Croissance Inclusive PDF
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Solidaire : un levier
pour une croissance
inclusive
Rapport
« …Nul développement social n’est possible en l’absence de croissance
économique. Aussi, est-il nécessaire de bâtir une économie nouvelle capable
d’accompagner la mondialisation et de relever ses défis. Si nous avons opté pour
l’économie de marché, cela ne signifie pas que nous cherchons à établir une
société de marché, mais une économie sociale où se conjuguent efficacité
économique et solidarité sociale… »
S’inspirant des Hautes Orientations de Sa Majesté le Roi Mohammed VI que Dieu l’Assiste, et en se référant à la
nouvelle constitution de 2011, le Conseil Economique, Sociale et Environnemental s’est autosaisi du sujet de
l’Economie Sociale et Solidaire. Ce sujet constitue en effet un thème majeur et un levier d’action prioritaire au service
de l’inclusion, de la réduction des inégalités et de la croissance harmonieuse et durable.
L’ESS œuvre à réconcilier les principes d’équité et de justice sociale avec le développement économique, réconciliant
ainsi la vitalité des dynamiques économiques avec les principes et les finalités humaniste du développement. L’ESS
est le troisième pilier sur lequel doit pouvoir reposer une économie équilibrée et inclusive aux côtés du secteur public
et du secteur privé. Cette économie a le potentiel et les moyens de mobiliser et de créer des richesses importantes,
aussi bien matérielles qu’immatérielles.
L’ESS permet de favoriser un bon équilibre dans l’affectation des investissements. Elle permet à toutes les catégories
sociales, les entreprises de différents secteurs et les territoires de participer à la consolidation de la cohésion sociale et
à l’amélioration de la croissance économique.
La Commission permanente chargée des Affaires de la Formation, de l’Emploi et des Politiques Sectorielles a veillé,
en partant de l’étude documentaire et de l’audition de l’ensemble des parties concernées et des débats auxquels ils ont
donné lieu les travaux du Conseil, à mobiliser l’intelligence collective de l’ensemble de ses composantes autour d’un
diagnostic partagé sur l’Economie Sociale et Solidaire au Maroc et l’énonciation de propositions et mesures pratiques
passibles d’amener cette économie à mieux jouer son rôle.
Ce rapport a été adopté à l’unanimité par l’Assemblée Générale en sa quarante-septième session ordinaire tenue le 26
février 2015.
I. Définition et concepts
Les pratiques de solidarité et de mutualisme sont ancrées dans la culture du Maroc. Une terminologie spécifique
distinguait ce mode de participation collective selon les régions et les activités, allant de la Touiza, l’Agadir et l’Agoug
au Chard, à l’Ouziaa et les Khattaras.
Le Maroc a reconnu l’importance des coopératives et des associations en 1958, et celle des mutuelles en 1963. Ce
secteur a commencé à prendre une forme structurée et organisée au début des années 2000.
Les définitions du concept de l’ESS varient selon les pays. Cependant, il existe un accord général sur le plan
international autour de certaines valeurs qui distinguent le champ de l’ESS. Partant de cela, le CESE propose la
définition suivante de l’ESS :
L’économie sociale et solidaire est l’ensemble des activités économiques et sociales organisées dans le cadre de
structures formelles ou de groupements de personnes physiques ou morales poursuivant une finalité d’intérêt collectif
et sociétal, indépendantes et jouissant d’une gestion autonome, démocratique et participative et auxquelles
l’adhésion est libre.
Font partie de l’Economie Sociale et Solidaire toutes les institutions ayant une finalité principalement sociale,
proposant de nouveaux modèles économiquement viables et inclusifs et produisant sur une base mutualisée et
solidaire des biens et services centrés sur l’élément Humain et sur la satisfaction de besoins sociaux conformes à
l’intérêt général, et inscrits dans le développement durable et la lutte contre l’exclusion.
a. Les Coopératives
Le tissu coopératif constitue la principale composante du secteur de l’ESS au Maroc, tant par le nombre d’emplois
créés que par sa participation à l’inclusion sociale et au développement économique. A cet effet, un cadre juridique lui
est dédié : la loi n°112.12 définit les coopératives, fixe leur statut juridique et établit les missions de l’ODCo.
Au terme de 2013, le sous-secteur coopératif comptait 12.022 coopératives regroupant 440.372 adhérents.
L’agriculture, l’artisanat et l’habitat restent les domaines d’activités qui regroupent le plus de coopératives. La
gestion, la comptabilité et les télécommunications figurent parmi les domaines qui font leur apparition dans le tissu
coopératif.
Le développement du secteur coopératif fait face à de nombreuses contraintes d’ordre juridique, institutionnel et
socioéconomique. Les mesures d’accompagnement de la part de l’Etat dont l’objectif est de permettre aux
coopératives de surmonter lesdites contraintes restent insuffisantes. En outre, le tissu coopératif souffre d’ambiguïtés 1
dans la loi régissant les coopératives malgré sa récente réforme. Il subit la faiblesse des moyens affectés aux
organismes d’accompagnement des coopératives et souffre des défauts de gouvernance résultant le plus souvent du
faible niveau de qualification des gérants et des adhérents. Outre ce faible taux d’encadrement institutionnel, ce
secteur doit faire face à des difficultés d’accès au financement et à l’absence de couverture sociale pour les adhérents.
Il en résulte que la contribution des coopératives au PIB se limite à 1,5% et que la création d’emplois salariés y reste
faible.
b. Les mutuelles
C’est le Dahir n°1-57-187 du 24 Joumada II 1383 (12 novembre 1969) qui définit les mutuelles et précise leurs champs
d’activité et leurs objectifs. Ce même Dahir explique le rôle de la société mutuelle, de ses organes et leurs modes de
fonctionnement.
Au Maroc, le tissu mutualiste est constitué d’une cinquantaine d’institutions qui se répartissent principalement entre
les mutuelles de santé, les mutuelles d’assurance et les sociétés de cautionnement. Les mutuelles communautaires
constituent une initiative récente.
Les mutuelles de la couverture sanitaire constituent 50% des institutions du tissu mutualiste. En 2012, ces mutuelles
ont regroupé environ 1,5 millions d’adhérents pour 4,5 millions de personnes bénéficiaires. Ces structures assurent à
leurs adhérents l’accès gratuit ou à coût réduit aux soins offerts, et ont développé une solide expertise en matière de
couverture du risque maladie grâce à un réseau d’œuvres sociales élargi. Ces mutuelles ont pu être critiquées pour la
faible qualité de services rendus aux bénéficiaires, leur défaut de gouvernance, la défaillance des dispositifs de
1
Notamment au niveau des dispositions relatives à la circonscription territoriale, à la gestion administrative, à la tenue des
comptabilités des petites coopératives et la transformation de coopératives en société.
contrôle interne et externe et l’absence d’appui institutionnel à cause en particulier du gel dès l’origine du Conseil
Supérieur de la Mutualité.
Les mutuelles d’assurance couvrent les risques liés à différentes activités. Cette branche est représentée par la
MAMDA pour les risques liés aux activités agricoles, par la MCMA, filiale de la MAMDA, pour les risques non liées
au secteur agricole, et par la MATU spécialisée dans l’assurance des transports publics de voyageurs. Ces mutuelles
d’assurance emploient plus de 500 personnes.
Les sociétés de cautionnement mutuelles, qui sont des établissements de crédit, ont pour but de garantir le
remboursement des emprunts bancaires accordés dans le cadre d’investissements professionnels. Ces sociétés sont au
nombre de 22 et regroupent 8.840 artisans, 8979 exploitants de voitures de transport (petit taxis), 675 pêcheurs et 517
commerçants et jeunes promoteurs.
Enfin, les mutuelles communautaires, initiées au niveau de certaines communes, œuvrent pour pallier au déficit du
système sanitaire dans le milieu rural et combler le manque d’assurance par les mutuelles classiques de santé au
profit des populations de ce milieu.
c. Les associations
Les associations sont régies par le dahir n°1-58-376 du 3 joumada I 1378 (15 novembre 1958) qui règlemente le droit
d'association. Ce texte a subi de nombreuses modifications à travers des Dahirs ou des Décrets.
Le tissu associatif reste méconnu par manque de statistiques fiables. Selon le HCP, le nombre d’associations s’est élevé
à 44.771 en 2009, et le ministère de l’intérieur avance un nombre de 89.385 pour l’année 2012. Dans tous les cas, le
nombre de création d’associations s’est remarquablement accéléré depuis le lancement de l’INDH.
Ces dernières années, les associations ont fait preuve d’une vive dynamique dans la mobilisation participative de
différentes catégories de la population et dans leur capacité d’intégrer des domaines très variés. Cette contribution au
développement national a été consacrée par la constitution de 2011. Les associations sont devenues un partenaire
reconnu des pouvoir publics, que ce soit au niveau local ou national, pour la réalisation des objectifs de
développement durable et pour leurs actions de lutte contre la précarité, l’analphabétisme, et les déficits en matière de
santé, d’habitat, d’infrastructure locale et d’équipements de base.
Le tissu associatif bénéficie de deux principales sources de financement : le budget de l’Etat et les fonds
internationaux. A cela, s’ajouter aussi les cotisations des adhérents, les dons et les subventions du secteur privé. Selon
le HCP, les associations ont pu mobiliser 8,8 milliards de dirhams en 2007.
Les associations comptent environ 15 millions d’adhérents2, dont un tiers sont des femmes. Ses ressources humaines
se composent de volontaires, de salariés et de personnes mises à disposition. Les associations visent principalement à
venir en aide aux femmes, et plus précisément dans le milieu rural, aux jeunes, aux enfants, aux personnes âgées, aux
personnes en situation de handicap et à toutes les catégories de la population en situation de vulnérabilité et
dépourvues de moyens d’accès aux services de première nécessité.
Le Conseil a mené une étude particulière sur le secteur des microcrédits. Celui-ci est représenté par une fédération
nationale des associations de microcrédit (FNAM) qui regroupe 13 associations. Ces associations ont été créées dans le
cadre de la loi du 15 Novembre 1958 et sont soumises aux textes spécifiques relatifs aux microcrédits, ainsi qu’au
contrôle de la Bank Al Maghrib en vertu de la loi bancaire de 2006.
Les fondations, qui se distinguent des associations par le fait qu’elles résultent d’un acte d’apport, que ce soit de
biens, droits ou ressources, irrévocable de la part des fondateurs de cette organisation à la réalisation d’une œuvre
d’intérêt général et à but non lucratif, existent au Maroc sous plusieurs formes, mais sous statuts d’associations.
Malgré son dynamisme, le tissu associatif fait face à des contraintes qui limitent son développement, dont la difficulté
d’accès au financement, le manque de locaux et d’équipements, la difficulté de mobilisation de bénévoles et de
ressources humaines qualifiées.
A travers le Monde, l’ESS joue souvent un rôle important, tant sur le plan économique que sur le plan humain. En
Europe, par exemple, l’ESS emploie plus de 14,5 millions de personnes, soit quelque 6,5 % de la population active de
l’UE-27. Dans certains pays tels que la Belgique, la France et les Pays-Bas, l’ESS contribue à plus de 10 % du PIB. La
2
Enquête HCP, 2011.
réunion de ces expériences étrangères ont montré que l’ESS a permis à certains de ces pays de surmonter en partie les
effets négatifs de la crise de 2008.
L’ESS est reconnue par la constitution de plusieurs Etats. Par ailleurs, l’adoption d’une loi (loi cadre) nationale en tant
que dispositif juridique offre une sécurité nécessaire aux composantes de l’ESS, permettant à ces dernières de se
développer et d’accroître leur importance dans l’économie nationale. C’est d’abord au niveau du cadre législatif que
se manifeste le soutien des politiques publiques à l’ESS.
Certains textes législatifs, régissant le secteur de l’Economie Sociale et Solidaire, adoptent la mise en place de
structures consultatives, autonomes et démocratiques, les plus représentatives des acteurs de l’ESS, dans le but
d’avoir un interlocuteur privilégié (Canada-Québec et Espagne) et d’assurer la pleine et effective participation des
acteurs au processus d’élaboration, de mise en œuvre et d’évaluation de politiques publiques dédiées.
Certaines expériences montrent l’accompagnement accordé par des formes institutionnelles dédiées qui visent
l’amélioration de l’efficacité du secteur, à travers des programmes d’aide à la structuration et au développement de
l’ESS. Ces formes institutionnelles se voient parfois proposer des services gratuits d’appuis, accorder des subventions
et organiser des concours.
Par ailleurs, ces organismes d’accompagnement, notamment en Équateur, ont largement participé à faire basculer le
secteur informel vers le secteur formel, structuré et organisé. Le Brésil quant à lui a mis en place une organisation
nationale de la commercialisation des produits et des services de l’ESS guidés par les principes de justice, de
coopération, de transparence et de solidarité. Décrété par le Président Brésilien, le système de Commerce Equitable et
Solidaire se veut le premier système de commercialisation du monde reconnu et appuyé par l’Etat.
Dans certains pays où le projet de régionalisation est très poussé, la dimension régionale et locale a favorisé, d’une
part, l’émergence de pôles de compétitivités régionaux, et d’autre part, le développement d’une dynamique
économique régionale et locale importante.
Des pays ont veillé au développement du secteur coopératif par un soutien financier novateur, s’appuyant sur un
mécanisme financièrement incitatif (gouvernement de Valence). Aussi, le développement de la finance solidaire par
les banques communautaires et par les fonds solidaires pour financer les projets de l’ESS est un bon exemple à mettre
en avant (Québec).
Le Système d’information brésilien de l’ESS identifie et défini les milliers d’initiatives collectives, organisées sous
forme d’autogestion, qui réalisent des activités de production de biens et de services, de crédit, de finance solidaire,
de systèmes d’échanges locaux, de commerce et de consommation solidaires. Ce système débouche sur une
cartographie et un inventaire des acteurs de l’ESS et des initiatives entreprises par ces derniers.
Le CESE propose un ensemble de mesures qui permettraient à l’Economie Sociale et Solidaire de devenir un secteur
économique à part entière, et de connaitre un développement renforcé dans sa capacité à créer de la valeur
économique et à produire une croissance inclusive.
b. Renforcer et mettre en place un système de gouvernance national et régional qui pourra dynamiser et
accompagner le développement du secteur et sa croissance
Il s’agit ici d’améliorer la Gouvernance du Secteur de l’Economie Sociale et Solidaire et de l’inscrire dans la régionalisation
avancée. Pour ce faire, il est entendu mobiliser les initiatives locales par des actions de soutien, de promotion et de
professionnalisation. Le but étant de créer plus de synergie et d’efficacité dans la mise en place et l’exécution de
programmes structurants. Il s’agit aussi d’organiser l’autonomie des organes existants ou futurs de la gouvernance du
secteur.
Ce système de gouvernance devrait reposer sur la réforme et la fusion de plusieurs organismes publics tels que
l’ODCo, l’ADS ainsi que Maroc Taswiq au sein d’une nouvelle « Instance Nationale de promotion de l’ESS ». Les
prérogatives des départements étatiques en matière d’Economie Sociale et Solidaires devront être également adossées
à cette nouvelle instance.
L’action de l’Instance Nationale de l’ESS devra s’exercer au niveau national en coordination avec les instances
centralisées et au niveau régional à travers les Instances régionales de l’ESS en s’appuyant sur les Agences Régionales
d’Exécution des programmes (AREP) prévues dans le nouveau cadre de la régionalisation avancée.
c. Accompagner et articuler le développement des acteurs du secteur aux politiques économiques et aux
grands chantiers du pays
Développer une politique économique et industrielle qui inclut les acteurs de l’ESS dans la chaine de valeur. Le CESE préconise
une politique d’intégration verticale et horizontale des différents acteurs de l’ESS. Ces acteurs devraient s’intégrer,
avec les autres secteurs, aux pôles de compétitivité (Clusters) tant au niveau régional ou encore au niveau transversal.
Cette politique devrait améliorer l’accès aux marchés des acteurs de l’ESS, impulsant ainsi une création d’emplois,
plus inclusive, tout au long de la chaine de valeur.
3
Le capital collectif issu de l’investissement de l’excédent et de l’investissement financé par le crédit bancaire pose un problème dans
le cadre de la transformation d’une coopérative en société solidaire. Ces investissements cumulés sont une propriété de la
coopérative, ainsi la difficulté se présente pour les membres n’ayant pas participé au sein de la coopérative durant toute sa vie
(anciens membres qui ne le sont plus et les nouveaux).
4
Une proportion de 51 % qui permettra aux salariés de gérer l’Entreprise.
Harmoniser la loi des coopératives en prenant en considération la situation des coopératives assujetties aux
impôts et taxes et qui sont traitées de la même façon que les autres coopératives (restrictions, limites et
contrôle multiforme des différentes administrations …) ;
Revoir les procédures de dissolution des coopératives assujetties aux impôts et taxes, pour que le reliquat de
la dissolution après payement des dettes et autres dus, revienne aux membres de la coopérative dissoute ;
Mettre en place un système national de commerce équitable qui devrait apporter des garanties et des labels
équitables pour l’ensemble de la chaine de valeurs. Ce système devrait aussi renforcer l’identité marocaine
du commerce équitable et solidaire et favoriser l’éducation à la consommation équitable.
Pour les mutuelles :
Déterminer les dispositions qui conditionnent l’action mutualiste, facilitant les procédures administratives,
et donner un caractère incitatif aux critères de constitution ;
Clarifier et rationaliser les principes et les règles de rattachement du secteur de la mutualité à
l’administration en charge de l’Economie Sociale et Solidaire (tutelle) ;
Préciser les rôles et les compétences des différents acteurs institutionnels qui interviennent dans la mutualité;
Réglementer le mutualisme communautaire ;
Libérer l’initiative mutualiste afin de lever les incohérences et les contradictions entre les dispositions du
code de la mutualité et les dispositions des autres textes qui affectent le secteur de la mutualité.
Pour les associations :
Déterminer les catégories et types des associations ;
Délimiter le champ d’action de chaque type d’associations ;
Faciliter l’accès au financement et leurs interactions avec les organismes publics dans le cadre de contrats
programmes ;
Etablir les règles générales relatives aux conditions et modalités d’évaluation et de contrôle (associations
subventionnées, associations dont le budget annuel dépasse les 500.000,00 dh, …).
Pour les nouveaux acteurs, notamment les coopératives de travailleurs salariés, les fondations et l’entreprenariat social :
Faciliter leurs intégrations comme acteurs de l’ESS, notamment à travers un cadre juridique dédié (cadre
dédié pour les fondations, révision de la loi sur les sociétés) ;
Mettre en place des dispositifs de soutien et de développement ;
Faciliter l’accès aux financements;
Offrir un confort juridique aux initiatives de financement participatif et solidaire ;
Etendre les mesures d’incitation fiscale des coopératives à l’entreprenariat social.
Et pour plus de flexibilité, cette loi devrait chercher à instaurer des passerelles permettant aux acteurs de l’ESS
d’adapter leurs missions aux formes juridiques qui pourront favoriser le développement de leurs activités.
Ceci permettra, par exemple, aux associations ayant bénéficiées d’un financement pour des activités génératrices de
revenus dans le cadre du programme de l’INDH, de migrer vers une autre forme juridique capable de favoriser leur
expansion et leur développement, notamment prendre la forme de coopératives. Il permettra aussi, par exemple, à
des structures coopératives ou des groupements de coopératives de se doter de leurs propres mutuelles.
En plus de représenter le secteur au niveau régional auprès des pouvoirs publics, des administrations, des médias…
les instances représentatives devraient :
présenter des propositions de programmes à concrétiser dans le cadre de l’intervention du fonds régional de
la promotion sociale ;
établir un bilan régional annuel de l’ESS ;
assurer l’alimentation régulière du système d’information national de l’ESS ;
contribuer à la mise à niveau des composantes de l’ESS dans l’option de standards nationaux et
internationaux
Les propositions devraient s’étaler sur une programmation de 6 ans et respecter les accords et engagements conclus
entre les parties. Ces propositions doivent aussi s’aligner avec les missions de développement économique assignées à
la région dans le cadre des politiques publiques à entreprendre.
d. Une politique de Groupements d’Intérêt Général et de Groupements d’Intérêt Economique (GIG et GIE)
ainsi que des pôles de compétitivité – Clusters-
Le Conseil Economique, Social et Environnemental recommande un développement du secteur de l’ESS fondé sur la
constitution de Groupements d’intérêt général (social, solidaire, environnemental), de Groupements d’intérêts
économiques (GIE), et de pôles de compétitivité (ou de « clusters »), afin de renforcer la capacité productive des
acteurs et favoriser l’innovation.
Ces structures peuvent être définies comme la combinaison, sur une région donnée, d'acteurs de l’ESS, d’acteurs
institutionnels (représentants des conseils régionaux), d’acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche
engagés dans une démarche partenariale destinée à dégager des synergies autour de projets communs au caractère
innovant. Ces structures permettent :
d'accéder à une taille plus importante et à un niveau d'excellence supérieur, en réunissant les compétences
nécessaires pour lancer et réussir des projets ambitieux, pour innover en s’appuyant sur des compétences
présentes chez leurs partenaires et pour améliorer la qualification de l’ensemble des acteurs ;
d’accroitre la notoriété et le champ d’action individuels de chaque acteur, de la visibilité des actions de l’ESS
au niveau de la région au plan national, et au niveau mondial.
Cette orientation s’inscrit dans la ligne droite de la régionalisation avancée et du projet de loi organique sur la région
qui attribue à cette dernière le rôle de promouvoir le développement intégré et durable de son espace territorial en
améliorant l’attractivité de cet espace territorial et en renforçant sa compétitivité économique.
a. Secteur Coopératif
v. Mise en place d’un système de protection sociale pour les adhérents des coopératives et pour
les aides familiaux
Etant donné que les pouvoirs publics ont opté pour l’élargissement du système de la protection sociale à toutes les
catégories de producteurs, le CESE recommande que :
1) Le système de couverture sanitaire mis en place par l’Etat (AMO) permettra l’intégration des adhérents des
coopératives et des aides familiaux à travers une formule appropriée. Une formule mutualiste indépendante
ou en partenariat avec les mutuelles d’assurances existantes doit être instaurée en s’inspirant des expériences
faites au niveau communal (provinces d’Azilal et Chefchaouen) et au niveau sectoriel (coopératives
d’argan) ;
2) La couverture retraite des adhérents aux coopératives doit être prise en compte dans le cadre de la réforme
globale programmée du système national des retraites, tout en tenant compte de leur capacité individuelle
de contribution et d’épargne.
Cette recommandation devrait fournir au système national de santé, à travers les coopératives, un paramètre
d’éligibilité en vue d’une intégration au niveau du système global de de la protection sociale.
b. Secteur Mutualiste
Pour développer le secteur de la mutualité au sein d’une économie sociale et solidaire, le CESE rappelle les deux
principes fondamentaux de la mutualité qui sont la solidarité et la démocratie, ce qui implique que :
les mutuelles agissent au service de leurs membres, sans but lucratif, assurent la gratuité de
l’affiliation et garantissent le respect du principe de la non-discrimination lors de l’adhésion de
leurs membres ;
le droit des membres à la représentation devrait être en conformité avec la règle un membre équivaut
à une voix, en leur permettant de participer effectivement, et en connaissance de cause, à la
gouvernance de leur mutuelle.
iii. Développer des organismes mutualistes pour la protection sociale des populations non
couvertes
Pour les différentes catégories socioprofessionnelles non couvertes par les régimes en vigueur (les professions
libérales, les artisans, les commerçants, les exploitants agricoles, les étudiants, etc.), le Conseil recommande de
favoriser la création d’organismes mutualistes dédiés et indépendants, distincts des mutuelles professionnelles de
salariés.
Le Conseil Economique, Social et Environnemental recommande aussi de réintégrer l’activité médicale dans le champ
d’activité des mutuelles, sans discrimination et dans les mêmes conditions et avec les mêmes règles régissant la
profession médicale. Cette mesure devrait aider à combler le déficit du Maroc en matière d’offre de soins, d’accès aux
soins et aux médicaments.
5
D’après l’article premier de la Constitution Marocaine publiée le 17 juin 2011 au Bulletin Officiel du Royaume du Maroc.
6Ce courant considère l’ESS comme une économie complémentaire et la perçoit en tant que substitut de proximité des
pouvoirs publics au niveau de la lutte contre la pauvreté et la précarité. Les entreprises de l’économie marchande sont
considérées être le modèle économique principal auquel s’ajoute les entreprises de l’ESS qui sont le modèle de
et du secteur privé. Il s’agit d’une économie qui a le potentiel et les moyens de mobiliser des richesses
aussi bien matérielles qu’immatérielles dans une synergie solidaire capable de faire face aux exigences
d’un développement inclusif et intégré (local, régional et national) et de limiter les effets des crises
économiques éventuelles. Le modèle sur lequel repose cette économie permet également de garantir un
bon équilibre dans l’affectation des investissements et au niveau de l’enracinement du capital collectif.
Le modèle préconisé se veut une opportunité qui va garantir une inclusion sur trois niveaux : le social, le
sectoriel et le territorial. Ceci dit, toutes les catégories sociales, les entreprises de différents secteurs et les
territoires se verront amenés à participer pleinement à l’amélioration de la croissance économique
nationale et la consolidation de la cohésion sociale.
A cet effet, il en découlera une croissance inclusive capable de mobiliser massivement les différents
acteurs et partenaires pour amorcer la dynamique de l’innovation sociale, et de développer des
champions nationaux pouvant contribuer de manière significative au PIB national et d’agir au-delà des
frontières, notamment, pour un partenariat Sud-Sud.
Pour la réalisation de cette auto-saisine, la Commission permanente chargée des Affaires de la Formation,
de l’Emploi et des Politiques sectorielles, et conformément à l’approche participative qu’adopte le CESE
dans l’ensemble de ses travaux, a organisé une table ronde pour s’approprier la problématique (première
partie), et une série d’auditions des principales partie prenantes dans l’ESS, que ce soit des ministères, des
acteurs économiques et sociaux, des organismes de la société civile ou des experts issus du domaine, afin
d’aboutir à un diagnostic partagé de l’état des lieux du secteur (deuxième partie). Aussi, la commission a
organisé des visites tant au niveau national qu’au niveau international pour prendre connaissance des
différentes expériences que connaît le secteur de l’ESS au Maroc et ailleurs (troisième partie). Ces
différents travaux organisés par la commission ont débouché sur des échanges très riches qui ont permis
de mobiliser l’intelligence collective de ses membres vers des mesures pratiques et opérationnelles
traduisant les recommandations proposées par le CESE (quatrième partie).
deuxième choix pour des personnes incapables de participer dans le modèle économique principal. Aussi, cette
perception considère ces entreprises de l’ESS comme un outil qui a pour seule mission de réduire l’écart créé par
l’économie libérale. D’ailleurs, cette perception prône l’idée que les entreprises de l’ESS, une fois qu’elles réalisent de
bonnes performances économiques, devraient se joindre au rang des entreprises de l’Economie libérale. Dans cette
perception, l’ESS ne pouvait dépasser le seuil de la lutte contre la pauvreté et la précarité et ne pouvait aller plus loin
pour un rôle beaucoup plus important dans le processus de développement socio-économique du pays.
7
Ce courant considère l’ESS comme une économie alternative partant de la situation de crise que vit durant ces
dernières années le système économique en place comme la faiblesse des taux de croissance, des taux d’absorption,
l’augmentation des taux de chômage, etc.
Premiere Partie : Definition et concepts
I. Economie Sociale et Solidaire (ESS)
Le secteur de l’ESS prend plusieurs appellations d’un pays à l’autre et selon le contexte. S’il est répandu
sous l’appellation d’ « Economie Sociale et Solidaire » dans certains pays comme la France, le Népal,
l’Afrique du Sud et le Mali, dans d’autres pays tels que la Roumanie, l’Espagne, la Bolivie, le Canada, le
Cameroun et la Corée du Sud, le secteur est qualifié uniquement d’ « Economie Sociale ». Par ailleurs, des
pays comme l’Équateur et la République Dominicaine la qualifient d’ « Economie Populaire ».
Même si l’appellation n’est toujours pas consensuelle, le Maroc retient celle d’ « Economie Sociale et
Solidaire », que l’on retrouve aussi chez son premier partenaire, la France.
Bien que la culture de solidarité, d’entraide et de travail collectif, qui constituent le principe de base de
l’ESS, soient ancrés dans les traditions marocaines, l’émergence du secteur sous une forme structurée et
organisée au Maroc, ne remonte qu’aux années 2000. Evolution du champ et de la définition de l’ESS au
Maroc
Traditionnellement au Maroc, les pratiques de solidarité et de mutualisme, sont clairement inscrites dans
le concept et la pratique de la Jemaa. Cette référence coutumière était déterminante pour la socialisation
des individus et pour la construction de leur identité en dehors des limites de leur espace privé. Ne plus
respecter cette pratique entraîne la perte de la place de l’individu au sein du groupe, voire même de son
identité.
Cette réalité était prédominante dans les différentes régions du Maroc et plus particulièrement dans le
milieu rural où les aléas de la nature, le mode de production et la protection contre les ennemis ou les
prédateurs étaient les préoccupations majeures des populations.
Une terminologie spécifique distinguait, selon les régions et les activités, ce mode de participation
collective :
La Touiza qui constitue la forme de coopération et de mutualisation de services, la plus répandue,
présente dans le domaine des labours, des moissons et cueillette, de forage de puits,
d’aménagement de pistes et de construction d’habitats ruraux. Cette pratique de solidarité se base
sur le principe de l’échange et de la réciprocité du service entre les membres de la collectivité ;
L’Agadir qui est une forme de stockage collectif de denrées alimentaires, notamment les céréales
et les fruits secs, s’appuie sur des constructions de type dépôt traditionnel surveillé à tour de rôle
par les membres de la collectivité ;
L’Agoug, en tant que forme d’organisation du partage des eaux d’irrigation, désigne la gestion de
l’exploitation collective de l’eau de surface ;
Les Khattaras est une forme de stockage des eaux souterraines en vue de leur exploitation
collective ;
Le Chard est une pratique courante dans domaine de l’éducation et de la formation qui consiste à
s’engager avec l’enseignant du Coran (Fquih), dans le cadre d’une convention collective qui
comprend la récompense des services du Fquih par sa prise en charge totale (nourriture,
logement,…) et lui conserver une part des récoltes de l’année ;
L’Ouziaa est une pratique qui permet l’accès à la consommation de viande moyennant l’achat en
commun d’une bête en vue de l’abattre et de la répartir de manière collective et équitable.
Toutes ces pratiques coutumières traditionnelles s’inscrivent dans les mêmes principes et préceptes de
l’Islam, et continuent d’exister à différentes fréquences selon les régions.
La volonté de faire de ces valeurs un outil mobilisateur de synergies et un support social d’actions de
développement existait à très haut niveau et chez les autorités en charge de la mise en place des différents
programmes de développement socio-économique et environnemental.
Ainsi, après l’indépendance du Maroc et plus particulièrement en 1958, feu Sa Majesté Mohammed V,
puisant dans cette source de valeurs, récupéra des terres et les distribua entre des agriculteurs regroupés
en coopératives dans la région de Marrakech. C’était l’expression suprême d’une reconnaissance pour un
regain d’intérêt d’un système qui a la qualité d’unir pour valoriser les efforts et les produits, de créer de
l’emploi et lutter contre l’exode.
En Novembre de la même année, la loi des associations fut promulguée, permettant ainsi aux citoyens
d’avoir un cadre institutionnel pour engager et développer des actions sociales, culturelles, éducatives et
sportives au service de la communauté.
Cinq ans plus tard, la loi sur les mutuelles a vu le jour, malgré l’existence de ces dernières bien avant
l’indépendance. Par cette loi, ce système se veut une action de prévoyance, de solidarité et d’entraide
tendant à la couverture des risques pouvant atteindre la personne humaine.
Par conséquent, la délimitation du champ de l’ESS ainsi que sa conceptualisation et sa définition ont
connu une évolution remarquable et ont mené vers un concept qui s’appuie sur la finalité des services
rendus aux membres et à la collectivité, tel que précise la stratégie nationale de l’ESS 2010-2020 :
«L’économie sociale et solidaire est l’ensemble des initiatives économiques cherchant à produire des biens ou des
services à consommer et à épargner autrement de manière plus respectueuse de l’Homme, de l’environnement et des
territoires».
8Comité Economique et Sociale Européen, ‘Economie Sociale dans l’Union Européenne’, par José Luis Monzón & Rafael
Chaves.
regroupe aussi les entités privées avec une structure formelle qui, dotées d’une autonomie de décision et jouissant
d’une liberté d’adhésion, proposent des services non marchands aux ménages et dont les excédents, le cas échéant, ne
peuvent être une source de revenus pour les agents économiques qui les créent, les contrôlent ou les financent ».
L’évolution de ce secteur au sein de l’UE a connu une avancée remarquable, comptant en 2009, plus de
207 000 coopératives regroupant 108 millions de coopérateurs et procurant un emploi direct à 4,7 millions
de travailleurs. Aussi, les associations9 ont pu offrir l’emploi à 8,6 millions de travailleurs, représentant
plus de 4% du PIB. Du côté des mutuelles, celles de santé et d’assistance sociale ont pu fournir la
couverture à plus de 120 millions de personnes en 2010, et celles des assurances ont pu s’accaparer le
quart du marché européen dans ce domaine10.
En Espagne, la loi 5/2011 du 29 mars 2011 définit dans son Article 2 l’Economie Sociale comme
« l’ensemble des activités économiques et patronales, que ses entités dans le domaine privé mènent à bien,
poursuivant soit l’intérêt collectif de leurs membres, soit l’intérêt général économique ou social, ou tous les deux » et
ce conformément à ces quatre principes directeurs (art.4) :
Primauté des personnes et de la finalité sociale sur le capital ;
Affectation de résultat en fonction du travail apporté et, le cas échant, à la finalité sociale objet de
l’entreprise ;
Promotion de la solidarité interne et avec la société ;
Indépendance vis-à-vis des pouvoirs publics.
La Belgique Wallonne, qui dispose de la première réglementation en Europe sur l’Economie Sociale,
définit l’Economie Sociale comme l’ensemble des « activités économiques productrices de biens ou de services,
exercées par des sociétés, principalement coopératives et/ou à finalité sociale, des associations, des mutuelles ou des
fondations, dont l’éthique se traduit par l’ensemble des principes suivants :
1. finalité de service à la collectivité ou aux membres, plutôt que finalité de profit;
2. autonomie de gestion;
3. processus de décision démocratique;
4. primauté des personnes et du travail sur le capital dans la répartition des revenus.
Par son action, elle permet d’amplifier la performance du modèle de développement socio-économique de l’ensemble
de la Région wallonne et vise l’intérêt de la collectivité, le renforcement de la cohésion sociale et le développement
durable »11.
En France, La loi pour l’Economie sociale et solidaire (ESS), adoptée récemment en commission paritaire à
l’Assemblée nationale, confirme la reconnaissance d’un mode d’entreprendre générateur d’emplois, de
croissance et de réponses aux besoins sociaux. Cette loi sous n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'ESS,
préconise :
« I. - L'économie sociale et solidaire est un mode d'entreprendre et de développement économique adapté à tous les
domaines de l'activité humaine auquel adhèrent des personnes morales de droit privé qui remplissent les conditions
cumulatives suivantes :
1° Un but poursuivi autre que le seul partage des bénéfices ;
2° Une gouvernance démocratique, définie et organisée par les statuts, prévoyant l'information et la participation,
dont l'expression n'est pas seulement liée à leur apport en capital ou au montant de leur contribution financière, des
associés, des salariés et des parties prenantes aux réalisations de l'entreprise ;
3° Une gestion conforme aux principes suivants :
a) Les bénéfices sont majoritairement consacrés à l'objectif de maintien ou de développement de l'activité de
l'entreprise ;
b) Les réserves obligatoires constituées, impartageables, ne peuvent pas être distribuées. Les statuts peuvent autoriser
l'assemblée générale à incorporer au capital des sommes prélevées sur les réserves constituées au titre de la présente
loi et à relever en conséquence la valeur des parts sociales ou à procéder à des distributions de parts gratuites. La
première incorporation ne peut porter que sur la moitié, au plus, des réserves disponibles existant à la clôture de
Il est clair que l’Economie Sociale et Solidaire se veut une solution capable de dynamiser des institutions
dont la finalité est principalement la consolidation de la cohésion économique, sociale et territoriale.
Centrée sur l’élément humain, cette économie se veut aussi inclusive, injectant à la croissance économique
un nouveau souffle.
12Les dimensions monétaires et non monétaires proposées par l’OCDE sont : Revenu et patrimoine ; Emploi ;
Compétences et éducation ; Santé ; Liens sociaux, engagement civique et institutions ; Qualité de l’environnement ;
Protection sociale ; Sécurité des personnes ; Sécurité alimentaire ; infrastructures et logement.
13
A noter que l’OCDE ne classe les pays du monde qu’en deux catégories principales : Les pays membres de l’OCDE
qui sont considérés être les pays développés, et les autres pays non membres de l’OCDE qui sont considérés être des
pays en développement.
Deuxieme partie : Etat des lieux
L’ensemble des travaux organisés par le CESE, sanctionnés par une série d’auditions des principales
partie prenantes dans l’ESS, que ce soit des ministères, des acteurs économiques et sociaux, des
organismes de la société civile ou des experts issus du domaine, ont abouti à un diagnostic partagé de
l’état des lieux du secteur.
Ainsi, les premiers constats montrent que l’ESS demeure la solution adéquate à de nombreuses
problématiques sociales et économiques. Les acteurs de l’ESS au Maroc sont par conséquent un acquis
considérable et important.
Cette partie cherche à dresser un état des lieux en ce qui concerne les acteurs de l’ESS, leurs champs
d’interventions, leurs défis et leurs handicaps permettant d’évaluer le poids de l’ESS au Maroc et
d’apporter les améliorations appropriées aux défauts et aux limites qui entravent sa croissance. Aussi,
l’étude des problématiques sociales et économiques actuelles que connaît le Maroc donnerait une vision
adaptée de l’ESS.
6,0%
4,0%
2,0%
0,0%
2009
2013
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2007
2008
2010
2011
2012
14 Banque mondiale
En plus de la dépendance de la croissance du secteur agricole et des aléas climatiques, la détérioration de
l’économie mondiale depuis le début de la crise de 2008 a également contribué au ralentissement de la
croissance économique du pays. De plus, les performances de croissance du Maroc, à court et à moyen
terme, risquent de se voir affectées davantage par les fortes relations de commerce et les liens
d’investissement qu’entretient le Maroc avec les pays Européens.
Et malgré des gains importants en matière de croissance, d'emploi et de main-d'œuvre, le taux d’activité
n'a pas fortement augmenté et reste relativement faible par rapport à d'autres économies de pays
émergents, avec une moyenne de 46,8% et 52,6%, respectivement, au cours de la période 2000-200915, sans
que les conditions de vie de cette fourchette de population ne connaissent une amélioration significative.
Ceci d’autant plus que le Maroc occupe la 129ème place parmi 187 pays au niveau de l’IDH en 2013, et
souffre du développement anarchique du secteur informel où les travailleurs sont en situation précaire
avec de faibles revenus, sans contrat de travail16 ni protection sociale. Cette situation de précarité s’étale
également à d’autres acteurs, notamment ceux de l’ESS et les professions libérales.
Le pays devrait donc chercher à donner un nouveau souffle à ses performances économiques par le biais
d’une croissance inclusive, qui répond aux différents défis en termes d’inclusions de communautés et de
territoires.
15 Selon la BAfD
16 Seulement 30% des travailleurs au Maroc ont un contrat de travail
17 Emploi des Jeunes, CESE 2011.
Quant aux inégalités entre les sexes, selon le PNUD, le Maroc est classé 104 èmesur 146 pays en 2011. En
termes statistiques, le phénomène d’analphabétisme touche 57% des femmes18 amenant un ratio de jeunes
femmes alphabétisées par rapport aux hommes à moins de 80%, et la participation des femmes dans le
marché du travail par rapport aux hommes, au cours de la période 2000-2009, est de seulement 32%19.
Au niveau de la santé, le secteur souffre d’un manque d’installations sanitaires appropriées et d’un accès
très inéquitable aux services de santé. Le secteur compte 1 dispensaire pour 12000 habitants, 1,6 médecin
pour 1000 habitants et 0,9 lit fonctionnel pour 1000 habitants. Aussi, 40% de la population n’a pas accès
aux structures de santé et seulement 33,7% de la population est couverte par une assurance maladie.
Ces organismes ne sont donc pas considérés en tant qu’acteurs de l’ESS, mais bel et bien des structures
d’accompagnement des coopératives, des mutuelles et des associations.
20
La loi traite que de l’économie sociale et non de l’économie sociale et solidaire, et exclue la dimension
environnementale (article 1er).
21
Par exemple, l’article 1er offre la possibilité de créer une coopérative par des personnes morales seulement, le temps
que l’article 67 exige que le président du comité de surveillance et son adjoint soient obligatoirement des personnes
physiques sans faire références aux personnes physiques représentants des membres de cette coopérative. Aussi,
l’article 60 considère la coopérative responsable des actes de ses dirigeants même si ces actes ne concernent pas les
objectifs de la dite coopérative, alors que l’article 91 mentionne la responsabilité personnelle des représentants des
coopératives siégeant dans des unions de coopératives (cas de non respect de la loi). Une autre incohérence se
présente dans deux articles : l’article 26 qui stipule que le capital souscrit peut être libéré dans une durée maximum de
coopératives imposables au même titre que le reste des sociétés (opérations effectuées avec des parties
tierces et dans le cas de la dissolution).
trois ans, et l’article 65 qui stipule qu’une personne si elle veut devenir gestionnaire doit libérer l’ensemble de son
capital souscrit.
un partenariat socialement engagé pour la lutte contre les déficiences sociales, notamment l’exclusion, la
précarité et le chômage.
Intitulé Indicateur
Capital (en DH)* 6.226.715.420
Actifs immobilisés (en DH)* 1.998.319.278
Chiffre d’affaires (en DH) * 7.842.192.041
Total des achats (en DH) * 6.814.563.137
Excédent (en DH)** 104.215.405
Emploi (Salariés)* 24.719
Masse salariale (en DH)* 495.717.113
Auto-emploi *** 326.144
Il va de soi que ces indicateurs ne reflètent pas exactement la situation du secteur dans son ensemble ni
son impact sur l’économie nationale. De plus, le secteur a enregistré ces cinq dernières années un taux
annuel moyen de création de 12%23, et si l’on cherche à mettre à jour ces indicateurs, on ne pourrait se
doter que de données concernant uniquement 10% des coopératives (12 022 fin 2013 regroupant 440 372
coopérateurs).
De même, si l’on estime le nombre de coopératives actives actuellement et qui se situent à environ de 9
600, les données auraient bien changé. Car seules les coopératives actives au niveau du secteur laitier, soit
dans la collecte ou l’industrialisation, cumulent des réalisations appréciables. Elles réalisent un chiffre
d’affaires estimé à plus de 15 MMD et fournissent de l’emploi à plus de 15 000 salariés et des dizaines de
milliers d’emplois temporaires ou indirects24.
22 Ce sont les données des coopératives actives qui tiennent et établissent leur comptabilité selon les normes du plan
comptable spécifique aux coopératives de 2002
23Selon l’ODCo
24 Estimations de l’Union Nationale des Coopératives Laitières UNCAL
Les mêmes estimations peuvent être faites pour les autres secteurs à forte demande de main d’œuvre, soit
de façon permanente ou saisonnière, notamment des coopératives maraîchères, céréalières ou de
production de primeurs et agrumes.
S’agissant de l’auto-emploi, le secteur coopératif compte plus de 350 000 membres actifs. Ce sont les
membres des coopératives de production de biens ou de services et des coopératives de travailleurs, qui
s’auto-emploient ou maintiennent leurs emplois à travers leurs coopératives.
Une autre main d’œuvre, non négligeable, intervient dans le processus de l’activité lorsqu’il s’agit
principalement des secteurs de l’élevage, de l’artisanat ou de la pêche : ce sont les aides familiaux et les
apprentis qui comptés par milliers et qui sont rémunérés de manière informelle et apportent une valeur
ajoutée appréciable à l’activité exercée.
Il est à préciser également que cette évolution concerne, aussi bien les secteurs classiques tels que
l’agriculture, l’habitat, l’artisanat, la forêt, la pêche et le transport, que les nouveaux créneaux tels que,
l’huile d’argan, l’alphabétisation, les plantes aromatiques et médicinales, les denrées alimentaires, la
gestion et comptabilité… etc.
Le tableau ci-après présente la comparaison de la répartition des coopératives par secteur en 2005 et 2013 :
Secteurs 2005 2013
agriculture 3043 7983
habitat 846 1107
artisanat 570 1707
forêt 144 208
pêche 53 127
transport 54 79
argan 74 255
commerce de détail 32 37
alphabétisation 29 83
consommation 25 28
D’après les données avancées dans ce tableau, on remarque que l’évolution du nombre de création de
coopératives a plus que doublé pour une diversité sectorielle apparente.
On constate donc, qu’en 2005 la tendance a été marquée par une présence prédominante dans les
domaines de l’agriculture (secteurs laitier, céréalier, apicole, maraicher, oléicole, avicole,
d’approvisionnement, d’utilisation de matériel en commun et d’élevage), de l’artisanat (tapis, broderie et
couture, menuiserie, poterie et ferronnerie), de l’habitat, de la pêche, des transports et de la forêt.
Cette donne n’a pas beaucoup changé et on souligne toujours la grande prédominance du secteur
agricole qui est passée de 62% en 2005 à 66,4% en 2013 suivi du secteur artisanal avec une montée de
11,6% à 14,19% et du secteur de l’habitat qui a enregistré une très lente évolution et une descente de 17,3
% à 9,2 %.
En outre, les dernières années ont aussi marqué une conquête de nouveaux domaines d’activités et de
nouvelles catégories de petits producteurs et de porteurs de projets. A cet effet, le secteur coopératif a pu
consolider sa présence au niveau des activités liées aux produits de terroir (huile d’argan, miel, plantes
médicinales et aromatiques, denrées alimentaires…) et aux activités de formation, de gestion et
comptabilité, d’entretien de matériel électronique, etc.
On enregistre ainsi une croissance remarquable de la branche de l’huile d’argan qui ne faisait que 0,25 %
en 2005 pour passer au 4ème rang avec 2 %. La même percée a été faite par la branche des denrées
alimentaires avec un effectif de 206 en 2013 contre uniquement 6 coopératives en 2005 pour se placer à la
6ème place avec 1,7 % du total général des coopératives. Le graphique suivant illustre le taux de
prédominance des secteurs.
La particularité de ces coopératives c’est qu’elles sont constituées par des femmes en majorité du milieu
rural, ce qui justifie que ce changement de cap n’était pas sans effet sur la structuration de ces
coopératives.
Le graphique suivant illustre le taux de prédominance des secteurs :
Une autre lecture peut se faire si l’on présente aussi le nombre d’adhérents par secteurs, le tableau ci-après
nous dresse un état des lieux de la situation en 2013.
Secteurs Nombre de Coopératives Nombre d’Adhérents
Cette répartition reflète une présence régionale déséquilibrée du secteur coopératif. En effet, la région de
Souss-Massa-Darâa, considérée la plus dynamique, se place en tête avec 10,8% du total des coopératives
suivie par la région de Tanger-Tetouan et Meknes-Tafilalet avec respectivement 9% et 8,1%.
Une autre dimension se présente quand on s’intéresse à la taille de ces coopératives qui reste relativement
petite en termes d’effectif. Ainsi, si la moyenne nationale est de 36,6 adhérents par coopérative, elle s’élève
à 70,6 dans la région Tadla – Azilal et 67,5 dans la région de Marrakech-Tansift-Al Haouz, le temps qu’elle
se réduit dans le Sud du Royaume : 11 adhérents par coopérative dans la région de Guelmim-Smara, 9,7
dans la région de Laayoune-Boujdour-Sakia Al Hamra et 9 dans la région de Oued Eddahab-Lagouira.
Sous un autre angle de vision, la cartographie coopérative se dessine autrement s’il on considère la
dimension géographique. Ainsi, quand on observe attentivement tous les secteurs et les différentes
branches d’activités abritant des coopératives, on s’aperçoit clairement de l’implantation de l’entreprise
coopérative selon les espaces et les zones (voir Annexe : ancrage géographique).
Cette répartition par espaces et zones géographiques attribue à l’entreprise coopérative la qualité de
vecteur de croissance locale, de promoteur d’activités génératrices de revenus et de cadre d’éducation
citoyenne et démocratique.
26 www.ica.org
Du côté du taux de participation au Produit Intérieur Brut (PIB), ce dernier est estimé à 1,5%, ce qui reste
insignifiant pour un secteur qui bénéficie d’une aide multiforme de la part des pouvoirs publics, de la
société civile et des bailleurs de fonds. A titre d’exemple, ce taux est de 3% en Uruguay et en Nouvelle
Zélande et d’environ 10% en Europe.
Le même constat se présente vis-à-vis de la création d’emplois salariés qui reste très limitée pour les
postes permanents et improbable pour les emplois saisonniers.
Ces limites, entre autres, sont les conséquences, unanimement et logiquement retenues, de la présence
d’une série de limites et de contraintes, tant au niveau de la structure interne du secteur coopératif qu’au
niveau externe.
Sur le plan interne, les limites qui entravent le développement des coopératives se situent principalement
Le tissu coopératif souffre d’ambiguïtés dans la loi régissant les coopératives malgré sa récente réforme. Il
subit la faiblesse des moyens affectés aux organismes d’accompagnement des coopératives et souffre des
défauts de gouvernance résultant le plus souvent du faible niveau de qualification des gérants et des
adhérents. Outre ce faible taux d’encadrement institutionnel, ce secteur doit faire face à des difficultés
d’accès au financement et à l’absence de couverture sociale pour les adhérents. Il en résulte que la
contribution des coopératives au PIB se limite à 1,5% et que la création d’emplois salariés y reste faible.
au niveau du défaut de gouvernance qui est dû au taux élevé d’analphabétisme chez les dirigeants, en
plus de l’absence de gérants qualifiés, et au non-respect des statuts et des règlements intérieurs de la
coopérative.
A cela s’ajoute d’abord la faiblesse des capitaux propres en raison des apports très limités en termes de
parts sociales et du non-réinvestissement des excédents dans la coopérative, puis s’ajoute l’absence de
l’esprit coopératif, aussi bien chez les gérants que chez le reste des membres.
Sur le plan externe, les coopératives souffrent de trois types de contraintes : juridiques, institutionnelles et
socio-économiques.
Malgré la réforme récente de la loi sur les coopératives, des contraintes et des ambiguïtés juridiques
existent toujours, notamment au niveau des dispositions relatives à la circonscription territoriale, à la
gestion administrative, à la tenue des comptabilités des petites coopératives et la transformation de
coopératives en société.
De plus, le secteur coopératif souffre de carences institutionnelles liées à la faiblesse des moyens affectés
aux organismes d’accompagnement des coopératives, face à la croissance considérable du nombre de
coopératives, à la défection de coordination entre les intervenants, et à l’absence de convergence des
programmes de soutien.
En ce qui concerne les contraintes socio-économiques, les coopératives souffrent de la difficulté d’accès
aux crédits bancaires, d’une incapacité à répondre aux exigences du marché et de l’absence de la
couverture sociale des adhérents.
une deuxième mutuelle communautaire a été créée sous forme d’une fédération de trois mutuelles
couvrant les trois communes de Bâb Taza, BniDarkoul et Bni Salah dans la même province.
En 2005, en partenariat avec le FNUAP, l'Agence de Développement Social et le Ministère de la Santé,
l'OMS a appuyé la création de la mutuelle communautaire de Tabant, dans la province d’Azilal. D’autres
sites ont été programmés au niveau de la province d’El Hajeb à Souk SabtJahjouh et la province de
Taounate à AïnMaatouf.
Ces expériences de mutuelles communautaires, quelque soit le taux de réussite ou d’échec, ont permis de
tirer des enseignements positifs dans deux sens :
Il est toujours possible de stimuler l’action solidaire afin de combler le manque et pallier au déficit
des pouvoirs publics dans un secteur aussi vital comme la santé et la couverture sociale ;
Ce sont des expériences qui serviront pour la conception et la mise en place d’éventuels projets
d’envergure de couverture sanitaire. Il faut rappeler ici que le RAMED a été lancé dans sa phase
expérimentale dans la province d’Azilal.
Ce sont enfin des expériences qui nécessitent un encadrement juridique, des campagnes de sensibilisation
et de vulgarisation, un appui pour le démarrage et un accompagnement de proximité de 2 ou 3 ans.
Doukkala-Ab
6% Meknès-Taf
Tanger-Tet 9%
6% Rabat-Salé-Z-Z l'Oriental
8% 8%
Cette enquête place les associations actives dans le domaine du développement et de l’habitat au sommet
du secteur par 35% du total général, suivi par le domaine de l’éducation culturelle et sportive avec 27% et
du domaine de la santé et des services sociaux avec 18%. Les 20% qui restent intéressent les domaines de
l’enseignement et la recherche, la défense de la profession, des droits humains et civiques et la défense de
l’environnement ainsi que le domaine religieux. Le graphique ci-après nous présente cette répartition :
Répartition des association par activité
5% 3% 2% 1% 0
Développement et Habitat
9%
35% Culture et Sport
Propulsées par l’INDH, les associations de développement qui figurent en tête de cette répartition avec
plus du tiers de l’effectif total, se voient impliquées massivement dans la lutte contre la précarité et
l’exclusion à travers la mise en place et l’accompagnement des projets générateurs de revenus et pour leur
proximité de la population cible.
Ce sont en général, soit des associations créées par des personnes appartenant à la même communauté
(quartier ou douar) ayant un niveau scolaire ou intellectuel leur permettant de bien communiquer et
mobiliser les synergies et les fonds, soit des associations nationales intégrées dans des programmes de
développement avec des partenariats nationaux et internationaux ou enfin des associations de
microcrédits participant au financement de très petites activités génératrices de revenus.
Ce type d’associations est le plus répandu en termes d’effectif et de pénétration territoriale.
32Présentation du projet de stratégie relative aux relations avec la société civile, devant la Commission de Justice, de
Législation et des Droits de l’Homme auprès du Parlement
33 Idem.
En outre, une association sur cinq fonctionne avec un budget annuel de moins de 5.000 DH, une sur trois
avec moins de 10.000 DH et seules 5,4% disposent d’un budget de plus de 500.000 DH annuellement. Les
associations dont le budget dépasse un million de dirhams ne représentent que 2,5%.
34
Enquête HCP, 2011.
35Idem
13 associations de microcrédit 2008 2009 2010 2011 2012 2013
Source : Ministère de l’Economie et des Finances et Fédération Nationale des Association de Microcrédit
La réalisation de ces performances est tributaire des outils de la bonne gouvernance, notamment le
système de contrôle de Bank Al Maghrib et l’installation de la Centrale des risques qui, depuis 2009, a
permis d’éviter les clients douteux et d’augmenter le taux de recouvrement.
Depuis le début de leurs activités, les associations de microcrédit ont mobilisé, selon la FNAM, des prêts
d’un montant global de plus de 40 Milliards de Dirhams, qui ont bénéficié à une population de 4,5
millions de personnes dépourvues de moyen d’accès aux structures bancaires en place, dont 55% de
femmes. L’impact social de ces activités se traduit par la création d’environ d’un million d’emplois.
La tendance qui se dégage après des années d’expérience c’est l’implication des banques dans ce type
d’activité avec la création d’associations dépendantes de leurs systèmes banquiers : l’AssociationArdi par
le Crédit Agricole du Maroc et l’Association Attaoufiq par la Banque Centrale Populaire qui a absorbé
l’ex-association de microcrédit Zakoura. Cette situation interpelle sur le respect des principes liés à
l’institution associative ; notamment le principe non lucratif et le principe démocratique.
Un autre aspect suscite plus d’une interrogation pour toutes les associations de microcrédit ; il s’agit de la
qualité que possèdent les bénéficiaires de leurs services. Sont-ils considérés comme des clients de
structures de crédits ou ont-ils le statut camouflé de membres d’associations ? Sachant que tout le système
repose sur leur présence en tant que consommateurs de crédits ; donc générateurs de surplus via le taux
d’intérêt appliqué.
Malgré son dynamisme, le tissu associatif fait face à des contraintes qui limitent son développement, dont
la difficulté d’accès au financement, le manque de locaux et d’équipements, la difficulté de mobilisation
de bénévoles et de ressources humaines qualifiées.
36Op. Cit.
Le Fond Monétaire International ne limite pas le champ d’activité de l’entreprenariat social (microfinance,
foresterie durable, purification de l’eau, assainissement, productivité agricole, emploi des femmes,
éducation et santé, …), et retient son objectif visant à de remédier aux problèmes de développement.
Le recueil des expériences par le FMI a fait savoir que le succès de ces initiatives est tributaire de la
crédibilité et des relations avec les principaux acteurs et partenaires (organismes publiques, fondations,
organisations multilatérales, ONG et entreprises).
Ce même recueil d’expérience a fait montrer l’entreprenariat social peut représenter un meilleur
laboratoire vivant d’expérimentation et d’innovation et qui peut :
Encourager les innovations sociales judicieuses à effets prouvés ;
Appuyer les approches ingénieuses permettant d’utiliser efficacement les ressources ;
Renforcer la capacité d’adaptation au niveau local se basant sur un investissement dans des
mécanismes locaux de solutions décentralisées.
1.7. Un impact social quantifié et mesuré, réel qui donne de l’espoir pour
l’avenir
L’essor de bonne pratiques dans le secteur de l’Economie Sociale et Solidaire au Maroc a répondu à une
demande sociale. Ce secteur présente un gisement important d’emploi et permet de relever les défis
majeurs d’inclusion sociale et territoriale.
L’ESS au Maroc a permis de répondre à certaines des exigences socio-économiques, sa volonté se
manifeste vers la construction d’un modèle de développement plus inclusif qui offre une meilleure
répartition des richesses, un équilibre territorial plus équitable et une place aux jeunes et aux femmes sur
le marché du travail.
Pour les coopératives, et à titre d’exemple celles actives au niveau du secteur laitier, soit dans la collecte
ou l’industrialisation, ces acteurs cumulent des réalisations appréciables. Elles réalisent un chiffre
d’affaires estimé à plus de 15 MMD et fournissent de l’emploi à plus de 15 000 salariés et des dizaines de
milliers d’emplois temporaires ou indirects37.
Les mêmes estimations peuvent être faites pour les autres secteurs à forte demande de main d’œuvre, soit
de façon permanente ou saisonnière, notamment des coopératives maraîchères, céréalières ou de
production de primeurs et agrumes.
S’agissant de l’auto-emploi, le secteur coopératif compte plus de 350 000 membres actifs. Ce sont les
membres des coopératives de production de biens ou de services et des coopératives de travailleurs, qui
s’auto-emploient ou maintiennent leurs emplois à travers leurs coopératives.
Une autre main d’œuvre, non négligeable, intervient dans le processus de l’activité lorsqu’il s’agit
principalement des secteurs de l’élevage, de l’artisanat ou de la pêche : ce sont les aides familiaux et les
apprentis qui comptés par milliers et qui sont rémunérés de manière informelle et apportent une valeur
ajoutée appréciable à l’activité exercée.
Du coté des mutuelles, le nombre d’adhérents au terme de l’année 2012 s’est enregistré autour de 1,5
million, quant à celui des bénéficiaires, y compris les adhérents, s’est totalisé à 4,5 millions. En effet, seules
les huit mutuelles du secteur public regroupées au sein de la CNOPS comptent 1 194 200 membres dont
861 733 actifs et 332 467 retraités, assurant la couverture pour 2 940 071 personnes.
Les associations, quant à leur tour, contribuent à mener leur missions qui impactent souvent la société,
mais créent aussi des emplois. A titre d’illustration, le secteur organisé de la Microfinance représente 6000
emplois directs pour près de 1 millions de micro entreprises, génératrices de revenus. Ceci montre que le
tissu associatif demeure un réel catalyseur d’opportunités et de conditions favorables à créer plus
d’emplois.
Conclusion
L’émergence et le développement d’un nouveau modèle de croissance où l’économie sociale et solidaire
constituerait un des leviers essentiels, en raison des gisements importants qu’elle recèle en terme de
création de richesses, de promotion d’emplois de proximité et d’inclusion localisée de larges couches de la
société, laissés pour compte de l’Etat et du marché. Ainsi l’ESS pourra constituerdemain une véritable
passerelle entre les nouvelles générations de solidarité et l’inéluctable avancée de la modernité
économique dans la société.
1915 23614
31029
1930 45767
119668
1950 599517
1211041
1970 2496080
3350000
1990 4505895
5068143
2010 5800000
0 1000000 2000000 3000000 4000000 5000000 6000000 7000000
Au 31/12/2013, le mouvement compte 45 219 employés et 5 106 dirigeants élus, qui gèrent un actif
de 210 milliards de dollars canadiens.
A CTIF TOTAL DU MOUVEMENT DESJARDINS (EN MILLIONS $)
1915 2
6
1930 11
21
1950 224
688
1970 2528
13000
1990 45204
76117
2010 172275
0 20000 40000 60000 80000 100000 120000 140000 160000 180000 200000
* De 1915 à 2000, les chiffres ne concernent que le Québec. De 1970 à 2000, les chiffres concernent le bilan
cumulé du réseau coopératif (caisses, fédérations, confédération, fonds de sécurité et, le cas échéant, caisse
centrale). En 2010, l’actif comprend le Québec et l’Ontario.
2.2. L’Equateur
2.2.1. Définition de l’ESS
En Equateur, l’ESS est connue sous la dénomination « d’Economie Populaire et Solidaire » où le principe
de solidarité est souligné dans la constitution de par l’Article 283 : « Le système économique est socialement
orienté et se base sur un support mutuel; il reconnaît l'être humain comme un sujet et une fin; il tend vers une
relation dynamique et équilibrée entre la société, l'État et le marché, en harmonie avec la nature; et son
l'objectif est d'assurer la production et la reproduction des conditions matérielles et immatérielles qui
peuvent apporter de la bonne façon de vivre (‘Buenvivir’). Le système économique doit être composé
d’organismes publics, privés, de l’économie mixte, des formes de base des organismes de l’Economie solidaire, et
d’autres comme établies dans la constitution. Les formes de base de l’Economie solidaire seront réglementé
conformément à la loi et devraient inclure les coopératives et les associations ».
2.2.3. A retenir
L’Équateur, étant parmi les premiers pays ayant inclus le principe de solidarité dans sa constitution, a
crééun système de structures encadrant l’Economie Populaire et Solidaire. Ces institutions sont organisées
de la manière suivante :
Par ailleurs, le terme d’économie populaire fait référence aux efforts fournis dans le but de faire basculer
le secteur informel dans le secteur formel. Pour ce faire, l’Etat et ses différents organes, notamment ceux
crées dans le cadre de l’Economie Populaire et Solidaire, créent des programmes qui ont vocation de
résoudre des défis sociaux grâce à la mobilisation organisée de la population.
2.3. Le Brésil
2.3.1. Reconnaissance juridique d’une dynamique mouvementée
L’arrivée au pouvoir du président Luiz Inácio Lula da Silva en 2003 a donné un nouveau souffle à
l’Economie Solidaire (telle qu’on l’appelle dans ce pays). La transformation prônée par ce nouveau
souffle, à la fois politique, social, économique et culturel se positionne en tant que réponse et critique au
système économique capitaliste, permettant un renforcement et une consolidation de cette économie
considérée auparavant comme secteur marginalisé.
Cette initiative politique tient compte des différentes formes d’organisation collective des travailleurs et
leur permet une insertion économique et sociale.
Avec l’influence du Forum de l’Economie Solidaire du Brésil, issu du Forum Mondial Social de 2003, le
changement entrepris a abouti à la création d'un Secrétariat (Ministère) d'État à l'Économie Solidaire
confié à Paul Singer, théoricien brésilien de l'économie solidaire, mis en place par le président Lula moins
d’un mois après son arrivée au pouvoir.
En conséquence, l’arsenal juridique du pays s’est renforcé. Ainsi, après neuf ans de travaux menés par les
coopératives brésiliennes des travailleurs, le pays adopte une loi le 19 Juillet 2012 après son approbation
par la Chambre des députés du Brésil à l’unanimité le 27 Juin.
La loi, approuvée par la Présidente DilmaRousseff, établit une réglementation claire sur les procédures
d’exploitation et d’administration pour les coopératives de travailleurs. Elle contribue également à
garantir les droits des travailleurs des coopératives, tandis que les problèmes juridiques traitent également
des problèmes avec par exemple la création de « pseudo » coopératives.
2.4. La Finlande
2.4.1. Un ancrage historique
L’Economie Sociale et Solidaire est reconnue en Finlande sous l’appellation de tiers-secteur. Toutefois, ce
pays dont le mouvement coopératif est ancré dans la tradition historique, il reconnait les associations,
mutuelles, fondations et coopératives en tant qu’entreprises de l’économie sociale.
Le pays a adopté le 28 décembre 2001 sa loi sur les sociétés coopératives ou ‘‘Osuuskuntalaki’’. Cependant
la spécificité de la Finlande est que le mouvement coopératif remonte à la fin du 19e siècle. Le pays
comptait plus de 6000 coopératives actives en 1901, et le secteur a connu une importance considérable
dans les années 1930. Pourtant, l’ouverture de la Finlande à l’économie du marché dans les années 1980 a
changé le paysage en ramenant le nombre de ces coopératives vers une baisse radicale.
38
Forum de l’Economie Solidaire du Brésil 2014.
L’importance de ce secteur a fait que, durant la période allant des années 1940 aux années 1980, un
nombre important d’innovations sociales des entreprises sociales traditionnelles a été transféré au secteur
public. Les municipalités ont commencé à financer ces initiatives et le bien-être social s’est vu développé.
2.4.3.2. Les entreprises qui appartiennent aux associations pour les personnes en situation
de handicap
Une autre initiative laissant découvrir de nouvelles perspectives dans le monde du handicap concerne les
entreprises qui appartiennent aux associations pour les personnes en situation de handicap.
Il s’agit en effet de quelques associations nationales ou régionales pour les personnes en situation de
handicap qui offrent des opportunités de travail pour leurs membres en créant des entreprises qui leur
appartiennent.
Outre la promotion de l’accès au travail des personnes en situation d’handicap, ces entreprises peuvent
organiser des activités de loisirs pour leurs membres et, en vue d’une intégration participative, employer
pour partie des personnes en situation de handicap pour effectuer ces tâches; elles peuvent également
produire des dispositifs d’aide ou des logiciels pour leurs membres, ou commercialiser les services
produits par les membres de l’association.
2.4.3.5. Les coopératives sociales créées pour les personnes en situation de handicap
Une initiative d’une autre dimension fut les coopératives sociales mises en place pour encourager l’esprit
d’entreprendre chez les personnes en situation de handicap. Les premières expériences d’établissement
d’entreprises de ce type remontent à la fin des années 80.
Au début de leur existence, les coopératives sociales ont adopté la forme légale d’association. Plus tard,
vers la fin des années 90, inspirées par les coopératives de travail récemment créées, des entreprises
coopératives furent aussi créées.
Dans cette catégorie d’entreprise sociale d’insertion, on insiste fortement sur l’esprit d’entreprise des
personnes en situation de handicap. L’objectif principal est d’initier un processus de renforcement des
capacités dans lequel les besoins individuels et le développement personnel sont essentiels, à cet effet
l’initiative cherche le développement de l’individu dans la profession et l’esprit d’entreprise. Ce genre
d’entreprise sociale favorise l’insertion professionnelle des personnes en situation de handicap en leur
proposant de vrais postes de travail. Les relations de travail sont régies par des contrats de travail
normaux et un salaire normal et payé.
Ces coopératives consacrent le principe de permettre à toutes les personnes en situation de handicap de
pouvoir jouir pleinement de leur citoyenneté, en réduisant les barrières liées au handicap dans le domaine
de l’entreprenariat et dans le milieu de la vie professionnelle.
2.5. L’Espagne
2.5.1. Une reconnaissance juridique nationale et régionale
Pour la cinquième économie européenne, l’économie sociale figure parmi les pratiques qui ont marqué la
création de richesse durant plusieurs années. Le pays reconnait ce mode d’organisation économique dans
sa constitution de 1978, issue de la transition démocratique, qui cite plusieurs organisations de l’économie
sociale : les coopératives au niveau de l’article 129.2, les associations au niveau de l’article 22 et les
fondations au niveau de l’article 34. En 1992, les acteurs de l’Economie Sociale décident de créer la
Confédération Espagnole des Entreprises de l’Économie Sociale (CEPES) pour leur assurer une meilleur
représentation.
Le pays dispose aussi d’un arsenal juridique spectaculaire dans ce domaine, il dispose pour chaque
niveau de gouvernement – national et régional – d’une loi distincte, aussi pour chaque type de
coopérative.
En effet, les compétences élargies attribuées aux communautés autonomes ont permis d’avoir quinze
législations régionales. Ces Communautés autonomes, ont mis en place d’importantes politiques de
soutien de l’économie sociale :
les réformes des Estatutos de autonomía, les lois constitutionnelles de régions qui ont inclus entre
2006 et 2008 des références explicites à l’économie sociale et à son soutien par les gouvernements
régionaux d’Andalousie, de Valence, de Catalogne, de Castille-Leon et d’Aragon ;
des politiques concertées de grande portée entre l’administration publique et le secteur, et parfois
les syndicats, ont été développées dans plusieurs régions :
o les Pactes pour l’économie sociale d’Andalousie (2002-5, 2006-10) ;
o le Plan régional d’économie sociale de Murcie (2009-11);
o les Plans Directeurs de développement de l’économie sociale des Îles Baléares (2002/04,
2007/08).
Cette dynamique que connait le secteur a engagé le pays vers l’adoption d’une loi nationale, votée le 29
mars 2011 avec un consensus politique (326 votes pour, une abstention et aucun vote contre ni aucune
opposition sociale ou entrepreneuriale) et publiée le lendemain.
Cette loi capitalise sur les autres expériences européennes, notamment la France (la Charte de l’Economie
Sociale) et la Belgique (Conseil Wallon de l’Economie Sociale), pour qu’au final établisse un cadre légal
commun pour tous les acteurs du secteur, apportant une sécurité et meilleure visibilité de l’économie
sociale.
La Loi prévoit la mise en place d’un catalogue des entités de l’économie sociale qui sera maintenu par le
ministère du Travail et de l’Immigration ainsi que par le Conseil pour la promotion de l’économie sociale,
en collaboration avec les Communautés autonomes.
Cette loi prévoit aussi la création du Conseil pour la promotion de l’économie sociale qui servira d’organe
consultatif pour les activités liées à l’économie sociale et agira en tant qu’organe de dialogue entre les
acteurs de l’économie sociale et le gouvernement central.
2.5.4. Focus sur La Confédération espagnole des entreprises de l’économie sociale CEPES
Constituée en 1992, la confédération espagnole des entreprises de l’économie sociale est la plus
importante organisation représentative du secteur de l’économie sociale en Espagne. A cet effet, Elle
rassemble toutes les structures actives dans ce domaine et concourt à leur visibilité et assure leur
représentation dans le dialogue avec les pouvoirs publics et l’ensemble des acteurs sociaux.
La Confédération espagnole des entreprises de l’économie sociale joue un rôle de suivi et d’analyse des
évolutions du secteur, et réfléchit à toute action de nature à renforcer la cohésion sociale.
Outre la promotion de l'économie sociale, la CEPES exerce une influence sur les politiques publiques et
défend les intérêts communs des organisations membres vis-à-vis de la société, des administrations, et des
institutions européennes et internationales.
La CEPES soutient aussi les intérêts de l'économie sociale sur les plans économique, social, culturel ou
politique, en Espagne et au niveau de l'Union européenne.
De nos jours, avec 16.528.000 coopérants, cette confédération regroupe 28 organisations membres, qui
rassemblent eux-mêmes plus de 200 structures d’appui autonomes. On y trouve notamment la
Confédération des coopératives agricoles espagnoles, celle des coopératives de travail associé, celle
des sociedadeslaborales, celle des coopératives de consommateurs et d’usagers, la Confédération de la
mutualité espagnole, l’Association pour l’emploi des personnes handicapées, etc. La CEPES représente
ainsi indirectement plus de 44 563 entreprises39 (24.597 coopératives, 19.393 sociedadeslaborales, 11.322
entreprises non détenues, 7.212 associations, 450 centres d’emplois protégés encadrés dans l’économie
sociale, 391 mutuelles, 205 entreprises d’insertion, 198 corporations de pêches, 124 entreprises de
l’économie sociale sous une autre forme, 64 fondations sociales de l’économie), qui emploient plus de
2 215 000 personnes et représentent un chiffre d’affaires annuel supérieur à 150.978 millions d’euros en
2013 (soit 13 % du produit intérieur brut de l’Espagne).
39
Pour l’année 2013.
2.5.6. Focus sur la Coopérative Mondragon
L’Espagne comprend une des plus importantes coopératives dans le monde, il s’agit de Mondragon. En
effet, Mondragon est un groupe privé espagnol constitué d’un ensemble de 289 entreprises et coopératives
et de 15 centres technologiques qui opèrent dans la finance, l’industrie, le commerce et l’éducation. Le
groupe emploie 80.321 personnes et réalise un chiffre d’affaire de 14,081 milliards d’Euros.
Le groupe se constitue de 15 centres technologiques et de 289 entreprises réparties comme suit :
147 Sociétés et filiales
110 coopératives
13 services internationaux
10 entités de couvertures
8 fondations
1 mutuelle
Aussi, avec 14 milliard d’Euros de chiffre d’affaire, Mondragon participe au PIB basque avec un taux de
21.21%, ce qui constitue environ 1,5% du PIB espagnol.
Au niveau de l’emploi, les 80 321 salariés de Mondragon, dont 43% sont des femmes, représentent 0,35%
de la population active de l’Espagne et environ 30% de la population active dans l’ESS espagnole.
L’aspect solidaire de la coopérative se manifeste aussi dans la réaffectation des bénéfices quand ceux-ci
surviennent. En effet :
Chaque coopérative met en commun 2% de son chiffre à un fonds de solidarité
Chaque coopérative constitue un fonds de réserve alimenté par 45% des bénéfices
2% du Chiffre d’affaire de chaque coopérative est consacré à l'enseignement supérieur (Université
de Mondragon)
10% est mis à disposition d'un Fonds commun d'intervention qui favorise la création de nouvelles
coopératives ou leur développement.
Les coopératives les mieux portantes accueillent les travailleurs dont l'emploi a été remis en cause
à cause de la crise.
2.6. La France
2.6.1. Une économie séculaire
Largement vulgarisée, l’Economie Sociale et Solidaire a connu une importante évolution au sein du
paysage français. Si les pratiques datent depuis longtemps, la reconnaissance du mouvement coopératif et
mutualiste remonte à 1850, date de l’apparition du texte juridique portant loi sur les Sociétés de secours
mutuels. Il fallait attendre 50 ans pour avoir un autre texte de loi, cette fois ci c’est la loi de liberté
d’association pour tous qui voit le jour en 1901, puis une quarantaine d’année pour que cette dynamique
reprenne chemin avec l’apparition d’une ordonnance portant statut de la mutualité en 1945 et la loi sur la
coopération en 1947.
En 1980 le Comité national de liaison des activités mutualistes, coopératives et associatives (CNLAMCA)
adopte une Charte de l’économie sociale. Un an plus tard (1981), le Gouvernement en place met une
Délégation interministérielle à l’économie sociale, devenue en 1991 Délégation à l’innovation sociale et à
l’économie sociale et en 2006 Délégation à l’innovation à l’expérimentation sociale et à l’économie sociale.
La période allant de 1984 à 1986, a connu la création d’un Secrétariat d’Etat à l’économie solidaire, puis de
2000 à 2002, fut la création d’un Secrétariat d’Etat à l’économie sociale. L’année 2006 marque la création
du Conseil supérieur de l’économie sociale, devenu Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire en
2010.
En avril 2010, le député Francis Vercamer présente son rapport sur l’Economie Social et Solidaire, qui,
après une période de crise, tente d’apporter des réponses sur comment favoriser la création, le développement
et la pérennisation des entreprises appartenant à la sphère de l'économie sociale au regard du potentiel de création de
richesses et d'emplois que celle-ci représente, et comment mettre en œuvre une politique de développement de
l'économie sociale et de l'entrepreneuriat social.
L’avènement du Gouvernement Valls en mai 2012 poursuit ce mouvement et crée un Ministère délégué à
l’Economie Sociale et Solidaire, rattaché au ministre de l’Economie, devenu secrétariat d'État en avril 2014.
Cette nouvelle dynamique au sein du Gouvernement français a abouti, le 31 juillet 2014, à l’adoption
d’une loi-cadre n° 2014-856 relative à l’Economie Sociale et Solidaire.
Cette loi vient également ordonner la création d’un Conseil supérieur de la coopération qui peut être saisi
pour avis par le Ministre chargé de la coopération sur tout projet de texte législatif ou réglementaire relatif
au fonctionnement des coopératives ou de leurs unions et fédérations.
Au niveau local, les CRESS (Chambres Régionales de l’ESS) ainsi que les Régions et plus globalement les
territoires, auront un rôle majeur à jouer. Cette synergie souhaitée au niveau local doit permettre à ce
secteur de mieux répondre aux mutations des territoires.
3.8. Régionalisation
L’Economie Sociale et Solidaire s’inscrit pleinement dans l’approche régionale et locale de par les
spécificités que regorgent les différentes régions, raison pour laquelle certaines pratiques internationales
consacrent des structures d’accompagnement missionnées sur un territoire (région ou territoire
autonome) en vue d’appuyer les acteurs locaux.
Certains pays dont le projet de régionalisation est très poussé, l’Economie Sociale et Solidaire se voit jouer
un rôle important dans le développement local.
Le cas de l’Espagne est très intéressant dans ce sens. Les compétences élargies attribuées aux
communautés autonomes ont permis d’avoir quinze législations régionales et d’importantes politiques de
soutien de l’économie sociale.
De son côté, le Brésil est conscient de la cette dimension aussi, a entrepris au niveau de sa politique
publique dédiée à ce secteur la stimulation à l’institutionnalisation de politiques publiques d’Économie
Solidaire pour consolider, d’une part, l’économie solidaire dans les agendas politiques des trois paliers
gouvernementaux (municipal, États et national) et pour garantir, d’autre part, sa durabilité en tant que
politique d’État.
Et pour le Québec, des Pôles régionaux d’économie sociale composés majoritairement d’entreprises
collectives et d’organisation de soutien, participent pleinement à la promotion de l’économie sociale et
favorisent la concertation et le partenariat entre les intervenants locaux et régionaux en économie sociale
afin d’harmoniser les interventions et d’en maximiser les effets.
Il en ressort ainsi, que les différentes expériences se soucient de cette dimension (local, régional) au niveau
de ce secteur. En effet, et la pratiques a confirmé que cette dimension a favorisé, d’une part, l’émergence
de nouveaux pôles de compétitivités régionaux, et d’autre part, le développement d’une dynamique
économique locale et régionale importante (cas de la région de Valence et de la région Basque en
Espagne).
3.9. Des programmes de soutien à la commercialisation de haut niveau
Ayant pour objet de parvenir à une plus grande équité dans le commerce conventionnel, le commerce
équitable a largement participé à créer des opportunités pour des catégories qui sont économiquement en
situation de désavantage. A cet effet, il se voit comme levier de développement et de réduction des
inégalités, en veillant à la juste rétribution des producteurs.
Le brésil s’est inscrit dans cette optique et a mis en place une organisation nationale de la
commercialisation des produits et des services des initiatives de l’économie solidaire guidés par les
principes de justice, de coopération, de transparence et de solidarité. Ce système de commercialisation est
basé sur les normes du commerce équitable traditionnel.
Décrété par le Président brésilien Lula, il se veut le premier Système de Commerce Equitable et Solidaire
du monde, reconnu et appuyé par l’Etat.
Il a réussi à créer beaucoup d’opportunités d’emploi et d’améliorer le revenu de beaucoup de catégorie
socialement défavorisées.
1. Harmoniser les politiques publiques et le rôle des différents acteurs gouvernementaux dans la
promotion du secteur ;
2. Reconnaître les acteurs historiques et les nouveaux entrants de l’ESS à l’instar des coopératives
des travailleurs salariés et des entreprises commerciales à vocation sociales ;
3. Introduire le critère « d’utilité sociale » comme mesure de performance des acteurs du secteur ;
4. Mettre en place des mesures de soutien et de supports aux acteurs (financement,
accompagnement et développement). Une partie de ces mesures pourrait s’appuyer dans certains
cas sur le principe de la discrimination positive afin de réajuster l’équilibre vers une égalité des
chances.
Ce système de gouvernance devrait reposer sur la réforme et la fusion de plusieurs organismes publics
tels que l’ODCO, l’ADS ainsi que Maroc Taswiqau sein d’une nouvelle « Instance Nationale de
promotion de l’ESS ». Les prérogatives des départements étatiques en matière d’Economie Sociale et
Solidaires devront être adossées à la nouvelle instance.
L’action de l’Instance Nationale de l’ESS devra s’exercer au niveau national en coordination avec les
instances centralisées et au niveau régional à travers les Instances régionales de l’ESS en s’appuyant sur
les Agences Régionales d’Exécution des programmes (AREP) prévues dans le nouveau cadre de la
régionalisation avancée.
L’Initiative Nationale de Développement Humain peut fonder, quant à elle, un véritable espoir dans
l’avenir en matière de promotion de la TPE, notamment dans le monde rurale. Cette démarche pourra à
son tour représenter une réelle perspective, si elle arrive à être inscrite comme pilier nouveau et essentiel
de la stratégie globale de l’INDH. Le séminaire organisé à Casablanca le 18 mai 2013 à l’occasion du 8ème
anniversaire de l’INDH sur le thème de « l’intégration économique » autorise à penser que l’on
s’achemine vers cette direction.
Cependant si on veut que l’impact de ce pilier ne reste pas limité en termes de développement d’activités
non agricoles en milieu rural, il est de la plus grande importance à ce nouveau plier de s’inscrive non
seulement dans le cadre d’un traitement social de la pauvreté rurale, mais aussi et surtout d’un traitement
économique productif des problèmes des zones fragiles, enclavées et marginalisées du monde rural et les
zones périurbaines défavorisées. Car c’est dans ces zones où les besoins d’inclusion sociale, d’insertion
socioprofessionnelle et d’auto-emploi en faveur des jeunes sont importants.
Ces orientations peuvent être déclinées en un ensemble de recommandations, traduisant des propositions
d’ordre stratégique et des mesures d’ordre pratique, qui font de la promotion et du soutien de l’Economie
Sociale et Solidaire leur champ d’intervention par excellence.
Les recommandations à proposer dans ce rapport reposent sur la mobilisation de tous les acteurs
concernés pour générer une réelle dynamique de changement, renouvelant ainsi l’architecture
institutionnelle du secteur qui se présente comme suit :
Chef de
Composition Gouvernement
Representation des instances Régionales
Representation des ministers et departments
Instance
National de
l’ESS Composition
Acteurs ESS
Représentants de la Région
Universités et centres de recherche
Instances
Régionales ESS
40
Rappelons certaines des étapes législatives : création des mutuelles de santé pour les fonctionnaires de
l’administration coloniale 1919 ; création de coopératives de consommation entre les colons 1922 ; Dahir de 1935
relatif au crédit mutuel et la coopération agricole pour la constitution de coopératives agricoles également en faveur
désormais un renouvellement important de son cadre juridique qui marque sa place et la reconnaissance
nationale de son action pour l’intérêt général et social.
Cette nouvelle étape de reconnaissance du secteur dans son ensemble lui permettra de contribuer
significativement à la croissance économique et à l’inclusion sociale et territoriale.
Or, l’ensemble des expériences internationales suggèrent que le Maroc ne pourra pleinement bénéficier de
cette dynamique de l’ESS sans un encadrement consolidé de ce secteur dans les textes officiels, et sans
l’émergence de nouvelles formes juridiques capables d’accompagner cette dynamiqueinternationale.
Ce cadre législatif pourrait se traduire en un Code ou une loi-cadre (dénomé ci-après loi) qui
devraitpermettre une ouverture du secteur sur l’environnement international et fournir un plus grand
confort juridique aux formes d’organisation du secteur. Cette loi déterminerait, ainsi, les normes relatives
au secteur de l’Economie Sociale et Solidaire, aussi bien que ses principes, et définirait, tout en retenant
une approche inclusive, les outils d’intervention et les moyens de soutien au développement de ses
structures. Un des principes de cette loi serait de promouvoir la définition et la reconnaissance du critère
d’utilité sociale pour l’appartenance au secteur de l’ESS et le bénéfice de son statut.
Plus précisément, cette loi devrait permettre à chaque type de structure de l’ESS de réaliser pleinement les
missions qui lui sont spécifiques :
Assainir les dispositions juridiques définissant les rapports des différents adhérents avec leurs
coopératives, les rapports de la coopérative avec son environnement sectoriel, économique et
institutionnel ainsi que le système de fiscalité auquel elles sont astreintes ;
Mettre en place des garde-fous juridiques pour protéger le patrimoine communautaire et collectif
des coopératives ayant atteint un stade de développement avancé grâce à l’effort collectif de leurs
membres. Il s’agit ici de rester dans l’orientation d’esprit qui stipule que les parts sociales
constituant le capital d’une coopérative sont non négociables et insaisissables41. Autrement dit, il
faut protéger les coopératives de toutes tentatives de transformation à d’autres formes juridiques
pouvant disloquer des structures ayant réalisé des performances sur la base d’une participation
démocratique et grâce à l’action collective de leurs adhérents. Ces adhérents qui risquent, en cas
de transformation, de devenir minoritaires et sans pouvoir, fragiles et exposés à d’éventuelles
suspensions ou exclusions ;
Mettre en place un cadre juridique relatif aux coopératives de travailleurs salariés leur permettant
de racheter la majorité42 des actions de leur entreprise– en situation de dépôt de bilan. Ce rachat
doit pouvoir être soutenu par l’intervention partenariale de l’Etat et des syndicats concernés afin
de sauvegarder l’emploi des salariés et maintenir l’activité de l’entreprise ;
des colons ; Dahir de 1938 autorisant la création de coopératives par les marocains dans les secteurs de l’agriculture et
de l’artisanat) ; après l’indépendance, Dahir de 1958 réglementant le droit d'association ; banques populaires
régionales en 1961 ; commerce de détail en 1963 ; pêche artisanale et habitat en 1968 ; réformes agraires de 1966 et
1972, etc.
41
Le capital collectif issu de l’investissement de l’excédent et de l’investissement financé par le crédit bancaire pose un problème
dans le cadre de la transformation d’une coopérative en société solidaire. Ces investissements cumulés sont une propriété de la
coopérative, ainsi la difficulté se présente pour les membres n’ayant pas participé au sein de la coopérative durant toute sa vie
(anciens membres qui ne le sont plus et les nouveaux).
42
Une proportion de 51 % qui permettra aux salariés de gérer l’Entreprise.
Harmoniser la loi des coopératives en prenant en considération la situation des coopératives
assujetties aux impôts et taxes et qui sont traitées de la même façon que les autres coopératives
(restrictions, limites et contrôle multiforme des différentes administrations …) ;
Revoir les procédures de dissolution des coopératives assujetties aux impôts et taxes, pour que le
reliquat de la dissolution après payement des dettes et autres dus, revienne aux membres de la
coopérative dissoute ;
Mettre en place un système national de commerce équitable qui devrait apporter des garanties et
des labels équitables pour l’ensemble de la chaine de valeurs. Ce système devrait aussi renforcer
l’identité marocaine du commerce équitable et solidaire et favoriser l’éducation à la
consommation équitable.
Déterminer les dispositions qui conditionnent l’action mutualiste, facilitant les procédures
administratives, et donner un caractère incitatif aux critères de constitution ;
Clarifier et rationaliser les principes et les règles de rattachement du secteur de la mutualité à
l’administration en charge de l’Economie Sociale et Solidaire (tutelle) ;
Préciser les rôles et les compétences des différents acteurs institutionnels qui interviennent dans la
mutualité;
Réglementer le mutualisme communautaire ;
Libérer l’initiative mutualiste afin de lever les incohérences et les contradictions entre les
dispositions du code de la mutualité et les dispositions des autres textes qui affectent le secteur de
la mutualité.
Pour les nouveaux acteurs, notamment les coopératives de travailleurs salariés, les fondations et
l’entreprenariat social :
Faciliter leurs intégrations comme acteurs de l’ESS, notamment à travers un cadre juridique dédié
(cadre dédié pour les fondations, révision de la loi sur les sociétés) ;
Mettre en place des dispositifs de soutien et de développement ;
Faciliter l’accès aux financements ;
Offrir un confort juridique aux initiatives de financement participatif et solidaire ;
Etendre les mesures d’incitation fiscales des coopératives à l’entreprenariat social.
Et pour plus de flexibilité, cette loi devrait chercher à instaurer des passerelles permettant aux acteurs de
l’ESS d’adapter leurs missions aux formes juridiques qui pourront favoriser le développement de leurs
activités.
Ceci permettra, par exemple, aux associations ayant bénéficiées d’un financement pour des activités
génératrices de revenus dans le cadre du programme de l’INDH, de migrer vers une autre forme
juridique capable de favoriser leur expansion et leur développement, notamment prendre la forme de
coopératives. Il permettra aussi, par exemple, à des structures coopératives ou des groupements de
coopératives de se doter de leurs propres mutuelles.
L’établissement de cette instance découlerait de la fusion entre l’ODCO, l’ADS et Maroc Taswiq, et devrait
se voir assigner les missions suivantes :
Développer une vision stratégique pour le secteur et mettre en place des programmes ;
Etre le principal représentant de l’ESS vis-à-vis des pouvoirs publiques et des organisations
internationales ;
Mettre en place une politique nationale de l’ESS et suivre ses réalisations ;
Offrir un cadre national de concertation et d’expression pour le développement, la promotion et
la professionnalisation de l’ESS ;
Participer à l’élaboration du système National de Commerce Equitable ;
Assurer la pleine et effective participation de l’ensemble des intervenants dans le secteur de l’ESS
au processus d’élaboration, de mise en œuvre et d’évaluation de politiques publiques spécifiques
de ce secteur ;
Elaborer un rapport annuel qui donne la situation de l’Economie Sociale et Solidaire au Maroc ;
Représenter l'ensemble des acteurs et des organisations du secteur de l’Economie Sociale et
Solidaire dans le pays, et agir de manière transparente et autonome, et rendre un service d’intérêt
général ;
Emettre des avis consultatifs à la demande du gouvernement sur l’ensemble des questions qui
peuvent intéresser le développement du secteur ;
Produire des statistiques pour l’ESS à travers l’établissement d’un Observatoire National de
l’ESS ;
Etablir un Fonds d’appui à l’investissement social, qui sera alimenté du fonds de la promotion
sociale selon les critères à mettre en place par les autorités en charge ;
Initier des programmes de formation, de formation continue, d’appui et d’accompagnement.
En tant que réseau de proximité, cette représentativité régionale aurait pour missions principales
d’œuvrer pour :
Les nouvelles instances régionales de l’ESS devraient siéger au niveau de l’une des deux instances
consultatives à mettre en place au sein du Conseil de la Région prévues par le projet de loi organique sur
la région.
En plus de représenter le secteur au niveau régional auprès des pouvoirs publics, des administrations, des
médias… les instances représentatives devraient :
Les propositions devraient s’étaler sur une programmation de 6 ans et respecter les accords et
engagements conclus entre les parties. Ces propositions doivent aussi s’aligner avec les missions de
développement économique assignées à la région dans le cadre des politiques publiques à entreprendre.
Ce type de politique s'est imposé à travers le monde car il permet d’abord aux acteurs de mettre en
commun certaines de leurs activités afin de développer et accroître les résultats de celles-ci tout en
conservant leur individualité, et il permet aussi d’améliorer la chaîne de valeur, que ce soit au niveau de la
production et d’améliorer des compétences par métier. Cette politique devrait renforcer la capacité
productive des acteurs et favoriser l’innovation.
Ces structures peuvent être définies comme la combinaison, sur une région donnée, d'acteurs de l’ESS,
d’acteurs institutionnels (représentants des conseils régionaux), d’acteurs de l’enseignement supérieur et
de la recherche engagés dans une démarche partenariale destinée à dégager des synergies autour de
projets communs au caractère innovant. Ces structures permettent :
d'accéder à une taille plus importante et à un niveau d'excellence supérieur, en réunissant les
compétences nécessaires pour lancer et réussir des projets ambitieux, pour innover en s’appuyant
sur des compétences présentes chez leurs partenaires et pour élever la qualification de l’ensemble
des acteurs ;
d’accroitre la notoriété et le champ d’action individuels de chaque acteur, de la visibilité des
actions de l’ESS au niveau de la région au plan national, et au niveau mondial.
Cette orientation s’inscrit dans la ligne droite de la régionalisation avancée et du projet de loi organique
sur la région qui attribue à cette dernière le rôle de promouvoir le développement intégré et durable de
son espace territorial en améliorant l’attractivité de cet espace territorial et en renforçant sa compétitivité
économique.
Pour illustrer cette mesure, le cas d’argan s’avère d’une importance non négligeable dans ce sens, le pôle
de compétitivité qui peut être mis en place peut rassembler d’une part les coopératives d’argan, en
majorité féminines, qui se regroupent dans le cadre d’un Groupement d’Intérêt Economique (GIE) et
associent savoir-faire ancestral et technique d’extraction moderne pour produire des huiles culinaires et
cosmétiques de très haute qualité, et d’autre part, l’Université Ibn Tofail dans la ville d’Agadir (faculté des
sciences, faculté de droit, école nationale de commerce et de gestion, …) qui va fournir de la formation
pour les coopératrices en plus de la recherche pour le développement de la filière et sa croissance grâce à
la mise sur le marché de nouveaux produits, services ou procédés issus des résultats des projets de
recherche.
Ce partenariat permettra aussi à ces coopératives de prendre une position de premier plan sur leurs
marchés au Maroc et à l’international.
Un autre cas de GIE se présente dans l’expérience des producteurs du safran dans la région de la
Taliouine qui se sont organisés pour mettre en place la Maison du safran. Ce GIE joue un rôle primordial
dans l'organisation de la filière et la commercialisation de la production par la mise en place d'une Bourse
du safran dédiée à la régulation des prix de vente. Ce GIE offre un espace pour l'échange d'expériences en
la matière et pour l'encadrement des professionnels concernant les techniques de production et de
valorisation du safran produit dans la région.
Des thématiques au niveau des manuels scolaires et des ateliers pour travaux pratiques dans
l’enseignement primaire et secondaire, en vue de sensibiliser et introduire les enfants à l’ESS et
aux possibilités de prendre part dans la résolution de différentes problématiques sociales et
environnementales ;
Des modules au niveau de l’enseignement supérieur dans le cadre de formations polyvalentes ;
Le développement de thèses et de stages relatifs au secteur de l’ESS, ce qui favoriserait la
recherche & développement et l’innovation. Ces mesures permettraient le développement de
l’esprit d’initiative et d’action solidaire, et à terme, l’émergence d’une génération d’entrepreneurs
solidaires.
3- L’assainissement et le renforcement
de chaque composante de l’ESS
1.1. Secteur Coopératif
Les recommandations que le CESE propose en vue de développer le secteur coopératif visent à surmonter
les obstacles qui limitent un développement soutenu des coopératives, et ce sur deux niveaux :
sur le plan externe, les coopératives souffrent de trois types de contraintes : juridiques,
institutionnelles et socio-économiques ;
sur le plan interne, en remédiant aux défauts de leur gouvernance, à la faiblesse de leurs capitaux
propres en raison des apports très limités en termes de parts sociales et du non-réinvestissement
des excédents dans la coopérative.
Le secteur coopératif souffre aussi de carences institutionnelles liées à l’insuffisance d’accompagnement
des coopératives, à la défection de coordination entre les intervenants et à l’absence de convergence des
programmes de soutien. S’ajoutent à celles-ci la difficulté d’accès aux crédits bancaires, la commande
publique, l’incapacité à répondre aux exigences du marché et l’absence de la couverture sociale des
adhérents.
Face à ces limites, le CESE recommande une série de mesures à prendre, selon les axes suivants :
Les très petites et les petites coopératives qui constituent les 2/3 du tissu coopératif doivent bénéficier
d’un soutien en matière de qualification de leurs ressources humaines. Cette qualification doit renforcer
les capacités gestionnaires et managériales des responsables en déployant :
des formations de base pour les gérants des coopératives nouvellement constituées ;
des formations continues pour les gérants permanents des coopératives en activités et qui sont en
mal de décoller (la récupération de la taxe professionnelle pourra beaucoup aider à s’en acquitter).
1.1.3. Amélioration de la compétitivité des coopératives
Pour que le secteur coopératif soit en constante croissance, le CESE recommande de soutenir sa
compétitivité par le biais d’une intégration horizontale faisant appel aux opportunités de la structuration
régionale de filières potentiellement porteuses, et d’une intégration verticale basée sur le développement
de la chaine de valeurs des produits à haute valeur ajoutée et d’un traitement fiscal tenant en
considération les particularités du secteur et les caractéristiques des catégories auxquelles il s’adresse. A
cet effet le CESE préconise d’agir sur trois paliers :
A cet effet le CESE recommande de rétablir l’équité fiscale entre coopératives et les entreprises du secteur
privé. Soit en libérant les coopératives de certaines exigences restrictives telles que le principe de
l’exclusivisme, le contrôle multiforme de l’Etat, les limites de la circonscription territoriale, la taxe
parafiscale ou en leur accordant un traitement fiscal qui tient en compte leurs caractéristiques inclusives et
leur finalité particulièrement immatérielle.
1) les mesures fiscales doivent prendre en considération les revenus des membres des coopératives
et pas seulement le chiffre d’affaires. L’obligation des prélèvements doivent être faits sur la base
du SMIG exonéré pour distinguer les unités de petites tailles générant des revenus élevés en
faveur de leurs membres de celles de grandes tailles où les revenus sont beaucoup plus bas du fait
du nombre important des adhérents qu’elles couvrent ;
2) les mesures fiscales doivent être incitatives et favoriser l’intégration des activités informelles qui
doivent bénéficier des mêmes avantages lorsqu’elles se joignent au secteur coopératif.
3) les mesures fiscales doivent favoriser des partenariats entre l’Etat et les coopératives en matière de
formation-insertion des jeunes diplômés et en matière de réalisation de projets, d’infrastructures
ou de services rendus à la collectivité ou à la commune d’appartenance.
1) un système de soutien à la création des coopératives qui facilite le financement initial des
installations, du fonds de roulement et des besoins de trésoreries ;
3) un système de soutien pour l’eçxpansion des coopératives grâce à des fonds de garantie pour les
investissements, les candidatures aux marchés publics et l’export. Ce système peut bénéficier des
prestations fournies par la caisse centrale de garantie.
1) d’appuyer les coopératives, notamment celles qui fournissent des produits de terroir, pour
l’introduction de nouveaux processus de fabrication qui préservent aux produits leur qualité de
terroir et pour l’amélioration de l’ensemble de leurs présentations et de leurs conditionnements
commerciaux afin d’optimiser leur attractivité marchande ;
2) de les aider à améliorer leurs méthodes de valorisation de produits grâce à des labels de produits
solidaires, distinctifs et bénéficiant d’une protection en matière de marque et d’origine ;
3) D’établir des contrôles de qualité permettant l’obtention de certifications qui garantissent la
protection des marques commerciales des produits des coopératives et rassurent le
consommateur des produits solidaire.
1.1.7. Mise en place d’un système de protection sociale pour les adhérents des
coopératives et pour les aides familiaux
L’absence d’un système de protection sociale pour les adhérents des coopératives et des aides familiaux,
constitue l’une des préoccupations majeures de cette catégorie qui ne peut pas se prendre en charge
individuellement. Et étant donné que les pouvoirs publics ont opté pour l’élargissement de cette
protection à toutes les catégories de producteurs, le CESE recommande que :
1) Le système de couverture sanitaire mis en place par l’Etat (AMO) permettra l’intégration des
adhérents des coopératives et des aides familiaux à travers une formule appropriée. Une formule
mutualiste indépendante ou en partenariat avec les mutuelles d’assurances existantes doit être
instaurée en s’inspirant des expériences faites au niveau communale (provinces d’Azilal et
Chefchaouen) et au niveau sectoriel (coopératives d’argan).
2) La couverture retraite des adhérents aux coopératives doit être prise en compte dans le cadre de la
réforme globale programmée du système national des retraites, tout en tenant compte de leur
capacité individuelle de contribution et d’épargne.
Cette recommandation devrait fournir au système national de santé, à travers les coopératives, un
paramètre d’éligibilité en vue d’une intégration au niveau du système global de de la protection sociale.
Le principe de démocratie implique le droit des membres à la représentation en conformité avec la règle
un membre équivaut à une voix. Ce principe implique l’élection des dirigeants et la responsabilisation des
adhérents en les informant dûment de leurs droits et en leur permettant de participer effectivement, et en
connaissance de cause, à la gouvernance de leur mutuelle. Etre membre d’une mutuelle c’est être à la fois
assuré et assureur.
Les recommandations qui vont suivre visent une meilleure réalisation en pratique de l’esprit mutualiste.
1.2.1. Renforcer la gouvernance interne des acteurs de la mutualité.
Pour donner une impulsion au secteur mutualiste au sein de la protection sociale et pour garantir son bon
fonctionnement et sa pérennité du secteur mutualiste, le Conseil Economique, Social et Environnemental
recommande de renforcer la gouvernance des mutuelles, à cet effet, le CESE préconise :
o de délimiter et séparer les pouvoirs des organes élus et les fonctions de gestion au moyen
d’une distinction claire entre, d’une part, les fonctions d’orientation et de contrôle
dévolues aux administrateurs élus et, d’autre part, les fonctions de gestion confiés aux
dirigeants exécutifs nommés par les élus et responsables devant eux ;
o d’instaurer une réelle démocratie interne, par l’obligation de tenir les élections et le
renouvellement des instances, dans les délais prévus par les règlements intérieurs ;
o d’inciter les Assemblées générales et les Conseils d’administration à adopter des Chartes
de bonne conduite, avec des dispositions claires explicitant les conflits d’intérêts
potentiels et les moyens de les prévenir, notamment grâce à des indicateurs précis et
vérifiables par des tiers indépendants.
Dans un second temps, le Conseil appelle à revoir la situation des trois mutuelles d’assurance (MAMDA,
MCMA et MATU) afin de clarifier leurs missions et de bien distinguer le service de l’assurance privée de
celui qui est fourni par une entité mutualiste dont l’éthique et les principes diffèrent de la première.
Dans ce même esprit, les coopératives de production et de services peuvent être encouragées à
développer, créer et gérer, pour leurs membres, des activités mutualistes sur un large champ d’activités
possible.
Aussi, le développement du secteur associatif sera en convergence avec les politiques sectorielles de l’Etat,
notamment en matière d’emploi et de protection sociale. Ceci pousse vers une professionnalisation du
secteur associatif et la mise en place d’un système de couverture sociale pour ses adhérents.
La reconnaissance de l’utilité sociale et du rôle économique des associations permettrait à ces dernières
d’avoir plus de crédibilité pour pouvoir conclure des contrats avec différentes composantes de l’économie
et ainsi améliorer leur action et leur impact. Ces contrats contribueraient à améliorer l’accès au
financement et aux services qui permettraient d’améliorer la gestion et la professionnalisation des
associations.
Cette reconnaissance montrerait aussi l’engagement de l’Etat à soutenir l’action associative d’utilité
sociale, ce qui permettrait de réserver des financements dont pourraient bénéficier les associations. De
plus, ces dernières pourraient bénéficier des avantages fiscaux et d’incitations fiscales adaptées à leurs
besoins. Cela devrait inviter l’Etat à élaborer un système clair d’appel à projet visant les associations.
La reconnaissance du rôle économique et de l’utilité sociale des associations passe, selon le CESE, par :
Aussi, cette classification devrait prendre en compte des indicateurs de performances des associations afin
de faciliter le ciblage et l’orientation de ces dernières.
Il a été souvent souligné lors des débats que le Maroc fait face à des défis pressants au niveau de
l’inclusion sociale ainsi que territoriale. Le pays connait, désormais, un faible taux d’activité de la
population, le caractère informel qui domine une grande partie des relations de travail et la précarité qui
en découle (faibles salaires, absence de contrats de travail et manque de protection sociale…) ainsi que la
grande disparité entre le milieu urbain et le milieu rural, sont des facteurs qui ne favorisent pas
l’amélioration des conditions de vie d’une grande partie de la population. Le Maroc est ainsi classé
127ème sur 187 pays au niveau de l’IDH.
Etant donné son caractère inclusif, l’ESSse veut le nouvel entrant capable, aux côtés du secteur public et
du secteur privé, d’injecter un nouveau souffle à la croissance économique en contribuant à lever une
grande partie des défis de l’inclusion.
Ce caractère « inclusif » de l’ESS qui confère à la croissance nationale une dimension multisectorielle et
qui inclue toutes les composantes du pays en offrant un accès équitable aux opportunités économiques.
Cette économie a prouvé qu’elle permet d’intégrer et contenir les groupes exclus, dans le processus
économique, participant ainsi à la cohésion sociale, et contribuant à la sécurité économique de toutes les
tranches de la population à leur autonomie.
Et afin de consolider son rôle dans la société, l’Economie Sociale et Solidaire a besoin d’être appuyée par
une politique publique adéquate. Un tel processus du développement de ce secteur économique demande
beaucoup de temps, ce qui signifie que la transformation du secteur ne peut se faire du jour au lendemain
et nécessite une politique de long-terme.
Cette politique doit s’inscrire dans le processus de régionalisation avancée et privilégier la perspective
territoriale en mobilisant tous les acteurs locaux et en les dotant d’outils de pilotage à savoir les
incubateurs et un système d’information efficace.
Les opportunités qu’offrent l’Economie Sociale et Solidaire ont été souvent citées lors des débats au sein
Conseil, pour souligner le rôle primordial que ce secteur porteur peut jouer dans le développement
inclusif du Maroc. Plusieurs recommandations du Conseil visent ainsi de faire de l’ESS un secteur
économique à part entière et créateur de valeur et de croissance inclusive, s’appuyant sur un système de
gouvernance national et régional qui pourra stimuler et accompagner le développement du secteur et sa
croissance, et en s’intégrant, à part entière, dans les politiques économiques et les grands chantiers du
pays.