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Magazine L Initiation

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L’Initiation Traditionnelle Numéro 4 de 2018

Revue éditée par le GERME (Groupe d’Études et de Recherches sur le Martinisme et l’Ésotérisme) et fidèle
à l'esprit de la revue L'Initiation fondée en 1888 par Papus et réveillée en 1953 par Philippe Encausse

Philosophie • Théosophie • Histoire


Spiritualité • Franc-maçonnerie • Martinisme

Le sermon sur la montagne par Cosimo Rosselli (1439-1507)


fresque (~1481) sur le mur nord de la Chapelle Sixtine
En référence à l’article « Le Sermon sur la Montagne - La Clé du Succès dans la Vie
d’Emmet Fox », commentaires de Robert Delafolie présentés par Annie Delcros

Revue en ligne L’Initiation Traditionnelle n° 4 de 2018


Octobre, novembre & décembre 2018
L’Initiation
Traditionnelle
7/2 résidence Marceau-Normandie
43, avenue Marceau
92400 Courbevoie

Téléphone (entre 9h et 18h) :


01 47 81 84 79

Courriel : yvesfred.b@gmail.com

Sites Web :
www.initiation.fr (site officiel)
www.papus.info (site des amis de
la Revue L’Initiation)

ISSN : 2267-4136
Sommaire du numéro 4 de 2018
Les liens du sommaire ci-dessous sont cliquables
Directeur : Michel Léger
Rédacteur en chef :
Yves-Fred Boisset Éditorial, par Yves-Fred Boisset 1
Rédacteurs en chef adjoints :
Christine Tournier, Bruno Le Chaux
Rédactrice adjointe : Louis-Claude de Saint-Martin, le théosophe méconnu,
Marielle-Frédérique Turpaud par Robert Amadou, quatrième et dernière partie 4

Extraits de « La Clé du Succès dans la Vie – Le Sermon


Les opinions émises dans les sur la Montagne » de Emmet Fox, commentaires de
Robert Delafolie,
articles que publie L’Initiation
présentés par Annie Delcros 31
Traditionnelle doivent être
considérées comme propres à leurs
auteurs et n’engagent que leur Rite Ecossais Rectifié, une école de vertu et de sagesse,
responsabilité. par Diego Cerrato Barragàn 61

Les livres 70
L’Initiation Traditionnelle ne
répond pas des manuscrits
communiqués. Les manuscrits non
utilisés ne sont pas rendus.

Tous droits de reproduction, de


traduction et d’adaptation réservés
pour tous pays.
Éditorial 1

« C’est avec une émotion sincère et une infinie humilité que, à la


demande affectueuse de Michel Léger, directeur de la revue, et d’Emilio
Lorenzo, Président de l’Ordre Martiniste, j’ai accepté de prendre la
succession de notre regretté Philippe Encausse en qualité de rédacteur
en chef de la revue « L’Initiation ». 1

C’est ainsi que le 1er août 1984, quelques jours après le départ pour la
lumière qui ne s’éteint jamais de Philippe Encausse, je devins le troisième
rédacteur en chef de la revue que le docteur Gérard Encausse, alias
Papus, avait fondée en 1888, soit quatre-vingt-seize ans plus tôt, et que
son fils, le docteur Philippe Encausse, avait réveillée en 1953, il y a
maintenant soixante-cinq ans.

Papus a piloté la revue durant vingt-six années (de sa fondation à 1914)2.


La déclaration de la guerre et la mobilisation générale mirent un terme à
l’entreprise qui ne reprendra vie qu’en 1953 à l’initiative de Philippe
Encausse. Celui-ci veilla pieusement et activement sur la revue de cette
date à 1984, date de sa désincarnation terrestre, soit durant trente et une
années.

Cette année-là, en 1984, j’avais juste cinquante ans, dont vingt-cinq ans
d’activité initiatique (martiniste et maçonnique). Comme je viens juste
d’en avoir quatre-vingt-quatre, il est facile d’en déduire que j’ai
l’honneur de maintenir la revue depuis exactement trente-quatre ans.
Cela signifie que je détiens, à ce jour, le record de longévité à cette
redoutable mais combien passionnante responsabilité.

Mais, je ne suis pas un obsédé des records. Aussi, c’est avec une grande
humilité que j’ai décidé de remettre les rênes de la revue à Bruno Le
Chaux avec lequel je travaille déjà en étroite collaboration depuis de
nombreuses années. Il se trouve que, par l’effet du hasard, Bruno et moi
sommes nés le même jour (un 26 novembre) mais… à trois décennies de
distance. Nous sommes en quelque sorte des jumeaux zodiacaux…

1Revue « L’Initiation », n° 3/1984 (juillet-août, septembre 1984), page 110.


2 En 1912, elle devint « Mysteria », qui était, en vérité, à peu près identique à « L’Initiation », et qui
assura de la sorte la courte continuité de celle-ci (environ deux ans) à la veille de la Grande Guerre.

L’Initiation Traditionnelle - n° 4 de 2018


2
Cette parenthèse anecdotique étant refermée, je sais que Bruno possède
des qualités qui me sont à peu près étrangères. Ainsi, jongle-t-il non sans
une grande aisance avec l’informatique ; c’est grâce à ses connaissances
en ce domaine qu’il a été possible de numériser la revue, ce qui a permis
de la sauver alors que, il y a quelques années, l’augmentation des tarifs
d’impression et de postage la mettaient en danger et que se posait le
problème de sa survie. Je lui en suis reconnaissant. De plus, je dois
avouer que mes propres connaissances dans les choses de l’informatique
ne mobilisent à peine et avec peine qu’une modeste poignée de mes
neurones, ce qui est largement insuffisant et ce qui serait extrêmement
fâcheux s’il me restait encore de nombreuses années à survivre dans un
monde que je ne comprends plus. Un monde nouveau, dit-on…

Cependant, ne nous méprenons pas. Ce dont je vous fais part ici n’est pas
une démission et, encore moins, une lâche désertion. S’il est vrai que
certaines de mes fonctions vitales ont subi la marque du temps, de ce
temps impitoyable qui ride les fronts et dessèche les cœurs, il n’en est
encore rien de mes facultés intellectuelles qui, mise à part la poignée de
neurones plus haut évoquée, ont conservé leurs facultés de jugement et
l’esprit critique dont je ne me suis jamais départi. Cela étant, je refuse
l’amalgame que l’on fait trop souvent entre vieillesse et sagesse.
Autrement dit, si j’accepte d’être « vieux », je n’entends point être
« sage », autrement dit d’être un « vieux sage ». Je ne distribue pas de
conseils ou de leçons autour de moi, laissant à chacun la liberté de ses
choix, car mon attachement à la Liberté et, plus généralement, aux
libertés est mon ultime raison de vivre, moi qui suis né sous la IIIe
République, celle héritée de la « Commune », et qui se prépare
maintenant à mourir sous les lourds nuages gris qui obscurcissent
l’horizon d’un monde prétendument nouveau. Et je souffre quand je vois
que mon pays se paupérise, s’imbécilise et se décivilise jour après jour
pour complaire à des modes qui lui sont historiquement et
culturellement étrangères3. Et ceci n’est pas « un point de détail ». Ceux
qui seraient offusqués par cette digression doivent savoir que, tout au
long de mon cursus initiatique, je n’ai à aucun moment renoncé à mon
engagement citoyen (profane, diraient certains esprits réducteurs) et à
exposer ma vision des réalités de notre monde. Je vis dans la société et
non dans une bulle et je souhaite qu’il en soit ainsi de tous mes sœurs et

3 Pour prévenir tout malentendu, je préciserai que je pense évidemment à ce peuple immature,

mégalomane et dominateur qui veut mondialiser son way of life.

L’Initiation Traditionnelle - n° 4 de 2018


frères en Tradition comme il en fût de nos illustres prédécesseurs, Papus
3
et Philippe Encausse, entre autres.

Pour ce qui regarde la revue, je m’engage à ne jamais intervenir dans les


choix éditoriaux que feront Bruno et les collaborateurs dont il désirera
s’entourer. Peut-être commettrais-je encore, s’ils le désirent, quelques
courts articles et quelques recensions ? Mes familiers n’ignorent point
mon intérêt pour Saint-Yves d'Alveydre et pour son œuvre. Peut-être en
publierais-je encore quelques passages si l’occasion s’en présente ?

Dès le premier numéro de l’an 2019, je vais me retirer le plus


discrètement possible, non sans avoir tenu à remercier tous ceux qui
m’ont soutenu fraternellement comme à pardonner à ceux qui m’ont
critiqué et qui ont tenté (vainement) de me déstabiliser tant dans
l’exercice de ma fonction éditoriale que dans le cheminement de mon
parcours initiatique. Je n’ai jamais perdu de vue que ce sont nos
adversaires qui nous font grandir… souvent à leurs dépens.

Silence ! Entendez-vous le léger bruissement de la page qui tourne ?

Yves-Fred Boisset,
rédacteur en chef.

La Direction, l’administration et la rédaction de


« L'Initiation Traditionnelle » vous présentent
leurs meilleurs vœux pour 2019.
Paix dans les cœurs et dans les esprits !
Que se lèvent des horizons de justice et de fraternité
et que vienne le règne des hommes de bonne volonté !

Erratum
A la demande d'Annie Delcros qui a relevé une erreur de transcription
dans son article "Récit d'un voyage initiatique en 1980" publié dans le
numéro 3 de 2018, nous nous excusons de l’erreur suivante :

Page 54, § 3, ligne 6, il faut lire "Tout me paraissait bien vieux..." au lieu
de "Tout me paraissait bien mieux...".

L’Initiation Traditionnelle - n° 4 de 2018


LOUIS-CLAUDE DE SAINT-MARTIN, 4

LE THEOSOPHE MECONNU
par Robert Amadou

Ce travail monumental de Robert Amadou est paru dans 17 numéros de


la revue L’Initiation de 1975 à 1981 à savoir les numéros :
1975 : n° 4
1976 : n° 1, n° 2, n° 3, n° 4
1977 : n° 1, n° 2, n° 4
1978 : n° 1, n° 2
1979 : n° 1, n° 2, n° 3, n° 4
1980 : n° 2, n° 3
1981 : n° 2

Le sommaire d’origine, comprenant 3 parties et 9 chapitres, était le


suivant :

ENTREE
I. Contre les instituteurs et réciproquement
II. Deux mondes en trois
III. Philosophe mal entendu, mystique ambigu, théosophe méconnu
PASSAGE
IV. « J’ai assez… », dit-il, ou l’armature de la doctrine
V. Esotérisme de la métempsychose
VI. Le grand œuvre
EXALTATION
VII. Martinisme
VIII. Le siècle des Illuminés
IX. Sophie et le bonheur

En fait, seuls les chapitres IV et V ont été publiés.

Après vous avoir présenté le chapitre IV paru dans les 3 numéros 4 de


1975, 1 et 2 de 1976, et le début du chapitre V. Esotérisme de la
métempsychose paru dans les numéros 3 et 4 de 1976 et 1, 2 et 4 de
1977, puis la suite du chapitre V. Esotérisme de la métempsychose,
parue dans les numéros 1 et 2 de 1978 et 1, 2, 3 et 4 de 1979, nous vous
proposons aujourd’hui la suite et la fin du chapitre V. Esotérisme de la

L’Initiation Traditionnelle - n° 4 de 2018


métempsychose, parue dans les numéros 2 et 3 de 1980 et 2 de 1981,
5
dont voici le sommaire détaillé

IV. « J’ai assez… », dit-il, ou l’armature de la doctrine

1) Schème par l’auteur même


La doctrine en théosophie. – Révélation de l’homme. – La dot de
Jacob Boehme. – Le ministère de l’homme esprit.

2) L’algèbre des réalités


« Arithmosophie ». – Le livre des dix feuilles. – Un par un. – Etude
du cercle naturel. – La tragi-comédie humaine dénombrée.

V. Esotérisme de la métempsychose

1) Un problème crucial
Position. – Définitions. – Enoncé. – L’avis des deux maîtres. – Une
condamnation de principe.

2) La vie antérieure
L’émanation. – La réminiscence. – De l’inégalité des conditions
humaines et, à propos, du crime primitif. – Des suites du crime
primitif. - Emanation et réintégration (suivi d’une lettre inédite du
Philosophe Inconnu)

3) Une Vie, une mort… et après ?


Une vie, une mort. – L’enfer. – Supplice des réprouvés. – Demeures
infernales et demeures célestes. – Le purgatoire. – Au plus haut des
cieux. – La « correspondance des âmes ». – L’après-mort. – La
mort reconsidérée. – Face à face. – Avant, ou ici-bas (annoncé
mais non publié)

La rédaction

L’Initiation Traditionnelle - n° 4 de 2018


La « correspondance des âmes » 6
« Boaz travaillait dans la solitude à la réconciliation de son père uni
avec l'esprit d'Abel, ce qui montre la communication avec les morts » 1.
Ce thème, d’Hauterive le traita devant les élus coëns de Lyon, le 11
septembre 1775 : épisode considérable de l'histoire sainte ; application
de la solidarité des mineurs incorporisés avec feu leur ancêtre commun ;
aussi - et ce titre lui vaut la présente mention -, bon exemple qu'est
efficace l’opération des soi-disant vivants pour les réputés morts, voire
que les premiers y sont astreints. D’Hauterive enseigne ainsi dans le droit
fil de Martines de Pasqually. Le langage de Saint-Martin en l'espèce n'eût
pas été différent, il ne l'était pas ci-devant, il ne le sera pas quand il va de
nouveau nous tomber sous les yeux. Rien de moins spécifiquement
martinésien et saint-martinien, toutefois, que la dernière opinion. Le
judaïsme l'entretient et elle est de beaucoup majoritaire en chrétienté.
Mais, chez le Philosophe inconnu, cette sorte de « communication
» n'est qu'un aspect du problème que nous appellerons avec Kirchberger
celui de la « correspondance des âmes » : des âmes séparées (c'est-à-
dire libérées) entre elles, et des âmes séparées avec les hommes de
chair, mutuellement. Plusieurs aspects de ce problème sont originaux en
martinisme, et davantage encore certaines solutions élaborées
philosophiquement par Saint-Martin dans la mouvance de Martines de
Pasqually - solutions théosophiques, de ce double fait.
Nous reconnaîtrons-nous les uns les autres dans l'au-delà ? Le
théosophe d'Amboise n'en doute pas, mais, selon son habitude, il
subordonne la possibilité et l'espoir au travail, la récompense au mérite.
Qu'importe à l'homme de gagner la connaissance de l'univers, s'il vient à
perdre son âme ?
Sur ce que l'on a vu dans plusieurs écrits que dans l'autre monde
nous connaîtrions tous nos amis et toutes nos jouissances de celui-ci,
quelques-uns regardent cet avenir avec calme et sans inquiétude. Mais il
y a un préalable inévitable et antérieur à toutes ces douces perspectives,
c'est que nous commençons par en perdre entièrement la connaissance,
et que quand elle nous revient, elle est tellement combinée avec la vue
désagréable de notre situation que nos joies sont considérablement
tempérées. Quand nous tombons dans l'eau, nous commençons par aller
au fond et par perdre de vue les amis que nous avons laissés sur le
rivage. Lorsque nous revenons sur l'eau, nous recouvrons en effet la vue
de ces mêmes amis ; mais, en même temps, nous voyons le péril qui

1 S.M., Leçons de Lyon, éd. R.A.

L’Initiation Traditionnelle - n° 4 de 2018


nous menace, et combien il nous reste d'efforts à faire pour nous en
7
délivrer 2. D'abord refroidir la tête et stimuler le cœur.
Kirchberger, s'agissant de notre problème et comme souvent,
provoquera Saint-Martin et en obtiendra des éclaircissements. Il
l’interroge : Croyez-vous qu'avec les principes de notre ami B. [sc. Jacob
Böhme], l’on puisse, je ne dis pas conjecturer, mais prouver que les
âmes, après leur séparation du corps, correspondent entre elles, et que
celles du même genre continuent les liaisons qu'elles ont eues dans ce
monde ? C'est une opinion généralement établie que l'on reverra ses
amis dans un autre monde. Mais, jusqu'ici, je n'ai trouvé que des
vraisemblances, sans autre preuve, ni dans l’Ecriture sainte, ni dans les
œuvres de notre respectable ami B., qui pût mettre cette opinion en
sûreté. Bien entendu que l'époque dont je parle est celle qui précède le
jugement dernier, et qui commence après notre décès »3.
Saint-Martin place, disais-je, et disait-il lui-même, l'action avant
tout. Plutôt que de satisfaire la curiosité de son ami, il dirige son attention
sur la pratique impliquée dans une juste réponse à sa question : à savoir,
en somme, qu'il faut prier pour les morts. Mais Kirchberger remet sur le
tapis l'affaire des reconnaissances post mortem4. Du coup, Saint-Martin
lui répond : Je crois que vous trouverez la solution de votre difficulté sur
les communications dans la 26e des Quarante questions [par Jacob
Böhme]. Il y a beaucoup à prendre là. Joignez-y ce que je vous avais dit
en partie sur le rapport des vivants ; joignez-y cette observation, que
nous les cherchons dans les principes sensibles où ils ne sont plus et
qu’eux nous cherchent dans le principe divin et spirituel où nous ne
sommes pas encore. Enfin, joignez-y ce que dit Jésus-Christ : « Qui sont
mes frères, ma mère, etc. ? Ce sont ceux qui font la volonté de mon
père. » Et nous apprendrons là où il faut chercher ceux que nous
aimons5. Le théosophe a, une fois encore, redressé la question en
orientant sa réponse. Mais pourtant…
Attendons la fin de nos pénibles voyages, afin qu’étant rentrés dans
le sein de notre patrie, nous puissions y voir à découvert notre héritage,
notre père, nos frères et nos citoyens6. Notre attente n’est pas sans objet,
pourvu qu’elle soit active.

2 Mon Livre vert, n° 643 (inédit).


3 La Correspondance inédite de L.-C. de Saint-Martin... et Kirchberger…, op. cit., p. 228 (du 9
septembre 1795).
4 - d° - p. 240 (du 13 décembre 1795).
5 Cf. - d° - pp. 243-244 (du 29 décembre 1795).
6 « Traité des bénédictions », Œuvres posthumes, op. cit., t. II, p. 208.

L’Initiation Traditionnelle - n° 4 de 2018


La primauté de l’action reconnue et la vie réglée en corollaire, la
8
spéculation n’est pas, pour autant, interdite. Au contraire. Elle guide et
contribue à soutenir l’action ; au mieux, elle y participe et même en fait
partie.
Lors, se pose, en théorie, la question de savoir si nous nous
reconnaitrons et comment nous nous reconnaitrons dans l'autre monde7.
Saint-Martin y consacre un chapitre presque entier de l'Esprit des
choses. En voici le principal.
Restons fidèles à la méthode, qui consiste à passer de l'esprit des
choses aux choses de l'esprit, afin de saisir l'esprit de ces dernières, ou
qu'Il nous saisisse. (Mais jamais, depuis le départ, il n'aura dû cesser de
nous inspirer). Donc, prenons toujours le naturel pour type 8.
Au cas présent, quel est le type ? Celui-ci : Nous ne nous
reconnaissons même dans ce monde-ci que selon nos figures du
moment ; et nos figures sont toujours l'effet de l'action actuelle et
particulière que le temps opère sur nous 9.
Mais un type naturel a toujours quelque valeur de contre-type par
rapport à la réalité qu’il symbolise, son anti-type. Après la méthode, le
principe : hors le temps, nous serons, dans une mesure variable,
divinisés. Et le Philosophe inconnu d'argumenter 10.

7 De l'Esprit des choses, op. cit., II, p, 50.


8 Ibid.
9 Ibid.
10 Ce, dans les termes suivants, que la prégnance et la délicatesse du sujet jointes à la maîtrise

singulière de Saint-Martin pour le traiter, nous défendent d'abréger.


Deux enfants qui vivent ensemble se reconnaissent à la figure actuelle qu'ils portent. S'ils
continuent à vivre ensemble dans un âge plus avancé, et ainsi de suite jusqu'à la vieillesse, ils se
reconnaîtront toujours à la figure qu'ils auront lors de l'époque de leur vie où ils se trouveront,
quoique cette figure soit bien loin d'être la même que celle qu'ils avaient dans les époques antérieures,
et surtout lors de l'époque de leur enfance. Enfin, si depuis leur enfance, ils ne s'étaient pas vus et
n'eussent pas entretenu l'analogie, il est certain que, dans leur âge avancé, ils ne se reconnaîtraient
pas.
Ainsi, lorsque l'on demande si nous nous reconnaîtrons dans l'autre monde, on ne réfléchit pas
qu'il faudrait encore demander à quelle figure nous nous reconnaitrons de tontes les figures diverses
que nous aurons eues dans celui-ci et, en outre, si nous avons ou non entretenu de l'analogie entre
nous, ce qui, à la vérité, pourrait jeter l'interrogateur et le répondant dans quelque embarras, et devrait
lui faire porter son esprit dans une région autre que celle de nos figures matérielles et de toutes les
liaisons passagères sur lesquelles nos intérêts de ce monde sont si fortement établis.
Reprenant donc ici ce que nous avons dit plus haut ; savoir, que nos figures corporelles terrestres
sont toujours l'effet de l'action actuelle et particulière que le temps opère sur nous ; il faut croire qu'à
cette suite de figures périssables, que le temps et la mort nous enlèvent, il doit succéder pour nous
une autre figure ou, si l'on veut, un autre ordre de figures, auxquelles nous nous reconnaîtrons selon
les espèces d'analogies morales et spirituelles, bonnes ou mauvaises, que nous aurons établies entre
nous ici-bas. Car ces figures seront l'expression de l'action ou de l'affection qui nous aura animés,
comme nos figures matérielles sont l'expression de l'espèce d'action élémentaire qui joue en nous
actuellement.
Ces analogies profondes et cachées qui doivent se manifester dans l'époque postérieure au temps
ne font ici-bas que se semer en nous, et leurs fruits seront les figures et les signes futurs auxquels

L’Initiation Traditionnelle - n° 4 de 2018


Au bout de la démonstration : Ainsi l'on peut conclure, écrit-il, que
9
nous nous reconnaîtrons dans l'autre monde, non pas selon nos figures
matérielles actuelles, dont l'action sera éteinte ; mais selon les figures de
l'ordre non matériel et d'après les analogies que nous aurons formées
dans celui-ci et dont l'action jouera alors son plein jeu ; que, par
conséquent, notre sensibilité doit avoir une grande joie et une grande
espérance, puisque non seulement nous devons nous flatter de nous
reconnaître dans ces époques à venir, mais que nous sommes les maîtres
de multiplier et de déterminer nous-mêmes ces liaisons et ces
reconnaissances futures, en semant, dès ici-bas, dans notre âme et dans
celles de nos semblables, tous les germes des biens réels et des plaisirs
purs qui nous attrayeront 11. (L’action, décidément, ne supporte pas d'être
éliminée, même en théorie...)
Ajoutons, avec Saint-Martin, qu'en outre, les principes et l’analogie
nous permettront ici de présenter quelques conjectures sur certains
signes particuliers auxquels nous nous reconnaîtrons, indépendamment
de ceux qui ne tiendront qu'à nos liaisons et à nos rapports personnels12.

nous nous reconnaîtrons. Voilà pourquoi il est essentiel de ne se former ici-bas, autant que l'on peut,
que des analogies vraies, douces et salutaires, parce que leurs fruits ou les signes qui en proviendront
n'opéreront ailleurs entre nous que de délicieuses sympathies, dont l'effet est retardé ici par le voile de
notre matière ; car si les belles âmes pouvaient s'apercevoir, elles fondraient de joie.
Les analogies opposées que les méchants et les insensés établissent entre eux ici-bas, opéreront
dans l'ordre à venir des effets aussi repoussants que les autres seront doux, parce qu'ils verront alors
leur difformité qui, sur la terre, leur est cachée, par la même loi de la matière qui cache aux bons leur
beauté.
Il faut ensuite admettre dans cet ordre futur la même progression dans la variété de nos figures que
dans ce monde-ci, à la destruction près qui n'y peut avoir lieu ; c'est-à-dire que, loin de croire que
nous y aurons toujours la même figure, nous devons penser au contraire que nos figures y acquerront
un accroissement continuel de charmes et de perfections, fondé sur l'action qui agira en nous dans sa
liberté et qui puisera elle-même à la source infinie de tout ce qui est vif et vrai. (- d° -, II, - pp. 51-53).
11 - d° -, II, - p. 53.
12 Cette fois encore, soucieux de ne point déséquilibrer le texte, mais obligé de proposer aux âmes
inquiètes - et qui oserait leur en faire grief ? – du sort posthume quant à l'essentiel, c'est-à-dire sous
le rapport de la charité, je rapporterai en note les explications de Saint-Martin.
Nous voyons ici-bas toutes les corporations humaines, distinguées par des costumes et autres
signalements caractéristiques ; nous voyons les ordres, les dignités, les hautes naissances se couvrir
de croix, de cordons et autres marques d'honneur.
Nous savons d'ailleurs que l'âme de l'homme, qui a pris son origine dans le centre divin, renferme
en elle, par son droit originel, la base ou la source de toutes les merveilles de l'esprit, comme l'on
suppose que toutes les distinctions honorifiques humaines sont la récompense des vertus et du mérite
que sont censés posséder ceux à quoi ces honneurs sont dévolus.
Qui nous empêcherait donc de croire que le développement de ces droits originels de notre être
divin, pour ceux qui auraient su ne pas les laisser s’annuler, fût indiqué aussi par des marques
caractéristiques, analogues aux bases divines qui auraient acquis leur terme en nous, et que ce ne fût
là une de ces espèces de signes naturels, spirituellement sensibles, auxquels nous nous reconnaîtrons
dans l'autre monde ? Les principes nous permettent même de présumer que les croix joueront un
grand rôle parmi ces décorations, car la croix, ou l'harmonie des deux puissances, ne serait pas la
racine de tout ce qui est, si elle ne devait pas en être le terme ; mais ces croix naîtront de nous, au lieu
que les croix humaines, il faut qu'on nous les donne.

L’Initiation Traditionnelle - n° 4 de 2018


De se reconnaître dans l'autre inonde constitue donc une autre
10
sorte de correspondance, une conversation spontanée et involontaire,
porteuse d'une information réduite. Aussi bien, les esprits
« désincarnés », connue on dirait aujourd'hui pour « désincorporisés »
dont Saint-Martin usait après Martines, aussi bien ces esprits ne laissent
pas de communiquer entre eux selon un mode plus fructueux, bref de se
parler. (Et peut-être aussi communiquent-ils de façon semblable avec le
meilleur des hommes encore incorporisés.)
Mais la difficulté : Comment peut-il y avoir des sons parlés et
articulés sans le monde de nos organes physiques et matériels 13 ? C'est le
thème d'un nouveau chapitre de Saint-Martin ; d'un nouveau
raisonnement14 et d'une nouvelle assurance finale qu'à son tour je relate :

Je ne puis m'empêcher d'ajouter que les signes d'opprobre se manifesteront aussi sur les méchants,
et sortiront naturellement de leur propre personne, pour faire connaître l'iniquité de leurs œuvres ; et
pour peu qu'on ait d'aptitude à sonder l'esprit des choses, on verra à quoi tient l'usage où sont les
justices humaines de faire attacher des écriteaux indicatifs sur la personne des criminels. (- d° -, II, pp.
54-55).
13 - d° -, II, p. 55.
14 Le présent cas est analogue, formellement aussi et en ce qui nous concerne, aux deux
précédents. Ne refusons donc pas à Saint-Martin une nouvelle occasion de produire ses lumières, ni
au lecteur qui les réclame celle de les recevoir. Voyez.
Nous voyons que plus l'homme s'élève et se dégage de sa matière, plus sa parole acquiert de force
et de perfection ; non pas cette parole que les hommes ne connaissent que par sa multiplicité, son
ornement factice et ses couleurs mensongères, mais cette parole vive, simple, féconde et efficace dans
laquelle toutes les instructions éparses dans nos écrits nous apprennent que nous avons pris
naissance et qui, par conséquent, doit être notre indice caractéristique et l'aliment de notre être,
comme elle en a été le principe, ce qui suffit pour ne laisser aux personnes instruites aucun doute que
les êtres dépouillés de nos liens terrestres, ou ceux qui n'y ont jamais été ensevelis, ne puissent parler
bien mieux que ceux qui y sont détenus.
Mais, si les doctrines vulgaires ne peuvent s'accommoder de cette observation, puisqu'elles se
tiennent si loin des données qui lui servent de base, elles devraient au moins apercevoir dans les
images de l'ordre terrestre et naturel, quelques signes qu'elles pourraient prendre comme des indices
de ce qui se passe au-dessus.
Elles savent, en effet, que plus l'homme est élevé en puissance dans le monde, plus sa parole a
d'autorité. Elles pourraient conclure de là que, s'il y a des autorités supérieures au monde, ces
autorités devront également voir accroître leur puissance et, par conséquent, le signe ou l'organe de
cette puissance, qui ne peut être que la parole, puisqu'il ne peut pas y avoir deux signes de la même
chose.
Elles savent aussi que plus l'homme est élevé en puissance dans le monde, et accroît par là
l'autorité de sa parole, plus il se rapproche de l'autorité souveraine, qui gouverne tout l'Etat et qui ne le
gouverne que par la suprême puissance d'une suprême parole ; en sorte qu'il se trouve plus à portée
de correspondre avec cette suprême puissance, ou avec cette suprême parole, d'assister à ses
conseils, de converser et de délibérer avec elle et d’être admis à la connaissance et à l'intelligence de
toutes les merveilles de sa sagesse et de ses vues fécondes et bienfaisantes.
Elles peuvent donc, par les lois de ces profondes mais simples analogies, concevoir quels sont les
emplois, les fonctions et les jouissances de toutes ces autorités supérieures au monde qui, plus elles
s'élèvent en puissance et accroissent leur parole, plus elles deviennent susceptibles de siéger dans le
souverain conseil de l'universelle puissance et d'entendre les délibérations et les plans de l'universelle
parole.
Elles peuvent enfin se former une idée de ce qui attend l'homme, lorsqu’il parvient à cette région
supérieure où réside l'universelle autorité et l’universelle parole, car ce serait en vain qu'en se

L’Initiation Traditionnelle - n° 4 de 2018


Le dépouillement de nos liens terrestres et de nos organes matériels ne
11
doit donc point embarrasser l'intelligence, par rapport à l'exercice futur
de notre parole, puisque, d’après tout ce qu'on a vu précédemment, nous
ne faisons à la mort que changer de corps et puisque notre vie entière, si
nous étions prudents, serait censée n’être occupée qu’à nous procurer ce
nouveau vêtement 15.
Or, on l'a dit plus haut et l'on le redira plus bas : si nous sommes
venus dans ce bas monde, ce n'est pour nulle autre raison que de revêtir
ce nouveau vêtement, Et nous voici ramenés à l’action nécessaire : le
leitmotiv.
Mais c’est vrai : Quand l’homme temporel a rempli le cours de sa
vie terrestre, et qu’il entre dans la région de l'esprit, tous les habitants de
cette région se livrent [...] à la joie de voir accroître la famille de l’esprit16.
Et, puisque c'est vrai, il faut le savoir et, le sachant, s'en réjouir, y
penser, l’imaginer afin de le désirer :
Comme ils seront doux, ces jours de paix où nous entrerons dans la
demeure des sages, qui ont éclairé et soutenu le monde depuis
l’ébranlement !
Ils nous chériront comme leurs enfants ; ils nous feront asseoir
près d’eux et ils nous raconteront les merveilles qu’ils auront opérées
pendant leur sainte carrière.
Abel, Enoch, Noé, vous nous instruirez par les récits de vos
œuvres ; nous nous tiendrons serrés près de vous pour vous entendre ;
et vos discours laisseront de longues traces dans nos pensées.
Voilà ce qui nous attend au sortir de ce corps de mort. Voilà
ravissements qui nous sont promis : on nous y développera les secrets
de tous ces événements que nous n'avons pu comprendre ici-bas ; de
ces événements dont l'histoire des siècles est remplie, mais dont les
mobiles sont cachés dans la politique sacrée 17.
Et le sachant, le désirant, y tendre et y parvenir.
Telles sont les thèses théosophiques que Saint-Martin soutient sur
deux lieux communs de la philosophie et de la théologie classiques :
d'une part, cette vérité qu'un docteur moderne formulait ainsi ad usum
populi : « Les élus se reconnaîtront au ciel », et d'autre part, la
connaissance propre aux substances séparées. Prenons garde que cette

dégageant de sa matière, il verrait sa parole à lui-même acquérir plus de force et de perfection s'il ne
se trouvait pas à portée d'exercer ce don suprême et de le fortifier sans cesse de plus en plus, en
l'approchant de plus près de la source exclusivement vivifiante (- d° -, II, pp. 55-57).
15 - d° -, II, p. 57. Remarquons qu'avec le titre et la conclusion cités dans le texte ainsi qu’avec le

développement copié dans la note précédente, le lecteur dispose du texte du chapitre dans son entier.
16 L’homme de désir, ch. 277 ; éd. 1979, p. 303.
17 - d° -, ch. 139 ; éd. 1979, p. 177.

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connaissance, les désincarnés (n'hésitons plus devant ce mot exact dans
12
une perspective martiniste) l'exercent à l'endroit non seulement de leurs
congénères, mais aussi des demi-morts qui se targuent d'être en vie -
heureux quand ils ne prétendent pas être les seuls en vie.
Les élus, répétons-le, s'occupent à molester l'être pervers. Cette
postérité qui aura pris naissance selon la loi primitive, vivra
constamment et continuellement dans les douces lois de la génération
divine. C'est pourquoi l'ennemi tremblera devant elle, et les captifs lui
devront leur délivrance 18. Analysons.
La « correspondance des âmes » engage, en effet, les terriens, les
terrestres à l’instant allégués ; les captifs de la matière apparente, de
même que les souffrants aux autres cercles d'expiation. Ne sont-ils pas,
ceux-ci comme ceux-là, enfermés dans des tombeaux et ce verset de
l'Homme de désir ne les viserait-il pas également ? Les astres brillants
sont suspendus au-dessus de notre terre, comme des lampes au-dessus
des tombeaux des morts. Nous veillerons de même au-dessus des
tombeaux de ceux qui dormiront encore dans le sommeil de leurs crimes
et de leur ignorance 19.
Ils veillent donc et servent, en premier lieu, de modèle et de pôle -
étoile polaire et nord magnétique -, à l'instar, modeste certes, de ces
esprits qui n'ayant jamais prévariqué, résident dans la région étoilée et
couronnent la Vierge médiatrice des pécheurs, pour servir de fanal à
ceux de leurs frères qui se sont égarés et pour montrer a toutes les
classes spirituelles la gloire et la splendeur de ceux qui restent fidèles au
Créateur 20, (Parmi les frères égarés, les mineurs assurément, mais
pourquoi pas les démons ?)
Mais la « correspondance des âmes » peut prendre elle-même des
tours plus actifs.

*
* *

A la question de Kirchberger sur la « correspondance des âmes » -


et, d'abord, refusons de discriminer les âmes, toutes humaines
cependant en l'espèce -, à Kirchberger qui l'interrogeait dans les termes
ci-dessus rapportés 21, Saint-Martin répondait par ces lignes théoriques
que la méthode nous a fait réserver :

18 - d° -, ch. 264 ; éd. 1979, p. 292.


19 - d° -, ch. 104 ; éd. 1979, p. 147.
20 Pensées sur l'Ecriture sainte, op. cit., n° 60, L'initiation, octobre-décembre 1964, p. 225.
21 Cf. supra, 1979, p. 208.

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Quant à votre question sur la correspondance des âmes avant le 13
jugement final, vous vous rappellerez sans doute ce que dit notre ami de
celles qui se montrent encore pendant un temps, après leur mort
corporelle, tant que la substance sidérique dont elles sont imprégnées
n'est pas dissipée. Je ne sais pas dans quel endroit il expose le principe,
et je ne puis le trouver ici [c'est-à-dire à Tours], n'ayant pas apporté tous
ses ouvrages dans un court voyage, où même je n'aurais pas eu le temps
de m'en servir ; mais je crois que dans ses Trois principes, vous
trouverez sur cela quelque chose de satisfaisant. D'ailleurs, il n'est
question dans ceci que des amis selon l'esprit du monde ; et ce n'est pas
là ce qui nous importe, puisqu'au contraire, c'est un malheur que ces
connaissances-là se prolongent au-delà du tombeau ; il n'en est pas
moins vrai qu'à plus forte raison, les autres doivent se prolonger
également. Aussi, voyez ce que notre ami B. [sc. Böhme] dit des sociétés
des saints dans le paradis ; voyez ce que l'Ecriture enseigne là-dessus, en
nous disant à la mort de chaque patriarche qu'il se réunissait à son
temple ; voyez même dans le chapitre XV du livre II des Macchabées (en
n'y ajoutant cependant que la mesure de foi que vous pourrez), le songe
de Judas Macchabée, où le grand prêtre Onias et le prophète Jérémie,
morts l'un et l'autre, paraissent cependant dans une sainte union de zèle
pour le peuple juif, etc. Je vous donne, monsieur, toutes les preuves
testimoniales que je puis avoir sur ce point. Quant au fond de la chose, on
n'en peut douter, si l'on a un peu réfléchi sur les principes ; et si l'on n'y
a pas réfléchi très mûrement, les preuves testimoniales sont d'un poids
médiocre22.
Ne distinguons pas, disais-je, entre les âmes ? Saint-Martin lui-
même les confond quant à leur capacité de correspondre. Des âmes à
peine sorties de leur corps matériel, il passe sans transition aux sociétés
de saints dans le paradis, en rassemblant toutes les preuves
testimoniales, dont il s'empresse d'ajouter - in couda venenum, mais
c'est poison salutaire - qu'elles sont d'un poids médiocre. Ainsi la
thérapeutique spirituelle des interrogateurs clôt, voire dévalue en soi, le
traitement intellectuel de la question. Mais ce dernier, que notre faiblesse
revalorise sans cesse, illustre, par sa généralité même, le refus du
théosophe, fondé à la fois sur la doctrine et sur l'expérience, de croire
aux prétendus « revenants » : parce que, écrit-il, je ne crois point aux
s'en allants, attendu que malgré notre mort terrestre, nos esprits ne s'en

22 La Correspondance inédite..., op. cit., p. 233 (du 20 octobre 1795).

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vont réellement point, et que c'est leur affection qui fait toute leur 14
localité 23.
Primat, ce semble donc, de la correspondance.
S'agissant de la société des saints dans le paradis, il fut rappelé plus
haut l'opinion de Saint-Martin, et les présents détails complémentaires
n'ont trouvé leur place tardive qu'afin de marquer combien, selon le
Philosophe inconnu, la question est globale, de même que la
correspondance des âmes qu'elle implique. Joignons-les à la masse24.
En ouvrant sa réponse, Saint-Martin allègue les plus sensibles des
manifestations, celles dont le sidérique est l'agent instrumental. Non
seulement qui a été sage verra, après sa mort, ce qui se passe dans un
monde comme dans l'autre (ceux qui n'auront pas été sages ne verront
rien), mais encore les âmes peuvent apparaître aux yeux du corps,
notamment chez leurs amis. Le fantôme de Martines de Pasqually
apparut, de la sorte, à son épouse et à l'abbé Fournié, son ancien
secrétaire et émule ; d'aucuns prétendirent avoir vu, peu après son
décès, Saint-Martin lui-même. Mais nous restons là au contact de l'astral.

23 Mon portrait..., op. cit., n° 553.


24 L'échange se poursuivra, je le résume en note car c'est surtout Kirchberger qui parle. Il répond
immédiatement à Saint-Martin qu'il le sait : sa question « ne sera résolue d'une manière pratique que
lorsque nous aurons déchiré le voile qui sépare un principe d'avec l'autre ; mais cela exige de
l'énergie. XL Fragen, 26, 13. » (op. cit., p. 235). Dans sa lettre suivante, Saint-Martin a retrouvé la
référence aux Trois Principes : ch. XXVII, n° 20, qui lui paraît venir à l'appui de ses dires (op. cit., p.
238).
Kirchberger, toujours curieux : « Notre ami B., dans les Trois principes, chap. XXVII, n° 20, parle de
l'impossibilité d'une communication entre des âmes hétérogènes, dont l'une, après son dépouillement
terrestre, se trouve dans le sein de l'Eternel, et l'autre, qui est vicieuse et qui rampe encore sur la
terre, et vice versa. Mais, la communication qui faisait le sujet d'une de mes lettres, regardait la
possibilité d'une communication entre deux âmes homogènes, douces et aimantes, dont l'une a passé
dans un meilleur monde, sans que la partie restante ait diminué son attachement pour elle, et sans que
le temps ait produit son effet ordinaire ; au contraire, semble avoir resserré ces liens. Notre ami B.
penche fortement pour l'affirmative des communications du dernier genre. Les principes généraux
semblent venir à son appui, car, si nous entrons dans ce qu'il appelle le second principe, alors la toile
qui nous dérobe la vue des habitants de ce principe se lève et nous donne la liberté des
communications. Aussi mes doutes ne roulaient-ils pas sur ce point de la question, mais bien sur la
possibilité d'une communication entre une âme dans son enveloppe terrestre, qui n'est pas encore
arrivée au degré d'un développement suffisant pour voir la toile levée, et une âme dégagée de son
enveloppe terrestre, et qui, par conséquent, se trouve dans une région différente. Je ne vois d'autre
possibilité de réussite pour l'habitant d'ici-bas que l'état de sommeil. Cette question intéresse mon
cœur ; mais je tâche de supprimer cette volonté comme toutes les autres. » (op. cit., p. 240).
Saint-Martin, toujours ennemi de la curiosité, se contente d'une nouvelle référence à Böhme et
d'inviter Kirchberger à chercher ceux que nous aimons là où ils sont, et qui n'est pas dans les
principes sensibles. (op. cit., pp. 243-244, cité supra, p. 208).
Et Kirchberger saisit que la correspondance des âmes les englobe toutes : « Sans doute qu'il y a
d'excellentes choses dans la 26e des 40 Questions sur l'objet des communications. Le n° 16 surtout est
très consolant, parce qu'il établit la possibilité que les âmes, dégagées de leur enveloppe terrestre,
peuvent se voir, participer et se réjouir des sentiments qui leur sont adressés par les habitants de ce
bas monde. » (op. cit., p. 245).

L’Initiation Traditionnelle - n° 4 de 2018


(L'information relative à la condition posthume des êtres - telle que
15
l'appréhendaient, sans correspondance obvie, l'abbé Fournié quant aux
réprouvés, et la Rochette aussi, dans ses « sommeils », et Madame de
Pasqually quant au progrès extra-terrestre de son mari, et Saint-Martin
quant au séjour de plusieurs parents et associés défunts - cette
information manifeste-t-elle une correspondance sous-jacente ou bien
s'apparente-t-elle, dans son mode, à la connaissance unilatérale que les
« sages » prennent des deux mondes ? A moins qu'aucune connaissance
dont une âme est l'objet ne puisse, de par la nature analogue et
personnelle du connaissant et du connu, jamais être objective, et qu'elle
engage par essence une correspondance des deux âmes ?)
« Peu à peu », cependant, les morts se délestent de leur astral et
nous ne pouvons les « sentir » qu'en un sens modifié. Du même coup, ils
abandonnent « peu à peu » certain mode inférieur d'agir en ce monde. Et
c'est souvent heureux pour ceux qui restent ! En effet : Nous avons
presque tous ici-bas des entraves de la part de nos semblables.
Emmanuel Swedenborg (d'après ce que m'en a dit son neveu
Silverhielm) en avait de terribles de la part de Charles XII. Quand ces
hommes-obstacles viennent à disparaître de dessus la terre, ils perdent
peu à peu l'action fausse qui les enchaînait eux-mêmes, et qui par eux
nous enchaînait aussi, quand notre destinée nous avait uni dans leur
cercle, et ils entrent dans une action qui les absorbe en les livrant à la loi
exclusive de leur punition ou de leur purification, ou de leur avancement
[c'est-à-dire, en enfer, au purgatoire et au ciel, respectivement, mais
chacun de ces lieux subdivisé en plusieurs cercles, Saint-Martin nous l'a
enseigné]. Et c'est ainsi que nous nous trouvons libres, parce que l'action
qui nous travaillait par eux, ne nous travaille plus, n'ayant plus d'organes.
Jusqu'à présent, garantit Saint-Martin, j'ai tellement éprouvé une partie
de cette vérité que je ne puis faire aucun doute de sa certitude 25.
Ce qui n'exclut pas une action de mode supérieur ; du genre de la
correspondance précisément. (« Correspondance active », serait-ce un
pléonasme ?).
Ainsi, les élus protègent et secourent autant qu'ils voient : privilège,
que nous avons discerné, de leur état.
Mais aussi, compte tenu des aspects électifs que conserve la
correspondance des âmes, et dont Kirchberger discutait avec Saint-
Martin, la Sagesse suprême [...] a permis qu'un homme vertueux après
vous avoir servi d'exemple pendant sa vie, soit encore admis après sa
mort au privilège des justes qui est de défendre et de secourir par les

25 Mon portrait..., op. cit., n" 243.

L’Initiation Traditionnelle - n° 4 de 2018


mérites de leurs prières les pauvres errants qui sont encore sur la terre. 16
Car il faut vous dire qu'avant que nous soyons tous devenus comme des
anges dans le ciel, c'est-à-dire sans aucune distinction matérielle et
sensible, l'âme suit encore pendant un temps après sa mort le cours
d'affections que lui avaient donné ses rapports et ses relations
corporelles pendant sa vie terrestre ; ainsi ayant été tous dans votre
famille, les principaux objets de ses sentiments, il ne faut pas douter que
vous ne soyez aujourd'hui pour lui les principaux objets de ses affections
spirituelles, et que les forces nouvelles qu'il a acquises ne s'unissent
secrètement aux vôtres pour vous maintenir de plus en plus dans les
voies qui mènent au sanctuaire vers lequel il a déjà fait les pas les plus
importants 26.
A l'inverse - mais non ! en réciproque : Peut-être la prière des Juifs
vivants et convertis obtiendra-t-elle la grâce de leurs pères détenus dans
les cercles de pâtiment et de purification 27.
L'Ecriture sainte, aux yeux de Saint-Martin, entérine et même
recommande la prière pour les morts : Indépendamment du passage des
Macchabées, il y en a un positif dans Jérémie (Lamentations, 2 : 19) «
Elevez vos mains vers lui pour l'âme de vos petits enfants qui sont
tombés morts de faim à tous les coins de vos rues. » Mais quelques-uns
prétendent que ce passage ne tombe point sur l'âme spirituelle28.
Cette dernière difficulté peut gêner l'exégète, l'anthropologie de
Saint-Martin ne la soulève pas. Mais la difficulté, en martinisme, tient à
l'énigme de la réintégration universelle : que devient, dans sa
perspective, l'enfer éternel ? C'est toute l'affaire de l'apocatastase, un
prochain chapitre lui sera consacré. Saint-Martin, cependant, reste
discret et tourne la difficulté en aporie. La pratique nous sort du dilemme.
S'il faut donc compter sur les morts, il faut aussi prier pour eux.
Prier pour les morts en pâtiment, en pâtiment de purification, en
pâtiment limité dans le temps. Car on doit croire - au moins d'une
manière opératoire - que des hommes souffrent des peines éternelles.
D'où la règle, règle pratique, j'y insiste : Comme il serait inutile de prier
pour tous les morts, il serait déraisonnable de ne prier pour aucun d'eux.
Il y a un intermède entre la condamnation et le salut. Et, dans cet
intermède, si l'on n'abolit pas la coulpe, on peut en espérer

26 Lettres aux Du Bourg, op. cit., pp. 35-36 (du 9 août 1778).
27 Pensées sur l'Ecriture sainte, op. cit., n° 30, L'Initiation, octobre-décembre 1963, p. 171.
28 Pensées sur l'Ecriture sainte, op. cit., ne 16, ibid., p. 165. Le passage des Macchabées est

évidemment II Macch. XII, 43-46, où Judas Macchabée fait offrir un sacrifice pour la résurrection des
morts. L'interprétation du passage est disputée : résurrection individuelle ou résurrection du peuple
d'Israël ? De la résurrection des morts selon Saint-Martin, cf. infra.

L’Initiation Traditionnelle - n° 4 de 2018


l'adoucissement. Là aussi, prions sans nous lasser. Saint-Martin se
17
compare, quand il prie pour feu son cousin Habert, à un « canon » divin.
Enfin, la prière pour les morts débouche sur le mystère du baptême
pour les morts :
1ère Corinthiens, 15 : 28-29… « Alors, le Fils sera lui-même assujetti
à celui qui lui aura assujetti toutes choses, afin que Dieu soit tout en tous.
Autrement, que feront ceux qui sont baptisés pour les morts ? S'il est
vrai que les morts ne ressusciteront point, pourquoi sont-ils baptisés
pour les morts ?»
Cet assujettissement futur et éternel du Fils au Père ne doit point
offrir l'idée d'une servitude ni d'une infériorité. C'est l'accomplissement
de la loi de leur être. Le Verbe est l'organe du Père, comme l'Esprit-Saint
est l'organe du Verbe. Cette loi en s'accomplissant n'a pour objet que le
bonheur de tout ce qui existe. C'est afin que Dieu soit tout en tous, que
l'organe de Dieu ou le Verbe sera réintégré dans sa pure et simple
opération divine, au lieu que, pendant son opération temporelle, son
action étant réduite ne pouvait agir que sur une portion des êtres et
n'influait sur les autres qu'en puissance. Ce sera pour vivifier tous les
points de notre ténébreuse circonférence que son action deviendra
entièrement divinisée. Toutes les opérations divines sont dictées par
l'amour. C'est par l'amour que J.-C. nous a admis à l'expiation ; c'est par
l'amour qu'il est venu la partager avec nous pour nous aider à la
supporter ; c'est par l'amour qu'il a quitté le séjour de sa gloire divine
pour se mesurer aux faibles dimensions de notre être ; c'est par l'amour
qu'il reprendra sa primitive et éternelle majesté, quand nous serons
assez purifiés et fortifiés par lui pour en soutenir l'éclat et la splendeur. Si
nous n'étions pas immortels, que feraient ceux qui sont baptisés pour les
morts ?
Ce baptême n'est autre chose que le développement de la charité,
par lequel le Réparateur s'est plongé dans l'abîme de nos misères pour en
retirer la malheureuse postérité de l'homme. Si l'homme s'était
entièrement noyé dans cet abîme, ce dévouement ou ce baptême aurait
été inutile ; et tous ceux qui, à l'exemple du souverain libérateur, se sont
livrés à ce dévouement, à cette immersion de charité pour aller retirer
des malheureux du précipice, auraient en vain employé leurs efforts à
cette œuvre inexplicable aux autres sens qu'à ceux de l'esprit et qui ne
peut trouver accès dans notre entendement que quand notre amour lui
ouvre ses organes les plus intérieurs et les plus vifs et se met par là en
contact avec elle. Ce baptême pour les morts est donc relatif aux êtres
visibles ou invisibles séparés, par la mort de l'esprit, de ceux qui le
reçoivent. Et, ici, il faut distinguer la destination et la fin des divers

L’Initiation Traditionnelle - n° 4 de 2018


baptêmes. Celui de saint Jean ou le baptême de l'eau n'a pour objet que 18
l'individu qui le reçoit. Celui de J.-C., ou le baptême du feu et de l'esprit, a
pour objet les êtres que le baptisé doit sauver et délivrer de la perdition.
C'est là le baptême pour les morts29.
Méditez ce texte abrupt et sans fond. Sous le regard de Saint-
Martin, vous y verrez les ombres et les lumières d'une péricope
conjecturale s'étendre au royaume de l'au-delà, pour une explication
mutuelle. Le Philosophe inconnu, ramassant sa doctrine particulière
jusqu'à retrouver l'universalisme dont elle procède, déclare le lien de
l'immortalité et du baptême, et que de la correspondance des âmes, dont
le principe est l'amour, dépend leur bonheur. Le symbole sublime du
corps mystique réinventé, il donne aux âmes un chef, une personnalité
au principe de la correspondance, un modèle aux baptistes et aux
baptisés : Christ a vaincu la mort, et nous tend la clef du grand œuvre.
Dans le prochain chapitre, nous récapitulerons la vie après la mort
selon Saint-Martin et nous serons alors capables de reconsidérer la mort
en face. Puis, ce sera le millénium, la résurrection, l'apocatastase.

*
* *

L’après-mort
Reprenons, quitte à joindre quelques précisions neuves, la doctrine
de Saint-Martin sur les états posthumes. Cette doctrine, ici comme
ailleurs, quand il s'agit de l'essentiel, n'a pas d'autres fondements ni
d'autre structure que la doctrine coën.
Aussi bien, faut-il situer d'abord ces états dans la doctrine générale,
où leur signification s'avère et se justifie leur existence. Or, le contexte et
le point d'insertion, que le théosophe a maintenus sans varier depuis que
Martines de Pasqually les lui avaient indiqués et permis, dans une
certaine mesure, de vérifier expérimentalement (l'expérience intérieure
relayera chez le premier l'expérience objective apprise du second, mais
en confirmera les états), voici en quels termes l'élève répétiteur les
résume dans ses notes de cours : 3 époques spirituelles pour l'homme :
1° depuis la naissance jusqu'à sept ans, non libre ; 2° depuis sept ans
jusqu'à la mort, obligé de sacrifier sa volonté s'il veut recevoir les
secours de son guide ; 3° après la mort, le guide agit et opère
nécessairement avec succès30.

29 Pensées sur l'Ecriture sainte, op. cit., n" 115, L'Initiation, juillet-septembre 1965, pp. 172-173.
30 Leçons de Lyon, éd. R.A., 5 janvier 1776.

L’Initiation Traditionnelle - n° 4 de 2018


Une heureuse fortune nous vaut de connaître le développement de
19
ce thème par Saint-Martin même, grâce à d'autres notes de cours, prises
par un auditeur, celles-là. C'est du Saint-Martin et c'est du Martines,
texte organique à lire d'affilée et auquel retourner.
« La première expiation que subit l'homme précipité dans la région
élémentaire est donc son incorporisation dans une forme ténébreuse, et,
pendant les neuf mois de la formation de son corps, le mineur est dans
une privation absolue de toutes ses facultés et est entièrement passif. Sa
première délivrance est lorsqu'il sort du sein maternel ; c'est pour lors
qu'il commence la carrière qu'il a à parcourir pour retourner au centre
vivifiant dont il est éloigné. Il est encore, dans ses premières années,
dans une entière dépendance de tout ce qui l'environne et dans
l'ignorance, mais il a déjà le sentiment de tout ce qui affecte
agréablement ou douloureusement son corps, et, à mesure que ce corps
acquiert son accroissement et que ses organes se développent et se
fortifient, il apprend peu à peu à discerner ce qui convient à son corps et
ce qui lui nuit pour le maintenir dans sa loi d'ordre, en attendant qu'il
puisse connaître ce qui convient et ce qui nuit à son être spirituel ; c'est
ainsi que commence son apprentissage et le combat continuel qu'il a à
faire pour distinguer le bien et le mal, le vrai et le faux, rejeter celui-ci et
adopter l'autre.
« Sa seconde délivrance arrive à sa mort corporelle. Alors, les
principes élémentaires de sa forme se séparent par la retraite du principe
de vie corporelle qui les tenait unis et les animait. Le mineur .qui est
assujetti à ne pouvoir exercer ses facultés par l'intermise [sic] des
organes du principe corporel qui lui servent de prison et de voile entre la
lumière et lui, se trouvant délivré de cette prison, est rendu à son état
d'esprit pur et simple, pouvant recevoir l'action spirituelle extérieure
directement par ses organes, spirituelle bonne et une action spirituelle
mauvaise parce qu'il a toujours à rejeter l'un et s'unir à l'autre ; sa
troisième et parfaite délivrance sera à sa sortie du cercle universel à la
fin des temps pour être réintégré dans le centre divin.
« Les privations, les souffrances et les travaux que l'homme
éprouve dans ces trois passages successifs en trois états différents sont
ce qu'on appelle le baptême du corps, de l'âme et de l'esprit. C'est ce qui
est désigné par les trois coups de poignards que le maître donne sur la
gorge, le cœur et les entrailles ; l'être spirituel mineur étant désigne par
la partie supérieure, l'âme ou le principe de vie corporel par le cœur, et la
forme élémentaire par les entrailles, pour nous indiquer que ces trois
choses doivent être délivrées successivement des liens qui les
retiennent.

L’Initiation Traditionnelle - n° 4 de 2018


« Ces trois sortes de baptêmes ont pour but la purification du
20
corps, de l'âme et de l'esprit. Les deux premiers baptêmes sont au
pouvoir du mineur, il peut purifier sa forme en dirigeant tous ses actes
corporels suivant les lois pures de sa nature et en écartant d'elle tout ce
qui peut lui nuire ; il peut ainsi purifier son principe corporel en
dominant toujours sur lui, et en n'employant ses facultés sensibles que
pour des actions conformes à l'ordre. C'est parce que la forme et son
principe corporel sont inférieurs et subordonnés au mineur que celui-ci
doit les purifier, mais, suivant la même loi, le mineur lui-même ne peut
être purifié que par une action supérieure à lui, et ne peut, par la force de
son désir, de sa volonté et de sa prière, que se disposer à recevoir son
baptême qui a lieu par la jonction de l'esprit bon sur lui qui est un effet
des pures grâces de l'Eternel ; c'est pour lors que sortant de
l'impuissance du nombre deux auquel il était uni, il entre dans sa loi
d'unité. »31
Martines et Saint-Martin encore, Saint-Martin exposant Martines
dont il ne démordra jamais en l'espèce, Saint-Martin, dans le même style
cursif, ramasse la géographie, que dis-je ? la cosmographie de l'après-
mort, en continuité de la vie sur terre et prolonge ainsi le schéma
géographique ouvert qui précède : Le cercle sensible terrestre dans le
sein de la femme, le cercle visuel terrestre en venant au monde, et le
cercle rationnel terrestre en mourant.
Alors commencent les cercles sensible, visuel et rationnel célestes.
Ce qui répète six32.
Trois cercles dans l'immensité, dans le cercle terrestre ? C'est que
la correspondance est universelle et la terre, donc, un microcosme. A
l'échelle macroscopique, on dira que chacun chemine sur la voie de la
réintégration en attendant le jour final, le jour que la réintégration, à
strictement parler, sera devenue possible. L'opération temporelle
commence dans le cercle sensible, c'est-à-dire couramment terrestre.
Puis, le mineur parvient de là dans le cercle visuel où s'accomplit la force
de son opération ; il va jouir du repos à l'ombre de sa réconciliation dans
le cercle rationnel, attentif à la réintégration pendante : Martines et Saint-
Martin passim ; mais l'un très discret quand il parle aux profanes, soit

31 - d° -, même date.
32 - d° -, 14 janvier 1774.
Sur cette cosmographie, en quoi s'analyse partiellement la cosmosophie de S.M. reçue de Martines,
et sur d'autres classifications du même genre et de la même source, avec leurs correspondances, cf.
notre exposé de la doctrine de Martines de Pasqually, L'initiation, 1969, passim. Sur la forme
particulièrement saint-martinienne de cette cosmosophie, cf. dans le présent exposé de la doctrine du
théosophe méconnu, le chapitre « Deux mondes en trois ou quatre ». Et, bien sûr, garder sans cesse à
portée de la main la « figure universelle » ...

L’Initiation Traditionnelle - n° 4 de 2018


presque toujours, l'autre appelant les choses par leur nom, et aussi
21
(mieux encore peut-être, à son goût) par leur type. Ainsi, Saint-Martin
découvre à une classe de coëns lyonnais, d'après Willermoz qui en était :
« Les divers campements qu'ils [sc. les Israélites] font dans le désert
après ce passage semblent annoncer les travaux pénibles du mineur dans
le cercle sensible. La loi qu'il reçoit au bas du Sinaï n'annoncerait-elle
point son retour à sa puissance première dans le cercle visuel et enfin
l'entrée des Israélites dans la terre promise, l'entrée du mineur dans le
lieu de sa réintégration spirituelle, ou l'exercice entier de sa puissance
dans le cercle rationnel. » 33
Enfer, purgatoire, paradis, nous avons survolé ces états en forme
de lieux. Deux dispositifs fonctionnent : il y a plusieurs demeures partout
; s'ensuivent (mais on pourrait renverser l'ordre des facteurs) un
cheminement nécessaire, ainsi que nous le suggérions tout à l'heure et
une intercommunication.
Quant à la purification, ajoutons ceci : il se peut que dans les
régions astrales, quand elles sont surveillées par un bon guide, les
coupables mêmes soient compris dans la délivrance et la rectification des
innocents34. Aussi, selon Martines répété par d'Hauterive cette fois, et
rien n'incite à penser que Saint-Martin ait jamais divergé, « dans la
troisième circonférence céleste, on oublie tout le temporel, ce qui est
figuré par les trois fleuves de la fable dont le dernier faisait oublier tout le
passé. L'esprit qui nous y a accompagné redescend. »35 Enfin, le plus
juste demeure quarante jours dans les cercles temporels de purification36.
Quant au paradis, il implique, à la fois logiquement et activement, la
purification : Les chaînes de notre esclavage rompues, nous oserons
même toucher l'arche sainte, sans craindre d'en être renversés, parce
que nous serons enveloppés de ses propres rayons, et qu'étant aussi
supérieure à l'arche de Moïse, que le réel et le vrai le sont au passager et
à l'apparent, elle ne laissera approcher de son enceinte que ceux qu'elle
aura purifiés 37 Les conditions, en somme, de notre condition.
Ainsi, le paradis se peuple et l'on échappe à l'enfer. Au point de
l'entièrement vider ? Un mot de plus là-dessus dans un instant et un
chapitre à venir.

33 - d°-, 21 janvier 1774.


34 Le Crocodile, ch. 91, éd. 1799, p. 422-423 ; éd. 1962, p. 208 ; éd. 1979, p. 232.
35 Leçons de Lyon, éd. R.A., 20 septembre 1775.
36 - d° -, 22 juillet 1775 (notes de S.M.).
37 Traité des bénédictions, ap. Œuvres posthumes, 1807 (fac-sim. à paraître, Hildesheim, G. Olms),

t. II, p. 207.

L’Initiation Traditionnelle - n° 4 de 2018


Si le sort posthume d'aucun homme ne se laisse déceler avec
22
certitude, sauf cas d'exception, au regard des soi-disant vivants, du
moins il y a sûrement un moyen de juger des dimensions qu'aura la
demeure future de chacun de nous qui habitera les régions éternelles ;
c'est de considérer bien attentivement les dimensions des divers
fondements que la Divinité pose en nous journellement, car c'est une loi
lumineuse et positive que les proportions et les dimensions de l'édifice
soient calquées sur celles de ses fondements38.
Surtout, le sens général du voyage découle de la nature des objets
qui l'aimantent, et c'est ainsi que l'ensemble du système qualifie les états
posthumes tant à subir qu'à atteindre. Qu'importent en soi les premiers ?
Comprenons les seconds par analogie, et la marche corollaire.
Quand l'homme serait assez heureux pour se former, pendant son
séjour sur la terre, un ensemble de lumières et de connaissances qui
embrassât une sorte d'unité, il ne pourrait encore se flatter d'avoir le
complément des véritables jouissances, puisqu'elles sont supérieures à
l'ordre terrestre : il n'aurait que l'esquisse et la représentation de ces
vraies lumières, puisqu'ici tout étant relatif, il n'y peut, pour ainsi dire,
posséder rien de réel et de vraiment fixe.
« Que l'homme intelligent médite ici sur les lois de l'astre lunaire
qui nous représentent, sous mille faces, notre privation ; qu'il examine
pourquoi cet astre ne nous est visible que pendant ses jours de matière ;
et pourquoi nous le perdons de vue le vingt-huitième jour de son cours,
quoiqu'il se lève également sur notre horizon. »
Tout se réunit pour prouver à l'homme qu'après avoir parcouru
laborieusement cette surface, il faut qu'il atteigne à des degrés plus fixes
et plus positifs, qui aient plus d'analogie avec les vérités simples et
fondamentales dont le germe est dans sa nature. Enfin, il faut à la mort,
qu'il réalise la connaissance des objets dont il n'a pu apercevoir ici que
l'apparence.
« Je peux convenir que ces connaissances supérieures consistent
dans l'intelligence et l'usage de deux langues au-dessus des langues
communes et vulgaires, puisqu'elles tiennent aux jouissances primitives
de l'homme. La première a pour objet les choses et n'a que quatre lettres
pour tout alphabet ; la seconde en a vingt-deux et s'applique aux
productions, soit intellectuelles, soit temporelles du grand Principe : le
même crime a privé l'homme de ces deux langues. S'il y avait une
nouvelle prévarication, il se formerait pour lui une troisième langue qui

38 De l'Esprit des choses, op. cit., t. II, p. 62.

L’Initiation Traditionnelle - n° 4 de 2018


aurait quatre-vingt-huit lettres, et qui le reculerait encore plus de son 23
terme. »
« J'ajouterai qu'il y a des langues fausses et opposées aux trois dont
je viens de parler. Celle qui correspond à la langue divine a un alphabet
de deux lettres ; celle qui correspond à la seconde en a cinq ; enfin, s'il y
avait une nouvelle prévarication, la langue fausse qui l'accompagnerait
aurait cent dix lettres dans son alphabet. »
« La connaissance des deux langues pures que l'homme acquiert à
sa séparation d'avec les objets terrestres doivent (sic) produire sur lui
des effets plus satisfaisants que tout ce que nous pouvons éprouver ici-
bas : elles doivent étendre ses jouissances, comme ayant une action plus
vivante que les objets de la Nature visible. Mais aussi, s'il doit encore
éprouver des suspensions dans sa marche, ces obstacles deviennent plus
douloureux pour lui, parce qu'à mesure qu'une force approche de son
centre, sa tendance augmente, et le choc des résistances devient plus
violent. »39
Ultime synthèse : Notre être pensant doit s'attendre à des
développements immenses, quand il sera sorti de sa prison corporelle, où
il prend sa forme initiatrice, comme l'enfant prend celle de son corps
dans le sein maternel [...]
Mais j'aperçois une loi superbe. Plus les proportions se rapprochent
de leur terme central et générateur, plus elles sont grandes et puissantes.
Cette merveille que tu nous permets de sentir et de découvrir, ô
vérité divine ! suffit à l'homme qui t'aime et qui te cherche.
Il voit en paix dévider ses jours ; il le voit avec plaisir et
ravissement.
Parce qu'il sait, que chaque tour de la roue du temps rapproche
pour lui cette proportion sublime, qui a Dieu pour le premier de ses
termes, et qu'il est déjà prévenu que c'est l'homme qui sera le second 40.
Mais à quand la récapitulation ? L'homme réconcilié n'est point l'homme
réintégré : L'homme, après avoir passé par tous les temps de sa
purification et réconciliation, ne sera lui-même parfaitement réintégré
qu'après avoir opéré la réintégration des démons, ce qui est figuré par les
reptiles sur les cadavres, les uns ne cessent qu'avec les autres41.
Pouvions-nous éluder plus longtemps de déclarer l'apocatastase ? (Car si
les démons sont réintégrés, qui demeurera dans la géhenne ?) Et nulle

39 Tableau naturel..., éd. 1782 (fac-sim., Hildesheim, G. Olms, 1980), t. I, pp. 106-109.
40 L'Homme de désir, ch. 220, éd. 1790 (fac-sim., Hildesheim, G. Olms, 1980), p. 312 ; éd. 1979, p.
252. Sur la captation réincarnationiste de ce passage, cf. supra, l'Initiation, 1976, n° 3, p. 156, n. 5, et
infra, n. 228.
41 Leçons de Lyon, éd. R.A., 4 octobre 1775 (notes de S.M.).

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surprise que ce soit en faisant écho, pour conclure, sur les états
24
posthumes, à la voix de Saint-Martin recueillie dans un cercle ésotérique.
Que l'homme, pour autant du moins qu'il s'est dissocié des démons,
puisse - et doive - aider à leur réintégration, fournit un exemple majeur
d'intercommunication entre les lieux, qui figurent des états, posthumes,
non moins qu'entre ces lieux et l'immensité terrestre. Toutes les régions
de l'univers ne sont-elles pas contiguës ? L'arbre qui a le pied caché dans
la terre, participe, par ses rameaux, à toutes les actions de l'atmosphère.
La pensée de l'homme enseveli dans les ténèbres de son corps, pourquoi
ne participerait-elle pas à toutes les actions de son atmosphère céleste ?
Tristes rejetons de la postérité humaine, vous êtes tous solidaires.
Les douleurs de vos frères ne sauraient vous être étrangères. S'ils sont
dans l'atmosphère corrompue, leurs influences doivent se communiquer
jusqu'à votre demeure ; et vous avez alors la double tâche de vous
défendre de la corruption, et de poursuivre votre croissance. [...]
Consolez-vous, hommes de paix, vous n'êtes pas non plus séparés
de ceux de vos frères qui habitent une atmosphère pure ; la mort ne
sépare que le méchant ; c'est à lui à attendre que l'on vienne lui apporter
des secours 42. Encore le méchant, s'il a perdu la capacité, demeure
susceptible. A l'acmé, les saints retiennent le bras de Dieu43, mais n'est
pas saint tout ce qui réclame culte de dulie, au péril d'idolâtrie 44 ; et les
hommes, mal inspirés par les démons ou leurs suppôts plus ou moins
conscients, risquent de succomber à ce danger mortel, lors même qu'ils
invoquent d'authentiques saints, mais à l'excès45.

42 Le Nouvel Homme, éd. 1792 (fac-sim., Hildesheim, G. Olms, 1981), pp. 320-321.
43 Cf. – d° -, p. 160.
44 A propos des « missions fausses », que dénonce, entre autres prestiges, Ecce homo : Car si ce

n'est pas le principe des ténèbres lui-même qui les dirige, et qui emploie ces puériles règles pour
étouffer la vraie piété, il se peut que ce soit des individus déjà sortis de ce monde, qui pendant leur vie
terrestre auront été incorporés dans ces établissements conventionnels ou figuratifs, qui détenus
encore dans des régions inférieures, et n'étant point encore montés aux régions de leur parfait
renouvellement, peuvent conserver des relations terrestres dans l'ordre de la piété inférieure, et ne
savent enseigner de ces relations que les doctrines réduites et bornées dans lesquelles ils ont été
instruits sur la terre, et dont ils n'ont point encore eu le temps de se laver (op. cit., § 6, pp. 96-97).
45 Ecce homo démonte cette autre ruse de Satan : Ces missions n'en sont pas moins fausses, lors

même qu'elles s'annoncent sous le nom de la Vierge humaine, et sous celui d'autres créatures
privilégiées. C'était assez que, par le penchant de l'homme à sanctifier tous ses mouvements et à
diviniser les objets de ses affections, les simples prières et les simples invocations qu'il a adressées à
ces êtres privilégiés, eussent pris dans son esprit un caractère plus élevé et plus imposant. [...]
Et en effet combien de personnes en priant ces êtres secourables, se surprennent-elles à croire
prier la Divinité même, et finissent par ne savoir plus comment en faire la différence ? Combien se
sont surprises à les adorer en ne croyant faire autre chose que les prier : espèce d'idolâtrie qui est
d'autant plus dangereuse qu'elle prend son origine dans notre sensibilité, dans notre amour, et même
dans nos vertus, si ce n'est pas dans nos lumières.
Or, c'est alors que le principe des ténèbres, profitant des faux pas que nous fait faire notre
sensibilité mal éclairée, nous conduit aisément ensuite dans toutes les autres voies extralignées qui lui

L’Initiation Traditionnelle - n° 4 de 2018


L'homme progressant dans l'au-delà secourt les hommes en état de
25
besoin, quel que soit cet état, d'incorporisation ou posthume. Mais, dès
ici-bas, sa solidarité aspire à l'exercice et le commande, sans que la
charité l'exclue de ses propres faveurs ; il se les doit au premier chef. La
vie de l'homme qui sait est de jouissance, elle est aussi d'opération, dans
ce monde avant de l'être dans l'autre. Tu as désormais, premièrement, à
te régénérer toi-même ; secondement, à régénérer l'univers ;
troisièmement, à monter ensuite au rang d'administrateur des trésors
éternels, et à admirer les vivantes merveilles de la Divinité 46.
L'existence terrestre induit son sens de la vie après la mort ; elle
offre des indices de ce sens, elle contient le germe de cette vie. Hors une
perspective universaliste, toute position théosophique de Saint-Martin
paraît infirme et difforme, car la théosophie est une philosophie, la seule
philosophie de l'universalité - la seule philo-sophie. Or, Saint-Martin
n'est jamais que théosophe. Frémissons de crainte de sortir de ce bas
monde avant d'avoir été réellement les témoins des alliances saintes qui
attendent notre déposition et notre témoignage effectif et démonstratif.
Frémissions de crainte de n'en avoir pas rempli les conditions, comme
nous l'aurions pu, avant de paraître devant ce tribunal supérieur, où l'on
tient un état si fidèle de tous ces témoignages qui auront été rendus à
cette continuelle et imperturbable munificence de notre Dieu. Ne cessons
de considérer que, quand autrefois nous sommes descendus de notre
sublime poste, nous avons attiré tout avec nous dans nos funestes et
illusoires apparences, et que, par conséquent, nous sommes toujours à
même de tout retrouver, si nous entrons dans les voies qui nous ont
suivis dans notre chute, et qui ne cessent de se placer au-devant de
nous47.
Annonce de l'œuvre, du grand œuvre. Sur la terre (se confie à lui-
même, s'encourage Saint-Martin), tant qu'on y est, on peut espérer de
faire sa réconciliation 48. Sa réconciliation partielle, au moins, qui prépare
la réconciliation complète, dans l'expectative de la réintégration 49. Il n'en

sont familières ; c'est lorsque, sous des noms vénérables, devenus sacrés pour nous, il peut préparer,
annoncer et opérer des événements et des merveilles tellement combinées que selon les
avertissements qui nous en sont donnés, elles pourraient tromper les élus mêmes.
Et pourquoi s'efforce-t-il de donner à ces noms une influence aussi considérable, et comme des
pouvoirs divins, si ce n'est afin de voiler pour nous, autant qu'il lui est possible, le nom du Dieu
véritable qui ne lui laisserait aucun mouvement et qui le tiendrait lié dans ses abîmes (op. cit., § 6, pp.
88-91).
46 Le Ministère de l'homme-esprit, op. cit., p. 59.
47 Ecce homo, op. cit., § 9, pp. 14-162.
48 Mon portrait, op. cit., n° 280.
49 Nuance essentielle et superflue en très peu de cas : S.M. l'a bien marquée dans une instruction

qui, précise du même coup la nature du travail, que la mort permet d'améliorer d'une manière

L’Initiation Traditionnelle - n° 4 de 2018


est pas moins expédient, et vrai relativement, d'exhorter comme suit :
26
Nous n'avons qu'un temps pour notre expiation, c'est donc nous perdre
que de différer ; et d'autant qu’à tout moment notre parole peut être mise
en usage, etc. 50
Mais, heureusement pour ceux qui auront pris le risque de se
perdre, l'après-mort, l'autre monde nous garde en réserve une seconde
chance : véritable hôpital de celui-ci51.
Reconsidérons la mort, temps du troisième baptême. Autour d'elle
le sens de la doctrine, et, par conséquent, de notre vie unique - avant et
après la mort -, s'articule.

*
* *

La mort reconsidérée
Face à face
Reconsidérons la mort, temps du troisième baptême. Autour d'elle,
le sens de la doctrine, et, par conséquent, de notre vie unique - avant et

spécifique. Je cite le résumé d'un auditeur de la leçon donnée à Lyon, le 29 novembre 1775 et éditée
dans nos Leçons de Lyon.
« Le sujet de l'instruction a été sur les bénédictions divines que l'homme pouvait attirer sur lui. Ce
sont ces bénédictions qui lui font produire les facultés qui sont en lui, et qui resteraient comme nulles
sans ce secours, mais il ne peut les obtenir qu'à des conditions dont il peut trouver des types dans
toute la nature. De même que, parmi les êtres matériels, un germe ne peut avoir de végétation
qu'après la putréfaction, c'est-à-dire que lorsque les vertus terrestres ayant détruit son enveloppe ont
pénétré jusqu'à lui pour l'actionner et lui faire produire à son tour les vertus et facultés qui sont en lui,
ainsi l'homme ne peut parfaitement réacquérir les vertus et puissances de son âme qu'après que les
vertus divines ont opéré la réintégration de sa forme corporelle et actionné son être spirituel.
Néanmoins nous pouvons espérer de les réacquérir en partie même pendant ce premier passage
temporel, parce que les êtres destinés à opérer la réintégration de notre forme commencent leur
travail sur elle dès qu'elle existe, et notre forme nous ayant été donnée à purifier pour parvenir par là à
la purification de notre être spirituel, à mesure que la purification de notre forme s'avance, nous
devenons à portée de recevoir à proportion dans notre être spirituel l'influence des vertus divines qui
lui donnent sa vie et son action. Mais, si l'homme n'avait pas en lui le germe de ses facultés, toutes les
bénédictions et les influences qu'il recevrait ne lui feraient rien produire, parce que la pensée ne peut
être commune qu'entre des êtres de même nature, et qu'elle ne peut être communiquée [etc.] ».
50 Leçons de Lyon, éd. R.A., 21 février 1776 (notes de S.M.).

L'eschatologie individuelle du Philosophe inconnu contrarie, on le voit, la métempsycose que,


d'ailleurs, il rejette expressément. Mais Saint-Martin a aussi envisagé les croyances réincarnationistes,
afin d'en extraire les vérités que, selon lui, elles camouflent. Ici conviendrait-il donc de résumer cette
herméneutique. Mais, pour répondre à l'impatiente perplexité de certains, le sous-chapitre pertinent a
été publié en anticipation. Contentons-nous donc d'en porter mémoire : L'Initiation, janvier-mars
1977, p. 33-39 (cf. 1976, juillet-septembre, pp. 156-157). Quand ce texte sera repris en volume, nous
y ajouterons la discussion épistolaire que Jean-Baptiste Willermoz et le baron de Turkheim soutinrent
en 1821, au sujet de la rotation des âmes dont Charles de Hesse s'était fait le champion (documents
conservés à la B.M. de Lyon, Ms. 5899). Un extrait d'une de ces lettres, de Willermoz, a été donné
supra, n. 154 et citation appelée.
51 Mon portrait, op. cit., n° 753.

L’Initiation Traditionnelle - n° 4 de 2018


après la mort - s'articule. Plus que jamais, ici, la théorie dicte une
27
pratique et la pratique requiert d'être informée par des connaissances
sublimes. Pour qui, du moins, entretient une haute ambition spirituelle, la
plus haute ambition spirituelle, et la plus haute de toutes les ambitions.
Une ambition d'apparence folie, et pourtant très raisonnable, une
ambition d'apparence orgueilleuse, et pourtant l'expression d'une parfaite
humilité, une ambition que l'homme choisi doit réaliser ; et il le peut dès
lors que nous nous savons et nous sentons capables de tout, et de Dieu
même, avec Dieu, capables sans Lui de rien - que dis-je ? capables du
néant. Mais il n'y a de néant que le principe initial et final de la matière.
La mort, surtout, ne débouche pas sur le néant. Mais le malheur peut
s'ensuivre.
Voici l'axiome : La mort est une action ; comment peut-elle donner
l'idée du néant ?52 Cette action consiste, voyions-nous, en un troisième
baptême ; elle s'analysera en un double mouvement. Saint-Martin
reprend, en tâchant à profiter du meilleur de son contenu sans bornes,
une formule traditionnelle : La mort corporelle de l'homme est sa
seconde naissance 53. Et il glisse, écoutons-le : La fin et le commencement
des choses sont toujours analogues54.
Mort, fin d'un moment de la vie, plutôt que fût-ce d'une vie. Ou, si
l'on veut, fin de la vie corporelle. Mais le corps tient au néant et à la mort
qui l'évoque puisque c'est lui qui nous y astreint. En ce sens, la mort
n'existe plus. Est-ce que ton invincible mère ne l'a pas détruite ? Elle a
injecté la vie en s'introduisant dans les plus profonds réduits de ton être.
Ce n'est plus moi qui vis, ou plutôt j'étais mort, mais Notre Mère Jésus-
Christ vit en moi. La mort est devenue l'entrée dans le temple de la
gloire 55. Tel est le sens latent de la mort ; notre but est de l'effectuer. Le
but de la vie.
Un seul vrai mal, un seul mal à proprement parler, car il mutile la
vie, l'annihile en partie, il gâte la mort, la mortifie : mourir corporellement
avant d'être ressuscités de notre propre tombeau 56. Cette mort-là mérite
seule de nous épouvanter.
Pleurez, mes amis, pleurez, la nature vous le permet, l'amitié vous
le demande, la raison même suspendrait ses reproches si jamais elle
pouvait avoir à vous en faire 57. Ainsi s'adresse le Philosophe inconnu à la

52 Le Livre rouge, n° 39 (ap. Carnet d'un Jeune élu cohen, op. cit., p. 271).
53 Le Livre rouge, n° 133 (ibid., p. 272).
54 Pensées sur les sciences naturelles, n° 40 (inédit).
55 Cf. De l'Esprit des choses, t. II, p. 48.
56 De l'Esprit des choses, t. II, 49.
57 Lettres aux Du Bourg, op. cit., p. 35 (lettre du 9 août 1778).

L’Initiation Traditionnelle - n° 4 de 2018


veuve et aux enfants du président Du Bourg décédé. Mais, après avoir
28
fait le sacrifice le plus pénible que la nature ait à faire58 - ne nous
leurrons pas : nous ne sommes pas des anges, nous sommes aussi des
êtres de nature -, vivez, après la mort d'un être cher et pieux à défaut
d'être initié, vivez comme vous savez, dans l'intime de votre foi, qui
culminerait en gnose : L'objet que la volonté suprême vous a ravi était un
assemblage éphémère de deux substances lancé dans le temps comme
un éclair, plongé sur cette surface pour en rebondir presque aussitôt qu'il
l'aurait frappé ; dans ce choc terrible et si périlleux, il n'a point laissé
altérer son essence [...] tout vous engage à le regarder comme un
heureux voyageur, qui a été préservé des accidents et des dangers de sa
route, et que cette main divine a conduit enfin avec le même bonheur au
port du salut 59.
Et trouvez dans la communication réciproque qui interdit de parler
d'une séparation, sauf sur le plan de la matière, à lui aider et à en
recevoir de l'aide... A lui aider encore davantage, s'il chemina dans les
ténèbres.
Pensons de la sorte aux partants toujours présents et à nous-
mêmes (au lieu de pleurer sur eux pour moi60, comme Saint-Martin s'en
confesse quand Kirchberger part). Pensons à notre propre mort.
Puisque la mort est une étape décisive vers la floraison de notre
être, ne devrions-nous pas la considérer ainsi qu'un germe conscient de
la superbe forme qui l'attend 61 ? Mais c'est l'ignorance qui nous fait
craindre la mort. Notre principe spirituel vit, quant au sort posthume,
dans une incertitude qui ombrage les hommes et les tourmente62.
Chez Saint-Martin, au contraire, la clarté : On a même porté
l'attention jusqu'à me découvrir les merveilles secrètes dans lesquelles
nous vivons, et cela sans me faire travailler pour les acquérir, et
sûrement dans l'intention de m'épargner toute surprise lorsque le
moment sera venu pour moi de me réunir à ces magnificences63.
Jouirions-nous de moindres faveurs, le témoignage du théosophe
nous encouragerait à œuvrer afin d'obtenir que Dieu nous découvre aussi
quelques-uns des trésors dont la miséricorde sans repentir nous a
institués héritiers, et cet effort, cette primeur nous prépareront pour

58 Ibid.
59 Ibid.
60 « Correspondance... », éd. R.A., L'Initiation, avril-juin 1961, p. 52 (lettre à Effinger, du 24

décembre 1799).
61 De l'Esprit des choses, t. II, p. 38.
62 - d° -, t. II, p. 39.
63 Mon portrait..., op. cit., n° 37.

L’Initiation Traditionnelle - n° 4 de 2018


l'entrée en possession de la masse. Sitôt les premières lumières, un peu
29
de l'enthousiasme de Saint-Martin se lève, nous saisit...
Comment donc regarder la mort ? Il est une autre forme
d'inconscience qui peut conduire à l'apparence du courage, mais qui,
manquant le problème, manque toute chance de pouvoir le résoudre. La
mort de Socrate, pour glorieuse et admirable qu'elle paraisse au regard de
la philosophie humaine, Saint-Martin lui reproche d'échapper au
tragique. L'état de l'homme aux prises avec son ennemi64 ne s'y dépeint
pas.
Or, l'homme est l'homme, je le répète, l'ennemi est l'ennemi et ils
sont aux prises. Qu'y faire, sinon élaborer une tactique et, mieux, une
stratégie en vue de gagner la mort ?
Ne croyons donc pas que la mort n'est rien, ainsi que l'enseignent
souvent des doctrines un peu précipitées. L'indifférence n'est pas le
courage. La vraie bravoure est le sentiment divin de notre supériorité sur
ce corps terrestre et sur tous les ennemis dont il est le refuge ; c'est la
vive persuasion qu'en nous l'ôtant, on ne nous ôtera rien de ce qui est
nous, et que nous avons d'avance remporté la victoire, en soustrayant à
l'ennemi, par notre conduite passée, toutes les portions de notre
domaine, qu'il voudrait nous enlever ; ce qui fait que la vraie bravoure ne
peut appartenir réellement qu'au vrai sage et qu'à l'homme régénéré ; car
la bravoure qui n'est pas de Dieu est ou animale ou folle.
Or, comme cette mort doit être le dernier acte de notre combat, et
le moment où l'ennemi va déployer toutes ses forces, et en même temps
celui où la couronne de vainqueur nous attend, il n'y a que l'aveugle et
l'insensé qui puissent la voir avec un exil nul et avec une absolue
indifférence ; car elle mérite notre attention, si nous la considérons
comme une bataille, et elle mérite tous nos transports, si nous la
considérons comme un couronnement et une délivrance.
De ces deux sentiments, dont l'un est laborieux et l'autre ravissant,
il s'en doit former un troisième qui est un doux mélange de dévouement
et d'espérance, et qui constitue l'état de paix vive et de calme animé,
dont l'âme de l'homme régénéré doit être remplie et doit donner les
signes à cette grande heure65.
S'impose donc, naturellement, la règle générale de notre conduite.
L'art de bien mourir se confond avec le bon usage de la mort, et la
science par excellence nous en instruit. Réfléchissez seulement,
regardez.

64 De l'Esprit des choses, t. II, p. 41.


65 — d° —, t. II, p. 40.

L’Initiation Traditionnelle - n° 4 de 2018


En apercevant tant de beautés dans les productions des êtres 30
physiques, dont la loi n'a point été dérangée, nous pouvons donc nous
former une idée des merveilles que l'homme ferait éclore en lui s'il
suivait la loi de sa vraie nature, et qu'a l'image de la main qui l'a formé, il
tâchât, dans toutes les circonstances de sa vie, d'être plus grand que ce
qu'il fait.
Son être intellectuel arriverait au dernier terme de sa carrière
temporelle, avec la même pureté qu'il avait en en commençant le cours.
On le verrait dans la vieillesse unir les fruits de l'expérience avec
l'innocence de son premier âge. Tous les pas de sa vie auraient fait
découvrir en lui la lumière, la science, la simplicité, la candeur, parce que
toutes ces choses sont dans son essence. Enfin, le germe qui l'anime se
serait étendu sans s'altérer ; et il rentrerait, avec le calme de la vertu,
dans la main qui le forma, parce qu'en lui représentant, sans aucune
altération, le même caractère et le même sceau qu'il en avait reçu, elle y
reconnaîtrait encore son empreinte, et y verrait toujours son image.
On peut dire que, si la plupart des hommes sont tant éloignés d'un
pareil calme au moment de cette importante séparation, c'est qu'ils n'ont
pas été pendant leur vie assez ingénieux ni assez fiers pour apercevoir
leur grandeur et pour la conserver, en sorte que, s'étant confondus avec
les choses mixtes et temporelles, ils croient qu'ils vont cesser d'être
quand celles-ci viennent à les abandonner66.
D'acquérir la connaissance et de l'appliquer en notre existence
rendent du même coup la mort moins affreuse et plus féconde. Ce que
les hommes pieux appellent bien mourir, selon les doctrines et les usages
des religions où ils vivent, n'est pas suffisant pour remplir l'objet dont il
s'agit [...j Il faut encore avoir des notions de tout ce qui a rapport à ce
grand événement67.
Tout ce qui est est germinal, tout ce qui peut être est germe, la loi
universelle est d'action et de réaction. L'homme, semblable à un arbre, et
dont la parole est semence, a le germe de sa forme future. C'est dans
l'attente de sa floraison que la mort prochaine nous emplissait de joie,
désirable. Apprenez donc qui nous sommes.
Pour connaître la mort, il faut connaître la vie. Le sage a eu le
bonheur de goûter la vie 68. Comment ?

Avant, ou ici-bas (annoncé dans le sommaire mais non publié)

66 Tableau, naturel..., t. I, pp. 104-105.


67 De l'Esprit des choses, t. II, p. 45.
68 Cf. De l'Esprit des choses, t. II, p. 48.

L’Initiation Traditionnelle - n° 4 de 2018


EXTRAITS DE 31

LA CLE DU SUCCES DANS LA VIE


LE SERMON SUR LA MONTAGNE
D’E MMET F OX (1886-1951)
Ainsi que les commentaires de Robert Delafolie et de l’auteur de
cet article, marqués en retrait de la marge et entre parenthèses.

L’Initiation Traditionnelle - n° 4 de 2018


Préface :
32
« Si nous sommes prêts à rompre avec le vieil homme - le moi
d’aujourd’hui - pour recommencer sa vie avec le nouveau, alors l’étude
attentive du magnifique Sermon sur la Montagne nous élèvera vers les
sommets de l’Affranchissement ».

Ainsi Emmet Fox titre-t-il son livre en désirant offrir au lecteur un


manuel pratique de développement spirituel, qui soit le plus court
chemin pour atteindre la Vérité. Avec cette analyse profonde et inspirée
du Sermon sur la Montagne et de la prière du Notre Père ou Oraison
Dominicale en fin d’ouvrage, Emmet Fox atteint son objectif, celui de
pousser plus avant la connaissance pour atteindre la « couche de glaise
bleue où reposent les diamants les plus purs ». Car la Sagesse est la
fusion parfaite de l’Intelligence et de l’Amour. Emmet Fox est une des
principales figures de la mouvance de la Nouvelle Pensée (New
Thought) au sein du christianisme américain. Pasteur de la Science
Divine, il est essentiellement connu pour ses écrits spirituels prônant la
pensée positive. Il eut une influence importante sur les débuts des
Alcooliques anonymes aux États-Unis.

Est-il un moyen scientifique de capter – afin de l’utiliser dans notre vie –


la Puissance infinie qui sommeille dans l’univers ?

Emmet Fox répond : OUI et nous montre dans son livre étonnant
comment on peut y parvenir. Pourquoi les salles de conférences les plus
vastes de la Ville de New York étaient-elles prises d’assaut pour
entendre Emmet Fox ? Parce qu’il leur apportait un message NOUVEAU –
un message qui les aidait à obtenir ce qu’ils désiraient dans la vie.
Sans rechercher l’effet ou la sensation, ce message révèle en toute liberté
et avec plénitude, le Secret Oublié de la Puissance personnelle, telle
que l’a pratiquée et telle que l’a révélée le Christ.

Ceux qui ont éprouvé cette méthode nouvelle, que d’aucuns appelleront
des « miracles », ont valu à Emmet Fox des centaines de lettres de
personnes anxieuses de s’informer et de s’initier. C’est pour eux qu’a été
écrit et publié « Le Sermon sur la Montagne ». Au fil de cette lecture,
on y découvre la Clé du Succès et le Secret de la Puissance. « Cette
Puissance », déclare l’auteur, « est la véritable source de tout ce qui
existe. Il suffit qu’elle coule dans votre être et se transforme en
santé, en prospérité vraie, en Inspiration, en tout ce dont vous avez
besoin. Elle est partout présente. Elle n’appartient à personne, en

L’Initiation Traditionnelle - n° 4 de 2018


particulier, car elle est à tous. Elle attend, en toutes circonstances, que
33
nous lui fassions appel.

Extraits :
Il semble qu’en matière religieuse, l’homme soit porté à croire ce qu’il
aimerait croire, ou ce qu’on cherche à lui faire croire, plutôt que de
prendre la peine de faire, en toute liberté d’esprit, les recherches
nécessaires dans les Ecritures. Ainsi, des hommes parfaitement sincères
se sont attribué les fonctions de chefs de la chrétienté, en se donnant des
titres les plus imposants et les plus prétentieux qui soient, et en
s’affublant de vêtements somptueux pour mieux impressionner les
foules, bien que leur Maître, en langage clair et net, eût défendu à ses
disciples de rien faire de semblable :

« Mais vous, ne vous faites point appeler maîtres, car vous n’avez
qu’un seul Maître, et vous êtes tous frères ».  La Sainte Bible ;
version synodale. Matthieu 23 : 8.

Cependant, personne ne peut sauver l’âme de son frère et personne ne


peut payer sa dette. Nous pouvons et nous devons simplement nous
entraider, mais chacun doit s’efforcer de résoudre ses propres difficultés,
de reconnaître ses erreurs, pour ne pas récidiver, afin d’éviter les pires
calamités.

Jésus combattit tout attachement aux rites et règles arbitraires. Si la


lettre tue (cf. les Pharisiens), l’Esprit donne la Vie (pour mémoire :
pharisien = personne dont la vertu et la piété ostentatoire ne sont pas
réelles).

Jésus a prouvé tout ce qu’Il avançait, jusque dans cette victoire sur la
mort, que nous appelons la Résurrection. Quand nous surmontons une
difficulté en élevant notre esprit vers la Source de Tout ce qui Est,
nous aidons la race humaine (passée, présente et future), à vaincre
ce genre de difficulté. Ainsi, en surmontant tous les obstacles qui se
présentent aux hommes, et surtout en dominant la mort, Jésus accomplit
une œuvre d’une valeur si unique, incalculable, qu’il mérite pleinement
le titre de Sauveur du Monde.

Son enseignement tout entier est anti-ritualiste, anti-formaliste. Il ne


tolérait pas les prêtres juifs et leur théorie selon laquelle on gagnait le ciel
par l’observance scrupuleuse des rites du temple. « Le temps est proche

L’Initiation Traditionnelle - n° 4 de 2018


où vous n’adorerez votre Père ni sur cette montagne, ni même à
34
Jérusalem … L’heure vient et elle est déjà venue où les vrais adorateurs
adoreront le Père en Esprit et en Vérité, ce sera alors le règne de la
joie, jubilation, liberté, et la fin des Eglises et leurs articles de foi
quelque peu rigides.
Dans la réalité, se croire en état de péché, c’est être en état de péché,
avec toutes les conséquences que cela comporte.

Ci-après, en italiques, les paroles de la Béatitude servant de prologue au


« Sermon sur la Montagne » :

« Heureux les pauvres en Esprit car le Royaume des Cieux est à eux

Cela signifie avoir perdu le désir d’exercer sa propre volonté, avec


l’abandon de toute opinion préconçue, renoncement à ses habitudes de
penser, habitudes personnelles, à ses préjugés et même à son mode
actuel d’existence, rejet de tout ce qui pourrait l’empêcher de trouver
Dieu.

L’histoire du Jeune Homme Riche qui s’en alla tout triste car il avait de
grands biens, personnage le plus tragique qui ait jamais existé, du fait que
son cœur était asservi à cet amour de l’or, qui est, comme le dit Saint
Paul, la source de tous les maux, alors que la richesse en soi n’est ni
bonne ni mauvaise. Cela se rapporte à l’humanité en général.

Nous refusons le salut que nous offre Jésus, non que nous possédions
beaucoup d’argent ou de biens matériels, mais parce que nous avons de
grands biens d’une autre nature  nos idées préconçues, notre
attachement à notre propre jugement, à nos opinions habituelles, notre
orgueil, et des habitudes de vie que nous avons aucun désir de sacrifier ;
souci d’amour-propre, nous craignons le ridicule et l’opinion d’autrui ;
nous nous accrochons aux droits acquis, aux honneurs et aux vanités de
ce monde.

Toutes ces possessions nous retiennent enchaînés au rocher de douleur,


exilés de la Sagesse, exilés de Dieu.

Nous devons être prêts à rompre inexorablement avec le vieil homme –


le moi d’aujourd’hui – l’ego – pour franchir la porte de la Vie, nous
élevant vers les sommets de l’Affranchissement.

L’Initiation Traditionnelle - n° 4 de 2018


35
Le message du Christ affirme l’immanence de Dieu, possibilité pour tous
d’y avoir accès, la Présence de la Vérité Divine en l’âme de tout
homme. Les pauvres en esprit adhèrent le plus facilement à ce dictat
métaphysique, alors que se développe leur vie spirituelle. Ils sont libres
de l’amour de l’or, du souci de l’opinion publique, de la crainte de la
désapprobation de leurs proches. Ils ne sont plus sous le joug d’une
autorité humaine, en doutant de leurs propres croyances s’avérant peut-
être fausses, de leurs idées qui ont besoin d’être révisées. Ils sont prêts à
refaire l’apprentissage de la vie.

« Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés »

L’adversité et la douleur ne sont pas bonnes en elles-mêmes, car la


volonté de Dieu est que chacun connaisse la paix et le succès dans la
joie. Jésus a dit : « Je suis venu afin qu’ils aient la vie avec plus
d’abondance ». Mais la plupart des hommes recherche Dieu lorsqu’ils
sont poussés par le malheur et plongés dans l’adversité.

Dans la maison de notre Père, il y a beaucoup de demeures

mais avant de pouvoir en franchir une des portes, il est indispensable


que nous nous soyons d’abord rendus maîtres de notre présente
demeure. Il faut que les favorisés de la fortune reconnaissent que
Dieu est la source de tous leurs biens, qu’ils fassent bon usage de leurs
ressources présentes, reconnaître que c’est Dieu qui en est le véritable
propriétaire et qu’ils n’en sont que les gérants.

Il faut subir tous les tourments qui nous assaillent, tourments qui
s’avèrent être un bienfait, malgré les apparences, car c’est grâce à eux
que nous serons « consolés ».

[Assertion à connotation négative pour celui qui a la vue courte


et qui pense que cela relève de la morale quelque peu Judéo-
chrétienne.
Et pourtant, certains qui sont heureux comme des poissons
dans l’eau dans ce monde, seront pour la plupart, empêchés de
tourner leur regard vers le Ciel, ceci en toute logique.]

[« Si vous aimez ce monde et que vous vous y complaisez,


alors restez-y » Zoroastre.]

L’Initiation Traditionnelle - n° 4 de 2018


36
« Heureux ceux qui sont doux, car la terre leur appartiendra »

Les maux que l’humanité endure viennent uniquement du fait que notre
manière de vivre est si différente de la Vérité, telle que l’enseignait Jésus,
qui fut un grand réaliste, comme seul pouvait l’être un grand mystique,
et l’esprit de toute sa doctrine est résumé dans les quelques paroles de la
Béatitude.

C’est la pierre philosophale des alchimistes qui transforme le vil


métal de nos infortunes en or de la véritable Harmonie.

En métaphysique divine, et particulièrement dans le « Sermon sur la


Montagne », nous apprenons que toute cause est mentale, et que tout
ce qui nous environne ainsi que notre corps physique, est l’expression de
notre état mental. Jésus nous déclare qu’il nous est possible de gouverner
notre vie, d’être maître de notre destin. Comment y parvenir ? C’est
d’avoir l’esprit doux, cet état d’esprit qui est le secret de la prospérité ou
du succès par la prière, mélange d’ouverture d’esprit et de foi en Dieu, foi
en l’harmonie, fondé sur la compréhension éclairée du fait que la volonté
immuable de Dieu est que sa créature soit heureuse, et en conséquence
qu’elle accepte les manifestations concrètes de la Sagesse Divine. Cette
attitude est la clé du succès. La véritable glorification est celle de Dieu.

Les choses extérieures ne sont que l’expression, l’extériorisation de nos


pensées intimes. Nous sommes maîtres de notre pensée. Ce que nous
avons dans l’esprit se manifestera tôt ou tard dans notre vie. Le monde
extérieur est le reflet de nos pensées.

Il faut inclure en esprit, la paix, le contentement, ainsi que la


bienveillance à l’égard de tous. Toute émotion destructive est cause de
maladie. Pour un développement spirituel, il est essentiel de laisser Dieu
nous inspirer et Lui donner notre pensée. Ce que l’homme sème
silencieusement en pensée, il le récoltera sous forme visible et tangible.
Nos pensées glissent sur l’écran de notre esprit en un flot ininterrompu,
et cela si vite que leur contrôle exige une vigilance constante. Combien
est difficile la tâche de façonner des pensées justes et harmonieuses.
Beaucoup se découragent, car ils ne redoublent pas de vigilance, alors
qu’ils le devraient, pour ne conserver que des pensées harmonieuses. Ne
nous attardons pas sur nos erreurs, ou sur la lenteur de nos progrès. Ne
nous décourageons pas.

L’Initiation Traditionnelle - n° 4 de 2018


37
Demandons l’efficacité de la prière :

[en gardant à l’esprit la devise des Templiers (pour que la


prière soit véritablement une action de grâce et non tournée
vers soi)]

Non nobis Domine, non nobis sed nomine tuo da Gloriam

[Pas pour nous, Seigneur, non pas pour nous,


mais pour la Gloire de ton Nom ! »]

[Et si nous ne faisons aucun progrès, c’est que nous ne sommes pas
dans l’alignement de cette sapience. Il faut que nous soyons
vraiment affamés et assoiffés de ce qui est juste.]

[Ne pas pactiser avec dame Tiédeur, la pire des choses ]

« Ne juge pas si tu ne veux pas être jugé, et c’est à la mesure que


vous jugez, que vous serez jugé »

Suivons le chemin de la miséricorde en esprit par de bonnes pensées


envers notre prochain, ce qui l’enrichit spirituellement, mentalement et
matériellement, car en vérité nous sommes tous solidaires. Lorsqu’il est
difficile de suivre cette voie, rappelons-nous que le Christ est en lui
(l’Etre parfait qui est en nous tous) et qui crie au secours et nous
appelle. Nous formons tous « le vivant manteau de Dieu », et nous
serons traités comme nous traitons notre prochain.

Le Ciel, félicité parfaite, harmonie suprême, n’est pas un lieu perdu dans
la voûte céleste, mais nous environne. C’est le royaume de l’Esprit,
Substance illimitée, inaltérable. Bien permanent.

[Qui se trouve en nous mais qui est inaccessible, impénétrable,


lorsque la conscience est immergée dans l’espace-temps, lequel est
forgé par les bornes imposées par notre volonté personnelle, par
notre ego, contraire absolu de la Nature Divine.]

Dieu a créé l’être parfait.

L’Initiation Traditionnelle - n° 4 de 2018


38
C’est la seconde naissance dont parle Jésus, on Renaît. La prière peut
devenir méditation, mais son aspect le plus noble est la contemplation.
Nous devenons conscients de la Présence de Dieu, secret qui guérit et
nous donne l’inspiration. C’est la vie de l’âme, apportant la paix
intérieure, ou sérénité. Comme dit Jésus du haut de la Montagne :

« Je vous laisse ma paix, je vous donne ma paix, que votre cœur ne


soit pas troublé, qu’il ne craigne pas ».

Toute concentration d’esprit exige un certain degré de sérénité. La


pensée silencieuse de la Toute-Puissante Sagesse et du Tout-Puissant
Amour, dissipe insensiblement tous les sujets de querelle.

Plus est grande notre connaissance spirituelle, plus est rude le châtiment
si nous transgressons la Loi. Alors, élevons notre pensée en affirmant
avec insistance que Dieu nous aide, que la tentation n’a pas de pouvoir
sur nous, et que l’homme est, par sa vraie nature, spirituel et parfait.
Mais pour vivre une vie chrétienne, la perfection n’est pas exigée, car en
ce cas, qui de nous ici-bas, en serait capable ?

[En effet, dans ce monde de mélange, celui du bien et du mal, où


nous sommes plongés, (cf. doctrine cathare), il est pratiquement
impossible de pratiquer une bonne action exemptée de négatif par
ailleurs. Ce qui est bien pour les uns entraînera un contre coup
néfaste pour les autres. (Exemple : si je donne à mon animal de la
viande qui est ce qu’il adore le plus, je fais une bonne action
(positif) - mais on aura nécessairement tué un animal pour cela
(négatif)]

Toute l’attention de l’homme primitif est fixée sur les apparences. Il


pense trouver en son monde physique causes et effets à la fois. Puis, au
fur et à mesure de son évolution spirituelle, il parvient à comprendre que
les choses extérieures ne sont que le produit achevé, le résultat de
causes et d’événements intérieurs. Quand il conçoit cette vérité, il a
commencé de trouver Dieu.

Jésus a appelé notre conscience le Lieu Secret, ce qui est très significatif,
comme toujours. Il signifie que c’est le dedans qui est la cause du dehors,
et non pas l’inverse. Cause et effet vont de l’intérieur vers l’extérieur,
comme stipulé ci-dessus. Les pensées, les actes, accomplis en silence

L’Initiation Traditionnelle - n° 4 de 2018


dans le Lieu Secret, sont ceux qui reçoivent vraiment l’approbation
39
divine. « Notre Père qui voit dans le secret », nous récompensera. Jésus
insiste pour que nos prières gardent leur vitalité.
Répéter machinalement une phrase comme un perroquet, ne sert à rien.
Prier consiste surtout à adopter une attitude réceptive, à s’ouvrir à
l’inspiration divine. Choisir une phrase salutaire et la répéter
fréquemment, même si nous n’en saisissons pas la portée spirituelle,
n’est pas mauvais en soi, pourvu que cet acte ne devienne pas
automatique.

Ainsi, Votre Père sait de quoi vous avez besoin avant que vous ne lui
demandiez. Ce qui est Bon existe de tout temps, de par l’omniprésence
de Dieu. Nous n’avons pas à le créer. La vraie méthode est de concentrer
nos pensées sur ce que nous souhaitons voir se réaliser en ce moment
précis. Lorsque nous sentons un vide dans notre vie, c’est notre âme
qu’il faut traiter. Remplaçons cette impression de vide par le sentiment
de l’Amour Divin, et ce qui nous manque apparaîtra de lui-même dans
notre vie.

Notre autel est notre propre esprit, et nos offrandes sont nos prières et
nos exercices spirituels. Nous sacrifions sur l’autel nos pensées
mauvaises, nous les consumons au feu spirituel. Ne nous permettons pas
de former sur notre prochain un jugement, car nous nous interdisons
alors la porte du Royaume des Cieux.

« Ne juge pas si tu ne veux pas être jugé »

Essayons de ne pas nous appesantir sur le mal redouté, car il s’incorpore


à notre mentalité. Plus nous y pensons, plus il s’enracine en notre esprit,
et plus il devient difficile de l’en extirper. Par contre, si avec grande force
d’esprit et détermination inébranlable, nous repoussons l’idée d’être
envahi par des forces contraires à l’harmonie, antagonistes du Bien, nous
pouvons revendiquer le pouvoir de notre intériorité, affirmer la force de
la Vérité et le mal n’aurait alors pas de prise sur nous. « Celui qui
invoquera le Seigneur sera sauvé ». Ce principe s’applique à toutes les
difficultés ; une querelle, un malentendu devraient être traités de la
même façon.

Un acte n’est que la conséquence d’une pensée, et le type de pensées


auxquelles nous donnons asile à notre esprit sera tôt ou tard exprimé sur
le plan de l’action. Lorsque nous convoitons le bien d’autrui, nous

L’Initiation Traditionnelle - n° 4 de 2018


sommes au fond du cœur un voleur. Si nous nourrissons des sentiments
40
de haine, nous sommes réellement des criminels, même si nos mains
n’ont pas fait le geste de tuer !
« Garde ton cœur plus que tout autre chose, car de lui jaillissent les
sources de la Vie ».

Seule compte l’intégrité de l’âme, car la posséder c’est tout posséder.


Jésus enseigne qu’aucun sacrifice n’est trop grand, et que tout ce qui s’y
oppose doit être abandonné, quel qu’en soit le prix, et les biens auxquels
il faut renoncer. Tout ce qui s’oppose à notre union avec Dieu doit être
supprimé.

L’enseignement de Jésus sous-tend de chercher continuellement


l’inspiration par l’union avec Dieu, en se maintenant toujours préparé à
laisser l’Esprit Saint se manifester par notre entremise. Qu’est-ce donc
que le péché contre le Saint-Esprit ? C’est d’aller à contre-courant de
Celui-ci, qui nous prive de Son action vivifiante et sans cesse renouvelée
de Dieu, car cette activité de l’âme, c’est la vie spirituelle elle-même. La
sanction inéluctable qu’entraîne notre tiédeur, relève de la stagnation
spirituelle. Le problème ne peut être résolu que lorsque nous voulons
changer d’attitude. Sinon, les symptômes sont la paralysie de l’âme,
l’impuissance à s’élever vers la Vérité, lesquels symptômes ne sont que
trop souvent accompagnés d’un sentiment de supériorité morale et
d’orgueil spirituel.

Le « Sermon sur la Montagne », comme nous le voyons, est un traité


sur la vie spirituelle, puisque ce qui regarde l’âme contrôle tout le
reste.

Certains directeurs de conscience interdisent la lecture des livres


religieux qui ne sont pas de leur église. Ce crime contre la liberté de
conscience, contre la vie même de l’âme, est si effroyable que les
épithètes les plus extrêmes sont impuissantes à le qualifier.

Les règles inflexibles, rigides s’appliquant à la prière, doivent être évitées,


car la rigueur a pour résultat infaillible de détruire la vie spirituelle. Il
convient de prier selon l’inspiration du présent, due à l’action du
Saint Esprit en notre âme. Être toujours prêts à abandonner la règle
pour écouter parler l’Esprit. Ne pas se conformer aux prières machinales
à cause de leur forme fixe, car nous nous trouvons parfois dans
l’impasse, à un point mort où toutes les prières semblent rester sans

L’Initiation Traditionnelle - n° 4 de 2018


résultat. Alors la recherche mentale de quelque inspiration, ou le fait
41
d’essayer de la découvrir en puisant au hasard de la Bible, peut aboutir à
des résultats déterminés, à une solution particulière de notre problème
qui se pose à nous.

Jésus est le plus révolutionnaire des maîtres. Il met le monde sens


dessus-dessous. Dès que son Enseignement est intégré, tout prend un
autre aspect, toutes les valeurs humaines changent radicalement. Jésus
est allé au cœur même des choses.

La Loi de l’Ancien Testament visait à maintenir un certain ordre, chez un


peuple encore barbare, d’où la Loi : « œil pour œil, dent pour dent »,
procédé le plus efficace, car il mettait un frein aux instincts primitifs.

« Il n’y a rien de pire que l’anarchie, c’est-à-dire de vivre sans


gouvernement et sans lois » (Bossuet : Traité de la connaissance de Dieu)

[Mais si l’humain était spirituellement évolué, tel l’homme


psychique (Gnose), il n’aurait alors plus besoin de lois, de poteaux
indicateurs pour canaliser la juste direction de sa vie, parce qu’il
serait alors investi d’une maturité spirituelle qui l’affranchirait
nécessairement de ces lois, étant ainsi libre et maître de lui-même,
respectant le Tout ! Ainsi la vie, dans un système organisé parfait,
pourrait être accomplie en l’absence totale de lois. En ces temps
d’âge sombre, ou Kali Yuga  (âge noir dans la Tradition orientale),
où nous ne pouvons être que les observateurs de la déliquescence
accrue de notre monde actuel, ceci relève de la plus que parfaite
utopie. Est-il besoin d’ailleurs de le mentionner ?]

L’homme simple a un besoin d’équité parce que la véritable équité est un


facteur essentiel de l’Harmonie Divine. L’homme semble posséder
l’intuition de cette Harmonie Spirituelle qui se cache sous les
apparences, car, dans sa naïveté, il pense que la manière équitable de
rétablir l’équilibre lorsqu’il a été rompu est d’appliquer la loi du talion.
Cette fatale erreur subsiste à la base de toutes les luttes publiques ou
privées de notre monde, cause directe des guerres internationales,
querelles intestines, dissensions familiales, ainsi que la cause de la
plupart de nos maladies et de nos misères.

Francis Bacon  « La vengeance est une sorte de justice primitive »

L’Initiation Traditionnelle - n° 4 de 2018


Jésus dit alors : « pardonner et laisser aller en paix », quelle que soit
42
l’offense et même sa fréquence. Il convient de faire grâce, car ce n’est
qu’ainsi qu’on se libère soi-même et que l’on conserve l’intégrité de son
âme. Car suivre la Loi de l’A.T., c’est entrer dans un cercle vicieux où l’on
consume sa propre vie en même temps que celle de son frère.

Dans l’ouvrage « La Lumière d’Asie » il est mentionné :

« Ce n’est pas la haine qui fait cesser la haine »,

énonçant il y a des siècles cette grande Vérité cosmique, et Jésus, la


Lumière du monde, place cette même grande vérité en tête de tout son
enseignement.

Cette doctrine de la non-résistance est le grand secret métaphysique.


Pour les non-initiés cela semble prêcher le suicide moral, la lâche
reddition devant l’agresseur. Pourtant à la lumière révélée par le Christ,
elle prend un aspect nouveau et elle constitue une stratégie spirituelle
admirable.

L’art de se conduire avec les personnes de caractère difficile est de se


fixer sur le Divin ou sur la réalité spirituelle de la personne en question. Il
se pourrait même que nous devenions capables de regarder en elle la
Vérité de l’Etre. C’est l’erreur et non celui qui est dans l’égarement,
qui doit être condamnée.

Pour progresser spirituellement, il faut bannir de ses pensées tout


sentiment hostile et toute rancune. Il faut changer son état d’esprit
jusqu’à devenir conscient de la paix et de l’harmonie qui sont en soi, et
éprouver un sentiment de bienveillance envers chacun. L’Idée Spirituelle
s’établit sur la permanence, l’omniprésence et la toute-puissance du
Bien, alors que le mal est une illusion temporaire, sans fondement, sans
caractère qui lui appartient en propre. Ne pas lutter avec le mal, ce qui
lui confère plus de vitalité et plus de puissance, mais il faut le détruire en
lui retirant la part de croyance d’où il a tiré sa substance. Il s’évanouira
alors dans le néant. Consciemment ou inconsciemment, nous avons
donné vie à l’erreur. Il est en notre pouvoir de la faire périr.

Shakespeare  « Il n’y a de bon ou de mauvais que notre pensée n’ait


créé ».

L’Initiation Traditionnelle - n° 4 de 2018


Réagir comme il convient, c’est l’art suprême de la vie, et Jésus nous a
43
donné le secret de cet art en quelques paroles : « N’oppose pas de
résistance au mal », représentant le grand secret du succès dans la vie.
Il nous permet de sortir libres de la terre d’Egypte, de la Maison de
Servitude. Tendre l’autre joue est de se fixer sur la Présence qui est en
nous et qui est aussi dans la personne chez qui le mal s’est présenté.
Voyons chez notre ennemi la Présence Divine, telle est la manière
spirituelle d’aimer ses ennemis.

L’Amour est Dieu, sa Puissance est absolue.

Jésus nous affirme en citant l’Ancien Testament :

« Je vous le dis, vous êtes des dieux, et fils du Très-Haut ».

Que tous les inquiets se rappellent ce que les grands Maîtres spirituels
ont affirmé : qu’on peut prendre d’assaut le Royaume des Cieux. Si nous
ne sommes pas déjà sur la voie, éradiquons comme l’enfant prodigue le
joug matériel et le souvenir de nos fautes passées

[et de l’Erreur adamique, se détournant de Dieu par le libre arbitre


du JE, cette malédiction, c’est-à-dire lorsqu’Adam, qui était dans les
« Cercles paradisiaques » ou Eden, a suivi Lucifer - ange qui a
voulu être Dieu lui-même - a chuté et est devenu matière lui-
même en se revêtant d’un corps physique ayant comme attribut
« l’aiguillon de la mort » en lieu et place de sa condition divine
éternelle ]

« Prie ton Père qui est là dans le secret, et ton Père qui voit dans le
secret, te récompensera ». Dans le « Sermon sur la Montagne »,
l’homme est roi. Il est souverain absolu de son propre royaume,
monarque absolu de sa propre vie. Nous la créons ou nous la détruisons.
Nous fortifions ou ruinons notre santé. Nous attirons à nous certaines
gens, ou certaines circonstances, et nous en écartons d’autres. Bref,
abondance ou pauvreté, sérénité ou inquiétude, bonheur ou adversité, ce
sera selon la manière dont nous gouvernerons notre royaume. En
d’autres termes, nous sommes les artisans de notre destinée.

Le Sauveur du monde a dit : « Sachez la Vérité, et la Vérité vous


affranchira ».

L’Initiation Traditionnelle - n° 4 de 2018


Jésus a souffert, non qu’Il ait pensé faux, mais parce que l’humanité
44
pensait faux.
Si nous nous laissons aller à des émotions négatives, c’est appeler sur soi
l’adversité, d’abord sur le plan physique, puis les infortunes, même si
nous considérons que les émotions négatives sont parfaitement justifiées.

Ne pas entasser des trésors sur la terre, mais plutôt aux cieux, voilà
en quoi consiste la compréhension de la loi spirituelle. En recherchant le
bonheur ou la sécurité dans les choses extérieures, passagères, instables,
nous plaçons Dieu au second plan. Si nous Le mettons au premier rang,
nous ne nous consumerions pas en inquiétudes inutiles à tout propos :
car où est votre trésor, là aussi est votre cœur. Si ton œil est sain
tout ton corps sera dans la lumière, car en vérité si ta vision est
claire, tout l’ensemble de ta vie sera lumineux. L’œil symbolise la
perception spirituelle. L’attention est d’importance capitale. Notre libre
arbitre réside dans l’orientation de l’attention. La chose vers laquelle
nous dirigeons notre attention est celle qui se manifestera infailliblement
dans notre vie, et qui la dominera.

[L’ignorant fait les pires actions pour voler autrui. Or emportera-t-il


ses trésors matériels quand, l’heure venue, il quittera ce monde ?
Bien évidemment non, mais, par contre, ce seront ses actions qui
lui seront comptées, alors qu’il se trouvera face à sa conscience]
[Dans le Livre des Morts Tibétain : le Bardo Thödol, il est rapporté :
« Si à la fin de ton existence terrestre, tu perçois des monstres, ne
crains pas, ils ne sont que le reflet de ton âme »]
[Et comme l’exprime Dante dans la Divine Comédie, au Chant 22 :
« Les trompeurs, cinquième fosse. Les usuriers et
prévaricateurs dans le lac de poix épaisse qui collait de partout,
surveillés par des démons armés de gaffes »]

Nul ne peut servir deux maîtres ; on ne peut servir Dieu et Mammon 


[pour mémoire, mot araméen signifiant richesse]. L’homme est
essentiellement spirituel, créé à l’image et à la ressemblance de Dieu, et
donc fait pour vivre sur le seul plan spirituel. Les oiseaux dans les airs et
les lis dans les champs lui offrent une leçon frappante de leur adaptation
au cœur de la nature. Les lis dont on parle ici sont les magnifiques
champs de pavots de l’Orient, et quiconque a vu ces pavots onduler et se
balancer sous la brise, comprendra le sentiment de détente, de liberté
d’esprit, de joie que Jésus revendique pour l’humanité lui appartenant en
propre, par droit de naissance.

L’Initiation Traditionnelle - n° 4 de 2018


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D’ailleurs des thérapeutes intelligents enseignent aux dépressifs à
devenir attentifs à leur environnement immédiat, un chat qui passe,
l’arbre au loin, le bruit du vent dans les feuilles, un insecte sur le mur. En
développant cette capacité si simple, on entre dans une relation
d’harmonie avec la nature, car celle-ci obéit à l’observateur contemplatif,
du monde paisible et dans sa quiétude absolue car la Vérité est Une.

Extrait de la Sagesse Libertaire Taoïste [développée p. 16 de cet


exposé]

Notre véritable élément c’est la Présence de Dieu.

Saint Augustin  « Tu nous as créés pour toi-même et nos cœurs


restent inquiets jusqu’à ce qu’ils se reposent en toi ».

Lorsque nous accepterons enfin qu’en Dieu nous avons la Vie, le


mouvement et l’être, et ce de la même manière que les oiseaux et les
fleurs acceptent la vérité de leur propre nature, nous aurons démontré
l’abondance et l’harmonie divine aussi parfaitement que l’expriment ces
autres créatures de Dieu. Mais l’homme possédant des facultés bien
supérieures à celles des animaux et des plantes, imitera leur sagesse et
leur aisance en restant actif dans sa propre sphère, celle de la prière et
de la méditation. Cela implique une activité intense sur le plan spirituel,
bien distinct du plan matériel, seul moyen efficace pour atteindre le
Royaume des Cieux. Et dès que ceci sera solidement établi, tout ce qui
nous est nécessaire dans cette vie, nous sera accordé par surcroît.

Si secrètement nous comptons sur un secours extérieur, nous ne


croyons pas véritablement à la Parole Divine.

Rappelons-nous toujours que la seule pensée qui importe est notre


pensée présente. Nos pensées d’hier ou d’antan sont maintenant sans
intérêt, car si notre pensée d’aujourd’hui est juste, tout se trouve rectifié
dès cet instant même. La meilleure façon de préparer l’avenir, c’est donc
de faire en sorte que notre pensée de ce jour soit harmonieuse et
sereine : et nous serons comblés dans nos désirs.

Dans la Prière Scientifique, ce qui compte est de réviser et de réadapter


constamment notre moi conscient, et ceci doit se faire nécessairement
au présent. « Maintenant est le temps désigné, maintenant est le jour

L’Initiation Traditionnelle - n° 4 de 2018


de la rédemption ». Traitons uniquement les malheurs qui se présentent
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spontanément à notre attention, et tous ceux qui sommeillent dans les
voiles de l’oubli disparaîtront d’eux-mêmes. Ainsi la Bible nous
décourage de trop songer à la vie future, considération loin de la réalité
de la vie. Nous avons affaire à la vie, et non pas à la mort. Notre tâche est
donc de prouver Dieu aujourd’hui et ici-bas.

« Ne jugez pas afin de ne pas être jugés, et c’est de la façon dont


vous jugez que vous serez jugés vous-mêmes – Pourquoi regardes-
tu la paille qui est dans l’œil de ton frère alors que tu n’aperçois pas
la poutre qui est dans le tien ? »

Extrait de l’Evangile selon Saint Matthieu.

Cette partie du Sermon sur la Montagne, est le document le plus


étonnant dont il ait jamais été fait présent à l’humanité. Elle renseigne
mieux sur la nature de l’homme, le sens de la vie, l’importance de la
conduite, le secret du bonheur et du succès, la manière de surmonter
l’adversité, la recherche de Dieu, l’émancipation de l’âme et la
rédemption du monde, que toutes les philosophies, toutes les théologies
et toutes les sciences accumulées depuis des siècles, car la Loi suprême
de la Vie y est expliquée dans ce qu’elle a d’essentiel et d’inéluctable.

Tout ce que nous faisons à notre prochain nous reviendra inévitablement


tôt ou tard, ici ou ailleurs, de la part de celui-ci ou de celui-là. En un
autre temps, en un autre lieu peut-être, quelque individu entièrement
étranger à notre acte initial, nous paiera de retour. Nous sommes
comptables de toute mauvaise parole prononcée par nous.

Si cette Vérité était acceptée dans le monde elle aurait un effet salutaire
tel que les mœurs seraient adoucies, le niveau moral de toute
communauté serait relevé, etc.

Si on pouvait intégrer cette assertion primordiale, on comprendrait que la


loi de la rétribution est une loi cosmique aussi impersonnelle, aussi
immuable que la loi de la pesanteur, une loi qui ne tient compte ni des
personnes ni des institutions, une loi sans rancune comme sans pitié ;
alors on réfléchirait davantage avant d’agir injustement.

Cette loi est aussi enseignée par les Bouddhistes et les Hindous, car c’est
une loi naturelle. Les églises chrétiennes n’ont pas assez insisté sur ce

L’Initiation Traditionnelle - n° 4 de 2018


point capital de l’enseignement de Jésus. A ceux qui objectent que ce
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n’est pas une loi chrétienne, on peut répondre : l’Evangile selon Saint
Matthieu est-il ou n’est-il pas un document chrétien ? On peut aimer ou
ne pas aimer cette loi, et même ne pas en tenir aucun compte, mais Jésus
nous l’a enseignée de la manière la plus directe et la plus catégorique qui
soit.

Sir Edwin Arnold, dans son poème intitulé La chanson céleste, définit
avec bonheur cette loi implacable de la justice immanente.

« Nul ici-bas ne peut la méconnaître


Qui la viole perd ; qui la sert, gagne.
Pour le bien fait en secret, elle apporte la félicité
Et pour le mal, le châtiment.
Par elle, le meurtrier se poignarde lui-même,
Le juge indigne perd tous ses défenseurs,
Le calomniateur réprouve son mensonge,
Et le voleur vole pour rendre
Elle voit tout, et tout observe.
Sois juste ! Et tu auras ta récompense !
Injuste, et tu seras payé de la même monnaie,
Quoique Dharma* puisse tarder.
(*Dharma  Loi suprême de l’équilibre du monde) »

Il est clair, qu’avec la totale compréhension de cette loi, nous agissons


sagement, en aidant pleinement les autres par exemple, puisque
fatalement, nous serons payés en retour. Telle est la loi inexorable de la
vie. Mais l’amour véritable ne donne pas pour recevoir, faisons du
bien à autrui, puis passons notre chemin, sans attendre ou même
sans désirer autre chose.

Nos erreurs, notre méchanceté, sont progressivement éliminés en vertu


de la Loi, mais le Bien, lui, dure infiniment, inaltéré par le temps. La Bible
enseigne que c’est dans le domaine de la pensée que s’exerce la Loi, et
que ce qui importe c’est d’entretenir des pensées justes vis-à-vis de
TOUS, aussi bien qu’envers soi-même. Penser juste quant à Dieu,
quant à autrui, quant à soi-même, c’est la Loi et les Prophètes.

La Règle d’Or de la Bible ordonne que nous nous comportions, à l’égard


de notre prochain, de la manière que l’on souhaiterait qu’il agisse vis-à-
vis de nous. Observer cette Règle d’Or devient un devoir impérieux, et

L’Initiation Traditionnelle - n° 4 de 2018


plus encore, une dette d’honneur, devant l’acquitter dans le secret, pour
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la satisfaction de notre conscience.

Ayant étudié la nature exacte de cette Loi Suprême, il est plus que vital
de progresser plus en avant et de voir comment il est possible de
s’élever au-dessus de la Loi, et cela même au Nom du Christ. Le Christ et
Jésus ne sont point synonymes :

 Jésus c’est l’homme ; Le Christ c’est la Vérité Spirituelle absolue en


toute chose.

Le Christ est venu sur terre pour nous racheter et nous sauver. Il est le
Rédempteur.

Si profondes que soient les racines de nos maux, une vision claire du
Christ, vision claire de la Vérité Spirituelle – éternellement présente dans
les abîmes de la conscience – nous guérira. Le Christ étant la
manifestation de Dieu lui-même, de l’Esprit Omniscient, son action
renverse tous les obstacles.

La Loi de la rétribution – développée ci-dessus – n’est pas une Loi de


l’Esprit, c’est la loi du Karma - loi infaillible qui n’oublie rien, - se
rapporte à la matière et à l’entendement, alors que la loi de l’Esprit, elle,
est parfaite, éternelle, inaltérable. Ainsi, le choix qui s’impose à
l’homme est entre le Karma ou le Christ. C’est l’affranchissement
complet de l’être en tant qu’image de Dieu. Le Christ est Maître du
Karma.

[Mais l’auteur du Sermon sur la Montagne, Emmet Fox, décrète


alors que « l’Orient est dans une situation sans issue avec cette
seule conception : le Karma. » !!! (sic) (p. 109) . ]
[Données des plus fausses, bien évidemment, et qui, de plus,
génèrent ainsi les racines de la discorde, génératrice elle-même de
conflits et de guerres entraînant misère et souffrance sans fin !!!
Toutefois, cela n’abaisse en aucune manière la valeur incontestable
de cet ouvrage.]

Il est dit dans les Antimémoires d’André Malraux que « L’Inde


s’accommode du Christ comme des autres dieux, et voit facilement
en lui un avatar (descente, incarnation). »

L’Initiation Traditionnelle - n° 4 de 2018


« Ne donnez pas aux chiens ce qui est saint, et ne jetez pas vos
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perles devant les pourceaux, de peur qu’ils ne les foulent aux
pieds, et que, se retournant, ils ne vous déchirent » (Matthieu)

L’Intelligence est un facteur du Message chrétien tout aussi important


que l’Amour. Dieu est Amour mais Dieu est aussi Intelligence infinie. La
Sagesse est la fusion parfaite de l’Intelligence et de l’Amour. Aimer
sans discernement peut faire involontairement beaucoup de mal, mais
l’intelligence sans amour peut aboutir à une cruauté raffinée 

[pouvant conduire à son paroxysme, voire à la contre initiation


(dixit René Guénon). Exemple : la doctrine nazie du IIIe Reich
faisait preuve de discernement, … mais accompagnée – comme
nous l’avons hélas trop bien vu… - d’absence totale de cœur,
doublée d’une rigueur intellectuelle absolue, conduisant ainsi
aux pires horreurs indescriptibles…

 Siddharta Gautama Bouddha :


« L’ignorance est la grande maîtresse de ce monde »,]

En l’absence de tout éveil spirituel, comment certaines personnes


seraient-elles accessibles à la Vérité ? Ne pas contraindre notre
entourage à accepter nos vues. Ils s’attendront de notre part à des
preuves tangibles. Nos actions seront toujours plus éloquentes que
nos discours. Demandons que la Sagesse fusionnant Amour et
Intelligence soit en nous et nous inspire.

« Demandez et l’on vous donnera ; cherchez et vous trouverez ;


frappez et l’on vous ouvrira … » (Mathieu).

Vérité primordiale issue de la paternité de Dieu. Communion de la


créature avec son Créateur. La véritable expérience religieuse est une
recherche de l’union consciente avec Dieu.

Jésus a dit, en citant l’Ancien Testament : « Je vous le dis, vous êtes


des dieux, et fils du Très-Haut, et ce qui est écrit ne passera pas ».

Mais, pour le moment, nous sommes accablés de servitudes et


d’impuissance parce que nous ne sommes que des mineurs sur le plan
spirituel. Quand les temps sont révolus, l’homme s’éveille à la Vérité,
comprenant que c’est la voix même de Dieu qui est dans son cœur et qui

L’Initiation Traditionnelle - n° 4 de 2018


le fait s’écrier : « Abba, Père ! ». Ce qui nuit, c’est la lenteur et son peu
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d’empressement à prendre conscience de sa propre puissance. La
résignation est l’erreur. Ne nous résignons pas à l’adversité, car elle n’est
jamais la volonté de Dieu. La maladie, le malheur, le remords sont tout le
contraire de cette volonté alors que liberté, harmonie, joie, tiennent de Sa
Sainte Volonté – qui est notre raison d’être.

Tant que le but n’est pas atteint, nous devons prier et méditer avec
persévérance, et travailler à réorganiser notre vie, selon les principes de
son enseignement.

[En réalité il ne saurait y avoir de but, qui génère le vouloir de l’ego,


mais plutôt le désir de vivre en harmonie, suivant une aspiration
divine déterminée. Par exemple, pour ce faire, il serait juste de
suivre les préceptes de l’universel Tao].
 « Wu Wei est le non-agir, la non-intervention, la Sainte
Paresse, qui laisse les êtres et les choses se développer
librement. Il s’oppose au Yu Wei, l’effort délibéré qui veut
intervenir, transformer le monde selon ses désirs ou ses
idées ». Qu’est-ce que la Sainte Paresse ? C’est une révolution
intime avant d’être une révolution sociale. Une capacité de
« ne rien faire », de s’abstraire des multiples activités
quotidiennes, de ne plus être possédé par la volonté d’agir,
pour se « maintenir dans la quiétude ». Ceux qui ont la
capacité de couper le flux des préoccupations, qui aiment
regarder l’herbe pousser, contempler l’océan, se perdre
dans les nuages, le blanc de la neige ou le bleu du ciel, sont
sur le chemin de la Sainte Paresse. Ils savent naturellement
s’ouvrir à cette autre dimension de la vie qui est la Vie dans
sa pleine réalité, son intime présence, en dehors de la folie qui
pousse à toujours désirer, vouloir. On ne le remarque pas
lorsqu’on est pris par l’agitation générale qui régit tous les
domaines de notre stupide existence.
En développant cette capacité si simple, on entre dans une
relation d’harmonie avec la nature. Car la nature obéit à la
Sainte Paresse. Elle en est l’expression. Sans cesse elle « agit
sans agir », elle est la parfaite illustration du Wu Wei. Les
oiseaux, par exemple, passent beaucoup de temps à ne rien
faire. Ils demeurent immobiles, ou bien planent très haut dans le
ciel sans nécessité, par pur plaisir. S’ouvrir à la Sainte Paresse,
c’est devenir un peu oiseau ou un peu taoïste. D’ailleurs les

L’Initiation Traditionnelle - n° 4 de 2018


immortels taoïstes étaient représentés par des plumes pour
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marquer leur affinité avec le ciel ».
(Extrait de la conférence de Robert Delafolie sur le TAO)

La perte de cette capacité naturelle qui était générale chez beaucoup


de peuples orientaux a amené l’Occident au bord du gouffre. En étant
débordant d’activités, de mouvements, c’est être à l’image de celui qui
« remplit sans cesse » et « ferait mieux de s’arrêter », d’après Lao Tseu,
ou de celui qui « sans cesse affûte un glaive et dont la lame sera vite
usée ».

[Agitation : être à l’extérieur de la roue de la Vie, le Samsara


Contemplation (de la nature, par exemple) : voie conduisant au
Centre de la Roue de la Vie, le Nirvana]

« Homme, fils de Dieu »  Règle d’Or de l’Evangile que Jésus formule de


façon concise, dont il découle que nous sommes tous,
fondamentalement, UN, chacun de nous étant une parcelle de l’Esprit
Infini, ce qui relève du fait que faire du mal à autrui équivaut à se faire
du mal à soi-même. Nous sommes contraints d’accepter aussi cette
vérité que les hommes sont frères : spirituellement, la fraternité, c’est
l’unité.

« Entrez par la porte étroite, parce que large et spacieux est le


chemin qui mène à la perdition, beaucoup passent par là. Mais
étroite est la porte et resserré le chemin qui mène à la Vie, et il y
en a qui les trouvent ». (Mathieu).

Cette transformation de notre esprit, de notre vie intérieure, est la porte


étroite, et comme ajoute Jésus, peu nombreux sont ceux qui la trouvent.
Cette doctrine selon laquelle ce qui se passe dans notre esprit est
d’importance primordiale, puisque nos concepts se matérialisent autour
de nous, Jésus l’appelle : le chemin de la Vie. Pourquoi l’homme est si
peu enclin à transformer son esprit ?

Parce qu’il ne choisit la porte étroite que s’il y est obligé,


personnellement, par une force irrésistible. Ce changement de notre
esprit exige une vigilance continuelle et une rupture de nos habitudes
mentales, souvent très pénible à réaliser. L’homme est naturellement
paresseux, obéissant à la loi du moindre effort et ne descend au fond des
choses qu’à moins qu’il n’y soit forcé.

L’Initiation Traditionnelle - n° 4 de 2018


Tout progrès du conscient est la seule chose qui importe. La Vérité est
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toujours bienfaisante. Tant que nous ne serons pas parvenus à suivre la
Volonté de Dieu en toutes choses, grandes ou petites, tant que nous ne
nous y consacrons pas entièrement, il n’y aura comme résultats que des
résultats partiels. Aussi longtemps que nous laisserons s’interposer des
facteurs secondaires entre nous et la Cause Primordiale, nous ne serons
point sauvés.

Le prix de la liberté est une éternelle vigilance. Aucun être humain ne


devrait intervenir entre nous et notre recherche de Dieu. De plus, si
nous cherchons Dieu ailleurs qu’en nous-mêmes, si nous nous fions à
toute autre chose qu’à notre propre entendement de la Vérité, nos
efforts deviendront stériles.

[Cette assertion diffère des croyances établies de l'Église catholique


comme étant contraire à ses dogmes, ce qui a généré, comme on
sait, les pires massacres et exterminations en tout genre des
gnostiques, cathares…]

Certaines personnes, désireuses de combler un vide intérieur, s’attachent


à des sectes, [une des pires, la Scientologie] ou à quelques guides
indépendants qui ont pris complètement possession de leur esprit.
Alors que la seule ligne de conduite infaillible dont l’homme dispose est
celle que Jésus a enseignée : « Vous les reconnaîtrez à leurs fruits ».
Ne pas oublier que la Vérité de l’Etre tend vers l’Infini, tel est le
Principe impersonnel de la Vie, et qu’elle ne doit être exploitée par
personne Nous ne devons un atome de loyauté à qui que ce soit dans
l’univers, si ce n’est au Christ qui demeure en nous, ainsi seulement
pouvons-nous sauvegarder notre intégrité spirituelle. Le véritable travail
doit être fait en nous, notre conscience intime.

 La seule manière de vraiment prospérer en quoi que ce soit,


c’est d’être conscient de la Présence de Dieu en Tout.
Si nous suivons les chemins de l’égarement, en des termes
dramatiquement formulés, la Bible nous signale ce danger : « Retirez-
vous de moi, vous qui commettez l’iniquité ». Il convient donc
d’enrichir sans tarder sa Vie spirituelle et d’affirmer que Dieu est la
source intarissable et toujours accessible de toute abondance, de
toute prospérité intérieure.

L’Initiation Traditionnelle - n° 4 de 2018


« Ainsi donc quiconque entend mes paroles et les met en pratique,
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sera semblable à un homme prudent qui a bâti sa maison sur le
roc. La pluie est tombée, les torrents ont débordé et les vents ont
soufflé et se sont déchaînés contre cette maison- là : elle n’est pas
tombée car elle était fondée sur le roc. Quiconque entend mes
paroles et ne les met pas en pratique est semblable à un homme
insensé qui a bâti sa maison sur le sable … » (Mathieu).

Mieux vaudrait ne jamais avoir entendu parler de la Vérité que de la


connaître sans la vivre.

Dans la Bible, le terme de roc veut dire Christ, et l’intention en est


évidente. La Vérité du Christ est la seule fondation sur laquelle il soit
possible d’élever, sans danger de le voir s’écrouler, le temple de l’âme
régénérée. Elle est la seule chose dans la vie qui soit absolument vraie,
qui ne varie jamais, qui soit parfaitement stable. Ainsi solidement établis,
nous sommes en sûreté lorsque les vents, les pluies, les orages de
l’erreur, de la peur, du doute, du remords viennent nous assiéger. Qu’ils
nous assaillent donc ! et nous résisterons car nous sommes bâtis sur le
roc. Mais tant que nous ne mettrons notre confiance qu’en nous-mêmes,
et notre soi-disant sécurité matérielle … bref en tout sauf en Dieu Lui-
même, nous construirons sur le sable, et retentissante sera notre
chute.

Mathieu nous dit que les gens furent étonnés d’entendre ce que leur
disait Jésus. C’est que la parole de Jésus est révolutionnaire, elle
bouleverse tous les idéaux, toutes les méthodes, non seulement du
monde mais de la religion conventionnelle ou orthodoxe, car elle
détourne notre regard des choses extérieures, pour le diriger vers la
Réalité Intérieure, vers Dieu.

Le plus grand mérite de la Base Spirituelle est que l’on commence à


savoir. Quand on a obtenu, grâce à la Prière Scientifique, la plus légère
manifestation, on a établi ce qu’on ne peut plus perdre : On a vu la
Vérité agir en soi. Plus n’est besoin de compter sur la parole d’autrui :
on sait soi-même : et cette révélation est la seule autorité qui vaille. Jésus
avait cette autorité, Il vivait en Dieu : aussi prononçait-il les Paroles de
Vie.


 

L’Initiation Traditionnelle - n° 4 de 2018


54
L’Oraison Dominicale

Jésus a prévu qu’au cours des siècles son enseignement original, simple
et direct comme il l’était, s’encombrerait progressivement d’éléments
étrangers ; il a prévu que les hommes qui ne l’auraient pas connu, se
fiant à leur entendement limité, édifieraient des théologies et des
systèmes doctrinaux qui obscurciraient petit à petit la simplicité et la
clarté du Message Spirituel, et finiraient par dresser une muraille entre
l’homme et Dieu. Il a composé sa prière de telle sorte qu’elle puisse
traverser les âges sans altérations et qu’elle ne puisse être transformée
ou dénaturée, ni adaptée à des systèmes forgés par les hommes, et c’est
ainsi qu’elle transmet le Message intégral du Christ sous une forme qui
ne peut offrir aucune prise au zèle intempestif.

En fixant la nature de Dieu, Il détermine en même temps la nature de


l’homme, car s’Il est le Fils de Dieu, Il doit nécessairement être de même
nature que son Père. On ne crée jamais que ce qui est conforme à soi :
c’est là une loi cosmique. Un rosier donne-t-il des lis, ou la vache un
poulain ? Dieu étant Esprit, l’homme doit être Esprit lui-même, malgré les
apparences contraires.

Nous avons éliminé les fatras de l’ancienne théologie avec son Dieu
vengeur, son feu éternel et tout l’horrible attirail conçu pour les
imaginations malades et tourmentées. Dieu est. Et l’Eternel, le Tout-
Puissant, l’Omniprésent, est le Père plein d’amour de l’humanité.

Ci-dessous la Prière d’Action de grâce pour Dieu et Tout

NB : les commentaires inscrits en italique entre parenthèses relèvent de


Robert Delafolie.

« Notre Père »
Cette formule implique aussi que nous devons prier non seulement pour
nous mais pour l’Humanité entière et toute la Création. Celui qui
apprend à vivre sur le plan spirituel devrait songer à la Vérité de l’Etre
puisqu’aucun de nous ne vit pour soi-même, ni ne meurt pour soi-même.
Nous sommes vraiment les membres de ce corps. Si nous n’intégrons pas
ceci, nous serons retenus captifs.

L’Initiation Traditionnelle - n° 4 de 2018


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« Qui es aux Cieux »
[Essence essentielle, intemporelle, incorporelle, potentielle
en toute existence, vie réelle et éternelle, Alpha-Oméga]

Il est de la nature de Dieu d’être « aux Cieux », de la nature de l’homme


d’être sur la terre, car Dieu est cause, alors que l’homme est
manifestation. Ici le mot cieux désigne la Présence de Dieu. En terme
métaphysique Dieu est appelé l’Absolu, car il est le règne de l’Etre en Soi,
de l’idée en Soi. Quant au mot terre, il veut dire manifestation, et la
fonction de l’homme est de manifester ou d’exprimer Dieu. Autrement
dit, Dieu est l’Infini et la Cause Parfaite de toutes choses, mais la Cause
doit s’exprimer et Dieu s’exprime par le truchement de l’homme dont la
destinée est de manifester Dieu sous de multiples et merveilleux aspects.
Chaque détail, chaque incident de notre vie, est la manifestation ou
l’expression de quelque pensée dans notre âme.

« Que ton nom soit sanctifié »


revient à dire : Tu es essentiellement parfait et ne peux être auteur que
de ce qui est essentiellement parfait.
Tes yeux sont trop purs pour voir l’iniquité.
[Toi Père, Pure et Divine Contemplation]

« Que ton règne vienne »


[Toi Père, restant Père et devenant Fils, dont lui-même Dieu n’a
nul besoin]

« Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel »


L’homme en tant qu’expression de Dieu a devant lui un destin illimité. Sa
tâche étant de manifester sous forme concrète les idées abstraites que
Dieu lui fournit, il doit, de ce fait, être capable de créer. Sans cette faculté
créatrice, il serait un simple automate actionné par Dieu. Mais l’homme
n’est pas un automate, il est une conscience individualisée.
[Toi Amour de Père et Fils, devenant Saint Esprit
Fin du temps, fin des temps dans l’instant]

Dieu s’individualise en un nombre infini de centres conscients,


chacun différents des autres ; en conséquence, chacun de ces centres
est doué d’une perception distincte, d’une manière individuelle de
connaître l’univers. La conscience de chaque être est distincte de celle
de Dieu et de celle des autres hommes, sans pouvoir cependant en être

L’Initiation Traditionnelle - n° 4 de 2018


séparée. Comment cela se peut-il ? Comment peut-on être UN sans être
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identique ?
 La matière étant limitée, le UN ne saurait être, tandis que dans
l’ordre de l’Esprit, qui est infini, il le peut.
Notre devoir est d’aider à établir le royaume de Dieu sur la terre. (Cf. à la
fin de l’exposé, voir une confidence de Robert Delafolie*)
Dieu a organisé pour chacun de nous des projets merveilleux, une
carrière splendide, pleine d’intérêts de vie et de joie, et si nos existences
sont tristes étroites ou sordides, ce n’est pas Sa faute mais la nôtre. On ne
sait que trop exercer son libre arbitre dans un sens négatif, ce qui
permet de penser faux, égoïstement, et c’est ainsi qu’on attire le malheur,
au lieu de comprendre que sa fonction est d’exprimer Dieu, de s’occuper
continuellement « des affaires de son Père ». Tous nos maux sont
engendrés par cette folie. Nous abusons de notre liberté lorsque nous
essayons de l’exercer en dehors de Dieu.

Notre tâche doit être d’harmoniser notre nature avec la Volonté Divine,
par une communion constante en esprit et par une vigilance soutenue,
mais libre d’anxiété « Notre volonté est à nous, pour que nous la
fassions Tienne ».
« En Ta volonté est notre paix » a dit Alighieri Dante, et la Divine
Comédie est une étude des états fondamentaux de la nature
consciente :
 L’Enfer représentant la condition de l’âme qui cherche à vivre
sans Dieu.
 Le Purgatoire, l’âme qui lutte pour passer d’un état vers l’autre.
C’est ce sublime conflit de l’âme qui arrache ce cri à Saint-
Augustin : « Tu nous a créés pour toi-même et nos cœurs
sont inquiets tant qu’ils ne reposent pas en Toi ».
 Le Paradis, et le sublime Etat Empyréen : l’âme parvenue à
entrer au sein de la Volonté Divine.

« Donne-nous en ce jour, notre pain quotidien »


[Donne nous notre Pain de la Terre et du Ciel, - supra substantiel
- dans l’Harmonie Suprême d’une Union, Unique, Universelle]
Cela signifie que ce n’est pas seulement le pain, mais tout ce qui est
nécessaire à celui qui prie, pour lui assurer une vie saine et heureuse, et
que c’est Dieu seul qui en est la Source. Les ressources d’aujourd’hui
changeront très probablement d’un jour à l’autre, car le changement est

L’Initiation Traditionnelle - n° 4 de 2018


la loi cosmique de la manifestation de la Vie (cf. livre du Yi King,
57
Livre des Transformations), et la stagnation, c’est la mort.
Notre « pain quotidien » exprime aussi la Présence de Dieu, bon,
puissant, sage – qui est tout Amour – et que nous n’avons rien à
craindre. Il guidera nos pas sur le chemin de la Vérité, au sens
d’Emmanuel ou Dieu avec nous. Nous devons commencer par penser à
Dieu, mais c’est pour acquérir cette intime conviction de sa Présence qui
est la manne du pain quotidien. Cette expérience marque le progrès de
l’âme, qui manifeste Dieu qui est la substance des choses espérées,
l’évidence des choses invisibles. Jésus nous dit que notre pain est la
nourriture de l’âme ; avec cette substance, elle se fortifie, atteint sa
maturité ; sans cette nourriture, elle s’étiole et s’atrophie.
Prions régulièrement avec tranquillité, car dans l’œuvre spirituelle, toute
tension, tout effort est néfaste. Nous n’atteignons le sentiment de
sécurité et de bien être auquel nous avons droit que lorsque nous
percevons en nous-mêmes la Présence Divine. Nous devons acquérir
par nous-mêmes cette conscience de Dieu en nous. Nous devons nous
secourir les uns les autres.
Jésus appelle ce pain de vie notre pain quotidien parce que notre
contact avec Dieu doit être vivant. « C’est aujourd’hui qu’est le jour
du Salut »
Dans l’Ancien Testament, chaque tribu errante dans le désert reçut la
promesse qu’il lui tomberait chaque jour la manne du ciel avec
l’avertissement de ne pas en mettre en réserve pour le lendemain. Ceux
qui désobéissaient étaient frappés de la peste et en mouraient.
De même pour nous. L’art de la vie, c’est de vivre dans le présent, et
de rendre chaque moment qui passe aussi parfait que possible, en ayant
conscience que nous sommes l’instrument de l’expression de Dieu Lui-
même. La meilleure manière de préparer l’avenir est de faire de ce jour
même, tout ce qu’il doit être.

« Pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui


nous ont offensés »

[Nous tous, tous vivants, qui sommes de tout temps


offenseurs/offensés - coupables /victimes]

Etre dans l’erreur, c’est se séparer de Dieu, grande tragédie des


expériences humaines. Notre être réel ne doit pas être isolé de Dieu dont
il exprime les idées, dont il manifeste la nature – la pensée dynamique de

L’Initiation Traditionnelle - n° 4 de 2018


l’Esprit. Puisque nous sommes tous unis en esprit, nous sommes tous
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solidaires. Puisqu’en Lui nous avons la vie, le mouvement et l’être, nous
sommes, au sens le plus absolu, tous UN.
Le mal, le péché, la chute de l’homme, représentent la négation de cette
idée. Nous essayons de vivre sans Dieu, comme si nous avions une vie
indépendante, un esprit séparé. Ainsi le monde, très loin d’être
coordonné et harmonieux, n’est qu’un chaos de rivalités et de luttes et
s’abîme dans l’anarchie créée par sa propre faiblesse, alors que c’est
dans l’harmonie que réside la joie de vivre.
Cette croyance en une existence séparée et indépendante est l’erreur
fatale, et avant de pouvoir progresser davantage, il faut crever l’abcès
de ce mal hideux.
Lorsque nous récitons cette Grande Prière avec intelligence, réflexion et
sincérité, nous sommes saisis sans pouvoir nous dérober et obligés de
faire face au problème. Positivement et définitivement, il nous faut
pardonner à tous ceux qui nous ont offensé en quelque manière. Jésus a
établi sa Prière avec plus d’habileté qu’aucun homme de loi. Si nous
essayons de la réciter sans pardonner dans notre cœur, le précepte
capital nous resterait dans la gorge. Jésus nous contraint de déclarer que
nous avons pardonné en fait, et pardonné à tous, et c’est de ce pardon
que dépend le sien. Qui serait assez fou pour chercher le Royaume de
Dieu sans désirer être libéré du sentiment de la faute ?
Le pardon des offenses, c’est le vestibule du Ciel. Pour y entrer, nous
devons nous défaire de tout blâme de la conduite d’autrui et aussi, chose
non moins importante, de nos repentirs, de nos remords. Nous ne
pouvons nous pardonner à nous-mêmes en toute sincérité qu’après avoir
pardonné aux autres. Avoir absous les autres et refuser de se pardonner
à soi-même n’est ni plus ni moins que de l’orgueil spirituel : « et c’est
par ce péché que tombèrent les anges » [les anges rebelles, la cohorte
des anges entourant Lucifer].
Absoudre les autres, les libérer, c’est se libérer soi-même, car le
ressentiment est en fait une forme de l’esclavage. Lorsqu’on éprouve du
ressentiment contre une certaine personne, on se lie à son ennemi par
un lien cosmique, par une chaîne véritable quoique spirituelle. On
est, cosmiquement, attaché à ce qu’on hait.
La seule chose essentielle est de consentir à pardonner. A partir du
moment où nous avons vraiment le désir d’absoudre notre offenseur, la
tâche la plus pénible est réalisée, la partie gagnée. Nous pouvons en
notre for intérieur proclamer : je confie au Christ qui est en moi ma
rancune. Désormais je ne souhaite que du bien à mon offenseur. La
Vérité du Christ nous a libérés tous les deux. J’en remercie Dieu. Et nous

L’Initiation Traditionnelle - n° 4 de 2018


pouvons jouir d’un esprit libre, de cette liberté que connaissent les
59
enfants de Dieu. L’acte de pardon est complet, et une joie merveilleuse
nous envahit pour qui peut connaître cette manifestation de Dieu.
Cependant, les gens se font souvent un épouvantail du pardon, parce
qu’ils pensent à tort que cela signifierait d’aimer nos ennemis.
Heureusement il n’en est rien. De plus, nous ne sommes pas contraints
de donner notre amitié lorsqu’elle n’est point spontanée. Mais aimer tout
le monde, au sens chrétien du mot, de cet amour que la Bible appelle
aussi la charité et qui signifie : bienveillance vis-à-vis de tous, du
TOUT – bienveillance active mais impersonnelle. Cette attitude conduit
toujours à un sentiment de sérénité et de félicité.

« Ne nous laisse pas succomber à la tentation »


[De la liberté FAUSSE individuelle, personnelle, partielle, partiale,
incluant la compétition, cause des maux des mondes]

Plus on avance dans la vie spirituelle, plus les prières sont efficaces, et
plus on devient vulnérable à des tentations nouvelles, inconnues des
novices. En outre, on s’aperçoit que pour des fautes ordinaires –
insignifiantes aux yeux de bien des gens – on est sévèrement puni.
Ainsi la conscience se trouve ainsi maintenue en état de perpétuelle
alerte. Se garder du péché mortel de l’orgueil spirituel – défaillance
suprême d’un noble cœur.

« Mais délivre-nous du mal »


[Par la liberté VRAIE Individuelle, Impersonnelle, ou
« Apersonnelle »
Universelle, Divine, Une et Unique]
Si nous cultivons avec zèle et intelligence la pureté, l’harmonie, qui
procèdent de l’Esprit Saint, rien ne nous fera jamais de mal.

« Car c’est à toi qu’appartiennent, dans tous les siècles, le Règne, la


Puissance et la Gloire »
[Hors de la Chute et de la Création, hors le reflet et l’effet de tout
temps, hors du Cri de la Création, ou de la Manifestation]

« Au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit »


[Divine Contemplation
En une Union Unique, Divine, Infinie, Indéfinie Parfaite et Pure]

L’Initiation Traditionnelle - n° 4 de 2018


Dieu : omniprésent et omniscient. Il est en TOUT et est TOUT.
60
Lorsque nous agissons lorsque nous prions, c’est Dieu lui-même qui
s’exprime à travers nous. Dieu s’exprime par l’homme, son intermédiaire.
Donc, avant d’entreprendre une action, pensons : l’Intelligence Divine
s’exprime par notre intermédiaire, c’est Dieu qui m’inspire, c’est Lui qui
agit en nous. Et alors les choses les plus difficiles seront accomplies avec
un succès surprenant.
Au fur et à mesure que nous comprenons l’Omniprésence de Dieu, elle
nous transfigure la vie, convertissant la douleur en joie, la vieillesse en
jeunesse, les ténèbres en lumière. C’est la Gloire, et Celle-ci vient de
Dieu, et la félicité que cette expérience nous apporte est encore Dieu Lui-
même, qui, à travers nous, connaît cette félicité.

La prière, sous forme de supplication, en gémissant, comme un esclave


demandant quelque grâce à son maître, est toujours fausse.
Et aussi :
[Il n’y a rien de pire que de faire descendre la Lumière vers soi
au lieu d’accomplir l’Action de Grâce et donc de s’élever vers la
Lumière ; d’élever son âme vers le Créateur]

La forme la plus élevée de la prière est la contemplation : par elle la


pensée et le penseur deviennent UN, réalisant ainsi l’union mystique.
En résumé, il importe que chacun prie à sa façon, selon le mode qui lui
convient le mieux, car la prière la plus spontanée est aussi la plus
efficace.

* L’Homme vraiment humain


Réconcilie Ciel et Terre
Il unit tous les êtres,
tous les règnes de la Création
dans la Divine Lumière du Pur Amour
Robert Delafolie


 

L’Initiation Traditionnelle - n° 4 de 2018


61

Diego Cerrato Barragán est une figure importante


de la franc-maçonnerie et du martinisme espagnols.
J’ai eu le bonheur de le rencontrer plusieurs fois à Madrid
dans les années 2000.
Je lui avais présenté le GERME dont le GEIMME
qu’il a fondé à cette époque est une brillante déclinaison.
Je tiens à saluer le travail initiatique
qu’il accomplit avec sa foi, ses connaissances et sa passion
et c’est avec un grand intérêt que je publie ici
son étude sur le Rite Écossais Rectifié.
Yves-Fred Boisset

RITE ÉCOSSAIS RECTIFIÉ


UNE ÉCOLE DE VERTU ET DE
SAGESSE
par Diego Cerrato Barragán 1

« …La Vertu seule rend l’homme à la Lumière ».


Rituel Apprenti, Chap. XV, L’Apprenti reçoit la Lumière.

« Seule la Vertu est impérissable ».


Rituel MESA, Chap. XII, Premier Discours.

Ces préceptes fermes et stricts marquent le pas de tout maçon rectifié


dans l’Ordre et mettront à l’épreuve continuellement son progrès, jusqu’à
sa mort physique. Il conviendrait donc de nous arrêter sur les possibles
aspérités qu’ils peuvent contenir, puisque la voie maçonnique n’est rien
d’autre qu’une voie de vertu dans un « Ordre dont les bases essentielles
sont : la religion, la vertu, la bienfaisance et l’amour de la vérité […dans
laquelle] les maçons doivent se consacrer à l’étude et à la pratique

1 Sérénissime Grand Maître du Gran Priorato Rectificado de Hispania et Président du GEIMME.

L’Initiation Traditionnelle - n° 4 de 2018


constante d’une morale épurée par la religion, en exerçant toutes les 62
vertus religieuses, humaines et sociales »2. Comprendre cela correctement
nous évitera, sans aucun doute, de nous perdre en de vains exposés et
d’obscures vues de l’esprit, nous montrant ainsi, tel qu’avertit Jean-Marc
Vivenza3, le vrai caractère opératif du Régime Rectifié et sa vocation
spirituelle.

Le mot vertu vient du latin virtus, dont la racine vir désigne « l’homme »
en tant qu’« individu », et est liée ainsi à l’idée de masculinité (virilitas),
et à son tour vir vient de vis, qui signifie force. Il s’ensuit donc que la vertu,
dans son sens originaire, serait la force propre à l’homme. De son sens
physique, le terme a progressivement revêtu une signification analogue
plus spirituelle, et finalement, morale. Dans notre Ordre, la force qui
assiste le Maçon se trouve dans sa foi et provient de l’Éternel.

En général, le concept de vertu fait allusion à une qualité positive qui


permet de produire certains effets, une qualité stable de la personne,
qu’elle soit naturelle ou acquise. De nos jours, les différents usages du
terme sont liés à la force, au courage, au pouvoir d’agir, à l’efficacité
d’une chose ou à l’intégrité d’un état d’âme.

Les vertus peuvent être intellectuelles (liées à l’intelligence) et morales


(liées au bien ou à la bonté). La vertu intellectuelle est formée par la
capacité d’apprentissage, du dialogue et de la réflexion dans la recherche
de la connaissance vraie ; dans ses limites il est possible de distinguer la
raison théorique de la raison pratique 4. La vertu morale, pour sa part, est
l’action ou le comportement moral. Il s’agit de l’habitude qui est
considérée comme bonne et conforme à l’éthique, une « habitude
fonctionnelle bonne », une disposition permanente qui incline fermement
et fortement, une puissance pour agir conformément à la raison droite.

2 Rituel Ap., Chap. VI, Du frère Préparateur et ses fonctions.


3 Voir son article dans le Bulletin d’information nº 47 du GEIMME de septembre 2015.
4 Le philosophe allemand Emmanuel Kant (1724-1804), faisant allusion à la raison comme faculté de

l’esprit humain, disait qu’il y a deux motifs fondamentaux qui le poussent à se mettre en marche. L’un
est la connaissance. L’autre, c’est l’action. Et, comme l’affirmait Kant, il y a deux champs de la raison :
l’un, celui de la raison théorique, se penche vers la connaissance, entendue comme recherche de la
vérité dans la réalité. L’autre, celui de la raison pratique, incliné vers la recherche de l’action correcte
dans les champs des relations interpersonnelles et sociales.
Cependant, il n’est pas prudent de séparer les deux sphères comme si elles n’avaient rien à voir entre
elles. Bien au contraire. Puisque la théorie et la pratique sont des manifestations humaines, selon que notre
connaissance du réel soit vraie ou fausse, notre action sera adéquate ou inadéquate aux circonstances.

L’Initiation Traditionnelle - n° 4 de 2018


Dans le christianisme, les vertus théologales, surnaturelles ou infuses sont
63
celles qui, conformément à la doctrine chrétienne, ont été octroyées à
l’homme par Dieu pour qu’il agisse comme son Fils Jésus Christ, modèle
de vertu et expression lumineuse du « Chemin, de la Vérité et de la Vie »
(Jn 14:6).

C’est à partir du Pape Grégoire le Grand (540-604), partant de la


classification des sept péchés capitaux 5 au sein de l’Église, et avec une
base dans les Écritures Saintes, que furent rédigées et organisées les
sept vertus chrétiennes, dont quatre cardinales : la Justice, la
Tempérance, la Prudence et la Force, acquises et perfectionnées par la
volonté de l’homme, et trois vertus théologales : la Foi, l’Espérance et la
Charité, infuses en l’homme par la grâce de Dieu. Ces vertus orienteront
ultérieurement les idées sociales et politiques de « perfection » ou de «
rectitude » d’ordre moral - c’est-à-dire, la réalisation du Bien comme
objectif préférentiel - qui finira par prévaloir dans la chrétienté. La vertu
chrétienne n’incombera donc plus, tant à l’idée de force ou de courage
héroïque de l’homme, qu’à celle de sainteté, dans laquelle elle doit recueillir
« le fruit de l’Esprit [qui] est charité, joie, paix, patience, affabilité, bonté,
fidélité, mansuétude et tempérance » (Ga 5:22). Cependant, les vertus qui
ont raison des péchés capitaux resteront gravées dans les qualités que
doit avoir un Chevalier médiéval et sont ainsi recueillies dans les divers
Codes de Chevalerie. Un Chevalier doit être loyal, tolérant, ce qui implique
d’être miséricordieux et patient, tempéré ou résistant, puisqu’il doit
s’habituer à boire et à manger avec modération et contenir ses appétits
sexuels ; il doit être généreux, humble, et ne pas se vanter de ses exploits,
mais plutôt louer ceux des autres ; il doit être courageux pour avoir le
courage et la volonté de faire ce qui est juste et correct. Cet esprit
chevaleresque prévaut de nos jours dans notre Ordre, au sein de la classe
des Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte.

5 Le mot « capital » fait allusion au fait que chacun de ces péchés engendre beaucoup d’autres, mais

pas de même ampleur ; aux dires de saint Thomas d’Aquin : « Les péchés ou vices capitaux sont ceux-
là mêmes auxquelles la nature humaine nous incline principalement ». Les premiers écrivains religieux,
comme Jean Casiano, Ciprien de Carthage, Évagre le Pontique ou Alcwuin de York, reconnaissaient 8
péchés capitaux : la gourmandise et l’ébriété, l’avarice, la luxure, la vantardise, la colère, la tristesse, la
paresse et l’orgueil, et cette liste a survécu jusqu’au VIe siècle, quand le Pape Grégoire le Grand révisa
les œuvres d’Évagre et Casiano, et dressa une liste où il réduisit les vices à 7 – il considéra donc que la
tristesse était une forme de paresse –, et c’est ainsi que restèrent figés les 7 péchés capitaux : la
luxure, la paresse, la gourmandise, la colère, l’envie, l’avarice et l’orgueil, tels que nous les connaissons
aujourd’hui.

L’Initiation Traditionnelle - n° 4 de 2018


La Franc-maçonnerie Rectifiée, au sein de laquelle les vertus chrétiennes
64
sont le fondement du processus initiatique, est définie dans notre Ordre
comme « une école de Vertu et de sagesse, qui conduit au Temple de la
Vérité, sous le voile des symboles, ceux qui l’aiment et qui la désirent »6.
L’emblème du Temple de Salomon représente au maçon son caractère
opératif, qui ne doit être autre que « bâtir dans leur cœur un Temple à la
vertu, et tâcher de le rendre aussi parfait que celui qui fut élevé par
Salomon »7.

Cet état vertueux que le maçon souhaite manifester concerne son état
originaire, sa nature essentielle selon son image et sa ressemblance divine,
représentée par le Temple de la Vérité, qui lui fut caché après la « chute
» et qu’il doit dévoiler avec l’aide des « leçons que l’Ordre t’offre, pour te
rendre facile le chemin de la vérité et du bonheur, [si ceux-ci] se gravent
profondément dans ton âme docile et ouverte aux effets de la vertu… » 8,
au point qu’un jour tu puisses y entrer de nouveau jusqu’au Saint des
Saints.

« Le fils de la Lumière… égaré dans les ténèbres »9, exposé à des dangers
continus et de nouveaux défis entre les « grossières vapeurs de la
matière » 10 qui le maintiennent sous les « vains sophismes, qui prouvent
la dégradation de l’esprit humain quand il s’éloigne de son origine » 11, en
proie continuellement aux sept vices ou péchés capitaux, a besoin, pour
inverser l’inertie et le poids de son ignorance, de se soumettre de son
propre chef à un engagement ferme de maintenir « un véritable désir de
se rendre à la vérité par la pratique de la vertu »12, unique voie que l’Ordre
offre, voie de sagesse, comme on nous l’a annoncé et que nous détaillerons
plus tard, où l’amour et le désir persévérants déchireront « le voile des
symboles ».

Tel que l’expose Jean-Marc Vivenza, « la réalisation de l’œuvre de


purification obtenue par la pratique des vertus s’impose ainsi comme la «
voie » par excellence que propose le Régime Ecossais Rectifié à ses
membres, « voie » présentée sous forme d’un chemin qui remonte à
l’essence primitive dont l’homme s’est éloigné pour son malheur, voie

6 Rituel Ap., Annexe II, Instruction par demandes et réponses.


7 Idem.
8 Règle des Loges Rectifiées, Artº IX, II.
9 Rituel Ap., Chap. XV.
10 Règle des Loges Rectifiées, Artº II, I.
11 Idem, Artº I, I.
12 Rituel Ap., Chap. XII, Introduction du candidat dans la Loge.

L’Initiation Traditionnelle - n° 4 de 2018


d’une lente ascension vers le centre de la Création qu’avait établi notre
65
premier père, en tant qu’agent immédiat de la Divinité, dans un état de
gloire et de perfection : « Vous devez donc aujourd’hui, pour retourner à
ce centre duquel il est descendu, écrit Willermoz, remonter par le même
chemin et payer à chacun de ses principaux agents le tribut d’expiation
et de justice qui lui est imposé pour recouvrer les sept dons de l’esprit qu’il
possédait dans sa plénitude. C’est ce tribut d’expiation et de justice que
l’homme doit commencer par payer ici-bas, même s’il ne peut pas les
satisfaire pleinement tant qu’il reste lié à cette forme de matière qui
l’expose continuellement à de nouveaux dangers. Son travail ici-bas est
de purger soigneusement les sept vices, ou péchés capitaux, opposés aux
sept vertus qui, en eux-mêmes, peuvent lui procurer les sept dons de
l’esprit13’ (Leçons de Lyon, nº 103, mercredi 23 octobre 1776, W) »14.

Se rendre au Temple de la Vérité par la pratique de la Vertu implique un


processus interne, dans lequel on ne peut qu’accéder à la connaissance
profonde de la Vérité, à la dimension insondable qui révèle son véritable
sens, à travers une transformation radicale de soi-même sur le Chemin qui
nous est tracé de la Lumière, en même temps que sa clarté nous ouvre
intérieurement en nous éclairant de l’intérieur. La Vérité ne s’identifie pas
ici à élucubrer sur des théories ou des hypothèses plus ou moins
plausibles autour de questions transcendantales, mais plutôt à un état de
l’Être d’où on perçoit l’unique Réalité ou principe spirituel. Le terme
« Vertu » acquiert aussi, de cette façon, un sens plus large que celui qu’on
lui attribue habituellement : être vertueux, ce n’est pas seulement agir
d’une façon déterminée mais mieux encore, de manière radicale, être en
contact avec sa propre virtus (= puissance ou essence), avec son potentiel
d’être pleinement humain, avec sa Vérité intime. La personne vertueuse
acquiert la sagesse quand elle la perçoit à partir de son « origine » divine,
centre de toute Vertu, se libérant ainsi des « vains sophismes » de ce
monde.

13 Ces sept dons de l’esprit sont des dispositions permanentes qui rendent l’homme docile pour suivre

les impulsions de l’Esprit Saint : 1e don de sagesse : pour comprendre et juger avec discernement les
desseins divins ; 2e don de l’intelligence : pour l’entrée dans la vérité sur Dieu ; 3e don de conseil : pour
juger et soutenir les actions singulières des desseins divins ; 4e don de force : pour affronter les
difficultés dans la vie chrétienne ; 5e don de connaissance: pour connaître le vrai sens des choses
crées par Dieu ; 6e don de piété : pour nous comporter comme des enfants de Dieu et comme des frères de
nos frères, les hommes, en étant d’autres Christs ; 7e don de crainte de Dieu : pour rejeter tout ce qui peut
offenser Dieu, comme un enfant rejette, par amour, ce qui peut offenser son père.
14 Le caractère opératif du Régime Rectifié et sa vocation spirituelle, Bulletin d’information nº 47 du

GEIMME de septembre 2015.

L’Initiation Traditionnelle - n° 4 de 2018


Cette Lumière de l’Esprit, « premier vêtement de l’âme » 15, revêt notre
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nature originaire émanée de Dieu, où habite la Vertu par sa ressemblance
divine, « mais, qui pourra la reconnaître, s’il la défigure lui-même ? »16 «
L’objectif d’une vie vertueuse consiste à parvenir à être la ressemblance de
Dieu »17, en dissipant les ombres qui défigurent et couvrent cette
ressemblance. Il est permis seulement à l’être humain vertueux d’être
ductile et transparent à sa Vérité profonde, parvenant ainsi à incarner et
représenter de façon éloquente la Lumière, agissant selon les Logos18, en
l'écoutant, parce qu’ayant purifié son regard et aiguisé son ouïe, au point
que les choses lui révèlent leurs secrets et les voiles disparaissent parce
que « ses yeux ont été ouverts et les ténèbres se sont dissipées »19.

La Sagesse germe de cette même luminosité divine. La personne sage


écoute et donne de la voix à cette Réalité première qui émane de la
« Source unique de tout bien et de toute perfection […] qui a donné l’être
à tout ce qui existe » 20, elle ne parle pas simplement d’elle-même, en se
limitant à dire ce que lui permettent ses lumières élémentaires
individuelles dans lesquelles « Les préjugés forment souvent une barrière

15 Rituel Ap., Instruction morale.


16 Idem, Première Maxime de l’Apprenti.
17 Saint Grégoire de Nysse, De beatitudinibus, Oratio 1.
18 En rapport avec la philosophie grecque et la philosophie judéo-hellénistique de Philon d’Alexandrie,

on utilise le mot grec Logos (λόγος) pour signifier la sagesse et, spécialement, la raison inhérente à
Dieu. Après le premier siècle et à partir de l’Évangile de saint Jean, Logos (traduit au latin par Verbum)
revêt une signification chrétienne, l’identifiant au Verbe de Dieu, ou Deuxième Personne de la Très
Sainte Trinité. Le sens que nous lui donnons ici est lié à la façon dont l’être humain perçoit le Logos,
selon son degré de vertu, compris selon le « contexte de la vie mystique » à partir du commentaire
d’Origène d’Alexandrie à Jean : « Pour Origène, la participation au Logos (λόγος) a des degrés, ceux qui
sont déterminés par la perfection ou sainteté du rationnel. Au plus bas étage, se trouvent ceux qui
adhèrent au logoi, corrompus et athés - on y trouve ceux qui rejettent la providence et admettent une
fin différente du bien - ; ensuite viennent ceux qui adhèrent aux doctrines qui participent du Logos - on
y trouve certains philosophes grecs - ; puis ceux qui adhèrent au Logos incarné - là, on trouve la
plupart des croyants - et, au sommet de la participation, les parfaits, qui participent du Dieu-Logos lui-
même ». (Fernando Soler, « Préliminaires pour la compréhension du concept logos dans le
commentaire d’Origène à Jean », Teol. vida vol.55 no.2 Santiago 2014). L’être humain peut, selon son
degré d’innocence ou de transparence, opérer à partir du Logos qui, tout en éclairant son cœur, révèle le
Père : « La parole est la messagère de ce qui est dans le cœur : ainsi donc, le Logos qui connaît le Père,
révèle le [Père] qui connaît » (Origène, Commentaire sur Jean, Livre I). C’est seulement ainsi que le
maçon pourra exercer de façon effective le ministère spirituel auquel il est appelé : « Servez-vous du
don sublime de la parole (…) pour allumer dans tous les cœurs le feu sacré de la vertu » (Règle en
usage dans les Loges Rectifiés, Article VI-I).
Saint-Augustin compare le Verbe de Dieu, non pas à la parole prononcée des lèvres, mais plutôt au
parler intérieur de l’âme ; il s’ensuit donc qu’on peut, dans une certaine mesure, capter le mystère
divin ; engendrée par l’esprit, elle y reste, elle est son égal, elle est la source de ses opérations (voir
spécialement « Sur la Très Sainte Trinité » IX, vii, 12 s, en PL XLII, 967, XV, x, 17 s, ibid., 1069).
19 Rituel Ap., Cap. XV.
20 Idem, Prière de Fermeture / Ouverture.

L’Initiation Traditionnelle - n° 4 de 2018


impénétrable »21. Le sage est nécessairement vertueux, il est le miroir 67
limpide de la Lumière, celui qui la réfléchit. La Sagesse se donne à partir
de la Vertu, la Vertu éclaire la Sagesse. La Sagesse et la Vertu conduisent
au Temple de la Vérité. Cette connaissance de la Vérité n’est pas
accessible sans un engagement ferme avec l’intégrité même, ce qui
implique de pénétrer profondément dans une voix de purification, dans
une initiation vitale, au bout de laquelle la vision de la personne et du
monde subit un changement radical. Seule cette transformation peut
éclairer et soutenir la connaissance Réelle, la compréhension profonde à
partir de l’être : la vision intérieure, la Lumière inaltérable. La Sagesse nous
dit que connaître profondément quelque chose c’est être la chose elle-
même ; qu’être informé sur quelque chose ne signifie pas connaître
directement cette chose ; du premier se charge l’esprit, du second, l’Être.
Nous parlons donc d’une connaissance qui transforme radicalement, parce
qu’il s’agit de connaître l’Être à partir de son origine essentielle, de son «
êtreté », où habite la Vérité et la Vertu (essence ou puissance), où
connaître et être sont la même chose. Toute transformation permanente de
notre être prend sa source dans une prise de conscience ou
compréhension de quelque aspect de la Vérité, et, parallèlement, toute
compréhension profonde nous transforme. La philosophie explique, la
science décrit, mais seule la Sagesse nous transforme.

Construire, Connaître, Comprendre ou Être (tout revient au même dans le


cas qui nous occupe) le Temple de la Vérité que nous, les maçons, élevons
à la Vertu, implique, comme nous l’avons dit, un processus de
transformation profonde qui fait de notre cœur un véritable « asile pour la
Vertu, un rempart impénétrable au vice, et le sanctuaire de la Vérité… » 22.
C’est seulement du centre de notre Être que nous pouvons avancer du
Porche au Sanctuaire, réalisant ainsi, selon J-B Willermoz, l’unique objectif
de l’Initiation23. De là, nous comprendrons la Vérité : que nous sommes
sanctuaire de Dieu et que l’Esprit de Dieu nous habite (1 Co 3:16). Connaître
cette Vérité, c’est se connaître soi-même, en tant qu’esprit divin, et c’est
sur cette connaissance de soi-même que repose la Vertu et l’essence de la
Sagesse, et donc la « Perfection morale de soi-même » : « Sondez jusque
dans le fond de ton cœur, afin d’y scruter les recoins les plus cachés »24, et
tu trouveras que « l’Esprit de vérité (…) demeure avec toi, et sera en toi »
(Jn 14:17). « La connaissance de soi-même est le grand axe des préceptes

21 Idem, Instruction morale.


22 Idem, Prière d’Ouverture.
23 « L’unique objectif de l’initiation c’est de conduire du Porche au Sanctuaire », ISGP.
24 Règle des Loges Rectifiées, VII, I.

L’Initiation Traditionnelle - n° 4 de 2018


maçonniques » 25 et « la clé de tous les mystères »26. Cette connaissance 68
transcende tout examen psychologique des modalités particulières de notre
être, et nous conduit plus profondément à la base et au fondement de tout
ce qui est, donc « Celui qui se connaît, connaît toutes les créatures »27.

Dans ce sens, toutes les traditions de sagesse s’accordent à dire que


notre transformation réelle est une fonction de la connaissance de soi-
même (puisque la modification de notre manière d’être et d’agir qui ne
repose pas sur un élargissement de notre compréhension n’est
qu’habitude, conditionnement ou contrainte), alors que la véritable
connaissance est synonyme de transformation (mieux, ce n’est pas la
simple connaissance qui apporte la simple information, la simple
explication ou la simple description).

Dans notre Tradition maçonnique, cette connaissance de soi entraîne la


réhabilitation dans la Lumière de la vision scindée, dégradée et
fragmentée de l’être humain dans sa forme ordinaire (où habite le vice et
où se tisse l’illusion), produit de la « chute » où il oublia28 sa propre identité :
les ténèbres sont l'oubli de lui-même. Pour transcender ou inverser cet
état d’oubli, il a besoin de se souvenir de lui-même tel qu’il était dans sa
vraie origine, dans sa virtus (essence ou puissance). Cette connaissance
requiert donc de se rappeler29, par « un vrai désir de parvenir à la vérité
par la pratique des vertus » 30, ce que le « Fils de la Lumière »31 et « de la
Vertu » 32 a toujours été, est et sera de toute éternité. C’est un processus
intime qui se vit dans « le silence, la retraite et le calme des sens [où] le
sage se dépouille des passions, des préjugés, et fait des pas assurés dans
le sentier de la vertu et de la vérité »33.

25 Idem.
26 Rituel Cp., Chap. XIV : « Sondez jusque dans le fond de votre âme pour y trouver la connaissance de
vous-même. Ce travail est pénible, mais il donne la clé de tous les mystères et conduit au vrai bonheur
».
27 Maître Eckhart, Traités et Sermons.
28 « Ébloui par son grand pouvoir, il se glorifia, oublia qu’il devait tout à l’amour et à la générosité de
son Créateur à qui il appartenait, et que lui n’en était que le dépositaire pour l‘exécution de Ses
intentions ». ISGP.
29 « …L’homme moral et intellectuel [spirituel...] soumis pour un temps à l’enveloppe matérielle dont il

sent le poids, exposé au choc des éléments qui agissent violemment sur sa nature physique et à toutes
les influences que provoquent sans cesse ses passions, a besoin qu’on lui rappelle […] les espoirs que lui
octroie la noblesse de son origine ». Instruction, Rituel MESA.
30 Rituel Ap., Chap. XII, Introduction du candidat dans la Loge.
31 Idem, Chap. XV.
32 Règle des Loges Rectifiées, Préambule.
33 Rituel Ap., Instruction morale.

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« Voilà la méthode du Régime Écossais Rectifié, l’œuvre propre et
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spécifique du système cher à Jean-Baptiste Willermoz qui, pour être
austère, n’en contient pas moins les outils essentiels pour procéder à une
véritable reconstruction de l’être, pour rétablir la plénitude de la grâce de
Dieu en se réintroduisant dans la communion, malheureusement rompue,
avec l’Éternel. […] le Régime Écossais Rectifié est, en soi-même, dans toute
sa structure pyramidale et hiérarchique, en ses différents niveaux, sous
réserve d’être vécu correctement et fidèlement, une profonde et
pénétrante « opération » de purification salvatrice, de reconstruction
régénératrice, d’éveil de la créature à la véritable foi, une « voie »
effective de souveraine sanctification » 34.

En définitive, ce que l’Ordre nous offre, nous le répétons fermement pour


ne pas donner lieu au moindre doute, c’est « une école de Vertu et de
sagesse, qui conduit au Temple de la Vérité, sous le voile des symboles,
ceux qui l’aiment et qui la désirent », et c’est pour ça que cet Ordre, de
dimension purement spirituelle35, « ne vous abandonnera jamais, si vous
conservez inviolablement l’amour de la Vertu, de la Sagesse et de vos
Frères »36. Si vous avez bien compris ce que cela signifie, alors oui,
véritablement « Dès aujourd’hui vous formez avec nous une classe
distinctive d’hommes voués par goût, et par devoir, à l’exercice des
vertus et à l’étude des connaissances qui y conduisent »37.

Madrid, 6 octobre 2018

34 Le caractère opératif du Régime Rectifié et sa vocation spirituelle, Jean-Marc Vivenza, Bulletin


d’information nº 47 du GEIMME de septembre 2015.
35 Les Principes fondamentaux de l’Ordre en dix points, point III, Directoire National Rectifié de France -

Grand Directoire des Gaules.


36 Rituel Ap., Chap. XV, L’Apprenti reçoit la Lumière.
37 Idem, Instruction morale.

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LES LIVRES 70

Yves-Fred Boisset a lu pour vous :

STANCES DORÉES
(Commentaire sacerdotal du Tarot).

Petit par le format mais grand par l’originalité de sa composition, ce


livre signé par Iwan GILKIN+ et orné de 22 gravures porte le titre suivant
évocateur de poésie : STANCES DORÉES 1. Inspiré par « Le Tarot
divinatoire » de Papus, d’une part, et par « Le Tarot, l’alphabet hébraïque
et les nombres » de Marc Haven, d’autre part, l’auteur (1858-1924),
poète et dramaturge berge, journaliste engagé et critique littéraire, a
illustré par des quatrains (de pure poésie classique et dans le respect des
strictes règles de la prosodie française) les 22 arcanes majeurs du Tarot.
Et ce n’est pas un simple jeu d’esprit car ces quatrains recèlent des
références hermétiques, magiques et alchimiques qui évoquent ce
monde secret de la tradition initiatique.

Qualifier de « dorées » ces stances évoque inévitablement les


« vers dorés » de Pythagore, autre sommet de la connaissance sacrée. Et
ce rapprochement qu’a fait Iwan Gilkin ne saurait être le seul fruit du
hasard…

Ces stances qui s’appliquent successivement aux mystérieux


arcanes du Tarot doivent être lues lentement à voix basse afin que
chaque mot s’imprime dans le cœur du cherchant qui a sous les yeux la
représentation graphique de chaque lame, figurant en regard de la stance
qu’elle inspire.

1Ether & Egregore éditions – 80 pages, 25 illustrations N&B – 10 € livraison comprise.


Contact : www.editions.ether-egregore.com.

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www.linitiation.eu

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