BucoliquesGrecs LEGRAND PDF
BucoliquesGrecs LEGRAND PDF
BucoliquesGrecs LEGRAND PDF
BUCOLIQUES GRECS
THLOCRITP, MOSCHOS
BION
TRADUCTION NOUVELLE
E . CHAMBRY
AGRÉGÉ DE L'UNIVERSITÉ
PARIS
LIBRAIRIE GARNIER FRÈRES
6, RUE DES SAINTS-PÈRES, G
1931
OEUVRES DE THÉOCRITE
NOTICE
SUR THÉOCRITE
doute le reste de sa vie . Si l'on se borne à écarter le groupe des cinq pièces
Comment les oeuvres de Théocrite nous ont -elles éte généralement suspectées , il en reste vingt-cinq qu'on
transmisesR Il semble qu'à l'époque alexandrine il ait peut grouper ainsi : 10 pièces bucolίques Thyrsis (I),
couru dans le public , à côté d'éditions composées exclu- l'Aubade (III), les Pâtres (IV), Cheur~er ef berger (V), les
swement des oeuvres de Théocrite, des recueils ou des Chanteurs Damoitas et Daphnis (VI), les Thalysies (VII),
extraits de tous les poètes bucolίques , et des collections les Chanteu~ •s bucoliques (VIII et IX), les Moissonneurs
où figuraient des poètes de tous genres , des anthologies, (X) et le Cyclope (XI) ; puis 3 chansons amoureuses
où Théocrite avait sa place . C'est ce qui explique que dans le Mignon (XII), puis deux pièces de même titre, mais
nos manuscrits les poèmes de notre poète se trouvent de contenu différent l'Enjanf aimé (XXIX et XXX) ;
mêlés à d'autres qui ne sont certainement pas de sa ensuite 3 mimes dialogués : les Magiciennes ( II), Kynisca
main, par exemple à la célèbre o~rist~~s ou conversation (XIV), les Syracusaines (XV) ; 5 récits épiques ou légen-
amoureuse, et que l'ordre des pièces diffère d 'un manus- daires Hy1as (XIII), les Dioscures (XXII), Héraclès
crit à l'autre. Les manuscrits nous donnent comme étant enfant (XXIV), Héraclès fueur du lion (XXV), les Bae-
de Théocrite 30 idylles et 25 épigrammes . Ce tare d'idylles chanfes (XXVI) ; 2 hymnes, l'un en l'honneur d 'Hiéron
n'est pas de lui . Le mot signifie simplement rc petite (XVI), l 'autre , de Ptolémée (XVII), plus un fragment
pièce n et vient sans doute d'un grammairien , auteur de celui qui était consacré à Bérénice ; enfin l' Épithalame
d'une de ces anthologies dont nous parlions tout à l'heure . d'Hélène (XVIII) et une épître : la Quenouille (XXVIII) .
Il en est de même du mot « églogues u qui veut dire A ces 25 pièces il faut ajouter la Syrinx, rébus en vers qui
pίèces choisies » . Comme les pièces bucoliques domi- représente une syrinx, simple tour de force de versifi-
naient dans le recueil des oeuvres de Théocrite, les cateur .
mots idylle et églogue ont dû à cette circonstance le Les manuscrits attribuent aussi à Théocrite 22 épi-
sens de poémes pastoraux que les modernes leur ont grammes qui toutes se retrouvent dans l'Anthologie
donné . palatine sous le nom soit de Théocrite , soit de Léonidas de
Tarente. L'Anthologie palatine en offre en outre trois
nature et par la poésie pénétrante qu'il y porta, Théocrite Que ia nature prend dans les champs pacifiques A ;
fit de ces essais des chefs-d'oeuvre et les éleva à la dignité
d'un genre littéraire nouveau . il se distrait à siffler, à chanter, à jouer de la syrinx ; son
La plupart des idylles rustiques représentent une lutte métier l'imite à cultwer l'instinct artistique que le ciel
musicale entre deux bergers, un « boucoliasme » . Il en a mis en lui ; et il le développe d'a~~tant plus facilement
avait trouvé le modèle en Sicile et dans la Grande- que le climat lui fait la vie plus facile et plus belle, et
Grèce, où les bergers charmaient leurs loisirs en jouant qu'il appartient à une race n~re pour les arts .
de la syrinx et en se provoquant à des luttes poétiques La difficulté était de peindre ces bergers au naturel,
et musicales, dont l'usage s'est conservé jusqu'à nos ou du m oi .i s de les idéaliser dans la j~~ste mesure, sans
jours. La cinquiéme idylle nous offre un modèle de ces les rendre fades ni invraisemblables . C'est à quoi Théo-
tournois poétiques . Les héros en sont le chevrier Comatas cr~te a parfaitement réussi, parce que dans son enfance
et le berger Lacon . Après s'être vertement injuriés, ils et dans sa jeunesse il avait vécu parmi eux ou du moins
se provoquent à la lutte, et ils improvisent des chants les avait observés de près . Il les peint comme il les a
« amébées ~, c'est-à-dire alternés . Le premier récite un vus, les uns sauvages, agressifs, insultants, comme Lacon
couplet de deux vers, et le deuxiéme y répond par un et Comatas (V), avec des propos d'une crudité obscène ;
couplet d'égale longueur sur le même thème ou sur un les autres, jeunes, aimables et tendres, comme Daphnis
thème opposé, et les couplets se succèdent ici quinze et Damoitas (VI) . Parfois il oppose deux caractéres
fois de suite, jusqu'à ce que l'arbitre du tournoi arrête les contraires ; ainsi dans l'idylle IV le berger Battos, un
chanteurs, et décerne à l'un d'eux la palme et l'enje~~ de railleur impitoyable, cherche à piquer le débonnaire
la lutte . Quelquefois au contraire chacun des deux chan- Corydon, qui ne s'offense d'aucune moquerie et ne répond
teurs improvise un couplet unique, comme dans les aux mépris de son interlocuteur que par de bons offices
Thalys~es (VII) ou les Boucohastes (V) ou les Moisson- et de bonnes paroles . Rien de plus vrai, de mieux observé,
neurs (X) ; ou bien un chanteur seul se fait entendre, de plus finement rendu que ces deux caractères ; rien
comme dans l'idylle de Thyrsis (I) . Dans le Cyclope (XI) de plus naturel que leur conversation à bâtons rom-
le poète présente lui-même son personnage ; puis vient pus .
Les mêmes proportions d'idéal et de réalisme se (Déméter), et la voir sourire, les deux mains chargées
retrouvent dans la peinture de la nature au milieu de dé ~οιg snee zl'épis -et de pavots 1 » Comme Sous les grands
laquelle vivent ces bergers . L'artiste peint la nature artistes, Théocrite tire de son imagination des traits qui
suivant ses propres goûts ; il en écarte ce qui lui déplaît, complètent, élargissent, rehaussent un tableau et en
il y prend ce qui répond à ses préférences . Ce qui inté- agrandissent l'effet dans l'esprit du lecteur .
resse Théocrite, ce ne sont pas les aspects grandioses ou Grand peintre de la vie champêtre, Théocrite est aussi
terrifiants du ciel ou de la mer ; ce sont les splendeurs un grand peintre de l'amour . Le recueil de ses oeuvres
d'un ciel lumineux et clément, le miroitement des flots nous offre trois chansons d'amour ; dans la première (XII)
paisibles de la mer, la fraîcheur des sources et des il chante les joies de l'amour satisfait ; dans la deuxième
ombrages, l'abondance des fruits et des moissons, . et la (XXIx) il se plaint de n'être pas payé de retour ; dans
douceur de vivre dans un beau site en chantant ses la dernière (XIX), il se reproche d'aimer encore quand
amours ou en festinant avec des amis . La tristesse du il a les cheveux gris . Toutes les trois le montrent épris
mauvais temps, la froidure de l'hiver, les travaux pénibles d'un jeune garçon . Si répugnante que soit pour nous
et épuisants, les misères de la pauvreté et les souffrances cette déviation de l'amour, ~l faut nous rappeler que les
et les maladies qui guettent l'homme à chaque pas sont Grecs la jugeaient naturelle, si nous voulons trouver du
des choses dont il détourne les yeux . Il n'a voulu voir charme aux joies et aux plaintes, d'ailleurs sincères,
que le beau cdté des choses ; mais ce qu'il a vu, il l'a qu'expriment ces chansons . Mais ce n'est pas là que se
peint avec bonheur . Il a su choisir les détails exacts, révèle le grand poète, c'est dans la peinture du véritable
frappants, pittoresques, et en composer des tableaux amour, celui que les deux sexes s'inspirent mutuellement .
délicieux, comme celui d'une belle journée d'automne Théocrite nous en a donné diverses images . Dans l'Au-
dans les Thalysies qui émerveillait Sainte-Beuve : « Là, bade ~IIh, c'est un berger qui supplie l'insensible Ama-
nous nous couchâmes sur des lits épais de lentisque ryllis de se montrer et qui menace de se laisser mourir .
odorant et de pampres fraîchement coupés, le coeur en Il est sincère au fond, mais nous touche peu, parce que
joie. Sur nos tëtes une foule d'arbres se balançaient en la miëvrerie et l'exagération nous empêchent d'ajouter
l'air, peupliers noirs et ormeaux, et près de nous l'eau foi à ses déclarations . Bien plus jolie est la chanson
sacrée découlait de l'antre des Nymphes en bruissant . d'amour de Boucaios (X) : « Muses Piérides, chantez
Sur les rameaux touffus, des cigales, brûlées de soleil, avec moi la svelte enfant ; car tout ce que vous touchez,
se fatiguaient à babiller, et au loin la reinette coassait déesses, vous le rendez beau . . . La chèvre cherche le
dans les ronciers épais . Les alouettes huppées et les cytise, le loup la chèvre, la grue la charrue ; et moi,
chardonnerets chantaient, la tourterelle soupirait, et les c'est à toi que va ma folie . » Tout est naïf et gracieux
fauves abeilles voltigeaieńt autour des sources . Tout dans cette chanson . Mais c'est dans le Cyclope (XI),
respirait un été bien gras, tout respirait l'automne . A Kynisca (XIV) et surtout dans les Magiciennes qu'il
nos pieds les poires , à nos côtés les pommes roulaient à faut chercher la passion telle que la concevait Théocrite .
foison, et les branches surchargées de prunes versaient L'amour est pour lui un désir fatal, irrésistible, qui saisit
jusqu'à terre . Cependant du col des jarres on détachait l'être tout entier. Les modernes ont paré ce désir de tout
un enduit de quatre ans . » Puis pour couronner la des- ce que l'humanité a rêvé de noble et de généreux ; mais
cription, ce trait final « Puissé-je encore planter un tous ces beaux sentiments ne sont pas l'amour ; il reste
grand van dans le monceau de grains de la déesse en son fond ce que la nature a voulu qu'il soit, un désir
personnages accessoires y out eux-mêmes leur caractère, endroit . L'épopée antique représentait des héros plus
et leur intervention jette dans la pièce une variété plai- grands que nature et des exploits qui tenaient du pro-
sante . Telle est, pour me borner à un exemple, la réponse dige . Théocrite, comme Callimaque, Ste aux héros leur
de la vieille à qui Gorgo demande si l'on peut entrer dans grandeur surhumaine et les rend très voisins de nous ;
au lieu de laisser à leurs exploits leur caractère merveil-
le palais : « A force d'essayer, dit-elle, les Achéens entrè-
rent dans Troie, ma toute belle ; en essayant on vient à leux, ~l les explique et les rapproche des prouesses à la
bout de tout . » Sur quoi Gorgo fait cette réflexion portée de simples mortels . A la grandeur il substitue la
C'est un oracle que la vieille nous a rendu en s'en grâce et l'esprit . De plus, sans respect pour la d~st~nct~on
allant . » L'esprit, on le voit, ne manquait pas à Théocrite ; des genres, il traite l'épopée à la maniére d'une élégie,
mais c'est un esprit de vrai poète comique, qui ne consiste comme il a fait dans la gracieuse piéce d'Hylas enlevé
par les Nymphes, ou à la façon du mime, comme il a
pas dans une saillie imprévue de l'auteur, mais qui repose
fait dans les Dioscures et dans les deux Héracl~s. ~ y
sur l'observation des caractères . Car Théocrite sait sortir
mêle même la poésie bucolique dans le début. des .D~os-
de lui-même et vivre la vie de ses personnages . Ils sont
cures . La piéce, ainsi variée, n'en est que plus intéres-
si naïfs, si simples qu'on croirait avoir affaire à la nature
elle-même. sante . Au tableau grandiose de la tempête maStrisée par
Pourquoi un auteur si bien doué n'a-t-~l pas écrit des les Dioscures, à la description charmante de la source
qu'ils rencontrent dans la forêt, succède un entretien
comédies à la manière de Ménandre et de Philémon?
entre Pollux et Amycos, roi des Bébryces, qui est un
C'est qu'il savait mesurer ses forces et qu'il suivait
véritable mime, où la brutalité insultante du roi fait
instinctivement les tendances de la littérature contem-
contraste avec l'~ron~que courtoisie du demi-dieu . Puis
poraine . Les grands genres étant épuisés, les Alexandrins
vient le combat, traité comme le compte rendu d'une
cherchèrent la nouveauté dans les raflïnements de la
lutte de boxeurs célèbres . La deuxième partie, la lutte
forme, et aboutirent à un art savant dont la perfection de Castor et de Lyncée, sans être aussi originale, est
ne pouvait être réalisée que dans des compositions de
encore fort intéressante.
médiocre étendue. C'est ainsi que des genres nouveaux,
Rien de plus suave que le début d'Héraclès enfant
l'élégie amoureuse, la poésie bucolique, le mime, l'hymne
la tendresse d'Alcmène endormant ses deux enfants y
officiel, l'épigramme, toutes oeuvres de dimensions res-
est exprimée avec une grâce exquise . ~ Dormez, mes
treintes, prennent la place des genres anciens . Voilà
pourquoi Théocrite n'écrivit que des mimes et non des petits, d'un doux sommeil qu'un doux réveil suivra ;
dormez, mes âmes, mes bessons, enfants pleins de santé .
comédies . C'est pour la même raison qu'il composa, non Heureux, endormez-vous ; heureux, revoyez l'aurore . »
pas des épopées, mais des récits épiques d'une courte
Quelle grôce naturelle aussi dans le réveil d'Alcmène 1
étendue . On peut croire que dans la polémique qui s'en-
Lève-toi, Amphitryon ; car pour moi, la peur me para-
gagea entre Callimaque et Apollonios de Rhodes, il fut
lyse . Lève-toi, sans attacher tes sandales à tes pieds.
du côté de Callimaque qui proscrivait le u long poème
N'entends-tu pas le plus jeune des enfants, comme il
continu ». Lui n'a fait que des épopées en miniature ou crie? Ne vois-tu pas . . . que les murs sont illuminés? . . .
des épopées fragmentées . Il nous a .laissé .dans ce genre Il y a pour moi quelque chose d'extraordinaire dans la
cinq poèmes Hylas, les Dioscures, Héraclès enfant,
maison, il y a quelque chose, cher époux . » C'est un joli
Héraclès fueur du lion et les Bacchantes. Ces poèmes
tableau que celui de la maison qui s'éveille à l'appel
ressemblent encore à ceux de Callimaque par un autre
THYRSIS
jumeaux. La fille de Memnon, Erithakis, la brune, me Non, à Argon : il me les a donné à paître .
la demande ; je la lui donnerai, puisque tu fais la coquette
avec moi. BATTOS
Voilà mon oeil droit qui tressaille . Vagis-je donc la voir, Et tu les trais bien un peu toutes en cachette le soir?
elle? Je vais chanter, appuyé ici contre ce pin . Peut-être
me regardera-t-elle ; car, après tout, elle n'est pas d'acier . CORYDON
Lorsqu'Hippoménès * 1 voulut épouser la jeune fille, il
fournit la course avec des pommes dans ses mains . Atalante Non ; c'est le vieux 4s qui met les veaux sous les mères,
les vit, perdit l'esprit et s'abandonna à un profond amour . et il me surveille .
Le devin Mélampos 48 mena le troupeau de boeufs de BATTOS
l'Othrys à Pylos, et elle se coucha dans les bras de Bias, Mais lui, le vacher, on ne le voit plus . En quel endroit
la charmante mère de la prudente Alphésibée . s'en est-il allé?
Et Adonis, qui paissait ses moutons dans les montagnes, CORYDON
n'inspira-t-il pas à la belle Cythérée une passion si fu-
rieuse que même mort elle le gardait encore sur son sein? Ne l'as-tu pas entendu dire? Milon 4s l'a emmené avec
Il est, selon moi, digne d'envie celui qui dort d'un lui sur les bords de l'Alphée " .
sommeil sans réveil, Endymion'a . J'envie aussi, femme
chérie, le sort de Jasion qui obtint des faveurs que vous BATTOS
ne connaîtrez pas, profanes . Et quand cet homme-là a-t-il vu de ses yeux l'huile
La tête me fait mal ; mais toi, tu n'en as cure . Je ne de la palestre?
chante plus . Je vais me laisser tomber et rester là couché, CORYDON
et les loups viendront m'y dévorer . Puisse ma mort être
pour toi comme un doux miel qui descendrait dans ton On dit que, pour la force et la vigueur, il est capable
gosier 1 de lutter avec Héraciès .
CORYDON
CORYDON LACON
Oui, oui, je la tiens entre mes ongles . La voici Vite, écartez-vous de la fontaine ; ici, agneaux. Ne
même . voyez-vous pas celui qui l'autre jour a volé ma syrinx,
BATTOS ce Comatas?
Quelle petite blessure pour dompter un homme de COMATAS
ma taille 1
CORYDON Quelle syrinx? As-tu jamais, esclave de Sïbyrtas, pos-
sédé une syrinx? Ne te suffit-il plus de siffloter avec
Quand tu viens à la montagne, ne marche pas pieds Corydon dans un pipeau de paille?
nus, Battos, car dans la montagne les nerpruns et les
genêts épineux foisonnent . LACON
BATTOS Celle que Lycon m'a donnée, homme libre . Mais toi,
Dis-moi, Corydon, le petit vieux serre-t-il toujours de quelle peau de chèvre Lacon t'a-t-il jamais dérobée? dfs,
près cette mignonne aux yeux noirs dont il était féru Comatas . Eumaras, ton maître, n'en avait pas même une
jadis? pour s'y coucher.
CORYDON COMATAS
Toujours, mon pauvre ami, et rt~oi-même l'autre jour Celle que Crokylos m'a donnée, la peau tachetée, quand
je suis tombé sur eux et l'ai surpris près de l'étable au il sacrifia la chévre aux Nymphes . Mais toi, mauvais
moment même où il était à l'oeuvre . coeur, tu séchais d'envie, et maintenant tu as fini par
me mettre tout nu .
BA*TOS
LACON
Hon, paillard d'homme l Il est d'une race à lutter
avec les jeunes Satyres et les Pans aux vila~~~es pattes . Nοη, j'en jure par Pan lui-même, dieu des rivages,
non, ce n'est pas Lacon, fils de CalaYthis, qui t'a dépouillé ici sous l'olivier sauvage, à l'ombre de ces bosquets .
de ta casaque . S~ je mens, l'ami, que je devienne fou Une eau fraîche s'y épanche ; le gazon y a poussé ; voici
fumeux et me lance du haut de ce rocher-là dans le un lit d'herbe ; et les sauterelles babillent par ici .
Crathis " 1
COMATAS
COMATAS
Je ne suis aucunement pressé ; mais je suis révolté que
Non, mon bon, j'en jure par ces Nymphes des
tu oses me regarder les yeux dans les yeux, toi que j'ai
étangs (puissent-elles m'être propices et bienveillantes 1)
instruit tout enfant . Voilà o~~ aboutissent les bienfaits .
non, Comatas n'a pas volé sournoisement ta syrinx . Nourrissez donc des louveteaux, nourrissez des chiens,
LAGON
pour qu'ils vous dévorent .
Un jour un pourceau provoqua Athéna 84. Tiens, je Quand je te perçais les fesses et que tu geignais, tandis
mets le chevreau. Mais de ton cdté mets contre mon che- que ces chèvres-ci bêlaient et que le bouc les enfourchait .
vreau un agneau bien nourri .
LAGON
LAGON
Puisses-tu n'être pas enterré plus profondément que
Et comment, vieux renard, y aura-t-~l égalité entre tu ne m'as percé, bossu 1 Mais viens donc, viens ici, et tu
nos enjeux . Qui tondit jamais des poils au lieu de laine, chanteras pour la dernière fois.
et qui, ayant sous la main une chèvre mère pour la pre-
mière fois, préféra traire une mauvaise chienne? COMATAS
LAGON LAGON
Ne sois pas si pressé. Tu n'as pas le feu à tes trousses . Si tu viens ici, tu fouleras des peaux d'agneau et des
Tu seras plus à l'aise pour chanter, si tu viens t'asseoir toisons de laine plus moelleuses que le sommeil, tandis
Je vais donner tout de suite à la jeune-fille une colombe Je hais les renards à queue velue qui rôdent toujours
que je prendrai, dans le genévrier ; car c'est là qu'elle le soir et grappillent dans les vignes de Micon .
se pose .
LACON LACON
Et moi je donnerai de ma main à Cratidas une toison Et moi, je hais les scarabées qui rongent les figues de
moelleuse, pour qu'il s'en fasse un manteau, quand je Philondas, et puis s'envolent emportés par le vent .
tondrai la brebis noire .
COMATAS
COMATAS
Ne te souviens-tu pas du jour oil je t'enclouai et où
Pstt l écartez-vous de l'olivier sauvage, mes chèvres . les dents serrées tu remuais les hanches de la belle façon,
Venez brouter par ici au penchant de ce coteau, parmi cramponné au chêne que voilà .
les tamaris .
LACON
LACON
De cela, non, je ne me souviens pas ; mais qu 'Eumaras
Voulez-vous bien laisser le chêne, toi, Conaros, et toi, te garrotta là o~1 tu es et t'étrilla selon les règles , cela je
Ky~iaitha. Venez pâturer par ici, au levant, 0~1 est Pha- le sais .
laros 89 . COMATAS
COMATAS
Il y a quelqu'un qui est piqué, Morson . Ne t'en es-tu
J'ai une terrine de cyprès, j'ai un caractère, ouvrage de pas aperçu? Va tout de suite arracher des scilles 70 au
Praxitèle sa : je les garde à ma mignonne . tombeau d'une vieille femme .
LACON MORSON
Moi aussi, Morson, j'agace quelqu'un et tu t'en aper- J'ordonne au berger de s'arrêter . Quant à toi, Comatas,
çois. Va donc déterrer le eyclame sur les bords .- de Morson t'adjuge l'agneau . Et quand tu l'auras sacrifié
l'Halès 71. aux nymphes, envoie aussit8t à Morson un beau mor-
CgMATAS ceau de sa chair .
Que l'Himéra'a laisse couler du lait au lieu d'eau, et COMATAS
toi, Crathis, empourpre-toi de vin, et que tes berles
portent des fruits? Oui, par Pan, je te l'enverrai . Gambadez à présent,
tout le troupeau de mes jeunes boucs . Et moi, voyez de
LACON
quel large rire je vais m'égayer aux dépens du berger
Que la Sybaritis '$ roule pour moi du miel, et que la Lacon, parce que j'ai enfin gagné l'agneau vous me
jeune fille y puise le matin dans sa cruche du miel au verrez bondir jusqu'au ciel . Ayez bon espoir, mes chèvres
lieu d'eau . cornues ; demain je vous baignerai toutes dans l'étang
COMATAS de Sybaris . Mais toi, le Blanchet, qui donnes s~ volon-
tiers de la corne, je te rossera, si tu montes sur une de
Mes chèvres broutent le cytise et l'aigile, elles
unes chèvres, avant que j'aie sacrifié l'agneau aux
foulent le lentisque, et se couchent sous les arbousiers .
Nymphes . Le voilà qui recommence . Mais je veux, si
je ne te roue pas de coups, devenir Mélanthios " au
LACON
lieu de Gomatas .
Pour mes brebis la mélisse offre une pâture abon-
dante, et le ciste, pareil à la rose, fleurit pour elles à
profusion .
COMATAS
LACON
Et moi, j'aime chérement Eumède ; car, quand je lui
ai offert la syrinx, il m'a donné un fort joli baiser .
COMATA3
DAMOITAS
car je suis enflammé pour lui d'un ardent amour . Et les mon tour « C~~er Lykidas, à moi aussi, tandis que je
alcyons 96 calmeront les vagues de la mer et le Notos et paissais mes boeufs sur les montagnes, les Nymphes ont
l'Euros qui remue les algues les plus profondes, - les enseigné beaucoup de belles chansons que la renommée
alcyons chers aux glauques Néréίdes entre tous les a peut-être portées jusqu'au trône même de 2eus ; mais
oiseaux qui cherchent leur proie dans l'eau salée . Puisse en voici une bien supé~ •i eure à toutes dont je veux d'abord
Agéanax qui tente la traversée de Mytilène trouver tout te faire hongeur . Écoute donc, puisq~~e tu es l'ami des
muses .
favorable à ses desseins et entrer dans le port après une
heureuse traversées SIMICHIDAS
Alors moi, ce jour-là, portant sur la tête une couronne
d'aneth, ou de roses , ou de giroflées blanches, je puiserai Les Amours ont éternué 104 pour Simichidas, et le
au cratère le vin ptéléatique 97, étendu près du feu, où pauvret aime Myrto autant que les chèvres aiment le
l'on fera griller la fève . Le lit de feuillage, épais d'une printemps . Mais Aratos 105, l'ami de tout pont le plus
coudée, sera fait d'un amas de conyze, d'asphodèle et cher à Simichidas, a dans le coeur unie passion pour un
d'ache frisée ; et, pensant à Agéanax, je boirai, tout à jeune garçon . Aristis 1θ8 le sait, Aristis, cet homme
mon aise, à même la coupe, et je la presserai de mes excellent, ce poète sans rival que Phébus Iui-même
lèvres jusqu'à la lie . Deux bergers me joueront de la admettrait volontiers à chanter avec la phorminx auprès
flûte, l'un d'Acharnes 98 , l'autre de Lycopé °°, et tout de ses trépieds ; il sait qu'Aratos brûle d'amour pour
près de moi Tityre zoo chantera comment jadis le bouvier un jeune garçon jusque dans la moelle de ses os . O Pan,
Daphnis s'éprit de Xénéa, comment tout alentour les toi qui as eu en partage la riante plaine d'Homolé i07,
montagnes furent en peine de lui, comment les chênes fais que l'enfant vienne sans être appelé dans les bras
qui poussent sur les bords du fleuve Himéras ~o~ le d'Aratos, que ce soit le délicat Philinos ou quelque autre .
pleurèrent, lorsqu'il fondait comme fond la neige au pied Et si tu fais cela, Pan chéri, puissent les enfants arcadiens
du grand Haemos 10 a, ou de l'Athos, ou du Rhodope, ou ne pas te fustiger avec des scilles sous les flancs et les
du Caucase aux confins de la terre . Il chantera aussi épaules quand leurs portions de viande sont trop
comment jadis un large coffre reçut vivant le chevrier, petites 1°3 1 Si tu refuses, puisses-tu, piqué par tout le
victime de la cruelle folie de son maître ~03~ et comment corps, te gratter avec tes ongles et dormir sur des orties 1
les abeilles camuses venant de la prairie dans le cèdre puisses-tu être dans les montagnes des Édones 1 θΘ au
odorant le nourrirent du suc des tendres fleurs, parce coeur de l'hiver, tournant tes pas vers les bords de
que la Muse lui avait versé dans la bouche un doux l'Hèbre 110, tout près de l'Ourse, et en été paître tes trou-
nectar . O bienheureux Comatas, c'est toi qui subis cet peaux chez les Éthiopiens, à l'extrémité : du monde, sous
agréable supplice, c'est toi qui fus enfermé dans le coffre, le rocher des Blémyes 111, d'où l'on ne voit plus le Nil I
c'est toi qui, nourri du miel des abeilles, souffris toute Et vous, quittant les sources charmantes d'Hyétis sis
la saison d'été . Que n'es-tu de nos jours au nombre et de Byblis, et l'Oicous 1 13 , séjour élevé de la blonde
des vivants? Je ferais paître tes belles chèvres sur la Dioné 1 1 4, 8 Amours, qui ressemblez à des pommes ver-
montagne, en écoutant ta voix, et toi, couché sous les meilles, frappez-moi de vfls flèches le séduisant Philinos,
chênes . ou sous les pins, tu chanterais mélodieusement, frappez, puisque le mauvais garçon n'a pas pitié de
divin - Comatas . mon hôte. Et pourtant il est plus mûr qu'une ppire et
Ayant ainsi chanté, il s'arrêta . Aprés lui, je dis à les fémmes disent « Eh 1 eh 1 Philinos, la fleur de ta
claire chanta le premier, et Daphnis reprenait alterna- Que m'importe de posséder la terre de Pélops et l'or
tivemettt le chant bucolique . Voici comment Ménalcas de Crésus? Que m'importe de courir plus vite que les
débuta le premier : vents? Mais, sous ce rocher, je chanterai, te pressant
MÉNALCAS dans mes bras, et regardant mes brebis rassemblées dans
la pâture et la mer de Sicile .
Vallons et rivières, race divine, si jamais Ménalcas,
le jo~~eur de syrinx fit e~~tendre quelque chanson agréable, Il manque ici une strophe de Daphnis et une de Ménalcas .
THΓOCRITE 59
et au lait et des glands secs en hiver, et je ne pense pas
plus au froid qu'un homme édenté aux noix, en présence
d'un pain mollet.
IDYLLE IX'-'' J'applaudis les chanteurs, et leur donnai aussit~t un
cadeau, à Daphnis une houlette, pousse naturelle qu'avait
nourrie le champ de mon père et à . laquelle, je crois,
Les Boucoliastes aucun ouvrier n'aurait trouvé à dire ; et à l'autre, une
belle conque de triton que j'avais épée et prise dans les
rochers d'Hyccara 126, et dont j'avais mangé la chair,
Dis-nous un chant pastoral, Daphnίs, et commence à après l'avoir coupée en cinq pour cinq que nous étions .
chanter le premier. Commence à chanter, et que ~iénalcas Et lui se mit à souffler bruyamment dans la conque .
chante après toi . Mais auparavant mettez les veaux sous Muses bucoliques, salut. Publiez le chant que moi-
le~~rs mères et approchez les taureaux des vaches qui même je chantai devant ces bergers, [pour qu'un bouton
n'ont pas encore porté, et qu'ils paissent avec elles, ne pousse pas au bout de ma langue] 1 E7 .
errant dans la feuillée, sans s'écarter . Dis-moi de ta La cigale est chère à la cigale, la fourmi à la fourmi,
place un chant pastoral ; Ménalque répondra de la sienne . les éperviers aux éperviers, et à moi la Muse et le chant .
Que toute ma demeure en soit pleine ; car ni le sommeil
ni le printemps qui revient soudain ne sont plus doux,
DAPHNIS
~~i les fleurs aux abeilles c'est ainsi que j'aime les
Douce est la voix de la génisse et douce aussi celle Muses . Ceux qu'elles regardent d'un oeil joyeux, ceux-là,
de la vache ; doux est le chant de la syrinx et celui du le breuvage de Gircé ne saurait leur nuire .
bouvier, doux aussi est le mien . J'ai près d'une onde
fraîche une couche où s'amoncellent les belles peaux de
mes blanches génisses qui, toutes, ont été précipitées
par le vent d'Afrique d'une roche élevée où elles brou-
taient l'arbousier, et je me soucie de l'été brûlant autant
qu'un amoureux des remontrances de son père et de sa
mère .
C'est ainsi que Daphnis chanta pour moi, et voici
comment chanta Ménalcas .
MÉNALCAS
MILON
Les travailleurs des champs Aussi, même devant ma porte, depuis les semailles,
ou les moissonneurs tout reste à sarcler ~si
MILON
maigriots, brûlée du soleil ; moi seul, dorée comme le s'inquiète pas de qui lui verse à boire : la boisson ne lui
miel . manque pas .
La vïolette aussi est noire, ainsi que l'hyaçinthe avec Tu ferais mieux, avare intendant, de faire cuire des
son inscription 135 ; et cependant, pour les guirlandes, ce lentilles ; ne te coupe pas les doigts à fendre ton cumin 139 •
sont les premières que l'on çhoisit . Voilà les chants qui conviennent à des gens qui tra-
La chèvre cherche le cytise, le loup la chèvre, la grue vaillent au soleil ; mais pour ton famélique amour, Bou-
la charrue, et moi, c'est à toi que va ma folie . caios, c'est un conte bon à faire à ta mère, le matin,
Ah 1 si j'avais tous les trésors que Crésus, dit-on, a quand elle s'éveille dans son lit .
possédés jadis, nous aurions tous les deux nos statues
d'or consacrées à Aphrodite .
Tu tiendrais, toi, tes flûtes ou une rose ou une pomme,
et moi, j'aurais un bel habit et des souliers neufs d'Amy-
clées 1 36 aux pieds.
Gracieuse Bombyca, tes pies sont des osselets, ta
voix, tendre comme la eoquerelle ; quant à ton air, je
ne saurais le dire .
ΜΙLΟΝ
Mais au temps où les Pléiades "'z se lèvent, quand fois il cria Hylas 1 de toutes les forces de son gosier
l'agneau nouveau paît à part à l'extrémité du pâturage profond, et trois foίs l'enfant l'entendit ; mais sa voix
et que le printemps tourne à sa fin, la fleur divine des arrwa faible du fond de l'eau, et, bien q~~'il fùt tout près,
héros songea à mettre à la vole ; ils prirent place dans il semblait être loin. Tel qu'un lion chevelu, un lion
les flancs d'Argo, et, poussés pendant trois jours par le ,carnassier, qui a perçu de loin la voix d'un faon dans les
souffle du Notos, ils parvinrent à l'Hellespont ; puis ils montagnes, accourt de son repaire vers ce festin tout prêt,
firent escale à l'intérieur de la Propontide, à l'endroit tel Héraclès, poussé par le désir de l'enfant, bondissait
où les boeufs des Cianes 183 usent la charrue à tracer de pans des épines impraticables et sillonnait une vaste
larges sillons . Descendus sur le rivage, ils préparèrent ëtendue de pays .
banc par banc le repas dú soir, mais ils se mirent à plu- Malheureux ceux qui aiment 1 Quelles fatigues il endura
sieurs pour étaler par terre une couche commune . Devant dans sa course errante à travers les monts et les bois 1
eux s 'étendait, riche ressource pour les lits de verdure, ,iason et son entreprise passaient au second rang. Le
une prairie où ils coupèrent l'amer butome et le souchet vaisseau, tous ses agrès dressés en l'air, s'était rempli
touffu . des héros présents ; mais les demi-dieux descendirent de
Et le blond Hylas s'en fut chercher de l'eau pour le ~ouveau les voiles pour attendre Héraclès . Mais lui
repas du soir d'Hercule lui-même et de l'intrépide Téla- allait où ses pieds le portaient, en proie au délire ; car
mon 18 4 , couple d'amis qui mangeaient toujours à la ~n dieu cruel lui déchirait le foie . C'est ainsi que le bel
même table ; il emportait un vase d'airain . Bientôt il Stylas est compté parmi les dieux . Quant à Héraclès,
avisa une source dans un creux de terrain ; tout autour les héros l'appelaient par dérision déserteur de vaisseau,
crossaient des joncs en abondance, et la chélidoine parce qu'il avait déserté Argo aux trente bancs de
bleuâtrq, et le vert adiante, et Tache drue, et le chien- rameurs . Gest à pied qu'il arriva en Colchide 188 et au
dent aux racines en spirales . Au milieu de l'eau, des Phase inhosp~taIier .
nymphes formaient un choeur de danse, des nymphes
qui ne connaissent pas le sommeil, divinités terribles
aux paysans, Euneika et Malis, et Nychéa qui a le
printemps dans les yeux . Gependant Hylas approchait
de l'eau sa cruche au large ventre, pressé de l'y plonger .
Toutes alors s'attachèrent à sa main ; car toutes avaient
senti leur tendre coeur emporté par l'amour vers l'en-
fant d'Argos. II tomba dans l'eau noire tout d'un
coup, comme un astre en feu tombe tout d'un coup du
ciel dans la mer, sur quoi un matelot dit à ses cama-
rades : rc Allégez les agrès : c'est un grain qui se prépare . u
Les nymphes tenant sur leurs genoux l'adolescent éploré,
le réconfortaient par de douces paroles .
Cependant le fils d'Amphitryon, inquiet de l'enfant,
partit, tenant son arc recourbé à la mode des Méotes ~~~~
et la massue qui ne quittait jamais sa main droite . Trois
THÉOCRITE 73
ESCHINE
GORGO
Ne parle pas ainsi, ma chère, de Dinon, ton mari,
en présence du petit. Vois, ma belle, comme il te regarde .
IDYLLE XV "~ Sois tranquille, Zopyrion, bébé chéri ; elle ne parle pas
de papa .
ΡΑΑΧΙΝΟΑ
Les Syracusaines ou les femmes Par la vénérable déesse 17 B, il comprend, cet enfant .
à la fête d'Adonis
GORGO
Il est beau, papa .
PRAXINOA
GORGO
Praxinoa est-elle chez elle R Ce papa, l'autre jour, - nous lui disons l'autre
jour 179 d'aller acheter du nitre et du fard à la bou-
PRAXINOA tique, -revient nous apportant du sel, le triple nigaud 1
Chère Gorgo, il y a un siècle qu'on ne t'a vue . Oui, GORGO
j'y suis . C'est miracle que tu sois enfin venue aujour-
C'est tout comme le mien, ce bourreau d'argent de
d'hui . Eunoa, vois à donner un siège à Madame . N'oublie
Diocleidas : Sept drachmes, voilà ce qu'il a payé hier
pas d'y mettre un coussin .
cinq toisons, des peaux de chien, des épluchures de
GORGO vieilles besaces, rien que de la crasse, besogne sur besogne .
Mais allons, prends ta robe et ton manteau à boucles,
C'est très bien ainsi .
et allons chez le roi, le riche Ptolémée, voir Adonis . J'ai
entendu dire que la reine préparait quelque chose de
PRAXINOA
Assieds-toi . magnifique.
PRAXINOA
GORGO
Chez les riches tout est riche .
Ah 1 folle que je suis 1 C'est à peine si vous me revoyez
vivante, Praxinoa . Quelle foule I que de quadriges 1 GORGO
Partout des bottes, partout des hommes en chlamyde 1 7 7 .
Ge qu'on a vu, on peut en parler ensuite à ceux qui
Et le chemin n'en finit pas 1 Tu habites vraiment trop
loin de moi . n'ont pas vu . Il serait temps de partir .
PRAXINOA PRAXINOA
C'est la faute à mon original . Il est venu chercher Pour les oisifs, c'est toujours fête . Ευηοα, prends
au bout du monde une tanière, non une maison, pour non ouvrage, et mets-le encore au milieu de la chambre,
nous empêcher d'être voisines, par esprit de contradic- fieffée nonchalante les chats aiment à dormir molle-
tion, le vilain jaloux, toujours le même . ment . Remue-toi donc . Apporte de l'eau un peu vite.
C'est de l'eau qu'il me faut d'abord, et c'est le savon tous tant q~~'ils étaient . Chère Gorgo, qu'allons-nous
qu'elle apporte . Donne toujours . Pas une montagne, devenir? Voilà les chevaux de parade du roi . Hé 1 l'ami,
gaspilleuse ? Verse l'eau . Malheureuse, as-tu besoin rie m'écrase pas . L'alezan se cabre tout droit ; vois comme
d'arroser ma tunique? Assez. Me voilà lavée comme il est fougueux 1 Effrontée d'Eunoa, ne te rangeras-tu
il a plu aux dieux. La clef du grand coffre, où est-elle? pas? Il va tuer son cavalier . C ' est une belle chance que
Apporte-la ici . le petit soit resté à la maison .
GORGO GORGO
Praxinoa, cette robe à plis te sied à merveille . Dis- Rassure-toi , Praxinoa : nous voilà derrière eux et ils
moi, à combien t'en est revenue l'étaffe? sont allés à leur place .
PRAXINOA PRAXINOA
Ne m'en parle pas, Gorgo , à plus de deux mines 18° Et moi, je commence à me remettre . Le cheval et le
d'argent fin, et je me suis tuée à la faire . froid serpent , voilà ce que je crains le plus depuis mon
enfance . Hâtons-nous : un flot de monde arrive sur nous .
GORGO
GORGO
Mais tu as réussi à souhait .
Tu viens de la cour, mère?
PRAXINOA
LΑ VIEILLE FEMME
Je ne dis pas non . Toi, apporte -moi mon manteau
Oui, mes enfants .
et mon chapeau ; drape le manteau comme il faut . Toi,
mon petit , je ne t'emmènerai pas. Mormo 18 1 1 le cheval GORGO
mord . Pleure tant que tu voudras, je ne tiens pas à ce C'est facile d'entrer`?
que tu te fasses estropier. Partons. Phrygia, prends le
petit et amuse -le . Fais rentrer le chien , ferme la porte L~ VIEILLE FEMME
de la cour. A force d'essayer les Achéens entrèrent dans Troie,
Dehors ma toute belle ; en essayant on vient à bout de tout .
PRAXINOA
GOR(ιο
O dieux, quelle foule 1 Comment et à quel moment
C'est un oracle que la vieille nous a rendu en s'en allant .
faut-il traverser cette cohue de malheur? Des fourmis
sans nombre et sans fin 1 Tu as fait beaucoup de belles PRAXINOA
choses , Ptolémée, depuis que ton père est au rang des
Les femmes savent tout, même comment Zeus épousa
deux. Il n'y a plus de malfaiteurs qui détroussent le
Héra .
passant en se faufilant à l'égyptienne, comme autrefois
GORGO
se plaisaient à le faire des coquins pétris de ruse, tous
gens de même acabit , mauvais drôles, figues sauvages 18z , Regarde, Praxinoa, quelle #oule autour des portes .
80 LES BUCOLIQUES GRECS THÉOCRITE 81
PRAXINOA est admirable, couché sur son lit d'argent, avec ce pre-
Prodigieuse . Gorgo, donne-moi la main, et toi, Eunoa mier duvet qui lui descend des tempes, cet Adonis ~6a,
amant trois fois aimé même aux bords de l'Achéron 1
prends celle d'Eutychis ; tiens-toi bien à elle, que tu ne
te perdes pas . Entrons toutes ensemble . Ne nous lâche UN AUTRE HOMME
pas d'une semelle, Ευηοα . Ah 1 malheur 1 voilà déjà Aurez-vous bient8t fini, malheureuses, votre intermi-
mon voile déchiré en deux, Gorgo . Au nom de Zeus, nable caquetage, tourterelles que vous êtes? Elles vont
brave homme, si tu veux que le ciel te protège, prends nous écorcher les oreilles avec leur bouche qui bâille à
garde à mon manteau. chaque syllabe 185
L'HOMME PRAXINOA
Cela ne dépend pas de moi ; néanmoins j'y pre~~drai Eh mais I d'oû sort-il, celui-là? Que t'importe, si
garde . nous caquetons . Achéte des esclaves, si tu veux donner
PRAXINOA des ordres . Prétends-tu commander à des Syracusaines?
Quelle presse t Ils se poussent comme des porcs. Car, pour que tu le saches, nous sommes Corinthiennes
d'origine, tout comme Bellérophon 1 8 6 . Nous parlons
L'HOMME
la langue du Péloponnèse . Les Doriens ont le droit, je
Courage, femme nous voilà en sûreté . pense, de parler dorien . Ne permets pas, déesse au miel 18' ,
qu'il nous vienne un maître, hormis un seul . Jé me moque
PRAXINOA de toi . Ne me râcle pas la mesure vide 188 .
Puisses-tu l'être ainsi, et cette année et toujours, cher
homme qui nous a protégés 1 Quel brave homme, et com CIORGO
patissant ! On écrase notre Ευηοα ; allons, poltronne, Silence, Praxinoa . La fille de l'Argienne va chanter
joue des coudes. Parfait 1 toutes dedans 188, comme dit Adonis, l'habile chanteuse qui déjà l'an passé a rem-
celui qui a enfermé la mariée . porté le prix de l'hymne funèbre . Je suis sûre qu'elle
va faire entendre quelque chose de beau . La voilà qui
Dans le palais
fait des grâces .
GORGO
LA CHANTEUSE
Praxinoa, avance ici . Regarde d'abord les broderies ;
comme elles sont fines et jolies 1 Tu avoueras que ce Souveraine qui chéris Golgoi 189 et Idalion et le haut
sont des oeuvres divines . Eryx 190, Aphrodίte qui te complais dans l'or, voici ton
ΡΑΑΧΙΝΟΑ Adonis 1 9 1 , tel que l'ont ramené aprés douze mois de l'inta-
rissable Achéron les Heures aux pieds délicats, les
Vénérable Athéna, quelles ouvrières les ont exécutées? Heures chéries, les plus lentes des divinités, mais dont
Quels peintres ont dessiné ces figures avec tant de la venue est désirée de tous les humains, parce qu'elles
vérité? Quel naturel dans leurs attitudes, quel naturel apportent toujours quelque présent . Cypris, fille de
dans leurs mouvements I Elles sont vivantes, et non Dioné, c'est toi, comme la renommée le publie, qui
brodées . L'hotnme est un être lien habile . Et lui, qu'il de mortelle as fait Bérénice 198 immortelle en versant
quelques gouttes d'ambroisie dans son sein de femme . ni Pyrrhus revenu de Troie, ni avant eux les Lapithes 198 ,
Pour te marquer sa reconnaissance, déesse aux nombreux ni les fils de Deucalion 197 , ni les Pélopides, ni les Pélages,
noms et aux temples nombreux, la fille de Bérénice, orgueil d'Argos .
belle comme Hélène, Arsinoé, pare Adonis de tout ce Sois-nous maintenant propice, cher Adonis, et garde-
qu'il y a de beau . Près de lui s'étalent tous les fruits nous ta faveur jusqu'à l'an prochain. Tu as été le bien-
de la saison que portent les arbres, près de lui sont des venu aujourd'hui, Adonis, tu seras le bienvenu quand
jardins ~ss délicats conservés dans des corbeilles d'argent, tu revendras .
et des vases d'or pleins de parfums de Syrie, et toutes Gοιιοο
les pâtisseries que les femmes apprêtent sur un plateau,
en mêlant des essences de fleurs de toute sorte à la blanche Praxinoa, c'est une habile chanteuse que cette femme .
farine, et toutes celles qu'elles composent avec le doux Heureuse de savoir tant de choses, bienheureuse d'avoir
miel ou l'huile onctueuse ; toutes sont ici près de lui, une voix si douce 1 Mais il est temps de rēntrer au logis .
en forme d'animaux qui volent ou qui marchent . Diocleίdas n'a pas dîné, et l'homme est tout vinaigre ;
Des berceaux de verdure sont formés de tendre aneth garde-toi de l'approcher quand il a faim . Sois heureux,
qui retombe 1 8 4 ; par dessus voltigent de jeunes Amours, Adonis bien aimé, et pusses-tu nous retrouver heure~~x
semblables à de jeunes rossignols qui essayent leurs ailes quand tu reviendras .
grandissantes sur un arbre en volant de branche en
branche . Voyez l'ébène, voyez l'or, voyez les aigles
d'ivoire éclatant qui portent à Zeus, fils de Cronos, son
jeune échanson . Dessus, des couvertures de pourpre
plus moelleuses que le sommeil . Et la Milésienne osa et
le berger de Samos peuvent dire : « C'est de chez nous
que viennent les couvertures du lit dressé pour le bel
Adonis .
Il y a un lit pour Cypris ; il y en a un pour Adonis
aux bras de rose, le jeune époux qui compte dix-huit
ou dix-neuf années. Son baiser ne pique pas, et un
duvet doré couvre encore ses lèvres . Aujourd'hui que
Cypris se réjouisse de posséder son amant . Dès l'aurore,
à l'heure de la rosée, nous irons en cortège le porter
hors de la ville dans les flots qui écument contre le
rivage, et, dénouant notre chevelure, et laissant flotter
nos robes sur nos talons, le sein découvert, nous enton-
nerons la complainte aiguë..
Seul, dit-on, parmi les demi-dieux, tu visites tour à
tour la terre et l'Achéron . Nul n'a eu cette fortune, n~
Agamemnon, ni Ajax, le grand héros aux lourdes colères,
ni I~ector, l'aîné des vingt fils d'Hécube, ni Patrocle,
THÉOCRITE 85
Ce sont les Muses qui dispensent aux hommes la bonne les vaches rentrant en longues troupes à l'étable fassent
renommée, tandis que les richesses des morts sont con- hâter le pas au voyageur attardé le soir ; qu'on laboure
sommées par les vivants . Mais il serait aussi difficile de les jachéres en vue des semailles, en la saison où la cigale,
compter sur le rivage tous les flots que le vent et la mer observant les bergers à l'heure de midi, chante au haut
azurée poussent vers la grève ou de laver avec de l'eau des arbres dans les branches ; que les araignées tendent
limpide une brique zoo couleur de boue que d'avoir raison leurs toiles légères sur les armes et que le nom même de
d'un homme atteint du mal de lésine . Grand bien lui la guerre soit aboli 1 Que les poètes élèvent jusqu'aux
fasse, à cet homme ; qu'il possède des richesses incal- nues la gloire d'Hiéron et la portent au delà de la mer
culables et qu'il désire toujours en avoir davantage ! de Scythie 518 et des vastes remparts cimentés par le
Pour moi, je préfère l'estime et l'affection des hommes bitume où régna Sémiramis 1 Je suis l'un d'eux ; mais il
à des bandes de mulets et de chevaux . en est beaucoup d'autres qui sont chers aux filles de
Mais je cherche un mortel chez qui je serai le bienvenu Zeus ; que tous aient à coeur de chanter Aréthuse ale la
avec mes Muses ; car les routes sont dures aux poètes sicilienne avec les peuples de cette fle et le vaillant
sans les filles de Zeus aux vastes pensées . Le ciel n'est Hiéron 1
pas encore las d'amener les mois et les années ; bien des O Charites, déesses d'Etéocle 517, vous qui aimez
fois les chevaux mouvront encore les roues du char de Orchomène la Minyenne, jadis haïe de Thèbes, si l'on
Phébus . Il sera un jour, cet homme qui aura besoin de ne m'appelle pas, je saurai rester chez moi ; mais si l'on
mes chants, après avoir accompli des exploits égaux à m'appelle, je me présenterai hardiment avec mes Muses,
ceux que firent le grand Achille ou le redoutable Ajax et je ne me séparerai pas de vous non plus ; car, sans les
dans la plaine du Simoïs, où s'élève le tombeau du Charites, est-il rien qui puisse plaire aux hommes?
phrygien Ilos 511 . Déjà les Phéniciens a15 qui habitent Puissé-je avoir toujours les Charites avec moi 1
sous le soleil couchant les confins extrêmes de la Libye
ont frissonné . Déjà les Syracusains tiennent leurs lances
par le milieu et chargent leurs bras de boucliers d'osier.
Parmi eux, Hiéron, égal aux héros d'autrefois, revêt
son ceinturon et la crinière d'un cheval ombrage son
cimier . Zeus, illustre père, et toi, vénérable Athéna, et
toi, jeune fille 513 , qui avec ta mère as reçu en partage la
grande ville des riches Ephyréens, près des eaux de Lysz-
méléia 214, faites qu'une dure .nécessité rejette les ennemis
loin de notre fle dans la mer de Sardaigne, et que les
restes faciles à compter de leurs innombrables bataillons
aillent annoncer aux enfants et aux femmes le sort de
ceux qu'ils aimaient . Que les anciens citoyens repe~~-
plent toutes les villes que les mains des ennemis ont
détruites de fond en comble ; qu'ils cultivent des cam-
pagnes florissantes ; que d'innombrables milliers de brebis
s'engraissent à la pâture et bêlent par la plaine, et que
ΤιΙ$UCRITE ό9
Immortels . Tous deux en effet ont pour ancêtre le vail-
lant Héraclide 22° , tous deux remontent au premier
auteur de la race, Héraclès . Aussi quand celui-ci, rassasié
de nectar parfumé, quitte la table pour se rendre à la
IDYLLE XVII ~'~ chambre de sa femme bien-aimée, il remet à l'un son
arc et le carquois suspendu à son bras, à l'autre sa massue
de fer bossuée de noeuds ; et tous deux portant ses armes
1~loge de Ptolémée
conduisent le fils barbu de Zeus dans la chambre par-
fumée d'ambroisie d'Hébé aux belles chevilles . De quel
éclat aussi brillait entre les femmes renommées pour leur
Commençons par Zeus et finissez par Zeus, Muses, sagesse l'illustre Bérénice 221, l'honneur de sa famille l
lorsque nous célébrons dans nos chants le plus grand Sur le seïn parfumé de cette princesse, la déesse qui
des Immortels ; mais parmi les hommes, c'est Ptolémée règne à Cypre, l'auguste fille de Dioné, avait passé ses
qu'il faut chanter au début, à la fin, au milieu de nos mains délicates . Aussi jamais femme, dit-on, ne plut à
vers ; car il est supérieur à tous. Les héros qui jadis son mari autant que Ptolémée aima son épouse, et
sont nés de demi-dieux ont trouvé des chantres habiles cependant il était aimé plus encore qu'il n'aimait . En
de leurs belles actions . Pour moi, qui sais l'art de bien ce cas un homme peut hardiment confier à ses enfa~~ts
dire, c'est Ptolémée que je veux chanter les hymnes sa maison tout entière, quand, plein d'amour, il se rend
font honneur aux Immortels eux-mêmes . au lit de celle qui l'aime . La femme qui n'aime pas n'a
Quand le bûcheron pénétra dans la riche forêt de l'Ida, en tête que des étrangers ; elle enfante facilement, mais
il cherche des yeux dans cette multitude d'arbres par ses enfants ne ressemblent pas à leur père. Vénérable
où il commencera son ouvrage, et moi, par où commen- Aphrodite, qui l'emportes en beauté sur toutes les
cerai-je, quand je vois devant moi les faveurs sans nombre déesses, c'est toi qui t'intéressais à cette princesse ; c'est
dont les dieux ont honoré le meilleur des rois ? grâce à toi que la belle Bérénice n'a pas traversé le
Quel génie il tenait de ses pères, ce Ptolémée 219 , fils i~laintif Achéron t~ l'enlevas avant qu'elle abordât la
de Lagos, pour mener à terme une grande entreprise, sombre barque et le nocher des morts à jamais odieux,
quand il s'était mis en tête un dessein qu'aucun autre et, la déposant dans un temple, tu l'admis à partager
homme n'eût été capable de concevoir 1 Le Père souve- tes honneurs . Favorable à tous les mortels, elle leur
rain l'a élevé aux honne~~rs dont jouissent les bienheu- inspire les tendres amours et rend légers les soucis des
reux Immortels, et un trône d'or lui a été élevé dans le amants .
palais de 7.eus . Près de lui siége son ami Alexandre, dieu Argienne s22 aux noirs sourcils, unie à Tydée, tu
redouté des Perses aux mitres barialées . En face se enfantas l'homicide Dίomède, le héros de Calydon ;
dresse le trône du tueur de centaures, Héraclès, fait du Thétis au corsage à longs plis, unie à Pélée, fils d'Eaque,
plus dur acier. C'est là qu'il goûte la joie des festins avec mit au monde Achille au javelot redoutable ; et toi,
les autres descendants d'Ouranos, le coeur débordant de belliqueux Ptolémée, tu dois le jour à l'illustre Bérénice,
joie à la vue des petits-enfants de ses petits-enfants, femme du belliqueux Ptolémée . Et Cos 222 te nourrit,
parce que le fils de Cronos a affranchi leurs corps de la tendre nouveau-né, t'ayant reçu de ta mère, quand tu
vieillesse et parce que les fils nés de son sang sont appelés vis ton premier matin ; car c'est là que la fille d'Anti-
gone 22 *, pressée parles douleurs de l'enfantement, invoqua son opulente maison 1 Ses peuples s'adonnent en sécurité
Ilithye 22~ qui délie les ceintures . Celle-ci l'assista avec aux travaux des champs ; car aucun ennemi, franchissant
bonté et versa sur tout son corps l'oubli de la douleur . le Nil peuplé de monstres, n'est jamais venu par terre
Alors naquit l'enfant chéri, semblable à son père . A sa pousser le cri de guerre dans des villages qui ne sont pas
vue, Cos poussa un cri de joie et dit en touchant le nou- à lui ; aucun n'a sauté d'un rapide navire sur le rivage,
veau-né de ses mains caressantes : Sois heureux, enfant, armé en guerre pour enlever traîtreusement les boeufs
et puisses-tu m'honorer autant que Phébus Apollon a des Égyptiens, tant est redoutable celui qui régné dans
honoré Délos à la ceinture azurée 1 puisses-tu tenir en ces vastes plaines, le blond Ptolémée, habile à brandir
même estime la coltine de Triops 22 8 et accorder aux la lance, qui met tous ses soins à garder intact l'héritage
Doriens mes voisins une égale faveur, tout comme le de ses péres, comme il sied à un bon roi, et qui sait lui-
roi Apollon a aimé Rhénée 227 I C'est ainsi que l'île parla, même l'augmenter 1
et du haut des nuées un grand aigle fit entendre son cri Mais l'or ne reste pas sans usage dans son riche
par trois fois, augure favorable . C'était sans doute un palais, comme les trésors que les fourmis accumulent sans
signe de Zeus . Zeus, fils de Cronos prend soin des rois cesse et sans repos . Il en fait une large part pour les
vénérables, et celui-là est privilégié entre tous qu'il a demeures des dieux, auxquels, entre autres présents, il
pris en amitié dés sa naissance . L'opulence est sa com- offre toujours les prémices . Il en a donné beaucoup aussi
pagne, il règne au loin sur les terres et sur les mers . aux rois vaillants, beaucoup aux villes, beaucoup à ses
Mille contrées et mille races d'hommes font croître fidèles amis . Jamais non plus un homme habile à entonner
des moissons fécondées par la pluie de Zeus . Mais aucun un chant harmonieux n'est venu αυx concours de Dionysos
pays n'en produit autant que la basse terre d'Égypte, sans obtenir de lui un présent digne de son talent . Aussi
quand le flot montant du Nil ameublit la glébe humide ; les interprètes des Muses célèbrent Ptolémée en recon-
aucune non plus ne possédé autant de villes peuplées naissance de ses bienfaits . Que peut-il y avoir de plus beau
de mortels industrieux . Trois centaines de villes y ont pour un homme fortuné que d'acquérir une belle renom-
été construites, plus trois milliers s'ajoutant à trois mée parmi les hommes? C'est le seul bien qui reste αυx
myriades, plus deux fois trois et enfin trois fois neuf 228, Atrides ; tous ces trésors sans nombre qu'ils acquirent
et toutes sont sous le sceptre unique du fier Ptolémée . en prenant le vaste palais de Priam sont enfouis quelque
Et il se taille encore une tranche de la Phénicie, de part dans les ténèbres d'où il n'y a pas de retour .
l'Arabie, de la Syrie, de la Libye et de la noire Éthiopie ; Seul parmi les hommes d'autrefois et seul parmi ceux
il commande à tous les Pamphyliens, aux piquiers dont les pieds laissent encore une chaude empreinte à
C~liciens, aux Lyciens, aux Cariens, amis de la guerre, la surface de la poussiére foulée, il a bâti à sa mère bien
et aux Cyclades ; car ses flottes sont les meilleures qυί aimée et à son père des temples où brûlent les parfums,
sillonnent les flots . Toute la mer et la terre, et les fleuves et il y a élevé d'admirables statues d'or et d'ivoire à ces
retentissants reconnaissent l'autorité de Ptolémée . Autour nouveaux dieux secourables à tous les mortels . Au
de lui se rassemblent d'innombrables cavaliers, d'innom- retour de chaque mois, sur leurs autels rougis, il brûle
brables fantassins armés du bouclier et bardés d'airain un grand nombre de grasses cuisses de boeufs, Iui et sa
étincelant . vaillante épouse, la meilleure femme qui ait jamais dans
Par sa richesse il pourrait écraser tous les rois, tant il un palais entouré de ses bras un jeune époux ; car elle le
en entre chaque jour de tous les points de la terre dans chérit de toute son âme comme son frére et son mari.
THÉOCRITE 99
LE COMPAGNON
voisin à portée ; mais jusqu'au pied même de la hutte Sur le soir, je m'étais endormi, fatigué de ma journée
qu'elle serrait de près, la mer poussait doucement ses flots . en mer. Je n'avais pas beaucoup mangé ; car nous
Le char de Séléné n'avait pas encore achevé la moitié avions dîné de bonne heure, et, si tu t'en souviens, nous
de sa course que le travail coutumier éveilla les pécheurs ; avions ménagé notre estomac. Je me vis campé sur un
ils chassèrent le sommeil de leurs paupiéres, et leurs rocher ; j'étais assis, je guettais les poissons et avec ma
pensées les excitèrent à parler . ligne je lançais dans l'eau l'appât trompeur . Un gros
poisson s'élança dessus ; car dans les songes tout chien
ASPHALION
flaire un pain, moi, le poisson . Et lui était accroché à
Ils se trompent, ami, tous ceux qui disent que les tnon hameçon, et son sang coulait et ses soubresauts
nuits diminuent en été, quand Zeus apporte les longs faisaient plier ma canne . Les deux mains tendues, le
jours . J'ai déjà eu des milliers de songes, et l'aurore n~ dos courbé, j'avais une grosse lutte à soutenir : comment
paraît pas encore . Me trompé-je? Qu'y a-t-il? Les nuits prendre non poisson avec un faible bout de fer? Au
sont attardées . bout de quelque temps je le fis souvenir de sa blessure,
Me réjouir 1 et comment, quand je vois des hommes Il faut lever les mains pour lutter seul à seul et face
que je n'ai jamais vus? à face .
de sa main gauche la gauche de Pollux, en se penchant présents vous avez volé notre mariage . Et pourtant que
obliquement hors de la ligne de garde, et, attaquant de de fois ne vous ai-je pas dit moi-même en face à tous
l'autre cité, il lança de son flanc droit son énorme poing . les deux, bien que je sois un homme sobre de paroles :
S'il avait réussi, il aurait mis à mal le roi d'Amyclées 249 ; « Amis, il ne convient pas à des princes de rechercher
mais celui-ci esquiva le coup en baissant la tête, et de sa ai~~si des filles qui ont déjà leurs époux tout prêts . Sparte
forte main lui porta sous la tempe gauche un coup qu'il est grande, et grande est l'Elide, propice à l'élevage des
appuya du poids de son épaule . Le sang noir jaillit chevaux, et l'Arcadie féconde en troupeaux, et les villes
vivement de la tempe ouverte . Puis de sa main gauche, de l'Achaïe, et Messène et Argos et toute la cite de
Pollux lui fracassa la bouche, et les dents serrées cla- Sίsyphe 251 . Là, sous la tutelle de leurs parents, sont
quèrent ; et sous une grêle de coups toujours plus rapides, élevées des milliers de vierges qui ne manquent ni de
il lui abîma le visage, jusqu'à ce qu'il eût broyé les beauté ni d'esprit ; parmi elles vous n'avez qu'à choisir
joues . Le géant s'écroula de tout son long sur le sol, pour femme celle qui vous plaira ; car plus d'un père
l'esprit perdu ; et, renonçant au combat, il leva les deux voudrait avoir des gendres de noble race, et vous êtes
mains à la fois ; car il était près de la mort . Quoique distingués entre tous les héros, ainsi que vos péres et
vainqueur, boxeur Pollux, tu ne lui fis subir aucun tous vos ancêtres en ligne paternelle . Allons, amis,
outrage ; mais il jura le grand serment, en appelant de laissez-nous consommer ce mariage, et tous ensemble
la mer son père Poséidon, qu'il ne provoquerait plus et cherchons-en un autre pour vous . » Je vous ai tenu bien
ne molesterait plus les étrangers . souvent ce langage, . mais le souffle des vents a emporté mes
Je t'ai chanté, prince ; c'est toi maintenant que je paroles dans les flots humides, et mes remontrances n'ont
vais chanter, Gastor, fils de Tyndare, aux chevaux pas trouvé grâce devant voús ; car vous êtes tous les deux
rapides, à la lance impétueuse, à la cuirasse d'airain . intraitables et durs . Mais il en est temps encore, écoutez-
Les deux fils de Zeus ayant ravi les deux filles de moi ; n'êtes-vous pas tous deux nos cousins par votre père?
Leucippe 250, les emportaient . Les deux frères, fils Si pourtant votre coeur a soif de guerre, s'il faut qu'une
d'Apharée, Lyncée et le robuste Idas, fiancés à la veille querelle funeste éclate entre nous et que nous lavions
de se marier, les poursuivaient fougueusement . Arrivés nos lances dans le sang, qu'Idas et mon cousin, le robuste
au tombeau du défunt Apharée, ils sautèrent à bas de Pollux, retiennent leurs bras sans se mêler à la bataille ;
leurs chars et se précipitèrent les uns contre les autres,
nous deux, Castor et moi,' qui sommes les plus jeunes,
armés de lourdes lances et de boucliers creux . Lyncée nous déciderons de notre droit par les armes . Ne laissons
les interpella et leur cria de dessous son casque, d'une pas à nos parents plusieurs morts à pleurer : il suffit
voix forte d'un seul dans une seule maison ; ceux de l'autre maison
« Malheureux, pourquoi désirez-vo~~s la bataille? Pour- revendront tous les deux et réjouiront leurs amis par
quoi cet odieux procédé pour avoir les fiancées d'autrui? leurs fiançailles, au lieu de les affliger par leur mort, et
Pourquoi ces épées nues dans vos mains? Gest à nous ils épouseront ces jeunes filles . Il est sage de terminer
que Leucippe a fiancé ses filles, à nous les premiers de une grande querelle par le moindre malheur . »
beaucoup ; c'est à nous qu'il a promis cet hymen sous la Il dit, et un dieu voulut que ces paroles ne fussent pas
foi du serment . Mais vous, contre toute justice, pour sans effet . Les deux aînés détach8rent leurs armures de
avoir les femmes des autres , vous avez gagné le vieillard leurs épaules et les déposèrent à terre . Alors Lyncée
par des boeufs , des mulets et d'autre bétail, et par vos s'avança dans la lice, en agitant sa forte lance sous le
rebord de son bouclier . De même Castor brandit la pointe gloire, en célébrant la ville de Priam, les vaisseaux des
aiguë de la sienne, et les crins de leurs aigrettes ondoyaient Achéens, les combats d'Ilion et Achille, rempart des
sur leurs casques à tous deux. Tout d'abord ils s'effor- Grecs à la guerre . A mon tour je vous apporte les dou-
cèrent de se toucher mutuellement de leurs lances, cher- ceurs des Muses harmonieuses, telles qu'elles me les
chant de l'~eil quelque partie du corps à découvert . Mais offrent et telles que les fournit ma maison . De tous les
avant de faire aucune blessure, les pointes de leurs lances honneurs qu'on rend aux dieux les plus beaux sont les
se brisèrent en s'enfonçant dans les boucliers solides . chants .
Alors tous les deux tirèrent l'épée du fourreau, et de
nouveau ils cherchaient à s'entretuer, et le combat se
poursuivait sans trêve . Castor asséna force coups sur le
large bouclier et le casque à criniére de son adversaire,
et Lyncée à la vue perçante frappait sans relâche sur
le bouclier de Castor ; mais la pointe n'atteignit que la
rouge aigrette . Mais tandis qu'il dirigeait son glaive aigu
sur le genou gauche de Castor, celui-ci, rompant du
pied gauche, lui trancha le bout de la main . Blessé,
Lyncée lâcha son épée et, sans perdre un instant, se
mit à fuir vers le tombeau de son père, où le fort Idas
regardait, couché, le combat des deux parents . Mais le
Tyrdaride, s'élançant à sa poursuite, lui plongea son
large glaive à travers les flancs et le nombril ; le fer, à
l'intérieur, lui trancha les entrailles, et Lyncée baissant
la tête tomba sur la face, et un lourd sommeil s'abattit
sur ses paupières .
Laocoossa s~g ne vit pas non plus son autre fils accom-
plir au foyer paternel un mariage souhaité . D'un geste
prompt, Idas, le Messénien, arrachant la colonne qui
s'élevait sur le tombeau d'Apharée, s'apprêtait à en frap-
per le meurtrier de son frère . Mais Zeus intervint, lui fit
tomber des mains le marbre travaillé, et le brûla lui-
même des flammes de sa foudre . Ainsi, ce n'est pas chose
légère que de combattre les Tyndar~des ils sont puis-
sants par eux-mêmes et nés d'un père puissant .
Salut, enfants de Léda . Faites que nos hymnes soient
toujours suivis d'une brillante renommée . Tous les chan-
teurs sont chers aux Tyndarides, à Hélène et aux autres
héros qui, prêtant main-forte à Ménélas, allèrent ravager
Ilion . Le chantre de Ghio, princes, a travaillé â votre
rκέοετtτrε 11 1
L~ JEUNL FILLE
[b1o~, je vieillis? Lorsque j'entends cela, je crois boire
du lait et du miel] 2s2 .
ID~~'LLE XXV ~e~ Le raisin ~n~1r devient du raisin sec et la rose desséchée
est encore unc rose .
DAPHNIS
L'Oaristys ou conversation d'amour
Viens ici sous les oliviers sauvages : j'ai quelque chose
à te dire .
LA JEUNE FILLE
LA JEUNE FILLE
La prudente Hélène fut enlevée de force par Pâris, Je n'irai pas : tu m'as déjà prise à tes beaux discours .
un bouvier comme toi . DAPHNIS
DAPHNIS
Viens là sous les ormeaux ; tu entendras ma syrinx .
C'est plut8t Hélène qui, sans se faire prier, baisa et
conquit le berger . LA JEUNE FILLE
LA JEUNE FILLE Tu peux t'en régaler toi-même ; pour moi la musique
Ne te vante pas, petit satyre ; c'est chose vaine, lugubre manque d'attrait. .
dit-on, qu'un baiser .
DAPHNIS
DAPHNIS
Oh 1 oh 1 ma petite, redoute comme les autres la colère
Il y a, même en de vains baisers, une douce jouissance . de la déesse de Paphos .
LA JEUNE FILLE LA JEUNE FILLE
Je m'essuie la bouche, et je crache ton baiser . Servante à la déesse de Paphos 1 Je ne demande que
la protection d'Artémis .
DAPHNIS
DAPHNIS
T~~ essuies tes lèvres? Donne encore, que je les baise .
Ne dis pas cela ; prends garde qu'elle ne te frappe et
LA JEUNE FILLE ne te prenne dans un piège inextricable .
Ce qui te convient à toi, c'est de baser tes génisses,
non une jeune fille Nbre du joug. LA JEUNE FILLE
Qu'elle me frappe, si elle veut . Je te répète qu'Artémis
DAPHNIS me protège .
Ne sois pas si fière ; la jeunesse t'aura vite échappé [Ne méts pas la main sur moi . Encore? Je vais t'égra-
comme un songe . tigner la lèvre .] 293
Tu ne peux échapper à Eros, auquel nulle autre vierge Mais je crains en accouchant de perdre ma beauté .
n'a échappé .
LA JEUNE FILLE DAPHNIS
Si, par Pan, je Iui échappe ; mais toi puisses-tu porter Si tu deviens mère d'enfants chéris, tu verras dans tes
son joug à tout jamais 1 fils une lumière nouvelle .
DAPHNIS LA JEUNE FILLE
Je crains qu'elle ne te donne à un homme qui ne me Et, si je consens, quelle dot m'apportes-tu qui vaille
vaudra pas . le don de ma main?
LA JEUNE FILLE
DAPHNIS
Plus d'un m'a recherchée ; mais aucun n'a su me plaire .
Tu auras tout mon troupeau, tous mes bois, tout mon
DAPHNIS
pâturage .
Je viens moi aussi grossir le nombre et je suis ~c~ pour LA JEUNE FILLE
demander ta main . Jure qu'après notre union tu ne t'en iras pas, me
LA JEUNE FILLE laissant là malgré moi .
Que faire, ami? Le mariage amène bien des ennuis .
DAPHNIS
DAPHNIS
Non, j'en atteste Pan lui-même, quand même tu vou-
Le mariage n'apporte ni chagrins, ni douleurs, mais drais me chasser .
les joies de la danse 8 9 4 . LA JEUNE FILLE
LA JEUNE FILLE
Me fais-tu bâtir une chambre à coucher? Me fais-tu
Oui, mais on dit que les femmes tremblent devant bâtir une maison et des étables?
leurs maris .
DAPHNIS DAPHNIS
Dis plut8t qu'elles sont toujours maYtresses . Devant Je te fais bâtir une chambre à coucher, et je fais
qui les femmes tremblent- elles? paître pour toi ces beaux troupeaux .
LA JEUNE FILLE LA JEUNE FILLE
Je tremble d'accoucher : cruel est le trait d'Ilithye ss~ , Mais que dirai-je à mon vieux père, que lui dirai-je?
DAPHNIS
DAPHNIS
Mais ta reine Artémis allège les douleurs de l'enfan-
tement . Tu lui diras mon nom, et il approuvera ton mariage .
Par Pan, me voici toute figée . Encore une fois, retire DAPHNIS
ta main. Jc. νοιιdrαίs ριιιινοίr te doιmer ιηοη âmε clle -même .
LA JEUNE FILLE
Artémis, ne t'irrite pas, s~ je suis infidèle à tes pré- IDYLLE XXVIII Qs'
ceptes .
DAPHNIS
La βuenouille
J'immolerai une génisse à Éros et une vache à Aphro-
dite aussi.
O quenouille amie des fileuses, don qu'Athéna aux
LA JEUNE FILLE yeux étincelants fit aux femmes attentives à la pros-
périté du foyer, suis-moi avec confiance dans la brillante
J'étais vierge en venant ici, je m'en retourne femme à cité de Néleus a9S, où Cypris a un temple dans la verdure
la maison . de tendres roseaux a8° . C'est pour m'y rendre que je prie
DAPHNIS Zeus d'envoyer à mon vaisseau des vents favorables .
Je veux avoir la joie de voir mon hôte, Nikias, rejeton
Tu n'es plus vierge, mais tu seras epouse, et mere
sacré des Charites à la voix mélodieuse, et goûter celle
d'enfants que tu élèveras .
de son accueil . Et toi, quenouille née de l'ivoire labo-
C'est a~ns~ que, jouissant de leur verte jeunesse, ils rieuse~nent façonné, nous te donnerons en présent à
causaient à voix douce, leur hymen furtif accompli .
l'épouse de Nikias . Avec elle tu exécuteras force travaux
Elle, une fois relevée, retourna paître ses brebis, la honte en laine, vêtements d'homme et transparentes étoffes
aux yeux, mais la joie au coeur ; et lui, heureux de sa
telles qu'en portent les femmes . C'est deux fois l'an que,
conquête, rejoignit ses troupeaux de taureaux . dans les pâturages, les mères des agneaux devraient se
Reçois la syrinx qui est à toi, reprends-la, heureux
laisser tondre leurs toisons, pour plaire à Theugénis
berger, et voyons encore un autre chant pastoral as°,
aux fines chevilles, tant elle abat de besogne, tant elle
aime ce qu'aiment les femmes vertueuses 1 Car je ne
voudrais pas te remettre dans la maison d'une femme
nonchalante ou oisive, toi qui es de notre pays, toi qui
as pour patrie la ville que fonda autrefois Archias
d'Ephyre E 0 °, la moelle de file de Trinacrie so~~ la cité
aux hommes illustres . Maintenant, entrée dans la demeure
d'un homme qui connaît beaucoup de savants remédes
pour écarter des hommes les tristes maladies, tu habi-
teras l'aimable Milet avec les Ioniens, afin que Theu-
gén~s soit renommée, parmi les femmes du pays, par sa
belle quenouille, et que tu lui rappelles toujours le sou-
ven~r de son hôte, ami des chants. Car en te voyant,
on dira : « Lé bon vouloir fut grand, si le don fut petit ;
mais tout est précieux qui vient d'un ami .
~ι •κ €:οcιιrι'ε 137
rκέοcτττrε 139
Si un homme qui vit de la mer et à qui son filet tient La femme de Personne, mère de Combat-de-loin,
lieu de charrue demande bonne pêche et richesse, qu'il enfanta l'agile conducteur de la nourrice de Remplacé-
sacrifie à cette déesse au milieu de la nuit le poisson par-une-pierre, non pas ce Cornu que nourrit jadis la
sacré qu'on appelle blanc, car c'est le plus sacré de fille du taureau, mais celui dont le ceeur autrefois brûla
tous ; il n'aura qu'à tendre ses filets pour les retirer d'amour pour ce qui, sans ~, est bord de bouclier, appelé
pleins de poissons . Tout, être double, qui conçut le désir de la vierge par-
tiellement parleuse, née de la voix, simple souffle ; qui
à la Muse couronnée de violettes infligea une perçante
blessure, monument de son désir à flamme crépitante ;
qui éteignit l'arrogance homonyme du Tueur-de-grand-
père, et sauva la Tyrienne . C'est à lui que Pâris Simi-
chidas a consacré cet aimable malheur des porteurs de
cécité. T'en réjouissant dans ton âme, toi qui marches
sur les mortels, aiguillon de la femme de Saette, engendré
furtivement, fils sans père, toi qui as des coffres aux
jambes, fais de douce musique pour la vierge muette,
Belle-Voix, invisible .
ÉPIGRAN~IIES 808
Ι 8 0i
qui d'un ~nê~ne élan pénètre~~t dans ton a~rtre . Fins, toi,
fuis, et secoue le pesant sommeil qui t'envahit .. VI sis
frappée, quels terribles chagrins les dieux tiennent en Épitaphe de Cleita, nourrice de Médéios
réserve aux humains 1
Le petit Médéios a élevé ce monument à sa nourrice
333
xVII thrace, au bord de la route, et ~l y a inscrit le nom de
Cleita . Cette femme sera ainsi récompensée d'avoir
Sur une status d'Anacréon ~a4 nourri le jeune garçon . Mais pourquoi est-elle morte,
alors qu'elle était encore utile? a4o
Regarde avec attention cette statue, étranger, et dis,
quand tu seras rentré dans ta patrie : « J'ai vu à Téos
XXI 341
une image d'Anacréon, le plus parfait des poètes lyriques
d'autrefois . » Ajoute qu'il aimait les jeunes gens et tu Sur Archiloque 342
auras dépei~~t au vrai l'homme entier .
Voici Archiloque . Arrête et regarde ce poète d'autre-
fois, le poète des iambes, dont la gloire immense a pénétré
Χν1ΙΙ 336 jusqu'au pays de la nuit et à celui de l'aurore . Il fut le
favori des Muses et d'Apollon délien tant il était har-
Sur une status d'É~icharme aas monieux et habile à composer des vers et à les chanter
sur sa lyrel
Ces vers sont en dorien, dorien aussi était Épicharme,
l'inventeur de la comédie . O Bacchus, voici, au lieu de XXII a4s
l'Épicharme véritable un IJpicharme de bronze que Sur une statue de Pisandre 344
t'ont consacré ici ceux qui sont établis à Syracuse, la
ville immense . Ils ont payé cet hommage à leur conci- L'homme que vous voyez, Pisandre de Camiros, est
toyen en souvenir du trésor de préceptes dont tu l'avais le premier des poètes d'autrefois qui ait chanté le fils
pourvu . Car ses maximes sont utiles à tous pour la de Zeus qui combattit le lion, le héros à la main prompte,
conduite de la vie . Une grande reconnaissance lui est et tous les travaux accomplis par son bras . Or, sachez-le,
due. c'est le peuple qui lui a dressé ici cette statue d'airain
après bien des mois et des années .
XIX 337
339
Épitaphe d'S~pponaz XXIII 346
Épitaphe de Glauké
Ci-gît le poète H~pponax . Si tu es méchant, n'approche
pas de son tombeau ; mais si tu es homme de bien et né L'inscription te dira quel est ce monument et qui il
de parents vertueux, tu peux t'y asseoir hardiment, et recouvre
même y dormir, si bon te semble . Je suis le tombeau de celle qui avait nom Glauké . »
XX1~J 346
Sur des oSrandes réunies sur un seul piédestal
XX~J 348
Sur Cléonicos, naufragé à Thasos
ΧΧνΙ 349
Sur son livre
MOSCHOS
des pièces b~~coliques . » Eufi~~ on lit dans une scholi~ d'E~~ropé est ~~n joli conte bleu, qui amuse, nais n'émeut
de l'Antholoy~e ~alat~ne IX, 440 ~ Ge Moschos est uti pas le lecteur, parce qu'Europé n'est qu'une jeune fille
poète de ceux qu'on appelle bucoliques, dont le premier l'un caractère banal et s~~perficiel, qui s'étonne plus
fut Théocrite, le deuxième Moschos lui-mee"me, le tro~- qu'elle ne s'effraye de son aventure et n'éprouve aucun
sième, Bion de Smyrne . » sentiment profond . Le sujet est un prétexte à l'auteur
Ainsi la question est tranchée : lioschos a vécu avant de montrer son esprit . Il y a réussi, mais aux dépens de
Bio . Mais ce que nvus savons de sa personne se réduit la grandeur et de l'émotion . Il a ai~~si ouvert la voie à
aux citations précédentes . Il état Syracusaü~, comme Ovide qui traitera la mythologie de ~a même manière
Théocrite, et il fut disciple d'~ristarq~~e . Or Aristarque dans ses Métamorphoses .
vécut sous Ptolémée Phίlométor qui régna de 18] à 146, Gomme la plupart des poètes alexandrins, Moschos
et il fut bibliothécaire d'Alexandre de 180 à 143 . C'est était aussi un savant et un érudit . Il avait probablement
donc dans la deuxième moitié du second siècle avant composé quelques ouvrages en prose sur des sujets de
J .-C . qu'il faut placer l'activité poétique de Moschos . philologie ; on peut le conclure de ce que dit Athénée, XI,
Les manuscrits nous ont conservé trois poèmes de p . 405 (~ ;r,~~ca~, `Poô~xzώv è,ó~~v) .
lüoschos Eros échappé, Europé, Mégara, et Stobée a
recueilli de lui trois petites pièces, l'une sur la vie cham-
pêtre comparée à la vie du marin, la deuxième sur l'aveu-
glement des amants qui n'aiment pas qui les aime, et
la troisième sur la toute puissance d'1Jr~s qui a contraint
l'Alphée à plonger sous la mer.
Moschos vient après Théocrite et l'~m~te ; mais il reste
loin du maître . On ne trouvera pas chez h~i les saisissantes
peintures de la passion vraie, le sentiment profond des
beautés de la nature, la grâce exquise et le goîzt sûr de
son prédécesseur . Théocrite s'élève fort au-dessus de
l'art alexandrin ; Moschos ne dépasse point l'idée q~~e
~~ous nous en faisons . Les citations de Stobée nous
montrent qu'il aime les sujets courts, qui se réduisent
à la longueur d'une épigramme . S'il traite des sujets
plus importants, il les ramène à des proportions limitées
Europé a 166 vers et 1liégara 125 . Comme Callimaque
et Théocrite, il ôte aux héros ou aux héroïnes de l'épopée
et de la mythologie leur grandeur surhumaine . Mégara
et Alcmène sont chez lui de faibles femmes gémissantes,
qui sont apparentées à un héros, mais n'ont d'héro~que
que cette parenté . Leur conversation ressemble à un
mime, à un mime sérieux et attendrissant, il est vrai,
plutôt qu'à un fragment d'épopée . Le récit de l'aventure
1~IOSCHOS
Ι 853
Éros échappé
même 1 Elle me regardait vraiment comme sa fille . un oiseau fier de son plumage diapré ; ~l avait déployé
Puissent les dieux bienheureux faire que mon songe ses ailes comme un vaissea~~ rapide qui fait voile sur la
tourne à bien 1 mer, et il ombrageait de ses plumes les bords de la cor-
Ayant ainsi parlé, elle se leva vivement et vint cher- beille d'or. Telle était la corbeille de la belle Europé .
cher ses compagnes , nobles filles de son âge, que la même Quand les jeunes filles furent arrivées dans les prés
année avait vues naître, qui étaient chères à son coeur fleuris, elles s'amusèrent à ramasser chacune une fleur
et partageaient tous ses divertissements, soit qu'elle se différente . L'une cueillait le narcisse à l'haleine par-
préparât à la danse, soit qu 'elle se baignât à l'embou- fumée, l'autre l'hyacinthe, celle-ci la violette ; celle-là
chure des rivières ou qu'elle cueillît des lys . odorants le serpollet ; les fleurs foisonnaient sur le sol des prés
dans la prairie . Elles se montrèrent aussitdt à ses yeux, que le printemps nourrit . Puis elles se mirent à cueillir
chacune ayant dans les mains une corbeile à mettre les touffes parfumées du jaune safran, luttant à qui en
des fleurs ; puis elles se rendirent dans les prés au bord cueillerait le plus . Au milieu d'elles, la princesse, amas-
de la mer, où elles avaient l'habitude de se rassembler, sant en ses mains les roses éclatantes à couleur de feu,
charmées de la beauté des roses et du murmure des brillait comme la déesse née de l'écume des flots Sse
flots . Europé elle-même portait une corbeille d'or magni- brille parmi les Charites .
ftque, une vraie merveille, un beau travail d'Héphaistos . Mais elle ne devait pas longtemps s'amuser à des
Il en avait fait présent à Libye 868 , quand elle entra dans fleurs, ni garder intacte sa ceinture virginale . Car le fils
le lit du dieu qui ébranle la terre . Libye l'avait donnée de Cronos ne l'eut pas plus tdt aperçue qu'il en eut le
à la belle Téléphaassa qui était de son sang, et Télé- coeur troublé et qu'il fut dompté d'un trait imprévu de
phaassa 867 , au temps où Europé, sa fille, était encore Cyprίs, qui seule peut dompter Zeus lui-même . Alors
vierge, lui avait remis le cadeau renommé . pour échapper au ressentiment de la jalouse Héra et
On y voyait briller beaucoup d'ornements orfévris . pour tromper l'esprit ingénu de la vierge, il cacha sa
Il y avait, ciselée en or, Io 868, fille d'Inachos, alors divinité et se métamorphosa en taureau, mais non pas
qu'elle était encore génisse et n'avait pas repris son corps de ceux qui ruminent dans les étables, ni de ceux qui
de femme . Elle portait ses pieds vagabonds sur les che- fendent le sillon en traînant la charrue recourbée, ni de
mins de la mer et paraissait nager ; la mer était faite ceux qui broutent parmi les troupeaux, ni de ceux qui,
de métal azuré. En haut, sur un escarpement du rivage, sous la contrainte de l'aiguillon, tirent le chariot Tour-
deux hommes se tenaient debout, pressés l'un contre dement chargé . Ce taureau avait le corps entièrement
l'autre ; ils regardaient la vache qui traversait la mer . blond, sauf une lune éclatante de blancheur qui brillait
On voyait aussi là Zeus, fils de Cronos, qui palpait au milieu de son front ; ses yeux luisaient en dessous et
doucement de ses mains la génisse d'Inachos, puis, sur lançaient des éclairs chargés d'amour ; des cornes égales,
les bords du Nil aux sept bouches, il rendait à la génisse en face l'une de l'autre, s'élevaient sur sa tête comme les
aux belles cornes sa forme de femme . Le cours du Nil pointes courbes du croissant échancré de la lune cornue.
était d'argent, la génisse d'airain ; quant à Zeus il était Il vint dans la prairie, et son apparition n'effraya pas
fait d'or . Sur le pourtour de la corbeille ronde, au-dessous les jeunes filles . Toutes, au contraire, sentirent l'envie
du bord, l'artiste avait représenté Hermès, et près de d'approcher et de toucher le taureau charmant, dont la
lui, étendu de tout son long, Argos orné d'yeux invin- divine odeur, sentie de loin, l'emportait sur la douce
cibles au sommeil. Du sang pourpre d'Argos surgissait haleine de la prairie. Il s'arrêta devant l'irréprochable
Europé, lui lécha le cou et fascina son coeur . Et la jeune ~n~mense de la ~ner blanchissa~~Le . Sur ses épaules, le
Elle lui effleurait le corps de ses caresses, et, de ses mains, péplos d'Europé se gonfla en une poche profonde
essuyait doucement l'écume qui coulait a bondamment. comme une voile de navire, allégeant le poids de la
de son museau, puis elle le baisa, tout taureau qu'il jeune Elle .
état . Lui poussa un meuglement si tendre qu'on aurait Mais quand elle fut loin de la terre natale, qu'elle ne
cru entendre la flûte mygdonienne 8 e 0 exhalant ses doux vit plus ni rivage battu des flots bruyants, ni montagne
sons . Ii s'agenouilla aux pieds d'Europé, et, tournant escarpée, mais seulement le ciel au-dessus de sa tête et
le cou, il la regardait et lui montrait son large dos . sous ses pieds la mer sans limite, promenant ses regards
Celle-ci s'adressant aux vierges aux boucles épaisses autour d'elle, elle fit entendre ces mots : a Oû me portes-tu,
~ Approchez, dit-elle, compagnes chéries, compagnes de divin taureau? Qui es-tu? Comment peux-tu sillonner
mon âge ; divertissons-nous à monter sur ce taureau ; des chemins dangereux aux animaux à la démarche
il offre son dos baissé, il nous y recevra toutes, tant il contournée et rie pas craindre la mer? La mer est une
est débonnaire, doux à voir, aimable, et différent des carrière ouverte aux vaisseaux rapides, mais c'est uu
autres taureaux 1 il est doué d'un esprit sensé, comme chemin qui fait peur aux taureaux . Quelle boisson de
un homme ; il ne lui manque que la parole . » ton goût, quelle nourriture l'eau salée peut-elle te four-
Ayant ainsi parlé, elle s'assit sur son dos, souriante . nir? Assurément tu es un dieu : ce que tu fais ne con-
Les autres allaient faire comme elles ; mais le taureau vient qu'aux dieux . Ni les dauphins marins ne marchent
se redressa d'un bond, ayant enlevé celle qu'il voulait, sur la terre, ni les taureaux sur la mer ; mais toi, tu bondis
et vite il gagna la mer . Elle, retournant la tête, ne cessait sans peur et sur terre et sur mer, et tes pieds fourchus
d'appeler ses chéres compagnes en leur tendant les bras ; te servent de rames . Bientôt sans doute tu t'élèveras
mais elles ne pouvaient la rejoindre . Arrivé sur le rivage, aussi par-dessus l'air brillant et tu voleras comme les
il continua sa course, marchant, comme un dauphin, oiseaux rapides . Hélas ! je suis bien màlheureuse, moi
sur les larges vagues, sans mouiller ses sabots . Et, tandis qui ai laissé loin de moi la demeure de mon père pour
qu'il avançait, la mer se faisait calme ; et des deux côtés suwre ce taureau et qui, emportée dans une étrange
les grands poissons sautaient devant les pieds de Zeus ; navigation, me trouve errante et solitaire . Mais toi, roi
le dauphin joyeux accourant du fond se culbutait dans de la mer blanchissante, dieu qui ébranles la terre, traite-
les vagues gonflées . Les Néréides émergèrent de l'onde moi avec bonté, toi que je crois voir diriger cette
salée et toutes, montées sur de grands poissons, avançaient traversée et marcher devant moi . Car c'est certaine-
en ligne . Le dieu retentissant qui ébranle la terre, se ment par la volonté d'un dieu que j e parcours ces humides
tenant élevé au-dessus de la mer, gouvernait les flots chemins . »
et guidait lui-même son frère sur la route marine ; autour Elle dit, et le taureau αυx belles cornes lui adressa ces
de lui s'assemblaient les Tritons, musiciens de la mer paroles ~ Rassure-toi, vierge, ne crains pas la vague
aux voix profondes, qui dans leurs conques allongées qui se gonfle . Je suis Zeus en personne, bien que de près
faisaient retentir le chant nuptial . La jeune fille assise je paraisse être un taureau ; car je peux prendre l'appa-
sur le dos du taureau Zeus tenait d'une main une des rence qu'il me plaît . C'est l'amour que j'ai pour toi qui
longues cornes de la bête, de l'autre elle retenait sur m'a poussé à parcourir une telle étendue de mer, sous
son sein le pli pourpré de sa robe, pour empêcher que, la forme d'un taureau . Mais la Crète te recevra bientôt ;
tra4nant derrière elle, elle ne fit mouillée par l'onde c'est elle qui m'a nourri moi-même ; c'est là que sé fēr~rit
monstre inexorable l'empêche d'approcher ; ainsi moi, ~, Malheureuse enfant, comment ton esprit si sage a-t-il
mère de douleur, pleurant ma chère géniture, je courais pu concevoir une telle pensée? Pourquoί veux-tu nous
partout comme une folle dans la maison. Que ne suis-je surexciter toutes deux, en rappelant d'inoubliables cha-
morte avec mes enfants? Que ne suis-je gisante moi grins? Ce n'est pas aujourd'hui la première fois qu'ils
aussi, le foie traversé d'un trait empoisonné, 8 Artémis e°8, ont fait couler nos larmes . N'est-ce point assez des
puissante reine des femmes? Alors mes parents nous chagrins nouveaux que chaque jour nous apporte? Il
auraient pleurés, et nous auraient placés sur le même faudrait bien chérir les plaintes pour vouloir compter
bûcher en nous comblant de présents funèbres ; puis, les peines oil nous sommes . Résigne-toi, puisque tel est le
recueillant les os de tous dans une seule urne d'or, ils sort qui nous est venu de Dieu . Je vois bien, chère
nous auraient ensevelis au lieu de notre naissance . Mais enfant, que tu es en proie à des douleurs incessantes, et
à présent ils habitent Thèbes, nourricière de chevaux, je conçois que tu t'en irrites, puisqu'on se lasse même
et labourent la glèbe profonde de la terre aonienne 7s° de la joie . Je suis terriblement émue de douleur et de
tandis que ~noi, malheureuse, je suis à Tirynthe 870, pzt~é, en te voyant associée au triste destin dont la lourde
l'âpre ville d'Héra, le coeur blessé de mille chagrins qui menace est suspendue s~~r notre tête . Je veux que Coré et
renaissent toujours, sans laisser un seul moment de trêve Déméter aux riches vêtements le sachent - puisse un de
à mes larmes . Pour mon époux , je ne le vois que de nies ennemis, dans un funeste égarement, se parjurer
~,ourts instants dans notre maison ; il a toujours une foule volontairement en les prenant à témoin - je veux qu'elles
de travaux qui l'attendent, et pour les accomplir il erre sachent que mon coeur ne te chérit pas moins que si tu
sur terre et sur mer, portant en sa poitrine un coeur étais sortie de mes entrailles et que tu fusses dans ma
aussi dur que la pierre ou le fer . Et toi, comme une eau maison la dernière de mes enfants . Je pense d' ailleurs
qui s'épanche, tu pleures toutes les nuits et tous les jours que tu t'en aperçois quelque peu . Aussi ne dis jamais,
que Dieu fasse. De mes parents, aucun ne peut me récon- ma fille, que je me désintéresse de toi, quand même
forter de sa présence ; car ils ne demeurent pas dans tu me verrais pleurer plus fort que Niobé 87 8 à la belle
l'enceinte de cette maison ; ils habitent bien loin au delà chevelure . On ne saurait en vouloir à une mère de se
de l'Isthme couvert de pins, et je n'ai personne vers qui, lamenter sur les infortunes de son fils ; car j'ai peiné dix
dans le comble de ma misère, je puisse tourner les yeux mois à le porter dans mon sein, avant même de le voir,
pour rafraîchir mon coeur, excepté, il est vrai, ma soeur et il m'a menée bien près des portes d'Aid8neus 974 aux
Pyrrha 871 ; mais elle se préoccupe avant tout des maux fermetures solides, tellement mes tristes couches 875 m'ont
de son mari, ton fils Iphiclès . Les enfants les plus causé de cruelles souffrances . Et maintenant il est parti
malheureux de tous sont, je crois, ceux que tu as donnés seul pour accomplir sur ~~ne terre étrangère un nouveau
à ton époux divin 977 et à ton époux mortel . travail et je ne sais pas, infortunée que je suis, s'il revien-
C'est ainsi q~~'elle parla, et des larmes plus abondantes dra et si je le recevrai ou non céans .
que des sources coulaient de ses paupières sur son sein En outre un songe affreux, pendant que je goQtais la
charmant, au souvenir de ses enfants et, après eux, de douceur du sommeil, m'a frappée d'épouvante, et je
ses parents . De son c8té, tout comme elle, Alcmène crains terriblement que la vision de haine que j'ai eue
mouillait de larmes ses joues pâlies ; puis, tirant de son n'ait pour mes enfants u~~e issue déplaisante . J'ai vu
coeur ~~n profond so~~pir, clle adressa ces sages paroles Héraclès, ~n~n fils, tenant à deux mains un solide hoyau,
à sa bru bien-a~~néc a~- ec lrquel, co~~~me ~~n salarié qui travaille à la tâche, il
ΙΙ
Éros laboureur
III
Ayant déposé sa torche et son arc, le funeste >,` .ros
Puissance d'Éros qui force l'Alphée á courir prit une baguette à conduire les boeufs, suspendit une
sous la mer besace à ses épaules, attela au joug des taureaux au col
endurant et se mit à semer le blé dans le fertile sillon
de Déo 384 ; puis, levant les yeux au ciel, il dit à Zeus
Quand l'Al~hée 379, ayant quitté Pise 380, chemine dans lui-même : « Remplίs mes champs d'épis, si tu ne veux
la mer, il mène vers Aréthuse son onde nourricière pas, taureau d'Europe 385, que je te mette à la charrue . »
d'oliviers 3αι, et lui porte, comme présents de noces, de
belles feuilles, des fleurs et de la poussière sacrée 3s2 ; il
pénètre au fond des flots et court par-dessous la nier
sans mêler à ses eaux la sienne, et la mer ignore qu'un
fleuve la traverse . Le jeune agonothète 383, ourdisseur
de fourberies, conseiller d'actions terribles, 1 ros, a, par
ses philtres, appris à ~~n fleuve Ynême à plonger .
OEUVRES DE ΒΙΟΝ
ΝΟ'ΓΙCΕ
S ti R
Τ~ΙΟ~Τ
dant un sang noir jaillissait le long de son nombril et se comme un songe . Cythérée est veuve et les Amours sans
répandait sur son corps ; sa poitrine était rougie du emploi dans ma demeure . Avec toi, ma ceinture 392 a
sang de ses cuisses, et son sein naguère blanc comme la perdu ses charmes . Pourquoi donc, téméraire, chassais-tu?
neige était couleur de pourpre] 399 . Hélas 1 Cythérée, Beau comme tu étais, quelle fureur t'a pris de lutter
s'écrient en gémissant les Amours . contre une bête sauvage? » Ainsi se lamentait Cypris ; les
Elle a perdu son bel époux ; elle a perdu en même Amours pleurent avec elles « Hélas 1 Cythérée, il est
temps sa beauté sacrée . Cypris était belle à voir, du mort, le bel Adonis . »
vivant d'Adonis ; sa beauté a péri avec Adonis . « Hélas 1 La déesse de Paphos verse autant de larmes qu'Adonis
Cypris », disent toutes les montagnes . « Hélas 1 Adonis », verse de sang ; larmes et sang, répandus sur le sol,
disent les chênes ; et les fleuves gémissent du deuil deviennent fleurs. Le sang donne naissance à la rose,
d'Aphrodite, et les sources pleurent Adonis dans les les larmes à l'anémone. Je pleure Adonis il est mort,
montagnes . De douleur, les fleurs deviennent rouges, et le bel Adonis .
Gythère 380 par tous ses monts et par tous ses vallons Ne pleure plus ton époux dans les halliers, Cypris . Ce
clame lamentablement « Hélas 1 Cythérée ; il est mort, n'est pas une couche digne d'Adonis qu'un lit de feuilles
le bel Adonis . » L'Echo lui a renvoyé son cri : « Il est solitaire c'est ton lit, Cythérée, qu'il faut à Adonis,
mort, le bel Adonis . » Qui n'aurait pas pleuré sur le déplo- même mort . Même mort, il est beau ; mort, il est beau
rable amour de Cypris et répété : « Hélas 1 » comme s'il était endormi . Dépose-le sur les molles cou-
vertures où il reposait, quand il occupait ses nuits avec
Quand elle eut vu, quand elle se fut assurée que la
blessure d'Adonis était sans remède, quand elle eut toi aux oeuvres d'un saint mariage, sur le lit d'or massif,
aperçu le sang pourpre sur la cuisse flétrie, elle ouvrit qui regrette Adonis, tout défait qu'il est . Couvre-le de
les bras et gémit : « Attends, Adonis, malheureux Adonis, couronnes et de fleurs ; et, puisqu'il est mort, lui, que
attends, que je te touche une dernière fois, que je te serre toutes les fleurs aussi meurent avec lui . Oins-le d'onguents
dans mes bras, que je mêle mes lèvres à tes lèvres . syriens, oins-le de parfums . Périssent tous les parfums,
Eveille-toi un instant ; à ton tour donne-moi un dernier puisque Adonis qui était ton parfum, a péri 1
baiser, et baise-moi aussi longtemps que ton baiser aura Le tendre Adonis est couché sur des étoffes de pourpre .
vie, jusqu'à ce que tu exhales ton âme dans ma bouche, Autour de lui pleurent et gémissent les Amours, qui ont
coupé leurs cheveux en l'honneur d'Adonis . Sur son lit •
que ton souille coule jusqu'à mon coeur, que j'épuise ton
doux charme et que je boive tout ton amour . Et ce l'un a jeté ses flèches, l'autre son arc, celui-ci une plume
baiser, je le garderai comme Adonis lui-même, puisque de son aile, celui-là son carquois . L'un a délié la chaus-
tu me fuis, infortuné, tu me fuis au loin, Adonis, et t'en sure d'Adonis ; d'autres apportent de l'eau dans un bassin
vas dans l'Achéron, chez le roi sombre et sauvage, et d'or ; celui-ci lui lave les cuisses, un autre l'évente pax
derrière avec ses ailes : « Hélas 1 Cythérée », répètent les
que moi, malheureuse, je vis, je suis déesse et je ne puis
te suwre . Prends mon époux, Perséphone ; car tu es, Amours .
toi, bien plus puissante que moi, et tout ce qui est beau Hyménée a éteint tous ses flambeaux sur le seuil et
descend chez toi . Moi, j'ai la plus triste des destinées, et dispersé la guirlande nuptiale 393. Il ne chante plus
suis en butte à un insatiable chagrin ; je pleure Adonis « Hyτnen 1 » il ne chante plus son refrain : « Hymen 1 » il
ne fait que répéter : « Hélas 1 » « Hélas 1 Adonίs », disent
qui n'existe plus pour moi, et j'ai peur de toi 391 . Tu
meurs, époux trois fois aimé, et mon amour s'est envolé .les Charites qui pleurent le fils de Kinyras 393 plus encore
LYKIDAS
Un jour le bouvier 4oi erileva Hélène et l'emmena vers
l'Ida, au grand désespoir d'~none 40 a . L'irritation fut
grande à Lacédémone 4ο3, qui assembla tout le peuple
d'Achaie 404 ; aucun Grec, ni de Mycènes, ni d'Elide, ni
de Laconie ne resta dans sa demeure, pour échapper au
funeste Arès . Seul, Achille 405 était caché parmi les filles
de Lycomédès ; il apprenait à manier l~ laine au lieu des
armes, et d'une main blanche il exécutait des ouvrages
de vierge, et il avait l'apparence d'une fille . Il avait l'air
aussi féminin que les filles du roi, la même rougeur
empourprait ses joues de neige, il avait la démarche
ΙΙ
III
Ne me lasse pas sans récompense
IV
Ne fais pas ce que tu n'as pas appris
VIII
VI
Priére á Hespéros de préter sa lumière
Éros et les Muaes au poète amoureux
Les Muses n'ont pas peur du cruel Éros ; elles l'aiment Hespéros 408, lampe d'or de l'aimable déesse née de
de tout leur coeur et le suivent pas à pas . Si quelqu'un l'écume de la mer 409, cher Hespéros, parure sacrée de la
se mêle de chanter, dont le coeur est sans amour, elles se nuit bleu foncé, toi dont l'éclat, plus faible que celui de la
dérobent et lui refusent leurs leçons ; mais si un homme lune, l'emporte d'autant sur les étoiles, salut, ami ;
dont Éros agite le coeur chante une douce chanson, toutes pendant que je vais fêter mon berger, prête-moi ta lumière
sans exception s'empressent d'accourir vers lui . Je suis à la place de Séléné, qui, naissant aujourd'hui, s'est
témoin que cette assertion est exacte de tout point . Si en couchée trop vite . Ce n'est pas pour un larcin que je sors,
effet je célèbre quelque autre, mortel ou immortel, ma ni pour molester les passants la nuit :j'aime, et il est beau
langue balbutie et ne chante plus comme avant ; si a~~ de favoriser celui qui aime .
Ιh XI
Χ
La beauté , parure des femmes
L'oiseleur et' Éros La beauté est la parure des femmes, la force celle de
l'homme .
Un oiseleur encore enfant chassait aux oiseaux dans ΧΙΙΙ
un bois aux arbres épais . Il vit Éros, le dieu qu'il faut
éviter, perché sur une branche de buis . En l'apercevant, Sur ~}alatée
il se réjouit, parce que l'oiseau lui paraissait de grande
taille . Il ajusta ensemble ses gluaux à la suite les uns des Mais moi j'irai mon chemin, je descendrai cette pente
autres, et observa Éros qui sautillait de place en place . jusqu'au sable du rivage, en murmurant un chant et en
Mais dépité, parce qu'il n'arrivait à rien, l'enfant jeta ses priant l'impitoyable Galatée . Je garderai mes douces
gluaux et s'en fut vers un vieux laboureur qui lui avait espérances jusqu'au dernier terme de la vieillesse .
enseigné cet art . Il lui conta ce qui lui arrivait et lui
montra Éros perché. Alors le vieillard sourit, et hochant
la tête, répondit à l'enfant : « Abstiens-toi de chasser ce XIV
gibier et ne t'attaq~~e plus à cet oiseau . Fuis-le bien
loin . C'est une méchante bête . Tu seras heureux tant que Sur Hyacinthe ~~~
tu ne l'auras pas pris ; mais si tu parviens à l'âge d'homme,
celui qui te fuit à présent et saute loin de toi, viendra de Phébus avait perdu l'usage de la parole, tant sa douleur
lui-même se percher soudain sur ta tête . était graY~de 1 Il cherchait tous les remèdes possibles, ü
MYRSON .
4 . On a beaucoup discuté sur la place des trois scènes ici gra~~d-père, était fils de Callisto . Il avait s~~~ t~mbea~~ s~~r le
décrites. Sont-elles à l'intérieur ou à l'extérieur du vase? Si l'on Aiénale.
s'en tient au texte, w~o~b~~ ne peut désigner que l'intérieur .
C'est aussi l'opinion de M . Legrand qui place même les deus 20 . Aigilos est un héros attique qui a donné son nom à un bourg
athénien que Théocrite appelle Aigilos et qui s'appelait en réalité
guirlandes qu'il suppose, à l'intérieur de la coupe . Hais comme il
n'est pas d'usage de sculpter l'intérieur d'un vase, beaucoup Aigilia . Les figues de ce bourg, A~~~> • .~~ ; ~~/~~~ ; étaient réputées .
d'interprètes ont placé ces trois scènes à l'extérieur, entre les
deux guirlandes . Il faut po~~r cela forcer le se~~s de ~~~o~Nw : á
l'intérieur, et lui donner celui de w ~~~~~ ou ~~~x~ •~ . IDYLLI : ΙΙ .
Le plus simple est de s'en tenir a~~ texte qui ne parle que d'une
guirlande, et de laisser les trois scènes à l'intérieur, puisque c'est
la place que leur assigne le mot employé par le poète . 21 . Argument. - Le titre de ce poème est : les Magiciennes . Il
serait plus juste de dire la Magicienne ; car s'il y a deux per-
5. La coupe est appelée éolienne, parce qu'elle vient de Galydorι, s~nnages dans le drame, Simaitha, la maîtresse, et Thestylis,
ville d'Etolie, fondée par une colonie éolienne, ce qui avait valu l'esclave, il n'y a que la maîtresse qui parle .
au territoire de Calydon le nom d'Éolide . Abandonnée par son amant Delphis, Simaitha a recours à la
6 . Le territoire de Galydon s'étendait jusqu'à la mer, et le golfe magie pour le ramener . Tout en parlant, soit à son esclave, soit
de Corinthe, à l'endroit où il baignait ce territoire, s'appelait à elle-même, elle accomplit to~~s les rites en usage pour regagner
Kz);~ôdw~o~ ~o~~~ó ; (Héliod. 5 . 17). ~~n coeur infidèle . Elle brûle sur le feu de la farine, pins des branches
7 . Le Pénée, fleuve de Thessalie, qui traverse la célèbre vallée de laurier. Ensuite elle fait fondre à là flamme une image de cire
de Tempé . qui représente son amant, et fait tourner un rouet magique qui
doit le faire revenir vers sa maison . Après cela elle brûle du son
8 . Le Pinde, chaîne de montagnes qui sépare la Thessalie de et fait trois libations, en priant Artémis de changer le coeur de son
l'Épire . Le Pénée y prend sa source . amant. Enfin ejle jette au feu une frange de son mantea~~ et e~~~oie
9 . L'Anapos se jette dans la mer au sud de Syracuse . son esclave frotter d'herbes magiques le seuil de l'infidèle .
10. L'Acis est une rivière qui descend de l'Etna . lestée se~~le, elle raconte à Séléné l'histoire de son amour .
Elle allait voir une procession en l'honneur d'Artémis quand
11 . Daphnis n'achève pas sa phrase ; il affecte une pudeur qui elle a vu le beau Delphis, un jeune athlète qui sortait de la palestre .
rend l'allusion aux amours d'Aphrodite et d'Anchise d'autant Frappée au coeur et malade d'amour, elle charge son esclave
plus piquante qu'elle laisse plus à supposer . d'amener le jeune homme chez elle . Celui-ci, par un discours où
12 . Ces deux vers sont considérés généralement comme inter- la fatuité se déguise sous une feinte modestie, essaye de h~i
posés . persuader qu'il l'aimait déjà avant d'être appelé par elle ; il rend
13 . Tandίs qu'Aphrodite emportait du champ de bataille son grâce à Cypris qui l'a favorisé et à Simaitha qui le sauve, dit-il,
fils Énée blessé par Diomède, celui-ci ne craignit pas d'attaquer de la flamme q~~i l'avait déjà à moitié consumé . Puis l'oeuvre
la déesse et la blessa à la main . (Iliade V . 335 sqq .) d'amour s'accomplit. Mais bientôt une autre fantaisie entraîne
14 . Aréthuse, fontaine célèbre qui jaillissait dans l'île d'Ortygie, ailleurs le volage Delphis, qui reste douze jours sans la voir .
près de Syracuse . Simaitha jure, s'il ne revient à elle, de se venger et de l'envoyer
frapper à la porte de l'Hadès .
15. Le Thymbris est-il une montagne ou un fleuve? Les scho- Le scholiaste nous apprend que Théocrite avait eu pour modèle,
liastes sont mal renseignés sur ce nom . La plupart tiennent pour au moins en partie, un mime de Sophron . Il faut y joindre la
un fleuve ; certains autres pour un canal dans le voisinage de célèbre pièce où Sappho, la première, a dépeint les effets de la
Syracuse . passion absolue qui pénètre èt maîtrise l'être tout entier : ~ Dès
16 . Le Lycée : montagne d'Arcadie. que mon regard t'aperçoit, la voix me manque ; ma langue se
17 . Le Ménale : montagne d'Arcadie . sèche, un feu subtil court sous ma peau, ma vue se trouble et mes
18 . Héliké : Callisto, ftile de Lycaon, aimée de Jupiter, fut mise oreilles bourdonnent ; je ruisselle de sueur, un tremblement me
au nombre des constellations sous le nom d'Héliké . saint tout entière ; ma couleur ressemble à celle de l'herbe, et
je me sens presque mourir. b La passion de Simaitha ressemble à
19 . Le petit-fils de Lycaon : Arcas, ici désigné du nom de son celle de Sappho, et la peinture que Théocrite en a faite n'est pas
2 ~2 ΝΠΤΕS NOTES 203
indigne du modèle . Aussi a-t-elle suscité à son tour un grand nombre 32 . D'après le scholiaste, le thapsus est une sorte de bois
d'imitations, notamment celles de Virgile(ÉglogueVIII), d'Horace qui donne une teinture jaune .
(Épode V, Sat . I, 8, 23 sqq.), d'Ovide (Métam ., 7, 224 sqq .), de 33 . Les amoureux apportaient des pommes ou des coings en
Lucain (Pharsale, VI, 430), de Lucien (Dial. des Courtisanes, 4) . présent ou les jetaient à l'objet aimé, pour indiquer leur amour .
La Phèdre de Racine offre aussi quelques traits empruntés à Les pommes sont dites de Dionysos, parce que ce dieu passait
Théocrite. On sait en effet que Racine admirait beaucoup les pour avoir importé le pommier .
Magiciennes . Nous avons à ce sujet le témoignage de Longepierre 34 . Héraclès était le dieu protecteur des gymnases voilà
qui lui aussi appréciait fort le poème de Théocrite . « Cette idylle pourquoi l'athlète Delphίs se couronne de peuplier blanc .
est, à non gré, la plus belle de Théocrite, et peut-être nous
reste-t-il peu de morceaux de l'antiquité aussi parfaits . Il y règne 35 . Lipara, aujourd'hui Lipari, la plus grande des iles éoliennes,
d'un bout à l'autre un génie, une vivacité, une force d'expression au N .-E . de la Sicile . Héphaistos y avait ses forges .
et s~~rtout un pathétique qui touche et qui attache agréablement : 36 . La fiole qui contenait l'huile dont les athlètes se frottaient
aussi ai-je ouï dire à M . Racine, si bon juge et s~ grand maître le corps .
en cette matière, qu'il n'a rien vu de plus vif ni de plus beau
dans toute l'antiquité . » LONGEPILRRE .
IDYLLE III
22 . Hécate préside à la magie . Elle est identifiée au vers 33
avec Artémis, qui est ici différente de Séléné. En temps qu'Artémis,
elle domine sur la terre, en tant qu'Hécate, dans le monde 37 . Argument Un chevrier donne une aubade à Amaryllis
souterrain . qu'il aime et dont il se croyait aimé . Il l'appelle à l'entrée de la
23 . Circé est assez connue par l'Odyséée d'Homère . grotte qu'elle habite : elle ne répond pas ; elle dédaigne même le
24 . Médée, fille d'~Eétès, femme de Jason, est la magicienne présent qu'elle lui avait demandé. Il se plaint de l'Amour, dieu
la plus célèbre de l'antiquité .
redoutable . Il implore un baiser, mais en vain . Désespéré, il
menace de se jeter à la mer . Il sait en effet qu'il n'est pas aimé
25 . Périmède est la même qui est appelée Agamède, Iliade, li, la feuille du pavot consultée, puis la vieille devineresse Parai-
740. Fίlle d'Augias, roi d'$lide, elle connaissait tous les simples batis le lui ont fait entendre . Aussi donnera-t-il à une autre la
et leurs propriétés médicinales.
chèvre blanche qu'il avait promise à Amaryllis . Tout à coup son
26 . Le torcol (iynx torquilla) était employé en magie parce oeil tressaille . Il reprend courage, et pour persuader à la dédai-
qu'il tourne presque entièrement la tête et le cou avec une grande gne~~se jeune fille qu'un chevrier peut prétendre à être aimé, il
rapidité . On le hait sur une petite roue appelée cόμβr qu'on lui chante les amours des vierges célèbres et des déesses qui ont
faisait tourner rapidement dans ~~ne seule direction, en pronon- aimé des bergers . Comme elle reste toujours cachée et muette,
çant des formules d'enchantement . Le mouvement dans la direc- il lui déclare qu'il va se jeter à terre et se laisser manger par les
tion opposée rompait le charme . loups .
27. Delphis était de Myndos, ville de Carie . 38. Le-.zv ~~~o ; « toute graisse ~ a beaucoup embarrassé les
28 . Dia, ancien nom de l'île de Naxos . commentateurs . C'est pour nous un compliment à rebours ; c'est
de plus un détail déplacé, entre deux autres qui ont trait aux
29 . L'hippomane est un écoulement qui survient aux cavales, yeux et aux sourcils . On a bien essayé de corriger ~~~o ; en ~E~o ;
dont on composait des philtres ; c'est aussi une excroissance de « toi dont le coeur est de pierre » ; mais l'opposition avec le détail
chair qui se forme au front des poulains et qu'on employait qui précède serait au moins marquée par ô~ . M. Legrand traduit
également dans les philtres . Pour Théocrite, l'hippomane est une « qui tout entière reluis » . Je pense comme lui que ~,~ro ; se rap-
plante qui met les chevaux en folie . porte moins à la graisse qu'à l'éclat de la char qui reluit, et je
30 . Vers interpolé. le rapporte à l'oeil « qui est toute lumière p, mais sans conviction .
31 . Anaxo était canéphore . Les canéphores étaient des jeunes II~v >.Eaos cache certainement une expression qui reste à trouver.
filles qui figuraient dans les processions aux fêtes d'Athéna, 39 . Nous ne connaissons le sens exact ni de ~~~~~~>.ov que l'on
d'Artémis et de Déméter. Elles portaie~~t sur la tête une corbeille traduit par pavot, n~ de ~~~~~~r,~x qu'on interprète communément
qui contenait le gâteau sacré, la guirlande, l'encens et le couteau par claquement. On explique d'habitude le procédé en question
pour tuer la victime . ici comme il suit : On prenait une feuille de pavot entre les doigts
et on s'en frappait le bras ou la main . Si elle rendait u~~ claque- bergers courent après, et Battos se plante une épine dans le pied .
ment, c'était un signe favorable . Niais cette explication, comme Corydon la lui retire . Après quoi Battos épanche de nouveau sa
le remarque M . Cholmeley (édition de 1919, Londres) ne s'accorde bile sur un vieillard amoureux, et la causerie finit brusquement .
pas avec le sens des deux verbes ~o~s~~ ; x~o (serrer, presser La pièce est ce que nous appellerions aujourd'hui une tranche de
contre ) et ~s~x~ vbr, (se flétrir) . Aussi adopte-t-il l'interpré- vie. C'est la peinture naïve et crue de l'esprit, des sentiments,
tation du scholiaste K : ~ Si la peau devenait rouge, c'est qu'on du langage de bergers véritables que le poète s'est défendu
était aimé ; si le coup blessait ou enflammait la peau, c'est qu'on d'idéaliser, et c'est le dessin des caractères et le réalisme du détail
~~e l'était pas . ~ Quant au n~ot -i,xcx,-r,μx, on peut, dit M . Chol- qui en fait le charme et l'intérêt .
~~~eley, le traduire par /euille ou /euille craquante et en faire 45 . Sατιs doute le père d'A~gon .
l'apposition de :r,).~x~i.ov .
40 . La divination par le crible, surtout pour découvrir les 46 . Gomme il est question au vers 31 de deux contemporains
de Théocrite, Glaucé et Pyrrhos, il est vraisemblable que le nom
voleurs, est souvent mentionnée . Voir Bouché-Leclercq, Histoire de Miloη n'est fias celui du fameux athlète qui fut 31 fois vain-
de Ia diu~nat~on , I, p . 183 . queur aux grands jeux de la Grèce, et qui vivait en 510 avant
41 . Les prétendants à la nain d'étalante devaient lutter à la J .-C ., longtemps avant Théocrite .
course avec elle ; elle s'engageait à épouser le vainqueur, mais 47 . L'Alphée désigne ici les jeux Olympiques, qu'on célébrait
elle perçait les vaincus de son javelot . Hippoménès, à qui Aphrodite à Olympie, située sur l'Alphée, fleuve d'Elide .
avait donné des pommes d'or du jardin des Hespérides, les sema
sur le parcours . Atalante perdit du temps à les ramasser ; elle 48 . Pollux était renommé pour son adresse au pugilat (voir
fut vaincue et épousa le vainqueur . idylle XXII), comme son frère Castor pour son habileté à con-
42 . Nélée, roi de Pylos, fils de Tyro, avait déclaré qu'il ne duire les chevaux .
donnerait sa fille Péro qu'à celui qui lui amènerait les troupeaux 49 . Avant les jeux, les athlètes s'entraînaient pendant trente
d'Iphiclos, roi de Phylacé, en Thessalie, qui avaient appartenu jours à Éhs ; ils remuaient la terre et jetaient d~i sable sur l'arène .
à sa mère Tyro . Bias, roi d'Argos, état amoureux de la jeune C'est à quoi servait la bêche . Quant aux moutons, c'étaient des
fille. Son frère Mélampos, médecin et devin célèbre, se chargea provisions de bouche .
de les amener four lui. 1 échoua d'abord et fut retenu prisonnier 50. C'est un sarcasme à l'adresse d'Aigon qui semble avoir
par Iphiclos ; mais grâce à son art, il lui donna d'utiles conseils, voulu perdre son troupeau en suivant IVÜlon et en remettant à
et Iphiclos reconnaissant Iui fit présent de ses boeufs . Bias les Corydon la garde de ses vaches : des loups enragés auraient été
conduisit à Nélée, et il épousa Péro, dont il eut une fille qu'il plus expéditifs que Corydon .
appela Alphésibée (celte qυί procure des boufs à ses parents) . 51 . L'Aisaros était un fleuve qui traversait Crotone.
43 . Endymion, ayant inspiré de l'amour à Junon, Jupiter le
plongea dans un sommeil éternel . Diane, éprise aussi de sa beauté, 52. Le Latumnos était, d'après le scholiaste, une montagne
du pays de Crotone .
venait le visiter toutes les nuits dans une grotte du mont Latmos
où il reposait . 53 . Lampriadas état sans doute le héros éponyme d'un dème
de Crotone .
54 . Héra avait un temple célèbre au promontoire du Lacinium
IDYLLE IV près de Crotone.
55 . Stomalίmnon ~ embouchure d'une lagune voisine de
44 . Argument. - La scène est dans le voisinage de Croto~~e, Crotone n, d'après le scholiaste .
où Corydon, un berger inoffensif et débonnaire, fait paître un 56 . Physcos est sans doute le ~~o~n d'un pâturage .
troupeau de vaches qu'on lui a confiées. Il cause avec Battos, un 57 . Le Néaithos état une ravière dans le voisinage de Crotone .
plaisant, qυί fait des remarques mordantes sur le troupeau et
le berger, mais sans réussir à faire sortir son interlocuteur de sa 58 . Pise, en Elide, près d'Olympie .
placidité ; car le brave Corydon est sans rancune et sans fiel, et 59 . Glaucé, musicienne originaire de Chio, vivait au temps de
quand au cours de l'entretien, la menton d'Amaryllis attriste Ptolémée Ph~ladelphe .
tout à coup Battos qυί en était épris, Corydon essaie de le con- 60 . Pyrrhos de RIilet auteur de chansons ioniennes, d'après
soler . Cependant les veaux sont allés jusqu'aux oliviers ; les ~I . Legrand .
206 NOTES
Νοrεs 207
61 . « Ce doit être le début d'une chanson où Crotone était 72. L'Himéra état sans doute une ravière voisine du Crathis .
Il ne faut pas la confondre avec l'Himéras, fleuve de Sicile .
déclarée aussi belle que Zacynthe ~ (M . Legrand ) . Zacynthe est
une ale de la mer Ionίenne, aujourd'hui Zante. 73. Sybaritis : c'était sans doute une source .
74 . Nlélanthios , chevrier d'Ulysse, avait pris 1e parti des
prétendants . Ulysse et Télémaque se vengèrent de lui en lui
coupant le nez, les oreilles, les parties et les bras et les jambes .
IDYLLE V
88 . Simichidas représente ici Théocrite lui-même . Pourquoi chidas est payé de retour.
a-t-il choisi ce nomR Est-ce parce qu'il était camus, c~~o ;? C'est 105 . M . Legrand voit dans Aratos, non le célèbre auteur des
l'opinion de certains scholiastes . Phénomènes, ami de Théocrite, mais un habitant de Cos .
89. Sikélidas : pseudonyme du poète Asclépίade, dont l'Antho- 106 . Aristis, habitant de Cos, connu comme citharède
logie palatine nous a conservé dix-huit épigrammes . (~i . Legrand).
90 . Philétas de Cos, né vers 340 av . J .-C., pète et grammai- 107. Homolé, montagne de Thessalie .
rien, fut le précepteur de Ptolémée Philadelphe . Il avait com-
posé des poèmes, des épigrammes, des élégies amoureuses qui 108. Il s'agit de la viande offerte aux jeunes garçons par
lui valurent une grande rép~~tation . Il nous en reste à peine celui qui offrait un sacrifice . S'ils trouvaient la portion trop
quelques fragments . petite, ils s'en vengeaient sur le dieu .
109 . Édones, peuplade de Thrace .
91 . Les anciens trouva~e~~t du charme au brut strident que
fait la sauterelle . 110 . L'Hèbre, aujourd'hui Maritza : fleuve de Thrace .
92 . Oromédon probablement une montagne de Cos . 111 . Les Blémyes habitaient prés des cataractes, et non,
93. Le chantre de Chios Homère . comme le laisse entendre Théocrite, au delà des sources du Nil .
94 . Mytilène : capitale de l'île de Lesbos . 112 . Hyétis et Biblis ; sources voisines de Milet .
95 . Les Chevreaux et Orion, deux constellations qui passaient 113 . Oicous site de Milet .
114 . Dioné, fille de l'Océa~~, almée de Zeus, do~~t elle eut 123 . Le bas des tuyaux est la partie que le joueur tient à la
Aphrodite . Elle est prise ici, comme souvent, pour sa fille . main, le haut, la partie où l'on appuie les lèvres .
115 . Molon :inconnu, qui aimait h~i aussi Philinos . 124 . Vers interpolé .
116 . Pyxa bourg de l'île d~ Cos, d'après le scholiaste .
117 . Amyntique, diminutif d'Ar~~yntas .
118 . Castalie, fontaine du mont Parnasse, consacrée à Apollo~~ IDYLLE I1
et aux muses .
119 . Le centaure Pholos offrit l'hospitalité à Héraclès, quand 125 . Argument. - La scène est en Sicile . Un personnage qui
celui-ci fit son expédition contre le sanglier d'Érymanthe . n'est pas nommé engage Daphnis et Ménalcas à chanter pour
120 . L'Anapos fleuve de Sicile . lui. Daphnis vante les douceurs de son existence en été, Ménalcas,
121 . Les uns voient dans ces nymphes celles de la grotte le confort dont il jouit en haver . L'auditeur les récompense tous
située dans le domaine de Phrasidamos, et ils prennent le verbe les deux, puis il prie les Muses de publier la chanson que lui-
dc-zpχvάσχ-- au sens de mëler de l'eau ~ du yin ; les autres y voient rnême a chantée devant les deux bergers, chanson où il célèbre
les nymphes Castalides c'est pour les honorer que Phrasi- le charme des Muses.
damos sert à leur favori Simichidas son vin le plus précieux . Le Cette idylle a été imitée par Virgile comme la précédente et
verbe en ce cas signifie : faire couler comme d'une source . C'est les anciens n'ont pas mis en doute qu'elle ne fût de Théocrite .
l'opinion de M . Legrand, et je m'y rallie . Tel n'est pas l'avis des modernes . On admet à la rigueur l'authen-
ticité des couplets de Daphnis et de Ménalcas ; mais on veut
voir dans le début (1-6) une ~nterpolat~on maladroite, dans les
IDYLLE VIII vers relatifs aux récompenses (22-27) un centon fait de souvenirs
des autres idylles, et enfin dans les derniers vers (28-36) un
épilogue ajouté à un recueil de ses vers par Théocrite lui-même
122 . Argument . - Deux bergers encore enfants, Daphnis et (Cholmeley) ou à une collection bucolique d'auteurs divers par
Ménalcas, se rencontrent dans la montagne . Ménalcas provoque Artémidore ou d'autres éditeurs . M . Legrand va plus loin : il
Daphnis à chanter. Ils appellent un chevrier pour les juger . Ils retire à Théocrite l'idylle tout entière et il se dit tenté de la
chantent, l'un, son mignon ; l'autre, sa maîtresse en distiques rapporter à Moschos de Syracuse ou à quelqu'un de soM entou-
élégiaques ; puis dans un couplet final en vers alexandrins, chacun rage .
d'eux revient à des sentiments plus conformes à son âge . Le Les arguments de ces critiques ne sont pas convaincants . Je
chevrier adjuge le prix à Daphnίs qui bat des mains, tandis que tiens pour l'unité du poème, et je ne suis nullement choqué,
son petit concurrent a le coeur gros de chagrin . comme M . Legrand, que le début ait une forme dramatique,
Virgile a imité maint passage de çet~e idylle et les anciens quand la suite est narrative ; je trouve non moins naturel que
semblent l'avoir considérée comme étant de Théocrite . Mais celui qui a prié les deux chanteurs de chanter pour son plaisir
aujourd'hui l'authenticité en est fort contestée . Il est invrai- les en récompense tous les deux ; car il n'est pas comme le dit
semblable que Théocrite ait oublié que ses chanteurs avaient Ai. Cholmeley un arbitre , mais un chanteur lui aussi . C'est à ce
entre douze et quinze ans, et que l'un célèbre le garçon qu'il titre qu'il chante lui-même une chanson aux deux bergers . Il
aime, et l'autre la nymphe dont il eat égr~s, en termes qui ne faut lire, il est vrai, :rv ώr',zv avec K, au lieu de -z ; ~â~~ et cor-
conviennent qu'à des hommes . Il y a désaccord entre cette riger avec Meineke -o A' en ~o~' . Dès lors le texte n'a plus rien
parte de la pièce et les deux couplets de la fin, où les sentiments de choquant .
et le ton sont plus naturels et convenables à des gaι°çonnets. De Sans doute la pièce tout entière est faible, et l'on y voit même
plus il y a deux endroits où l'on ne trouve pas entre les couplets quelques détails qui s'ajustent péniblement . Mais quel est le
la correspondance de pensée qui est de règle dans les vers amé- poète qui n ' a fait que des chefs-d'oeuvre et n'a jamais eu de
bées . On en est réduit à supposer des lacunes. La conclusion, faiblesse? On est d'ailleurs libre de croire que cette idylle n'est
c'est que l'idylle est apocryphe, ou tout au moins qu'elle a été qu'une ébauche et que l'auteur n'y a pas mis la dernière main .
composée de morceaux distincts que l ' arrangeur a mal soudés 126 . Hyccara, localité de Sicile, aujourd'hui Carini .
ensemble, parce que leur diversité ne permettait pas de les
fondre en un tout homogène . 127 . Vers inintelligible à cet endroit .
212 NOTES
NOTES 213
IDYLLE X IDYLLE XI
avait donné naissance à cette fleur . aussi, qui peut-être était, comme le cyclope, tourmenté d'un
136. Les chaussures d'Amyclées, en Laconie, généralement de amour malheureux. Il répondit par une pièce de vers dont nous
couleur rouge, étaient portées par les élégants . avons conservé le début : « C' est bien vrai, Théocrite, les Amours
ont souvent rendu poètes ceux qui auparavant étaient étrangers
137. Lityersès , fils de Midas, roi de Phrygie , s'était adonné aux Muses . » Nous avons aussi conservé de Iui neuf épigrammes .
à l'agriculture . Il recevait les étrangers à sa table, puis les faisait Théocrίte lui a dédié aussi la treizième idylle .
moissonner avec lui ; s'ils ne pouvaient pas l 'égaler au travail, il
leur tranchait la tête . Hercule le tua d'un coup de faux. Néan- 142 . Homère a raconté dans le neuvième chant de l'Odyssée
moins le souvenir de ce roi moissonneur resta populaire, et l'aventure d'Ulysse chez Polyplème . Ulysse, ayant pénétré dans
Athénée ( 619 a ) nous apprend qu'on appelait lityersès la chanson l'antre du géant, fut retenu par lui et le vit dévorer six de ses
des moissonneurs . compagnons . II se vengea, après l'avoir enivré, en Iui crevant
son mil unique .
138 . C'est- à- dire inutiles, comme le bois de figuier .
143 . La mère de Polyphème s'appelait Thoossa ; c'était une
139 . On appelait les avares coupeurs de cumin . ~~ymphe de la mer, comme Galatée .
144. Expression proverbiale équivalente à Contente-toi de
ce que tu as sous la main .
net à pleurer . Son amant Iui applique une paire de soufllet~ ; dans 'broie . Cependant Praxinoa, éperdue dans la presse, a son
elle s'enfuit et va retrouver son nouvel amant . L'ancien, toujou~ •s voile déchiré . Elle demande protection à un homme, et la bande
amoureux, parle de s'engager comme soldat . Thyonichos lui cgS~ réussit enfin à pénétrer dans le palais .
seille de se mettre à la solde de Ptolémée, dont il vante les q~a- La troisième partie a pour scène la salle où est dressé le lit
lités et surtout la générosité. d'Adonis . Les deux femmes s'extasient sur les broderies . Un
Cette idylle est un mime d'un réalisme savoureux, terminé par homme les prie de se taire et les raille sur leur accent dorien .
un éloge de Ptolémée, d'autant plus flatteur qu'il était inattendl~ . Praxinoa lui rend coup de bec pour coup de bec . Mais la chanteuse
168 . D'après Athénée ce vin était ainsi nommé d'une contrëe s'avance . Elle fait l'éloge d'Adonis où elle mêle celui de la reine
de la Thrace qui le produisait ; suivant füppys de Rhegium, c'était Arsinoé qui a organisé la fête ; elle célèbre les jardins d'Adonis,
un vin produit par une espèce de vigne nommée ~c~~~x . les gâteaux, les berceaux de verdure et tous les ornements dont
on a paré le lit du jeune amant de Cypris .
169 . C'était une croyance populaire que s~ le loup apercevait
Les deux femmes reprennent le chemin de leur logis, pleines
quelqu'un le premier, il lui faisait perdre l'usage de la parole .
d'admiration pour le talent de la chanteuse .
Tu as vu le loup? n équivaut donc à : « As-tu perdu la pa~ •o le? »
Mais c'est trahir l'auteur q~~e de résumer sa pièce . L'intérêt
Le convive joue sur le sens de ~~xo~ qui veut dire loup et qui est
e~~ est en effet dans les menus détails, si heureusement choisis
en même temps le nom de l'amant de Kynisca .
four peindre le caractère et le langage de deux petites bour-
170. Le convive thessalien était de Larissa, ville de Thessalie. geoises de l'époque alexandrine . On prétend que Théocrite a
171 . Proverbe qui signifie Il est parti pour ne pas revenir . imité un mine de Sophron, Les Spectatrices des jeux de l'Isthme .
172 . Les Thraces, peuple barbare, avaient sans doute la barbe Quel qu'ait été le mérite de Sophron, on peut douter qu'il ait
longue et peu soignée . peint des caractères aussi marqués que ceux de Gorgo et de
Praxinoa, et qu'il ait su évoquer d'une manière si naïve et si
173 . Suivant le scholiaste, les Mégariens ayant demandé à la
vivante le spectacle d'une foule en fête.
pythie quel était le premier peuple de la Grèce, elle en énuméra
plusieurs, et ajouta : « Pour vous, Mégariens, vous n'êtes ni les 177 . C'est-à-dire des soldats . Les bottes (xprs~~~ ;) et la chlamyde
troisièmes, n~ les quatrièmes, ni les douzièmes : vous n'entrez ni étaient caractéristiques du costume des soldats macédoniens .
en considération ni en compte . » 178 . Perséphone ou Proserpine .
174 . Proverbe appliqué à ceux qui sont tombés dans une 179. Passage très controversé . Nous avons adopté la correction
situation inextricable . d'Ahrens, ~~v~a pour ~x•r.x . Si l'on garde s~v~x, le sens est
175 . Ptolémée II Philadelphe régna de 283 à 246 . Ce fut le nous disons l'autre jour à propos de tout ; c'est une critique d.e
plus riche et le plus puissant des rois d'Egypte . l'abus qu'on faisait à Syracuse du mot ~~óxv, l'autre jour, mot
qui se rencontre en effet très souvent dans Théocrite . Bois-
so~~ade entendait car il faut dire l'autre jour à propos de tout,
puisque nous demeurons s~ loin que nous ne pouvons parler
IDYLLE XV dans nos rares entrevues que de faits déjà lointains .
180 . La mine valait 92 fr . 68 .
176 . Argument . - Le mime des Syracusaines se divise en trois 181 . Mormo, croquemitaine femelle dont on menaçait les
parties . La première a pour théâtre la maison de Praxinoa où son enfants quand ils criaient .
amie Gorgo vient lui rendre visite . Ces deux femmes sont des 182 . C'est-à-dire vauriens .
Syracusaines dont les maris sont domiciliés à Alexandrie . Elles
se complimentent elles-mêmes et daubent à l'envi sur leurs maris . 183 . Il faut supposer que les jeunes fïlles de la noce cherchaient
à pénétrer dans la chambre nuptiale, comme le font encore
Puis Gorgo invite Praxinoa à venir voir les fêtes d'Adonis au
palais du roi Ptolémée . Praxinoa s'habille en bavardant et surtout aujourd'hui les garçons dans nos campagnes . Un ami du marié
les écartait de la porte en disant ironiquement : « To~ites dedans »
en tançant à tout propos sa servante Eunoa .
c'est-à-dire celles qui doivent être dedans y sont, ce pluriel
La deuxième partie se passe dans la rue, où Praxinoa a peur
désignant la mariée .
de la foule et peur des chevaux . Chemin faisant, Gorgo demande
à une vielle femme si l'on peut entrer dans le palais . Essayez, 184 . Adonis était aimé non seulement par Aphrodite, mais
répond la vieille c'est en essayant que les Achéens entrèrent encore par Perséphone, déesse des enfers .
216 . Aréthuse , néréide poursuivie par le fleuve Alphée, fut 223 . Cos, une des Sporades, située en face d'Halicarnasse fut
changée en fontaine par Artémis et vint jaillir dans l'île d'Orty- la latrie d ' Hippocrate, de Philétas et d'Apelle .
gie, près de Syracuse. 224 . Bérénice avait pour mère Antigone , fille de Cassandre .
217 . Étéocle fut le premier qui sacrifia aux Charites . Il régnait
225 . Ilithyie présidait aux accouchements .
à Orchomène la ~iinyenne (il y avait une autre Orchomène en
~rcadie) . Orchomène , qui avait jadis assujetti Thèbes, fut détruite 226 . La colline de Triops ou Triopίon était un promontoire
par elle en 364 . d'Asie séparé de l'île de Cos par un bras de mer de peu de largeur .
C'était le centre religieux de la pentapole dorienne qui com-
prenait les trois cités rhodiennes de Lindos, Camiros, Ialisos,
IDYLLE XVII l'île de Cos et la ville de Cnide sur la côte .
227 . Rhénée , petite ile séparée de Délos par un étroit bras
218 . Argument - Le poète se propose de chanter Ptolémée de mer de quatre stades de largeur .
Philadelphe . Ptoléu~ée Philadelphe est fils de Ptolémée Lagide, 228 . Ce qui fait 33.333 . Diodore de Sicile porte à 30.000 le
compagnon d'Alexandre et descendant comme Iui d 'Héraclès . nombre des villes d'Égypte au temps de Ptolémée Lagide . Le
Ptolémée Lagide et sa femme Bérénice ont été mis au rang des poète a substitué à ce chiffre un nombre multiple de 3, parce
dieux. Leur fils a vu le jour à Cos : il règne sur les 33 .333 villes que le nombre 3 a une signification favorable aux yeux des
de l'Égypte et sur un grand nombre d'autres pays ; ses flottes anciens .
Iui ont gagné l'empire de la mer et ses troupes innombrables 229 . Une tradition tardive donnait Zéphyre pour époux à
assurent à l'Égypte une entière sécurité . Il a des richesses Iris .
immenses et il sait en faire usage ; il en donne une part aux
poètes, dispensateurs de la renommée . Il a bâti des temples à ses
parents, conjointement avec Arsinoé, sa soeur, qu'il a épousée, IDYLLE XVIII
comme Zeus épousa Héra . Le poète le chantera comme les autres
héros . 230 . Argument . - Douze jeunes filles lacédémoniennes chan-
Théocrite , n'ayant pas obtenu à la cour d'Hiéron la protec- tent un épithalame devant la chambre où Ménélas vient de
tion qu'il en attendait , s'était rendu à Alexandrie , à la cour de s'enfermer avec Hélène, sa jeune épouse . Elles le plaisantent de
Ptolémée Philadelphe. L'éloge qu'il fait de ce monarque se place se coucher si tôt, pins le félicitent d'avoir obtenu la main d'une
entre 275 et 270, date de la mort d'Arsinoé, probablement, fille de Zeus , la plus belle des femmes de Sparte, la plus adroite
d'après M . Legrand, après 273 . C'est un morceau bien inférieur à tisser, la plus habile à chanter . Elles vont célébrer pour la
au précédent il a l ' allure compassée d'un poème officiel, où la première fois les rites d'un culte en l'honneur d'Hélène, et elles
louange ne connaît ni restriction ni mesure . Seul, le pittoresque demandent à Léto, à Cypris et à Zeus de favoriser les nouveaux
de certains détails en relève la monotonie . époux .
219. Ce Ptolémée avait suivi Alexandre dans ses expéditions . D'après le rédacteur d'une notice ancienne , ce gracieux épi-
thalame serait imité de Stésichore ; mais de l'oeuvre de Stési-
Dans le partage de l'empire qui suivit la mort du conquérant,
il obtint le gouvernement de l'Égypte , où il régna sous le nom chore nous ne savons rien .
de Ptolémée I, Sôter . II abdiqua en 285 en faveur de son plus 231 . Il y avait à Sparte une chapelle ou une enceinte consa-
jeune fils Ptolémée Philadelphe . crée à Hélène , près d'un bouquet d'arbres appelé Platanistas .
220. Le vaillant Héraclide est ici le fondateur de la dynastie
macédonienne , Caranos ou Perdiccas . Ptolémée Lagide se fai-
sait passer pour fils naturel de Philippe, et prétendait descendre IDYLLE XIX
d'Hercule comme les rois macédoniens .
221 . Bérénice, fille de Magas, femme de Ptolémée Sôter, mère 232. Argument . - Un jour qu' Éros dérobait du miel dans une
de Ptolémée Philadelphe . ruche, il fut piqué par une abeille et se plaignit à sa mère qu'une
222. Déipyle, fille d'Adraste , roi d'Argos, mariée à Tydée, si petite bête fît de s~ grandes blessures . « Toi aussi, dit Aphro-
qui fut roi de Calydon en Étolie avant de venir à Argos . De là dite, tu es petit et tu fais de graves blessures .
le ~~om de Calydonien donné à son fils . C'est la même donnée que celle de la 35e ode anacréontique,
247 . Le navire Argo avait été construit à Démétria en Magnésie . enseignements qu'il reçut et des maftres qui lui en firent part .
248 . Le géant Tityos essaya de faire violence à Léto, femme Là-dessus la pièce finit brusquement, sans conclusion .
de Zeus . Il fut précipité aux enfers, où il couvre un espace de 256 . Midéa, en Argolide où régnait Électryon, père d'Alcmène .
neuf plèthres, et où deux vauto~~rs lui dévorent les entrailles Électryon était lui-même fils d'Andromède et de Persée .
(Homère Odys . ~I, 576-581) . 257 . Alcmène avait eu deux jumeaux, l'un de Jupiter, Héra-
249 . Amyclées, ville de Laconie, sur l'Eurotas . clès, l'autre de son mari Amphitryon, Iphiclès .
250 . Leucippe, roi de Messénie, avait deux filles, Phaebée et 258. Ptérélaos, roi des Taphiens ou Téléboëns, dont les fils
Hilaïra . qui étaient fiancées aux fils d'Apharée, son frère, Idas avaient tué les frères d'Alcmène .
et Lyncée. 259 . Héra avait retardé la naissance d'Héraclès et avancé celle
251 . Le pays de Corinthe . Sisyphe avait fondé la ville d'Éphyre, d'Eurysthée, parce que Zeus avait promis l'empire de la Grèce
qui plus tard fut appelée Corinthe . au premier enfant qui devait naître . C'est ainsi qu'Héraclès fut
252 . Laocoossa, femme d'Apharée . soumis à Eurysthée qui Iui commanda les douze Travaux.
260 . Tirésias avait perdu la vue dans sa jeunesse pour avoir
vu Athéna au bain .
Héraclès tueur du lion, il apparaît pour la première fois dans 278 . Héraclès était fils d'Alcmène, fille d'Électryon, fils de
l'édition de Callierg~s. Persée .
La première partie nous montre Héraclès en conversation avec 279 . Ce mot qui désigne souvent les habitants de Sicyone, est
un laboureur qui le renseigne sur l'emplacement des troupeaux employé ici comme synonyme d'Argiens .
du roi Augias et l'étendue de ses doanaines . Héraclès lui demande
280 . Némée, ville et plaine de l'Argolide, où se célébraient les
de le faire conduire au roi. Justement celui-ci est venu de la ville
jeux Néméens .
visiter ses troupeaux . Le laboureur le conduit lui-même, et, che-
min faisant, le protège contre les chiens . 281 . La terre d'Apis est le Péloponèse . Ce ~~om Iui venait
La deuxième partie met en scène Augias, son fils Phyleus et d'Apis, roi légendaire d'Argos.
Héraclès. Ils assistent à la rentrée au bercail des innombrables 282 . Les descendants de Phoronée sont les habitants de l'Argo-
troupeaux du roi, troupeaux de moutons, de vaches et de taureaux . lide, ainsi nommés de Phoronée, roi d'Argos, fils d'Inachos, et
Un de ceux-ci, le plus fort de tous, fond sur Héraclès ; mais le père d'Apis .
héros le saisit par la corne, lui fait ployer le cou, et le repousse 283 . Les Bembinéens, ou habitants de Bembina, village voisin
sous la pesée de sou épaule . de Némée .
Dans la troisième partie, nous voyons Phyleus et Héraclès e~~
284 . Sur Eurysthée voir la note 259 .
route pour la ville. Phyleus interroge son hôte sur le lion de
Némée . Héraclès lui raconte comment il a rencontré la bête,
comment, après l'avoir assommée de sa massue, il l'a étranglée,
puis dépouillée, pour se revêtir de sa peau . IDYLLE XXVI
Ce triptyque, où se juxtaposent trois épisodes qui n'ont qu'un
rapport lâche entre eux, est, par la grandeur de l'imagination,
par le mouvement et la vie, par la beauté des images et la per- 285 . Argument . - Ino, Autonoé et Agavé célébraient dans la
fection du style, une des plus belles compositions de l'école montagne les mystères de Dionysos, interdits aux regards des
alexandrine . Elle est anonyme dans les manuscrits, mais de qui profanes . Penthée, roi de Thèbes et fils d'Agavé, s'était caché
peut-elle ~~tre, sinon de Théocrite, dont elle rappelle la manière pour les observer. Il fut découvert et mis en pièces par sa mère,
de composer, au moins dans le poème authentique d'Héraclès ses tantes et toutes les bacchantes que Dionysos avait rendues
enfant, l'art d'humaniser les héros du vieux temps, d'encadrer furieuses .
le récit dans un paysage champêtre, de l'enrichir de détails pitto- Il ne faut point avoir pitié des ennemis de Dionysos, ni ce~~-
resques, pris sur le vif, et de faire parler les personnages en un surer les actes des dieux .
style à la fois savant et naturel? Si elle n'est pas de Théocrite, Gette pièce, où l'on peut voir un hymne composé à l'occasion
elle est d'un poète qui le vaut ; mais le moyen de croire qu'un si d'une fête religieuse, est imitée des Bacchantes d'Euripide . Elle
beau génie soit resté caché da~~s l'obscurité? est attribuée à Théocrite par Eustathe et se trouve mêlée à des
271 . Augias était rοί des Épéens, en Élide . pièces authentiques de notre poète dans un papyrus de Fayoum
du ve siècle. Il n'y a pas de raison plausible de lui en dénier la
272 . L'Éhsous, appelé 'Eπίσσωv par Strabon, est une rivière qui paternité .
séparait l'Élide creuse (~o~~~ 'H~~,) de la Pisatide .
286. Ιηο, Autonoé et Agavé étaient filles de Cadmos, roi de
273. L'~lphée, le plus considérable des fleuves du Péloponèse, Thèbes, et soeurs de Sémélé, la rnère de Dionysos . Agavé était
prend sa source en Arcadie, reçoit l'Élisous, passe à Olympie, la mère de Penthée, roi de Thèbes, qui se refusait à reconnaître
et se jette dans la mer Ionienne . le nouveau dieu qu'était Dionysos .
274. Bouprasion, ville de l'Éhde déjà mentionnée par Homère . 287 . L'asphodèle terrestre est sans doute appelé a~~~s~ pour le
275 . Le Ménios est une ravière de l'Élide qu'Hercule dériva distinguer de l'asphodèle des enfers .
pour nettoyer les étables d'Augias . 288 . Le grec joue sur le sens de -~v~o_, deuil, et de II :ve :~_,
276 . D ' après la légende, Apollon avait fait paître, dans les Penthée, calembour intraduisible .
plaines de la Thessalie, les cavales et les brebis d'Admète . 289 . On ne voit pas bien l'à-propos de cette menton d'un
277 . Héliké, ville d'Achaïe, sur le golfe de Corinthe . Elle fut enfant de neuf ou dix ans .
détruite par la mer qui l'envahit vers 373 avant J .-C . 290. Le Dracanoτι est un promontoire de file d' Icarie .
228 NOTES
NOTES 229
tromper le cyclope . Combat-de-Zo~~ est la traducCion du mot monte sui • lcs roche~ •s, ;i~ó-o ; étant ici synonyme de -έτμ„ parce
'~_.L_~x7~,.
que Deucaliott tira les hommes des pierres .
Le deuxième vers veut dire enfanta le rapide conducteur Au vers 14, Pan est appelé a~gu~llon de la femme de Saette, parce
d'Amalthée, nourrice de Zeus, c'est- à-dire le dieu Pan, pasteur qu'il a piqué d'amour Omphale, femme de la ville de Saette en
de chèvres . Le Remplacé-par-une pierre est Zeus, ainsi nommé Lydie .
parce que Rhéa mit vue pierre à la place de 7,eus, que son père Au vers 15, Pan est engendré furtwement, parce qu'il est fils
Kronos voulait dévorer. d'Hermès, amant clandestin de Pénélope. Il est sans pére, c'est-
Le troisième vers distingue le chevrier Pατι d'un autre chevrier à-dire de père inconnu, à cause du grand nombre de prétendants
célèbre, Comatas, que l'auteur appelle ici Kérastas (le cornu) qui assiégeaient Pénélope .
confondant f~0x ; corne et ~ń~r, chevelure . Ce Comatas fut nourri Au vers 16, qui as des coffres aux jambes signifie qui as le pied
par des abeilles (voir l'idylle VII) ; et comme l'abeille naquit de fourchu, parce que >.xwx~ó~v~o ; est synonyme de ~r,~ó~v~o~ qui
la chair putréfiée d'un taureau (voir l'épisode d'Aristée au IVe livre peut signifier qui a un coffre aux jambes (~r,),ó,) ou un sabot four-
des Géorgiques de Virgile et Ovide, Fastes, I, 379), l'auteur chu (~~r.~).
l'appelle fille de taureau . Aux vers 18, 19, 20, la vierge muette est Écho . Elle est
Au vers 4 celui qui brûla d'amour pour ce qui, sans ~, est bord appelée muette, parce qu'elle ne peut que répéter des sons et
de boucher, c'est Pan qui aima la nymphe ~ :~ó_, dont le nom, non en émettre par elle-même ; Calliope est le nom d'une muse,
écrit sans ~, devient ~~~ : : bord de bouclίer . mais ce nom veut dáre Belle-Voix . Enfin Écho est invisible,
Aux vers 5 et 6, Pan est appelé Tout, parce que -x •~ et ti~,o-~ bien qu'elle parle .
s'équwalent ; ïl est double, parce qu'il est moitié homme, moitié
bouc. Il aime la nymphe Écho qui est à demi parleuse, parce
qu'elle ne répète que la fin des mots ; elle naît de la voix et elle
n'est qu'un souille . ÉPIGRAMλ1ES
Aux vers 7 et 8, l'expression ~~~ •~ ~z~sv ~~,xo ; a le double sens
de ~~~fhgea utte perçante blessure ~u fistule, car ~~,z~ ; au sens de 306 . Les manuscrits nous donnent vingt-deux épigrammes
blessure peut être une fistule, ou bien de assembla une syrinx à de Théocrίte, à savoir six pièces bucoliques et dix épigraphiques
voix perçante, ce qυί est le sens du rébus . Pan fit la syrinx en (épitaphes, dédicaces, enseigne), en distiques élégiaques, et
souvenir de la nymphe Syrinx qu'il aimait et qui fut changée six pièces en mètres variés . Ces vingt-deux épigrammes se
en roseau . retrouvent toutes dans l'Anthologie palatine, attribuées, les
Vers 9 et 10 : qui éte~gn~t l'arrogance homonyme du Tueur-de- unes à Théocrite, les autres à Léonidas de Tarente . L'Anthologie
grand-père veut dire qυί éte~gn~t l'armée des Perses . Le Tueur-de- palatine attribue aussi à Théocrίte, trois autres épigrammes,
grand-père est Persée qui tua son grand-père Acrisίos, et l'arro- ce qui porte le total à vingt-cinq .
,gance homoπyme du Tueur-de-grand-père est l'armée de Persée,
c'est-à-dire de Darius . Pan aida en effet les Grecs à vaincre les Ι
Perses à Btarathon et à Salamine . Il sauna la Tyr~enne, c'est-à-dire
l'Europe . La vierge Europa est appelée tyrienne, parce que c'est 307 . La première épigramme est peut-etre la description d'une
de Tyr (de Sidon, suivant la tradition ordinaire) qu'elle fut ceuvre d'art, écrite sur un cartouche . Elle se retrouve Anthologie
enlevée par Zeus . palatine, VI, 336 avec le titre de Sur un ex-voto de Delphis,
Au vers 11, Pârίs S~m~ch~das est Théocrite . Il est Pârίs, parce Delphis ayant été confondu avec le nom d'un berger .
que son nom signifie juge des déesses et que Pâris avait jugé les
trois déesses Athéna, Héra et Aphrodite . Simichidas est le nom ΙΙ
sous lequel ~l se déguise dans les Thalysies .
Aux vers 11 et 12, 1'a~mable malheur des porteurs de cécίté, c'est 308 . La deuxième épigramme est anonyme dans l'Anth . pal .,
la syrinx, possession des pâtres porteurs de besace, car tel est le VI, 177 . Aussi en a-t-on contesté l'authenticité ; la raison est
insuffisante .
double sens de l'expression grecque, -~~x signifiant à la fois
peine et possession et ~~y~~,o :ó~o~ porteurs de cécίté ou de besaces 309 . Les roseaux percés de trous désignent une syrinx .
(~~~~.r', _ ~~~x d'après le scholiaste) . 310 . Nous avons déjà noté qu'on envoyait ou apportait des
Au vers 13, Pan qui monte sur les hommes signifie Pan qui pommes à l'objet aimé pour Iui dëclarer son amour .
232 NOTES NOTES 233
VIII XV
317 . Dans l'Anthol . Pal ., VI, 337, le titre est : Sur le médecin 329 . Dans l'Anthol . Pal., V I I, 658, le premier distique est,
Nikias ou Éétion qui s'était chargé d'exécuter des statues moyen- par une méprise du copiste, rattaché à l'épigramme précédente
nant salaire .
qui est de Léonidas de Tarente ; le deuxième distique y est
318 . Asclépios . attribué à Théocrίte ou à Léonidas de Tarente.
IX 330 . On a supposé, puisque nous avons deux épitaphes d'Eury-
médon (voir n~ VII), que l'une était sur le devant, l'autre sur
319 . Anthol . Pal ., VII, 660, où cette épigramme est attribuée le derrière du tombeau .
à Léonidas de Tarente .
XVI
Χ
331 . Anthol . Pal ., V II, 662 .
320 . Dans l'Anthol . Pal., VI, 338, le titre est Sur Xénoclès 332 . Péristéra est vraisemblablement le nom de la mère, et
qui a~a~t consacré aux Muses un groupe de marbre . non celui de l'enfant.
321 . Xénoclès est un personnage inconnu .
XVII
XI 333 . Anthol . Pal ., IX, 599 .
322 . Anthol . Ρα1 ., VΙΙ, 661 . 334. Anacréon naquit à Téos, une des douze villes de la con-
fédération ionienne, vers le mllieu du VIe siècle avant J.-C .
XII Poète de cour et chantre du plaisir, il avait laissé des chansons
d'amour, des élégies, des épigrammes, qui formaient cinq livres
323. Anthol. Pal ., VI, 339, od elle est attribuée à Léonidas au temps de l'école alexandrine . Nous n'en avons conservé que
de Tarente . Les manuscrits ne sont pas d'accord sur la forme de courts fragments . La collection des petits poèmes appelés
du nom . Les uns ont Damoménès ; les autres, Damoméiès, Damo- anacréontiques n'est pas d'Anacréon ; ces petites pièces légères
télès, Damogénes. ont été composées à l'époque alexandrine ou à l'époque romaine
324 . Le chorège était chargé de fournir aux dépenses des par des imitateurs de sa manière .
23Ι ιτrια ΝΠΤRS Ζ ϊ :ί
XVIII ΧΧΙΙΙ
335 . Anthol . Pal ., IX, 600 .
345. Anthol . Pal., V I I, 262. Cette inscription ne se trouve pas
336. Épicharme, né probablement à Cos entre 520 et 500 dans les manuscrits de Théocrite .
avant J.-C . fut transporté tout jeune en Sicile et s'établit à
Syracuse où il fit représenter des comédies dès l'année 486 . Il ΧΧΙΥ
jouit de la faveur des tyrans Gélon et Hiéron et mourut fort
âgé. Théocrite a pu dire qu'Épicharme a été l'inventeur de la 346 . Cette épigramme ne se trouve que dans l'~nthol . Pal .,
comédie, en ce sens qu'il lui donna une fable, comme dit Aristote, IX, 436 .
c'est-à-dire une intrigue, analogue à l'intrigue de la tragédie .
La statue pour laquelle fut composée notre épigramme lui fut 347 . Ces offrandes avaient dû être réunies sur une même
sans doute élevée dans un temple de Bacchus par des gens de
base nouvelle .
Gos établis à Syracuse .
XXV
XIX 348 . Cette épigramme ne se trouve que dans l'Anthol . Pal .,
V II, 534, sauf les deux premiers vers qui se rencontrent aussi
337 . Anthol . Pal., XIII, 3 . dans l'Anthologie de Planude .
338 . Hipponax, né à Ephèse, e~~ 530 avant J .-C ., se distingua
par l'âcreté de ses satires . Elles étaient écrites en vers choliam- XXV Ι
biques. Les Alexandrins remirent ce genre de vers en honneur .
349 . Cette épigramme n'est pas dans les manuscrits de Théo-
XX cr~te ; mais elle est dans les scholies et dans l'Anthol . Pal ., IX,
434.
339 . Anthol . Pal ., III, 663 . 350 . Cet autre Théocrite est un historien et rhéteur qui vivait
340 . Le texte de la fin du dernier vers n'est pas sûr . au temps d'Alexandre le Grand .
351 . Sur le sens discuté de ee dernier vers, voir les Buco-
XXI liques grecs de M . Legrand, 1Q1 vol ., p . XVII et XVIII .
ΒΙΟΝ
MORCEAUX TIRÉS DES BUCOLIQUES
Ι
376 . Les trois morceaux qui suivent nous ont été conservés
par Stobée, qui les donne comme extraits des Bucoliques de 386 . Argument . - Le poète éveille Cypris et lui annonce la
Moschos . mort d'Adonis, son époux, frappé par un sanglier . Cyprίs le cherche
et l'appelle à travers monts et vaux, tandis que la nature entière
Ι gémit de la mort d'Adonis .
En le voyant inanimé, Cypris s'abandonne à sa douleur . Elle
l'embrasse, elle le prie de s'éveiller un moment, pour qu'elle puisse
377. Cette petite peinture des charmes de la mer et de la cueillir son âme dans un dernier baiser ; elle se plaint d'être
campagne est un échantillon de la manière dont un citadin du immortelle et de ne pouvoir le suivre chez Hadès . De ses larmes
~~~e siècle avant J .-C . goûtait la paix des champs et la beauté naissent des anémones, du sang de son amant, des roses .
de la nature . Cypris a ramené le corps de son amant, et l'a placé sur son lit .
Les Amours font la toilette funèbre d'Adonis, tandis qu'Hyménée,
ΙΙ les Charites et les Moires se lamentent sur sa mort .
Le poète intervient encore à la fin, pour conseiller à Cypris
de remettre ses pleurs à l'année suivante .
378 . Dans Ovide, c'est pour Narcisse et non pour un satyre Quelques manuscrits attribuent ce poème à Théocrite ; mais
que dépérit Écho (Ovide, Métamorphoses, III, 356-406) . depuis la Renaissance on en fait généralement honneur à Bion .
C'est Camerarius qui le premier en ouvrit l'avis . Son opinion
s'appuie sur les allusions du Chant funèbre en l'honneur de Bion
à plusieurs passages du Chant funèbre en l'honneur d'Adonis . Ces
III allusions rendent, sinon certaine, du moins très vraisemblable
l'attribution de notre poème à Bion . Voir dans le tome II des
379 . Alphée, changé en fleuve, poursuivait sous la mer la nymphe Bucoliques grecs de ~'i . Legrand une judicieuse et fine analyse
Aréthuse qui s'était enfuie de l'tilide à travers la mer Ionienne et du Chant f unèbre e~ l'honneur de Bion .
avait émergé, métamorphosée en fontaine, dans l'île d'Ortygie, 387 . Les vers entre crochets semblent ici déplacés .
près de Syracuse . 388 . Les anciens confondent assez souvent assyrien et syrien .
380 . Pise, ancienne capitale de l'Élide . Adonis était syrien .
381 . Il s'agit des oliviers dont on faisait les couronnes olym- 389 . Comme cette description d'Adonis mort fait double emploi
piques. avec celle qui précède, Ahrens a corrigé ingénieusement le texte
382 . La poussière de l'arène d'Olympie . de manière à l'appliquer à Aphrodίte. En changeant avec lui
383 . L'agonothète était l'organisateur et le président des jeux . ~~ux (sang) en ~~~~ (vêtement), ~r,pw •~ (cuisses) en ;~~~~á~ •~
(ma~ns)et en mettant au présent les trois verbes >;o~~_~~o, tocv~~~~~o,
A quel tare $ros est-il appelé agonothête? Est-ce parce qu'il est oo~voso~-o, on aboutit au sens que voici : « Autour d'elle sa robe
l'arbitre des luttes entre les amants? Le texte est doute~~x .
~~wis