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Le paradoxe de l'infini cartésien
I - Exposé du paradoxe
1. L'idée de l'infini est la plus claire et distincte que je puisse avoir : positiv
1. Spinoza lui-même pensait réfuter Descartes en disant qu'« il est absurde d'affirmer u
telle contradiction dans l'Être absolument infini et souverainement parfait » ( Ethique , 1,1
démonstration, in Œuvres Complètes , R. Caillois et al. éds., Paris, Gallimard, 1954, p.
A. Hannequin parle de « la contradiction de l'idée de l'infini » (« La preuve ontologique c
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498 Jean-Baptiste Jeangène Vilmer
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Le paradoxe de V infini cartésien 499
6. Alors que, pour Aristote, c'est l'infini lui-même qui n'est pas un être ou une substance
déterminée (Physique, III, 6, 206a). L'infini grec, désincarné, était son infinité. En faisant de
l'infini une infinita substantia , Dieu, le christianisme le sépare de son infinité.
7. J.-F. Lavigne comprend à juste titre l'infinité cartésienne comme étant l'infinition lévi-
nassienne (« L'idée de l'infini: Descartes dans la pensée d'Emmanuel Lévinas », Revue de
Métaphysique et de Morale , 1987, p. 65). Or, Lévinas établissait une équivalence entre infini-
tion de l'infini et idée de l'infini. Par transitivité, l'infinité pourrait donc être tenue, au moins
selon l'interprétation lévinassienne, pour l'idée de l'infini elle-même.
8. B. Bolzano, Les Paradoxes de l'infini, Paris, Seuil, 1993, p. 54.
9. Spinoza, dans ses cours sur Descartes, précisera effectivement: « D'où suit que l'infi-
nité de Dieu, en dépit du mot, est ce qu'il y a de plus positif » (Pensées Métaphysiques , II, 3,
in Œuvres Complètes , op. cit., p. 325).
10. L'infini ne pouvant jamais être dit « contenu », y compris dans un mot : car il est de la
nature de l'infini de déborder tout espace, aussi vaste soit-il, où l'on voudrait l'enfermer.
11. Réponses aux Cinquièmes Objections , in Œuvres philosophiques, F. Alquié éd., Paris,
Bordas, 1989, t. II, p. 808.
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500 Jean-Baptiste Jeangène Vilmer
limites pour avoir une vraie et entière idée de tout l'infini 12 ». N'être «
fermée d'aucunes limites », n'est-ce pas concevoir « l'infini par la nég
du fini »? Descartes dit, d'une part, qu'il est faux de concevoir l'infini en
le fini et, d'autre part, qu'il est vrai de le concevoir en ne l'enfermant
aucune limite. Or, qu'est-ce d'autre que de nier le fini que de ne pas e
mer dans des limites? La présente difficulté, contre les apparences, n'est
différente de la précédente : il s'agit toujours d'une question de langage.
Elle n'est effectivement qu'une manifestation de la nécessaire inco
rence de la définition de l'infini, elle-même causée par l'impossible dé
tion de l'in-fini : dans la mesure où la positivité est essentielle à l'infini -
en est la marque, le signe, avec l'autre tenant du paradoxe, l'incompré
sibilité - et où l'essence de l'infini déborde toute tentative dicible, on
prend aisément que Descartes cherche à écrire la positivité de l'infin
jamais y parvenir, et doive alors se contenter d'expressions négatives,
en les refusant, sur le plan du sens. Autrement dit, le paradoxe auquel
avons affaire n'est que le spectacle de la bataille que se livrent Descart
l'infini, les exigences de la sémantique et la résistance de la syntaxe.
Descartes lui-même se défend, face au mystérieux champion de ses adv
saires 13, de s'être contredit : « lorsque j'ai dit [. . .] qu'il suffit que nous co
vions une chose qui n'a point de limites pour concevoir l'infini, j'ai su
cela la façon de parler 14 la plus usitée; comme aussi lorsque j'ai reten
nom d ''être infini , qui plus proprement aurait pu être appelé V être
ample , si nous voulions que chaque nom fût conforme à la nature de chaq
chose ; mais l'usage a voulu qu'on l'exprimât par la négation de la néga
12. Réponses aux Cinquièmes Objections , ibid., p. 812. Voir aussi Réponses aux Prem
Objections , AT IX-1 89. On pourrait à cet endroit s'inquiéter de savoir si l'infini ainsi déf
distingue encore de l'indéfini. C'est toujours le cas, puisque l'infini est ce en quoi de
parts je ne vois point de limites (AT IX-1 89), alors que l'indéfini n'est que ce sous q
considération seulement je ne vois point de fin (AT IX-1 89-90). L'infini est sans limites
tous les genres, alors que l'indéfini ne l'est qu'en un certain genre. Mais ceci serait encor
cutable puisque, à vrai dire, j'ignore même si l'indéfini est véritablement ou non sans lim
comme nous l'avons montré dans « La véritable nature de l'indéfini cartésien », Revue de
physique et de morale , 4/2008, p. 503-515.
13. Un inconnu, que la tradition a nommé ainsi, car il termine sa lettre par « nisi
Hyperaspistas novus mundus emittat ». Le terme ÙJtepaoJUOTîfc, qui n'est fréquent qu
les éditions grecques de la Bible, signifie « protecteur », « défenseur d'une cause », « cham
Clerselier traduit « adversaire ».
14. L'expression d'une « façon de parler » à laquelle est réduite la définition négative de 1 in-
fini fera école, d'abord chez Leibniz qui dira la même chose des infinitésimaux (à Des Bosses
du 11 novembre 1706), et plus généralement chez tous ceux qui voudront réduire, en mathé-
matiques, les manifestations de l'infini dans les infinitésimaux ou les irrationnels, à des « fic-
tions utiles » (voir aussi la lettre à Varignon de 1702). Voir D. Hilbert, « Sur l'infini », Acta
Mathematica , vol. 48, 1926, p. 92.
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Le paradoxe de l'infini cartésien 501
de même que si, pour désigner une chose très grande, je disais qu'elle n'es
pas petite ou qu'elle n'a point du tout de petitesse; mais par là je n'ai pa
prétendu montrer que la nature positive de l'infini se connaissait par un
négation, et partant je ne me suis en aucune façon contredit 15 ». Il faut ici
remarquer que la traduction française, « l'être très ample », que l'on doit
Clerselier, est loin d'être adéquate au latin « Ens amplissimum », lequel serait
mieux traduit par « l'être le plus ample ». Et cela n'est pas de peu d'impor
tance, puisqu'il y a entre un être très ample et l'être le plus ample une dif
férence de nature et non de degré. Et même, cette nouvelle traduction dési-
gne encore fort mal Dieu, car un être peut être plus grand que tous les autres
sans être pour autant infini. Si Descartes ne peut adopter la solution de saint
Anselme, qui désignait Dieu par aliquid quo nihil majus cogitari potest 16
c'est précisément parce qu'il cherche ici une expression ne contenant aucune
négation; et c'est pourquoi il substitue l'idée du maximum à celle de l'inf
nité 17, quitte à blesser au passage la positivité de l'infini.
Qu'apprend-t-on alors? Pourquoi y a-t-il paradoxe? Parce que Descartes
reconnaît, parfois, qu'il se laisse aller à une « façon de parler » négative, e
rappelant par là que ce ne peut être que par inattention que l'esprit se lais
à l'occasion entraîner par l'usage et le sens commun qui définissent l'infin
conformément à sa nomination négative, sans davantage de réflexion. Le phi-
losophe, lui, doit faire l'effort de le penser positivement. Descartes pédag
gue utilise souvent le thème de l'effort intellectuel luttant contre les ven
de l'inclination naturelle : nous est ainsi enseigné ce qui se passe « lorsque
relâche quelque chose de mon attention 18 ».
En conclusion, il n'y a pas plus de contradiction dans le fait de défini
l'infini comme étant le non-limité que dans celui de le nommer in-fini tout
en affirmant haut et fort sa positivité : dans les deux cas, qui est le mêm
c'est l'impossible dé-finition de l'in-fini qui pousse Descartes à la faute.
Toute la difficulté de la lecture étant alors de ne pas le prendre toujours à la
lettre, mais d'examiner le sens de ce qu'il veut probablement y mettre et
résistance d'une lettre trop étriquée. On ne peut raisonnablement, sur
question de l'infini, lire Descartes à la lettre, puisque l'infini la déborde.
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502 Jean-Baptiste Jean gène Vilmer
19. In Quinquaginta nomina Dei , chap. I, p. 6. Voir J.-L. Marion, Sur le prisme métaphy-
sique de Descartes , Paris, PUF, 1986, p. 221.
20. Lessius, Quinquaginta nomina Dei , chap. I, p. 6-7.
21. Ibid., p. 8.
22. J.-L. Marion, op. cit., p. 247, n. 41.
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Le paradoxe de V infini cartésien 503
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504 Jean-Baptiste Jeangène Vilmer
D'un point de vue logique, il s'agit d'un cas de négation locale 26, laquel
se distingue des négations classique (ou booléenne) « a = (""'a) » et in
tionniste « (""a) n'implique pas a », en énonçant « a n'implique pas ("
(elle est à ce titre la complémentaire de la négation intuitionniste dan
opposition à la booléenne). Descartes écrit effectivement, d'une par
« nous ne concevons pas l'infini par la négation de la limitation » (in
négation de la limitation) et, d'autre part, que « la limitation contient en
la négation de l'infini » (limitation = négation de l'infini), ce qui perm
déduire, par substitution de « négation de l'infini » à « limitation », que l
fini n'est pas la négation de sa négation 27 . Aussi l'infinité n'est-elle pas
nue à partir d'une quelconque négation, fut-elle double et, donc, s'a
lant 28.
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Le paradoxe de l'infini cartésien 505
fini, il faut que je retranche quelque chose de cette notion générale de l'être,
laquelle par conséquent doit précéder 31 ». Ou encore : « il n'est pas vrai q
nous concevions l'infini par la négation du fini, vu qu'au contraire toute limi
tation contient en soi la négation de l'infini 32 ». Cette expression de la posi-
tivité sera reprise, entre autres, par Malebranche et Leibniz 33.
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506 Jean-Baptiste Jeangène Vilmer
qu'il ne s'en trouve en aucune des choses créées » {Réponses aux Premières Objections , AT IX-
1 90). Voir aussi Principes I, 19, AT IX-2 33.
37. À Mersenne du 21 janvier 1641, AT III 284.
38. Voir notamment Sancto Paulo, Summa philosophica quadr apar tita, de rebus
Dialecticis , Moralibus, Physicis et Metaphysicis , III, 82 et saint Thomas, De veritate catho-
licae fidei contra gentiles , I, 43. Pour un commentaire sur ces deux références, voir E. Gilson,
Index scolastico-cartèsien , Paris, Alean, 1912 (rééd. Paris, Vrin, 1979), p. 143-144. Pour une
étude, plus précise, des références cartésiennes à Sancto Paulo, notamment telles qu'elles s'ex-
plicitent dans les lettres à Mersenne de 1640 et 1641, voir F. P. Van De Pitte, « Some of
Descartes' Debts to Eustachius a Sancto Paulo », The Monist , 1988, p. 487-497 .
39. Réponses aux Premières Objections , AT IX- 1 90. La référence à saint Thomas pourrait
être Summa Theologica , I, 12, 7. On retrouve couramment l'incompréhensibilité de l'infini
dans les pages des manuels scolastiques: voir notamment Conimb ., 3, 8, 5, 1.
40. E. Lévinas, op. cit., p. XV.
41. Ibid., p. 170.
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Le paradoxe de l'infini cartésien 507
46. Méditation IV, AT IX-1 44. Voir aussi Entretien avec Burman, AT V 167 et Principes
I, 19, AT IX-2 33.
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508 Jean-Baptiste Jeangène Vilmer
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Le paradoxe de l'infini cartésien 509
53. Ibid.
54. Discours I, AT VI 8.
55. Ibid.
56. À Mersenne du 27 mai 1638, AT II 138. Voir aussi, plus généralement, Regulae VIII,
AT X 398.
57. M. Blondel, Dialogues avec les philosophes , Paris, Aubier-Montaigne, 1966, p. 49.
58. À Mersenne du 28 janvier 1641, AT III 293. B. Rochot, qui cite ce passage, suggère que
« tous » fait référence aux mathématiciens contemporains de Descartes qui travaillent sur le cal-
cul infinitésimal (Fermat, Roberval, Cavalieri). Mais, pour ne penser qu'aux mathématiciens,
il introduit dans un morceau choisi de cette lettre à Mersenne un autre morceau, qui vient seu-
lement plus bas (« L'infini cartésien », L'infini et le réel , Centre International de Synthèse, Paris,
Albin Michel, 1955, p. 37). En vérité, rien n'oblige à se restreindre aux seuls mathématiciens:
le « tous » cartésien est indéterminé.
59. Entretien avec Burman , AT V 176.
60. De la Genèse , Y Entretien dira effectivement qu'elle se commente, ou se décrit, sans s'ex-
pliquer (Entretien avec Burman , AT V 169).
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510 Jean-Baptiste Jeangène Vilmer
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Le paradoxe de l'infini cartésien 511
71. F. Alquié, in Descartes, Œuvres philosophiques, t. II, Paris, Bordas, 1989, p. 533, n. 1.
72. Voir H. Choplin, De la phénoménologie à la non-philosophie. Lévinas et Laruelle ,
Paris, Kimé, 1997.
73. E. Lévinas, Totalité et Infini , op. cit., p. 56.
74. E. Lévinas, « La philosophie et l'idée de l'infini », Revue de Métaphysique et de
Morale , 1957, p. 174.
75. H. Choplin, op. cit., p. 89-90.
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512 Jean-Baptiste Jeangène Vilmer
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Le paradoxe de l'infini cartésien 513
B) Réponses de Descartes
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514 Jean-Baptiste Jeangène Vilmer
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Le paradoxe de l'infini cartésien 515
de Dieu, nous ne les imaginons ni ne les concevons, mais nous les enten
dons 97 ». L'un des aspects de cette distinction est qu'il y a des degrés dan
la conception, et non dans l'intellection 98 : puisque c'est l'esprit qui se donne
l'objet, une représentation peut être plus ou moins achevée et donc, propor-
tionnellement à son achèvement, être plus ou moins claire et distincte. Alors
que, dans le cas de l'intellection, et parce que l'objet est alors déjà donné
la pensée (c'est l'objet qui se donne), il y a appréhension absolue, d'un seu
coup ( tota simul ). Comme le remarque Kambouchner ", Descartes n'appl
que jamais l'attribut « clair et distinct » à intelligere , car ce serait faire une
tautologie : la clarté et distinction est contenue dans intelligere , qui pénètre
l'objet d'un seul coup et complètement. C'est là une manifestation de l'irré
ductible unité de l'infini, qui exige la loi du tout ou rien.
Descartes lui-même distingue concipere à"* intelligere, en les répartissant
dans le couple infini/indéfini: « pour les perfections et attributs de Dieu
nous ne les concevons pas mais nous les entendons, et, à supposer que nou
les concevions, nous les concevons comme indéfinis 100 » : l'infini s ' entend
alors que l'indéfini se conçoit , l'infini peut être conçu mais seulement comme
indéfini - de telle sorte que, lorsque nous concevons l'indéfini, nous igno
rons si cet indéfini est lui-même un infini, et c'est précisément pourquoi
est nommé in-défini 101 . En conclusion, s'il y a bien une chose que l'on puiss
concevoir de l'infini, c'est précisément son inconcevabilité 102. Sur le plan
des métaphores de ces trois modes du connaître que sont intelligere , com
prehendere et concipere , on pourrait les distribuer ainsi : comprendre es
embrasser , entendre est toucher et concevoir est saisir. On peut alors com-
prendre intuitivement l'impossibilité de saisir l'infini par l'image suivante :
lorsque nous saisissons, dans nos doigts, une chose, nous ne faisons qu'e
saisir les contours, les bords, les limites. Or, l'infini est précisément ce qu
n'a pas de limites par lesquelles nous pourrions le saisir. Ainsi l'esprit n
peut-il saisir l'infini: bien plutôt, il est saisi par lui. C'est la passivité, évo
quée tout-à-l'heure, qui fait que l'infini, maintenant, m'aborde le premier
et que je ne peux, pour cette raison, le saisir avant d'être moi-même saisi 103.
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516 Jean-Baptiste Jeangène Vilmer
104. Somme théologique , Q. 86, art. 2, sed contra , trad, par A. D. Sertillanges, Paris, Cer
1990, t. 1, p. 754.
105. H. Ramadan, Une critique de l'argument ontologique dans la tradition cartésienne
Berne, Peter Lang, 1990, p. 100.
106. Réponses aux Premières Objections , AT IX-1 89.
107. J.-L. Marion rappelle que si l'infini est connu (AT VII 167, 17), nous ne le connaisson
« que si s'en éclaircissent avec une claire évidences les attributs » ( Sur le prisme métaphysiq
de Descartes , op. cit., p. 219, voir aussi p. 399).
108. Réponses aux Premières Objections , AT IX-1 89; Principes I, 22, AT IX-2 34-35
Discours IV, AT VI 35.
109. Méditation III, AT IX-1 41.
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Le paradoxe de l'infini cartésien 51 7
113. Nous ne considérons pas que le texte cité par M. Wilson soit véritablement une réponse
(« Can I Be the Cause of My Idea of the World? (Descartes on the infinite and indefinite) », in
A. 0. Rorty éd., Essays on Descartes' Meditations, Berkeley, University of California Press,
1986, p. 351). Dans ses Réponses aux Troisièmes Objections , AT IX-1 146, Descartes (1) ne
donne aucune raison de préférer la positivité de l'infini à la négativité hobbienne de le considé-
rer comme du non-fini, (2) répond à cette négativité hobbienne, qui donc est celle du premier
genre, c'est-à-dire par négation, en réfutant celle du second genre, par accroissement - solution
adoptée par Mersenne et Gassendi -, et (3) se contente finalement, comme un aveu d'échec, de
pratiquer la rétorsion (« Je retourne l'argument », Entretien avec Burman , AT V 174), c'est-à-
dire de renvoyer sa question à Hobbes qui, le premier, demandait « par quelle idée Monsieur
Descartes conçoit l'intellection de Dieu » ( Troisièmes Objections , AT IX-1 145).
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518 Jean-Baptiste Jeangène Vilmer
114. Sur ce point, voir J.-L. Marion, « La 'règle générale' de vérité. Meditatio III, AT V
34-36 », in 0. Depré & D. Lories (dir.), Lire Descartes aujourd'hui , Louvain, Paris, Pe
1997, p. 173-198.
115. À Hyperaspistes d'août 1641, AT III 430.
116. Discours I, AT VI 1. Voir aussi le commentaire de ce passage dans Entretien
Burman , AT V 175.
117. Voir Pascal, qui fait l'éloge du raisonnement par l'absurde, contre l'évidence c
sienne (De l'esprit Géométrique , in Œuvres de Pascal , op. cit., t. IX, p. 259).
IIS. Réponses aux Secondes Objections , AT IX-1 109-110; Entretien avec Burman ,
157 et Réponses aux Cinquièmes Objections , op. cit. t. II, p. 808-809 et p. 817.
119. Voir à Regius du 24 mai 1640, AT III 64; à Hyperaspistes d'août 1641, AT III 42
le texte fondamental de la Méditation III AT IX-1 37; à Chanut du 1er février 1647,
608-609; à Clerselier du 23 avril 1649, AT V 355 et Entretien avec Burman , AT V 157.
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Le paradoxe de l'infini cartésien 519
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520 Jean-Baptiste Jeangène Vilmer
125 .Pensée 72. Sur Descartes et Pascal, voir M. Le Guern, Pascal et Descartes, Pari
Nizet, 1971. Sur la question de l'infini chez Pascal, voir P. Magnard, « L'infini pascalien
Revue de renseignement philosophique , 1981 et C. Chevalley, Pascal: contingence et pr
babilités, Paris, PUF, 1995, p. 29-49.
126. Arnauld et Nicole, La Logique ou l'Art de Penser , éd. par P. Clair et F. Girbal, Paris
Vrin, 1993, p. 295.
127. Malebranche, De la recherche de la vérité , III, I, 2.
128. Leibniz, à Malebranche du 22 juin 1679, in Die Philosophischen Schriften , 1. 1, p. 33
332. Pour la doctrine leibnizienne de l'infini, voir L'infinito in Leibniz , Roma, Ed. dell'Aten
1990; F. Burbage et N. Chouchan, Leibniz et l'infini , Paris, PUF, 1993; M. Parmenti
« Probabilité et infini chez Leibniz », in F. Monnoyeur (dir.), Infini des philosophes , infini d
astronomes , Paris, Belin, 1995, p. 93-112 et P. Clayton, « The Theistic Argument from Infin
in Early Modern Philosophy », International Philosophical Quarterly , 1996, p. 9-11.
129. Cette performance lui vaudra d'être loué par J. Cohn, Histoire de l'infini , dans la pe
sée occidentale jusqu'à Kant , trad, par Jean Seidengart, Paris, Cerf, 1994, p. 200.
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Le paradoxe de V infini cartésien 521
Résumé: L'idée de Vinfmi est , chez Descartes, fort paradoxale: elle est à la fois la plus claire
et distincte et la plus incompréhensible que Von puisse avoir. Le paradoxe atteint même
sa positivité, puisque Vin-fini s'énonce négativement. Ce problème a occupé de nombreux
contemporains , et aujourd'hui encore certains interprètes y voient une contradiction au
plus profond de la pensée cartésienne. Cet article expose le paradoxe de l'infini cartésien ,
puis montre comment Descartes l'avait déjà résolu et comment la postérité s'en saisira.
Mots-clés: Descartes. Infini. Paradoxe. Positivité. Ontologie. Dieu.
Abstract : The idea of the infinite is, for Descartes , very paradoxical: It is both the most clear
and distinct , as well as the most incomprehensible idea that one can have. The paradox
even reaches its positivity ; for the in-finite is negatively formulated. Numerous authors
were concerned by this issue during Descartes' time, and even today, some still see it as a
deep contradiction in his thought. This paper first exposes the paradox of the cartesian
infinite, then shows how Descartes had already resolved it and how it will be understood
by its posterity.
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