Reporting Financier
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Elisabeth Albertini
Comprendre
le reporting
financier
Les IFRS accessibles
Chapitre 1
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Comprendre le reporting financier
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marché n’a qu’une efficience faible ou semi-forte, alors qu’ils ne le sont pas en cas
d’efficience forte puisque l’information privée est reflétée dans le prix.
Cette notion d’efficience peut paraître bien éloignée des préoccupations des
comptables. Ceux-ci ne travaillent cependant pas pour eux : les états financiers
qu’ils préparent doivent pouvoir être utilisés par les investisseurs. La question de
l’intérêt de l’exploitation de ces documents se pose donc bien. Si l’efficience est
forte, ces documents n’apportent pas d’informations nouvelles. Ils sont en
revanche utiles pour les deux autres formes (ils rendent l’information publique,
permettant son intégration), qui paraissent mieux refléter le comportement réel
de la plupart des marchés. De surcroît, le dispositif comptable que nous allons
présenter (les normes IFRS, voir section 4.2) accorde une place importante aux
prix de marché et, plus généralement, à ce qui est appelé « la juste valeur ».
L’hypothèse d’efficience permet de le comprendre : publier un prix est par essence
utile pour le lecteur des états financiers, dans la mesure où il comporte toute
l’information, lui permettant ainsi de prendre des décisions économiquement
rationnelles… rendant les prix efficients : la boucle est bouclée.
Ce cadre théorique explique une des principales qualités que les états finan-
ciers sont supposés présenter : la pertinence. Leur exploitation doit permettre aux
lecteurs en général, et à l’investisseur en particulier, de prendre des décisions
économiquement rationnelles. Il faut conserver à l’esprit cette orientation spéci-
fique lors de l’élaboration des documents de référence : ils ne sont pas établis pour
la beauté du geste comptable, mais pour servir de support à l’accroissement, ou à
la préservation, de la richesse de leurs lecteurs.
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65 % les encaissements attendus sur ses 159 litres de pétrole. Il s’agit d’une première
manifestation du risque : les biens détenus perdent de la valeur.
Ces deux exemples mettent donc en évidence qu’il serait faux de réduire un
risque à la constatation d’une sortie de trésorerie. Si un risque correspond à
l’anticipation d’une sortie de trésorerie future, celle-ci peut intervenir sans que
cela ne matérialise un risque. Ce sera le cas lorsqu’elle permet d’obtenir des biens
ou services de valeur équivalente en contrepartie ou qu’elle correspond à une
restitution de ressources (remboursement d’une dette). Pour qu’il y ait risque, il
faut donc que la diminution de trésorerie supportée par l’entreprise soit involon-
taire (elle ne dépend pas d’une décision de l’entreprise, mais de facteurs externes),
inattendue (même si l’entreprise peut penser qu’il est inévitable que certains
clients ne la règlent pas, la défaillance d’un client bien identifié est une surprise,
sinon la vente n’aurait probablement pas été réalisée) et ne permette ni d’obtenir
une contrepartie de valeur équivalente, ni de diminuer ses dettes. Il en va ainsi de
la perte de valeur des stocks (elle dépend de prix de marché sur lesquels l’entre-
prise n’a pas de prise) ou des dommages et intérêts (payés sans rien obtenir en
échange).
La conception traditionnelle du risque est ainsi similaire à sa conception
comptable. Il contribue à diminuer la richesse dont dispose l’entreprise, notion
que nous allons développer dans la section suivante, en distinguant avantages et
richesse.
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b. La variation de valeur
La seconde voie permettant à une entreprise de créer de la richesse est d’être
propriétaire d’un bien, quelle que soit sa nature (ensemble immobilier par
exemple, mais également titres d’autres entreprises), dont la valeur augmente
sous l’effet de la hausse des prix de marché. La richesse ne découle alors pas à
proprement parler d’une activité de l’entreprise, en dehors de celle de sélection
du bien et de décision quant à sa date de cession, mais de la simple détention d’un
actif dont le prix augmente.
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Ce mode d’enrichissement est souvent qualifié, avec une nuance parfois péjo-
rative, de spéculation. Il ne faut cependant pas sous-estimer son importance dans
l’économie, ne serait-ce qu’en ce qui concerne la gestion de l’épargne disponible,
placée en produits collectifs dans l’espoir de leur valorisation boursière.
L’enrichissement est dans ce cas la traduction de l’augmentation des avantages
économiques attendus des investissements réalisés. La situation est en cela simi-
laire à celle d’un négociant achetant pour revendre plus cher, si ce n’est que son
activité s’inscrit dans une démarche récurrente de vente de biens, alors que l’aug-
mentation de la valeur des actifs détenus est davantage perçue comme incidente
à l’activité habituelle de l’entreprise. Dans ce contexte, on parlera plus souvent de
gains si la variation de valeur est positive, de pertes si elle est négative, plutôt que
de produits et de charges. La figure 1.2 reprend cette analyse de manière synthé-
tique. Un flux de trésorerie peut ou non entraîner une variation de richesse. Cette
dernière peut varier à la hausse, en raison de la détention d’un actif (gain) ou de
l’activité de production/vente (produits). Si la variation est à la baisse, on parlera
respectivement de pertes ou de charges, sauf si cette baisse est due à un risque.
Flux de trésorerie
Pertes Charges
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ploitation, dont il bénéficie. Ces critères ne sont en revanche pas réunis pour le
propriétaire.
Le contrôle doit être compris comptablement comme une notion binaire : une
entité a le contrôle ou ne l’a pas, mais elle ne peut en avoir une partie seulement.
La mise en œuvre conjointe de ces trois dimensions du contrôle (pouvoir sur les
avantages dégagés, exposition à ces avantages et capacité à les influencer) per-
mettra de désigner son détenteur lorsque, comme dans le cas de la location, il est
distinct du titre juridique. De manière générale, cette identification repose sur
l’observation de la répartition des avantages économiques, des risques et de
l’influence exercée sur ceux-ci. Il faut donc être capable d’attribuer des avantages
et des risques à une source particulière.
2.3. L’identifiabilité
Ce néologisme (hideux nous en convenons, mais familier des comptables)
désigne la capacité à déterminer la source des avantages économiques. L’enjeu
est l’attribution d’une valeur monétaire à un élément pour le prendre en compte
dans les états financiers de l’entité le contrôlant : il faut pouvoir lier un bien aux
avantages qu’il procure et à l’entité qui le contrôle. Sa valeur pour l’entreprise
correspond à ces avantages futurs. S’il n’existe pas de lien entre un bien et des
avantages, il n’a pas de valeur et ne doit donc pas être inscrit en comptabilité : le
principe de départ est simple.
Mais comment associer des avantages à un bien particulier ? Que me rapporte
le nouvel ordinateur dont vient de se doter un service juridique ? Ou le remplace-
ment des murs de l’usine ? Que procurera le développement interne par les infor-
maticiens d’un workflow de gestion des factures ? Nous aborderons ces questions,
essentielles pour la présentation des états financiers, dans la partie 1 relative à
l’investissement.
Retenons néanmoins que la clé du raisonnement est l’hypothèse de rationalité
économique des acteurs. Aucune dépense n’est consentie au-delà de ce que
l’entreprise espère en retirer (principe qui, de toute évidence, ne s’impose pas
dans la vie privée, et c’est probablement mieux ainsi). Dès lors, si les avantages
sont au moins à la hauteur du prix payé, celui-ci constitue une évaluation pru-
dente de leur montant. Il s’agit là de la source de ce que la comptabilité appelle le
coût historique : le prix d’achat est la valeur pour laquelle un bien doit figurer en
comptabilité car il correspond à l’estimation basse des avantages que l’entreprise
espère pouvoir en retirer. Si un équipement de production est acquis pour
100 000 euros, cela signifie que le dirigeant, en prenant la décision d’acheter,
estime être en mesure d’en obtenir des avantages supérieurs à ce prix d’achat.
Si un élément est inscrit au coût d’achat, car des avantages économiques futurs
au moins équivalents en sont attendus, il doit figurer dans les états financiers tant
que tous les avantages n’en auront pas été obtenus. Cela signifie-t-il que dès
qu’une dépense est engagée, un élément représentant les avantages attendus doit
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être inscrit dans les états financiers, parmi les éléments détenus, et y rester tant
que des avantages subsistent ? De manière générale, la réponse est positive,
même si le traitement va dépendre des modalités de consommation du bien : va-
t-il être conservé durablement ou est-il consommé irrémédiablement et rapide-
ment (voir section 3) ?
Le traitement de ces opérations souligne donc une question essentielle, celle
du rythme de leur obtention et donc celle du traitement du temps en comptabilité.
2.4. La temporalité
On a souvent accusé le financier d’avoir une vision à court terme de l’entre-
prise. Ce reproche pourrait être formulé dans des termes voisins à l’encontre du
comptable. L’esprit de ce dernier s’organise en effet autour de périodes de 12 mois,
dans lesquelles il inscrit tout ce qu’il considère comme étant du court terme, le
long terme commençant au-delà de ce seuil. Dans la terminologie canonique,
tout ce qui est à moins de 12 mois est dit « courant », le « non-courant » se situant
quant à lui de l’autre côté de cette frontière. Le seuil de 12 mois, s’il est le plus
fréquent, n’est toutefois pas intangible. En effet, certaines entreprises peuvent
connaître des cycles d’exploitation (achats – production – stockage – vente) plus
longs. Pour celles-ci, rares il est vrai, la notion de courant est étendue à la durée
du cycle d’exploitation, et peut donc aller au-delà des 12 mois fatidiques.
Cette barrière a dans la pratique une portée considérable. La comptabilité a
notamment pour objectif de donner une image de la performance de l’entreprise.
Pour la mesurer, il faut définir une période d’observation. La plus fréquente est
justement l’année, même s’il est requis, pour les sociétés cotées, de donner l’infor-
mation sur un rythme semestriel (il s’agit alors d’une information simplifiée). Tout
l’enjeu de rendre des comptes sur cette performance va être de mettre en face les
avantages obtenus et ceux consommés pour les obtenir, ce que l’on appelle en
comptabilité le principe de rattachement. La représentation de la performance
n’est exacte, pertinente selon les termes consacrés, que si tous les avantages obte-
nus et consommés, ainsi que tous les risques supportés au titre de la période, et
seulement ceux-ci, sont pris en compte (voir illustration 1.6).
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3. Le modèle comptable
Munis de ce viatique conceptuel en apparence assez mince, nous pouvons en
effet aborder les principales notions comptables à l’origine de la structure des
états financiers, préalable à la description de ces derniers proprement dits. Au
cœur de la comptabilité se trouvent les notions d’emplois et de ressources, cor-
respondant au document comptable connu sous le nom de bilan et de charges et
produits, associé au compte de résultat.
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remboursement forment les dettes (aussi appelées passifs financiers). Les capi-
taux propres sont quant à eux libres de ces obligations.
Nous développerons ces notions dans la partie 2, consacrée au financement.
Notons cependant que les principaux pourvoyeurs de dettes sont les banquiers
(découverts, prêts, etc.), mais également les marchés financiers (obligations, titres
de créance, etc.). La caractéristique commune de ces créanciers relève de la
nécessité de les rémunérer, sous forme d’intérêts le plus souvent. Les concernant,
on parle fréquemment de dettes financières.
Tous les financements ne s’accompagnent pas d’une contrainte de rémunéra-
tion. L’exemple le plus courant est probablement le délai de paiement accordé par
le fournisseur. Le règlement différé de l’impôt sur les sociétés (liquidé en général
le 15 avril), de la TVA (le mois suivant, soit en moyenne avec un délai d’un mois
par rapport à sa collecte), des charges sociales ou même des salaires (payés en fin
de mois, alors que le travail qu’ils rémunèrent est réalisé de manière continue tout
au long de cette période, ce qui implique un crédit de 15 jours en moyenne)
constitue autant d’autres exemples courants. Pour ces opérations, si le rembour-
sement (paiement) reste obligatoire sous peine de défaut, il n’est pas assorti d’un
intérêt. On voit toutefois que cette rémunération n’est jamais très éloignée dans
le temps, ainsi que peuvent l’illustrer les escomptes pour règlement comptant
parfois prévus dans les conditions générales de vente des fournisseurs. Si le coût
de financement de ces opérations n’est pas identifié en tant que tel, c’est peut-être
parce qu’il n’apparaît pas de manière explicite dans les conventions, que son
montant est faible compte tenu des durées généralement courtes ou qu’il est
incorporé dans le montant versé, au moins implicitement (on pourrait le penser
pour les salaires par exemple, dont le montant et les modalités de règlement
figurent au contrat de travail). Pour ce type de dettes, on parle aussi de dettes non
financières.
Les capitaux propres sont quant à eux apportés par les actionnaires à la créa-
tion de l’entreprise, en général en versant du numéraire mais parfois également
sous d’autres formes : équipements, brevets, licences, stocks, etc. On parle alors
souvent de capital social pour désigner ces apports initiaux. Les résultats dégagés
et conservés par l’entreprise, c’est-à-dire non reversés sous forme de dividendes
(voir la partie 2 sur cette notion) contribuent également à augmenter les capitaux
propres : l’entreprise crée des ressources supplémentaires grâce à son activité. Ces
résultats conservés sont classés dans un poste particulier, les réserves. Comme le
capital social est représentatif d’une créance des actionnaires, ces résultats accu-
mulés et conservés leur appartiennent également : ils correspondent à leur enri-
chissement, que matérialise la hausse de la valeur de leurs actions.
À la différence des intérêts ou du remboursement d’une dette, auxquels il n’est
pas possible d’échapper, le versement de dividendes n’est pas une obligation. Il
faut cependant être bien conscient que l’absence de contrainte de versement sur
les capitaux propres n’induit pas la gratuité de ceux-ci. Les actionnaires ne sont
pas des acteurs altruistes, laissant leurs ressources à disposition de l’entreprise
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par un simple effet de leur générosité. Ils en exigent une rémunération, représen-
tative du risque qu’ils supportent en prenant cette décision. Ce risque est plus
élevé que celui supporté par les autres créanciers, puisque les actionnaires sont
remboursés en dernier, après l’ensemble des autres apporteurs de capitaux. Leur
rémunération sera donc, ou du moins devrait être, plus élevée que celle reçue par
le banquier ou le porteur d’obligations. Ce qui la caractérise en revanche, c’est
qu’elle ne fait pas obligatoirement l’objet d’un versement sous forme de trésorerie,
à la différence des intérêts sur la dette. Elle peut en effet prendre la forme d’une
augmentation de valeur de l’action, à l’instar de ce qui se passe lorsque son prix
en Bourse augmente.
La figure 1.3 montre de manière synthétique ces différents types de ressources
et l’illustration 1.7 la manière dont elles se présentent pour le groupe Danone.
Intérêts
Banques
Remboursement
Intérêts
Marchés
Créanciers financiers
Remboursement
Intérêts
« implicites »
Autres
Ressources Remboursement
Dividendes
Capital
Pas de
remboursement
Actionnaires
Résultats Pas de
conservés remboursement
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Les états financiers des grands groupes sont très présents dans notre quotidien. Leur publication annuelle
donne lieu à de nombreux commentaires sur le niveau des performances, voire sur le devenir de ces
entreprises. Malgré tout, ils sont difficiles à lire.
Particulièrement pédagogique, cet ouvrage a pour objectif de vous familiariser avec la communication
financière des sociétés cotées sans vous imposer le passage par la comptabilité. Il part des phénomènes
économiques à l’œuvre dans une entreprise : l’investissement, son financement, l’activité et ses
risques. Il dessine ensuite les mécanismes de leur retranscription dans les documents financiers, les
décisions que prend le comptable, leurs conséquences sur le reporting financier et l’image donnée
de l’entreprise.
Ce livre, abondamment illustré, vous permettra de comprendre les états publiés, leurs enjeux et les
répercussions des décisions comptables.
Après avoir présenté les principales notions indispensables, le livre traite des différents cycles de
la vie d’une entreprise, en détaillant pour chacun ses enjeux économiques au travers de nombreux
exemples. Il répond ensuite à la question de leur représentation comptable. L’ouvrage s’achève par
une présentation des engagements et des risques auxquels toute entreprise doit faire face.
Public :
Les étudiants désireux de disposer d’une vision synthétique des normes comptables applicables aux
groupes.
Les professionnels en charge de questions financières qui ne souhaitent pas passer par les mécanismes
de la tenue des comptes.
Tout lecteur cherchant à décrypter les états financiers sans recourir à la comptabilité.
Les auteurs :
Stéphane Lefrancq est maître de conférences au Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM), département
illustration de couverture : © Fotolia. Jan Rakic
Comptabilité – Contrôle – Audit. Il a travaillé près de vingt ans dans le secteur bancaire.
Elisabeth Albertini est maître de conférences à l’IAE de Paris – Panthéon Sorbonne, département Comptabilité – Contrôle –
Audit. Elle est agrégée d’économie-gestion, spécialité finance – contrôle. Elle a exercé les fonctions d’analyste crédit et de
contrôleuse de gestion pendant près de quinze ans dans le secteur des services informatiques.
ISBN : 978-2-311-40333-6