Location via proxy:   [ UP ]  
[Report a bug]   [Manage cookies]                

Les Figures de Style

Télécharger au format pdf ou txt
Télécharger au format pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1sur 7

LES FIGURES DE STYLE

Supprimer l’outil comparatif (ici, comme), et vous


RAPPROCHER obtenez une métaphore : la lune est une faucille
DANS CETTE CATEGORIE, NOUS AVONS d’or, ou la lune, faucille d’or parmi les étoiles.
PLACE LES FIGURES DE STYLE QUI RAPPROCHENT L’image de la lune et celle de la faucille se
DEUX ELEMENTS POUR LE COMPARER, LES ASSOCIER, trouvent ainsi, en quelque sorte, superposées, et la
LES OPPOSER, O OPERER UN TRANSFERT DE SENS DE lune qui, dans la comparaison, ne faisait que
L’UN A L’AUTRE. ressembler à une faucille, par la magie de la
métaphore (mot qui vient du grec metaphora,
signifiant « transport » et « changement,
La Comparaison
transposition de sens »).
« La Terre est bleue comme une orange »
Pour passer de la comparaison à la
(Paul Éluard) métaphore, nous avons, dans l’exemple donné,
conservé la comparé (la lune) et le comparant (la
faucille). Or, on peut parfois se passer de comparé,
C’est sans doute la figure de style la plus
pour ne conserver que le comparant : là-haut
simple, la plus évidente, la plus repérable. Elle met
dans le ciel, la faucille d’or brillant parmi les étoiles.
en relation deux éléments, un comparé et un
La lune, cette fois n’est pas nommée, mais son
comparant, au moyen d’un comparatif, c’est-à-
image pourtant s’impose avec force ; la
dire d’un mot permettant de comparer (comme,
métaphore est plus subtile, plus poétique. C’est
tel que, pareil à, semblable à, aussi…que,
une métaphore in absentia, « en l’absence » du
plus…que, ressembler à, paraître…). Dans
comparé, par opposition à la métaphore in
l’exemple ci-dessous, la Terre est le comparé, une
praesentia, « en présence » du comparé.
orange la comparant, et comme l’outil
comparatif. -Métaphore in praesentia :

Gaston est aussi aimable qu’une porte de prison. L’arbre étendait ses branches, longs bras
Telle une statue, elle restait immobile au milieu de décharnés.
la place. La queue du chat ressemblait à un point
d’interrogation. -Métaphore in absentia :
L’arbre étendait ses longs bras décharnés.
Souvent, la comparaison sert à magnifier
l’objet du discours : le chevalier était fort comme Quand une métaphore est reprise par plusieurs
un lion (on fait surgir l’image du roi des animaux) et termes, et qu’elle se trouve ainsi développée (par
beau comme un dieu (le voilà divinisé !). La exemple sur plusieurs vers, en poésie), on parle de
princesse le regardait, admirative, de ses grands métaphore filée. Certaines métaphores, appelées
yeux verts semblables à deux pures émeraude (les catachrèses, font intégrante et usuelle de la
yeux, comparés à des pierres précieuses, sont tous langue : les bras d’un fauteuil, les ailes d’un moulin,
de suite plus brillante, plus remarquables). une bouche d’égout, fondre en larmes… Toutes
ces expressions sont imagées, puisqu’un fauteuil
n’a pas réellement de bras, ni l’égout une bouche
au sens propre, et que personne n’a jamais fondu
La métaphore physiquement en se mettant à pleurer.

« Cette faucille d’or dans le champ des étoiles »


(Victor Hugo)

Prenez une comparaison : par exemple, la


lune est comme une faucille d’or parmi les étoiles.
La métonymie Comment utiliser la partie pour le tout ? Prenez
un tout, par exemple un bateau, avec coque,
« La table 12 s’impatiente » mât, voiles, et équipage ; choisissez une partie de
ce tout, par exemple les voiles, et utilisez-la pour
Qui s’impatiente ? La table, vraiment ? Non,
désigner le tout. Résultat : Sur la Seine passaient les
bien sûr. Ce sont les clients assis à la table 12 qui
voiles. Si le tout est une femme, on peut, comme
commencent à trouver le temps long, et qui
Baudelaire, choisir ses yeux pour la désigner, et
aimeraient qu’on s’occupe d’eux rapidement. Le
obtenir ainsi un effet poétique saisissant : Ils
serveur du restaurant a fait un raccourci, et le
marchent devant moi, ces yeux…
cuisinier auquel il s’adressait à parfaitement
compris qu’il s’agissait d’une métonymie. Comment utiliser le tout pour la partie ? Prenez
par exemple une équipe de football ; voyez à quel
Comme son étymologie l’indique, la
tout appartient cette équipe (ville ou pays quel
métonymie (du grec metônumia, ‘changement
représent-ils ?), et utilisez ce tout pour la nommer :
de nom ») est le remplacement d’un mot par un
l’Italie a gagné par 2 à 0 contre la France.
autre, les deux étant toujours liés étroitement. La
métonymie est fondée sur une relation logique La synecdoque établit un rapport d’inclusion
entre deux mots, et c’est ce qui la distingue de la entre deux termes : la voile (la partie) est incluse
métaphore, où la relation est analogique. dans le navire (le tout) ; l’Italie (le tout) inclut
Explication : dans le cadre d’un restaurant, il y a un l’équipe nationale italienne de football (la partie).
rapport évident entre les mots table et client, et, Ce rapport d’inclusion existe aussi lorsqu’on prend
dans l’esprit du serveur, ces mots sont étroitement la matière pour l’objet, ou encore lorsqu’on utilise
associés ; il sert des clients, assis à une table… un terme au singulier en lui donnant la valeur d’un
Métonymie : il sert une table. Mais il n’existe pluriel : les deux escrimeurs croisaient le fer (« la
aucune analogique, c’est-à-dire aucune lame en fer de leur épées », et ici la matière est
ressemblance de forme, d’aspect ou de prise pour objet) ; encerclées par l’ennemi, les
caractère, entre les clients et la table. Si, en troupes romaines furent héroïques (l’ennemi = « les
revanche, le serveur dit d’un client « c’est un ours », soldats ennemis »).
les mots client et ours, qui n’ont ordinairement
aucun lien entre eux, se trouvent placés dans une
relation analogique : le client en question a un
caractère bourru, comme l’ours, animal réputé L’oxymore
peu aimable. Métaphore, donc :« Quel ours ! »
« Cette obscure clarté qui tombait des étoiles »
Quelques exemples, dont on fait usage est (Pierre Corneille)
courant : c’est une décision de l’Élysée
Ici, il s’agit d’« appareiller », de joindre deux
(comprenez - une décision du Président de la
mots qui viennent de registres contraires, comme
République, qui vit à l’Élysée) ; le premier violon est
« obscure » et « clarté » dans un célèbre vers de
malade (bien sûr, c’est le chef violonistes de
Corneille (le Cid) : l’obscure est naturellement
l’orchestre qui est souffrant, et non son instrument).
sombre et non clair ; et la clarté éclaire, mais
La métonymie, on le voit, permet souvent un
n’obscurcit pas. Cette union de mots contraires
raccourci dans l’expression, et a parfois valeur de
frappe l’imagination, et cette rencontre bizarre
symbole, comme lorsqu’on dit « la couronne » pour
provoque d’un côté le sentiment de l’étrangeté,
désigner le roi ou la reine.
et, de l’autre, le sentiment d’une beauté presque
surnaturelle.

L’oxymore est proche du paradoxe, et crée un


La synecdoque
heureux effet de surprise. Il fait surgir des images
« Ils marchent devant moi, ces Yeux pleins de d’une grande force poétique, en exprimant ce qui
lumière » (Charles Baudelaire) est inouï, inconcevable ordinairement, et permet
aussi de traduire des émotions et des sentiments
Cette figure, qui est un cas particulier de la contradictoires (un plaisir qu’on redoute et désire
métonymie, consiste à utiliser le tout pour la partie, tout à la fois suscite, chez Flaubert, un effroi
ou, plus souvent, la partie pour le tout. voluptueux). Le nom oxymore, du grec oxumôron,
est d’ailleurs lui-même une alliance de mots
contradictoires puisqu’il est fermé de SIGNIFIER QUE LE SPECTACLE EST
LES TROPES SANGLANT ET EFFRAYANT :
Oxus, « pointus » ou « subtil », et de
môrros, « émoussé » ou « stupide ». Rapprocher, c’est le ATTENUATION, DONC.
fondement des tropes
(du grec topos, « tour »),
mot utilisé par les
L’hypallage L’euphémisme
grammairiens de
l’Antiquité, et désignant « Mon épouse est un peu
« Un vieil homme en or avec une
les figures de style qui enveloppée » (Un mari délicat)
montre en deuil » (Jacques Prévert)
font « tourner » le sens
Hypallage, nom féminin, vient d’un d’un mot, qui emploient C’est une figure de pensée :
mot grec qui signifie « échange, un mot dans un autre en effet, la pensée atténue le
intervention ». Cette figure consiste à sens que son sens constat, qui pourrait choquer.
attribuer à un mot d’une phrase ce qui ordinaire, avec passage On détourne l’expression, pour
logiquement convient à un autre mot du sens figuré. La la rendre moins brutale, moins
de cette même phrase. Exemple : des métaphore, la vulgaire ou moins effrayante.
pas cristallins et argentins sur le sable. métonymie et le Ainsi, par euphémisme, une
On voit bien que c’est le sable qui synecdoque sont les « grosse dame » devient une
évoque le cristal (ses mille petits points trois principaux tropes dame un peu enveloppée,
brillants), en même temps que l’argent (nom masculin : un constat moins abrupt. De
(sous le soleil, le sable prend une trope). même, certaines ne vont jamais
couleur argentée) ; les deux adjectifs au WC (trop vulgaire) et
ont donc été déplacés d’un mot à préfèrent se rendre au petit
l’autre, du sable aux pas, au mépris coin. La mort est souvent un sujet
certes de la logique, mais pour créer un effet tabou, et ainsi on refuse par crainte ou superstition,
expressif, indéniable et original (le bruit de cristal et de prononcer son nom effrayant : pour dire « il est
d’argent sous les pas sur le sable). mort », on emploie des euphémismes comme il a
cessé de vivre ou il s’est éteint, ou encore il nous a
De même, chez Hugo, dans son poème A quittés. En grec, euphêmismos signifie « emploi
Canaris, on voit un marchand accoudé sur son d’un mot favorable » (à la place d’un mot de
comptoir avide. Or, l’avidité est un désir humain, et mauvais augure, d’un mot pourrait porter
c’est le marchand qui, en réalité, est avide. malheur). Et les Grecs, par superstition,
L’adjectif, comme dans toute hypallage, a glissé employaient un euphémisme pour désigner les
du marchand au comptoir. Harpies, divinités furieuses et terribles de la
vengeance : ils les appelaient les Euménides, les
Poussé à l’extrême, l’hypallage peut donner « Bienveillantes ».
des résultats tout à fait absurdes et surréalistes,
comme lorsque Prévert fait surgir, à notre plus Au XVIIe siècle, les précieux et les précieuses,
grande surprise, et pour notre plus grand gens qui recherchaient le raffinement en toutes
amusement, « un vieil homme en or avec une choses, et notamment dans le langage, et qui
montre en deuil » (au lieu de la phrase attendue : rejetaient le vocabulaire cru, jugé trop violent,
un vieil homme en deuil avec une montre en or). usaient largement de l’euphémisme.

ATTENUER La litote

CERTAINES FIGURES DE STYLE PERMETTANT « Va, je ne te hais point »


D’ATTENUER UN PROPOS, EN DISANT LE MOINS
(Pierre Corneille)
POSSIBLE POUR SUGGERER LE PLUS POSSIBLE. PAR
EXEMPLE, JACK L’ÉVENTREUR, DANS LA NUIT DE La litote (du grec litotês, « simplicité ») dit le
LONDRES, VIENT DE COMMETTRE UN NOUVEL moins pour en exprimer le plus. Ainsi Chimène,
ASSASSINAT, HORRIBLE. LE COMMISSAIRE DE POLICE dans le Cid de Corneille, congédie son amant
DIT ALORS, TOUTE RESERVE ET TOUTE DISCRETION Rodrigue par ces mots « Va, je ne te hais poin »,
GARDEES, « CE N’EST PAS BEAU A VOIR », POUR
manière pudique de lui dire qu’elle l’aime encore.
Car Chimène est tenue à la décence : son père
ayant été tué en duel par Rodrigue, il serait Dans la fable de la Fontaine la laitière et le pot
choquant qu’elle avouât directement son amour au lait, une jeune laitière, Perrette, chemine vers la
à ce même Rodrigue. Cet exemple est le plus ville, pour y vendre son lait, en songeant à tout le
représentatif de la litote. Cette figure de style profit qu’elle pourra en tirer : avec le prix du lait,
s’exprime, la plupart du temps, par une formule elle achètera des œufs, qui lui donneront des
négative pour dire le positif : je ne te hais point poulets, en échange desquels elle aura un
pour dire « je t’aime » ; il n’est pas sot, cet enfant… cochon, puis une vache et son veau… Mais
pour « il est intelligent », je ne dis pas non pour soudain Perette trébuche, en reversant son lait :
« j’accepte volontiers… adieu, veau, vache, cochon, couvée ! Grâce à
cette accumulation de substantifs, la perte et le
malheur que Perette vient de subir se trouvent
amplifiés.
AMPLIFIER
Rabelais raffolait de ce procédé de style, dont
A L’OPPOSE DU DISCRET EUPHEMISME ET LA
il se servait pour obtenir un effet comique. Ainsi,
TIMIDE LITOTE, IL EXISTE DES FIGURES SERVANT A
dans son Quart livre, on trouve cette intéressante
AMPLIFIER L’EXPRESSION D’UNE IDEE, QUITTE,
PARFOIS, A TOMBER DANS L’OUTRANCE ET DANS collection d’onomatopées : hin, hin, hin, hin, hic,
L’EXAGERATION… ticque, torche, lorgne, brededin, brededac, frr, frrr,
frrrr, bou, bou, bou,bou…
L’hyperbole
On trouve aussi, chez Madame de Sévigné,
« C’est merveilleusement bon » cette fantaisie langagière qui joue sur un excès de
l’accumulation : Je m’en vais vous mander [vous
Pour mettre en valeur une idée, un sentiment, apprendre] la chose la plus étonnante, la plus
une description, et lui donner plus de relief, on surprenante, la plus merveilleuse, la plus
emploie l’hyperbole (du grec huperballein, miraculeuse, la plus triomphante, la plus
« dépasser la mesure »), figure qui « grossit » la étourdissante, la plus inouïe, la plus singulière, la
réalité, comme lorsqu’on dit je meurs de soif. plus extraordinaire, la plus incroyable… La
L’hyperbole se glisse dans le langage familier (et nouvelle, de fait, était d’importance, puisqu’il
volontiers incorrect) avec l’usage, très fréquent, et s’agissait de l’annonce du mariage de la Grande
qui perd donc de sa valeur, de « trop » : c’est trop Mademoiselle (cousine de Louis XIV).
bon, c’est trop beau, c’est trop bien…

L’hyperbole est très fréquente dans l’épopée,


où tout est en effet plus grand que nature. Dans la L’anaphore
tragédie le Cid, de Corneille, le vers va, ours, vole
et me venge est une hyperbole : le héros ne « Cœur qui a tant rêvé,
marche plus, il court, il vole ! On peut citer aussi, O cœur charnel,
dans Cyrano de Bergerac, d’Edmond Rostand, la
O cœur inachevé,
fameuse tirade du nez : « C’est un roc !... C’est un
pic !... C’est un cap ! / Que dis-je, c’est un cap ?... Cœur éternel »
C’est une péninsule ! ». Le nez de Cyrano est certes (Charles Péguy)
de belle taille, de taille remarquable même, mais il
Par la répétions d’un même mot (comme la
prend là des proportions tout à fait extraordinaire,
mot cœur dans les Quatrains de Péguy), souvent
grâce à l’hyperbole (et grâce aussi à la
placé en début de phrase ou de vers, on martèle
métaphore, puisqu’on voit successivement ce nez
une idée, on insiste, on souligne, bref, on amplifie.
se transformer en roc, en pic, en cap et en
En grec, anaphora signifie « porter de nouveau » et
péninsule) !
donc « répéter ». Corneille nous fournit, dans sa
tragédie Horace, un des plus fameux exemples
d’anaphore, avec ces imprécations prononcées
L’accumulation par Camille contre son frère Horace, qui vient de
tuer Curiace, l’amant de Camille :
« adieu, veau, vache, cochon, couvée »
Rome, l’unique objet de mon ressentiment !
(Jean de la Fontaine)
Rome, à qui vient ton bras d’immoler mon amant !
Rome qui t’a vu naître, et que ton cœur adore ! Si fiert Tierri sur l’elme de Provence ;
Rome enfin que je hais parce qu’elle t’honore ! Salt en li fous, que l’erbe en fait esprendre.
Del brant d’acer la mure li presentet
Desur le frunt li ad faite descendre
JOUER SUR LES SONS
Et traduction en français moderne :
« DE LA MUSIQUE AVANT TOUTE CHOSE […] DE
LA MUSIQUE ENCORE ET TOUJOURS ! » ECRIVAIT LE Sur le heaume de Provence, il frappe Thierry ;
POETE PAUL VERLAINE. EN PROSE OU EN VERS,
le feu jaillit, l’herbe s’enflamme.
L’ECRITURE EST AUSSI, EN EFFET, UN ART MUSICAL…
Il lui présente la pointe de sa lame d’acier.
Elle descend sur son front.
L’assonance

« Les sanglots longs L’allitération


Des violons » … (Paul Verlaine) « Pour qui sont ces serpents » (Jean Racine)

L’assonance consiste en la répétition, dans Alors que l’assonance est l’écho du même son
une même phrase ou dans un ensemble de vers, vocalique, l’allitération, elle, joue sur la répétition
d’un même son vocalique, c’est-à-dire produit par du même son consonantique (produit par une ou
une ou plusieurs voyelle (a, e, é, è, i, o, u, ai, oi, des consonnes). Dans Andromaque, de Racine,
ou…). Les sonorités an, un, on et in sont également Oreste, devenu fou, et poursuivi par les déesses de
dites vocaliques. la vengeance, leur demande : Pour qui sont ces
serpents qui sifflent sur nos têtes ? On a là un cas
La première strophe de la Chanson
d’harmonie imitative : l’image des serpents
d’automne, de Paul Verlaine, est un superbe
s’accompagne du bruit de leur sifflement suggéré,
exemple d’assonance en o et en on :
imité par l’emploi répété de la consonne s, par
Les sanglots longs l’allitération en s. Si le s siffle, le l évoque la pluie et
les larmes, l’eau qui s’écoule, comme dans ces
Des violons vers de Verlaine :
De l’automne Il pleure dans mon cœur
Comme il pleut sur la ville ;
Blessent mon cœur
D’une langueur Quelle est cette langueur

Monotone. Qui pénètre mon cœur ?

Ici, l’assonance illustre la langueur, la L’allitération, souvent, se développe en


fantaisie sonore, en jeux de langage : Didon dîna
mélancolie du poète, et la répétition des sons o et
on évoque une longue plainte. De même, dans dit-on du dos de dix dodus dindons. Un chasseur
sachant chasser doit savoir chasser sans son chien.
Phèdre, tragédie de Racine, on trouve cette
fameuse assonance en i : Tout m’afflige et me nuit A propos de chasseur, de ch et de ss, le poète
Robert Desnos se livre, dans sa Chanson de
et conspire à me nuire.
Chasse, à un véritable exercice de rhétorique… et
L’assonance a été, historiquement, une forme d’allitération en ch et en ss :
élémentaire et rudimentaire de rime. En effet, les
plus anciens poèmes français du Moyen Age La chasseresse sans chance
n’avaient pas de rime, mais des assonances en fin de son sein choie son sang sur ses chasselas
de vers : par exemple lorsqu’on vers se terminait
chasuble sur ce chaud si chaud sol
par le mot visage, on pouvait achever le vers
suivant par le mot face, car seul l’accent tonique, chat sauvage
portant ici sur le a, était important pour les sonorités chat chat sauvage qui vaut sage
finales. Exemple d’assonance en fin de vers, avec
chat sage ou sage sauvage
la sonorité en, dans la célèbre Chanson de Roland
(XIe siècle) : […]
L’antiphrase

REMPLACER « Cinq centimes de pourboire ? Quelle


générosité ! »
QUE PEUT-ON REMPLACER ? PAR EXEMPLE UNE
IDEE ABSTRAITE PAR UNE REPRESENTATION Cette figure consiste à exprimer le contraire de
CONCRETE, UN MOT PAR UN GROUPE DE MOTS, UN ce qu’on pense réellement. Exemple : Tu as eu un
NOM COMMUN PAR LE NOM D’UN PERSONNE… zéro en histoire ? Ah, bravo ! Félicitation ! Tu es sans
doute très fier de toi ? En fait, la personne qui parle
La périphrase
juge ce résultat (le zéro en histoire) lamentable et
« Le Roi des animaux, en cette occasion, montra honteux, et c’est par ironie, une ironie cinglante,
ce qu’il était, et lui donna la vie. » qu’elle emploie l’antiphrase. En effet, l’antiphrase
est un des procédés favoris de l’ironie, comme la
(La Fontaine) périphrase d’ailleurs. Dans Candide, Voltaire,
Quant on dit le jus de la vigne pour « le vin », maître suprême en ironie, parle, pour désigner une
ou le roi des animaux pour « le lion », on use de prison, des appartements d’une extrême fraîcheur,
cette figure de style appelée la périphrase : un dans lesquels on n’était jamais incommodé par le
simple mot est remplacé par des éléments de soleil : ici, la périphrase (« des appartements d’une
phrase plus complexes, jouant sur l’implicite, mais extrême fraicheur » pour dire la prison) est associé
avec suffisamment d’indices pour que à l’antiphrase, puisque la prison devient un lieu frais
l’interlocuteur puisse comprendre. Le mot est issu (en réalité : glacial), où l’on ne risque pas d’être
du grec périphrases, lui-même formé à partir du gêné par l’ardeur du soleil (comprenez, au
verbe periphrazein, signifiant « exprimer par un contraire : où l’on souffre de l’absence sinistre de
détour, par circonlocution ». lumière et de chaleur), pour servir l’ironie du
propos.
Les précieux et les précieuses du XVII e siècle,
qui souhaiteraient se distinguer, entre autres, par
leur langage, étaient des virtuoses de la
périphrase : avec eux, un simple balai devenait un L’allégorie
instrument de la propreté, le miroir était le
« La Prudence est mère de Sûreté »
conseiller des grâces, et les fauteuils, les
commodités de la conversation ; quant au verre (Proverbe)
d’eau, il était le bon ton de l’appeler plutôt un bain En grec, allêgorein signifie « parler par figures,
intérieur. par images », c’est-à-dire en transformant une
idée abstraite en un être animé, concret. Ainsi, la
Quelques périphrases usuelles : la Venise du
justice (idée abstraite) est souvent représentée par
Nord (pour Bruges, ville Belge, qui est parcourue de
une femme tenant dans ses mains une balance
canaux) ; la ville Lumière (Pour Paris) ; la ville rose
(symbole de la justice qui pèse les fautes
(pour Toulouse) ; le toit du monde (pour
commises). Traditionnellement aussi, l’image
l’Himalaya) ; des billets verts (pour des dollars) ; le
allégorique de l’amour est celle d’un enfant ailé,
vieux continent (pour l’Europe) ; la langue de
armé d’un arc et de flèche pour toucher les cœurs,
Shakespeare (pour l’anglais)…
et y introduire le désir amoureux. L’allégorie est un
Quelque périphrases littéraire : Celui de qui du processus de symbolisation, par une
ciel la tête était voisine (pour « le chêne », dans le personnification.
Chêne et le roseau, de la Fontaine ; il y a, dans
Une œuvre entière peut être une allégorique :
cette périphrase, une hyperbole, qui grandit
c’est le cas du Roman de la Rose (XIII e siècle),
l’arbre au point de lui faire presque toucher la
vaste poème composé par Guillaume de Lorris,
ciel) ; Tout le reste entourait le déesse aux yeux
puis continué par Jean de Meung. Dans ce
pers (pour « Athéna », chez la Fontaine encore,
poème, nourri de leçons morales sur l’art d’aimer
dans les Filles de Minée) ; Heureux qui, comme
et sur la vraie noblesse du pur amour et du cœur
Ulysse, a fait un beau voyage, /Ou comme cestui-
vertueux, les personnages sont des allégories,
là qui conquit la toison (pour Jason, dans ces vers
comme leur nom l’indique : on voit Amant, en
de Joachim du Bellay).
quête de la Rose (la femme idéale), rencontrant
Nature qui lui donne des conseils ; dans sa quête,
Amant rencontre aussi Jalousie, Danger ou encore On appelle personnification (du latin persona,
Bel-Accueil : le « masque » et, par extension, la « personne ») le
procédé qui consiste à attribuer, à un animal ou un
Comment Bel-Accueil humblement
objet, par exemple des sentiments, des
Offrit à l’Amant doucement comportements ou des traits propres aux humains.
Le passage pour voir les roses
Le Roman de Renart est l’un des plus fameux
[…] exemples de personnification animaux, avec dans
Bel-Accueil se faisait nommer le rôle principaux, messire Renart, bien sûr, Ysengrin
le loup, Noble le lion, Tibert le chat… Ici, les
Fils de Courtoisie la sage
personnages, tous en conservant leur apparence
L’allégorie est donc représentation qui prête animale, pensent, parlent, agissent comme des
apparence humaine et vie propre aux qualités, humains. Dans les Fables de la Fontaine, les
vertus ou défauts, aux âges de la vie ou encore animaux se trouvent aussi personnifiés, et l’on voit
aux saisons, comme ces vers composés au XVe un loup discuter avec un agneau, une fourmi
siècle par Charles d’Orléans : refuser d’aider une cigale, un corbeau « honteux
Hiver, vous n’êtes qu’un vilain ! et confus » de s’être laissé prendre aux flatteries
d’un renard… Pour un objet personnifié, laissons la
Été est plaisant et gentil…
parole à Pierre Ronsard, qui dans ses Odes, prête
aux arbres des chevelures :

La prosopopée Bois, bien que perdiez tous les ans


En hiver vos cheveux mouvants,
« -En hiver, sortez couverts, nous dit la voix de la
L’an d’après qui se renouvelle,
Raison »
Renouvelle aussi votre chef [votre tête]
Très proche de l’allégorie, la prosopopée (du
On peut aussi bien personnifier une idée. La
grec posopôn, la « personne ») fait parler et
Beauté devient, une femme séductrice. Tous les
discourir une notion abstraite, qui s’adresse ainsi,
dieux de l’Antiquité grecque sont des
de façon imagée, à l’homme. La plus belle et la
personnifications d’éléments ou d’idée.
plus célèbre des prosopopées se trouve chez le
philosophe grec Platon, dans son Apologie de
Socrate : en prison Socrate, à qui ses amis
conseillent de fuir, de s’évader, refuse, et fait parler L’antonomase
les Lois, lesquelles veulent être respectées, pour le
bien de la cité. Il s’agit là d’une figure qui remplace un nom
commun par un nom propre.
La poésie utilise aussi la prosopopée, comme
Alfred Musset, dans la Maison du Berger, quand la Un séducteur ainsi devient un Don Juan, et un
Nature se présente à lui, et lui parle : bel homme un Apollon.

Elle me dit « Je suis l’impassible théâtre En poésie, quand Louis Aragon parle, dans la
Que peut remuer le pied de ses acteurs Nuit de Mai, de soldats morts au combat, il leur
donne par l’effet de la majuscule, des noms
[…]
propres : …et je me risque / Où vous errez
Je n’entends ni os cris ni vos soupirs ; à peine Malendormis Malenterrés…
Je sens passer sur moi la comédie humaine
A l’inverse, lorsqu’on remplace un nom propre
Qui cherche en vain au ciel ses muets spectateurs. par un groupe nominal, il y aussi antonomase : par
exemple, le fils de Laërte est une antonomase
désignant Ulysse (et aussi une périphrase, car dans
La personnification ce cas les deux figures se superposent).

« Le corbeau honteux et confus


Jura, mais un peu tard, qu’on l’y prendrait plus » Maë

Vous aimerez peut-être aussi