Location via proxy:   [ UP ]  
[Report a bug]   [Manage cookies]                

CoursMecaDeug PDF

Télécharger au format pdf ou txt
Télécharger au format pdf ou txt
Vous êtes sur la page 1sur 100

Mécanique du Solide

Christophe Coste

To cite this version:


Christophe Coste. Mécanique du Solide. Licence. France. 2010. <cel-01405740>

HAL Id: cel-01405740


https://hal-univ-diderot.archives-ouvertes.fr/cel-01405740
Submitted on 2 Dec 2016

HAL is a multi-disciplinary open access L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est


archive for the deposit and dissemination of sci- destinée au dépôt et à la diffusion de documents
entific research documents, whether they are pub- scientifiques de niveau recherche, publiés ou non,
lished or not. The documents may come from émanant des établissements d’enseignement et de
teaching and research institutions in France or recherche français ou étrangers, des laboratoires
abroad, or from public or private research centers. publics ou privés.
Université Paris 7 – Denis diderot.

MS 4
Mécanique du Solide

C. Coste

Année 2006–2007 (version révisée)


2
Chapitre 1

Petites oscillations

1.1 Oscillateur harmonique


1.1.1 Equation du mouvement
La dynamique de l’oscillateur harmonique est donnée par l’équation différentielle

d2 x
ẍ + ω 2 x = 0 où ẍ ≡ (1.1)
dt2
où ω est une constante réelle, homogène à l’inverse d’un temps, appelée pulsation.
Les solutions de cette équation se mettent sous plusieurs formes équivalentes :

x(t) = A cos ωt + B sin ωt = x0 cos(ωt + φ) = X0 eiωt + X 0 e−iωt (1.2)

L’équation différentielle (1.1) étant du second ordre, ses solutions dépendent de


deux constantes réelles, déterminées par deux conditions initiales : A et B dans le
premier cas, l’amplitude x0 et la phase φ dans le second, et les deux composantes
réelles de la constante complexe X0 dans le dernier cas (Z représente le complexe
conjugué de Z, de sorte que x(t) est bien une fonction réelle).
Exercice 1 : Exprimer la paire (A, B) ainsi que la constante complexe X0 en
fonction de l’amplitude et de la phase d’une solution donnée. Calculer x0 et φ
sachant qu’initialement x(t = 0) = X et ẋ(t = 0) = V .
Un modèle classique décrit par (1.1) consiste en une masse ponctuelle m attachée
à un ressort de constante de raideur k, soumise à l’accélération de la pesanteur g
(voir Fig. 1.1). Si la longueur à vide du ressort est l0 , sa longueur à l’équilibre l
équilibre le poids de la masselotte :

mg = k(l − l0 )

Si x est le déplacement de m par rapport à l, le principe fondamental de la dynamique


permet d’écrire
mẍ = −k(x + l − l0 ) + mg = −kx (1.3)
q
qui est bien (1.1) avec le résultat classique ω = k/m.

3
4 CHAPITRE 1. PETITES OSCILLATIONS

m
x

Figure 1.1: Masse suspendue à un ressort

1.1.2 Aspect énergétique


En multipliant par ẋ l’équation (1.3), on obtient une intégrale première
1 1 2
mẋ2 + kx = Em = Cste, (1.4)
2
| {z } |2 {z }
Energie cinétique Ec Energie potentielle Ep
qui exprime la conservation de l’énergie mécanique du pendule.
Calculons la moyenne sur une période des composantes de l’énergie mécanique :
! !
m 1ZT 2 1 k 1ZT 2 1
hEc i = ẋ dt = mω 2 x20 , hEp i = x dt = kx20 . (1.5)
2 T 0 2 2 T 0 2
q
Comme ω = k/m, on voit que ces deux énergies sont égales en moyenne.
1
hEc i = hEp i = hEm i (1.6)
2

1.1.3 Linéarisation au voisinage d’une position d’équilibre


Pour un système conservatif constitué d’une particule de masse m dans un potentiel
V (x), (1.4) se généralise en
1
mẋ2 + V (x) ≡ E0 = Cste. (1.7)
2
Supposons alors qu’il existe une position d’équilibre stable x0 , soit V 0 (x0 ) = 0
(définition de l’équilibre; V 0 ≡ dV /dx) et V 00 (x0 ) > 0 (stabilité), comme sur la
Fig. 1.2.
Si E0 est l’énergie mécanique initiale de la particule, celle-ci se déplace entre les
positions x1 et x2 , intersections de la courbe V (x) avec la droite E = E0 . La distance
entre cette droite et la courbe donne l’énergie cinétique de la particule, maximale
lorsqu’elle passe par le point d’équilibre x0 . Sans perte de généralité, un changement
d’origine permet de faire x0 = 0. Si l’amplitude des oscillations est petite, il est
légitime de développer le potentiel au voisinage de la position d’équilibre :
|V 00 (0)| 2
V (x) = V (0) + V 0 (0) x + x + ... (1.8)
| {z } 2
=0

et l’équation du mouvement devient


mẍ = −V 0 (x) = −|V 00 (0)|x + . . . (1.9)
1.1. OSCILLATEUR HARMONIQUE 5
En négligeant les termes d’ordre
q supérieur, on trouve l’équation d’un oscillateur
harmonique de pulsation ω = |V 00 (0)|/m. C’est bien sûr ce résultat, très général,
qui donne son importance à l’équation de l’oscillateur harmonique.

x x x x
1 0 2

Figure 1.2: Mouvement autour d’un équilibre stable. C’est la configuration typique
d’un minimum (éventuellement local) d’énergie potentielle.

La pulsation est indépendante de l’amplitude des oscillations, tant que celle-ci reste
assez petite pour qu’il soit légitime de limiter le développement de l’énergie po-
tentielle au terme quadratique. On parle d’isochronisme des petites oscillations.
Remarque : Si l’on était au voisinage d’une position d’équilibre instable, il
faudrait remplacer (1.8) par

|V 00 (0)| 2
V (x) = V (0) − x + ... =⇒ mẍ = |V 00 (0)|x
2
La solution de cette équation, qui remplace (1.9), n’est plus sinusoı̈dale.
Au contraire, elle croı̂t exponentiellement avec le temps caractéristique
p
m/|V 00 (0)|. Le signe du terme quadratique du développement de l’énergie po-
tentielle, ou de manière équivalente celui du terme linéaire du développement
de la force, permet de conclure quant à la stabilité de la position d’équilibre.
Un exemple classique de linéarisation au voisinage d’une position d’équilibre est
le pendule pesant (Fig. 1.3). Il est constitué par une masse ponctuelle m accrochée
à une tige rigide sans masse de longueur l. Si on repère la position de m par l’angle
θ, son énergie cinétique est ml2 θ̇2 /2, et en prenant l’origine des énergies potentielles
à la position d’équilibre stable θ = 0 son énergie potentielle est mgl(1 − cos θ). Le
système est conservatif, et l’équation du mouvement est donnée par

ml2 2
θ̇ + mgl(1 − cos θ) = E =⇒ lθ̈ + g sin θ = 0
2
où la deuxième équation est obtenue en dérivant par rapport au temps, et après
simplification par mlθ̇. Pour de q faibles valeurs de θ, sin θ ≈ θ et on retrouve la
pulsation du pendule pesant ω = l/g.
6 CHAPITRE 1. PETITES OSCILLATIONS

g
θ

(m)

Figure 1.3: Pendule pesant

Exercice 2 : Déterminer la deuxième position d’équilibre du pendule pesant, et


démontrer qu’elle est instable.

1.2 Oscillateur harmonique amorti


Le modèle (1.1) est conservatif, comme le montre (1.4). De nombreux systèmes
physiques font apparaı̂tre une force résistante, proportionnelle à la vitesse, et opposée
au mouvement. Dans ce cas, l’équation du mouvement devient
ẍ + 2µẋ + ω 2 x = 0 (1.10)
où µ est un coefficient constant, positif, homogène à l’inverse d’un temps (le coef-
ficient 2 est introduit pour simplifier les calculs). La force de frottement est Fvis =
−2mµẋ, où m est homogène à une masse si x est homogène à une longueur, comme
c’est le cas pour une masse ponctuelle accrochée à un ressort.
Cette force de frottement visqueux peut être due à l’influence de la viscosité du
fluide environnant le système mécanique, pour des vitesses suffisamment faibles, ou
traduire une dissipation par courants de Foucault.
L’équation (1.10) se résout en cherchant des solutions exponentielles x ∝ ert . La
constante r est alors solution d’une équation du deuxième degré,
r2 + 2µr + ω 2 = 0, (1.11)
dont le discriminant réduit est ∆ = µ2 − ω 2 .

1.2.1 Solution oscillante


Elle est obtenue lorsque l’atténuation est faible. L’équation (1.11) admet deux so-
lutions complexes conjuguées, et la solution générale de (1.10) s’écrit
q 
µ<ω =⇒ x(t) = Ae−µt sin ω 2 − µ2 t + φ (1.12)

où l’amplitude A et la phase φ sont deux constantes arbitraires.


Le mouvement n’est plus périodique, puisque les oscillations sont exponentielle-
ment atténuées. On dit qu’il est pseudopériodique, de pseudopériode

TO.A. ≡ √ . (1.13)
ω 2 − µ2
Remarquons que la correction à la période provenant du terme d’amortissement est
d’ordre µ2 . Si l’amortissement est faible (µ  ω), la pseudopériode est égale à celle
de l’oscillateur non amorti, les oscillations décroissant sur un temps caractéristique
bien plus long.
1.2. OSCILLATEUR HARMONIQUE AMORTI 7
1
0.75
0.5
0.25
0
-0.25
-0.5

0 5 10 15 20 25 30

Figure 1.4: Mouvement d’un oscillateur amorti, laché sans vitesse initiale, pour
µ = ω/9. En abscisse, le temps adimensionné ωt.

On ne peut pas mesurer directement le coefficient µ. Par contre, on peut par exemple
repérer les maxima successifs des oscillations, notés xn , séparés par un intervalle de
temps TO.A. égal à la pseudopériode. On appelle décrément logarithmique la quantité
!
xn 2πµ
δ ≡ ln = µTO.A. = √ (1.14)
xn+1 ω 2 − µ2
On définit de même le facteur de qualité de l’oscillateur, défini par
énergie maximale stockée
Q ≡ 2π (1.15)
énergie perdue par période
Si l’amortissement est assez faible, la relation (1.6) reste à peu près valable. L’énergie
mécanique stockée est alors
hEm i ≈ 2 × hEc i ≈ mhẋ2 i
L’énergie dissipée est donnée par le travail, sur une période, de la force de frottement
visqueux. Elle vaut
ZT
hEdiss i = 2mµẋ × ẋdt = 2mµT hẋ2 i
0
On en déduit, puisqu’à cette approximation la période est celle de l’oscillateur non
amorti, T = 2π/ω,
ω π
Q= = . (1.16)
2µ δ
Le facteur de qualité Q dépend donc très simplement du terme d’amortissement. Son
nom vient de ce que souvent on cherche à avoir le moins d’amortissement possible.

1.2.2 Solution apériodique


Elle est obtenue lorsque l’atténuation est forte. L’équation (1.11) admet deux solu-
tions réelles, q
r = −µ ± µ2 − ω 2 (1.17)
La solution générale de (1.10) s’obtient en remplaçant la fonction trigonométrique
de (1.12) par une fonction hyperbolique
q 
−µt
µ>ω =⇒ x(t) = Ae sinh µ2 − ω2t +ψ (1.18)
où l’amplitude A et la phase ψ sont deux constantes arbitraires.
8 CHAPITRE 1. PETITES OSCILLATIONS
1.2.3 Amortissement critique
Il reste à considérer le cas où µ = ω. Dans ce cas, il n’y a qu’une racine double −µ
solution de l’équation caractéristique (1.11). La forme générale de la solution est
alors
µ=ω =⇒ x(t) = (A + Bt)e−µt (1.19)
où A et B sont deux constantes d’intégration. On dit qu’on est dans le cadre de
l’amortissement critique car le temps nécessaire pour que l’oscillateur initialement
écarté de sa position d’équilibre y revienne est alors minimal. Une illustration en
est fournie par la figure Fig. 1.5.

0.8

0.6

0.4

0.2

0
0 2 4 6 8 10 12

Figure 1.5: Mouvement d’un oscillateur amorti,laché sans vitesse initiale, en fonction
du temps adimensionné ωt, pour µ/ω = 1 (régime critique, en gras), µ/ω = 1.5 et
µ/ω = 2 (régimes apériodiques). La décroissance est d’autant plus lente que µ est
grand.

Exercice 3 : Déterminer les solutions correspondant aux trois régimes possibles,


lorsque l’oscillateur est initialement à la position x(t = 0) = X0 , avec une vitesse
initiale nulle.

1.3 Oscillateur harmonique forcé


Nous nous interessons maintenant au cas d’un oscillateur amorti soumis à une force
f (t) dépendant du temps :
mẍ + 2mµẋ + kx = f (t) (1.20)
où f (t) est homogène à une force, et où µ a exactement la même signification (et
la même dimension physique, homogène à l’inverse d’un temps) que dans l’étude
précédente.
Cette équation est linéaire et du second ordre. Sa solution générale est la somme
de la solution de l’équation sans second membre (aussi appelée équation homogène),
que nous venons de déterminer au paragraphe précédent, et d’une solution parti-
culière. La solution sans second membre consite en un mouvement qui s’amorti
dans le temps : C’est le régime transitoire d’établissement du mouvement. Nous
n’etudierons en détail que le cas où la force f (t) est sinusoı̈dale. La solution parti-
culière sera une oscillation sinusoı̈dale de même fréquence que le forçage, non amor-
tie, qui subsistera après le régime transitoire : C’est le régime permanent.
1.3. OSCILLATEUR HARMONIQUE FORCÉ 9
Remarque : Disons quelques mots sur la méthode générale. Soit x(t) =
Ax1 (t) + Bx2 (t) la solution générale de l’équation sans second membre. Elle
dépend de deux constantes A et B. Une solution particulière de (1.20) se
trouve par une généralisation de la méthode de variation des constantes clas-
sique pour les équations du premier ordre. On considère donc A et B comme
des fonctions du temps. On a

ẋ = Ȧx1 + Ḃx2 + Aẋ1 + B ẋ2

On cherche une solution, en disposant de deux fonctions inconnues A et B.


Le problème est donc surdéterminé, et on peut fixer

Ȧx1 + Ḃx2 ≡ 0

qui constitue une première équation permettant de déterminer les fonctions A


et B. On calcule alors

ẍ = Ȧẋ1 + Ḃ ẋ2 + Aẍ1 + B ẍ2 .

En remplaçant dans l’équation de départ, on trouve

A(mẍ1 + 2mµẋ1 + kx1 ) + B(mẍ2 + 2mµẋ2 + kx2 ) + Ȧẋ1 + Ḃ ẋ2 = f (t)

Les deux termes entre parenthèses sont nuls, puisque x1 et x2 sont par défini-
tion solutions de l’équation sans second membre. On obtient ainsi la seconde
équation permettant de déterminer A et B :

Ȧẋ1 + Ḃ ẋ2 = f (t)

La solution générale de ce système d’équations différentielles est :


−f x2 f x1
Z Z
A= dt + A,
e B= dt + B
e
W (x1 , x2 ) W (x1 , x2 )

où
x ẋ1
W (x1 , x2 ) ≡ 1
x2 ẋ2
et Ae et B
e sont deux constantes d’intégration. W (x1 , x2 ) est appelé le Wron-
skien de l’équation différentielle. Les solutions (1.12) et (1.18) ont été données
en fonctions de deux constantes arbitraires. On peut aussi définir

x1 = e−µt sin pω 2 − µ2 t x1 = e−µt sinh pµ2 − ω 2 t


 p  p
ou
x2 = e−µt cos ω 2 − µ2 t x2 = e−µt cosh µ2 − ω 2 t

Je vous laisse vérifier qu’on trouve dans chacun des cas

W (x1 , x2 ) ≡ x1 ẋ2 − x2 ẋ1 = −Ce−2µt


p p
où C = m ω 2 − µ2 pour le cas pseudopériodique, C = m µ2 − ω 2 pour le
cas apériodique et C = m pour le cas critique.
10 CHAPITRE 1. PETITES OSCILLATIONS
1.3.1 Régime permanent en excitation sinusoı̈dale
Lorsque f (t) = F0 cos ωf t, il est plus rapide de chercher pour le régime permanent
une solution particulière de (1.20) sous la forme

x(t) = x0 cos(ωf t − ϕ) (1.21)

Dans cette convention, une phase ϕ positive correspond à un retard de phase de la


réponse par rapport au forçage. Les paramètres seront déterminés en exprimant que
cette fonction est bien solution particulière de (1.20).
En reportant cette solution dans l’équation de départ, on obtient

(k − mωf2 )x0 cos(ωf t − ϕ) − 2µmωf x0 sin(ωf t − ϕ) = F0 cos ωf t (1.22)

Un possibilité est alors de tout exprimer en fonction de cos ωf t et sin ωf t (en dévelop-
pant les fonctions trigonométriques). L’équation (1.22) étant vraie à chaque instant,
les coefficients de chacune de ces deux fonctions indépendantes doivent être nuls, ce
qui fixe les paramètres x0 et ϕ. Il est plus rapide de considérer juste les instants où
ωf t = ϕ, et ceux où ωf t − ϕ = π/2. On en déduit
(
(k − mωf2 )x0 = F0 cos ϕ
soit en définitive
2µmωf x0 = F0 sin ϕ

2µωf F0
tan ϕ = , x0 = (1.23)
ω 2 − ωf2
q
m 4µ2 ωf2 + (ω 2 − ωf2 )2
q
où on a introduit la pulsation propre de l’oscillateur non amorti, ω ≡ k/m.

1.3.2 Evolution de la phase et de l’amplitude


La phase est nulle pour ωf = 0, passe par π/2 pour ωf = ω puisque la tangente
diverge, et tends vers π lorque ωf → ∞. Son évolution est représentée en Fig. 1.6.
L’amplitude x0 présente un maximum lorsque le terme sous la racine est mini-
mum. Notons le D(ωf2 ).

dD q
= 4µ2 − 2(ω 2 − ωf2 ) = 0 =⇒ ωfres = ω 2 − 2µ2 (1.24)
dωf2

Deux cas se présentent alors. Si ωres est réelle, soit ω > 2µ, il y a résonance,
l’amplitude valant alors
F0 F0 F0
xres
0 = q ≈ = Q = x0 (ωf = 0) × Q (1.25)
2mµω 1 − µ2 /ω 2 2mµω mω 2

où l’approximation est valable à faible amortissement, et où on a utilisé l’expression


du facteur de qualité donnée par l’équation (1.15). On a introduit l’amplitude à
fréquence d’excitation nulle, pour bien montrer que le facteur de qualité représente
l’amplification de l’oscillateur à la résonance. On définit la bande passante
√ comme
l’écart en fréquence ∆ωf telle que l’amplitude soit réduite d’un facteur 2 (l’énergie
est alors divisée par 2). Elle a une expression simple en amortissement très faible,
1.4. OSCILLATEURS COUPLÉS 11
pour lequel ωfres ≈ ω et ∆ωf /ω  1. Les pulsations sont telles que le terme dans le
radical vaut le double de sa valeur à la résonance, et
4µ2 ωf2 +(ω 2 −ωf2 )2 ≈ 8µ2 ω 2 =⇒ (ω 2 −ωf2 )2 ≈ 4µ2 ω 2 =⇒ 2ω(ωf −ω) ≈ ±2µω (1.26)
La bande passante vaut donc
∆ωf ωf+ − ωf− 2µ 1
res
≡ res
≈ = (1.27)
ωf ωf ω Q
ce qui donne la signification physique du facteur de qualité, et montre que la réso-
nance est d’autant plus étroite que son maximum
√ est plus élevé.
Dans le cas d’amortissement fort, ω < 2µ, il n’y a plus de résonance et la courbe
d’amplitude est monotone décroissante. Un exemple est représenté en pointillés
sur la Fig. 1.6. On notera que le régime d’amortissement fort apparaı̂t avant que
l’oscillateur amorti soit en régime apériodique ω ≤ µ.

3 5
2.5 4
2 3
1.5
2
1
0.5 1

0.5 1 1.5 2 2.5 3 0.5 1 1.5 2 2.5 3

Figure 1.6: Variation de la phase (à gauche) et de l’amplitude (adimensionnée par


F0 /(mω 2 ), à droite) d’un oscillateur forcé sinusoı̈dalement, en fonction de ωf /ω. En
traits pleins, évolution de l’amplitude pour µ = 0.1ω (amortissement faible) et en
traits pointillés pour µ = 0.8ω. Dans ce cas, on est en amortissement fort et il n’y
a pas de résonance. L’évolution de la phase est donnée pour µ = 0.1ω.

Exercice 4 : En pratique, on force bien souvent un pendule en imposant non pas


une force s’exerçant sur la masse, mais le déplacement du point d’attache du ressort.
Tracer la courbe d’amplitude x0 (ωf ) dans ce dernier cas. On reprendra le cas du
”peson à ressort”, en supposant que le point d’attache du pendule a un mouvement
xe cos(ωf t), et en introduisant un terme d’amortissement proportionnel à la vitesse
relative (c’est-à-dire la vitesse dans le référentiel où le point d’attache est immobile;
ce choix modélise, par exemple, un amortisseur de voiture).

1.4 Oscillateurs couplés


Nous allons traiter explicitement le cas particulièrement simple représenté sur la
Fig. 1.7. Les deux masses m sont identiques, reliées à deux murs rigides par des
ressorts identiques de raideurs k, et couplées entre elles par un ressort de raideur K.
Leurs déplacements par rapport à leur position d’équilibre seront notés x1 (resp. x2 )
pour la masse de gauche (resp. de droite). On suppose que leur mouvement s’effectue
suivant un axe Ox orienté vers la droite, horizontal, on néglige tout frottement ainsi
que la gravité.
12 CHAPITRE 1. PETITES OSCILLATIONS

k K k
m m
Figure 1.7: Exemple d’oscillateurs couplés, ici par le ressort de raideur K.

Le principe fondamental de la dynamique s’écrit simplement


mẍ1 = −kx1 + K(x2 − x1 )

(1.28)
mẍ2 = −kx2 − K(x2 − x1 )
En effet, soient l0 (resp. L0 ) la longueur à vide d’un ressort de constante k
(resp. K). Au repos, la masse (1) est en x = l, la masse (2) en x = l + L (en
orientant l’axe des x positivement vers la droite), et l’équilibre de chacune des
deux masses se traduit par

−k(l − l0 ) + K[(L + l) − l − L0 ] = 0

(1) :
(2) : k[L + 2l − (l + L) − l0 ) − K(L + l − l − L0 ] = 0

soit
k(l − l0 ) = K(L − L0 )
Les équations dynamiques s’écrivent alors

mẍ1 = −k(l + x1 − l0 ) + K[(L + l + x2 ) − (l + x1 ) − L0 ]




mẍ2 = −K[(L + l + x2 ) − (l + x1 ) − L0 ] + k[L + 2l − (L + l + x2 ) − l0 ]

ce qui, après simplifications (en utilisant en particulier l’équation à l’équilibre)


donne bien le système (1.28).
Par analogie avec l’oscillateur à un seul degré de liberté, on peut chercher la
solution sous la forme
xi = Xi eiωt (1.29)
où X1 et X2 sont des constantes (complexes) et où la solution physique représente
bien sûr la partie réelle de la solution complexe. Si on injecte cette forme de solution
dans le système d’équations différentielles (1.28), on obtient un système d’équations
algébriques linéaires portant sur les amplitudes :
(
(K + k − mω 2 )X1 − KX2 = 0
(1.30)
−KX1 + (K + k − mω 2 )X2 = 0
Ce système étant homogène, sa solution est identiquement nulle s’il s’agit d’un sys-
tème de Kramer, c’est-à-dire si son déterminant est nul. Comme nous cherchons
précisément une solution non triviale, on va choisir la pulsation ω de telle sorte que
le déterminant du système soit nul. L’équation donnant les pulsations possibles est
K + k − mω 2 −K

K + k − mω 2 = ±K

2 = 0 =⇒ (1.31)

−K K + k − mω
et il y a donc deux solutions,
 q
 ω+ = k/m
q (1.32)
ω
− = (2K + k)/m
1.4. OSCILLATEURS COUPLÉS 13
Les deux fréquences que nous venons de calculer sont appelées fréquences pro-
pres du système d’oscillateurs couplés1 , et les mouvements correspondants sont les
modes propres de ce système. Les deux modes propres sont tels que les oscillations
du système sont purement harmoniques, à la pulsation correspondante. Dans le
cas général, l’oscillation du système couplé présente des battements entre les deux
fréquences propres.
Dans ce cas particulier, l’identification des modes propres est particulièrement
simple. Lorsque ω = ω+ , le système (1.30) impose X1 = X2 , tandis que pour ω = ω−
on trouve X1 = −X2 . Ces modes sont représentés Fig. 1.8. En valeur absolue, les
déplacements des deux masses sont identiques à chaque instant pour les deux modes.
Dans le premier les deux masses évoluent en phase. La fréquence propre est celle
commune aux oscillateurs non couplés, car le ressort central ne joue aucun rôle.
Dans le deuxième, les masses sont à chaque instant en opposition de phase.

d d d d

Figure 1.8: Modes propres du système de la Fig. 1.7. Les dessins en pointillés
représentent l’état d’équilibre, ceux en traits pleins le mouvement à un instant donné.
A gauche, les deux oscillateurs sont en phase, à droite en opposition de phase.

Dans le cas général, la solution est une superposition linéaire des modes propres,
soit ici
x1 (t) = A cos(ω+ t + φ) + B cos(ω− t + ψ)

(1.33)
x2 (t) = A cos(ω+ t + φ) − B cos(ω− t + ψ)
où A et B sont deux amplitudes réelles, φ et ψ deux phases, déterminées par les
conditions initiales2 .
Si par exemple à l’instant t = 0 les deux masses sont aux positions x1 (t = 0) = a
et x2 (t = 0) = 0, lachées sans vitesse initiale

ẋ1 (t = 0) = 0 = ẋ2 (t = 0), (1.34)

le mouvement est donné par


 a a
 x1 (t)
 =cos ω+ t + cos ω− t
2 2 (1.35)
a a
 x2 (t) = cos ω+ t −
 cos ω− t
2 2

1
En Mathématiques, l’équation (1.32) est appelée équation caractéristique, et ses racines les
racines caractéristiques.
2
A et B correspondent aux modules des amplitudes complexes X1 et X2 , φ et ψ à leurs argu-
ments
14 CHAPITRE 1. PETITES OSCILLATIONS
1

0.5

-0.5

-1
0 50 100 150 200

0.5

-0.5

-1
0 50 100 150 200

Figure 1.9: Visualisation de la solution (1.35) (x1 en haut, x2 en bas). On a pris


K = k/10, ce qui correspond à un couplage faible, et permet de bien visualiser les
battements. En abcisse on porte
√ un temps sans dimension τ ≡ ω+ t. Dans ces unités,
on a donc ω+ = 1 et ω− = 1.2.

Exercice 5 : On considère un système de deux pendules pesants constitué de


deux masses ponctuelles m1 et m2 situées aux extrémités de deux tiges sans masse
de même longueur L. Ces tiges sont solidaires d’un ressort de torsion qui exerce un
couple de rappel −C(θ1 − θ2 ) (voir Fig. 1.10). Déterminer les fréquences propres et
modes propres des petites oscillations. Considérer en particulier le cas m1 = m2 ≡
m.

θ1
θ2

Figure 1.10: Schéma d’un pendule double.


Chapitre 2

Champs de vecteurs. Torseurs

2.1 Rappels
Le but des rappels ci-dessous est essentiellement de fixer du vocabulaire. Aucune
démonstration (ou presque!) ne sera fournie, et on ne cherche pas de résultats
généraux, puisqu’en Mécanique intervient seul l’espace à trois dimensions.

2.1.1 Espaces vectoriels


Un espace vectoriel E (en pratique, R3 ) sur un corps K est un ensemble d’objets
muni d’une loi d’addition interne +, et de la multiplication par un scalaire, c’est-à-
dire par un élément de K, tel que:
• + est commutative et associative
• (∃0 ∈ E), (∀u ∈ E), 0 + u = u + 0 = u
• (∀u ∈ E), (∃ − u ∈ E), u + (−u) = 0
• (∀c ∈ K), (∀(u, v) ∈ E 2 ), c(u + v) = cu + cv
• (∀(a, b) ∈ K 2 ), (∀u ∈ E), (a + b)u = au + bu
• (∀u ∈ E), 1u = u
On aura noté que par convention les éléments de l’espace vectoriel, appelés vecteurs,
sont écrits en gras, à la différence des scalaires. Désormais, K sera le corps des
réels, K ≡ R.
Si les vecteurs (v1 , v2 , . . . , vn ) engendrent E, soit si
(∀u ∈ E), (∃(a1 , a2 , . . . , an ) ∈ K n ), u = a1 v1 + a2 v2 + . . . + an vn (2.1)
et si ils sont linéairement indépendants, c’est-à-dire
a1 v 1 + a2 v 2 + . . . + an v n = 0 =⇒ ∀i ∈ [1, n], ai = 0, (2.2)
alors (v1 , v2 , . . . , vn ) est une base de E.
La dimension de E est alors n, nombre d’éléments de la base1 . Les scalaires ai sont
les coordonnées de u dans la base considérée.
1
Nous nous limitons implicitement ici au cas des espaces vectoriels de dimension finie. En
pratique, d’ailleurs, sauf exception n sera égal à 3, le nombre de dimensions de l’espace physique.

15
16 CHAPITRE 2. CHAMPS DE VECTEURS. TORSEURS
2.1.2 Espaces vectoriels Euclidiens
Un produit scalaire sur l’espace vectoriel E est une application

E×E →R
(2.3)

(u, v) → hu, vi = u · v

qui possède les propriétés suivantes:

• ∀(u, v) ∈ E 2 , u · v = v · u

• ∀(u, v, w) ∈ E 3 , u · (v + w) = u · v + u · w

• ∀(u, v) ∈ E 2 , ∀λ ∈ R, (λu) · v = λ(u · v) = u · (λv)

On se limitera à des produits scalaires non dégénérés, tels que

Si v ∈ E, si ∀w ∈ E, v · w = 0 alors v = 0, (2.4)

et même définis positifs c’est-à-dire tels que

∀v ∈ E, v · v ≥ 0 et si v 6= 0 alors v · v > 0. (2.5)

Par exemple, citons le produit scalaire canonique sur le R-espace vectoriel Rn ,


n
X
X·Y ≡ xi y i ,
i=1

où les xi (resp. les yi ) sont les coordonnées du vecteur X (resp. du vecteur Y).
On peut alors définir la norme d’un vecteur,
v
√ n
uX
u
||v|| ≡ v · v = t x2i . (2.6)
i=1

Si deux vecteurs ont leur produit scalaire nul, ils sont dits orthogonaux. Si le
produit scalaire est non dégénéré, 0 est le seul vecteur qui soit orthogonal à tous les
autres. S’il est défini positif, 0 est le seul vecteur orthogonal à lui même.
On démontre les deux importants résultats suivants:

Théorème : Tout R-espace vectoriel de dimension finie, muni d’un produit


scalaire défini positif, (et non réduit au seul vecteur nul!) possède une base
orthonormée (e1 , e2 , . . . , en ) telle que

ei · ej = δij

où on a introduit le symbole de Kronecker δij défini par

0 si i 6= j

δij = (2.7)
1 si i = j
2.1. RAPPELS 17
Théorème : Soit E un R-espace vectoriel de dimension finie dimE = n, W un
sous-espace vectoriel de E (c’est-à-dire un ensemble de vecteurs de E invariant
sous l’application des lois d’addition des vecteurs et de multiplication par un réel)
de dimension dimW = r < n. On définit alors

W ⊥ ≡ {v ∈ E, ∀u ∈ W, v · u = 0}.

W ⊥ est appelé l’orthogonal de W . C’est un sous-espace vectoriel de E, tel que

dimW + dimW ⊥ = dimE.

2.1.3 Espaces affines


Un espace affine E est un ensemble d’objets appelés points, tel qu’il existe une
application surjective
E ×E →E

(2.8)
(A, B) → AB

qui possède les propriétés suivantes:

• ∀(A, B) ∈ E 2 , AB = −BA

• ∀(A, B, C) ∈ E 3 , AC = AB + BC

• ∀O ∈ E, ∀V ∈ E, ∃!A ∈ E, OA = V.

Les points d’un espace affine sont définis dans un repère formé d’un point quel-
conque O ∈ E, appelé origine, et d’une base de l’espace vectoriel associé E.
Dans R3 , que l’on munit aussi facilement d’une structure d’espace affine que
d’espace vectoriel, on écrira ces repères R(O, i, j, k) ou R(O, x, y, z) suivant qu’on
utilise les vecteurs de base (i, j, k) de R3 considéré comme un espace vectoriel, où
les coordonnées (x, y, z) des points M de R3 considéré comme un espace affine. Les
deux sont possibles, car

M (x, y, z) ⇐⇒ OM = xi + yj + zk.

Une notion importante par la suite est celle de pointeur. C’est le couple d’un
vecteur V de E et d’un point A de E, noté (A, V).
Un exemple typique en Mécanique est le couple d’une force et de son point
d’application, tels que les couples
– (point d’attache d’un fil, tension du fil)
– (centre de gravité, poids)
– (charge électrique ponctuelle, force électrostatique due à un champ électrique)

2.1.4 Opérations sur les vecteurs


Produit scalaire
Nous l’avons déjà défini. Rappelons quelques formules valables dans R3 , l’espace
vectoriel qui nous intéresse en pratique, muni de la base canonique (la base or-
thonormée dont on sait qu’elle existe puisqu’un produit scalaire défini positif existe,
18 CHAPITRE 2. CHAMPS DE VECTEURS. TORSEURS
et que cet espace vectoriel est de dimension finie 3)
     
1 0 0
e1 =  0  , e2 =  1  , e3 = 0, (2.9)
     

0 0 1
Alors si    
U1 V1 q
U =  U2  ,
 
V =  V2  ,
 
||U || = U12 + U22 + U32 , (2.10)
U3 V3
et
3
X
U · V = U1 V1 + U2 V2 + U3 V3 = Ui Vi = ||U||||V|| cos θ, (2.11)
i=1
où dans la dernière expression on a introduit l’angle θ entre les deux vecteurs. Le
produit scalaire est nul si les deux vecteurs sont orthogonaux, soit θ = π/2.

Produit vectoriel
C’est une opération de l’espace vectoriel dans lui même, définie par
     
U1 V1 U2 V3 − U3 V2
 U2  ∧  V2  ≡  U3 V1 − U1 V3 
U∧V=     
(2.12)
U3 V3 U1 V2 − U2 V1
Une propriété importante est que
||U ∧ V|| = ||U||||V||| sin θ| (2.13)
La norme du produit vectoriel de deux vecteurs a une signification géométrique
simple : c’est l’aire du parallélogramme construit sur ces deux vecteurs. Le produit
vectoriel est nul lorsque les deux vecteurs sont colinéaires (θ = 0).
Nous allons aussi démontrer deux résultats importants.

Théorème : Soit E un espace vectoriel de dimension finie n, muni d’un produit


scalaire défini positif, et une application f : E → E vérifiant l’une ou l’autre des
deux propriétés ci-dessous : ∀(U, V) ∈ E 2 ,
• U · f (V) = V · f (U) (application symétrique)
• U · f (V) = −V · f (U) (application antisymétrique)
Alors l’application f est linéaire.
Soit donc un vecteur U quelconque de E. Il s’écrit
n
X
U= ui ei
i=1

sur une base orthonormée (B.O.N.) de E. Alors on peut écrire


n
X
f (U) = [f (U) · ei ]ei (par définition d’une B.O.N.)
i=1
Xn
= ±[U · f (ei )]ei (par symétrie, +, ou antisymétrie, −)
i=1

cette dernière expression est bien linéaire en U.


Le deuxième résultat s’énonce comme suit.
2.1. RAPPELS 19
Théorème : Les applications antisymétriques de R3 sont les applications


R3 → R3
f:
(2.14)
U → f (U) = Af ∧ U

où Af est un vecteur, appelé vecteur dual de l’application antisymétrique f .


La démonstration utilise le fait qu’une application antisymétrique (donc linéaire)
est caractérisée par une matrice antisymétrique. Dans le cas le plus général,

        
0 a b u1 au2 + bu3 −c u1
f (U) =  −a 0 c   u2  =  −au1 + cu3  =  b  ∧  u2 
        

−b −c 0 u3 −bu1 − cu2 −a u3
| {z }
≡Af

Finissons ce paragraphe par une formule utile, celle du double produit vectoriel.

A ∧ (B ∧ C) = B(A · C) − C(A · B) (2.15)

Elle permet de démontrer un autre résultat, la division vectorielle. Si deux vecteurs


non nuls A et B sont orthogonaux,

1
∃X, A ∧ X = B X=− A∧B (2.16)
A2

Remarque : Il existe un autre type d’approche pour le produit vectoriel. Si l’on


considère l’équation (2.11), on constate que la sommation porte sur l’indice
répété i, qui prend nécessairement ses valeurs de 1 à 3 puisque l’espace est de
dimension trois. On peut donc définir une notation condensée, dès lors que la
dimension de l’espace dans lequel on travaille est fixée une fois pour toute :

U · V ≡ Ui Vi = Uj Vj

où par convention la sommation est implicite sur les indices répétés, et s’étend
de 1 à 3. On appelle cette écriture la convention d’Einstein. Un indice répété
est un indice muet, ce qu’on a illustré ici en remplaçant i par j.
Le produit vectoriel s’exprime avec le tenseur complètement antisymétrique
d’ordre 3. C’est un ensemble de 3 × 3 × 3 = 27 composantes, dépendant de
trois indices :

 1 si (i, j, k) est une permutation paire de (1, 2, 3),
ijk =
 −1 si (i, j, k) est une permutation impaire de (1, 2, 3),
0 sinon.
Je vous laisse vérifier [comparer à la formule (2.12)] que :

(A ∧ B)i = ijk Aj Bk
20 CHAPITRE 2. CHAMPS DE VECTEURS. TORSEURS
La formule du double produit vectoriel s’exprime avec le tenseur ijk :

ijk klm = δil δjm − δim δjl .

La sommation s’opère sur l’indice répété k, qui ne figure donc plus dans le
membre de droite. Les δil sont les symboles de Kronecker, vus au § (2.7).
Pour vous familiariser avec ces écritures, démontrons le :

[A ∧ (B ∧ C)]i = ijk Aj (B ∧ C)k (définition du produit vectoriel)


= ijk Aj klm Bl Cm (définition du produit vectoriel)
= (δil δjm − δim δjl )Aj Bl Cm (double produit vectoriel)
= (Aj Cj )Bi − (Aj Bj )Ci (utilisation des δ)
= [(A · C)B]i − [(A · B)C]i

Produit mixte
Le produit mixte de trois vecteurs, noté (A, B, C), est défini de la façon suivante:

x xB xC
A
(A, B, C) ≡ A · (B ∧ C) = yA

yB yC (2.17)

zA zB zC

On montre facilement que :


– C’est un scalaire,
– sa valeur est inchangée par permutation circulaire des vecteurs,
– |(A, B, C)| est le volume du parallélépipède construit sur A, B et C,
– il est nul si un des vecteurs est nul, ou si deux des vecteurs sont colinéaires, ou si
les trois vecteurs sont coplanaires.

On en déduit que le vecteur A ∧ C est orthogonal à la fois à A et à C. On a


ainsi un moyen très pratique de construire une base orthonormée directe 2 de R3 , en
prenant i unitaire, j unitaire orthogonal à i, et enfin k = i ∧ j.

2.1.5 Champs de vecteurs


Par définition, un champ de vecteur est une application d’un espace affine E dans
l’espace vectoriel associé E :


E→ E  
x P (x, y, z)
(2.18)

M  y  → V(M ) =  Q(x, y, z) 
   


z R(x, y, z)

C’est une notion tout-à-fait fondamentale en physique, indispensable à la des-


cription des phénomènes. Citons quelques exemples:
2
Cette notion de base directe signifie que l’on a choisi une orientation de l’espace affine, en
choisissant arbitrairement comme orientation positive (ou directe) celle donnée par la règle du
tire-bouchon.
2.1. RAPPELS 21
– Le champ de vitesse dans un fluide. Par exemple pour un cisaillement pur, près
d’une paroi située en y = 0 (Fig. 2.1),
 
P (y)
V(M ) = λyex =  0 

 où λ∈R
0

M V(M)

Figure 2.1: Cisaillement pur dans un fluide

– Le champ de gravitation dû à une masse M placée à l’origine, en un point P (r, θ, φ)


donné en coordonnées sphériques. Ce champ est purement radial
 
P (r)
1
g(P ) = −M G 2 er =  0 
 
r
0

– Le champ électrostatique d’un dipôle p placé comme sur la Fig. 2.2,

p
" P
r
O y

Figure 2.2: Disposition d’un dipôle électrostatique.

 
P (r, θ)
1 2p cos θ 1 p sin θ
E= 3
er + 3
eθ =  Q(r, θ) 

4π0 r 4π0 r

0

2.1.6 Moment d’un vecteur


On définit le vecteur moment d’un champ de vecteur V(M ) en un point A, par

M(A, V(M )) = MA (V(M )) ≡ AM ∧ V(M ) (2.19)

On peut définir aussi le moment par rapport à un axe, qui lui est un scalaire.
Soit donc e∆ un vecteur unitaire sur l’axe ∆. On définit

M∆ (V(M )) ≡ M(A, V(M )) · e∆ où A ∈ ∆. (2.20)


22 CHAPITRE 2. CHAMPS DE VECTEURS. TORSEURS
Cette définition n’aurait aucun sens si elle dépendait du choix du point arbitraire A
sur ∆. Soit donc A0 un autre point de ∆.

M(A0 , V(M )) · e∆ = (A0 M ∧ V(M )) · e∆


= (A0 A ∧ V(M )) · e∆ +M(A, V(M )) · e∆
| {z }
=0 car A0 A//e∆

ce qui établit le résultat.

2.2 Notion de torseur


2.2.1 Exemples
Plutôt que d’écrire dès le départ la définition d’un torseur, nous allons en voir deux
exemples à partir de notions bien connues en Mécanique du point. Les vecteurs
seront désormais des éléments de l’espace vectoriel R3 , muni du produit scalaire
canonique, et les point des éléments de l’espace affine R3 .

Moment cinétique
La quantité de mouvement de N particules ponctuelles de masses mi et de vitesses
vi est
N
X
P= mi vi (2.21)
i=1
On définit le moment cinétique σK par rapport à un point K quelconque, par
N
X
σK ≡ KMi ∧ mi vi , (2.22)
i=1

où les Mi sont les positions des masses ponctuelles. Le moment cinétique est une
fonction vectorielle de la position du point K : c’est donc un champ de vecteur.
Calculons maintenant le moment cinétique par rapport à un autre point arbitraire
0
K.
N N
K0 Mi ∧ mi vi = (K0 K + KMi ) ∧ mi vi
X X
σK 0 ≡
i=1 i=1
N
!
0
X
= KK∧ mi vi + σK
i=1

En identifiant la parenthèse d’après (2.21), on voit apparaı̂tre la relation

σK 0 = σK + P ∧ KK0 (2.23)

Moment d’un système de forces


Supposons maintenant que sur chaque particule située en Mi s’exerce une force
f (Mi ). Le moment en un point K quelconque de ce système de forces est
N
X
MK = KMi ∧ f (Mi ). (2.24)
i=1
2.2. NOTION DE TORSEUR 23
Il s’agit à nouveau d’un champ de vecteur.
Comme précédemment, cherchons à calculer ce moment en un autre point K 0 .

N
(K0 K + KMi ) ∧ f (Mi )
X
MK 0 =
i=1
N
!
= K0 K ∧
X
f (Mi ) + MK
i=1

soit enfin
N
MK 0 = MK + F ∧ KK0 ,
X
F≡ f (Mi ) (2.25)
i=1

où F est la résultante du système de forces.

Notion de torseur

Les équations (2.23) et (2.25) nous montrent qu’apparaı̂t à chaque fois un champ de
vecteur T , application de l’espace affine E (ici R3 ) dans l’espace vectoriel E (ici R3
aussi), tel qu’il existe un vecteur RT appelé résultante générale, de sorte qu’on ait

E →E
T :
, ∀(M, P ) ∈ E 2 , T (M ) = T (P ) + RT ∧ PM (2.26)
M → T (M )

Cette définition peut sembler insatisfaisante, en ce sens qu’elle semble dépendre du


choix du point M . Nous verrons au § 2.2.6 qu’il n’en est rien. L’application T est
un torseur. On notera T l’ensemble des torseurs.
Un torseur s’associe naturellement à un ensemble de pointeurs. Soit en effet
{(Ai , Vi )} un tel ensemble. Soit O un point quelconque. On peut définir un torseur
de résultante R et de moment M(O) avec
X X
R≡ Vi , M(O) = OAi ∧ Vi . (2.27)
i i

La résultante générale et le moment en O sont les éléments de réduction en O du


torseur.
Autres notations (ajout de janvier 2016)
Un torseur est donné par sa résultante R et son moment M(O) en un point
quelconque O. Il est donc parfois noté

R
 
T = ,
M(O) O

voire même directement à partir des coordonnées (X, Y, Z) de la résultante et (L, M, N )


du moment en O, ce qui donne
 
X
 L
T = Y M .
 

Z N O
24 CHAPITRE 2. CHAMPS DE VECTEURS. TORSEURS
2.2.2 Espace vectoriel des torseurs
On montre sans difficulté les résultats suivants:

• La somme de deux torseurs est un torseur, et

(T1 + T2 )(M ) = T1 (M ) + T2 (M ), RT1 +T2 = RT1 + RT2

• Le produit d’un torseur par un scalaire λ est un torseur, et

(λT )(M ) = λT (M ), RλT = λRT

• T est un sous espace vectoriel de R6 .

• L’application projection en A, définie par



T → R3 × R3
PA
T → (RT , T (A))

est un isomorphisme de l’espace vectoriel T sur l’espace vectoriel R3 × R3

2.2.3 Torseurs particuliers


Couples
Les couples sont les torseurs de résultante générale nulle. L’ensemble des couples
est un sous espace vectoriel de T de dimension 3.

Glisseurs
Un glisseur est un torseur G dont la valeur en au moins un point est nulle. Si A est
ce point, et RG la résultante de G, alors

(∀M ∈ R3 ), G(M ) = RG ∧ AM (2.28)

Si RG est nulle, on a le torseur nul (le seul qui soit à la fois couple et glisseur). Sinon,
l’ensemble des points {M/G(M ) = 0} est la droite ∆ passant par A, parallèle à RG .
Elle est appelée axe central du glisseur.

Le champ de vecteur G(M ) est invariant :


– par translation parallèlement à l’axe central ∆
– par rotation d’axe ∆
– par affinité 3 par rapport à ∆
3
L’affinité par rapport à ∆ est la transformation affine f qui à un point M ∈ E fait correspondre
f (M ) = M 0 tel que
p(M)M0 = αp(M)M
où α est une constante réelle, et p(M ) est la projection orthogonale de M sur la droite ∆. Si
α = 1 f est l’identité, si α = −1 f est la symétrie par rapport à ∆, si α = 0 f est la projection
orthogonale sur ∆.
2.2. NOTION DE TORSEUR 25

! G(P)

P
RG

G(M) = R G ^ HM
Q H
M

G(Q)

Figure 2.3: Axe central d’un glisseur

Cette propriété d’invariance caractérise le champ de vecteur. Elle signifie que si f


est l’une quelconque de ces trois transformations,

(∀M ∈ E), G [f (M )] = f [G(M )] . (2.29)

On notera que l’ensemble des glisseurs n’est pas un sous espace vectoriel de T.
Par contre, l’ensemble des glisseurs d’axes concourant en A, plus le torseur nul, est
un sous espace vectoriel de T.

Théorème : Pour qu’un torseur T de résultante RT non nulle soit un glisseur, il


faut et il suffit qu’il existe un point M tel que RT · T (M ) = 0.
La condition nécessaire est triviale. Montrons la condition suffisante. On sait que
la résultante n’est pas le vecteur nul, et on peut supposer que T (M ) non plus (sinon
le problème est résolu!). Alors de l’existence de ces deux vecteurs orthogonaux, on
déduit de la formule de division vectorielle (2.16)

∃X, RT ∧ X = T (M )

par ailleurs, on sait qu’on peut trouver un point A tel que X = AM. On a alors,
en utilisant la formule des torseurs (2.26) et l’équation ci-dessus,

T (A) = T (M ) + RT ∧ MA = T (M ) − RT ∧ X = 0

ce qui complète la démonstration : A est un point tel que T (A) = 0, et le torseur


est un glisseur.

2.2.4 Invariant scalaire


Pour tout torseur T de résultante RT , la quantité

RT · T (A) (2.30)

est un invariant scalaire.


Cette quantité est évidemment scalaire, et invariant signifie qu’elle ne dépend
pas du choix du point A. Vérifions le. Soit B un point quelconque.

T (B) = T (A) + RT ∧ AB =⇒ RT · T (B) = RT · T (A)


26 CHAPITRE 2. CHAMPS DE VECTEURS. TORSEURS
2.2.5 Produit de deux torseurs
Théorème : Soient T1 et T2 deux torseurs, M un point quelconque. Le scalaire
T1 ◦ T2 ≡ T1 (M ) · RT2 + T2 (M ) · RT1 (2.31)
est indépendant de M . On l’appelle produit des deux torseurs. Deux torseurs de
produit nul sont dits orthogonaux, un torseur orthogonal à lui même est dit isotrope.

Reste à prouver l’indépendance de ce scalaire, que nous noterons S(M ), par


rapport au point M . Soit P un autre point quelconque.
S(M ) − S(P ) = (T1 (M ) − T1 (P )) · RT2 + (T2 (M ) − T2 (P )) · RT1
= (RT1 ∧ PM) · RT2 + (RT2 ∧ PM) · RT1 = 0
Pour écrire la deuxième ligne, on a utilisé à deux reprises la formule des torseurs
(2.26), et la dernière égalité s’obtient en remarquant qu’on somme deux produits
mixtes qui diffèrent par une transposition, et donc changent de signe.
Les torseurs isotropes sont les torseurs d’invariant scalaire nul. Ce sont donc les
couples, de résultante nulle, et les glisseurs dont le moment est nul en un point. Ce
produit scalaire n’est donc pas défini. Il n’est pas non plus positif, puisque le signe
de l’invariant scalaire (2.30) est bien sûr quelconque.

2.2.6 Eléments centraux. Décomposition centrale


Ce paragraphe est important, puisqu’il va nous montrer que la définition d’un torseur
est intrinsèque, c’est-à-dire qu’elle ne dépend en fait pas du point arbitraire en lequel
on se donne son moment.
Soit donc M un point quelconque, T un torseur de résultante non nulle RT (dans
le cas contraire, c’est un couple et son moment est le même en tout point, il est donc
parfaitement caractérisé). On va le décomposer par projection orthogonale sur RT
C(M )//RT

T (M ) = C(M ) + G(M ) où (2.32)
G(M ) ⊥ RT
On a facilement
!
RT RT 1 T ◦T
C(M ) = · T (M ) = RT ≡ I. (2.33)
||RT || ||RT || 2 ||RT ||2
Le vecteur I est manifestement une caractéristique intrinsèque du torseur, indépen-
dant de M . C’est l’invariant vectoriel du torseur T . Le champ de vecteur C(M ) est
donc constant, uniformément égal à I : C’est un couple.
Le torseur G a donc comme résultante RT , puisque celle de C est nulle. Mais
alors RG · G(M ) = RT · G(M ) = 0 par définition de G (2.32)! Donc G est un glisseur.
L’axe ∆ du glisseur G est l’axe central du torseur T . En tout point P de cet axe,
T (P ) = I qui de ce fait est appelé moment central de T .
La Fig. 2.3 se généralise comme ci-dessous Fig. 2.4.

Tout torseur T est la somme d’un couple et d’un glisseur, avec moment du couple
et résultante du glisseur parallèles. On appelle cette somme la décomposition centrale
du torseur T .
2.2. NOTION DE TORSEUR 27

RT T(M)

C(M)=I
I
T(Q)
Q H G(M) = R T ^ HM
M

Figure 2.4: Décomposition centrale d’un torseur

2.2.7 Equiprojectivité.
Théorème : Si T est un torseur, M et P deux points quelconques, les projections
orthogonales de T (M ) et T (P ) sur la droite M P sont égales. Réciproquement, tout
champ de vecteur ayant cette propriété d’équiprojectivité est un torseur.
Pour le sens direct, il suffit d’écrire la formule des torseurs :
T (P ) = T (M ) + RT ∧ MP =⇒ T (P ) · MP = T (M ) · MP
ce qui assure le résultat.
Pour démontrer la réciproque, soit un champ de vecteur équiprojectif f :
∀(M, P ), f (M ) · MP = f (P ) · MP.
Soit alors A un point quelconque. Enlevons à chaque membre de cette équation la
quantité f (A) · MP. On peut écrire
(f (M ) − f (A)) · (AP − AM) = (f (P ) − f (A)) · (AP − AM)
soit
f (A) · AP = f (P ) · AP

(f (M ) − f (A)) · AP = − (f (P ) − f (A)) · AM car
f (A) · AM = f (M ) · AM
en utilisant deux fois la propriété d’équiprojectivité du champ de vecteur f .
L’étape suivante utilise une astuce d’écriture. Tout point M peut s’écrire A +
AM, ce qui n’est qu’une autre façon de dire que les deux points A et M de l’espace
affine définissent un vecteur AM de l’espace vectoriel associé. On a donc démontré
(f (A + AM) − f (A)) · AP = − (f (A + AP) − f (A)) · AM
Cette équation montre que la fonction g de l’espace vectoriel dans lui-même (ce n’est
donc pas un champ de vecteur!) définie par

R3 → R3
g:

U → g(U) ≡ f (A + U) − f (A),

est antisymétrique. On peut donc lui appliquer le résultat (2.14) et en déduire que
∃R, g(U) = R ∧ U
soit enfin
f (M ) = f (A) + R ∧ AM
Le champ de vecteur f est bien un torseur.
28 CHAPITRE 2. CHAMPS DE VECTEURS. TORSEURS
2.2.8 Dérivée d’un torseur
Nous aurons à considérer par la suite des torseurs dépendant du temps. On a très
envie de définir la dérivée temporelle d’un torseur de la façon suivante :

Théorème : Si M est un point fixe (c’est-à-dire indépendant du temps) dans


le repère (R), et T un torseur fonction du temps donné par sa résultante RT et
dT
son moment en M T (M ), alors la dérivée temporelle de T est le torseur de
dt
dRT dT dT (M )
résultante RdT /dt = et de moment en M : (M ) ≡ .
dt dt dt
Il n’est pas complètement évident que l’on ait ainsi défini un torseur. La définition
de la résultante ne pose pas de problème. Par ailleurs, on peut écrire, si P est un
autre point fixe quelconque de (R) :

d d
(T (P )) = (T (M ) + RT ∧ MP)
dt dt | {z }
T est un torseur
dT (M ) dRT dT dT
= + ∧ MP = (M ) + RdT /dt ∧ MP = (P )
dt dt dt dt
ce qui établit que le champ de vecteur dérivé ainsi défini est bien un torseur.
Chapitre 3

Cinématique du solide

3.1 Champ de vitesse d’un solide.


Torseur cinématique
3.1.1 Vecteur rotation instantanée
Définition : Par solide, nous entendrons désormais toujours un solide indéformable,
ou parfaitement rigide.
Les mouvements seront repérés dans un repère (ou référentiel ) fixe R(O, X, Y, Z)
ou R(O, I, J, K). Le point O est l’origine du repère. Nous utiliserons des majuscules,
que ce soient pour les coordonnées (X, Y, Z) des points ou les vecteurs de base
(I, J, K) du repère fixe (R).
Au solide est lié un repère, a priori mobile, noté S(C, x, y, z) ou S(C, i, j, k). Le
point C est son origine, et nous utiliserons systématiquement des lettres minuscules
pour les coordonnées et les vecteurs de base du repère lié au solide. Dans ce repère,
par définition, tout point M du solide est immobile.

z
(R) Z (S) V(M/R)
M y

O Y
x

Figure 3.1: Repère fixe et repère lié au solide.

Soient alors deux vecteurs U et V constants dans (S). Ils sont donc a priori
dépendants du temps dans (R). Par contre, leur produit scalaire est indépendant
du temps dans les deux repères, ce qui permet d’écrire
d dU dV
(U · V) = ·V+U· = 0. (3.1)
dt dt dt
29
30 CHAPITRE 3. CINÉMATIQUE DU SOLIDE
On en déduit que l’application de l’espace vectoriel dans lui-même qui à un vecteur
associe sa dérivée par rapport au temps est une application antisymétrique. On peut
donc appliquer le deuxième théorème du § 2.1.4, qui dit qu’il existe un vecteur noté
Ω(S/R) tel que
dU
(∀U constant dans (S)), = Ω(S/R) ∧ U. (3.2)
dt
Le vecteur Ω(S/R) est le vecteur rotation instantanée du solide (S) par rapport
au repère (R). On prendra soin d’utiliser cette notation complète pour Ω(S/R),
puisque le mouvement d’un solide est toujours défini relativement à un repère (ou à
un autre solide).
Le vecteur rotation est dit instantané, car a priori il dépend du temps, en norme
et en direction.

Exemple : Supposons qu’il existe une droite ∆ de direction fixe à la fois dans (R)
et dans (S). Prenons la comme axe OZ et Oz, en confondant O et C. Le vecteur K
est constant dans (R), donc dK/dt = 0. Par ailleurs, c’est aussi un vecteur constant
de (S), donc dK/dt = Ω(S/R) ∧ K. Il existe donc nécessairement une constante
réelle λ telle que Ω(S/R) = λK.

(R) Z z

!
O Y

X x

Figure 3.2: Exemple : Rotation autour d’un axe.

Par ailleurs
di
i = cos ψI + sin ψJ =⇒ = ψ̇ (− sin ψI + cos ψJ) = ψ̇j.
dt
et i étant fixe dans (S),
di
= Ω(S/R) ∧ i = λk ∧ i = λj =⇒ Ω(S/R) = ψ̇k = ψ̇K.
dt

3.1.2 Torseur cinématique


Soient maintenant A et B deux points fixes dans (S). C’est en particulier le cas pour
tout couple de points appartenant au solide1 , puisque celui-ci est indéformable. Le
vecteur AB est donc constant dans (S), donc d’après (3.2) on peut écrire
dAB
= Ω(S/R) ∧ AB.
dt
1
Ou points matériels. Voir plus loin le § 3.4.1.
3.1. CHAMP DE VITESSE D’UN SOLIDE. TORSEUR CINÉMATIQUE 31
Or par ailleurs

dAB dOB dOA


= − = V(B/R) − V(A/R).
dt dt dt
On aboutit donc à la formule suivante, fondamentale, qui exprime que le champ
de vitesse d’un solide indéformable est un torseur, le torseur cinématique :

V(B/R) = V(A/R) + Ω(S/R) ∧ AB. (3.3)

3.1.3 Eléments de réduction du torseur cinématique.


Mouvement hélicoı̈dal tangent.
Dans ce paragraphe, nous appliquons au cas particulier du torseur cinématique le
résultat général du § 2.2.6. Notons pour commencer que le vecteur rotation instan-
tanée est déterminé en principe en écrivant pour les trois vecteurs de base du repère
lié au solide que
dei
= Ω(S/R) ∧ ei ,
dt
pour i ∈ {x, y, z}.
L’Axe Instantané de Rotation (AIR) ∆ est l’axe central du torseur cinématique.
Il est parallèle à Ω(S/R), et tous ses points sont animés de la même vitesse parallèle
à Ω(S/R) (éventuellement nulle!).
A un instant donné, le mouvement est hélicoı̈dal, composition d’une rotation
autour de l’AIR et d’une translation parallèlement à cet axe. L’axe étant dans le
cas le plus général dépendant du temps, on parle de mouvement hélicoı̈dal tangent.
Nous connaissons la direction de l’axe ∆, pour complètement le caractériser il faut
trouver un point de cette droite. La connaissance de Ω(S/R) permet de construire
le plan perpendiculaire à ∆, passant par un point P quelconque du solide, dont on
suppose la vitesse connue [ce peut être l’origine C de (S), mais pas nécessairement].
Nous allons déterminer la position du point H, intersection de ce plan avec l’axe.
La formule (3.3) permet d’écrire

V(H/R) = V(P/R) + Ω(S/R) ∧ PH.

Le point H étant sur l’axe, sa vitesse est parallèle à Ω(S/R), ce qui donne

Ω(S/R) ∧ V(H/R) = 0 = Ω(S/R) ∧ V(P/R) + Ω(S/R) ∧ (Ω(S/R) ∧ PH)


= Ω(S/R) ∧ V(P/R) − ||Ω(S/R)||2 PH,

où pour écrire la dernière équation on a développé le double produit vectoriel [équa-
tion (2.15)] et utilisé le fait que PH et Ω(S/R) sont par hypothèses orthogonaux.
On obtient finalement
Ω(S/R) ∧ V(P/R)
PH = (3.4)
||Ω(S/R)||2

On définit l’axoı̈de, surface engendrée par l’axe ∆ au cours du mouvement, dans


le référentiel fixe (R) ou dans le référentiel lié au solide (S) (les axoı̈des fixes et
mobiles n’ont a priori aucune raison d’être les mêmes).
32 CHAPITRE 3. CINÉMATIQUE DU SOLIDE
!(S/R) "
V(K/R) V(K/R)

M K
V(M/R)
H
!(S/R) HM

Figure 3.3: Axe instantané de rotation ∆, et construction du champ de vitesse d’un


solide pour un point M quelconque.

3.1.4 Champ des accélérations d’un solide


Soient P et M deux points du solide S. Appliquant la formule (3.3), on peut écrire

V(M/R) = V(P/R) + Ω(S/R) ∧ PM.

Si nous dérivons les deux membres de cette équation par rapport au temps, et
sachant que par définition l’accélération de M dans le référentiel (R) est la dérivée
de sa vitesse dans (R), on a

dPM
a(M/R) = a(P/R) + Ω̇(S/R) ∧ PM + Ω(S/R) ∧ .
dt
Comme PM est un vecteur constant du solide, on peut lui appliquer le résultat
(3.2), ce qui donne le résultat final

a(M/R) = a(P/R) + Ω̇(S/R) ∧ PM + Ω(S/R) ∧ [Ω(S/R) ∧ PM] . (3.5)

Cette formule, compliquée et qu’il est sans doutes préférable de redémontrer


lorsque le cas se présente, donne l’accélération du point M connaissant celle d’un
point P quelconque, et le vecteur rotation du solide.
Le troisième terme représente l’accélération axipète. Soit en effet l’axe ∆0 passant
par P et de direction Ω(S/R) (Attention! Ce n’est pas l’axe instantané de rotation!),
et soit H la projection orthogonale de M sur cet axe. Alors CM = CH + HM, et

Ω(S/R) ∧ [Ω(S/R) ∧ PM] = −Ω(S/R)2 HM,

qui est orienté en direction de l’axe.

3.2 Changements de référentiels.


Composition des mouvements.
Dans ce paragraphe, nous considèrerons la référentiel du laboratoire, R(O, I, J, K)
et un repère mobile par rapport à ce référentiel, que nous noterons T (C, i, j, k). Ce
repère mobile n’est pas nécessairement lié à un solide, il peut s’agir en pratique d’un
repère intermédiaire.
3.2. CHANGEMENTS DE RÉFÉRENTIELS.COMPOSITION DES MOUVEMENTS.33
3.2.1 Dérivation d’un vecteur
Soit W un vecteur mobile à la fois dans (R) et (T ). Ce peut être la position d’un
point, sa vitesse, etc..
Si nous exprimons W dans (T ),

W = xi + yj + zk,

les coordonnées (x, y, z) dépendent du temps puisque le vecteur est mobile dans (T ),
et les vecteurs de base eux-mêmes dépendent du temps dans (R), donc

dW di dj dk
= ẋi + ẏj + żk +x + y + z .
dt R | {z } dt dt dt
≡dW/dt|T

Les vecteurs de base sont fixes dans (T ), on peut donc leur appliquer la formule
(3.2), qui donne
di
= Ω(T /R) ∧ i,
dt
et de même pour j et k. On obtient alors en définitive

dW dW
= + Ω(T /R) ∧ W (3.6)
dt R dt T

De façon parfaitement symétrique, on aurait pu écrire



dW dW
= + Ω(R/T ) ∧ W
dt T dt R

ce qui donne
Ω(T /R) = −Ω(R/T ) (3.7)

3.2.2 Composition des rotations


Considérons trois référentiels (R), (T1 ) et (T2 ), et un vecteur W supposé mobile
dans chacun de ces repères. En utilisant le résultat (3.6), on peut écrire

ẆR = ẆT1 + Ω(T1 /R) ∧ W


ẆR = ẆT2 + Ω(T2 /R) ∧ W
ẆT1 = ẆT2 + Ω(T2 /T1 ) ∧ W

ce qui permet d’écrire

ẆR = ẆT2 + [Ω(T2 /T1 ) + Ω(T1 /R)] ∧ W

La comparaison de ce résultat avec la deuxième équation ci-dessus donne la formule


de composition des rotations,

Ω(T2 /R) = Ω(T2 /T1 ) + Ω(T1 /R) (3.8)


34 CHAPITRE 3. CINÉMATIQUE DU SOLIDE
Exemple : Soit une voiture (considérée comme un solide indéformable, liée au
référentiel (T1 )) faisant demi tour sur une route horizontale. Dans le référentiel (R)
lié à la route, Ω(T1 /R) = ωa K, avec le vecteur K vertical. Dans (T1 ), une roue (liée
au référentiel (T2 )) a un mouvement de rotation d’axe horizontal, Ω(T2 /T1 ) = ωb i2 .
C’est ce que voit un passager de l’auto. Un piéton sur le bord de la route voit lui
pour la roue un vecteur rotation ωb i2 + ωa K.

3.2.3 Composition des vitesses


Soit un point M animé d’un mouvement quelconque dans (T ) et (R). Introduisant
le point C, origine de (T ), nous pouvons écrire

d d
V(M/R) = (OM)|R = (OC + CM)|R .
dt dt
Pour dériver le vecteur CM, nous utilisons (3.6), et en réorganisant les termes nous
obtenons

V(M/R) = V(M/T ) + V(C/R) + Ω(T /R) ∧ CM, (3.9)


| {z } | {z }
vitesse relative vitesse d’entrainement
qui est la formule de composition des vitesses.
La vitesse d’entrainement est celle d’un point M 0 fixe dans (T ), qui occuppe la
position de M à l’instant t. Ce point M 0 est appelé point coı̈ncidant.

3.2.4 Composition des accélérations


Dérivons par rapport au temps l’équation (3.9). On trouve

dV(M/T ) dΩ(T /R) dCM
a(M/R) = + a(C/R) + ∧ CM + Ω(T /R) ∧ .
dt
R
dt
R
dt R

En utilisant à nouveau la formule (3.6), on calcule



dV(M/T ) dV(M/T )
= + Ω(T /R) ∧ V(M/T )
dt
R
dt
T
= a(M/T ) + Ω(T /R) ∧ V(M/T ),

dCM dCM
= + Ω(T /R) ∧ CM
dt R dt T
= V(M/T ) + Ω(T /R) ∧ CM,

et en injectant ces résultats dans la première expression on obtient la formule de


composition des accélérations,

a(M/R) = a(M/T ) + 2Ω(T /R) ∧ V(M/T ) +


| {z } | {z }
accélération relative accélération de Coriolis
+ a(C/R) + Ω̇(T /R) ∧ CM + Ω ∧ (Ω ∧ CM) (3.10)
| {z }
accélération d’entrainement
3.3. MOUVEMENTS PARTICULIERS DU SOLIDE. 35
3.2.5 Référentiel barycentrique
C’est par définition le repère (RB ), aussi noté (R∗ ), d’origine le centre d’inertie G
(voir chapitre suivant) et d’axes à tout instant parallèles aux axes du repère fixe.
Celà signifie Ω(R∗ /R) = 0, et si l’on reporte cette valeur dans (3.9) et (3.10) les
formules se simplifient considérablement :
V(M/R) = V(M/R∗ ) + V(G/R) (3.11)
a(M/R) = a(M/R∗ ) + a(G/R) (3.12)

3.3 Mouvements particuliers du solide.


3.3.1 Translation
Un solide est en translation si la vitesse de chacun de ses points est définie par un
vecteur unique V(t) à chaque instant t. Le vecteur rotation du solide est alors nul,
et son torseur cinématique est un couple.

Exemple : À un instant donné, chacune des nacelles d’une grande roue est en
translation (chacune avec une vitesse différente!).

Figure 3.4: Mouvement des nacelles d’une grande roue. Le cercle en trait plein
montre la trajectoire du point d’attache des nacelles, celui en traits pointillés la
trajectoire d’un autre point.

3.3.2 Rotation autour d’un axe


Un solide est, par rapport à un référentiel (R), en rotation autour d’un axe fixe ∆
lorsque deux de ses points A et B sont à chaque instant fixes dans (R). L’axe de
rotation ∆ est alors la droite passant par A et B.
Si A et B ne sont pas dans le solide S, mais à distance finie, on dit que l’axe
appartient au solide prolongé. Cela signifie que A et B sont fixes à la fois dans le
référentiel (S) lié au solide et dans (R). C’est le cas de la figure ci-dessous.

Appelons ∆ l’axe de rotation, qui est la droite AB. Définissons alors le référentiel
du laboratoire tel que OZ soit confondu avec ∆, et le référentiel lié au solide tel que
Oz aussi soit confondu avec ∆. Soit θ ≡ (OX, \ Ox). On peut écrire
di di
= θ̇ = θ̇j ≡ Ω(S/R) ∧ i,
dt dθ
36 CHAPITRE 3. CINÉMATIQUE DU SOLIDE
(R) Z,z

y
K
(S)
! uT
uN M
O Y
"
H
x
X

Figure 3.5: Rotation autour d’un axe.

la dernière équation définissant le vecteur rotation instantanée du solide dans (R).


On en déduit
Ω(S/R) = θ̇k = θ̇K =⇒ CO [θ̇k, 0]. (3.13)
Dans le cas de ce mouvement, on peut donner les éléments de réduction du torseur
cinématique CO en O, origine du repère fixe. ∆ est l’axe central du torseur cinémati-
que. La trajectoire d’un point M n’appartenant pas à ∆ est un cercle situé dans
un plan perpendiculaire à ∆ de centre H, projection orthogonale de M sur ∆, et de
rayon HM ≡ ρ.
L’accélération du point M se déduit de la formule (3.5),

a(M/R) = a(O/R) +Ω̇(S/R) ∧ OM + Ω(S/R) ∧ (Ω(S/R) ∧ OM),


| {z }
=0

soit en utilisant le repère de Frénet

dv v2
a(M/R) = Ω̇(S/R)∧KM−Ω(S/R)2 KM = ρθ̈uT +ρθ̇2 uN = uT + uN . (3.14)
dt ρ

3.3.3 Mouvement plan invariant, ou plan sur plan


C’est par définition le mouvement d’un solide pour lequel un plan quelconque lié à ce
solide reste à tout instant confondu avec un plan du repère fixe. Il faut bien prendre
garde au fait qu’un plan est défini par trois points non alignés.
Comme exemple citons le mouvement d’une règle posée sur un plan, celui d’une
roue de vélo suivant une trajectoire rectiligne (le plan contenant la roue, assimilée
à un cercle, restant confondu avec un plan contenant la trajectoire), celui d’un
cylindre sur un plan incliné (un plan de section du cylindre reste confondu avec un
plan orthogonal au plan incliné).

Soit alors Π le plan commun au référentiel fixe R(O, I, J, K) et au référentiel lié


au solide S(C, i, j, k). Choisissons (R) de telle sorte que (I, J) ∈ Π. Si le référentiel
(S) est choisi de telle sorte qu’à un instant donné (i, j) ∈ Π, ces vecteurs resteront à
tout instant dans ce plan par définition du mouvement plan invariant. Prenons de
même les origines O et C dans le plan Π. Définissons alors θ ≡ (I, di). On sait que

(∀M ∈ solide ∩ Π), V(M/R) ∈ Π


3.3. MOUVEMENTS PARTICULIERS DU SOLIDE. 37
Z
(R)
(S)
Z,z
Y
O y
C
Y
!
X
X x

Figure 3.6: Mouvement plan sur plan.

or
V(M/R) = V(C/R) + Ω(S/R) ∧ CM,
il est donc nécessaire d’avoir Ω(S/R) ⊥ Π. On en déduit
Ω(S/R) = θ̇K = θ̇k. (3.15)
Notons I l’intersection entre l’axe central ∆ du torseur cinématique et Π. Par
définition de l’axe central, on sait que V(I/R) est parallèle à ∆. Par ailleurs I ∈ Π
et par définition du mouvement plan sur plan V(I/R) ∈ Π ⊥ ∆ : On a donc
nécessairement
V(I/R) = 0 et V(M/R) = Ω(S/R) ∧ IM. (3.16)
Le mouvement est donc à tout instant une rotation pure autour du point I, qui est
appelé centre instantané de rotation (en abrégé, CIR).
La position de I peut être déterminée de deux manières différentes :
• Soit on connait deux vecteurs vitesses V(M/R) et V(M 0 /R) non parallèles.
Le CIR est alors à l’intersection des deux perpendiculaires en M et M 0 à ces
vecteurs.
• Soit on utilise la formule générale (3.4), qui donne ici
Ω(S/R) ∧ V(M/R)
MI = (3.17)
||Ω(S/R)||2

On appelle base la trajectoire du CIR dans le repère fixe (R), et roulante sa


trajectoire dans le repère lié au solide (S).

3.3.4 Rotation autour d’un point fixe. Angles d’Euler


Remarque : Les angles d’Euler ne figurent plus (en 2005) au programme des
concours ENSI Deug. Ce paragraphe n’est donc pas à savoir par coeur, mais il
fournit un excellent exemple de composition des rotations!
Soit donc O le point fixe commun au référentiel fixe et au solide, qui sera pris
comme origine des deux référentiels. On passe du référentiel fixe au référentiel lié
au solide par trois rotations successives.
(a) Rotation d’angle ψ autour de l’axe OZ. ψ est l’angle de précession.
R(O, I, J, K) −→ T (O, u, v, K)
38 CHAPITRE 3. CINÉMATIQUE DU SOLIDE
v J

u
!
K I

Figure 3.7: Angles d’Euler. Définition de l’angle de précession.

(b) Rotation d’angle θ autour du vecteur u. θ est l’angle de nutation.

T (O, u, v, K) −→ T 0 (O, u, w, k)

K
k
w

!
u v

Figure 3.8: Angles d’Euler. Définition de l’angle de nutation.

(c) Rotation d’angle φ autour de l’axe Oz. φ est l’angle de rotation propre.

T 0 (O, u, w, k) −→ S(O, i, j, k)

j w

i
!
u
k

Figure 3.9: Angles d’Euler. Définition de l’angle de rotation propre.

La représentation tridimensionnelle des trois angles est fournie par la Fig. 3.10.
Lorsqu’on cherche à exprimer le vecteur rotation du solide, en utilisant (3.8), on
trouve
Ω(S/R) = ψ̇K + θ̇u + φ̇k
qui n’est exprimé naturellement dans aucune base orthonormée. Nous verrons en
cinétique qu’il est toujours indispensable d’exprimer le vecteur rotation dans la base
du référentiel lié au solide. En utilisant
         
u cos φ sin φ 0 i u 1 0 0 u
 w  =  sin φ cos φ 0   j  ,  v  =  0 cos θ − sin θ   w  ,
         

k 0 0 1 k K 0 sin θ cos θ k
3.4. MOUVEMENTS DE DEUX SOLIDES EN CONTACT. 39
on trouve  
(ψ̇ sin θ sin φ + θ̇ cos φ)i
Ω(S/R) =  (ψ̇ sin θ cos φ − θ̇ sin φ)j 
 

(φ̇ + ψ̇ cos θ)k

k K
j
!
w
v

" # i J
I
u

Figure 3.10: Représentation tridimensionnelle des angles d’Euler.

Exemple : La roue avant d’un vélo, le cycliste amorçant un virage, vue dans le
référentiel barycentrique (en translation par rapport au référentiel fixe). Le cycliste
tourne le guidon (précession), il incline le vélo à l’intérieur du virage (nutation) et
la roue tourne autour de son axe (rotation propre).

3.3.5 Degrés de liberté d’un solide


Définition : Le nombre de degrés de liberté est égal au nombre de variables in-
dépendantes nécessaires à la localisation complète du système.
La position d’un point est donnée par ses trois coordonnées. Il a donc trois
degrés de liberté. S’il est astreint à rester dans un plan, il est soumis à une équation
de contrainte (l’équation du plan dans l’espace) et n’a plus que deux degrés de
liberté. Un système de N points a donc 3N degrés de liberté, si aucune contrainte
particulière n’intervient.
La position d’un solide est complètement déterminée si l’on caractérise un référen-
tiel lié au solide. Il faut pour cela spécifier une origine C et trois points M1 , M2 et M3 ,
soit a priori 4 × 3 = 12 degrés de liberté. Mais il faut tenir compte des contraintes
de rigidité! Trois équations imposent que les distances CMi sont constantes, et trois
autres fixent les angles M\ i CMj : Il ne reste que 12 − 2 × 3 = 6 degrés de liberté.
Une fois définis les angles d’Euler, c’est évident. Les six degrés de liberté du
solide sont les coordonnées d’un point arbitraire C, et les trois angles d’Euler. Nous
avons vu au tout début de ce chapitre que le champ de vitesse d’un solide est un
torseur, défini par 6 paramètres indépendants.

3.4 Mouvements de deux solides en contact.


3.4.1 Point de contact
Soient deux solides S et S 0 en mouvement par rapport à un référentiel (R). A
l’instant t, ils sont en contact au point fictif I, coı̈ncidant à cet instant avec les
40 CHAPITRE 3. CINÉMATIQUE DU SOLIDE
points matériels IS et IS 0 , appartenant respectivement à S et S 0 .

(S1)

(S2)

Figure 3.11: Contact entre deux solides.

Il est important de bien comprendre cette définition. Un point matériel est, par
définition, un point lié à (ou ”appartenant à”) un solide. Le point IS (resp. IS 0 ) suit
donc le mouvement du solide S (resp. S 0 ). Le point de contact est fictif car ce n’est
pas un point matériel : à l’instant t, il est situé à la position géométrique commune
de IS et IS 0 .
Les trajectoires de I, IS et IS 0 dans (R) sont a priori différentes. Considérons
à titre d’exemple une roue de vélo roulant sans glisser en ligne droite. Le point de
contact I décrit cette droite. Le point IR appartenant à la route est immobile, sa
trajectoire est donc réduite à un point. Enfin, le point IV lié à la roue décrit une
cycloı̈de (voir Fig. 3.12).

Figure 3.12: Mouvement d’une roue de vélo. Le point en gras appartient à la roue,
et décrit une cycloı̈de. Les points de rebroussement de la cycloı̈de (tous les nombres
entiers de tours de la roue sur elle-même) indiquent quand le point considéré est en
contact avec la route

3.4.2 Glissement
Par définition, la vitesse de glissement de S par rapport à S 0 est

Vg (S/S 0 ) ≡ V(IS /R) − V(IS 0 /R) (3.18)

On montre sans difficulté, en utilisant la loi de composition des vitesses (3.9) entre
les référentiels (R) et (S 0 ),

Vg (S/S 0 ) = V(IS /S 0 ) + V(C 0 /R) + Ω(S 0 /R) ∧ C0 IS


−[V(IS 0 /S 0 ) +V(C 0 /R) + Ω(S 0 /R) ∧ C0 IS 0 ],
| {z }
=0

soit compte-tenu du fait que I, IS et IS 0 sont confondus,

Vg (S/S 0 ) = V(IS /S 0 ). (3.19)


3.5. APPLICATION : LE BISSEL. 41
La vitesse de glissement est contenue dans le plan tangent en I, commun aux
deux solides (sans quoi ils se séparent ou s’interpénètrent).
Exprimer une condition de non glissement (CNG) revient à imposer

Vg (S/S 0 ) = 0. (3.20)

3.4.3 Roulement et pivotement


De façon similaire, on peut définir une vitesse angulaire relative de deux solides :

Ω(S/S 0 ) = Ω(S/R) + Ω(R/S 0 ) = Ω(S/R) − Ω(S 0 /R).

On la décompose en une composante normale au plan tangent aux deux solides et


une composante tangentielle, qui représentent respectivement la vitesse angulaire de
pivotement et de roulement.

Ω(S/S 0 ) = Ωn (S/S 0 ) + Ωt (S/S 0 ) . (3.21)


| {z } | {z }
pivotement roulement

3.5 Application : Le Bissel.


Un solide composite est constitué d’un essieu C1 C2 de longueur 2l, de centre G, et
de deux roues assimilées à des disques de rayon R, de centres respectifs C1 et C2 ,
chacune mobile indépendamment dans un plan perpendiculaire à C1 C2 . Ce solide,
ensemble d’un essieu et de deux roues, est appelé un bissel.
Lors du mouvement du solide, les roues restent toujours en contact avec le plan
horizontal XOY . On repère la position de G par ses coordonnées (X, Y, Z = R),
et la direction de l’essieu par l’angle θ qu’il fait avec l’axe OX. Les positions de
chacune des roues sont repérées respectivement par des angles ψ1 et ψ2 . On définit
le repère intermédiaire (T ) de centre G, de base (u, v, K).

Y
v
u
C2
!

G
C1

O X

Figure 3.13: Essieu mobile sans glissement.


Le système comporte trois solides, l’essieu et les deux roues. Le repère (T ) est
lié à l’essieu.
Le vecteur rotation de chaque roue résulte de la composition de la rotation de
la roue autour de l’essieu, ainsi que de la rotation de l’essieu dans le référentiel fixe.
On a donc
Ω(R1,2 /R) = ψ̇1,2 u + θ̇K. (3.22)
42 CHAPITRE 3. CINÉMATIQUE DU SOLIDE
Notons I un des points de contact roue/plan, IR (resp. IP ) le point de la roue
(resp. du plan) coı̈ncidant avec I à un instant donné. La condition de non-glissement
(CNG) se traduit par V(IR /R) = V(IP /R). Le plan étant fixe, V(IP /R) = 0 et il
faut V(IR /R) = 0.
Pour alléger les notations, nous noterons désormais Ii le point de la roue i (i =
1, 2) en contact avec le sol. Pour chaque roue,

V(Ii /R) = V(Ci /R) + Ω(Ri /R) ∧ CI (3.23)


= V(Ci /R) + (ψ̇i u + θ̇K) ∧ (−RK) = V(Ci /R) + Rψ̇i v, (3.24)

puisque le champ de vitesse de chacune des roues est un torseur. Les centres des
roues Ci appartiennent aussi au solide ”essieu”, dont le vecteur rotation est θ̇K. On
a donc
V(Ci /R) = V + θ̇K ∧ GCi = V + θ̇K ∧ (±lu) = V ± lθ̇v, (3.25)
le signe + (resp. −) étant à prendre pour C2 (resp. C1 ).
Si l’on injecte l’équation (3.25) dans (3.24), les conditions de non-glissement
donnent,

V − (lθ̇ − Rψ̇1 )v = 0, (3.26)


V + (lθ̇ + Rψ̇2 )v = 0. (3.27)

De ces équations, on déduit très simplement


R
V = − (ψ̇1 + ψ̇2 )v. (3.28)
2
La vitesse de G, milieu de l’essieu, est donc orthogonale à l’essieu.
Il est toujours bon de vérifier les formules trouvées dans un cas intuitivement
simple. Supposons que les roues tournent dans le sens trigonométrique à la même
vitesse angulaire. Alors, s’il n’y a pas glissement, la vitesse de G est selon −v. Le
signe trouvé est donc correct.
Cette vitesse est nulle si les roues tournent à la même vitesse angulaire, mais en
sens contraires : ψ̇1 + ψ̇2 = 0. Dans ce cas, le mouvement du bissel est en effet une
rotation pure autour de G.
On trouve aussi facilement θ̇ en retranchant (3.26) à (3.27), ce qui donne

R
θ̇ = (ψ̇1 − ψ̇2 ). (3.29)
2l
Pour vérifier ce résultat, faisons tourner la roue (2) dans le sens trigonométrique
(ψ̇2 > 0), la roue (1) restant immobile. L’essieu doit tourner dans le sens contraire
du sens trigonométrique, ce qui est effectivement le cas puisque (3.29) prédit θ̇ < 0.
Pour annuler la rotation de l’essieu, il faut que les deux roues tournent dans le
même sens à la même vitesse angulaire. Dans ce cas le bissel est effectivement en
translation pure.
Chapitre 4

Compléments mathématiques

4.1 Courbes planes


Une courbe plane {M ∈ Γ} est définie dans un repère orthonormé direct (O, i, j) du
plan euclidien sous forme paramétrique par les coordonnées (x(t), y(t)) du point M .
Le repère de Frénet est un repère orthonormé direct (M, t, n) défini par
dx
 
!
dOM 
ds  cos φ
t ≡ , t= dy
≡ (4.1)
ds   sin φ
ds
!
dt − sin φ
n ≡ = (4.2)
dφ cos φ
où ds est défini par
v
u !2 !2
u dx dy
ds ≡ 
t
+ ,  = ±1. (4.3)
dt dt
Le coefficient  permet de traiter les cas des courbes décrites par t croissant ( = +1)
aussi bien que décroissant ( = −1). Le vecteur t est tangent à la courbe, n lui est
orthogonal.
Le rayon de courbure R et le centre de courbure C sont quant à eux définis par
(pour des courbes décrites respectivement à t, x et θ croissants):
ds dt n dn t
R≡ , = , =− . (4.4)
dφ ds R ds R
La courbe est localement tangente à un cercle de centre C et de rayon R. Le rayon
de courbure s’exprime par:
 !2 !2 3/2
dx dy
 + 
dt dt
R= (4.5)
dx d2 y dy d2 x

dt dt2 dt dt2
Le cas d’une courbe donnée par y = f (x) se ramène au précédent par
x=t

(4.6)
y = f (t)

43
44 CHAPITRE 4. COMPLÉMENTS MATHÉMATIQUES
Je vous laisse vérifier qu’on trouve alors pour (4.5) la formule
3/2
[1 + f 0 (x)2 ]
R= (4.7)
f 00 (x)

Le cas d’une courbe en coordonnées polaires r = f (θ) se ramène lui aussi au précé-
dent par
x = f (θ) cos θ

(4.8)
y = f (θ) sin θ
et on trouve alors
3/2
[r(θ)2 + r0 (θ)2 ]
R= (4.9)
r(θ)2 + 2r0 (θ)2 − r(θ)r00 (θ)

Quelques exercices pour vous entrainer:


1) Vérifier que le rayon de courbure d’un cercle est constant, égal à son rayon.
2) Tracer la parabole y = x2 et trouver le point pour lequel le rayon de courbure R
est minimum. Vérifier que le résultat est conforme à l’intuition, et porter le cercle
de rayon R sur le dessin.
3) Trouver les lieux des extrema de rayon de courbure pour l’ellipse (vue en TD)
décrite par
x = 2a(1 + cos ωt)


y = a sin ωt

4.2 Intégrales multiples


4.2.1 Introduction
A titre d’exemple, posons nous le problème du calcul de la masse d’un corps de
volume (Ω) inhomogène, dont on connait la masse volumique ρ(x, y, z). Pour celà,
on le décompose par la pensée en N éléments de volume (∆Ω1 ), (∆Ω2 ), . . . (∆ΩN )
et l’on choisit un point Mi dans chaque élément (∆Ωi ). Alors la masse totale vaut
à peu près
N
X
m(∆Ω) ≈ ρ(Mi )∆Ωi
i=1

Cette quantité n’est qu’approchée car tant que les volumes ∆Ωi restent finis la
densité ne peut y être considérée comme constante. Si maintenant on fait tendre
la taille des volumes élémentaires vers 0, et leur nombre N vers l’infini, la somme
converge1 vers une limite finie donnée par l’intégrale triple:
Z ZZZ
m(∆Ω) = ρ(M )dΩ = ρ(x, y, z)dxdydz
(Ω) (Ω)

Une bonne partie de la difficulté des calculs vient de la détermination des bornes
d’intégration, et éventuellement du choix des ”bonnes” coordonnées à utiliser (voir
§ suivant). Un cas simple (mais en aucune façon général!) se produit lorsqu’une
coordonnée est limitée à un intervalle constant, et que le domaine d’intégration
1
Sous réserve que la fonction soit intégrable, en pratique bornée sur le domaine fini (Ω).
4.2. INTÉGRALES MULTIPLES 45
s’exprime comme une fonction de cette coordonnée. Plus précisément, à 2D, on
peut avoir un domaine compris entre deux fonctions y1 (x) et y2 (x), avec x ∈ [a, b].
Alors  
ZZ Zb yZ
2 (x)

ρ(x, y)dxdy = ρ(x, y)dy  dx


 

(Ω) a y1 (x)

Le terme entre parenthèses se ramène après calcul à une fonction de x seulement,


qu’il suffit d’intégrer. A 3D, la généralisation de ce résultat est
   
ZZZ Zb ϕZ2 (x) ψ2Z(x,y)

ρ(x, y, z)dxdydz =  dy  dx
ρ(x, y, z)dz 
  
 
(Ω) a ϕ1 (x) ψ1 (x,y)

Exemple 1 Calcul de l’aire du domaine limité par les courbes y = 2 − x2 et y = x.


(en grisé sur la Fig. 4.1 ci-dessous)

-2 -1 1 2

-1

-2

Figure 4.1: Exemple de calcul d’aire.

Il faut d’abord calculer les points d’intersection, dont les abcisses sont solutions
de x = 2−x2 . Les points cherchés sont donc M1 (−2, −2) et M2 (1, 1). L’aire cherchée
est alors:  
Z1 2−xZ 2 Z1   9
A=  dy  dx = 2 − x2 − x dx =
 

x
2
−2 −2

4.2.2 Changements de variable


Il arrive fréquemment que le domaine d’intégration s’exprime très simplement dans
un système de coordonnées particulières, et il est donc important de savoir effectuer
un changement de variables dans une intégrale multiple. Pour la commodité des
dessins, nous allons expliciter la démonstration dans le cas d’une intégrale double.

Supposons que le changement de variable soit défini par

x = ϕ(u, v), y = ψ(u, v)


46 CHAPITRE 4. COMPLÉMENTS MATHÉMATIQUES
v y

A' B' A B
v+!v

v
D' C' D C

O u u+!u u O x

Figure 4.2: Changement de variable dans une intégrale multiple.

où les fonctions ϕ(u, v) et ψ(u, v) sont supposées univoques et suffisamment régulières.
Alors il correspond à tout couple (u, v) un unique couple (x, y). De façon générale, il
correspond à une droite u = cste du plan (u, v) une courbe dans le plan (x, y), donc
si on découpe le domaine d’intégration en rectangles dans le plan (u, v), les courbes
correspondantes dans le plan (x, y) le découpent en quadrilatères curvilignes (voir
la Fig. 4.2).
Aux 4 points du plan (u, v)
u u + ∆u u + ∆u u
       
A0 , B0 , C0 , D0
v + ∆v v + ∆v v v
définissant un rectangle infinitésimal d’aire ∆S 0 = ∆u∆v correspondent les 4 points
du plan (x, y)
ϕ(u, v + ∆v) ϕ(u + ∆u, v + ∆v) ϕ(u + ∆u, v) ϕ(u, v)
       
A ,B ,C ,D .
ψ(u, v + ∆v) ψ(u + ∆u, v + ∆v) ψ(u + ∆u, v) ψ(u, v)
L’aire du quadrilatère est donnée par ||AD ∧ AB||. En développant au premier
ordre dans les petits accroissements ∆u et ∆v, ce qui donne le résultat exact puisque
l’intégrale se calcule dans la limite où ces accroissements sont infinitésimaux, l’aire
de ABCD vaut donc
∆S = |(xD − xA )(yB − yA ) − (xB − xA )(yD − yA )|
!
∂ϕ ∂ψ ∂ϕ ∂ψ
= − ∆v ∆u −

∆u − ∆v
∂v ∂u ∂u ∂v

∂ϕ ∂ψ ∂ϕ ∂ψ
= − ∆u∆v

∂u ∂v ∂v ∂u
ce qui démontre le résultat:
∂ϕ ∂ϕ



dxdy = |J|dudv où J ≡ ∂ψ ∂u ∂v

∂ψ

∂u ∂v

J est appelé le Jacobien du changement de variable2 . L’intégrale s’écrit alors


ZZ ZZ
f (x, y)dxdy = F (u, v)|J|dudv où F (u, v) ≡ f (ϕ(u, v), ψ(u, v)) .
D D0
2
Du nom du mathématicien allemand Jacobi
4.2. INTÉGRALES MULTIPLES 47
Il faut noter que dans une intégrale multiple le changement de variable peut avoir
comme objectif soit de changer la forme fonctionnelle de l’intégrande (en passant de
f à F |J|) soit de faciliter la définition du domaine d’intégration D. Les calculs se
généralisent sans difficulté aux intégrales triples (et au delà). Les changements de
coordonnées classiques sont:
• coordonnées polaires:
x = r cos θ cos θ −r sin θ

=⇒ dxdy = drdθ = rdrdθ
y = r sin θ sin θ r cos θ

• coordonnées cylindriques:

x = r cos θ cos θ −r sin θ 0


 y = r sin θ
=⇒ dxdydz = sin θ r cos θ 0 drdθdz = rdrdθdz


z=z 0 0 1

• coordonnées sphériques:
x = r sin φ cos θ


y = r sin φ sin θ
z = r cos φ

sin φ cos θ
r cos φ cos θ −r sin φ sin θ
dxdydz = sin φ sin θ

r cos φ sin θ r sin φ cos θ drdθdφ = r2 sin φdrdθdφ
−r sin φ

cos φ 0

Exemple 2 Il existe un système de coordonnées dites elliptiques (ξ, η, φ), défini par

x = αshξ sin η cos φ, y = αshξ sin η sin φ, z = αchξ cos η

où α est une constante réelle positive et ξ ≥ 0, 0 ≤ η ≤ π, 0 ≤ φ ≤ 2π. Il est facile


de voir que !2 !2 !2
x y z
+ + =1
αshξ αshξ αchξ
ce qui définit un ellipsoı̈de de révolution d’axe Oz, de demi axes b ≡ αchξ sui-
vant Oz et a ≡ αshξ suivant Ox et Oy. Un ellipsoı̈de3 , dans ces coordonnées, est
donc simplement défini par ξ = ξ0 . Le Jacobien de la transformation se calcule
simplement:

cos(φ) ch(ξ) sin(η)
cos(η) cos(φ) sh(ξ) − sin(η) sin(φ) sh(ξ)
J = ch(ξ) sin(η) sin(φ) cos(η) sin(φ) sh(ξ) cos(φ) sin(η) sh(ξ)

−ch(ξ) sin(η)

cos(η) sh(ξ) 0
 
= shξ sin η ch2 ξ − cos2 η

et le volume V de l’ellipsoı̈de est alors donné par


ZZZ Z2π Zπ Zξ0  
V = dxdydz = α 3
dφ dη shξ sin η ch2 ξ − cos2 η dξ
D 0 0 0

3
On peut toujours trouver un couple (α, ξ0 ) pour le décrire, si son demi axe suivant Oz
est plus grand que suivant Ox et Oy. Dans le cas contraire, il suffit d’intervertir les sinus
et cosinus hyperboliques dans la définition des coordonnées.
48 CHAPITRE 4. COMPLÉMENTS MATHÉMATIQUES
L’intégration sur φ est immédiate et donne un facteur 2π. Ensuite on a
Zξ0 " #π !
cos3 η
V = 2πα 3 2
shξch ξ [− cos η]π0 + shξ dξ
3 0
0
 " #ξ0 
ch3 ξ 2
= 2πα3 2 − [chξ]ξ00 
3 0
3
4π 3   4π 3 4π 2
= α ch3 ξ0 − chξ0 = α chξ0 sh2 ξ0 = ab
3 3 3
(On a utilisé ch2 u − sh2 u = 1). On notera que l’on retrouve le volume de la sphère
lorsque a = b.

4.2.3 Exercices.
ZZ
1) Définir les bornes d’intégration pour l’intégrale f (x, y)dxdy, lorsque le do-
D
maine d’intégration D est défini par les courbes:
a) y = 0, y = 1 − x2
b) x2 + y 2 = a2
2) Calculer cette intégrale en passant en coordonnées polaires:

Za aZ2 −x2 q

a2 − x2 − y 2 dxdy (rep. πa3 /6)


0 0

3) Calculer l’aire de la figure limitée par la parabole y 2 = 2x et la droite y = x (rep.


2/3)
4) Calculer l’aire d’une boucle de la courbe ρ = a sin 2θ (rep. πa2 /8)
5) Calculer le volume limité par les cylindres x2 + y 2 = a2 et x2 + z 2 = a2 . (rep.
16a3 /3)
6) Calculer, en coordonnées cartésiennes, le volume de l’ellipsoı̈de de révolution traité
à l’exemple 2. (On simplifiera grandement les calculs en décomposant l’ellipsoı̈de de
révolution en éléments de volume simples)
7) Calculer le volume d’un ellipsoı̈de dans le cas général, lorsqu’il est défini comme
le volume intérieur à la surface définie par
x2 y2 z2
+ + =1
A2 B 2 C 2
Montrer, dans un premier temps, que ce volume se met sous la forme d’une intégrale
triple de la forme donnée au bas de la page 1, et identifier les fonctions ψi (x, y) et
φi (x). Pour intégrer selon y, il est utile de faire le changement de variable
s s
x2 x2
y = B 1 − 2 sin t, dy = B 1 − 2 cos tdt.
A A
Vérifiez votre résultat.
8) Calculer le volume et la surface d’un tore creux homogène d’axe Oz, en fonction
de R et r définis sur la figure (à gauche, vue perspective, à droite coupe dans un
plan contenant Oz). (rep. S = 4π 2 rR, V = 2π 2 Rr2 ; on pourra découper cette figure
en ”cercles élémentaire” pour faire le calcul.)
4.2. INTÉGRALES MULTIPLES 49

R r

Figure 4.3: Tore.

Calculer sa matrice d’inertie en son centre de gravité O. Réponse:


M
(2R2 + 5r2 )

4
0 0
M
[J(O)] = 0 (2R + 5r2 )
2
0
 
 4 
M 2 2
0 0 2
(2R + 3r )

Proposez une vérification de ce résultat, en retrouvant une matrice d’inertie connue.


50 CHAPITRE 4. COMPLÉMENTS MATHÉMATIQUES
Chapitre 5

Géométrie des masses

5.1 Centre d’inertie


5.1.1 Définition
Soit un ensemble de N masses ponctuelles mi , situées aux points Mi fixes dans un
repère R(O, x, y, z). Le centre d’inertie G de ce système (ou Centre de masse, ou
Centre de gravité) est le barycentre des points Mi , affectés des coefficients mi . Ses
coordonnées sont données par l’une ou l’autre des deux formules
N N N
X 1 X X
mi GMi = 0, OG = mi OMi avec M ≡ mi , (5.1)
i=1 M i=1 i=1

où pour aboutir à la deuxième formule on a utilisé GMi = GO + OMi .


Dans le cas d’un solide de masse M , la distribution de masse est continue et
Z
1 Z
GMdm = 0, OG = OMdm. (5.2)
(S) M (S)

Dans le cas le plus général, on introduit la masse volumique ρ ≡ dm/dV , où dV est
l’élément de volume, ce qui donne pour les coordonnées de G

1 Z Z Z
xi (G) = xi ρ(x1 , x2 , x3 )dx1 dx2 dx3 . (5.3)
M (S)

Lorsque le solide est homogène, ρ = M/V où V est le volume total du solide, et
alors
1 Z Z Z
xi (G) = xi dx1 dx2 dx3 . (5.4)
V (S)

Si le solide a une de ses dimensions (l’épaisseur, par convention) nettement plus


petite que les autres, on l’assimile à une distribution surfacique de masse, et on
introduit la masse surfacique σ ≡ dm/dS, où dS est l’élément de surface. Pour un
solide homogène de surface Σ on a σ = M/Σ.
Si le solide a une de ses dimensions (la longueur, par convention) nettement
plus grande que les autres, on l’assimile à une distribution linéique de masse, et on
introduit la masse linéique λ ≡ dm/dl, où dl est l’élément de longueur. Pour un
solide homogène de longueur L on a λ = M/L.

51
52 CHAPITRE 5. GÉOMÉTRIE DES MASSES
5.1.2 Eléments de symétrie
Supposons que le solide possède un plan de symétrie, par exemple xOz. A tout
élément de masse dm situé à la position y0 par rapport à ce plan, correspond alors
un élément identique situé symétriquement en −y0 . Alors
ymZ(x,z)
1 Z Z
y(G) = dx dz yρ(x, y, z) dy = 0.
M | {z }
−ym (x,z)
fonction impaire de y

On a pu identifier une fonction impaire car par symétrie ρ(x, y, z) = ρ(x, −y, z).
On en conclut que le centre d’inertie appartient au plan de symétrie.
Si le solide a deux plans de symétrie sécants, la droite d’intersection est un axe
de symétrie, et G se trouve sur cet axe. Si le solide a un troisième plan de symétrie
sécant avec les deux précédents, les trois plans se coupent au centre d’inertie.
Ainsi, les centres d’inertie d’une sphère, d’un parallélépipède rectangle, d’un
cylindre homogènes se trouvent en leurs centres géométriques respectifs. Le centre
de gravité d’un cône homogène se trouve sur son axe de symétrie.

5.1.3 Décomposition en solides simples


Si un solide peut se décomposer en solides plus simples, de centres d’inertie G1 , G2 , . . .
et de masses m1 , m2 , . . ., on peut revenir à la définition (5.1) et en déduire
(m1 + m2 + . . .)OG = m1 OG1 + m2 OG2 + . . . (5.5)
A titre d’exemple, considérons une sphère S1 homogène de masse volumique ρ1
et de rayon R1 , contenant une inclusion sphérique S2 homogène, non concentrique,
de masse volumique ρ2 et de rayon R2 (voir Fig. 5.1). Soit L la distance des centres
des sphères, prenons le centre de S1 comme origine et la droite construite sur les
deux centres comme axe des x.

!
1
!
2 = !
1 + ! !
2- 1

Figure 5.1: Sphère comportant une inclusion sphérique, en coupe dans le plan di-
amétral commun.

Ce solide peut être considéré comme la superposition d’une sphère homogène de


masse volumique ρ1 , donc de centre d’inertie O, et d’une sphère homogène de masse
volumique ρ2 − ρ1 , dont le centre de gravité est à une distance L de O. La formule
(5.5), dans laquelle les masses des solides élémentaires sont algébriques (seule leur
somme doit donner une masse positive) donne alors
(ρ2 − ρ1 )R23
OG = Lex .
ρ1 (R13 − R23 ) + ρ2 R23
Si l’inclusion est plus massive que S1 (ρ2 > ρ1 ) le centre d’inertie est décalé vers
les x positifs, si elle est moins massive (ρ2 < ρ1 , jusqu’à ρ2 = 0 pour un trou) il est
décalé vers les x négatifs. Si ρ2 = ρ1 il n’y a bien sûr pas de décalage.
5.1. CENTRE D’INERTIE 53
5.1.4 Théorèmes de Guldin
Théorème I : L’aire engendrée par la rotation d’une courbe plane (Γ) autour
d’un axe ne la traversant pas est égale au produit de la longueur de la courbe par
la circonférence décrite par son centre d’inertie. [voir Fig. 5.2 (a)]
Par rotation autour de Ox, l’élément de longueur dl centré sur le point courant
M décrit une surface dS = 2πy(M )dl, soit en intégrant sur la longueur de la courbe
!
Z
1 Z S
S= 2πy(M )dl = 2πL(Γ) y(M )dl =⇒ yG = . (5.6)
(Γ) L(Γ) (Γ) 2πL(Γ)
| {z }
=yG

y (a) y
(!) (b)
dS
M dl M
y(M) (")

O x O x

Figure 5.2: Théorème de Guldin. (a) Courbe plane. (b) Surface plane.

Théorème II : Le volume engendrée par la rotation d’une surface plane (Σ)


autour d’un axe ne la traversant pas est égale au produit de la surface par la cir-
conférence décrite par son centre d’inertie. [voir Fig. 5.2 (b)]
Par rotation autour de Ox, l’élément de surface dS centré sur le point courant
M décrit un volume dV = 2πy(M )dS, soit en intégrant sur la surface
!
Z
1 Z V
V = 2πy(M )dS = 2πS(Σ) y(M )dS =⇒ yG = . (5.7)
(Σ) S(Σ) (Σ) 2πS(Σ)
| {z }
=yG

Exemple 1 : Centre d’inertie d’un demi-cercle ou d’un demi-disque matériel de


rayon a. [Fig. 5.3 (a)]
Ces deux solides sont contenus dans un plan, ce qui est une hypothèse impérative.
Les théorèmes de Guldin ne sont bien sûr applicables que pour des solides homogènes,
puisqu’ils permettent de calculer le centre de gravité au sens géométrique. Nous
supposerons donc ces solides homogènes. Par symétrie, le centre de gravité est sur
l’axe Oy. On ne peut envisager de rotation autour de Oy, puisqu’il traverse la courbe
et la surface, par contre une rotation autour de Ox va nous donner yG .

Le demi-cercle est de longueur πa, le demi-disque de surface πa2 /2. Une rotation
du demi-cercle (resp. du demi-disque) de 2π autour de Ox décrit la surface (resp.
le volume) d’une sphère, soit 4πa2 (resp. (4/3)πa3 ). De (5.6) et (5.7) on déduit
respectivement
4
4πa2 2 3
πa3 4
yG (demi-cercle) = = a, yG (demi-disque) = 2 = a.
2ππa π 2π πa2 3π
54 CHAPITRE 5. GÉOMÉTRIE DES MASSES
(a) y y (b)
C+

x O x
O

Figure 5.3: Application des théorèmes de Guldin. (a) Demi cercle ou disque. (b) Volume
et surface du tore.

Exemple 2 : Volume et surface d’un tore. [Fig. 5.3 (b)]


Dans ce cas, la position du centre d’inertie du disque ou du cercle est évidente!
La rotation de 2π du cercle (resp. du disque) autour d’un des deux axes décrit la
surface (resp. le volume) d’un tore. Soit a le rayon du disque, b la distance entre
son centre et l’axe Oy. Ces deux distances suffisent à caractériser le tore, qui peut
aussi être défini par ses rayons extérieur Re = b + a et intérieurs Ri = b − a. En
utilisant successivement (5.6) et (5.7), on calcule
Store  
b= =⇒ Store = 4π 2 ab = π 2 Re2 − Ri2
2π(2πa)
Vtore π2
b= =⇒ Vtore = 2π 2 a2 b = (Re − Ri )2 (Re + Ri )
2π(πa2 ) 4

5.2 Moments d’inertie


5.2.1 Définition
Le moment d’inertie d’un solide par rapport à un axe ∆, que nous noterons I(∆),
se définit en sommant les contributions de tous les points du solide, ce qui revient à
intégrer sur toutes les masses élémentaires dm.

H (S)

M
(!)

Figure 5.4: Moment d’inertie par rapport à l’axe ∆.

Si H est la projection orthogonale de M sur ∆,


Z
I(∆) = HM 2 dm (5.8)
(S)

On trouve facilement une écriture plus commode. Soit K un point quelconque de


l’axe ∆, et u∆ un vecteur unitaire de l’axe. Alors
Z
I(∆) = (u∆ ∧ KM)2 dm, (5.9)
(S)
5.2. MOMENTS D’INERTIE 55
car
(u∆ ∧ KM)2 = [u∆ ∧ (KH + HM)]2 = HM 2 .
On définit le rayon de gyration r comme le rayon d’un anneau fictif centré sur
∆, de même masse que le solide, et de même moment d’inertie par rapport à ∆,

I(∆) ≡ M (S)r2 (5.10)

Le moment d’inertie d’un solide par rapport à un point O est donné par
Z
I(O) = OM 2 dm (5.11)
(S)

On introduit aussi le moment d’inertie d’un solide par rapport à un plan Π. Si


M P est la distance entre le point M et le plan Π, c’est-à-dire si P est la projection
orthogonale de M sur Π, Z
I(Π) = P M 2 dm (5.12)
(S)

On obtient une formule plus commode en introduisant un point J quelconque du


plan Π, et nΠ la normale au plan. On a
Z
I(Π) = (nΠ · JM)2 dm, (5.13)
(S)

car
(nΠ · JM)2 = [nΠ · (JP + PM)]2 = P M 2 .
Les trois types de moment d’inertie qui viennent d’être définis ont tous comme
dimension physique
masse × (longueur)2 .
On notera que d’après les définitions (5.8), (5.11) et (5.12), les moments d’inertie
sont des grandeurs additives. On peut donc calculer le moment d’inertie d’un solide
en le décomposant par la pensée en plusieurs solides simples, et en sommant les
moments d’inertie ainsi calculés.

Application à un repére lié au solide


Rien n’impose que le référentiel dans lequel on calcule un moment d’inertie soit
fixe par rapport au solide. En pratique, c’est cependant presque toujours le cas.
Le moment d’inertie est alors constant (indépendant du temps) et caractérise la
géométrie des masses du solide.

x
O
y
M
z

Figure 5.5: Repère lié au solide.


56 CHAPITRE 5. GÉOMÉTRIE DES MASSES
Soit un repère lié au solide S(O, x, y, z), comme sur la Fig. 5.5. On calcule sans
difficultés  Z  
2 2


 I(Ox) = y + z dm,
Z (S) 
 

 
I(Oy) = x2 + z 2 dm, (5.14)


 Z(S)  
x2 + y 2 dm,

 I(Oz) =


(S)

ainsi que des relations utiles bien qu’évidentes:



= I(xOz) + I(xOy),
 I(Ox)
1

I(O) = [I(Ox) + I(Oy) + I(Oz)] ,  I(Oy) = I(yOz) + I(xOy), (5.15)
2 
I(Oz) = I(xOz) + I(yOz).

Lorsque le solide est bidimensionnel, c’est-à-dire contenu dans un plan identifié


au plan xOy du repère lié au solide, alors z = 0 dans les intégrales (5.14). On peut
ainsi écrire une relation supplémentaire,

I(Oz) = I(Ox) + I(Oy). (5.16)

5.2.2 Théorème de Huygens


Soit ∆G un axe passant par le centre d’inertie G, parallèle à ∆, K un point quel-
conque de ∆, et d la distance entre les deux axes (Fig. 5.6). Alors
Z Z
I(∆) = (u∆ ∧ KM)2 dm = [u∆ ∧ (KG + GM)]2 dm
(S) (S)
Z Z Z
= (u∆ ∧ KG)2 dm + 2 (u∆ ∧ KG) · u∆ ∧ GMdm + (u∆ ∧ GM)2 dm,
| {z }
=d2 (S) (S) (S)
| {z }
=0

la nullité de l’intégrale venant de la définition même de G, (5.2). Identifiant le


dernier terme, on obtient le théorème de Huygens

I(∆) = M (S)d2 + I(∆G ). (5.17)

(!)

(! )
G
u
G
K
u
d
K'

Figure 5.6: Théorème de Huygens.


5.2. MOMENTS D’INERTIE 57
Ce résultat montre que le moment d’inertie par rapport à un axe est minimum
lorsque cet axe passe par le centre d’inertie.
Il permet aussi de calculer le moment d’inertie par rapport à un axe ∆1 , con-
naissant celui par rapport à un axe ∆2 qui lui est parallèle. En effet
(
I(∆1 ) = M (S)d21 + I(∆G ), 
2 2

=⇒ I(∆ 1 ) = I(∆ 2 ) + M (S) d 1 − d 2 . (5.18)
I(∆2 ) = M (S)d22 + I(∆G ),

Bien remarquer que n’intervient nullement la distance entre les deux axes, mais leurs
distances respectives à l’axe parallèle passant par le centre d’inertie!

5.2.3 Matrice d’inertie


Etant donné un axe (∆) lié au solide, de vecteur unitaire u∆ , le moment d’inertie
du solide (S) par rapport à (∆) est :
Z
I(∆) = (u∆ ∧ OM)2 dm
(S)

où O est un point de (∆). Exprimons analytiquement (u∆ ∧ OM)2 dans le repère
R(O, x, y, z) sachant que les coordonnées de u∆ sont (α, β, γ) et que celles de OM
sont (x, y, z). Le vecteur produit vectoriel peut être écrit
     
α x βz − γy
u∆ ∧ OM =  β  ∧  y  =  γx − αz 
     

γ z αy − βx
  
0 z −y α
= 
 −z 0 x β .
 

y −x 0 γ
On remarquera qu’il apparaı̂t une matrice antisymétrique, comme nous l’avions déjà
démontré en (2.14). La norme au carré de ce vecteur s’exprime comme un produit
de matrices,
(u∆ ∧ OM)2 =† (u∆ ∧ OM)(u∆ ∧ OM)
où un vecteur V est représenté par une matrice colonne 3 × 1 (3 lignes, 1 colonne),
et où † V est sa matrice transposée, donc une matrice ligne 1 × 3. On a alors
 
0 −z y

(u∆ ∧ OM) = ( α β γ ) z

0 −x 

−y x 0

   
0 −z y 0 z −y α
(u∆ ∧ OM)2 = ( α β γ ) z 0 −x   −z 0 x β 
   

−y x 0 y −x 0 γ
 2 2
 
z +y −xy −xz α
2 2
= (α β γ )  −xy

z +x −yz   β 
 

−zx −zy x + y2
2
γ
On en déduit que le moment d’inertie par rapport à l’axe ∆ s’écrit

I(∆) =† u∆ [J(O)]u∆ , (5.19)


58 CHAPITRE 5. GÉOMÉTRIE DES MASSES
où [J(O)] est la matrice d’inertie du solide au point O,
 
Ixx −Ixy −Ixz
[J(O)] =  −Ixy Iyy −Iyz  (5.20)
 

−Ixz −Iyz Izz

et les Iij sont les intégrales :


 Z  Z
2 2


 Ixx = (y + z )dm 

 Ixy = xydm
Z (S) Z(S)

 


 

Iyy = (x2 + z 2 )dm , Ixz = xzdm . (5.21)


 Z (S) 

 Z(S)
(x2 + y 2 )dm
 
 Izz =  Iyz = yzdm

 

(S) (S)

Les intégrales Ixx , Iyy et Izz sont les moments d’inertie par rapport aux axes Ox,
Oy et Oz respectivement. Les intégrales Ixy , Iyz et Ixz sont les produits d’inertie.
Il est possible de retrouver ce résultat de façon plus élégante à l’aide du tenseur
ijk défini au § 2.1.4. En effet
Z
I(∆) = (u∆ ∧ OM)2 dm
(S)
Z
= ijk uj xk ilm ul xm dm
(S)
Z
= jki ilm uj ul xk xm dm
(S)
Z
= uj (δjl xk xk − xj xl ) ul dm = uj [J(O)]jl ul ,
(S)

où on retrouve bien


Z h  i
[J(O)]ij = x2 + y 2 + z 2 δij − xi xj dm.
(S)

5.2.4 Propriétés de la matrice d’inertie


Diagonalisation de la matrice d’inertie
Comme le montre (5.20), la matrice d’inertie est une matrice symétrique réelle :
Elle est donc toujours diagonalisable. Il existe donc une base dans laquelle
 
I1 0 0
[J(O)] =  0 I2 0 . (5.22)
 

0 0 I3

Les axes définissant cette base sont les axes principaux d’inertie (API), et les mo-
ments correspondants les moments principaux d’inertie.
Si l’axe ∆ passe par O, intersection des axes principaux d’inertie, la formule
générale (5.19) se simplifie en

I(∆) = α2 I1 + β 2 I2 + γ 2 I3

où comme précédemment le vecteur unitaire u∆ a comme coordonnées (α, β, γ).


5.2. MOMENTS D’INERTIE 59
Détermination directe d’une matrice d’inertie diagonale
Les éléments de symétrie du solide permettent souvent de deviner sans calculs les
axes principaux d’inertie. Supposons en effet qu’un solide homogène1 ait un plan de
symétrie, que nous choisirons pour plan xOz. L’axe perpendiculaire à ce plan, Oy,
est alors axe principal d’inertie. En effet, les deux produits d’inertie Ixy et Iyz sont
nuls :
Z Z fZ
(x,z) Z Z fZ
(x,z)

Ixy = ρ dz xdx ydy = 0, Iyz = ρ dx zdz ydy = 0.


−f (x,z) −f (x,z)

Il est plus que recommandé d’identifier les axes principaux d’inertie, lorsque c’est
possible, avant tout calcul.

5.2.5 Exemples
Cercle matériel homogène de rayon R
Tout diamètre du cercle est axe principal d’inertie. Prenons comme référentiel celui
d’origine O le centre du cercle, Ox et Oy deux diamètres orthogonaux, Oz perpen-
diculaire au plan du cercle de façon à construire un référentiel orthonormé direct.
Par symétrie, Ixx = Iyy , et grâce à (5.16) Izz = 2Ixx . Le calcul le plus simple est
celui de Izz . En effet, x2 + y 2 = R2 = Cste, et
Z Z
Izz = (x2 + y 2 )dm = R2 dm = M R2 ,

soit  
1/2 0 0
[Icercle (O)] = M R2  0 1/2 0 
 

0 0 1

Disque matériel homogène de rayon R


Ce solide a les mêmes symétries que le précédent, et les API sont les mêmes. Par
ailleurs la relation Izz = 2Ixx = 2Iyy est toujours valable. Le calcul le plus simple
est celui de Izz , et il est naturel d’introduire les coordonnées polaires (r, θ) dans le
plan du disque : Z Z
Izz = (x + y )dm = r2 σrdrdθ
2 2
| {z }
=dm

où on a introduit la densité surfacique de masse σ = M/(πR2 ). En écrivant propre-


ment les bornes d’intégration, qui doivent décrire la surface entièrement, mais une
seule fois,
R 2π
M Z 3 Z M R4 1
Izz = 2
r dr = 2
× × 2π = M R2 ,
πR πR 4 2
0 0
soit  
1/4 0 0
[Idisque (O)] = M R2 
 0 1/4 0 
0 0 1/2
1
Plus généralement on pourrait imaginer une symètrie de la distribution de masse.
60 CHAPITRE 5. GÉOMÉTRIE DES MASSES
Un autre calcul est possible, qui se révèle parfois très astucieux. Ecrivons
ZR Z2π ZR
2
Izz = r σrdθdr = r2 σ2πrdr
| {z }
0 0 0 ≡dM

Que signifie le terme dM que nous avons mis en évidence? Il est homogène à
une masse, et il représente la masse d’une couronne infinitésimale de rayon r, et
d’épaisseur dr (Voir Fig. 5.7).

r+dr
r

Figure 5.7: Disque matériel. En grisé, on a représenté une couronne infinitésimale


comprise entre les rayons r et r + dr.

Comme nous l’avons déjà remarqué, les moments d’inertie sont des grandeurs
additives. Le disque peut être décrit en intégrant de telles couronnes de r = 0 à
r = R. Or ces couronnes ont un moment d’inertie qui est celui d’un cercle :

dIzz = dM r2 = σ2πrdrr2

et le moment d’inertie du disque est obtenu comme l’intégrale de tous ces moments
d’intertie infinitésimaux,
ZR
Z
M R2
2
Izz = dIzz = σ2πrdrr = .
2
0

Sphère matérielle homogène de rayon R


Il est évident que par symétrie la matrice d’inertie d’une sphère en son centre est
diagonale. On peut utiliser la relation (5.15), qui donne dans ce cas Izz = 2I(O)/3.
Le moment d’inertie au centre est facile à calculer en coordonnées sphériques (r, θ, φ).
Z Z
3M
I(O) = (x2 + y 2 + z 2 )dm = r2 ρr2 sin θdrdθdφ où ρ=
4πR3
En écrivant correctement les bornes d’intégration (attention à celle sur θ!), on trouve
R π Z2π
3M Z 4 Z 3M R5 3
I(O) = 3
r dr sin θdθ dφ = 3
[− cos θ]π0 2π = M R2
4πR 4πR 5 5
0 0 0

soit  
1 0 0
2 2
[Isphère (O)] = M R  0 1 0 

5
0 0 1
5.2. MOMENTS D’INERTIE 61
Un autre calcul était possible, en remarquant (voir Fig. 5.8) que la sphère est
constituée de disques élémentaires de rayons

r(z) = R2 − z 2 ,

et d’épaisseur dz, donc de masse

dM = ρπr(z)2 dz,

ce qui donne pour le moment d’inertie par rapport à Oz


ZR 
Z Z
1 2
2 2
Izz = dIzz = dM r(z) = ρπ R2 − z 2 dz = M R2
2 5
−R

z+dz r(z)
z
R
O

Figure 5.8: Sphère matérielle (vue en coupe). On a représenté le disque infinitésimal


de rayon r(z) compris entre les altitudes z et z + dz.
62 CHAPITRE 5. GÉOMÉTRIE DES MASSES
Chapitre 6

Cinétique

6.1 Torseur cinétique


6.1.1 Quantité de mouvement. Résultante cinétique
Nous avons déjà défini la quantité de mouvement d’un système de masses ponctuelles,
au § 2.2.1, eqn. (2.21). Pour une distribution continue de masse, la quantité de mou-
vement du solide (S) par rapport à un référentiel R(O, X, Y, Z) est donnée par
Z
P(S/R) ≡ V(M/R)dm. (6.1)
(S)

Or
d d
V(M/R) = OM = (OG + GM) ,

dt R
dt R
où G est le centre de masse du solide. Alors
!
dOG Z d Z
P(S/R) = dm + GMdm ,
dt R (S)
dt (S)
R
| {z } | {z } | {z }
≡V(G/R) ≡M (S) =0

l’intégrale étant nulle d’après la définition du centre d’inertie (5.2). On en déduit


une expression particulierement simple

P(S/R) = M (S)V(G/R). (6.2)

La quantité de mouvement d’un solide est donc celle de son centre d’inertie, affecté
de toute la masse.

6.1.2 Moment cinétique


Le moment cinétique a été introduit, au § 2.2.1, eqn. (2.22), pour un système de
masses ponctuelles. Pour une distribution continue de masse, le moment cinétique 1
du solide (S) en un point K, par rapport à un référentiel R(O, X, Y, Z) est
Z
~σK (S/R) ≡ KM ∧ V(M/R)dm. (6.3)
(S)

1
De part sa définition, c’est évidemment un vecteur. Pour des raisons d’absence de lettre σ en
gras, nous noterons exceptionnellement le moment cinétique avec une flèche.

63
64 CHAPITRE 6. CINÉTIQUE
Le moment cinétique, considéré comme la valeur au point K d’un champ de
vecteur, est un torseur, appelé torseur cinétique, de résultante générale le vecteur
quantité de mouvement

~σK 0 (S/R) = ~σK (S/R) + P(S/R) ∧ KK0 . (6.4)

6.1.3 Moment cinétique en un point A du solide


Il nous faut maintenant trouver un point en lequel calculer facilement le moment
cinétique. Soit A un point quelconque du solide (S), V(A/R) sa vitesse par rapport
au repère fixe (R), et Ω(S/R) le vecteur rotation instantanée du solide. Alors

Z
~σA (S/R) = AM ∧ V(M/R)dm
(S)
Z
= AM ∧ (V(A/R) + Ω(S/R) ∧ AM)dm
(S)

en utilisant les propriétés du torseur cinématique. Le premier terme se simplifie car

 
Z Z Z
AM ∧ V(A/R)dm = AG ∧ V(A/R) dm + 
  ∧V(A/R),
GMdm
(S) (S) (S)
| {z }
=0 par (5.2)

Supposons maintenant connues les coordonnées de Ω(S/R) et de AM dans un repère


S(A, x, y, z) lié au solide (S), d’origine A. Avec des notations évidentes, on a

     
x Ωx x
AM ∧ (Ω(S/R) ∧ AM) =  y  ∧  Ωy  ∧  y 
     

z Ωz z
   
x zΩy − yΩz
=  y  ∧  xΩz − zΩx 
   

z yΩx − xΩy
 2 2
 
y +z −xy −xz Ωx
 −xy
=  x2 + z 2 −yz    Ωy 
 

−xz −yz x2 + y 2 Ωy

Ces quantités figurent dans l’intégrale, qui porte sur x, y et z. Il apparaı̂t donc la
matrice d’inertie du solide au point A (5.20), et en mettant ensemble les résultats
des trois dernières équations on trouve

~σA (S/R) = AG ∧ M (S)V(A/R) + [J(A)]Ω(S/R). (6.5)


6.1. TORSEUR CINÉTIQUE 65
Il est possible de retrouver ce résultat de façon plus élégante à l’aide du tenseur
ijk défini au § 2.1.4. En effet
 

Z 
 Z
AM ∧ (Ω(S/R) ∧ AM)dm = ijk xj (Ω(S/R) ∧ AM)k dm

 

(S) i (S)
Z
= ijk klm xj Ωl xm dm
(S)
Z
= (δil δjm − δim δjl )xj Ωl xm dm
(S)
 
Z
=  (xm xm δil − xi xl )dm Ωl
 

(S)
= {[J(A]Ω(S/R)}i .

La formule (6.5) se simplifie dans deux cas importants. Le premier consiste à


prendre comme point A le centre d’inertie G. Alors
~σG (S/R) = [J(G]Ω(S/R). (G centre d’inertie) (6.6)
Si les axes sont les axes principaux d’inertie,
~σG (S/R) = I1G Ωx (S/R)i + I2G Ωy (S/R)j + I3G Ωz (S/R)k. (6.7)
Le deuxième cas apparaı̂t lorsque le solide possède un point fixe O. Si l’on fait
A = O dans (6.5), V(O/R) = 0 et

~σO (S/R) = [J(O]Ω(S/R). (O point du solide fixe dans (R)) (6.8)

Remarque (importante!) : Les écritures (6.5), (6.6) et (6.8) n’ont de sens que
si les matrices d’inertie et le vecteur rotation sont exprimés dans la même base de
projection. La matrice d’inertie étant naturellement calculée dans un référentiel lié
au solide, il est en pratique indispensable d’exprimer le vecteur rotation instantanée
Ω(S/R) dans ce référentiel lié au solide.

Rotation autour d’un axe fixe


Considérons le cas particulier important de la rotation du solide autour d’un axe fixe
∆ de vecteur directeur u∆ , de coordonnées (α, β, γ) dans les API du solide. Alors
Ω(S/R) = Ω(S/R)u∆ et, si O ∈ ∆, le moment cinétique du solide par rapport à
l’axe ∆, dont on prendra garde qu’il s’agit d’un scalaire, s’écrit
σ∆ = ([J(O)]Ω(S/R)) · u∆ = Ω(S/R)[J(O)]ij ui∆ uj∆ .
Avec le moment d’inertie du solide par rapport à ∆ (5.19), on peut écrire
   

σ∆ = Ω u∆ [J(O)]u∆ = I∆ (S)Ω = α2 I1 + β 2 I2 + γ 2 I3 Ω, (6.9)
Retenons que le moment cinétique par rapport à un axe est le produit de la norme
du vecteur rotation instantanée par le moment d’inertie du solide par rapport à l’axe
considéré.
66 CHAPITRE 6. CINÉTIQUE
6.1.4 Premier théorème de Koenig
Les théorèmes de Koenig, dont nous verrons deux autres occurences aux paragraphes
§ 6.2.2 et § 6.3.4, consistent à exprimer une quantité en fonction de sa valeur dans
le référentiel barycentrique RB ou R∗ (voir § 3.2.5). Le premier concerne le moment
cinétique.
Utilisons le résultat (3.11) pour calculer le moment cinétique en G.
Z
~σG (S/R) = GM ∧ V(M/R)dm
(S)
 
Z Z
= GM ∧ V(M/R∗ )dm +  GMdm ∧V(G/R),
 

(S) (S)
| {z } | {z }
σG (S/R∗ )
=~ =0 par (5.2)

On en déduit

~σG ≡ ~σG (S/R∗ ) = ~σG (S/R). (6.10)
Le moment cinétique d’un solide en son centre d’inertie, dans le référentiel
barycentrique, appelé moment cinétique intrinsèque (ou interne) est égal à son mo-
ment cinétique en G dans le référentiel fixe (R). La raison physique est claire,
puisque par construction du référentiel barycentrique le vecteur rotation du solide y
est le même que dans le référentiel fixe.
Le premier théorème de Koenig exprime le moment cinétique en un point K
quelconque, en utilisant la relation (6.4) entre les moments calculés aux points K et
G, qui traduit l’existence du torseur cinétique

~σK (S/R) = ~σG + M (S)V(G/R) ∧ GK. (6.11)

Le moment cinétique du solide en un point quelconque K est égal au moment


cinétique du solide en G, augmenté du moment cinétique en K du point fictif G, de
masse celle du solide.

6.2 Energie cinétique


6.2.1 Définition
Pour une distribution continue de masse, on définit l’énergie cinétique Ec par
Z
1 2
Ec (S/R) ≡ V (M/R)dm. (6.12)
(S) 2
C’est bien sûr une quantité scalaire. Nous allons la calculer à partir du champ de
vitesse en un point quelconque. Avec les notations du § 6.1.3,
V(M/R) = V(A/R) + Ω(S/R) ∧ AM,
ce qui permet de transformer (6.12)
1Z
Ec = V(M/R) · [V(A/R) + Ω(S/R) ∧ AM]dm
2 (S)
1 1
= P(S/R) · V(A/R) + Ω(S/R) · ~σA (S/R)
2 2
6.2. ENERGIE CINÉTIQUE 67
Avec l’expression générale du moment cinétique en A, (6.5), on trouve
1
Ec = M [V(A/R) + Ω(S/R) ∧ AG] ·V(A/R) +
2| {z }
=M V(G/R)=P(S/R)
1
+ Ω(S/R) · (M AG ∧ V(A/R) + [J(A)]Ω(S/R)) ,
2
soit en définitive
1 1
Ec (S/R) = M V 2 (A/R) + M [V(A/R), Ω, AG] + Ω · [J(A)]Ω. (6.13)
2 2
Cette formule est compliquée dans le cas général2 , mais se simplifie beaucoup par
un choix judicieux du point A du solide.
Si on place A au centre d’inertie G, on supprime le produit mixte, et on trouve
1 1
Ec (S/R) = M V 2 (G/R) + Ω(S/R) · ~σG (S/R) (6.14)
2 2
1 1 
Ec (S/R) = M V 2 (G/R) + I1 Ω21 + I2 Ω22 + I3 Ω23 , (6.15)
2 2
la dernière expression n’étant valable que dans les API.
Si le solide possède un point fixe O, l’expression de l’énergie cinétique est encore
plus simple. On trouve
1 1
Ec (S/R) = Ω(S/R) · ~σO (S/R) = Ω · [J(O)]Ω (6.16)
2 2
1 0 2 
Ec (S/R) =I1 Ω1 + I20 Ω22 + I30 Ω23 . (6.17)
2
La dernière expression n’est valable que dans les API, et on notera qu’il n’y a aucune
raison pour que la matrice d’inertie ait la même valeur en O et en G.

6.2.2 Deuxième théorème de Koenig


Il s’agit comme au § 6.1.4 d’exprimer l’énergie cinétique dans le référentiel (R) en
fonction de sa valeur dans le référentiel barycentrique (R∗ ).
En utilisant (6.12) et la composition des vitesses particulière au référentiel barycen-
trique, (3.11),
Z
1
Ec (S/R) = (V(M/R∗ ) + V(G/R))2 dm
(S) 2
1 d Z Z
1 2
= 2
M V (G/R) + V(G/R) · GMdm + V (M/R∗ )dm,
2 dt (S) (S) 2
| {z }
=0 par (5.2)

On en déduit le deuxième théorème de Koenig


1
Ec (S/R) = M V 2 (G/R) + Ec∗ où Ec∗ ≡ Ec (S/R∗ ). (6.18)
2
2
Pour simplifier les écritures, je me permet la license Ω(S/R) → Ω.
68 CHAPITRE 6. CINÉTIQUE
6.3 Torseur dynamique
6.3.1 Résultante dynamique
La résultante dynamique est définie par
Z
S(S/R) ≡ a(M/R)dm = M (S)a(G/R). (6.19)
(S)

Elle est la dérivée de la résultante cinétique (6.2).

6.3.2 Moment dynamique


Il est défini par Z
ΓK (S/R) ≡ KM ∧ a(M/R)dm (6.20)
(S)

6.3.3 Torseur dynamique


On a ainsi défini un torseur de résultante la résultante dynamique,

ΓK 0 (S/R) = ΓK (S/R) + S(S/R) ∧ KK0 . (6.21)

6.3.4 Troisième théorème de Koenig


Lorsqu’on exprime le moment dynamique du solide (S) en G dans le référentiel
barycentrique, en utilisant la composition des accélérations (3.12), on obtient

ΓG (S/R) = ΓG (S/R∗ ) = Γ∗G , (6.22)

d’où on déduit le troisième théorème de Koenig,

ΓK (S/R) = Γ∗G + S(S/R) ∧ GK. (6.23)

6.4 Théorème du moment cinétique


Nous allons montrer que moment cinétique et moment dynamique sont reliés.

6.4.1 Théorème du moment cinétique au centre d’inertie G


Dérivons par rapport au temps le moment cinétique en G (6.3),
!
˙~σ G (S/R) = d
Z
GM ∧ V(M/R)dm .
dt (S)
Le volume d’intégration ne dépendant pas du temps, on peut permuter intégration
et dérivation, et écrire
Z
~σ˙ G (S/R) = [V(M/R) − V(G/R)] ∧ V(M/R)dm + ΓG (S/R).
(S)

L’intégrale est nulle. En effet le produit vectoriel d’un vecteur avec lui-même est nul.
Par ailleurs, on peut sortir de l’intégrale le vecteur constant V(G/R), et l’intégrale
6.5. ROTATION D’UN SOLIDE AUTOUR D’UN POINT FIXE 69
restante s’identifie à la résultante cinétique, colinéaire à ce même vecteur d’après
(6.2) : le deuxième produit vectoriel est également nul.
On en déduit le théorème du moment cinétique au centre d’inertie G,

~σ˙ G (S/R) = ΓG (S/R). (6.24)

6.4.2 Théorème du moment cinétique en un point quel-


conque K
Partons de l’expression du moment cinétique en un point quelconque K (6.5).
Lorsqu’on dérive cette équation par rapport au temps, on trouve

dGK
~σ˙ K (S/R) = ~σ˙ G (S/R) + Ṗ(S/R) ∧ GK + P(S/R) ∧
dt R
= ~σ˙ G (S/R) + S(S/R) ∧ GK + P(S/R) ∧ (V(K/R) − V(G/R)) .

En utilisant le fait que la quantité de mouvement est colinéaire à la vitesse du


centre d’inertie, le résultat précédent (6.24) et la propriété fondamentale du torseur
dynamique (6.21), on obtient finalement

~σ˙ K (S/R) = ΓK (S/R) + P(S/R) ∧ V(K/R) (6.25)

6.4.3 Théorème du moment cinétique en un point fixe O


Ce résultat se simplifie lorsque le point de (R) en lequel on fait le calcul est un point
fixe O :
~σ˙ O (S/R) = ΓO (S/R) (O fixe dans (R)) (6.26)

6.5 Rotation d’un solide autour d’un point fixe


Soit O ce point fixe. Nous supposons le solide de révolution autour de l’axe Oz (voir
Fig. 6.1). Cela signifie que les plans xOz et yOz sont des plans de symétrie. Les axes
(Ox, Oy, Oz) sont les API, et la matrice d’inertie est donc diagonale. Par ailleurs,
Ox et Oy sont parfaitement équivalents ; la matrice d’inertie a donc la forme
 
A 0 0
[J(O)] =  0 A 0  ,
 

0 0 C

où A et C sont des constantes homogènes à une masse par une longueur au carré.
Nous allons repérer la position du solide à l’aide des angles d’Euler, vus au para-
graphe § 3.3.4. Nous avions calculé le vecteur rotation

Ω(S/R) = ψ̇K + θ̇u + φ̇k. (6.27)

La cinématique et la géométrie des masses étant définies, cherchons l’énergie ciné-


tique du solide.
70 CHAPITRE 6. CINÉTIQUE
Z
z #

y
x
O " Y
! u
X
Figure 6.1: Solide de révolution tournant autour d’un point fixe.

Le point O est fixe, ce qui permet d’utiliser (6.16). Cependant, comme nous
l’avons signalé plus haut, il est impératif d’exprimer le vecteur rotation dans la
même base que la matrice d’inertie. Celle-ci est calculée dans une base liée au
solide, il faut donc exprimer le vecteur rotation (6.27) dans cette base. On voit sans
difficulté (se reporter aux dessins 3.7, 3.8 et 3.9 du § 3.3.4)

K = sin θw + cos θk


u = cos φi − sin φj
w = sin φi + cos φj
et on en déduit
 
ψ̇ sin θ sin φ + θ̇ cos φ
Ω(S/R) =  ψ̇ sin θ cos φ − θ̇ sin φ  dans S(O, i, j, k)
 

φ̇ + ψ̇ cos θ

ce qui permet de calculer l’énergie cinétique


1
Ec = Ω(S/R) · ~σO (S/R)
2 
A  2  2  C 2
= ψ̇ sin θ sin φ + θ̇ cos φ + ψ̇ sin θ cos φ − θ̇ sin φ + φ̇ + ψ̇ cos θ
2 2
A 2 2  C  2
= ψ̇ sin θ + θ̇2 + φ̇ + ψ̇ cos θ
2 2
Un autre calcul est toutefois possible. Le solide étant de révolution autour
de Oz, sa matrice d’inertie a la même expression dans le référentiel intermédiaire
T2 (O, u, w, k). Mais le vecteur rotation a une forme plus simple dans ce référentiel :
 
θ̇
Ω(S/R) =  ψ̇ sin θ 

 dans T2 (O, u, w, k)
φ̇ + ψ̇ cos θ

L’énergie cinétique étant un scalaire, son expression ne doit pas dépendre de la base
de projection servant aux calculs intermédiaires. On voit que c’est bien le cas, et
qu’on retrouve l’expression précédente, la simplification étant ici automatique.
Chapitre 7

Dynamique des solides et des


systèmes

7.1 Référentiels Galiléens


Les lois de la mécanique, ou lois de Newton, s’énoncent dans une classe particulière
de référentiels appelés référentiels d’inertie ou référentiels Galiléens. Ces référentiels
sont en translation rectiligne uniforme les uns par rapport aux autres.
Il n’existe pas de référentiel absolu, dont on soit sûr qu’il est Galiléen, par rap-
port auquel nous pourrions définir les autres référentiels. Tout référentiel que nous
pouvons définir est accéléré, et des forces d’inertie y sont présentes. Mais en pra-
tique, nous devons nous demander si ces forces sont mesurables. Tout dépend alors
de la durée d’observation, et de la précision des mesures.
Ainsi, une première approximation est un référentiel terrestre, lié à la Terre
(par exemple un coin de la salle de cours, et les trois arrêtes perpendiculaires). Ce
référentiel permettra de mesurer avec une bonne précision la période d’un pendule
(quelques secondes), mais si le pendule peut osciller durant une journée son mou-
vement mettra en évidence la rotation terrestre : c’est l’expérience du pendule de
Foucault.
Une meilleure approximation sera un référentiel géocentrique, centré sur la Terre
avec des axes définis par la direction de trois étoiles ”fixes”. Mais une période
d’observation de l’ordre d’une année mettra en évidence la rotation de la Terre
autour du Soleil.
On choisira alors le référentiel de Copernic, centré sur le Soleil et dont les axes
sont définis par trois étoiles très lointaines, dites ”fixes”. L’Univers est en expansion,
et ces étoiles sont réalité en mouvement1 , selon une loi empirique dite loi de Hubble.
En ∆t, elles s’éloignent proportionnellement à leur distance d à la Terre, de ∆d =
H0 d∆t, où H0 est la constante de Hubble. La déformation relative du référentiel
est ∆d/d = 3 10−18 s−1 ∆t, d’après les estimations actuelles de H0 . En un millénaire
(∆t ≈ 3 1010 s), ∆d/d ≈ 10−7 qui reste négligeable.
On retiendra donc cette définition pratique : Un référentiel Galiléen est en trans-
lation rectiligne uniforme par rapport au référentiel de Copernic.
Dans la plupart des cas, un référentiel terrestre constituera une approximation
suffisante de référentiel Galiléen.
1
Une preuve de ce mouvement est le décalage vers le rouge, par effet Doppler, des raies
d’émission des atomes constituant ces étoiles.

71
72 CHAPITRE 7. DYNAMIQUE DES SOLIDES ET DES SYSTÈMES
7.2 Principe fondamental de la dynamique des
solides et des systèmes
Avant tout, précisons que toute relation démontrée pour un système est valable pour
un solide, mais l’inverse n’est pas vrai car un solide est un système particulier.

7.2.1 Forces intérieures et forces extérieures


On ne peut les identifier qu’une fois que le système étudié est complètement défini.
Ainsi, pour une moto et son conducteur les forces extérieures sont le poids et la
réaction de la route aux deux points de contact avec les roues. Le couple moteur est
un moment intérieur. Si le système est constitué de la roue arrière seule, le couple
moteur devient un moment extérieur.

7.2.2 Principe de l’action et de la réaction


Il s’agit d’un principe expérimental, aussi appelé principe des actions mutuelles.

Deux masses ponctuelles


Soient deux particules ponctuelles 1 et 2 interagissantes. Si f12 est la force exercée
par la particule 1 sur la particule 2, et f21 la force exercée par 2 sur 1, alors
f12 + f21 = 0. (7.1)
La somme des moments en un point quelconque K est elle aussi nulle :
M12 21
K + MK = 0. (7.2)

Système de particules (ou de solides)


Avec N particules, soit fji la force exercée par la particule j sur la particule i, et Mji
K
le moment de cette force en K. La résultante des forces intérieures et le moment
résultant de ces forces forment un torseur, dont les éléments de réduction en K sont
Mint Mji
XX XX
Fint ≡ fji = 0, K ≡ K = 0. (7.3)
i j6=i i j6=i

Nous retiendrons que :


La somme des forces intérieures est nulle, et la somme des moments de toutes
les forces intérieures est également nulle.
Il faut comprendre que ce principe n’est valable qu’en mécanique classique, sans
portée plus générale. Il est aisé d’imaginer des cas où il est violé.
• En premier lieu, les forces dans l’équation (7.1) sont considérées au même
instant t. Cela suppose une propagation instantanée des intéractions, ce qui
est exclu par le principe de relativité d’Einstein.
• Les deux équations (7.1) et (7.2) établissent que les particules exercent l’une
sur l’autre une force centrale, orientée selon le rayon vecteur qui les joint.
Ce n’est nullement vrai si l’on considère certaines intéractions entre parti-
cules quantiques, qui peuvent avoir un spin (ou moment cinétique propre, sans
équivalent classique).
7.3. THÉORÈMES GÉNÉRAUX 73
7.2.3 Principe fondamental de la dynamique
Dans un référentiel Galiléen,
Torseur dynamique = Torseur des forces extérieures (7.4)
ce qui se traduit, d’après la définition du torseur dynamique (6.19) et (6.20), par
S(S/R) = Fext , ΓK (S/R) = Mext
K . (7.5)
Le point K est ici quelconque.

7.3 Théorèmes généraux


7.3.1 Théorème du centre d’inertie
Utilisons l’expression (6.19) de la résultante dynamique. On en déduit que dans un
référentiel Galiléen,
m(S)a(G/R) = Fext (7.6)

7.3.2 Théorème du moment cinétique


En utilisant (6.25), l’équation (7.5) ci-dessus donne le cas le plus général du théorème
du moment cinétique en un point K quelconque
d~σK
= Mext
K + P(S/R) ∧ V(K/R) (7.7)
dt
Cette relation se simplifie fortement lorsqu’on prend comme point K le centre
d’inertie G, ou un point fixe O lorsqu’il en existe un. On déduit alors,
d~σG ou O
= Mext
G ou O (G centre d’inertie, O point fixe) (7.8)
dt
Les équations vectorielles (7.6) et (7.8) sont équivalentes chacune à trois équa-
tions différentielles scalaires. En intégrant (7.6), on obtient V(G/R), puis en in-
tégrant une nouvelle fois, on obtient la trajectoire de G sous forme paramétrique.
On décrit alors le mouvement de translation du repère barycentrique. La résolution
des trois équations (7.8) caractérisera le mouvement du solide dans le référentiel
barycentrique, c’est-à-dire son mouvement de rotation.

7.3.3 Lois de conservation


Un système isolé, par définition, ne subit aucune action extérieure : Fext = 0 et
Mext
G = 0. Par conséquent on déduit de (7.6) et (7.8)

P(S/R) = Cste, ~σG = Cste. (7.9)


Le torseur cinétique d’un système isolé est indépendant du temps.
Contrairement au principe de l’action et de la réaction 7.2.2, ces lois de con-
servation sont, en l’état présent de nos connaissances, toujours valables. C’est la
nécessité de les vérifier qui a conduit, par exemple, à introduire la notion de spin
d’une particule. Le moment cinétique total de la particule étant la somme de son mo-
ment cinétique orbital (comme en mécanique classique) et de son moment cinétique
propre, ou de spin (sans équivalent classique).
74 CHAPITRE 7. DYNAMIQUE DES SOLIDES ET DES SYSTÈMES
7.3.4 Action de la pesanteur
C’est un exemple de force répartie. Sur chaque élément de volume dV , localisé
autour du point M , s’exerce la force élémentaire

df = g(M )ρ(M )dV,

dans le cas le plus général d’un solide inhomogène placé dans un champ de pesanteur
non uniforme. On en déduit pour un point K quelconque
Z Z
FP ≡ g(M )ρ(M )dV, MPK ≡ KM ∧ g(M )ρ(M )dV. (7.10)
(S) (S)

Un cas particulier important est celui où un des corps qui exerce une force gra-
vitationnelle est bien plus lourd et plus grand que les autres. C’est le cas à la surface
de la terre : tous les corps sont attirés par la terre, avec une force de pesanteur qui ne
varie (faiblement) que sur de très grandes distances ( g = 9.832 m/s2 au pôle Nord
et g = 9.781 m/s2 à l’Equateur). Leurs intéractions gravitationnelles mutuelles sont
bien sûr négligeables, et à une excellent approximation on peut les supposer soumis
à une accélération de la pesanteur constante et homogène sur tout leur volume.
Par ailleurs la terre est suffisamment étendue pour que sa surface soit localement
assimilable à un plan, et les vecteurs verticaux g tous parallèles. Les relations (7.10)
deviennent, en utilisant la définition du centre d’inertie (5.2),
Z
FP = g ρ(M )dV = M (S)g, (7.11)
(S)

Z !
MPK = KMρ(M )dV ∧ g = KG ∧ M (S)g. (7.12)
(S)

Cette dernière équation établit que le centre d’inertie G est le point d’application
de la résultante des forces de pesanteur sur le solide. Ceci justifie a posteriori
l’appellation centre de gravité pour G.

7.4 Actions de contact


Soit I le point de contact entre les deux solides (S1 ) et (S2 ). Si ceux-ci sont de forme
assez régulière, il existe un plan osculateur Π tangent en I à chacun des solides.

(S1)

R21 RN

I
RT

(S2) R12

Figure 7.1: Actions de contact entre deux solides.


7.4. ACTIONS DE CONTACT 75
Supposer le contact ponctuel a une conséquence dynamique : le moment en I des
forces de contact est nul (voir la remarque 3). La résultante des forces de contact
exercées par (S2 ) sur (S1 ) est la réaction de (S2 ) sur (S1 ), notée R21 . Par le principe
de l’action et de la réaction, elle est opposée à la réaction de (S1 ) sur (S2 ),
R21 = −R12 .
On définit la réaction normale RN ⊥ Π, et la réaction tangentielle RT ∈ Π,
R21 = RN + RT .
Deux cas sont à considérer, selon qu’il y a ou non glissement d’un solide par rapport
à l’autre au point de contact.
(1) Cas du glissement
Dans ce cas, la vitesse de glissement est non nulle, Vg (S1 /S2 ) 6= O. Cette vitesse de
glissement est nécessairement dans le plan Π, puisque les solides ne s’interpénètrent
pas (et ne se séparent pas non plus, sinon plus de contact entre eux!).
La réaction tangentielle est alors complètement déterminée par les lois expéri-
mentales de Coulomb, qui stipulent que :
• RT a même support que la vitesse de glissement,
• Elle est orientée en sens inverse de la vitesse de glissement,
• sa norme est donnée par la relation
||RT || = µ||RN || (7.13)
où µ est une constante appelée coefficient de frottement,
• µ est indépendant de Vg .
(2) Cas du non glissement
Dans ce cas, , la vitesse de glissement est nulle, Vg (S1 /S2 ) = O. La réaction
tangentielle n’est pas spécifiée, mais sa norme doit vérifier une inégalité,
||RT || < µ||RN || (7.14)
Notons qu’on a le même nombre d’équations dans les deux cas. En effet, s’il n’y
a pas de glissement on perd l’équation (7.13), mais on a une équation cinématique
supplémentaire qui exprime précisément la condition de non glissement.
Par ailleurs, il n’est pas toujours possible de prévoir a priori si un mouvement
s’effectue avec ou sans glissement. On peut ainsi être amené à prendre comme
hypothèse un roulement sans glissement. On en déduit RT , puis on vérifie l’inégalité
(7.14). Une violation de cette inégalité signifie que l’hypothèse de non glissement
n’est pas acceptable, soit dès le départ soit dans une seconde phase du mouvement.
Il faut alors reprendre les calculs sous l’hypothèse de mouvement avec glissement.

Remarque 1 : Il faut bien se garder de conclure de (7.14) que, en l’absence de


glissement, la réaction tangentielle est nulle! Pour vous en convaincre, pensez à une
voiture sur une route verglacée : le coefficient de frottement devient nul, la réaction
tangentielle est nulle, les roues glissent sur le sol et la voiture ne peut plus démarrer!
Pour que la voiture avance, il faut être dans la situation optimale de roulement sans
glissement, avec un coefficient de frottement entre pneus et route non nul, et une
réaction tangentielle non nulle aux points de contact.
76 CHAPITRE 7. DYNAMIQUE DES SOLIDES ET DES SYSTÈMES
Remarque 2 : Il est tentant d’appliquer le théorème du moment cinétique au point
de contact I. En effet, I est le point d’application de la réaction, dont le moment est
de ce fait nul. Mais il ne faut surtout pas confondre I avec un des points matériels
IS1 ou IS2 attaché à chacun des solides! En particulier, I peut voir une vitesse
non nulle même si un des solides est immobile, et en condition de roulement sans
glissement! Il ne faut donc pas se tromper, en appliquant incorrectement (7.8) à la
place de (7.7)!

Remarque 3 : Expérimentalement, il faudrait considérer deux coefficients de frot-


tements différents. Le coefficient figurant dans (7.14) est le coefficient de frottement
statique µs . Celui figurant dans (7.13) est le coefficient de frottement dynamique µd .
On mesure toujours µd < µs .

Remarque 4 : Le contact n’est jamais strictement ponctuel (ou selon une droite),
mais s’effectue plutôt sur une surface2 . On est ainsi amené à introduire des moments
de résistance au pivotement et au roulement, de même support que les vitesses
angulaires correspondantes, opposés à elles, et de normes

||Mroulement || = ηR ||RN ||, ||Mpivotement || = ηP ||RN ||.

7.5 Théorème de l’énergie cinétique


7.5.1 Particule ponctuelle
Soit f la force appliquée à une particule de masse m, et dl son déplacement durant
l’intervalle de temps dt. Le travail élémentaire3 effectué par la force est

δW = f · dl = f · vdt

On définit la puissance instantanée P par

δW
P≡ = f · v. (7.15)
dt
En utilisant le principe fondamental de la dynamique pour une particule, on a

d(mv) 1
 
δW = · vdt = d mv 2
dt 2
En intégrant cette relation entre deux points A et B, on obtient
B
1 2 1 2 Z
Ec (B) − Ec (A) ≡ mvB − mvA = WAB = f · dl (7.16)
2 2
A

2
Cela vient de ce que les solides sont élastiques, et non parfaitement rigides, et se déforment
donc sous l’effet des forces de contact normales.
3
La notation δW , plutôt que dW , indique que le travail infinitésimal n’est a priori pas
la différentielle totale exacte d’une fonction.
7.5. THÉORÈME DE L’ÉNERGIE CINÉTIQUE 77
7.5.2 Système de particules
Sur chaque particule s’exerce une force fi = fiext + fiint , qui effectue durant l’intervalle
de temps dt un travail élémentaire
1 2
 
δWi = fi · vi dt = fiext · vi dt + fiint · vi dt = δWiext + δWiint = d mvi = dEci
2
En sommant sur toutes les particules, et en intégrant entre deux instants t1 et t2 ,
Zt2 X Zt2 X
Ec (t2 ) − Ec (t1 ) = fiint · vi dt + fiext · vi dt = Wint + Wext (7.17)
t1 i t1 i

La variation d’énergie cinétique entre les instants t1 et t2 d’un système matériel


quelconque est la somme des travaux des forces intérieures et des travaux des forces
extérieures effectués entre ces deux instants.

7.5.3 Cas du solide


Le solide étant rigide, les distances Mi Mj entre deux points quelconques du solide
sont invariantes, et les forces intérieures ne travaillent pas. Cherchons l’expression
de la puissance des forces.

df

dm
M
O
Y

Figure 7.2: Position d’un solide.


Chaque élément de masse dm est soumis à une force df . Soit dP la puissance
infinitésimale de cette force. Alors
dP = df · V(M/R) = df · [V(G/R) + Ω(S/R) ∧ GM] ,
où on a utilisé le fait que le champ de vitesse du solide est un torseur, et introduit le
centre d’inertie G. Intégrons sur tout le volume du solide, et sortons des intégrales
les vecteurs constants (indépendants des coordonnées de M )
Z Z
P = df · V(G/R) + [df , Ω(S/R), GM]
(S) (S)
Z ! Z !
= a(M/R)dm · V(G/R) + Ω(S/R) · a(M/R) ∧ GMdm
(S) (S)

= S · V(G/R) + ΓG · Ω(S/R),
78 CHAPITRE 7. DYNAMIQUE DES SOLIDES ET DES SYSTÈMES
en introduisant le torseur dynamique (6.19) et (6.20). Puisque le torseur dynamique
est égal au torseur des forces extérieures, on trouve en définitive
dEc
P= = Fext · V(G/R) + Mext
G · Ω(S/R). (7.18)
dt
La dérivée par rapport au temps de l’énergie cinétique d’un solide est donc égale
au produit scalaire du torseur cinématique et du torseur des forces extérieures. Nous
avions montré (§ 2.2.5, équation (2.31)) qu’il s’agit d’un invariant, indépendant du
point où il est calculé (à condition que les éléments de réduction des deux torseurs
soient exprimés au même point). On peut donc écrire, en appelant A un point
quelconque du solide,
dEc
P= = Fext · V(A/R) + Mext
A · Ω(S/R). (7.19)
dt
Il n’est par ailleurs pas nécessaire, lorsque plusieurs forces agissent sur un solide,
de calculer les éléments de réduction du torseur résultant. La puissance instantanée
des forces est égale à la somme des puissances de chacune des forces, que l’on peut
calculer séparément en des points différents, par exemple les points d’applications
de chacune des forces : le calcul est plus simple puisque les moments sont nuls.
Pour un couple de forces, qui est aussi un couple au sens des torseurs (c’est-à-dire
un torseur ayant même valeur en tout point) seul intervient par contre le deuxième
terme, MextA · Ω(S/R).

7.5.4 Système de solides


Attention! Les formules (7.18) et (7.19) ne sont pas valables pour un système de
solides. Le calcul de la puissance doit être effectué en sommant sur tous les solides
i. On applique alors le principe des actions mutuelles pour simplifier l’expression.
d X X
Ti = Pi .
dt i i

Solides en contact
Regardons le cas particulier de deux solides en contact. Soit I le point de contact,
S1 et S2 les solides. On note R21 l’action de contact du solide S2 sur le solide S1 .
La puissance exercée par l’action de contact sur le solide S1 est
δW (S1 )
= R21 · V(I1 /R),
dt
où I1 est le point du solide S1 , coincidant à l’instant considéré avec le point de
contact I. Pour avoir la puissance des actions de contact sur le système des deux
solides, il suffit d’ajouter le terme équivalent pour S2 ,
δW (S1 + S2 )
= R21 · V(I1 /R) + R12 · V(I2 /R).
dt
Le principe des actions mutuelles donne alors
δW (S1 + S2 )
= R21 · [V(I1 /R) − V(I2 /R)] = R21 · Vg (S1 /S2 ) (7.20)
dt
7.5. THÉORÈME DE L’ÉNERGIE CINÉTIQUE 79
qui met en évidence la vitesse de glissement entre les deux solides (3.18).
Lorsqu’elle est non nulle, la vitesse de glissement est dans le sens opposé à la
composante tangentielle de R21 , qui seule contribue au produit scalaire. On en
déduit que le travail total des actions de contact entre deux solides est négatif ou
nul : il s’agit d’un travail résistant.
Ce travail est nul dans deux cas. Le premier est celui du glissement sans frotte-
ment, où R21 = 0.
Le deuxième cas, bien plus réaliste et important en Mécanique du solide, est celui
du roulement sans glissement. Dans ces conditions, Vg (S1 /S2 ) = 0. En l’absence de
glissement, les forces de contact ne travaillent pas car leur point d’application a une
vitesse nulle 4 . C’est l’explication physique de l’importance historique de l’invention
de la roue : on remplace un mouvement de glissement, qui nécessite une puissance
considérable, par un mouvement de roulement sans glissement qui n’en nécessite
(presque) pas.
Justifions ce ”presque”, même si les frottements de roulement et de pivotement
sont hors programme des concours. Nous les avons introduit à la remarque 3
du § 3.4.1. Ils doivent être pris en compte lorsque le contact entre les deux
solides ne peut plus être considéré comme ponctuel. Les équations précédentes
se généralisent facilement. Pour le solide S1 ,

δW (S1 )
= R21 · V(I1 /R) + M21
I · Ω(S1 /R),
dt
soit pour le système

δW (S1 + S2 )
= R21 ·V(I1 /R)+R12 ·V(I2 /R)+M21 12
I ·Ω(S1 /R)+MI ·Ω(S2 /R).
dt
Le principe des actions mutuelles pour les moments donne

δW (S1 + S2 )
= R21 · [V(I1 /R) − V(I2 /R)] + M21
I · [Ω(S1 /R) − Ω(S2 /R)] ,
dt
qui met en évidence la vitesse angulaire relative entre les deux solides,
Ω(S1 /S2 ) ≡ Ω(S1 /R) − Ω(S2 /R). L’équation (7.20) est donc remplacée par

δW (S1 + S2 )
= R21 · Vg (S1 /S2 ) + M21
I · Ω(S1 /S2 ).
dt
Ce dernier terme, dans le cas d’une roue roulant sans glissement sur une route,
ne peut être nul s’il y a du frottement de roulement. Il est néanmoins très
inférieur à la puissance nécessaire pour faire glisser la même charge.

7.5.5 Energie potentielle. Intégrale première du mouve-


ment
Le travail d’une force F = −∇U dérivant d’un potentiel U est

δW = F · dl = −∇U · dl = −dU.
4
Je réinsiste, après la remarque 1 du § 7.4, sur le fait que la raison n’est pas l’annulation
de la force de frottement. Sauf cas très particulier, la force de frottement n’est pas nulle,
sans quoi le roulement sans glissement serait impossible.
80 CHAPITRE 7. DYNAMIQUE DES SOLIDES ET DES SYSTÈMES
Soit alors un système soumis à plusieurs forces. Appelons Fpot une force dérivant
d’un potentiel U (par exemple le poids), et F0 l’ensemble des autres forces. Alors
δWpot = Fpot · dl = −dU

=⇒ δW 0 ≡ F0 · dl = dEc + dU.
δW = Fpot · dl + F0 · dl = dEc
En intégrant cette expression entre deux instants t1 et t2 , on obtient
Zt2
F0 · dl = W 0 (t1 → t2 ) = Ec2 − Ec1 + U2 − U1 ≡ Em
2 1
− Em , (7.21)
t1

où on a défini l’énergie mécanique du système, Em = Ec + U . Cette énergie mé-


canique Em est conservée si :
• Le système est isolé (les forces extérieures ne travaillent pas)

• Le système est conservatif (les forces de liaison ne travaillent pas)


Les équations de la dynamique tirées des théorèmes généraux, (7.6) et (7.8),
font intervenir les dérivées secondes des positions ou des angles. Une équation telle
que Em = Cste ne fait intervenir que les dérivées premières (vitesses ou vitesses
angulaires). On dit qu’on a obtenu une intégrale première du mouvement.

7.6 Conditions d’équilibre d’un solide


Un solide est en équilibre par rapport à un référentiel si tous ses points ont une
vitesse nulle à tout instant.
Il faut donc qu’à un instant t donné le torseur cinématique soit le torseur nul :

V(A/R) = 0, Ω(S/R) = 0,

où A est un point quelconque. Le torseur cinétique est alors nul à l’instant t.
L’équilibre ne peut subsister que si la dérivée par rapport au temps du torseur
cinétique est elle aussi nulle, ce qui impose la nullité du torseur dynamique. Un
solide est donc en équilibre si les quatre relations suivantes sont vérifiées :

V(A/R) = 0 Ω(S/R) = 0
 
, . (7.22)
Fext = 0 Mext
A = 0

7.7 Référentiels non Galiléens


Les lois de Newton (7.4) ne sont valables que dans un référentiel Galiléen.
Soient donc R(O, X, Y, Z) un référentiel Galiléen, T (C, x, y, z) un référentiel en
mouvement quelconque par rapport à (R), et M un point mobile dans les deux
référentiels. Nous avons montré au paragraphe 3.2.4 que

≡ a(M/T )
 ar

a(M/R) = ar + ae + ac où  ae ≡ a(C/R) + Ω̇ ∧ CM + Ω ∧ (Ω ∧ CM) (7.23)

ac ≡ 2Ω(T /R) ∧ V(M/T )

sont respectivement les accélérations relatives, d’entrainement et de Coriolis.


7.8. LIAISONS ENTRE SOLIDES 81
On vérifie que si (T ) est en translation rectiligne uniforme par rapport à (R),
soit Ω(T /R) = 0 et a(C/R) = 0, alors a(M/R) = a(M/T ) comme il se doit puisque
(T ) est Galiléen dans ce cas.
Replaçons nous dans le cas général, et supposons qu’on a un système Σ de points
Mi associés à des masses mi . De (7.23) on déduit

mi aei − mi aci ,
X X X X
mi a(Mi /T ) = mi a(Mi /R) −
i i i i

soit encore
i
X
Sr (Σ/T ) = S(Σ/R) + Fe + Fc où Fe,c ≡ − mi ae,c , (7.24)
i

en introduisant les forces d’entrainement et de Coriolis. De la même façon nous


pouvons écrire les moments dynamiques associés aux diverses composantes de (7.23),

ΓrK (Σ/T ) = ΓK (Σ/R) + MeK + McK . (7.25)

Dans le référentiel mobile, le théorème du centre d’inertie s’écrira donc



dPr (Σ/T )
Sr (Σ/T ) = = Fext + Fe + Fc . (7.26)
dt
(T )

Dans la démonstration du théorème du moment cinétique, vue au § 6.4, nous


n’avions fait aucune hypothèse sur le caractère Galiléen ou non du référentiel. Par
conséquent, si tous les moments sont calculés en un point K fixe dans (T ), le
théorème du moment cinétique dans le référentiel mobile est

r
d~σK (Σ/T )
ΓrK (Σ/T ) = = Mext e c
K + MK + MK . (7.27)
dt
(T )

Dans le cas particulier du référentiel barycentrique, il n’y a pas de force de


Coriolis puisque la vitesse de rotation Ω(R∗ /R) = 0, et le moment en G de la force
d’entrainement est nul. Le théorème du moment cinétique s’écrit alors

(Σ/R∗ )

d~σG
= Mext
G . (7.28)
dt ∗
(R )

7.8 Liaisons entre solides


Un solide possède, a priori, six degrés de liberté. Les liaisons qui peuvent exister
avec d’autres solides ont pour effet de restreindre les mouvements possibles, et donc
de diminuer les degrés de liberté.
En mécanique, définir une liaison revient à fixer les mouvements permis du solide.
Il n’est en général pas nécessaire de considérer la réalisation pratique de la liaison.
Dans le cas le plus simple, la liaison est considérée sans jeu, et sans frottement.
Voyons quelques exemple.
• Liaison ponctuelle
Elle est réalisée lorsqu’on pose une bille sphérique sur un plan, ou entre deux
cylindres croisés en contact par leurs génératrices. Il subsiste cinq degrés de liberté.
82 CHAPITRE 7. DYNAMIQUE DES SOLIDES ET DES SYSTÈMES
• Liaison rotule
Elle est réalisée lorsque trois points d’une même sphère (non alignés sur un méri-
dien) restent en contact. Il reste trois degrés de liberté, de sorte que toutes les
rotations autour d’un point fixe sont autorisées (formellement; en pratique, leur
amplitude est très rarement complète). Un exemple simple est l’attelage d’une
caravane, qui doit permettre les mouvements de roulis (rotation autour de l’axe
caravane/voiture), de tangage (rotation autour d’un axe parallèle à la route, per-
pendiculaire à l’axe caravane/voiture) et enfin de lacet (rotation d’axe orthogonal à
la route). La figure 7.3 donne une illustration d’une réalisation pratique.

Figure 7.3: Réalisations d’une liaison rotule.

• Liaison glissière
Cette liaison est telle que les deux solides ont en commun deux droites parallèles.
Le seul mouvement possible est alors la translation selon cette direction commune.
On peut penser au tiroir d’un meuble, où à un train sur ses rails.

Figure 7.4: Réalisations d’une liaison glissière.

• Liaison pivot ou rotoı̈de


Cette liaison permet seulement la rotation du solide autour d’un axe fixe. Le
solide mobile est appelé rotor, les pièces fixes qui supportent l’axe de rotation et
définissent la liaison sont appelées stator.

Ces liaison admettent des représentations normalisées (qui ne sont rien de plus
que des symboles permettant de les identifier sur un schéma technique) qui sont
données ci-dessous.
7.9. ROTATION AUTOUR D’UN AXE FIXE 83

Liaison ponctuelle Liaison rotule

Liaison glissière Liaison pivot

Figure 7.5: Représentations normalisées de quelques liaisons.

7.9 Rotation autour d’un axe fixe


7.9.1 Liaison pivot ou rotoı̈de
Dans cette section, nous nous intéressons à un solide (S) de forme quelconque tour-
nant autour d’un axe fixe ∆ que nous identifierons avec l’axe OZ du référentiel du
laboratoire R(O, X, Y, Z), supposé Galiléen, et avec l’axe Oz d’un référentiel lié au
solide.

Z,z

Figure 7.6: Solide en rotation autour d’un axe fixe. En grisé, le stator, en blanc le
rotor.

Le rotor a un seul degré de liberté angulaire, ce qui définit une liaison rotoı̈de.
Cette liaison est dite parfaite si la puissance des forces de contact est nulle. Soient
O un point de ∆, R et JO respectivement la résultante et le moment en O des forces
de contact. Le théorème de l’énergie cinétique (7.18) nous dit que
dEc
= R · V(O/R) + Ω(S/R) · JO = Ω(S/R) · JO
dt
puisque O est un point fixe. La condition pour une liaison parfaite est donc
Ω(S/R) · JO = 0 =⇒ JOz = 0. (7.29)
Comme réalisations technologiques pratiques, citons les liaisons à pointeaux
(montres à rubis), les roulements à billes (roues de vélo, de voitures) et les liaisons
par coussin d’air (turbines).
84 CHAPITRE 7. DYNAMIQUE DES SOLIDES ET DES SYSTÈMES
7.9.2 Equations du mouvement
Finissons de définir le référentiel lié au solide en appelant Ox la droite du plan
XOY qui passe par la projection orthogonale H de G sur ce plan. Oy est tel que
S(O, x, y, z) soit orthonormé direct. Le solide étant supposé quelconque, ces axes
n’ont aucune raison a priori d’être des axes principaux d’inertie. Soit θ l’angle XOx,
[
et a la distance (constante) entre G et OZ = Oz.

Théorème de l’énergie cinétique


Soient F la résultante, et MO le moment en O des forces autres que les actions de
contact. Le pont O étant fixe, le théorème de l’énergie cinétique donne
dEc
= Ω(S/R) · (JO + MO ) = (JOz + MOz ) θ̇,
dt
et par ailleurs
1 1
Ec = Ω(S/R) · [J(O)]Ω(S/R) = Izz θ̇2 .
2 2
On en déduit une première équation,
Izz θ̈ = JOz + MOz (7.30)

Théorème du centre d’inertie


D’après la définition de l’axe Ox,
OG = OH + ai, V(G/R) = aθ̇j, a(G/R) = aθ̈j − aθ̇2 i,
d’où on déduit par le principe fondamental de la dynamique
Fx + Rx = −maθ̇2 (7.31)
Fy + Ry = maθ̈ (7.32)
Fz + Rz = 0 (7.33)

Théorème du moment cinétique


Le moment cinétique au point fixo O est
    
Ixx −Ixy −Ixz 0 −Ixz θ̇
~σO = [J(O)]Ω(S/R) =  −Ixy Iyy −Iyz   0  =  −Iyz θ̇ 
    

−Ixz −Iyz Izz θ̇ Izz θ̇


soit
~σO = θ̇ (−Ixz i − Iyz j + Izz k)
d~σO
= θ̈ (−Ixz i − Iyz j + Izz k) + θ̇2 (−Ixz j + Iyz i) ,
dt
ce qui complète les équations du mouvement
JOx + MOx = −Ixz θ̈ + Iyz θ̇2 (7.34)
JOy + MOy = −Iyz θ̈ − Ixz θ̇2 (7.35)
JOz + MOz = Izz θ̈ (7.36)
Les équations (7.36) et (7.30) étant identiques, on dispose de six équations pour
sept inconnues (R, JO et θ(t)). Il faut donc faire appel à la nature de la liaison, que
nous supposerons parfaite (JOz = 0) ce qui réduit les inconnues à six.
7.10. POULIES ET FILS 85
7.10 Poulies et fils
Nous allons voir un exemple de systèmes comportant une poulie et des masses,
reliées par un fil passant sur la poulie. Ce système est appelé machine d’Atwood, et
schématisé ainsi :

I1 (m) ! I2
y
O
T '1 x
T '2

T2

T1

z2
z1
M1 g M2 g
z

Figure 7.7: Schéma de la machine d’Atwood.

Dans sa version la plus simple, on fait les hypothèses suivantes :

• (H1) : la liaison rotoı̈de entre la poulie et son axe est parfaite,

• (H2) : le fil est inextensible,

• (H3) : le fil est sans masse,

• (H4) : le fil ne glisse pas sur la poulie.

L’axe de rotation de la poulie sera supposé être un axe de symétrie de révolution.


Nous noterons J le moment d’inertie de la poulie par rapport à son axe, et a le rayon
de la gorge dans laquelle passe le fil. La figure décrit les autres paramètres, ainsi
que le référentiel R(O, X, Y, Z) considéré comme Galiléen.
Commençons par décrire la cinématique de ce système comportant trois solides,
les masses M1 et M2 ainsi que la poulie (le fil étant sans masse ne compte pas).
La première équation exprime l’inextensibilité du fil (hypothèse H2 ),

z1 + z2 + πa = Cste. =⇒ ż2 = −ż1 ≡ ż. (7.37)

La condition de non-glissement du fil sur la poulie (hypothèse H4 ) doit être écrite


en chacun des deux points de contact I1 et I2 ,

V(Ipoulie /R) = V(Ifil /R),

soit
θ̇eX ∧ (±aeY ) = ∓żeZ .
86 CHAPITRE 7. DYNAMIQUE DES SOLIDES ET DES SYSTÈMES
Ces deux équations sont bien compatibles, et se traduisent par l’unique condition

aθ̇ = −ż. (7.38)

La première méthode de résolution utilise les théorèmes généraux. Le principe


fondamental de la dynamique, appliqué à chacune des masses, donne après projection
selon OZ,

m1 z̈1 = m1 g − T1 , (7.39)
m2 z̈2 = m2 g − T2 . (7.40)

Il prend cette forme simple car nous négligeons ici la masse des fils (hypothèse H3 ).
Le principe de l’action et de la réaction donne deux relations entre les tensions
des fils,

T1 = −T01 , (7.41)
T2 = −T02 . (7.42)

En effet, T1 est la force exercée par le fil sur la masse m1 , et T01 la force exercée par
m1 sur le fil, et de même pour la partie du fil accrochée à l’autre masse.
Enfin, on peut écrire le théorème du moment cinétique pour la poulie, au point
O fixe situé sur l’axe de rotation. Le moment cinétique est J θ̇ex , d’où

J θ̈ex = OI1 ∧ T01 + OI2 ∧ T02 = aey ∧ T1 ez + (−aey ) ∧ T2 ez , (7.43)

soit enfin
J θ̈ = a(T1 − T2 ). (7.44)
Aucune autre force n’était à prendre en compte, le poids de la poulie ayant par
symétrie son point d’application sur l’axe, et la liaison étant parfaite (hypothèse
H1 ).
En éliminant de ces équations les tensions des fils, on trouve l’accélération com-
mune à chacune des masses,
m2 − m1
z̈ = g. (7.45)
m2 + m1 + aJ2

On vérifie que c’est bien la masse la plus lourde qui descend!


Cette méthode a l’avantage de faire apparaı̂tre explicitement chaque occurence
d’une des hypothèses. On peut obtenir le résultat (7.45) plus rapidement en notant
que le système est conservatif. En effet,

• La liaison rotoı̈de entre la poulie est son axe est parfaite, donc par définition
le travail des actions de contact est nul (H1 ).

• Le fil ne glisse pas sur la poulie, donc la vitesse de glissement est nulle en I1
et I2 , et les tensions T0 ne travaillent pas (H4 ).

• Enfin, le fil est inextensible donc il n’y a pas de vitesse relative entre le fil et
la masse à laquelle il est accroché. Les tensions T ne travaillent pas (H2 ).
7.10. POULIES ET FILS 87
On prendra bien garde qu’il faut raisonner sur les travaux et non sur les forces, la
somme des travaux des forces intérieures n’étant pas nécessairement nulle.
Le fil étant sans masse, l’énergie cinétique totale du système est
1 1 1
Ec = m1 ż12 + m2 ż22 + J θ̇2 . (7.46)
2 2 2
L’énergie potentielle est quant à elle

Ep = −m1 gz1 − −m2 gz2 . (7.47)

Il suffit d’annuler la dérivée temporelle de l’énergie mécanique, en utilisant les rela-


tions cinématiques (7.37) et (7.38) pour retrouver (7.45).
88 CHAPITRE 7. DYNAMIQUE DES SOLIDES ET DES SYSTÈMES
Chapitre 8

Introduction à la mécanique des


fluides

8.1 Description continue


On définit une particule de fluide comme un volume V de fluide tel que sa taille
a ∼ V 1/3 soit :
– très petite devant les échelles de longueur caractéristiques L de l’écoulement (rayon
d’une conduite, taille d’un obstacle, largeur et profondeur d’un canal, . . .)
– très grande devant le libre parcours moyen l des molécules, c’est-à-dire la distance
typique que peut parcourir une molécule sans interragir avec les autres.
Lorsque a  l, la particule fluide contient un très grand nombre de molécules,
et il est légitime de définir des quantités moyennées sur toutes ces molécules. Ainsi,
on définit la vitesse d’une particule de fluide, comme la moyenne des vitesses de
chacune des molécules à l’intérieur de cette particule de fluide. De même, on peut
définir des grandeurs thermodynamiques à l’échelle de la particule fluide, telles que
pression p, densité ρ et température T .
En général (sauf pour des fluides extrèmement dilués) L  a  l, et il est
possible de décrire le fluide comme un milieu continu. La particule de fluide se voit
attribuer des propriétés moyennées sur un grand nombre de molécules, qui peuvent
néanmoins être considérées comme locales et indépendantes de la taille a. L’ensemble
des vitesses V des particules de fluide de positions r à l’instant t définit un champ
de vecteur V(r, t). De même, les variables thermodynamiques locales sont décrites
par trois champs scalaires p(r, t), ρ(r, t), et T (r, t).

8.2 Statique des fluides


Dans cette section, nous nous intéressons à des problèmes indépendants du temps,
dans lesquels le fluide est au repos par rapport au récipient qui le contient.

8.2.1 Pression
Soit un volume V de fluide, délimité par une surface fermée ∂V (voir fig. 8.1).
L’action exercée sur ce volume de contrôle par le fluide environnant est une action
en surface, car les forces entre molécules sont à courte portée.

89
90 CHAPITRE 8. INTRODUCTION À LA MÉCANIQUE DES FLUIDES
(∂V)
(V)
n dS

Figure 8.1: Volume de contrôle pour un fluide à l’équilibre.

Le volume V subit donc de la part du milieu extérieur une action qui se met sous
la forme I
ΣdS
∂V
Lorsque la contrainte 1 Σ est normale à l’élément de surface, on appelle pression du
fluide la quantité scalaire p telle que
ΣdS ≡ −pndS, (8.1)
où n est la normale à la surface orientée de l’intérieur vers l’extérieur.
Considérons un fluide au repos, de masse volumique ρ, et isolons par la pensée un
volume infinitésimal comme sur la Fig. 8.2. Le fluide étant au repos, les contraintes
tangentielles sont nulles et les seules forces surfaciques qui peuvent subsister sont
des forces normales, donc des forces de pression. Le fluide peut par ailleurs être
soumis à une force volumique f , telle que la force de pesanteur f = ρg, ou une force
d’entraı̂nement si le fluide est au repos dans un référentiel non Galiléen : f = −ρae
(la force de Coriolis n’est pas à considérer si le fluide est au repos).

dx

(x,y,z) y
P(x,y,z)
P(x,y+dy,z)

dz

dy
x

Figure 8.2: Volume élémentaire de fluide à l’équilibre.

L’élément de fluide est en équilibre, la somme des forces qui lui sont appliquées
doit donc s’annuler. Si l’on projette sur la direction Oy, en respectant les conventions
de signe de (8.1), on a
fy dxdydzey + (−p(x, y, z)dxdz)(−ey ) + (−p(x, y + dy, z)dxdz)(+ey ) = 0
1
Une contrainte est une force par unité de surface.
8.2. STATIQUE DES FLUIDES 91
soit encore !
∂p
fy − dxdydz = 0.
∂y
Selon les autres directions, on obtient des équations similaires. Le résultat se met
donc sous la forme
−∇p + f = 0. (8.2)
C’est l’équation fondamentale de la statique des fluides.

8.2.2 Théorème d’Archimède


Considérons un corps entièrement immergé dans un fluide au repos. Il occupe un
volume V0 et subit de la part du fluide des forces de pressions. La résultante de ce
système de forces est verticale, opposée au poids du volume V0 de fluide. En effet,
en l’absence du corps immergé, ce volume de fluide serait à l’équilibre sous l’action
des forces de pression exercées par le fluide environnant, et des forces de pesanteur.
Dans ce raisonnement, il est crucial que le fluide soit au repos, ce qui exclut tout
”mouvement perpétuel” basé sur les forces d’Archimède.

8.2.3 Exemples
Fluide incompressible dans un champ de pesanteur
Soit Oz l’axe vertical orienté vers le haut. Alors l’équation (8.2) donne
dp
∇p = ρg =⇒ = −ρg =⇒ dp = −ρgdz,
dz
ce qui donne
Zp2 Zz2
dp = −ρg dz =⇒ p2 − p1 = −ρg(z2 − z1 ).
p1 z1

Calculons la force exercée par un liquide sur une paroi verticale (Fig. 8.3).

O y

h dF

Figure 8.3: Distribution de forces sur une paroi verticale.

La force élémentaire exercée par le liquide sur un élément de paroi de largeur unité
et d’épaisseur dz, situé à l’altitude z, est

dF = −(−pndS) = p × (1 × dz)ey = −ρgzdzey .


92 CHAPITRE 8. INTRODUCTION À LA MÉCANIQUE DES FLUIDES
En intégrant entre −h et 0, l’origine des altitudes étant prise en O à la surface libre,
on obtient pour la résultante des forces
Z0
h2
F= −ρgzdzey = ρg ey .
2
−h

On peut aussi calculer le moment en O de ces forces,


Z0
Z
2 h3
MO = OM ∧ dF = ex −ρgz dz = ρg ex .
3
−h

Le torseur associé à cet ensemble de forces parallèles est donc celui d’une force F,
dont le point d’application est sur la paroi, à la distance 2h/3 du point O.

Fluide compressible dans un champ de pesanteur


L’équation dp = −ρgdz est toujours valable, car la démonstration de (8.2) est locale
et ne suppose pas le fluide incompressible. Il faut cependant connaı̂tre la relation
entre densité et pression, c’est-à-dire l’équation d’état du fluide. Supposons alors
qu’il s’agit d’un gaz parfait,
nM RT
pV = nRT =⇒ p= ,
|V
{z } M

avec n le nombre de moles par unité de volume, T la température thermodynamique,


M la masse molaire du fluide, V son volume et R = 8.31 J/K la constante des gaz
parfaits. Si le fluide est isotherme, l’équation s’intègre facilement
Mg p Mg Mg
 
dp = − pdz =⇒ ln =− (z − z1 ) =⇒ p = p1 exp − (z − z1 ) .
RT p1 RT RT
Pour l’air à 25◦ C (T = 300K, M = 29 g), la distance caractéristique RT /(M g)
vaut à peu près 8.7 km. Pour des différences d’altitudes petites devant cette longueur
on doit retrouver le cas incompressible, ce qu’on peut vérifier en développant l’expo-
nentielle au premier ordre en puissances de son argument.

Surface libre d’un fluide en rotation uniforme


Considérons un fluide contenu dans un récipent tournant à la vitesse angulaire con-
stante ω par rapport à un référentiel terrestre, supposé Galiléen (Fig. 8.4). On
cherche la forme prise par la surface libre du fluide.

Dans un référentiel lié au fluide, l’accélération d’entrainement est radiale,


ae (r) = +ω 2 rer ,
et l’équation (8.2) conduit au système
∂p

= ρω 2 r,

1 1


∂r =⇒ p(r, z) = ρω 2 r2 + P (z) = ρω 2 r2 − ρgz + C,
 ∂p = −ρg,

 2 2
∂z
8.3. DYNAMIQUE DES FLUIDES 93

z0
z
r

Figure 8.4: Fluide contenu dans un récipent en rotation à vitesse angulaire constante,
autour d’un axe vertical.

où C est une constante d’intégration. Sachant que la pression atmosphérique est
patm , cette constante se calcule à l’aide de la condition p(r = 0, z = z0 ) = patm , ce
qui donne pour le champ de pression à l’intérieur du fluide
1
p(r, z) − patm = ρω 2 r2 − ρg(z − z0 ).
2
A la surface libre du fluide la pression est partout égale à la pression atmosphérique
ce qui fixe l’altitude d’un point de la surface en fonction du rayon :
1 ω 2 r2
z = z0 + .
2 g
Ce profil parabolique a un certain intérêt pratique, pour la construction de
miroirs de télescope. Ceux-ci doivent être de forme parabolique, car on les utilise
pour observer à grande distance, et pour le miroir parabolique le point à l’infini
et le foyer de la parabole sont en stigmatisme rigoureux. On les construit donc en
faisant refroidir très lentement (l’échelle de temps typique est plusieurs mois) du
verre liquide dans un moule maintenu en rotation à vitesse constante, déterminée
en fonction de la distance focale que l’on souhaite.

8.3 Dynamique des fluides


Nous nous intéressons uniquement aux fluides incompressibles, pour lesquels ρ =
Cste. On montre qu’il s’agit d’une excellente approximation pour des écoulements
à vitesse faible devant la vitesse du son.
Un fluide réel présente de la viscosité, et exerce une contrainte tangentielle sur
les parois du récipient qui le contient. Nous négligerons cet effet, et considèrerons
les fluides comme parfaits. Les seules contraintes seront donc normales, dues aux
forces de pression. C’est une hypothèse assez grossière, mais qui dans bien des cas
donne une première approximation du comportement du fluide.
Comme dernière hypothèse simplificatrice, nous supposerons les écoulements
laminaires. Cela signifie que la direction de la vitesse varie lentement, c’est-à-dire
sur des échelles de longueur grandes par rapport à une longueur caractéristique
de l’écoulement : conduite à courbure faible par rapport à son diamètre, obstable
d’épaisseur faible par rapport à sa longueur, etc. . . La limite inverse est un écoule-
ment turbulent, qui se décompose en petits tourbillons dont la taille typique est
intrinsèque à l’écoulement. En pratique, un écoulement laminaire se déstabilise
lorsqu’on augmente la vitesse du fluide, et devient progressivement turbulent (pensez
à un robinet dont on accroı̂t progressivement le débit).
94 CHAPITRE 8. INTRODUCTION À LA MÉCANIQUE DES FLUIDES
8.3.1 Conservation de la masse
Isolons par la pensée un domaine de l’espace, fixe par rapport au référentiel du
laboratoire, au sein de la région occupée par le fluide. Ce domaine V , limité par la
surface fermée ∂V , est appelé volume de contrôle.

(∂V)
V
(V)
n dS

Figure 8.5: Volume de contrôle V délimité par la surface fermée ∂V .

La conservation de la masse de fluide impose que la variation de masse dans V


ne peut être due qu’au flux de matière à travers la surface ∂V . Le flux de masse
élémentaire sortant par l’élément de surface dS centré sur le point M , de normale
n (orientée conventionnellement vers l’extérieur de la surface) est

dΦmasse = ρV(M ) · ndS (8.3)

où V(M ) est la vitesse du fluide en M . La conservation de la masse de fluide impose


donc
dm d Z Z
= ρdV = − ρV(M ) · ndS. (8.4)
dt dt V ∂V
Remarque :
Cette équation est tout-à-fait générale, et ne suppose aucune approximation.

8.3.2 Equation de la quantité de mouvement


Pour un fluide, comme pour un solide, la quantité de mouvement du fluide à
l’intérieur du volume de contrôle s’écrit
Z
P= ρV(M )dV
V

(Ne pas confondre le vecteur quantité de mouvement P et la pression p qui est un


scalaire)
Le principe fondamental de la dynamique est valable pour l’ensemble du fluide
contenu dans le volume de contrôle. La différence avec le cas du solide est que le
fluide peut s’écouler à travers la surface du volume de contrôle. Le flux de quantité
de mouvement, par analogie avec (8.3), est

dΦmvt = [ρV(M )] V(M ) · ndS (8.5)

La variation de quantité de mouvement dans le volume de contrôle est donc


donnée par trois termes :
8.3. DYNAMIQUE DES FLUIDES 95
• les forces exercées sur la surface ∂V , qui se réduisent aux forces de pression
pour un fluide parfait.
• la résultante des forces en volume de densité volumique f (par exemple la
gravité, f = ρg).
• le flux de quantité de mouvement à travers ∂V .
En tenant compte de l’ensemble de ces contributions,
dP d Z Z Z Z
= ρV(M )dV = −p(M )ndS + f dV − ρV(M )(V(M ) · ndS).
dt dt V ∂V V ∂V
(8.6)
Cette équation n’est bien sûr rien d’autre que le principe fondamental de la
dynamique appliqué au volume de contrôle de fluide.
Remarque :
Cette équation suppose uniquement le fluide parfait. Elle reste vraie s’il est
compressible, et quelle que soit la nature de l’écoulement.

8.3.3 Equation de Bernouilli


Nous allons démontrer la forme la plus simple de cette équation, valable pour
l’écoulement permanent et laminaire d’un fluide parfait incompressible. Contraire-
ment à (8.4) et (8.6), l’équation de Bernouilli sous sa forme (8.7) n’est donc valable
que sous ces conditions, très restrictives.

A B g
z
V

A'
B'
z'

V'

Figure 8.6: Tube de flux dans un écoulement permanent.

Considérons comme sur la Fig. 8.6 un tube de flux de section infinitésimale2 , limité
par une surface tangente en chacun de ses points M à la vitesse du fluide V(M ). Le
fluide contenu à un instant t donné entre les points A, où la section du tube est dS
perpendiculairement à ses génératrices, et A0 où elle est dS 0 , est contenu à l’instant
t + dt entre les points B et B 0 . Tout se passe comme si le fluide compris entre A
et B se retrouvait entre A0 et B 0 . En A (resp. A0 ) la vitesse du fluide est V (resp.
V0 ), normale à dS (resp. dS 0 ), la pression p (resp. p0 ) et l’altitude z (resp. z 0 ) La
conservation de la masse impose
dm = ρdSV dt = ρdS 0 V 0 dt.
2
Un tube de flux est une enveloppe de lignes de courant, qui sont les lignes de champ
du champ de vitesse, par définition tangentes en chacun de leurs points r à la vitesse du
fluide V(r) en ce point.
96 CHAPITRE 8. INTRODUCTION À LA MÉCANIQUE DES FLUIDES
Ecrivons alors le théorème de l’énergie cinétique. La variation d’énergie cinétique
est due au travail des forces de pesanteur, et à celui des forces de pression, soit
1  
dm V 02 − V 2 = dm(z − z 0 )g + pdSV dt − p0 dS 0 V 0 dt.
2
En utilisant l’équation précédente on aboutit à l’équation de Bernouilli,
p 1 2 p0 1
gz + + V = gz 0 + + V 02 = Cste. (8.7)
ρ 2 ρ 2
Pour un écoulement permanent de fluide parfait incompressible, la quantité gz +
p/ρ + V 2 /2 est constante le long d’une ligne de courant.

8.3.4 Exemples
Tube de Pitot
Ce dispositif, schématisé en Fig. 8.7, permet de mesurer la vitesse au sein d’un
écoulement par une simple mesure de pression.
Nous faisons l’hypothèse d’un écoulement permanent et laminaire de fluide par-
fait.

C
A

B
V

Figure 8.7: Tube de Pitot. En traits fins, on a représenté quelques lignes de champs
de l’écoulement laminaire autour du tube.

L’appareil présente une symétrie de révolution autour de l’axe passant par C, ce qui
fait que le fluide s’écoule de part et d’autre de C, mais qu’en ce point la vitesse est
nulle. Si l’ouverture B est peu éloignée de C, la différence d’altitude entre ces deux
points est négligeable. Si nous suivons un tube de flux passant au voisinage de C et
B, nous pouvons écrire en utilisant l’équation de Bernouilli
s
pC pB 1 2 pA − pB
+0= + VB =⇒ VB = 2 .
ρ ρ 2 ρ

Nous avons remplacé dans l’expression finale la pression en C par la pression en


A, qui sont sensiblement identiques si le canal CA est suffisamment fin pour que
l’écoulement y soit négligeable.
Un manomètre différentiel permet alors de déduire la vitesse relative entre le
fluide et le tube de Pitot. Ce type de dispositif est utilisé dans les (petits) avions3 .
3
Le positionnement GPS rend quelque peu obsolète ce système pour les avions de ligne
8.3. DYNAMIQUE DES FLUIDES 97
Force exercée sur une conduite
Considérons l’écoulement permanent d’un fluide parfait dans une conduite faible-
ment coudée (le rayon de courbure du coude est supposé nettement plus grand que
le rayon intérieur du tube).
Sous ces hypothèses, l’écoulement est laminaire si le débit n’est pas trop fort, ce
que nous supposerons.
L’angle entre les deux axes des tubes est θ.

y
V2
θ

x S2

V1
S1

Figure 8.8: Ecoulement dans une conduite coudée.

Comme volume de contrôle, prenons la portion de fluide comprise entre les deux
sections du tube sur le dessins, normales à l’axe du tube, d’aires respectives S1 et
S2 . La conservation de la masse se traduit par
S1 V1 = S2 V2 (8.8)
Pour un écoulement permanent, et en négligeant les forces de pesanteur (ou en
supposant la conduite horizontale), l’équation (8.6) devient
Z Z
−p(M )ndS = ρV(M )(V(M ) · ndS).
∂V ∂V

soit Fp la résultante des forces de pressions exercées par les parois de la conduite
sur le fluide contenu entre les sections S1 et S2 . Les forces surfaciques sont alors :
FSx = p1 S1 − p2 S2 cos θ + Fpx ,
FSy = −p2 S2 sin θ + Fpy ,
Nous cherchons la force R exercée par le fluide sur la conduite, donc R = −Fp .
Le flux de quantité de mouvement à travers le volume de contrôle ne comporte
pas de contribution des parois du tube, puisque l’écoulement est tangent à la paroi.
Z
ρVx (V(M ) · ndS) = ρS2 V22 cos θ − ρS1 V12 ,
Z∂V
ρVy (V(M ) · ndS) = ρS2 V22 sin θ
∂V

et l’équation pour la quantité de mouvement (8.6) donne


S1
 
Rx = p1 S1 − p2 S2 cos θ + ρS1 V12 1− cos θ ,
S2
S12 2
Ry = −p2 S2 sin θ − ρ V sin θ,
S2 1
98 CHAPITRE 8. INTRODUCTION À LA MÉCANIQUE DES FLUIDES
où nous avons utilisé la conservation de la masse (8.8).
Notons quand même que nous avons supposé la vitesse uniforme sur la section
du tube, ce qui est cohérent avec l’hypothèse de fluide parfait, mais assez loin de la
réalité (la viscosité fait que la vitesse est nulle à la paroi).

Force exercée par un jet sur une plaque inclinée


Nous nous plaçons maintenant dans la configuration de la Fig. 8.9. Un jet vient
frapper une plaque inclinée d’un angle θ par rapport à la direction incidente du jet.
Nous supposerons l’écoulement permanent, laminaire, et le fluide sans viscosité.

V2

y
V1
x
θ

V3

Figure 8.9: Plaque inclinée déviant un jet.

Soient Si , i ∈ {1, 2, 3} les sections du jet, et définissons un axe Ox parallèle à la


plaque, dirigé dans le sens de V3 , et Oy normal à la plaque dirigé vers le jet. Prenons
comme volume de contrôle celui délimité par les trois sections droites du dessin 8.9,
par les surfaces libres du jet, et enfin par la plaque.
La conservation de la masse donne

S1 V1 = S2 V2 + S3 V3

On peut écrire l’équation de Bernouilli en suivant une ligne de champ à la surface


libre du jet, joignant les sections 1 et 2, puis une autre joignant les sections 1 et 3.
Nous obtenons
p1 1 2 p2 1 2 p1 1 2 p3 1 2
+ V1 = + V2 , et + V1 = + V3 ,
ρ 2 ρ 2 ρ 2 ρ 2

en négligeant la gravité (ou en supposant le plan de la figure horizontal). Dans un jet


de liquide la pression à la surface libre du jet est nécessairement égale à la pression
atmosphérique, et les deux équations que nous venons d’écrire se réduisent à

V1 = V2 = V3 ≡ V.

Ecrivons maintenant l’équation de la quantité de mouvement pour le volume de


contrôle. L’écoulement se fait tangentiellement à la plaque, et nous négligeons les
forces visqueuses. Il n’y a donc aucune force exercée sur le fluide selon la direction
Ox. On a donc

Fx = 0 = ρS2 V22 − ρS3 V32 − ρS1 V12 cos θ =⇒ S2 − S3 = S1 cos θ


8.3. DYNAMIQUE DES FLUIDES 99
Utilisant l’équation donnée par la conservation de la masse, nous avons
1 1
S2 = (1 + cos θ)S1 , S3 = (1 − cos θ)S1 .
2 2
Ces équations donnent les sections du jet, mais ne servent pas à calculer la force Ry
appliquée par le jet sur la plaque. Elle est donnée par (8.6),

Ry = −Fy où Fy = ρS1 V 2 sin θ.

Vous aimerez peut-être aussi