Le
personnel disposait denviron quatre semaines pour dterminer si lintern pouvait
intgrer un autre projet spcifique. De plus, la structure De Haven, finance par la
Communaut flamande, offraient une prise en charge 62 personnes en situation de
handicap mental.
Si ces projets offraient une prise en charge adapte, ils ne concernaient quun intern
sur trois. Le reste, cest--dire 230 interns, tait considr par les personnels
soignants comme des patients hbergs mais non en soins . Ces interns passaient
leurs journes sans aucune prise en charge psychiatrique ou thrapeutique ni aucune
stimulation intellectuelle.
(...)
95. Malgr les constatations et les recommandations rptes du CPT, confirmes
par les dcisions les plus rcentes de la Cour, il doit tre constat que les autorits
belges nont toujours pas adopt les mesures ncessaires pour apporter une rponse
structurelle ce problme. Cette absence de coopration de la part des autorits belges
est particulirement regrettable. Le CPT appelle les autorits belges revoir
entirement la politique en matire de dtention des interns en annexe
psychiatrique et mettre en place les structures ncessaires pour offrir une prise
en charge adapte. Il importe que chaque intern ait un protocole de traitement
individuel, un suivi psychiatrique ainsi que des activits thrapeutiques et
occupationnelles adaptes.
75. Dans sa Notice 2013 sur ltat du systme carcral belge,
lObservatoire international des prisons, section belge, fit part des constats
suivants:
De nombreuses prisons belges possdent une annexe psychiatrique.
En pratique, la plupart de ces annexes accueillent non seulement des interns en
attente de transfert vers un [tablissement de dfense sociale], mais galement des
dtenus qui prsentent des troubles mentaux, des toxicomanes, des dtenus
suicidaires ou encore parfois des dtenus ayant commis des faits de murs.
Les annexes sont les lieux les plus surpeupls des prisons [belges].
(...)
Lencadrement thrapeutique au sein des annexes est totalement insuffisant : un
psychiatre vient au mieux quelques heures par semaine dans ce service et il ne sagira
principalement que de distribution de prescriptions. Il ny a aucune place pour un rel
travail psychiatrique. Cette situation est dnonce par les mdecins eux-mmes qui
parlent de mdecine de guerre , de mdecine du tiers-monde , en violation
flagrante avec la loi du 22 aot 2002 relative aux droits du patient. Les interns des
annexes sont en gnral soigns exclusivement coup de neuroleptiques...
(...)
[Il] faut souligner que depuis 2007, des quipes multidisciplinaires comportant au
moins un travailleur social, un kinsithrapeute et un psychologue, un psychiatre, un
ARRT W.D. c. BELGIQUE 17
(...)
[Nous] demandons, en attendant la construction des centres psychiatriques,
dinvestir prioritairement dans une infrastructure adapte aux interns dans la prison
de Merksplas qui stimule la gurison. Nous insistons ce que le projet pilote de
Haven dans la prison soit tendu et que des units similaires soient temporairement
construites. De Haven est un lieu adapt, un nouveau btiment avec un jardin et
beaucoup despace ouvert, o sont prodigus les soins aux interns souffrant dune
limitation fonctionnelle au niveau mental. (...)
79. La loi du 5 mai 2014 prcite, qui abroge les lois des 9 avril 1930 et
21 avril 2007 prcites, prvoit plusieurs avances visant consacrer la
philosophie du trajet de soins pour les personnes internes ainsi qu dfinir
de manire plus prcise les notions utilises et renforcer les garanties
procdurales.
80. La nouvelle loi fait actuellement lobjet dadaptations visant en
amliorer le texte et des dispositions sont prises pour assurer sa mise en
uvre en pratique. Lentre en vigueur de la loi, initialement prvue pour le
1er janvier 2016, a t reporte au 1er juillet 2016 par une loi du
19 octobre 2015, puis au 1er octobre 2016 par une loi du 4 mai 2016.
81. La nouvelle loi dfinit lobjectif de linternement comme une mesure
de sret destine la fois protger la socit et faire en sorte que soient
dispenss la personne interne les soins requis par son tat en vue de sa
rinsertion dans la socit. Compte tenu du risque pour la scurit et de
ltat de sant de la personne interne, celle-ci se verra proposer les soins
dont elle a besoin pour mener une vie conforme la dignit humaine. Ces
20 ARRT W.D. c. BELGIQUE
profils des personnes internes. Dautre part, dans la majorit des cas, la loi est
interprte ce jour comme nobligeant pas les tablissements externes prendre en
charge une personne interne. Il arrive ds lors que les tablissements pnitentiaires se
retrouvent face des refus de prise en charge par des tablissements externes, pouvant
notamment tre justifis par un profil complexe ou un manque de collaboration de
lintern.
93. En plus des documents prcits, le 7 avril 2016, le Gouvernement
belge a soumis un plan daction rvis (DH-DD(2016)474) qui a t valu
par le Comit des Ministres au cours de la 1259e runion Droits de
lHomme (7-9 juin 2016).
94. cette occasion, le Comit des Ministres adopta une dcision qui se
lit, en ses extraits pertinents, comme suit :
Les Dlgus
(...)
Concernant les mesures gnrales
3. notent avec intrt les mesures complmentaires adoptes par les autorits belges
depuis le dernier examen de ce groupe, tout en soulignant la persistance ce jour du
problme structurel du maintien prolong dinterns dans des annexes psychiatriques
de prisons ;
4. ritrent par consquent vivement leur appel aux autorits afin quelles agissent
de faon dtermine pour rsoudre dans les meilleurs dlais ce problme, dont la
persistance affecte galement leffectivit du recours prventif devant les
commissions de dfense sociale ; soulignent dans ce contexte quil est capital que les
mesures prises sinscrivent dans une stratgie globale permettant de remdier au
problme structurel, en tenant compte de la jurisprudence de la Cour et des
recommandations et normes pertinentes du Comit europen pour la prvention de la
torture ;
5. relvent cet gard avec intrt que les autorits sont en train dexaminer un
masterplan fdral visant faire sortir les personnes internes des prisons pour
2019 ; invitent les autorits fournir de plus amples informations cet gard, et plus
gnralement continuer tenir le Comit rgulirement inform des dveloppements
pertinents, en veillant fournir des informations permettant dvaluer limpact des
mesures prises et envisages et inclure un calendrier pour les mesures envisages ;
6. sagissant du recours indemnitaire devant le juge judiciaire, prennent note de
lindication selon laquelle les huit arrts rendus sur cette question depuis 2014 ont
tous fait droit aux prtentions indemnitaires des demandeurs, et invitent les autorits
continuer tenir le Comit inform de lvolution de cette jurisprudence, en veillant
exposer dans quelle mesure elle est conforme la jurisprudence de la Cour et la
pratique pertinente du Comit ; invitent galement les autorits prciser les raisons
pour lesquelles, sur les quarante-six recours indemnitaires introduits depuis 2012,
seuls huit ont t jugs.
24 ARRT W.D. c. BELGIQUE
EN DROIT
A. Sur la recevabilit
96. La Cour constate que ce grief nest pas manifestement mal fond au
sens de larticle 35 3 a) de la Convention et quil ne se heurte par ailleurs
aucun autre motif dirrecevabilit. La Cour le dclare recevable.
B. Sur le fond
2. Apprciation de la Cour
101. La Cour renvoie aux principes gnraux relatifs la responsabilit
des tats de fournir des soins de sant aux personnes en dtention en
gnral et aux personnes dtenues prsentant des troubles mentaux en
particulier noncs dans les arrts Bamouhammad c. Belgique (no 47687/13,
115-123, 17 novembre 2015) et Murray c. Pays-Bas, [GC], no 10511/10,
105-106, 26 avril 2016), respectivement.
102. En lespce, la Cour constate que nul ne conteste lexistence des
problmes de sant mentale du requrant, savoir des troubles de la
personnalit et une dviance sexuelle diagnostiqus par un mdecin
psychiatre ds 2006 et confirms par la suite (voir paragraphes 10 et 13,
ci-dessus). Le requrant prsente dimportantes dficiences mentales et est
considr par les autorits comme souffrant dun handicap mental (voir
paragraphe 12, ci-dessus).
103. Intern de faon continue depuis 2007 la section de dfense
sociale de la prison de Merksplas, le requrant explique quen dehors de
laccs au service psychiatrique de la prison, aucune thrapie ni surveillance
mdicale particulire personnalise ne fut entreprise son gard. De plus,
en raison des refus opposs par les tablissements du circuit rsidentiel et
les hpitaux psychiatriques, il subit sa dtention sans perspective raliste
26 ARRT W.D. c. BELGIQUE
A. Sur la recevabilit
118. La Cour constate que ce grief nest pas manifestement mal fond au
sens de larticle 35 3 a) de la Convention et quil ne se heurte par ailleurs
aucun autre motif dirrecevabilit. La Cour le dclare recevable.
B. Sur le fond
2. Apprciation de la Cour
a) Principes gnraux
121. La Cour a rappel dans les quatre arrts prcits les principes
gnraux qui se dgagent de sa jurisprudence relative larticle 5 1 et qui
lui permettent dvaluer la rgularit de la privation de libert et du maintien
en dtention dune personne atteinte de troubles mentaux (L.B. c. Belgique,
91-94, Claes, 112-115, Dufoort, 76, 77 et 79, et Swennen,
69-72, prcits, et les rfrences qui y sont cites ; voir galement
Papillo c. Suisse, no 43368/08, 41-43, 27 janvier 2015).
prison dans un cadre adapt est envisage depuis 2009. Les instances de
dfense sociale ont constamment motiv le maintien du requrant
Merksplas dans lattente de lintgrer dans un foyer sous surveillance
dpendant de lAgence flamande pour les personnes avec un handicap (voir
paragraphes 20 et 25, ci-dessus). Les autorits ont pris contact plusieurs
reprises avec des tablissements extrieurs mais ces dmarches se sont
rvles infructueuses en raison du refus oppos par ces structures
dadmettre le requrant.
128. cela sajoute que dans sa dcision du 16 mars 2015, la CSDS a
constat expressment que le dlai dans lequel le requrant avait droit des
soins et un encadrement adapt avait expir, et a ordonn aux autorits
belges son transfert vers un tel tablissement (voir paragraphe 27,
ci-dessus).
129. La Cour en dduit que le maintien du requrant en aile
psychiatrique est conu par les autorits elles-mmes comme une solution
transitoire dans lattente de trouver une structure approprie et adapte
ses besoins, que linadquation thrapeutique du maintien du requrant en
milieu carcral est avre, et que, sil y est maintenu, cest en raison dun
dfaut structurel dalternative (voir, mutatis mutandis, L.B. c. Belgique,
95, Claes, 116, Dufoort, 81, prcits, et Saadouni, no 50658/09, 56,
9 janvier 2014).
130. Le Gouvernement attribue labsence damlioration de ltat du
requrant et lchec de la prise en charge extrieure son attitude, son
manque de motivation et son type de pathologie.
131. La Cour nest pas, quant elle, convaincue que le requrant ait fait
preuve dune attitude visant empcher toute volution de sa situation. Au
contraire, elle relve que dans le cadre de la procdure en rfr, le
requrant a formul ses desiderata en vue de faire voluer son tat. Il
demandait que ltat soit condamn lui prodiguer un traitement spcialis
pour comportement sexuel dviant. Cette demande nest pas, aux yeux de la
Cour, manifestement draisonnable et apparat prima facie correspondre
des soins adapts dans le cas dune personne qui en plus dtre
dlinquant sexuel souffre de troubles de la personnalit, dun retard mental
et na quune conscience trs faible de sa problmatique (voir, mutatis
mutandis, Swennen, prcit, 80). Ce qui est proccupant, selon la Cour,
cest quune telle prise en charge ne fasse pas partie des soins prodigus au
requrant la prison de Merksplas.
132. La Cour rappelle que dans les quatre arrts de principe, L.B.
c. Belgique, Claes, Dufoort, et Swennen prcits, elle a conclu la violation
de larticle 5 1 de la Convention au motif que la dtention des requrants,
dclars pnalement irresponsables de leurs actes, pendant une priode
significative, dans une aile psychiatrique de prison reconnue comme tant
inadapte leurs besoins, avait eu pour effet de rompre le lien entre le but
de la dtention et les conditions dans lesquelles elle a eu lieu.
32 ARRT W.D. c. BELGIQUE
Article 5
(...)
4. Toute personne prive de sa libert par arrestation ou dtention a le droit
dintroduire un recours devant un tribunal, afin quil statue bref dlai sur la lgalit
de sa dtention et ordonne sa libration si la dtention est illgale.
(...)
Article 13
Toute personne dont les droits et liberts reconnus dans la (...) Convention ont t
viols, a droit loctroi dun recours effectif devant une instance nationale, alors
mme que la violation aurait t commise par des personnes agissant dans lexercice
de leurs fonctions officielles.
A. Sur la recevabilit
137. La Cour constate que ces griefs ne sont pas manifestement mal
fonds au sens de larticle 35 3 a) de la Convention et quils ne se heurtent
par ailleurs aucun autre motif dirrecevabilit. La Cour les dclare
recevables.
B. Sur le fond
2. Apprciation de la Cour
143. La Cour constate qu linstar des autres affaires dont elle a dj eu
connatre, le requrant sest adress aux instances de dfense sociale,
juges des liberts en matire dinternement, pour se plaindre dune violation
de larticle 3 ou 5 1 de la Convention et demander son transfert dans un
tablissement appropri; il a demand que la CDS effectue une visite sur le
lieu de dtention pour constater de visu son caractre inappropri. Invoquant
les mmes dispositions, le requrant a galement saisi le juge judiciaire
sigeant en rfr pour se plaindre de la violation de ces mmes dispositions
et demander notamment quune thrapie adapte soit mise en place (voir
Claes, prcit, et Van Meroye c. Belgique, no 330/09, 9 janvier 2014).
144. La Cour rappelle que la Convention impose que les tats
contractants instaurent des voies de recours internes efficaces pour se
plaindre des violations des droits et liberts quelle contient. En vertu de
larticle 13, disposition gnrale relative au droit de recours effectif, les
griefs tirs dune allgation de traitements contraires larticle 3 doivent
pouvoir faire lobjet dun recours effectif (voir Bamouhammad, prcit,
165-166, pour les principes gnraux relatifs larticle 13 combin
larticle 3 en matire de conditions de dtention). Toute personne interne a
galement le droit, sur pied de larticle 5 4, de faire examiner bref dlai
la rgularit de sa privation de libert (voir, parmi dautres, Dufoort, prcit,
97-101, pour lnonc des principes gnraux relatifs larticle 5 4 en
ce quil sapplique en cas dinternement de personnes souffrant de troubles
mentaux). Cette disposition constitue une lex specialis par rapport aux
exigences plus gnrales de larticle 13 (A. et autres c. Royaume-Uni [GC],
no 3455/05, 202, CEDH 2009, et Dufoort, prcit, 92).
145. Bien que ces dispositions fassent en gnral lobjet dun examen
distinct (voir, parmi dautres, Stanev c. Bulgarie [GC], no 36760/06,
CEDH 2012), en lespce, tant donn que dans le systme belge, les
articles 3 et 5 1 de la Convention peuvent tre invoques ensemble tant
devant les instances de dfense sociale que devant le juge judiciaire (voir
paragraphe 142, ci-dessus), il est justifi, selon la Cour, que la
problmatique de leffectivit du contentieux de linternement soit aborde
globalement sous langle des articles 5 4 et 13 combin avec larticle 3 de
la Convention
146. Le requrant allgue quil na pas dispos dune voie de recours qui
aurait permis un contrle srieux de sa situation et du caractre inappropri
de son lieu de dtention et qui pouvait mener un redressement de sa
situation et empcher sa continuation.
147. Il se plaint que ni les instances de dfense sociale ni le juge saisi en
rfr nont estim utile deffectuer une visite sur son lieu de dtention au
motif que les circonstances quil dnonait taient connues .
148. La CDS sest contente pendant plus de huit ans de prolonger sa
dtention dans lattente quun transfrement soit possible dans un
ARRT W.D. c. BELGIQUE 35
157. En mars 2015, les parties ont t informes que la Cour envisageait
dappliquer la procdure darrt pilote. Le requrant ne sy est pas oppos.
Le Gouvernement dfendeur soppose quant lui lapplication de la
procdure de larrt pilote la prsente affaire. Il reconnat lexistence dun
problme structurel en raison dun manque de places dans les tablissements
psychiatriques externes. Toutefois, il est erron, selon lui, de considrer que
le placement dune personne dans une section de dfense sociale,
spcialement adapte aux interns, est systmatiquement contraire la
Convention. Il considre que lon ne peut pas parler dun problme
systmique au sens indiqu dans larrt Broniowski c. Pologne ([GC],
ARRT W.D. c. BELGIQUE 37
B. Apprciation de la Cour
1. Principes gnraux
158. La Cour rappelle que larticle 46 de la Convention interprt la
lumire de larticle 1 impose ltat dfendeur lobligation lgale de mettre
en uvre, sous le contrle du Comit des Ministres, les mesures gnrales
et/ou individuelles appropries pour garantir le droit du requrant dont la
Cour a constat la violation. Ltat doit galement appliquer ces mesures
lgard des autres personnes se trouvant dans la mme situation que le
requrant, lobjectif pour lui devant tre de rsoudre les problmes qui ont
conduit la Cour son constat de violation (voir, parmi dautres, Broniowski,
prcit, 192-193, Torreggiani et autres, prcit, 83, Alii et autres
c. Bosnie-Herzgovine, Croatie, Serbie, Slovnie et lex-Rpublique
yougoslave de Macdoine [GC], no 60642/08, 142, CEDH 2014, et
Rutkowski et autres c. Pologne, nos 72287/10, 13927/11 et 46187/11, 200,
7 juillet 2015, et rfrences cites).
159. Afin de faciliter une mise en uvre effective de ses arrts, la Cour
peut adopter une procdure darrt pilote lui permettant de mettre clairement
en lumire lexistence de problmes structurels lorigine des violations et
dindiquer ltat dfendeur des mesures pour y remdier (voir
Rsolution Res(2004)3 relative aux arrts qui rvlent un problme
structurel sous-jacent adopte par le Comit des Ministres le 12 mai 2004, et
Broniowski, prcit, 189-194). Cette dmarche judiciaire est toutefois
suivie dans le respect des rles respectifs des organes de la Convention : il
appartient au Comit des Ministres dvaluer la mise en uvre des mesures
individuelles et gnrales en vertu de larticle 46 2 de la Convention
(Rutkowski et autres, prcit, 201, et rfrences cites).
160. Un autre but important de la procdure darrt pilote est dinciter
ltat dfendeur trouver, au niveau national, une solution aux nombreuses
affaires individuelles nes du mme problme structurel, donnant ainsi effet
au principe de subsidiarit qui est la base du systme de la Convention. En
effet, la Cour ne sacquitte pas forcment au mieux de sa tche, qui consiste
selon larticle 19 de la Convention assurer le respect des engagements
rsultant pour les Hautes Parties contractantes de la (...) Convention et de
ses Protocoles , en rptant les mmes conclusions dans un grand nombre
daffaires (Rutkowski et autres, prcit, 202). Cette procdure vise
faciliter la rsolution la plus rapide et la plus efficace dun
38 ARRT W.D. c. BELGIQUE
A. Dommage moral
B. Intrts moratoires
6. Dit que ltat dfendeur doit prendre, dans le contexte de lensemble des
affaires similaires la prsente cause, des mesures appropries pour que
le systme dinternement des personnes dlinquantes soit en conformit
avec les principes relatifs aux articles 3, 5 1 et 4, et 13 combin avec
larticle 3 de la Convention. Ces mesures devront tre mises en place
dans les deux ans suivant la date laquelle le prsent arrt deviendra
dfinitif ;
8. Dit
a) que ltat dfendeur doit verser au requrant, dans les trois mois
compter du jour o larrt sera devenu dfinitif conformment
larticle 44 2 de la Convention, 16 000 EUR (seize mille euros) plus
tout montant pouvant tre d titre dimpt, pour dommage moral;
b) qu compter de lexpiration dudit dlai et jusquau versement, ce
montant sera majorer dun intrt simple un taux gal celui de la
facilit de prt marginal de la Banque centrale europenne applicable
pendant cette priode, augment de trois points de pourcentage ;