Thèse Elias Remita
Thèse Elias Remita
Thèse Elias Remita
Spécialité
Génie des procédés et haute technologie
Présentée par
Elias REMITA
pour obtenir le grade de
DOCTEUR DE L'UNIVERSITE PIERRE ET MARIE CURIE
Sujet de la thèse :
ETUDE DE LA CORROSION D'UN ACIER FAIBLEMENT
ALLIE EN MILIEU CONFINE CONTENANT DU CO2
DISSOUS
Introduction………………….…………………………............................……………………………..………………………...p. 1
II.1 Description thermodynamique simplifiée des solutions corrosives contenant du CO2 dissous
et calcul du pH d’équilibre thermodynamique ……………………...……………...…..…………………………...p. 11
II.1.1 Equilibres physico-chimiques intervenant dans les solutions corrosives contenant du CO2…..p. 12
II.1.1.a Acidification des solutions aqueuses en présence de CO2……..……………………………………...p. 13
II.1.1.b Réaction de précipitation de la sidérite……..……………………………………………………………...p. 17
II.1.2 Calcul du pH d’équilibre thermodynamique dans les solutions corrosives contenant CO2........p. 19
II.1.3 Conclusion de la partie II.1……………………......…………………………………...…………………………….....p. 23
II.2. Corrosion uniforme des aciers en milieu aqueux contenant du CO2 dissous……...…...………p. 24
II.2.1. Processus cathodiques à la surface des aciers en présence de CO2……..………………...…………...p. 25
II.2.1.a. Réactions liées aux caractères aqueux et acide des solutions……..………………………………...p. 25
II.2.1.b. Implication des espèces carbonées dans les processus cathodiques…………....……………….....p. 27
II.2.2. Dissolution anodique du fer en présence de CO2……………………………...…………...………………….p. 32
II.2.2.a. Dissolution du fer en milieu acide (aucun rôle du CO2 dans le processus)…...….………..…….p. 32
II.2.3.b. Action des espèces carbonées sur la dissolution anodique du fer………….....….………..…….p. 33
II.2.3. Produits de corrosion en présence de CO2………….....….……………………………………..…...………p. 35
II.2.3.a. La sidérite.....….……………………………………………………………………………………..…...………p. 36
II.2.3.b. La cémentite………………………………………………………………………………..………..…...………p. 37
II.2.3.c. Caractère protecteur des dépôts de sidérite………………………………………..………..…...………p. 38
II.2.3.d. Dépôts mixte sidérite-cémentite ……………………………………………………..………..…...………p. 39
II.2.4. Prévision des vitesses de corrosion des aciers en présence de CO2 dissous…..………..…......……p. 41
II.2.5. Conclusion de la partie II.2 ……………………………………………………………….…..………..…......….…...p. 43
II.3. La corrosion en milieu confiné……………...………...……….…………………..……...…...………..…......….…p. 45
II.3.1. Dispositifs expérimentaux d’étude de la corrosion en milieu confiné ………………....…......….…p. 46
II.3.1.a Les cellules de corrosion atmosphérique ……………………………………….…………....…......….…p. 47
II.3.1.b Les cellules à couche mince...……………………………………………………………….....…......…..…p. 48
II.3.1.c Procédure de positionnement classique dans les cellules à couches minces………….......….…p. 51
II.3.2. Spécificités du transport de matière en milieu confiné, influence sur les phénomènes de
corrosion……………..........................................................................................................................................................…......…...…p. 54
II.3.2.a Modes de transport de matière en milieu confiné................................................................….......….…p. 54
II.3.2.b. Influence du transport de matière sur les phénomènes de corrosion sous confinement……...p. 56
II.3.3 Corrosion en milieu confiné contenant CO2 dissous.....................................................................…......….…p. 60
II.3.4 Mesures d’impédances en milieu confiné...........................................................................................…......….…p. 62
II.3.5 Conclusion de la partie II.3. ................................…...............................................................................................….…p. 66
II.4. Conclusion de la partie II…………………….…...……………….………………………...…...………..…......….…p. 67
III. Développement d'un nouveau dispositif expérimental pour l'étude de la
corrosion métallique en milieu confiné..................................………………………………………………...p. 69
III.1 Description du montage d’électrochimie en couche mince.............................................................….…p. 69
III.2 Méthode de positionnement et validation du montage......................................................................….…p. 69
III.2.1 Procédure expérimentale........................................................................................................................................….…p. 74
III.2.2 Contrôle du positionnement par la méthode dite "des courbes d'approche multiples".......….…p. 75
III.2.2.a Théorie............................................................................................................................................................….…p. 75
III.2.2.b Résultats expérimentaux..........................................................................................................................….…p. 77
III.2.3 Validation du montage: mesure du courant limite de réduction de l’oxygène........................….…p. 80
III.2.4 Evolution du montage: possibilité d’introduire un capteur dans la zone confiné..................….…p. 85
III.3 Conclusion de la partie III....................................................................................................................................….…p. 87
Annexes..….………………………………………………………………………….....…………………………………...……p. 181
A.1. Influence de la présence de traces d’H2S sur les phénomènes de corrosion uniforme en
présence de CO2 dissous ................................…………………………………………………………...……….........…..…p. 181
A.1.1 Equilibres physico-chimiques dans les solutions corrosives contenant H2S……..…….........….…p. 181
A.1.2 Cinétiques de corrosion en solution aqueuse contenant CO2 / H2S………………………..........….…p. 186
A.1.3 Calcul du pH thermodynamique dans les solutions corrosives contenant CO2 et H2S......….…p. 187
II.4.3.a pH thermodynamique dans les solutions corrosives contenant H2S uniquement……….….…p. 188
II.4.3.b pH thermodynamique dans les solutions corrosives contenant CO2 et H2S…………….......…p. 190
A.1.4 Conclusion de la partie II.4………………..........................................................................................................….…p. 192
A.2. Composition de l'acier inoxydable AISI 316 L................................…………………...……….........…..…p. 193
A.3. Développement de capteur pH à base d'oxyde d'Iridium................................………...….........…..…p. 194
A.3.1. Protocole de fabrication des capteurs................................………...…..………………...…p. 194
A.3.2. Caractérisation des dépôts d’IrOx........................................………...…………………...…p. 196
A.3.3. Test des capteurs réalisés........................................………...……….…………………...…p. 197
A.3.5. Conclusions et perspectives……………………………..............…..…………………...…p. 197
A.4. Composition de l'acier FM 35......................................................................…………………...……….........…..…p. 200
A.5 Constantes utilisées dans la partie VI.2................................................………………….....……….........…..…p. 201
Bibliographie..….……………………………………………………………….....…………………………………...……p. 203
Introduction
Les situations de corrosion sous confinement pour lesquelles le volume d’électrolyte est très
restreint au regard de la surface métallique exposée sont fréquentes : la corrosion
atmosphérique, la corrosion sous des revêtements, ou encore la corrosion par crevasse en
constituent quelques exemples courants. Plus spécifiquement, ce type de situation est
également rencontré dans l’espace annulaire des conduites pétrolières flexibles. Les fils
d’armure en acier présents dans cet espace très confiné peuvent en effet se corroder
uniformément en présence d’eau de condensation ou d’eau de mer contenant des gaz acides
(CO2 mélangé éventuellement avec H2S). Typiquement, dans l’annulaire d’un flexible, le
rapport V/S entre le volume libre et la surface métallique exposée est de 0,03 mL/cm2 en
moyenne.
Dans de tels milieux confinés, les cinétiques de corrosion peuvent être très différentes de
celles observées dans des conditions de plein bain où le volume d'électrolyte est considéré
comme infini. Elles peuvent de surcroît dépendre du taux de confinement du milieu. Bien
qu'encore incomplètement compris, cet effet de confinement est généralement attribué à un
effet de transport de matière. En effet, en modifiant les caractéristiques du transport de
matière (apport des réactifs et évacuation des produits) au voisinage du métal qui se corrode,
le confinement d'un milieu est susceptible d'influer largement sur la composition locale de
l’électrolyte et donc sur les mécanismes de corrosion.
De très nombreuses études concernant la corrosion des aciers en présence de CO2 ont été
publiées. Cependant, à notre connaissance, aucune de ces études n’a été menée dans des
conditions réellement représentatives de celles rencontrées dans l’annulaire des conduites
flexibles pour ce qui est du taux de confinement et des conditions d'apport du gaz à l'interface.
Dans ce contexte, le but de ce travail de thèse est de déterminer et de modéliser les
mécanismes de corrosion uniforme d’un acier faiblement allié en milieu confiné contenant
CO2 dissous. Se prêtant généralement très bien aux études de corrosion et à la modélisation,
l'utilisation de la technique de spectroscopie d'impédance électrochimique a été en ce sens
particulièrement privilégiée. L’acier qui a été retenu pour cette étude est un acier faiblement
allié obtenu par trempe et revenu et utilisé dans les conduites flexibles de Technip.
L’application directe de ce travail est d’une part l’amélioration de la prévision des vitesses de
corrosion des fils d’armure présents dans l’espace annulaire des conduites pétrolières flexibles
et d’autre part l’optimisation du calcul du pH dans ce milieu confiné. Plus largement, ce projet
Introduction 1
a également pour ambition de contribuer à une meilleure compréhension des mécanismes de
corrosion en milieu confiné.
Introduction 2
I. Contexte de l’étude: corrosion sous confinement dans
l'annulaire des conduites flexibles en milieu pétrolier et gazier.
Mené dans le cadre d'un partenariat entre le CNRS, l'ENSCP, l'IFP et Technip, le travail
engagé au cours de cette thèse s'inscrit clairement dans le contexte de l'industrie du pétrole et
du gaz. D'un point de vue appliqué, son ambition est en effet d'améliorer les prévisions des
conditions physico-chimiques rencontrées dans l'annulaire des conduites pétrolières flexibles.
Dans le présent chapitre, nous allons présenter les conduites flexibles ainsi que la situation de
corrosion rencontrée dans leur espace annulaire. Ensuite, la problématique industrielle qui a
motivé cette étude ainsi que la stratégie que nous avons adoptée pour répondre à cette
problématique seront également exposées.
Les conduites pétrolières flexibles ont pour principale application la production pétrolière
offshore. Elles permettent l’acheminement des fluides extraits des puits de pétrole et de gaz
vers les installations situées à la surface de la mer ou à terre. Combinant une grande facilité de
pose à une excellente résistance mécanique, ces conduites constituent dans de nombreux cas
des solutions alternatives avantageuses vis-à-vis des conduites rigides plus classiques.
Détenant plus de 70% du marché de ce type d’équipement, Technip est la première entreprise
mondiale dans le domaine de la conception, de la fabrication et de la pose de conduites
flexibles. Ces conduites sont généralement conçues « sur mesure » pour répondre au cas par
cas aux exigences dictées par les conditions propres à chaque projet (composition du fluide
transporté, pression, température, profondeur d'eau, contraintes mécaniques subies etc.) et
sont par conséquent souvent uniques.
Elles présentent cependant toutes la même structure de base composée d’un arrangement
concentrique de différents éléments en acier ou en polymère. A titre d’illustration, une
représentation schématique d’un flexible simple est présentée ci-dessous (Fig. 1.1)
Chapitre I: Contexte de l'étude: corrosion sous confinement dans l'annulaire des conduites flexibles 3
en milieu pétrolier et gazier
Fig. 1.1: Représentation schématique d’une conduite flexible
Les diamètres intérieurs des conduites flexibles varient pour les applications courantes entre
2 " et 19 " (5 à 48 cm environ). La masse à vide d’une conduite de diamètre interne 8 " est de
l’ordre de 110 kg par mètre linéaire. La longueur de ces conduites peut parfois excéder 1000
m. La masse totale d’un flexible peut aller jusqu'à 2000 tonnes en un seul tenant. Certains
flexibles peuvent tenir des températures allant jusqu'à 130°C et des pressions internes
excédant 15000 psi (1000 bars).
Chapitre I: Contexte de l'étude: corrosion sous confinement dans l'annulaire des conduites flexibles 4
en milieu pétrolier et gazier
I.2 L’annulaire des conduites pétrolières flexibles et la corrosion des fils
d’armure
L’espace annulaire (ou annulaire) des conduites flexibles est défini comme le volume compris
entre la gaine polymère interne ((2) Fig. 1.1) et la gaine polymère externe ((6) Fig. 1.1). Cet
espace, qui contient un grand nombre de fils d’armure en acier au carbone ou faiblement allié,
est très restreint. En effet, le rapport V/S global entre le volume libre de l’annulaire d’un
flexible et la surface métallique des fils d’armures qu’il contient est typiquement de l’ordre de
0,02 à 0,06 mL.cm-2 (0,03 mL.cm-2 en moyenne). Ce rapport V/S varie cependant localement
à l’intérieur de l’annulaire pour être compris entre 0 quand la gaine est plaquée sur la surface
du fil d’armure et 0,17 mL.cm-2 dans les jeux entre deux fils d’armure.
Les fluides circulant dans les conduites flexibles sont généralement des mélanges complexes
composés de liquides et de gaz sous pression. De la vapeur d’eau et certains gaz dits
« acides » (CO2 pur ou mélangé parfois à H2S) sont notamment présents dans ces mélanges et
peuvent s’introduire par perméabilité au travers de la gaine interne des flexibles dans l’espace
annulaire (voir (2) Fig. 1.1). Ces phénomènes de perméabilité [Perm1] ont été largement
étudiés par le passé: la composition du milieu annulaire ainsi que la vitesse de condensation
d’eau sont désormais calculables dans les flexibles à l’aide du modèle MOLDI [Benj1]
développé par l’IFP et Technip.
En plus des fluides diffusant dans l'annulaire via la gaine interne, de l’eau de mer est
également susceptible de pénétrer dans l’annulaire en cas de déchirure accidentelle de la gaine
externe des conduites ((6) Fig. 1.1).
Dans un flexible en service, les fils d’armure en acier présents dans l’annulaire peuvent ainsi
être recouverts par un film mince d’électrolyte (épaisseur moyenne égale à 300 μm), composé
d’eau de condensation ou d’eau de mer, potentiellement corrosif car contenant du CO2 et
éventuellement de l’H2S dissous. D’un point de vue schématique, cette situation est
représentée sur la figure ci-après. (cf. Fig. 1.2).
Les premiers essais de simulation en laboratoire [Ropi1] démontrent que la corrosion des fils
d’armure présents dans l’annulaire se déroule essentiellement de manière uniforme. Dans le
cadre de notre étude, seul ce type de corrosion sera considéré. En particulier, nous ne
traiterons pas des phénomènes (rares dans l’annulaire) de corrosion localisée en présence de
CO2 / H2S.
Chapitre I: Contexte de l'étude: corrosion sous confinement dans l'annulaire des conduites flexibles 5
en milieu pétrolier et gazier
H2O / CO2 / H2S
Gaine Polymère
Fil d’acier
La prévision précise et fiable des vitesses de corrosion des fils d’armure et du pH dans
l’annulaire des conduites pétrolières flexibles constitue un enjeu industriel important. En effet,
lors du dimensionnement des fils d’armure, une surépaisseur dite de corrosion peut parfois
être ajoutée à l’épaisseur nécessaire à la tenue des contraintes mécaniques. Cette surépaisseur
est déterminée en fonction des vitesses de corrosion attendues dans l’annulaire. La valeur du
pH dans l’annulaire doit également être estimée car elle conditionne tout au moins
partiellement la durabilité des matériaux présents dans cet espace: les cinétiques de corrosion
des aciers et de vieillissement des polymères ainsi que la tenue à la fissuration par l'hydrogène
en présence d'H2S des armatures en acier (SSCC et HIC) dépendent en effet du pH.
Une sous-estimation de la sévérité des conditions rencontrées dans l’annulaire d’un flexible
peut donc aboutir à une réduction substantielle de la durée de vie de l’équipement.
Industriellement, cette erreur est peu fréquente du fait de l’importance des marges de sécurité
appliquées lors du dimensionnement des conduites.
A l’inverse, une surestimation de la sévérité des conditions rencontrées dans l’annulaire peut
également avoir des conséquences industrielles très négatives. Par exemple, une surestimation
des vitesses de corrosion des fils d’armure peut entraîner un surdimensionnement de ces fils et
donc un « surpoids » des flexibles. Cette situation crée de nouvelles contraintes techniques
lors de la pose des conduites, des contraintes mécaniques supplémentaires sur les structures en
service et peut également se traduire par des surcoûts non négligeables.
Chapitre I: Contexte de l'étude: corrosion sous confinement dans l'annulaire des conduites flexibles 6
en milieu pétrolier et gazier
Par ailleurs, une sous estimation des valeurs de pH dans l’annulaire peut interdire l’utilisation,
dans le flexible, de certains matériaux tels que les aciers à très hautes résistances mécaniques
particulièrement sensibles à la fragilisation par l’hydrogène en milieu H2S. Ainsi, dans un
contexte de marché où la tendance est à l’augmentation constante de la sévérité des conditions
de production (prise en compte de traces de H2S dès la conception du projet et gisements
offshore très profonds induisant des contraintes mécaniques de plus en plus fortes pour le
flexible), le calcul précis des conditions rencontrées dans l’annulaire permet d’affiner le
dimensionnement des flexibles et d’aboutir par conséquent à une solution optimisée des
propriétés/coût.
Dans le cas d’aciers immergés en plein bain dans des solutions aqueuses contenant du CO2 et
de l'H2S (rapport V/S entre le volume d’électrolyte et la surface métallique exposée supérieur
à plusieurs mL.cm-2), il semble admis que les modèles de corrosion actuels fournissent des
estimations de vitesses de corrosion uniformes assez représentatives de la réalité. De même, le
pH d’équilibre prévu par les modèles thermodynamiques tel que CORMED [Crol7, Boni1]
correspond généralement bien au pH mesuré dans ce cas.
Dans des milieux confinés contenant CO2 et H2S, cet accord relatif entre modèles et
expériences disparaît malheureusement totalement. L’écart constaté entre la théorie et les
mesures est même croissant à mesure que le confinement du milieu s’accroît (i.e que le
rapport V/S diminue). En pratique, lorsque le rapport V/S décroît, une diminution importante
de la vitesse de corrosion et une augmentation notable du pH sont systématiquement
observées dans les environnements confinés contenant CO2 et H2S [Ropi1, Tara1-2, Desa1]
(cf. II.3.3). A notre connaissance, aucune étude expérimentale n’a cependant été menée en
laboratoire dans des conditions réellement similaires à celles rencontrées dans l’annulaire des
conduites pétrolières flexibles, en particulier s’agissant du confinement et de l’apport local en
gaz acides.
Par ailleurs, au-delà de cet aspect expérimental, les phénomènes physico-chimiques
particuliers observés dans des milieux confinés contenant CO2 et H2S tels que l’annulaire des
conduites pétrolières flexibles (sursaturation en Fe (II), pH élevés, vitesses de corrosion
faibles….) demeurent largement inexpliqués à ce jour d’un point de vue théorique. En
particulier, la dépendance du pH et de la vitesse de corrosion au rapport V/S en milieu confiné
reste mal comprise (cf. II.2.4 et II.3.3). Ainsi, au commencement de ce travail de thèse, il
n’existait pas de modèle théorique réellement adapté à la prévision du pH et de la cinétique de
corrosion des aciers dans des milieux corrosifs confinés tels que l’annulaire des conduites
pétrolières flexibles (cf. II.2.4 et II.3.3). Le pH, paramètre très important du dimensionnement
Chapitre I: Contexte de l'étude: corrosion sous confinement dans l'annulaire des conduites flexibles 7
en milieu pétrolier et gazier
des flexibles, était en particulier encore estimé à l’aide de modèles ne prenant pas en compte
toutes les spécificités, telles que la sursaturation en Fe(II) (cf. II.3.3), de ces milieux confinés.
La vitesse de corrosion des fils d'armure était quant à elle estimée empiriquement. Ce manque
de connaissance des mécanismes de corrosion en milieu confiné aboutissait donc finalement à
une surestimation quasi systématique de la sévérité des conditions régnant dans l’annulaire
des conduites pétrolières flexibles. Comme discuté plus haut dans la présente partie, ces
prévisions pessimistes pouvaient avoir des impacts économiques négatifs en entraînant parfois
un surdimensionnement des installations.
Ce travail de thèse a pour objet « l’étude de la corrosion d’un acier faiblement allié en milieu
confiné contenant CO2». Il a une double vocation de recherche fondamentale et appliquée.
Tout d’abord, du fait des caractéristiques des milieux aqueux considérés, ce travail s’inscrit
clairement dans un contexte industriel pétrolier et gazier (cf. I.1-I.3). Il a pour application
industrielle directe la réalisation d’un modèle permettant d’améliorer la prévision des pH et
des vitesses de corrosion dans l’annulaire des conduites pétrolières flexibles. Pour être souple
et réaliste, ce modèle devra à la fois s’appuyer sur l’expérience et sur des hypothèses de
mécanismes.
D’un point de vue plus fondamental, l'étude menée dans le cadre de cette thèse aspire à
proposer une description des mécanismes de corrosion des aciers en milieu confiné contenant
du CO2 dissous. Plus largement, elle entend également contribuer à l’amélioration de la
compréhension des phénomènes de corrosion sous confinement. L’enjeu scientifique de ce
projet est donc vaste car, bien que les situations de corrosion sous confinement soient très
répandues (corrosion des armatures dans les bétons, corrosion sous des revêtements
polymères, corrosion dans des piqûres ou des crevasses, corrosion atmosphérique), l’influence
du confinement sur les phénomènes de corrosion demeure largement méconnue à ce jour.
-Tout d’abord, une cellule électrochimique à couche mince adaptée à l’étude de la corrosion
en milieu confiné a été mise au point (chap. III). Le développement d’un tel montage,
Chapitre I: Contexte de l'étude: corrosion sous confinement dans l'annulaire des conduites flexibles 8
en milieu pétrolier et gazier
permettant d’atteindre avec une grande précision géométrique des facteurs de confinement
inférieurs à 0,01 mL/cm2 tout en assurant la possibilité d'un apport continu en gaz au
voisinage de l’échantillon, était en effet essentiel à la réalisation d’une étude expérimentale
fiable des phénomènes de corrosion des aciers en milieu confiné contenant des gaz acides.
- L’impédance de diffusion a ensuite été étudiée à l'aide de ce montage (chap. IV). En effet, la
spectroscopie d’impédance électrochimique [MacD1, Gabi1] est une méthode
électrochimique particulièrement adaptée à l’étude des mécanismes réactionnels. Compte tenu
du sujet de la thèse, elle s’imposait naturellement comme une technique expérimentale
privilégiée. Il est cependant connu que le confinement d'une électrode est susceptible de
modifier son impédance par le biais d’effets de potentiels et de transport de matière (cf.
II.3.4). Il était donc important d'étudier cette spécificité afin de la prendre en compte pour
l'interprétation des diagrammes d'impédance mesurés lors des expériences de corrosion.
- Dans un troisième temps, l’étude expérimentale de la corrosion sous confinement d'un acier
faiblement allié a été menée en présence de CO2 dissous (chap. V). Cette étude constitue le
cœur de ce travail de thèse du point de vue expérimental. Elle a été réalisée à l’aide du
montage spécifiquement développé à cet effet. Les interprétations des mesures d’impédance
réalisées durant la corrosion de l'acier s’appuient largement sur l’expérience et les
connaissances théoriques acquises lors de l’étude de l’impédance de diffusion en milieu
confiné.
Chapitre I: Contexte de l'étude: corrosion sous confinement dans l'annulaire des conduites flexibles 9
en milieu pétrolier et gazier
II. Analyse bibliographique
Le présent chapitre rapporte les résultats de l’analyse bibliographique menée dans le cadre de
cette thèse. Il comporte trois parties.
La première partie (partie II.1) propose une description physico-chimique simple des
solutions corrosives contenant du CO2 dissous. Dans cette partie, on rappellera notamment le
principe du calcul du pH d’équilibre thermodynamique dans ce type de solution.
La seconde partie (partie II.2) constitue une analyse critique de la bibliographie relative à la
corrosion uniforme des aciers en solution aqueuse contenant du CO2 dissous. La nature des
réactions électrochimiques mises en jeu, le rôle des dépôts de corrosion et les modèles
permettant de décrire ces phénomènes de corrosion seront successivement discutés.
Enfin, dans la troisième partie (partie II.3), nous aborderons les spécificités des systèmes
électrochimiques confinés et des méthodes expérimentales dédiées à leur étude. Bien que peu
de références soient disponibles sur le sujet, le cas des travaux traitant plus spécifiquement de
phénomènes de corrosion uniforme en milieu confiné est plus particulièrement approfondi.
L’influence de la présence de traces d’H2S dissous sur les phénomènes de corrosion uniforme
par CO2 n'a pas été étudiée expérimentalement dans le cadre de cette thèse. Afin de faciliter la
compréhension globale de la problématique rencontrée dans l'annulaire des conduites
pétrolières flexibles, la bibliographie relative à ce sujet sera néanmoins brièvement discutée
dans l'annexe 1 de ce mémoire.
En excluant le cas des réactions électrochimiques interfaciales qui sera traité dans la partie
II.2, la présente partie a pour objectif de décrire les différents processus physico-chimiques
mis en jeu lors de la corrosion d’un acier immergé dans une eau contenant du CO2. Afin de
simplifier cette description, une approche thermodynamique a été adoptée et tous les
processus traités sont considérés à l’équilibre. Un traitement cinétique de ces phénomènes
sera néanmoins proposé ultérieurement dans la partie VI.2.
La réalisation d’une telle description implique idéalement la prise en compte exhaustive de
toutes les espèces dissoutes et de tous les processus physico-chimiques intervenant en
On notera, en guise de préambule, que dans cette partie comme dans tout le reste de ce
mémoire, les notations CO2(g) et CO2(diss) seront utilisées pour désigner respectivement le CO2
présent en phase gaz et le CO2 dissous en solution. Afin d'alléger les notations, ce type de
formalisme ne sera pas utilisé pour les autres espèces mentionnées dans ce mémoire.
Dans le cadre des hypothèses ((a) (b) (c) (d)) définies plus haut, les espèces susceptibles
d’être présentes dans les solutions corrosives considérées sont le CO2 dissous (CO2(diss)), les
ions bicarbonates (HCO3-) , les ions carbonates (CO32-), les ions ferreux (Fe2+), les protons
(H+) et les ions hydroxyde (OH-). L’ensemble des processus non électrochimiques intervenant
au sein de la solution peut être résumé très synthétiquement comme suit
−
H 2 O + CO2( diss ) ⇔ HCO3 + H + (II.II)
− 2−
HCO3 ⇔ CO3 +H+ (II.III)
- Autoprotolyse de l’eau
H 2 O ⇔ OH − + H + (II.IV)
2−
Fe 2+ + CO3 ⇔ FeCO3 (II.V)
Le phénomène d’acidification par le CO2 (impliquant les équilibres II.I à II.IV) et l’équilibre
de précipitation de la sidérite (II.V) sont décrits successivement de manière plus détaillée ci-
dessous.
Le CO2 est un gaz acide. Ainsi, une eau de condensation en équilibre sous 1 bar de CO2 a un
pH de 4 environ à 25°C. Le principe du calcul de ce pH est détaillé dans le paragraphe II.2.
Les équilibres mis en jeu dans ce phénomène d’acidification par CO2 sont décrits dans le
présent paragraphe.
avec HCO2 (mol.cm-3.bar-1) la constante de Henry du CO2, cCO2( diss ) (mol.cm-3) la concentration
en CO2 dissous et PCO2 (bar) la pression partielle de CO2 dans la phase gaz.
L’ordre de grandeur de HCO2 est de 30 à 40 mmol.L-1.bar-1 dans une solution aqueuse proche
de l’idéalité à 25°C [Labb1, Gray1, Song6]. Cette valeur varie avec la température [Mali1,
Nesi6]. Comme rapporté en détail par Bonis [Boni1], elle dépend également en toute rigueur
de la composition du mélange gazeux contenant le CO2 [Link1] et de la nature et de la teneur
des sels dissous dans la solution [Setc1, VanK1, Danc1, Yasu1, Mark1, Mali2, Harn1, Nesi6,
Poin1]. Par ailleurs, pour des pressions de CO2 supérieures à 20 bars, le terme HCO2, tel
qu’exprimé dans (II.1), dépend également de la pression partielle de CO2 [Houg1] de sorte
que la relation (II.1) n’est alors plus linéaire vis-à-vis de la pression.
Différentes abaques et lois empiriques, généralement de type exponentiel ou polynomial,
exprimant ces différentes dépendances sont disponibles dans la littérature. Le lecteur intéressé
pourra se référer à la revue bibliographique très complète du sujet qui a été réalisée par Bonis
dans le cadre de sa thèse [Boni1]. Pour notre part, l’utilisation en première approche de la loi
de Henry, telle qu’exprimée par la relation (II.1), est amplement suffisante à la description des
phénomènes abordés à ce stade de notre étude.
La dissociation acide du CO2 (diss) résumée précédemment par le biais du bilan global (II.II)
implique en fait deux étapes distinctes. Lors d’une première étape, le CO2 dissous réagit avec
l’eau selon (II.VI) pour s’hydrater sous forme d'acide carbonique H2CO3.
avec c H 2CO3 et cCO2 ( diss ) (mol.cm-3) les concentrations respectives de l’acide carbonique et du
Les valeurs rapportées dans la littérature pour Khyd présentent une grande disparité. Ainsi, à
25°C sous 1 bar de CO2, ces valeurs varient entre 1/400 et 1/900 selon les sources [Nesi6,
Poind1, Harn1, Song6, Gray1, Labb1, Palm1]. Bonis [Boni1] rapporte également que la
valeur de Khyd peut dépendre de la pression de CO2, de la température et de la force ionique de
la solution considérée.
L’acide carbonique H2CO3 est un diacide faible. La première dissociation de cette acide
s’écrit au sens strict selon
−
H 2 CO3 ⇔ HCO3 + H + (II.VII)
Il est cependant bien plus commode d’exprimer cette dissociation en faisant intervenir
directement le CO2 dissous dans le bilan (II.II). Cette simplification présente l’intérêt formel
d’alléger les écritures en limitant le nombre d’espèces explicitement prises en compte dans les
calculs (en éliminant H2CO3). Elle se justifie également d’un point de vue pratique car la
concentration en acide carbonique d’une solution aqueuse ne constitue généralement pas une
grandeur accessible expérimentalement. Cette approche, déjà adoptée par de nombreux
auteurs [Labb1, Boni1], est celle que nous adopterons également dans le présent manuscrit.
Dans ce cadre, les deux réactions de dissociation acide intervenant en solution suite à la
dissolution du CO2 peuvent s’exprimer selon (II.II) et (II.III)
−
H 2 O + CO2( diss ) ⇔ HCO3 + H + (II.II)
Les constantes d’équilibres Ka1 et Ka2 (mol.cm-3) associées respectivement aux réactions
(II.II) et (II.III) s’expriment selon
c HCO − ⋅ c H +
K a1 = 3
(II.3)
cCO2 ( diss )
cCO 2 − ⋅ c H +
K a2 = 3
(II.4)
c HCO −
3
avec c HCO − et cCO 2 − (mol.cm-3) les concentrations respectives des ions bicarbonates et des
3 3
Les valeurs des constantes d’acidité pKa1 et pKa2 (respectivement − log(K a1 ) et − log(K a 2 ) )
CO2
60 -
HCO3
2-
CO3
40
20
0
4 6 8 10 12 14
pH
Autoprotolyse de l’eau
Au même titre que dans toute solution aqueuse, cette réaction intervient bien évidemment
dans les solutions corrosives contenant CO2 dissous. Elle s’exprime selon (II.IV).
H 2 O ⇔ OH − + H + (II.IV)
La constante d’équilibre Ke (mol2.cm-6) de cette réaction s’exprime selon (II.5) et vaut 10-14
mol2.cm-6 à température ambiante.
K e = c OH − ⋅ c H + (II.5)
avec cOH et c H + (mol.cm-3) les concentrations respectives des ions hydroxyde et des protons
−
dans la solution.
Lorsqu’une solution corrosive contenant du CO2 est en contact avec un acier, celui–ci se
corrode. La dissolution anodique de l’acier (voir mécanisme en II.2.2) entraîne alors un
enrichissement de la solution en ions Fe(II). En présence des ions carbonate également
2−
Fe 2+ + CO3 ⇔ FeCO3 (II.V)
température et de la force ionique de l’électrolyte [Nesi6]. Cette valeur est égale à 10,54 à
25°C selon Mora-Mendoza et coll. [Mora1]. De leur côté, Castro et coll. [Cast1] considèrent
que le pKs de cette réaction vaut 10,24 à 25°C.
Il est important de noter que d’un point de vue thermodynamique la formation de sidérite ne
peut avoir lieu que si les concentrations en Fe2+ et CO32- sont telles que la saturation de la
solution est atteinte (condition (II.6)). Ainsi, contrairement aux autres processus
précédemment décrits ((II.I) à (II.IV)), la précipitation de la sidérite n’a pas systématiquement
lieu dans les solutions corrosives contenant du CO2 dissous. On notera cependant que, dans de
telles solutions, la sidérite (FeCO3) est, en l’absence d’oxygène, un composé
thermodynamiquement stable à un potentiel plus cathodique que tous les oxydes de fer
[Pour1, Ogun1, Lint1]. Il constitue donc généralement le principal solide précipité observé
durant la corrosion des aciers en présence de CO2 dissous (cf. II.2.3).
Le pH est un paramètre déterminant dans l’étude des phénomènes de corrosion des aciers en
solution aqueuse contenant du CO2 dissous. En effet, les cinétiques des réactions
électrochimiques interfaciales intervenant lors de la corrosion et de la réaction de précipitation
de la sidérite dépendent du pH (cf II.2). Il nous semble donc utile de rappeler le principe du
calcul du pH d’équilibre dans une solution corrosive contenant du CO2. Le présent paragraphe
est consacré à ce rappel.
Comme nous l'avons vu dans la partie II.1, une solution corrosive formée d’une eau pure
contenant du CO2 dissous au contact d’un acier peut être décrite en première approche par la
prise en compte de six espèces dissoutes (CO2(diss), HCO3-, CO32-, Fe2+, H+, OH-). Dans la
présente partie, on supposera par ailleurs, sauf mention contraire, les solutions corrosives
initialement exemptes d'ions Fe(II). En première approche, la dissolution de l'acier sera donc
considérée comme la seule source possible d'ions Fe(II) en solution. Dans une solution saturée
dans laquelle la réaction de précipitation de la sidérite a lieu, cinq processus physico-
chimiques doivent être pris en compte ((II.I) à (II.V)). Dans une solution non saturée en
sidérite, la réaction (II.V) n’a plus à être prise en considération. La réalisation d’un état
d’équilibre thermodynamique impose donc la réalisation des conditions (II.1), (II.3), (II.4) et
(II.5) en l’absence de sidérite (solution non saturée) tandis qu’en présence de sidérite la
condition (II.6) se rajoute aux quatre conditions précédentes.
En utilisant les relations (II.1), (II.3), (II.4), (II.5), (II.7) et éventuellement (II.6) dans le cas
de solutions saturées en sidérite, le pH d’équilibre thermodynamique des solutions corrosives
contenant du CO2 dissous peut donc être calculé.
Négliger la présence de Fe(II) en solution peut constituer une approximation valable dans le
cas d’un acier se corrodant très faiblement (surface passive par exemple), aux faibles temps
d’immersion ou dans une situation où les produits de corrosion ne se concentrent pas dans le
milieu corrosif du fait de conditions hydrodynamiques particulières, du renouvellement du
milieu corrosif ou d’un très large volume de solution par exemple. La relation
d’électroneutralité (II.7) s’écrit alors plus simplement dans ce cas selon
c H + = c HCO − + 2cCO 2 − + cOH − (II.8)
3 3
La prise en compte les relations (II.1), (II.3), (II.4), et (II.5) permet d’exprimer les
concentrations des différentes espèces dissoutes en fonction de la concentration en proton et
de la pression partielle de CO2 selon
K a1 ⋅ cCO2 ( diss ) K a1 ⋅ H CO2 ⋅ PCO 2
c HCO − = = (II.9)
3
cH + cH +
Ke
cOH − = (II.11)
cH +
Le pH de la solution est alors obtenu en fonction de la pression partielle de CO2 par résolution
de l’équation (II.12). Ce pH peut également être obtenu avec une excellente approximation
(moins de 1 % d'erreur en général) en considérant le fait, qu’en présence de CO2 dissous dans
une eau de condensation, les concentrations des ions hydroxyde et des ions carbonate sont
négligeables devant celles des ions bicarbonate et du CO2 dissous (cf. Fig. 2.1). La relation
d’électroneutralité (II.8) s’exprime alors
c H + = c HCO − (II.13)
3
Dans le cas d'une solution saturée en ions Fe(II), la sidérite précipite. La relation
d’électroneutralité s’exprime selon (II.7) et les relations (II.9), (II.10) et (II.11) continuent de
s’appliquer. La concentration en ions Fe2+ s’exprime à partir des relations (II.6) et (II.10) en
fonction de la concentration en proton et de la pression partielle de CO2 selon
K s ⋅ cH + K s ⋅ cH +
2 2
Ks
c Fe 2 + = = = (II.16)
cCO 2 − K a2 ⋅ K a1 ⋅ H CO2 ⋅ PCO 2 K
3
A partir de (II.7), (II.9) à (II.11) et (II.16), l’équation d’ordre 4 suivante est obtenue
4 3
( )
2 ⋅ K s ⋅ c H + + K ⋅ c H + − K ⋅ K a1 ⋅ H CO2 ⋅ PCO 2 + K e c H + − 2 ⋅ K 2 = 0 (II.17)
En négligeant les concentrations des ions hydroxyde et des ions carbonate, l’équation (II.17)
devient plus simplement
2 ⋅ K s ⋅ c H + + K ⋅ c H + − K ⋅ K a1 ⋅ H CO2 ⋅ PCO 2 = 0
3 2
(II.18)
Le pH de la solution est alors obtenu en fonction de la pression partielle de CO2 par résolution
de l’équation (II.17) ou plus simplement et avec une très bonne approximation par résolution
de l’équation (II.18).
Ce cas constitue un cas intermédiaire au deux cas précédemment décrits. Dans cette situation,
les ions Fe2+ constitue des éléments caractéristiques au sens de Poirier [Boni1, Poin1]: bien
qu'ils n'interviennent pas dans les équilibres thermodynamiques mis en jeu en solution (seules
les relations d’équilibre (II.1) (II.3) (II.4) (II.5) sont à prendre en compte dans ce cas), ces
ions interviennent dans l’expression de l’électroneutralité de la solution qui s’écrit selon
(II.7).
En adoptant la même démarche que précédemment, l’équation permettant de calculer le pH en
fonction de la concentration en ions Fe2+ dissous et la pression partielle de CO2 est dans ce cas
la suivante.
3 2
( )
c H + + 2 ⋅ c H + ⋅ c Fe 2 + − K a 1 ⋅ H CO2 ⋅ PCO 2 + K e c H + − 2 ⋅ K = 0 (II.19)
En négligeant les concentrations des ions hydroxyde et des ions carbonate, l’équation (II.19)
devient plus simplement
c H + + 2 ⋅ c H + ⋅ c Fe 2 + − K a 1 H CO2 PCO 2 = 0
2
(II.20)
D’un point de vue qualitatif, on retiendra que le pH obtenu dans ce cas est compris entre le pH
d’une solution non saturée de concentration en Fe2+ négligeable et le pH plus élevé d’une
solution saturée. La valeur du pH de ce type de solution augmente par ailleurs avec la
concentration en Fe2+ de la solution (jusqu’à avoir précipitation de sidérite).
Afin de fixer les idées concernant les différents raisonnements théoriques développés plus
haut, le cas d'une solution en équilibre avec une pression partielle de 1 bar de CO2 peut-être
considérée avec HCO2 = 39,5 mmol.bar-1 ; pKa1 = 6,437 ; pKa2 = 10,378 et pKs = 10,494. Le
pH calculé selon l'équation (II.15) dans le cas d’une solution non saturée présentant une
concentration en Fe2+ négligeable est alors de 3,92. Lorsque la solution est saturée et que la
sidérite précipite, un pH égal à 5,29 est alors obtenu à partir de l'équation (II.18). Dans le cas
d'une solution non saturée en Fe(II) mais dans laquelle la concentration des ions Fe(II)
accumulés suite à la corrosion n'est plus négligeable, on obtient par exemple, à partir de
l'équation (II.20), des pH de 4,24 et 5,14 pour des concentrations en Fe(II) égales à 10-4 M et
10-3 M respectivement.
Bien qu'assez classiques, les calculs permettant d'établir les expressions du pH d'équilibre des
solutions corrosives contenant du CO2 dissous ont été effectués de nouveau dans le cadre de
cette thèse. Un tel rappel était en effet, selon nous, nécessaire à la bonne compréhension des
phénomènes physico-chimique mis en jeu dans ce type de solution. Dans la partie II.4 du
présent mémoire, ces calculs seront complétés en considérant la présence possible d'H2S en
solution. Certaines des expressions établies dans la présente partie nous seront utiles pour le
développement du modèle présenté dans la partie VI.1 de ce manuscrit.
Bien que le problème de la corrosion des aciers en milieux aqueux contenant du CO2 dissous
ait donné lieu à de nombreuses études depuis 1940 [Kerm1, Schmi1-2, DeWa1, Matt5], la
nature des mécanismes impliqués dans ce type de corrosion demeure encore sujette à
controverses. Les études publiées montrent néanmoins que la compréhension de ces
mécanismes nécessite une approche globale qui prenne simultanément en compte :
- les réactions impliquées dans l’équilibre carbonique (cf. partie II.1) ;
- les réactions électrochimiques se déroulant effectivement à l’interface ;
- la nature réelle de cette interface (rôle des films de corrosion).
Partant de ce constat, nous ferons tout d’abord état dans la présente partie des études relatives
aux réactions cathodiques et aux réactions anodiques intervenant lors de la corrosion des
aciers en présence de CO2 dissous. Ensuite, le rôle des dépôts solides susceptibles de se
former durant la corrosion des aciers sera discuté. Enfin, une brève revue des différents
modèles proposés dans la littérature pour décrire la corrosion uniforme des aciers en présence
de CO2 dissous sera proposée.
Les résultats établis dans des conditions expérimentales éloignées de celles régnant dans
l’annulaire des conduites pétrolières flexibles (pH > 8, présence d’oxygène, ou aciers
fortement alliés) ne seront pas traités sauf mention explicitement contraire dans le texte. Les
problèmes de corrosion localisée, rarement rencontrés dans l’annulaire des conduites
pétrolières flexibles, sortent également du cadre de notre étude et ne seront pas non plus
abordés dans la présente partie.
On notera enfin que l’influence de la présence de traces d’H2S sur les phénomènes de
corrosion des aciers en présence de CO2 dissous sera quant à elle traitée séparément dans
l'annexe A.1 du présent mémoire.
La nature des processus cathodiques se déroulant durant la corrosion des aciers en présence de
CO2 dissous demeure extrêmement controversée. Il apparaît cependant clairement que la
présence de CO2 dissous contribue à accélérer le dégagement cathodique de H2 sur acier. Il est
en effet systématiquement rapporté que le courant associé à ce dégagement gazeux est plus
élevé dans une solution contenant du CO2 dissous que dans une solution d’acide fort de même
pH [Gray1, DeWa1, Nesi1-2]. De nombreux mécanismes ont été proposés afin d’expliquer
cette contribution cathodique du CO2 dissous [DeWa1, Schm1, Lint1]. Après un bref rappel
des réactions cathodiques se produisant à la surface des aciers en solution aqueuse acide et
désaérée (II.2.1.a), ces mécanismes seront exposés dans la partie II.2.1.b.
La réduction du proton
D’un point de vue cinétique, la densité de courant iH+ (A.cm-2) associée à cette réaction est
fréquemment exprimée à l’aide d’expressions du type Tafel [Bard1] telles que
α ⎛ E⎞
i H + = F ⋅ k ⋅ c H + ⋅ exp⎜ − ⎟ (II.21)
⎝ b⎠
avec, F la constante de Faraday (96500 C), α (sans dimension) l’ordre de la réaction par
rapport à la concentration en proton, k (mol1-α.cm3α-2.s-1) la constante de vitesse de la réaction,
La réduction de l’eau
Généralement faiblement acides, les solutions contenant du CO2 dissous peuvent présenter
des valeurs de pH relativement élevées (pH = 4 ou plus ; cf. partie II.1). Dans ces solutions, le
courant cathodique (II.22) lié à la réduction de l’eau (II.IX) n’est donc pas nécessairement
négligeable devant le courant de réduction des protons (II.21).
La valeur de b généralement rapportée pour cette réaction [Bock1] est identique à celle
rapportée pour la réaction (II.VIII) (120 mV à température ambiante). Tout comme dans le
cas de la réaction (II.VIII), la valeur de la constante k’ dépend de l’acier considéré et de
l’électrode de référence utilisée. Le valeurs relatives des courants iH+ (II.21) et iH2O (II.22)
dépendent à la fois du pH et du potentiel de l’acier.
Il est systématiquement rapporté que le courant de dégagement cathodique de H2 sur les aciers
est plus élevé dans une solution contenant du CO2 dissous que dans une solution d’acide fort
de même pH [Gray1, DeWa1, Nesi1-2]. De nombreux mécanismes ont été proposés afin
d’expliquer cette contribution cathodique du CO2 dissous. Ces mécanismes sont de nature
variée. Bien que la plupart d’entre eux fassent intervenir la déprotonation directe d’une espèce
carbonée, la possibilité d’un simple « effet tampon » induit par la présence de CO2 a
également été suggérée par certains auteurs. Une revue de ces différents mécanismes est
proposée ci-dessous.
Ce type de mécanisme a été proposé pour la première fois par De Waard et Milliams en 1975
[DeWa1]. En se basant sur des mesures de vitesses de corrosion effectuées dans une solution
saturée en CO2 (pH = 4), ces auteurs ont considéré que seule l’existence d’une réaction
cathodique supplémentaire à la réduction du proton permettait d’interpréter quantitativement
les caractéristiques icorr-PCO2 observées expérimentalement. Le mécanisme proposé par ces
auteurs est
H2CO3ads + e- → Hads + HCO3-ads étape E cinétiquement limitante (II.X)
HCO3-ads + H+ ⇔ H2CO3ads (II.XI)
2 Hads → H2 (II.XII)
En se basant sur leurs travaux dans une solution contenant des bicarbonates et du CO2 (à pH
égal à 5), Ogundele et White [Ogun1] ont proposé le mécanisme (II.XIII) (II.XIV) alternatif à
celui de De Waard et coll. [DeWa1] :
Selon ces auteurs, l’acide carbonique ne réagit donc pas directement à l’électrode. Le courant
cathodique global est limité, d’après eux, par la diffusion des bicarbonates en solution.
Dans une solution saturée en CO2 sous 1 bar, Wieckowski et coll. [Wiek1] considèrent que les
molécules d’acide carbonique et les ions bicarbonates peuvent tous deux se réduire à la
surface du fer « nu » (en l’absence de produit de corrosion). En se basant sur des mesures non
stationnaires (voltampérométrie cyclique), le mécanisme qu’ils proposent pour ces réactions
est de type catalytique EC :
où A est soit H2CO3 soit HCO3- et B est soit HCO3- soit CO32-
Wieckowski et coll. [Wiek2] ont également utilisé du CO2 marqué à l’aide de carbone 14 afin
de caractériser une éventuelle adsorption des espèces carbonées réactives (H2CO3 ; HCO3-) à
la surface du fer. Leurs résultats montrent qu’en l’absence de produits de corrosion à la
surface de l’électrode, aucune adsorption significative d’espèces carbonées n’est détectable à
l’interface. Au contraire, lorsqu’un film de corrosion est présent, une adsorption d’espèces
carbonées qui dépend du potentiel appliqué à l’électrode est mise en évidence. Les auteurs
concluent donc à la validité de leur mécanisme ((II.XV) à (II.XVIII)) sur fer « nu ». En
présence d’un film de corrosion, leurs résultats valident en revanche, selon eux, le mécanisme
de De Waard et coll. [DeWa1].
Les premiers à avoir interprété leurs résultats sur acier en présence de CO2 dissous par le biais
de ce type de mécanisme sont Schmitt et Rothmann [Schm1] en 1977. Contrairement aux
travaux présentés dans les paragraphes précédents [DeWa1, Ogun1, Wiek1-2], ces auteurs ont
réalisé des mesures stationnaires dans des conditions hydrodynamiques bien contrôlées à
l’aide d’une Electrode à Disque Tournant (EDT). Selon eux, le CO2 dissous contribue
principalement au courant cathodique observé sur acier via le mécanisme :
Plus récemment, Gray et coll. [Gray1] puis Nesic et coll. [Nesi1] ont proposé un mécanisme
CE très similaire à celui de Schmitt et Rothmann [Schm1-2]. Cependant, selon ces auteurs, le
CO2 dissous ne s’adsorberait pas à l’électrode et s’hydraterait en phase homogène selon
(II.VI), le mécanisme qu’ils retiennent pour expliquer la contribution cathodique du CO2
dissous est donc :
On notera cependant que l'interprétation qui est faite dans la littérature du mécanisme de
Schmitt et Rothman [Schm1] est assez confuse. Ainsi, la plupart des auteurs [Nesi1, Gray1,
Lint1] entende l'étape (II.XXI) comme une déprotonation directe de l'acide carbonique tandis
que Bonis [Boni] l'interprète comme la combinaison de (II.XXI') et (II.XXI").
En présence de CO2, les protons libres consommés à la surface de l’acier par la réaction
cathodique (II.VIII) sont susceptibles d’être renouvelés en volume, tout au moins
partiellement, par le biais des réactions de dissociation acide du CO2 dissous ((II.II) et
(II.III)). Ce caractère tampon singularise fortement les solutions contenant du CO2 dissous des
solutions d’acide fort. Cet effet tampon expliquerait complètement selon quelques auteurs
[Lint1, Schw1] l’augmentation du courant cathodique observée dans une solution contenant
du CO2 dissous, comparativement à une solution d’acide fort de même pH. Le CO2 dissous
constituerait ainsi, du fait de sa capacité à se dissocier selon (II.II) et (II.III), une sorte de
réservoir volumique supplémentaire de protons disponibles au voisinage de l’acier pour la
réaction cathodique classique de réduction du proton. En présence de CO2 dissous, la prise en
compte d’hypothétiques réactions cathodiques impliquant des espèces carbonées (en plus des
réactions (II.VIII) et (X.IX) existantes) n’aurait donc pas lieu d’être selon ces auteurs. Le
mécanisme retenu pour résumer cette contribution cathodique du CO2 dissous est le suivant
−
H 2 O + CO2 ( aq ) ⇔ HCO3 + H + (II.II)
− 2−
HCO3 ⇔ CO3 +H+ (II.III)
2 H + + 2e − → H 2 (II.VIII)
D’une façon indirecte, Linter et Burstein [Lint1] ont prouvé expérimentalement l’influence
que pouvait avoir l’effet tampon décrit ci-dessus sur les courants cathodiques mesurés sur les
aciers lors de la réaction de dégagement de dihydrogène. En présence d’un tampon phtalate
(pH égal à 4), ces auteurs ont en effet montré que les courants cathodiques mesurés dans une
solution désaérée étaient identiques que du CO2 soit présent ou non dans l’électrolyte. Ces
auteurs ont également prouvé que le courant limite de réduction détecté en l’absence de CO2
sur acier dépendait à pH constant de la concentration en tampon. Linter et Burstein ont donc
conclu de manière assez tranchée de leur travaux que le caractère tampon des solutions
contenant du CO2 dissous expliquait pleinement l’importance des courants cathodiques
Conclusion II.2.1
Tout comme dans n’importe quelle solution acide, les réactions de réduction du proton et de
réduction de l’eau interviennent toutes deux à la surface des aciers qui se corrodent en
solution aqueuse désaérée contenant du CO2 dissous. Le CO2 dissous intervient cependant
également dans le mécanisme du dégagement cathodique d’hydrogène sur acier car le courant
cathodique mesuré en présence de CO2 dissous est supérieur à celui mesuré dans une solution
d’acide fort de même pH. La nature de cette contribution reste néanmoins très discutée. Selon
certains auteurs, celle-ci est directe et consiste en une déprotonation électrochimique
d’espèces dissoutes dérivées du CO2 (H2CO3 ou HCO3-). Pour d'autres auteurs, cette
contribution s’effectuerait uniquement par le biais de l’effet tampon induit par la présence de
CO2 en solution. La simple analyse de la littérature ne permet donc pas de faire un choix clair
parmi les différents mécanismes proposés. Dans la perspective de la réalisation d’un modèle
de corrosion (cf. partie VI.2), un tel choix est cependant nécessaire. Une étude de la nature
des processus cathodiques intervenant sur les aciers en présence de CO2 dissous a donc été
menée dans le cadre de cette thèse. Les résultats de cette étude sont présentés dans la partie
VI.1 de ce mémoire.
II.2.2.a. Dissolution du fer en milieu acide (aucun rôle du CO2 dans le processus)
Les milieux aqueux contenant du CO2 sont généralement relativement acides (cf. II.1). Dans
ce contexte, la plupart des auteurs [Boni1, Gray1, DeWa1] considèrent que la cinétique de
dissolution du fer en présence de CO2 est identique à celle observée en son absence en milieu
acide. Cette position est notamment adoptée par Gray et coll. [Gray1] car ces auteurs ne
constatent pas d’influence significative de la pression partielle de CO2 sur les courbes de
polarisation anodique qu’ils mesurent sur acier en présence de ce gaz dissous.
Ainsi, le mécanisme le plus utilisé dans les modèles pour décrire la dissolution anodique du
fer en présence de CO2 dissous [DeWa1, Gray1] est sans conteste celui de Bockris et coll.
[Bock1]. Ce mécanisme proposé en 1961 sur la base de mesures de courbes de polarisation
pour décrire la dissolution du fer en milieu acide est le suivant :
Fe + OH- ⇔ (FeOH)ad + e- pseudo équilibre (rapide) (II.XXIV)
(FeOH)ad → (FeOH)+sol + e- étape cinétiquement limitante (II.XXV)
On notera néanmoins que des travaux plus récents fondés sur l’utilisation de la technique de
Spectroscopie d’Impédance Electrochimique (SIE) [Gabi1, MacD1] menés par Keddam et
coll. [Kedd1-2] ont remis partiellement en cause les interprétations de Bockris et coll.
[Bock1]. En effet, dans la zone de dissolution active du fer, Keddam et coll. [Kedd1-2] ont
montré que la première étape réactionnelle (II.XXIV) proposée par Bockris et coll. était en
fait non réversible. Par ailleurs, selon Keddam et coll., le mécanisme de dissolution du fer en
milieu acide se complexifie dans la zone pré-passive (cf. Fig. 2.2) puisque deux chemins
réactionnels parallèles à l'étape (II.XXV) peuvent être mis en évidence. D’un point de vue
cinétique, au voisinage du potentiel de corrosion du fer, les différences entre les mécanismes
de Keddam et coll. et de Bockris et coll. sont cependant faibles. Nous noterons que d’autres
mécanismes de dissolution du fer en milieu acide ont également été proposés par le passé
notamment par Heusler [Heus1]. Ces mécanismes ne sont cependant guère utilisés dans les
travaux récents qui traitent de la dissolution anodique du fer en milieu acide.
Plus récemment, Mattos et coll. [Matt4] ont également mis en évidence à l’aide de mesures
d’impédance électrochimique le rôle des anions présents en solution sur le mécanisme de
dissolution anodique du fer en milieu acide. Ces mêmes auteurs [Matt1-3] ont aussi réalisé
La courbe de polarisation anodique typiquement obtenue dans le cas du fer ou d'un acier
faiblement allié en milieu acide désaéré est représentée schématiquement sur la figure 2.2 ci-
dessous.
prépassivation
Dissolution
active
Transpassivation
Dissolution Passivation
prépassive
Selon certains travaux [Nesi2-4, Lint1], la présence d'espèces carbonées en solution serait
susceptible d'accélérer la dissolution anodique du fer dans la zone active ou la zone
prépassive. Ces travaux sont décrits brièvement ci-dessous.
Nesic et coll. [Nesi2-4] ont constaté une influence de la présence de CO2 dissous sur la
cinétique de dissolution anodique du fer dans la zone active.
Une expression empirique (II.23) de la densité de courant de dissolution anodique du fer ia
(A.cm-²) en présence de CO2 dissous a ainsi été établie par ces auteurs [Nes4]. Cette
expression qui dépend du pH, de la pression partielle de CO2 et du potentiel de l’électrode est
la suivante :
[
ia = k ⋅ OH − ]β γ
⋅ PCO2 ⋅ exp(
E
b"⋅
) (II.23)
Afin d'interpréter leurs résultats, Nesic et coll. [Nesi4] ont également proposé différents
mécanismes de dissolution anodique. Selon ces auteurs, le mécanisme de dissolution du fer
en présence de CO2 dissous varie en effet en fonction des conditions expérimentales (pH et
PCO2).
Deux critiques importantes peuvent cependant être émises à l’encontre des conclusions
formulées par Nesic et coll. Tout d’abord, d’un point de vue général, la détermination d’un
mécanisme réactionnel pouvant compter jusqu’à six étapes élémentaires à partir du simple
tracé de courbes courant tension peut apparaître comme une performance quelque peu
surprenante de la part de ces auteurs. En effet, comme le rappelle Keddam [Kedd5], les
courbes stationnaires ne permettent d’accéder qu’à la vitesse du plus lent des processus
intervenant dans une réaction et certainement pas au mécanisme complet.
Par ailleurs, le CO2 étant susceptible de jouer sur les pH locaux au voisinage de l’électrode
(cf. II.2.1.b et VI.1), il paraît difficile de séparer l’influence du pH de l’influence de la
pression partielle de CO2 en s’affranchissant d’une étude à l’échelle locale. C’est pourtant à
partir de mesures de pH réalisées « loin » de l’interface que Nesic et coll. [Nesi2-4] ont bâti
les raisonnements sur lesquels se fondent leurs modèles réactionnels.
Selon Linter et coll. [Lint1], la présence de CO2 n’influe pas sur la dissolution « active » des
aciers faiblement alliés. En revanche, au-delà d’un potentiel de pseudo-passivité qu’ils
attribuent à la formation d’un film d’hydroxyde ferreux, la présence de CO2 augmente la
vitesse de dissolution du métal. Ce phénomène est attribué à la formation du complexe soluble
Fe(CO3)22-. Le mécanisme proposé est le suivant :
Fe(OH)2 + CO2 → FeCO3 + H2O (II.XXVI)
Fe(OH)2 + H2CO3 → FeCO3 + 2 H2O (II.XXVII)
Fe(OH)2 + HCO3- + H+ → FeCO3 + 2 H2O (II.XXVIII)
- 2- +
FeCO3 + HCO3 → Fe(CO3)2 + H (II.XXIX)
A titre informatif, on notera qu’en milieu basique ce type de mécanisme a également été
proposé pour expliquer le comportement anodique du fer en présence de CO2 [Davi1, Cast1].
Conclusion II.2.2
Bien que beaucoup moins controversés que les mécanismes cathodiques, il apparaît que les
mécanismes de dissolution anodique intervenant lors des phénomènes de corrosion des aciers
en présence de CO2 dissous demeurent finalement assez peu étudiés d’un point de vue
fondamental. Il semble cependant relativement bien admis qu’assimiler ces mécanismes à
ceux, mieux connus, de la dissolution anodique du fer en milieu acide constitue une hypothèse
raisonnablement en accord avec l'expérience. Même si l’étude précise du mécanisme de la
dissolution anodique des aciers en présence de CO2 dissous n'était pas l’objet de cette thèse,
nous verrons que certains des résultats obtenus au cours de ce travail (mesures d’impédance
présentées dans le chapitre V) tendent également à nous orienter vers l’adoption d’une telle
hypothèse.
La plupart des modèles existants ne parviennent pas à décrire de façon réaliste les
phénomènes de corrosion des aciers en présence de CO2 dissous [Cro1, John1, VanH1] (voir
également partie II.2.4). Cette situation, qui aboutit à une surestimation fréquente des vitesses
de corrosion, est souvent imputée à une mauvaise prise en compte du rôle des dépôts de
Le cas des rouilles vertes carbonatées [Legr1-2] ne sera pas traité car aucune des études
disponibles n’a pu établir l’existence d’une influence de ces composés intermédiaires sur les
propriétés de protection des dépôts de corrosion.
II.2.3.a. La sidérite
Comme discuté précédemment dans la partie II.1.1., la sidérite est susceptible de précipiter
dans une solution corrosive contenant du CO2 dissous selon
2−
Fe 2+ + CO3 ⇔ FeCO3 (II.V)
Si la réaction (II.V) peut se dérouler dans tout le volume de la solution, elle a lieu en réalité
préférentiellement à la surface de l'acier qui se corrode, du fait de l'élévation locale du pH et
de la concentration en Fe(II) dissous au voisinage de cette surface [Nesi12]. La cinétique de
cette réaction est souvent supposée contrôlée par la précipitation du solide et non par sa
nucléation [Nesi6]. Quoiqu’il en soit, la cinétique globale de cette réaction est lente [John1,
VanH1]. De ce fait, de larges écarts à l’équilibre de précipitation peuvent être observés durant
la corrosion des aciers en présence de CO2. Afin de quantifier cet écart, il est commode de
définir des niveaux de sursaturation tels que S [John1, Vanh1] ou SFe (sans dimension) selon
c Fe2 + ⋅ cCO 2 −
S= 3
(II.24)
Ks
c Fe2 +
SFFe = (II.25)
[c Fe2 + ]eq
Les niveaux de sursaturation atteints durant la corrosion des aciers en présence de CO2
dépendent de la température et du taux de confinement (rapport V/S) du milieu d’étude
[Dugs1, Kins1]. A titre d’exemple, dans un milieu faiblement confiné (V/S = 4 mL.cm-2),
Dugstad et coll. [Dugs1] ont mesuré dans de l’eau pure placée sous 1 bar de CO2 des niveaux
de sursaturation S (Eq. (II.24)) variant entre 5 et 10 selon la température.
Johnson et Tomson [John1] ont proposé un modèle empirique permettant d’exprimer la
vitesse de précipitation de la sidérite vprec (mol.cm-3.s-1) en fonction du niveau de
sursaturation. En confondant activités et concentrations, cette relation s’exprime selon
∂c Fe 2 + prec A
v prec = = kr ⋅ ⋅ K s ⋅ ( S 0.5 − 1 )2 (II.26)
∂t V
avec kr (mol.s-1.cm-2) une constante cinétique qui dépend de la température, A (cm²) la surface
de précipitation et V (cm3) le volume d’électrolyte.
D’après Van Hunnik et coll. [VanH1], le modèle de Johnson et Tomson (II.26) n'est
cependant pas en accord de façon satisfaisante avec les résultats expérimentaux lorsque les
niveaux de sursaturation sont supérieurs à 2. Ces auteurs ont proposé comme alternative à la
formule de Johnson et Tomson l’expression empirique suivante
∂c Fe2 + prec A
= kr ⋅ ⋅ K s ⋅ ( S − 1) ⋅ (1 − S −1 ) (II.27)
∂t V
II.2.3.b. La cémentite
La cémentite (Fe3C) n’est pas un produit de corrosion au sens strict puisqu’elle est un
constituant de base de l'acier et n’est produite par aucune des réactions intervenant lors des
phénomènes de corrosion. Cependant, ce composé est souvent observé dans les films de
corrosion obtenus en milieu CO2 [Crol4-6]. En effet, lors de la dissolution anodique de la
ferrite, un réseau de cémentite non dissous peut subsister à la surface des aciers. Les
caractéristiques de ce réseau résiduel de cémentite vont donc largement dépendre de la
microstructure de l’acier concerné. Pour bon nombre d’auteurs, la présence de ce conducteur
Les dépôts de sidérite (isolants électroniques) sont souvent qualifiés de protecteurs vis-à-vis
de la corrosion [Nesi6, Vide1-2, VanH1]. Cet effet protecteur serait lié à la fois au blocage
partiel de la surface métallique par les dépôts et à l’inhibition du transport de matière induit
par la présence de ces films [Nesi6, Bai1, Crol3]. Il est néanmoins fréquemment rapporté que
la protectivité des films de sidérite peut être extrêmement variable selon les caractéristiques
physiques des dépôts (épaisseur, ténacité, porosité, adhérence…) [Crol3]. L’objectif de la
présente partie est de détailler les principaux facteurs susceptibles d’influer sur la protectivité
des dépôts de sidérite qui se forment durant la corrosion des aciers en présence de CO2.
Hydrodynamique
Microstructure de l’acier
Lopez et coll. [Lope1-2] ont démontré que la microstructure des aciers influençait
sensiblement la morphologie, la porosité et l’homogénéité des films de sidérite formés durant
les phénomènes de corrosion. Ces auteurs rapportent notamment que la présence de cémentite
non dissoute peut renforcer le dépôt et lui procurer une meilleure adhérence. Selon Palacios et
Shadley [Pala1], la présence d’un réseau de cémentite non dissous favoriserait effectivement
le développement de zones de stagnation propices à la précipitation de sidérite.
Crolet et coll. [Crol3] ont montré qu’après avoir été formé dans des conditions propices (pH,
sursaturation, et température élevés), un dépôt protecteur pouvait subsister dans une solution
dans laquelle il ne se serait pas formé spontanément. Selon ces auteurs, cette stabilité des
dépôts de sidérite dans des milieux défavorables (pH et sursaturation faibles) dépend des
conditions dans lesquelles ces dépôts ont été initialement formés et en particulier de la durée
de croissance de ces derniers.
Heuer et Stubbins [Heue1] démontrent quant à eux que la stabilité à l’air de la sidérite peut
être accrue de façon extrêmement significative en chauffant simplement ce précipité dans
l’eau (48 h à 75°C dans leur cas). Ces auteurs suggèrent également que la stabilité chimique
(et donc la protectivité) des films de corrosion qui se développent à la surface des aciers
s’accroît lorsque les durées d’immersion s’allongent et que la température augmente. Cette
hypothèse semble avoir été validée par la suite par Wu et coll. [Wu1] qui ont caractérisé
(DRX, XPS, EDS) un dépôt de corrosion formé sur un acier N 80 immergé dans une eau
calcaire (80 °C ; PCO2 = 0,5 bars). Ces auteurs ont effectivement déduit de la comparaison de
leurs résultats (72 h d’immersion) à ceux de Heuer et Stubbins (6 h d’immersion) que la
stabilité chimique des films de corrosion augmentait avec le temps d'immersion.
En présence de CO2 dissous, les vitesses de corrosion des aciers diminuent souvent en
fonction du temps d’immersion. Cette diminution est généralement expliquée par la
croissance d’un dépôt de sidérite protecteur à la surface des aciers (cf. II.2.3.c.). Néanmoins,
dans certains cas, après une phase initiale de décroissance, une augmentation de la vitesse de
corrosion au cours du temps est constatée [Mora1]. La vitesse de corrosion mesurée augmente
même parfois jusqu’à atteindre finalement des valeurs supérieures à celles observées sur fer
nu [Mora1, Kins1].
Ce type de comportement fut notamment observé par Mora-Mendoza et Turgoose [Mora1]
sur un acier doux (PCO2 = 1 bar ; pH = 3,8). Selon eux, pour des temps d’immersion courts,
c’est la croissance d’un film de sidérite protecteur qui gouverne principalement l’évolution de
la vitesse de corrosion. Lorsque les temps d’immersion s’allongent, l’accumulation de
cémentite non dissoute (observée au MEB) devient déterminante. L’interprétation proposée
par ces auteurs est que la présence de cémentite augmente la surface active disponible pour la
Chapitre II: Analyse bibliographique 39
réaction cathodique et entraîne par voie de conséquence un effet galvanique. Pour ces auteurs,
il y a donc compétition entre l’effet protecteur de la sidérite et l’effet aggravant de la
cémentite au sein des films de corrosion.
Le rôle important de la cémentite vis-à-vis de la protectivité des dépôts de corrosion avait
auparavant été largement souligné par Crolet [Crol3-6]. D’un point de vue expérimental,
Crolet a mis en évidence l’existence d’une corrélation entre la morphologie des dépôts et le
caractère protecteur des films. Selon lui, les dépôts non protecteurs se caractérisent par la
présence d’un réseau de cémentite exempt de sidérite au contact de l’acier. Les dépôts
protecteurs se composent quant à eux d'une couche de sidérite compacte ou d'une couche de
cémentite remplie de sidérite au contact de l’acier [Crol5]. L’explication que l’auteur apporte
à ce constat est que la présence de cémentite non dissoute à la surface d'un acier entraîne un
phénomène de couplage galvanique associé à une acidification interne des dépôts de corrosion
[Crol6].
Enfin, certaines études semblent indiquer que la température joue également un rôle très
important sur la protectivité des films de corrosion contenant de la sidérite et de la cémentite
[Kins1, Wu2]. Ainsi, à 30°C, sur un acier doux immergé dans une solution de NaCl contenant
du CO2, Kinsella et coll. [Kins1] observent une évolution temporelle de la vitesse de
corrosion analogue à celle décrite par Mora-Mendoza et Turgoose [Mora1] (icorr diminue aux
temps courts puis augmente lorsque le temps d’immersion s'accroît). En revanche, lorsque la
température du milieu est portée à 70° C sur la même durée d’expérience, la vitesse de
corrosion mesurée décroît continuellement.
Il apparaît finalement que le rôle des dépôts de corrosion se développant à la surface des
aciers peut être déterminant vis-à-vis des vitesses de corrosion de ces derniers en présence de
CO2 dissous. Nous verrons dans le chapitre V du présent manuscrit que les résultats que nous
avons obtenus en milieu confiné contenant du CO2 dissous constituent une illustration
supplémentaire de ce constat dressé dans la littérature.
La majorité des études concernant la corrosion en présence de CO2 ont été menées à
l’initiative de l’industrie pétrolière [Kerm1, EFC1]. Afin de dimensionner au plus juste les
installations, ces études se sont particulièrement attachées à quantifier les risques de corrosion
généralisée en présence de CO2. Dans cette optique, de nombreux modèles destinés à prévoir
les vitesses de corrosion des aciers en présence de CO2 ont été développés. Ces modèles sont
brièvement examinés dans la présente partie.
La première modélisation des phénomènes de corrosion des aciers en présence de CO2 semble
avoir été proposée par De Waard et coll. en 1975 [DeWa1]. Ce modèle empirique, permettant
de prévoir le pire des cas selon ses auteurs, a eu un large retentissement dans le milieu
pétrolier. Plus récemment, De Waard et coll. [DeWa2] ont complété leur modèle afin de tenir
compte de facteurs initialement ignorés tels que la non-idéalité des mélanges gazeux, la
présence d’un film de corrosion protecteur, ou encore la nature des conditions
hydrodynamiques au voisinage de l'acier. Ce travail s’est traduit par l’introduction de
nombreux facteurs correctifs dans leur équation initiale. La plupart de ces facteurs sont, tout
comme l’équation de départ [DeWa1], d’origine empirique. Assez récemment (1997), Mishra
et coll. [Mish1] ont développé un modèle théorique très simple qui les a conduits à valider la
formule empirique de De Waard [DeWa1]. Tout comme le premier modèle de De Waard
[DeWa1], ce modèle s'appuie néanmoins sur l'hypothèse d'un contrôle purement cinétique des
réactions et ne prend pas en compte l'influence possible des dépôts de corrosion.
Par la suite, divers autres modèles empiriques ont été proposés afin de prévoir les vitesses de
corrosion des aciers en présence de CO2 [Nors1, Nesi4]. Nesic et coll. [Nesi9] ont également
suggéré l’utilisation combinée d’une approche probabiliste et de réseaux de neurones afin
d’obtenir des prévisions en bon accord avec l’expérience.
La plupart des modèles récents sont cependant basés sur une description plus mécanistique
des phénomènes de corrosion. Ces modèles s'attachent ainsi à prendre en compte les différents
processus physico-chimiques intervenant durant les phénomènes de corrosion. A ce titre, c'est
le mécanisme de dissolution anodique proposé par Bockris [Bock1] (cf. II.2.2) qui est
majoritairement retenu dans ces modèles [Gray1, Song2-3]. Le groupe de Nesic utilise
cependant un mécanisme de dissolution du fer spécifique au milieu CO2 [Nesi4] dans la
Bien que fréquemment observés, les phénomènes de corrosion des aciers en présence de CO2
dissous restent relativement mal compris d’un point de vue fondamental. L'analyse
bibliographique qui a été menée révèle cependant que le caractère acide du CO2 ne suffit pas à
expliquer complètement les phénomènes de corrosion observés en présence de ce gaz dissous.
Nous verrons plus loin que les travaux menés dans le cadre de cette thèse ont pu apporter de
nouveaux éléments relatifs à la compréhension des processus cathodiques (partie VI.1), à la
description de la réaction anodique et au rôle des dépôts de corrosion (chapitre V) et à la
modélisation des phénomènes de corrosion des aciers en milieu confiné en présence de CO2
dissous (partie VI.2).
De nombreux phénomènes de corrosion se déroulent dans des milieux confinés qui présentent
un rapport V/S entre le volume d’électrolyte et la surface métallique exposée inférieur à
quelques centaines de micromètres: crevasses, interstices autour des armatures présentes dans
les bétons, espace annulaire des conduites pétrolières flexibles. Dans de tels milieux, il est
fréquemment rapporté que les vitesses de corrosion observées peuvent être très différentes de
celles mesurées en plein bain où le volume d’électrolyte est infini [Nish1, Strat1, Yama1] et
qu'elles dépendent de surcroît du rapport V/S [Nish1].
Cet effet de confinement est généralement attribué à une modification de la composition
chimique (pH, saturation en sels précipitables) des films minces de liquide confinés à la
surface des métaux qui se corrodent [Ropi1, Kedd3]. Il serait ainsi essentiellement lié aux
spécificités du transport de matière des espèces dissoutes en milieu confiné, en particulier
l’apport des réactifs et l’évacuation des produits des réactions interfaciales.
La présente partie a pour objectif de présenter les différents points essentiels à la
compréhension de la problématique posée par l'étude des phénomènes de corrosion en milieu
confiné.
Dans cette optique, nous passerons tout d’abord en revue de manière critique les principaux
dispositifs expérimentaux susceptibles d’être utilisés pour l’étude de ces phénomènes.
Dans un second temps, les spécificités du transport de matière en milieu confiné seront
exposées. L'influence de ces dernières sur les cinétiques de corrosion sera particulièrement
examinée.
Le cas particulier de la corrosion des aciers en milieu confiné contenant du CO2 dissous sera
ensuite détaillé.
A la fin de cette partie, nous décrirons également les spécificités propres aux mesures
d’impédance électrochimique dans les cellules à couche mince.
Tout comme dans le cas de la partie II.2, les études relatives aux écoulements convectifs
forcés et aux phénomènes de couplage galvanique, qui sortent du cadre de cette thèse, ne
seront pas traitées dans la présente partie.
Le principe des cellules de corrosion atmosphérique est représenté sur la Fig. 2.3.
Gaz
Electrolyte
Electrode
Comme l’illustre la figure 2.4, le film de liquide présent à la surface de l’électrode peut être
soit totalement confiné entre la surface de l’électrode et la phase gazeuse (Fig. 2.4.b) soit
déboucher sur une plus large quantité d’électrolyte (Fig. 2.4.a). La détermination de
l’épaisseur de ce film peut s’effectuer optiquement [Dubu1-2] ou plus généralement au moyen
d’une mesure de résistance très simple à l’aide d’un ohmmètre [Zhan1, Chen1] (cf. Fig. 2.4).
Dans ce type de cellule, la définition précise (dans l’espace et dans le temps) de la géométrie
du film d’électrolyte confiné à la surface de l’électrode n’est cependant pas évidente. En effet,
lors d’expériences longues, cette géométrie peut évoluer dans le temps suite à l’évaporation
progressive du liquide (Fig. 2.4). Pour éviter un tel phénomène d'évaporation, une régulation
fine de l’humidité de l’atmosphère de la cellule devient alors nécessaire [Aast].
Gaz
Gaz
Electrolyte Gaz
Electrolyte
Electrolyte
Temps d’expérience
Fig. 2.5 : Evolution de l’épaisseur du film d’électrolyte avec le temps d’expérience dans une cellule de
corrosion atmosphérique dans laquelle le taux humidité n’est pas correctement régulée
Gaz
Gaz Gaz
Electrolyte Electrolyte Electrolyte
Apparues au début des années soixante, les cellules à couche mince [Chri1, Hub1-3, Comp1]
permettent de confiner un faible volume d’électrolyte à la surface d’une électrode de travail
en positionnant parallèlement à cette dernière une paroi étanche au liquide (conductrice
[Hubb1] ou isolante [Kedd3]). La distance entre l’électrode de travail et cette paroi définit
l’épaisseur e du film d’électrolyte confiné (cf. Fig. 2.7). D’un point de vue pratique, cette
épaisseur est généralement ajustée à l’aide de micromanipulateurs [Chri1, Hub1-2, Comp1,
Fiau1, Kedd3-4, Mick1] (cf. exemple Fig. 2.8.a). La procédure de positionnement utilisée
dans ce cas est décrite dans le paragraphe II.3.1.c. Plus rarement, cette épaisseur est fixée à
Paroi étanche
Electrode
Fig. 2.7 : Schéma de principe d’une cellule à couche mince idéale
a) b)
Durant les dernières décennies, les cellules à couche mince ont donné lieu à des travaux variés
tels que l’étude du transport de matière en milieu confiné [Rous1-2], la réalisation de dosages
électrochimiques [Duti1], ou encore la mise en oeuvre de mesures photo-spectroscopiques in-
situ lors d’expériences d’électrochimie [Zhan2, Yu1].
Fig. 2.9 : Exemple de cellule à couche mince adaptée à l’étude de la corrosion sous confinement
d’après [Fiau1].
En effet, à l'aide du montage présenté sur la figure 2.9, Fiaud et coll. [Fiau1] ont pu établir
l'existence d'un apport de gaz effectif dans la zone confinée faisant face à l'électrode, sans
toutefois le quantifier (cf. chapitre III). En comparaison des cellules de corrosion
atmosphérique, ce montage présente donc finalement l’intérêt de définir précisément et
durablement (sur plusieurs jours d’expériences) la géométrie de la couche d’électrolyte
confinée à la surface de l’électrode. Le principe de ce montage fut donc retenu dans le cadre
de cette thèse pour servir de base au développement d'un nouveau dispositif expérimental
adapté à l'étude de la corrosion en milieu confiné (cf. chapitre III). Nous noterons néanmoins
que les procédures de positionnement utilisées lors du réglage des cellules à couche mince (cf.
Les cellules à couches minces classiques utilisent des systèmes de micro positionnement
[Chri1, Hub1-2, Comp1, Fiau1, Kedd3-4, Mick1]. La procédure de positionnement mise en
oeuvre pour régler l’épaisseur du film d’électrolyte recouvrant l’électrode de travail est
relativement simple. En considérant un cas idéal, cette procédure peut se résumer en trois
étapes schématisées ci-dessous sur la figure 2.10.
Paroi étanche
Paroi étanche
Paroi étanche
e
Contact
La paroi étanche faisant face à l’électrode de travail est tout d’abord amenée au contact de
cette dernière à l’aide d’un micromanipulateur (étape 1 → étape 2). L’ordonnée du point de
contact est alors relevée (étape 2), puis la paroi étanche est éloignée à une distance e de la
surface de l’électrode (étape 2 → étape 3). La distance e définit alors théoriquement
l’épaisseur du film d’électrolyte recouvrant l'électrode.
Dans cette procédure classique, le contrôle des différents réglages géométriques décrits ci-
dessus s’effectue uniquement visuellement [Chri1, Hub1-2, Yeag1, Fiau1, Kedd3-4, Mick1].
Ce mode de contrôle nous apparaît pour le moins insuffisant. En effet, la paroi étanche de la
cellule, généralement en matériau polymère, peut s’écraser partiellement lorsqu’elle vient au
contact de la surface de l’électrode. Un simple contrôle visuel ne saurait ainsi permettre la
détermination précise du point de contact entre les deux parois de la cellule (étape 2 Fig.
Paroi étanche
Electrode
Fig. 2.11 : Configuration obtenue dans une cellule à couche mince réelle
Fig. 2.12 : Procédure de positionnement d’une cellule à couche mince dans un cas réel
Conclusion
Bien que peu nombreuses, les études portant sur des cas de corrosion en milieu confiné
rapportent de façon unanime que les cinétiques de corrosion observées dans ces conditions
particulières dépendent du taux de confinement du milieu (rapport V/S entre le volume
d’électrolyte et la surface métallique exposée) [Ropi1, Nish2]. Certaines de ces études
[Kedd3, Song1, Kedd4] indiquent également que cet effet de confinement serait intimement
lié aux spécificités du transport de matière des espèces dissoutes au voisinage des métaux qui
se corrodent dans des films minces d’électrolyte (évacuation des espèces produites et apport
des espèces consommées à l'interface). Dans la présente partie, nous détaillerons tout d’abord
ces spécificités du transport de matière en milieu confinés Dans un second temps, nous
verrons par le biais de quels mécanismes celles-ci peuvent influer sur les cinétiques de
corrosion.
D’une manière générale, le transport de matière des espèces dissoutes dans un liquide peut
s’effectuer par diffusion, convection et migration [Bard1]. Selon Pillay et coll. [Pill1], le flux
global associé au transport d’une espèce i peut donc s'écrire
J i = − Di ⋅ ∇( ci ) + v ⋅ ci − z i ⋅ F ⋅ ci . ⋅ u i ⋅ ∇( Φ ) (II.28)
Au voisinage d’une électrode, l’importance relative de chacune de ces trois contributions vis-
à-vis du transport global peut cependant être extrêmement variable selon la nature de
∂ci
= Di ⋅ ∇ci (II.30)
∂t
En plus des lois de Fick, les conditions aux limites déterminent les profils de concentration
des espèces dissoutes. Elles peuvent être extrêmement variables selon les caractéristiques des
milieux confinés considérés : dimensions, présence éventuelle de parois imperméables,
pressions partielles des gaz en contact du film de liquide, ouverture ou non vers un large
volume d’électrolyte. Dans le cas d'un transport de matière monodimensionnel, ces profils
sont souvent calculés de façon analytique [Mick1, Fiau1, Ledd1]. En revanche, dans le cas de
phénomènes de transport multidimensionnel, la résolution des équations de transport peut
devenir très complexe [Galc1] et une résolution numérique du problème est souvent
préférable. Cette démarche fut notamment adoptée par Gabrielli et coll. [Gabi2] dans le cas
d'une cellule à couche mince cylindrique où le transport global impliquait à la fois une
contribution normale et une contribution radiale à la surface de l'électrode. On notera
Métal Métal
type 1 type 2
Milieu de type 1 Milieu de type 2
Fig. 2.13 : Type de milieu confiné dans lesquels peuvent se dérouler des phénomènes de corrosion
Dans les deux types de milieu précédemment définis (Fig. 2.13), à l'état stationnaire, le
transport de toutes les espèces ioniques produites à l’interface se produit principalement
tangentiellement à la surface métallique vers l'extérieur de la zone confinée. Ce transport est
par conséquent inhibé par rapport à une situation de plein bain. Cette limitation du transport
de matière s’accroît par ailleurs lorsque l’épaisseur du film d’électrolyte diminue [Fiau1,
Mick1]. Par conséquent, durant la corrosion du métal, les produits des réactions interfaciales
auront tendance à s’accumuler dans l’électrolyte confiné au regard de l’électrode [Song1].
Cette accumulation des produits de réaction est susceptible d’augmenter sensiblement le pH et
la concentration en cations métalliques au voisinage de l’interface. Ces deux phénomènes
ainsi que leurs conséquences sur les processus de corrosion en milieu confiné sont détaillés ci-
dessous.
Les réactions cathodiques qui se déroulent lors de la corrosion des métaux peuvent être
productrices d’ions hydroxydes (cas de la réduction de l’oxygène dissous et de la réduction de
l’eau par exemple). En milieu confiné, l’évacuation limitée de ces ions loin de l’interface peut
donc entraîner une augmentation du pH. Cette augmentation de pH, largement observée et
commentée dans le cadre de travaux traitant de la protection cathodique des aciers confinés
sous des revêtements isolants décollés [Song4, Chin1], a également été suggérée par de
nombreux auteurs pour expliquer les résultats obtenus lors d’études de la corrosion sous
confinement [Kedd4, Strat1, Zhan1, Nish1].
L’effet d'accumulation des produits des réactions interfaciales en milieu confiné peut
également contribuer à augmenter le pH d’une façon plus indirecte dans certains cas. Par
exemple, dans un milieu contenant du CO2 dissous, la réduction du proton se déroulant à la
surface d’une électrode entraîne, par déplacement de la réaction (II.II), une production
volumique locale d’ions bicarbonates [Crol5]. En s’accumulant, ces ions vont
Remarque : dans certains milieux confinés tels que les piqûres, lorsque des couplages
galvaniques existent, une acidification locale peut être constatée contrairement à
l'augmentation de pH observée lorsque seuls des phénomènes de corrosion uniforme se
produisent.
Pour comprendre l’influence du confinement sur l’apport des réactifs cathodiques, les cas
correspondant aux milieux de type 1 et de type 2 (Fig. 2.13) sont détaillés ci-dessous.
Milieu de type 1
Dans un milieu confiné de type 1, le transport de toutes les espèces dissoutes consommées à
l’interface est d’autant plus limité que l’épaisseur du film d’électrolyte est mince. Dans ce
type de milieu, l’électrolyte confiné au regard d’un métal qui se corrode est donc d’autant plus
pauvre en réactifs cathodiques (eau exceptée) que le confinement est important [Song4,
Rouss1-2, Kedd4]. Ainsi, en cas de contrôle cathodique de la cinétique de corrosion, cet
appauvrissement peut diminuer les vitesses de corrosion par rapport à une situation de plein
bain. Cette diminution, d’autant plus significative que l’épaisseur des films d’électrolyte est
faible, a notamment été modélisée par Song et coll. dans le cas de la corrosion des aciers sous
un revêtement partiellement décollé en présence d’oxygène dissous [Song6-7].
Milieu de type 2
Dans le cas d'un film d'électrolyte exposé à un gaz contribuant directement (O2) ou
indirectement (cas du CO2 qui forme H+ par le biais de l’équilibre carbonique cf. II.1, II.2 et
II.3.3) aux réactions cathodiques, il convient de distinguer le cas des réactifs cathodiques issus
de ce gaz du cas des réactifs cathodiques qui ne le sont pas.
Dans le cas de ces derniers, le raisonnement développé plus haut pour les milieux de type 1
reste en effet entièrement valable.
En revanche, l’apport des réactifs cathodiques issus du gaz sera d'autant moins limité en
milieu confiné que l'épaisseur du film de liquide recouvrant le métal sera faible (cf. Fig. 2.13).
Il deviendra ainsi supérieur à celui existant dans une situation de plein bain pour des
épaisseurs de film d’électrolyte inférieures à celles des couches de diffusion-convection
naturelles [Cox1, Nish2, Rem1].
Ainsi, contrairement au cas des milieux de type 1, une accélération des vitesses de corrosion
peut être constatée ou calculée dans les milieux de type 2 lorsque l’épaisseur du film
d’électrolyte diminue [Song2, Fiau1, Yama1, Strat1]. C'est le cas notamment pour la
corrosion en milieu aéré lorsque la vitesse de corrosion est contrôlée par la vitesse de
Conclusion
En milieu confiné, l’accumulation des produits des réactions interfaciales peut influer de
façon directe sur les vitesses de corrosion des métaux en augmentant le pH du milieu dont
dépendent les réactions cathodiques et anodiques. Elle peut également déterminer ces vitesses
de façon indirecte en changeant les propriétés de protection des dépôts de corrosion formés à
l’interface. La littérature révèle par ailleurs que le taux de confinement d’un milieu peut
également influer sensiblement sur la vitesse d’apport des réactifs cathodiques nécessaires à la
corrosion.
La plupart des réactions (hétérogènes et homogènes) intervenant lors de la corrosion d'un
métal étant à la fois cinétiquement dépendantes du pH et susceptibles de faire varier celui-ci
[Song1, John1, VanH1], il existe une interdépendance très forte entre les différents paramètres
d’un système électrochimique confiné (géométrie, pH, cinétique des réactions hétérogènes et
homogènes). Dans le cas particulier des phénomènes de corrosion en milieu confiné contenant
du CO2 dissous (cf. II.3.3), cette interdépendance sera mise en évidence quantitativement dans
la partie VI.2 du présent manuscrit.
Les considérations générales développées dans la partie II.3.2 s’appliquent bien évidemment
au cas particuliers des milieux confinés contenant du CO2 dissous tels que l’annulaire des
conduites pétrolières flexibles. Ainsi, toutes conditions égales par ailleurs (T, PCO2,
composition initiale de l'électrolyte), il est désormais bien admis que le comportement vis-à-
vis de la corrosion des aciers présents dans de tels milieux peut diffèrer radicalement de celui
observé en plein bain [Ropi1, Tara1-2, Desa1]. Il fut notamment établi que les pH tout comme
les vitesses de corrosion mesurées dans ces milieux dépendaient largement du rapport V/S
entre le volume d’électrolyte et la surface métallique exposée [Ropi1]. Ainsi, lorsque ce
rapport décroît, les vitesses de corrosion expérimentales diminuent systématiquement tandis
que les pH mesurés augmentent [Rop1, Tara1-2, Desa1, Rubi1].
Conclusion
Conclusion
Le confinement d'un milieu est susceptible de modifier le transport de matière des espèces
dissoutes au voisinage d'une électrode (cf. II.3.2.a). Dans le cas des cellules à couche mince
cylindrique, ce confinement peut également induire une distribution radiale de potentiel dans
le film d'électrolyte confiné à la surface de l'électrode. Ces deux effets peuvent avoir un large
impact sur les diagrammes d'impédances mesurés en couche mince. Mal pris en compte, ils
sont donc susceptibles de fausser l'interprétation en termes de mécanismes réactionnels des
diagrammes obtenus en milieu confiné.
Actuellement, l'impédance de diffusion n'a jamais été étudiée dans une cellule à couche mince
cylindrique classique comportant une électrode millimétrique. Par ailleurs, il n'existe pas, à
notre connaissance, de modèle analytique permettant de décrire les phénomènes de
distribution de potentiel radial dans les cellules à couche mince tout en prenant réellement en
compte la géométrie généralement cylindrique de ce type de cellule.
Ainsi, certaines interrogations fortes subsistent quand à l'interprétation des diagrammes
d'impédance en milieu confiné. Parce qu'il était nécessaire de lever celles-ci préalablement à
l'étude de corrosion rapportée dans le chapitre V du présent mémoire, une étude théorique de
l'impédance de diffusion mesurée dans une cellule à couche mince a été menée dans le cadre
de cette thèse. Cette étude est rapportée dans la partie IV.
Bien que fréquents dans le domaine de l'industrie pétrolière, les phénomènes de corrosion des
aciers en présence de CO2 dissous demeurent fondamentalement mal compris. Il apparaît
cependant clairement que le caractère acide des solutions aqueuses contenant du CO2 dissous
ne peut expliquer à lui seul les phénomènes de corrosion observés en présence de ce gaz
dissous. Ainsi, les vitesses de corrosion des aciers sont généralement plus importantes dans
une solution contenant du CO2 dissous que dans une solution d'acide fort de même pH.
Selon de nombreux auteurs, cette augmentation des vitesses de corrosion s'expliquerait par
une contribution du CO2 dissous à la réaction cathodique de dégagement de H2. La nature
précise de cette contribution demeure néanmoins extrêmement controversée.
Pour Nesic et coll. [Nesi2-4], la présence de CO2 dissous affecte également la cinétique de
dissolution anodique des aciers. Cependant, de nombreux auteurs considèrent que le CO2
dissous n'intervient pas au cours de cette réaction de dissolution qu'ils assimilent simplement
à celle du fer en milieu acide.
Il semble que la nature des dépôts de corrosion contrôle très fréquemment les cinétiques de
corrosion en présence de CO2 dissous. Le rôle protecteur des dépôts de sidérite (isolant
électronique) est ainsi très fréquemment rapporté dans la littérature. Cet effet protecteur
consisterait essentiellement en un blocage de la surface active de l'acier associé à une
inhibition du transport de matière au voisinage de cette dernière. Au contraire, l'accumulation
de cementite non dissoute à la surface d'un acier est susceptible d'avoir un effet aggravant vis-
à-vis de la corrosion en favorisant les phénomènes de couplage galvanique et une acidification
interne des dépôts de corrosion.
En milieu confiné, la modification du transport de matière induite par le confinement peut
avoir une très large influence sur les vitesses de corrosion observées et les pH des solutions
corrosives. Lorsque le rapport V/S diminue dans les milieux confinés contenant du CO2
dissous, cet effet de confinement se traduit par une diminution importante des vitesses de
corrosion et par une hausse des pH et des concentrations en Fe(II) dissous.
L'étude de cet effet de confinement, encore mal connu, requiert l'utilisation de méthodes
expérimentales adaptées. Les cellules à couche mince peuvent en particulier être utilisées pour
Dans ce contexte, une nouvelle cellule à couche mince permettant d'étudier les phénomènes
de corrosion sous confinement a été développée (cf. chapitre III). La structure de l'impédance
mesurée dans cette cellule a été étudiée théoriquement et expérimentalement dans un second
temps (chapitre IV). Cette cellule a ensuite permis de réaliser des mesures expérimentales
inédites, d'impédances essentiellement, durant la corrosion d'un acier faiblement allié en
milieu confiné contenant du CO2 dissous (cf. chapitre V). Par ailleurs, la nature de la
contribution cathodique du CO2 dissous a été étudiée (cf. partie VI.1) et un modèle cinétique a
finalement pu être proposé pour décrire les caractéristiques physico-chimiques des milieux
confinés contenant du CO2 dissous tel que l'annulaire des conduites pétrolières flexibles (cf.
partie VI.2).
Aucun des montages expérimentaux proposés dans la littérature pour l’étude des phénomènes
de corrosion en milieu confiné ne permet d’associer à la fois un apport local de gaz dans la
zone confinée et un contrôle géométrique rigoureux (cf. partie II.3.1). Ces deux points étant
particulièrement importants dans le cadre de notre étude, un des aspects majeurs de ce travail
de thèse fût la réalisation d’un tel montage. Ce dispositif expérimental, inspiré de celui
proposé par Fiaud et coll. [Fiau1], a été développé sur le principe des cellules à couche mince
décrit dans la partie II.3.1.b. Par ailleurs, afin de garantir un contrôle précis de la géométrie de
cette nouvelle cellule, une méthode de positionnement originale, basée sur l’utilisation de
mesures d’impédance à haute fréquence (résistance d’électrolyte), a également été développée
dans le cadre de cette thèse.
Le présent chapitre a pour objectif de présenter cette nouvelle méthodologie expérimentale
adaptée à l'étude des phénomènes de corrosion en milieu confiné. Les différents résultats
expérimentaux relatifs à la validation de cette méthodologie seront également rapportés et
discutés.
Un schéma du montage proposé est présenté sur la figure 3.1. Le principe de base de ce
montage est celui des cellules à couche mince (cf. II.3). Il consiste à confiner à l’aide d’une
paroi étanche et isolante un film mince d’électrolyte à la surface de l’électrode de travail.
Dans cette cellule à couche mince, la zone confinée est comprise entre deux cylindres de
même diamètre (30 mm) se faisant face (cf. Fig. 3.1).
Le cylindre supérieur (cylindre creux en plexiglas ou cylindre plein en PTFE) constitue la
partie dite « inerte » du montage. La base inférieure de ce cylindre est une paroi étanche à
l’eau et isolante qui fait face à l’électrode de travail.
Afin de permettre un apport continu en gaz dans la couche d’électrolyte confinée à la surface
de l’électrode de travail, la partie inerte de la cellule est constituée d’un tube en plexiglas
comblé à son extrémité basse par un fritté métallique poreux (diamètre 12 mm) recouvert
d’une membrane en PTFE (35 µm d’épaisseur ; Prolabo) hydrophobe et perméable au gaz (cf.
Fig. 1.1). Ce système d'apport de gaz simple, développé suivant une idée initialement
proposée par Fiaud et coll. [Fiau1], est présenté sur la figure 3.2.
Chapitre III: Développement d'un nouveau dispositif expérimental 69
pour l'étude de la corrosion métallique en milieu confiné
Selon les cas étudiés (voir par exemple l’étude de l’impédance de diffusion en milieu confiné
chap. IV), la base de la partie inerte peut également être rendue imperméable au gaz : on
utilise dans ce cas comme partie inerte un cylindre plein en PTFE (cf. Fig. 3.3).
Platine de translation
vertical
Cellule de verre
à double enveloppe
P
Platine de translation x-y
Plateau multi-axes
A
Table anti-vibration
Fig. 3.2.a: Système d’apport de gaz Fig. 3.2.b: Système d’apport de gaz
(vue en perspective) (vue de dessus)
VisVis
micrométrique
micrométrique
Platinededetranslation
Platine translation
Partie inerte
Partie inerte
(cylindre plein en PTFE dans ce cas)
Faisant face à la base de la partie inerte (Fig. 3.1), l’électrode de travail est la section droite
d’un cylindre métallique de 5 mm ou 10 mm de diamètre. Cette électrode est centrée dans un
porte-échantillon isolant en PVC qui constitue le cylindre inférieur du montage (cf. Fig. 3.4).
Elle est entourée de trois électrodes de platine (sections droites de fils de 1 mm diamètre) que
nous appellerons sondes platine. La fonction de ces sondes sera détaillée dans la partie III.2.
L’étanchéité au bord des différentes électrodes est obtenue par application successive d’une
peinture cataphorétique et d’une résine epoxy (Buehler). La figure 3.4 est une photographie de
l’arrangement de ces quatre électrodes après polissage.
Sondes platine
Le porte-échantillon contenant l’électrode de travail et les trois sondes platine est solidaire de
la cellule en verre à double paroi contenant l’électrolyte (cf. Figs. 3.1 et 3.6). Cet ensemble
appelé « partie basse du montage » est attaché à un système de micro-positionnement. Ce
système de micro-positionnement comprend trois éléments (cf. Fig. 3.5): deux platines de
translation et un plateau tangent.
Plateau tangent
Profilé
Table anti-vibration
Platines
de translation
Fig. 3.5 : Photographie du système de positionnement inclus dans la partie basse du montage
Réglage vertical
Electrode
de référence
Partie inerte
Contre électrode
Zone confinée
Electrode de travail
Réglage angulaire
Réglage de l'alignement
Toutes les expériences reportées dans la présente partie ont été réalisées à l'aide de la cellule
décrite sur la figure 3.1 dans une solution de K2SO4 0,01 M. Un disque en acier inoxydable
AISI 316 L de 10 mm de diamètre a servi d'électrode de travail (composition en annexe A.2).
Une Electrode Standard au Sulfate (ESS) et une large grille de platine ont été utilisées
respectivement comme électrode de référence et contre électrode.
III.2.2.a Théorie
Selon Newman [Newm1], la résistance d'électrolyte Rebulk (Ω.cm2) mesurée en plein bain (e
→ ∞ sur la figure 3.6) dépend à la fois de la conductivité de l'électrolyte et du rayon de
l'électrode. Elle est en revanche indépendante de l'épaisseur de liquide recouvrant l'électrode.
Par contre, dans le cas d'une électrode recouverte d’un film mince de liquide (e faible), la
résistance d’électrolyte mesurée à l'électrode devient dépendante de l'épaisseur de ce dernier
[Fiau1, Gabi2]. Dans une certaine gamme d'épaisseur, la relation liant Re à e-1 est même
linéaire d'après Keddam et coll. [Kedd3].
Chapitre III: Développement d'un nouveau dispositif expérimental 75
pour l'étude de la corrosion métallique en milieu confiné
Paroi étanche
Electrode
Fig. 3.6 : Schéma de principe d’une cellule à couche mince idéale
Cette propriété de la résistance d'électrolyte a déjà été mise à profit par Gabrielli et coll.
[Gabi2] afin d’ajuster la distance entre la pointe d’une microélectrode et une paroi isolante.
Cela se fait en pratique à l'aide de la méthode dite "des courbes d'approche": la paroi étanche
de la cellule (cf. Fig. 3.6) est approchée pas à pas de la surface de l'électrode de travail à l'aide
d'un système de micro positionnement. A chaque pas vertical, la résistance d'électrolyte est
mesurée à l'électrode. L'évolution de l'admittance adimensionnelle Yadim (Eq. (III.2)) en
fonction de e est alors tracée ("courbe d'approche"). La position verticale du point de contact
entre la paroi étanche et l'électrode apparaît alors sous la forme d'un plateau sur cette courbe
(car e ne varie plus une fois le contact établi) et l'électrode peut être positionnée en
conséquence à la distance voulue de la paroi étanche.
Re bulk
Ya dim ( e ) = (III.2)
Re ( e )
avec Re(e) (Ω.cm2) la résistance d’électrolyte pour une épaisseur de liquide égale à e.
Le tracé d'une courbe d'approche unique ne permet pas de détecter une éventuelle erreur de
parallélisme dans la cellule. Cependant, il apparaît théoriquement possible de déterminer et de
quantifier une telle erreur en traçant en parallèle trois courbes d'approche en différents points
de la zone confinée ("méthode des courbes d'approche multiples"). Cette possibilité a été
étudiée dans le cadre de cette thèse grâce à l’introduction de trois sondes en platine en
périphérie de l’électrode de travail (cf. partie III.1). Les résultats de cette étude sont rapportés
dans le paragraphe suivant.
Dans une première étape, le réglage de la géométrie de la zone confinée a tout d'abord été
effectué à l'aide d'une procédure classique (cf. II.3.1.c) et donc contrôlé uniquement
visuellement. Suite à ce réglage géométrique préliminaire, la paroi étanche située dans la
partie haute du montage a été approchée pas à pas de la surface de l'électrode de travail à
l'aide du système de micro positionnement vertical (cf. Fig. 3.1). A chaque pas vertical, la
résistance d'électrolyte a été mesurée successivement sur chacune des trois sondes platine. Le
jeu de courbes d’approche (Yadim en fonction de e ; cf. Eq. (III.2)) ainsi obtenu est présenté sur
les figures 3.7 et 3.8. Sur ces figures, on notera que l'origine de l'axe des épaisseurs a été fixée
arbitrairement à la position verticale du point de contact déterminé lors du réglage
préliminaire (étape 2 sur la figure 2.10).
1,0
0,8
0,6
adim
Y
0,4
0,2 sonde 1
sonde 2
sonde 3
0,0
0 1000 2000 3000 4000 5000 6000
e (µm)
Fig. 3.7 : Courbes d’approche obtenues suite à la procédure de positionnement classique (cf. II.3.1.c)
Membrane
Membrane
Contact
Acier Acier
0,7
0,6
0,5
30 µm
0,4
adim
0,3
Y
0,2
sonde 1
0,1 sonde 2
sonde 3
0,0
0 50 100 150 200 250 300 350 400 450 500
e (µm)
Fig. 3.8 : Agrandissement de la Fig. 3.7 pour les faibles épaisseurs d’électrolyte
Aux faibles épaisseurs (Fig. 3.8), une valeur limite d’admittance est également atteinte. Ce
plateau bien défini est atteint par les trois courbes d’approche à la même valeur de e. Cette
invariance de l’admittance avec la position verticale signifie que l’épaisseur de la colonne de
liquide recouvrant chacune des électrodes est constante : cela peut-être attribuée sans
ambiguïté à l’existence d’un point de contact entre la paroi supérieure de la cellule et la
surface du porte-échantillon.
Ainsi, dans l’exemple choisi, la position verticale réelle du point de contact entre les deux
parois de la cellule (étape 2 Fig. 2.10), mesurée par la méthode des courbes d’approche, est
décalée de 30 µm par rapport à celle déterminée à l'aide de la procédure de positionnement
classique (cf. II.3.1.c).
D’un point de vue qualitatif, les résultats discutés plus haut montrent clairement que la
procédure de réglage géométrique classiquement utilisée dans les cellules à couche mince
conduit à une erreur de positionnement (cf. II.3.1.c). Cette erreur découle à la fois d'une
0,6
0,5
0,4
adim
0,3
Y
0,2
sonde 1
0,1 sonde 2
sonde 3
0,0
0 100 200 300 400 500
e (µm)
corrigée
La courbe obtenue sur la figure 3.9 est très proche de la courbe théorique calculée par
Gabrielli et coll. [Gabi2] dans le cas d’une électrode recouverte par un film mince
d’électrolyte (Fig. 3.6). En validant la procédure de mesures proposée, cet accord entre
l’expérience et la théorie autorise l'interprétation quantitative des résultats obtenus.
Membrane
e
m
Electrode
Fig. 3.10: Positionnement de la cellule durant les mesures reportées sur la figure 3.11
Afin de bien mettre en évidence l'intérêt apporté par le contrôle géométrique de la cellule à
couche mince à l'aide de la méthode des courbes d'approche multiples, nous négligerons dans
un premier temps l'erreur de parallélisme existant dans la cellule. Les valeurs des épaisseurs
rapportées sur la Fig. 3.11 sont celles obtenues dans le cadre de cette approximation
(épaisseur e sur la figure 3.10).
Sur la figure 3.11, un plateau de courant assez bien défini est observé dans toute la gamme
d’épaisseur de films d’électrolyte étudiée. Ce courant est attribué au courant limite de
diffusion de l’oxygène dissous [Nish2]. Il augmente nettement lorsque l’épaisseur du film
d’électrolyte décroît. Dans le cas d'un film d'électrolyte de 60 µm d'épaisseur, sa valeur est en
effet environ dix fois supérieure à celle mesurée en plein bain. Cette augmentation de courant
est bien cohérente avec l'existence effective d'un apport de gaz dans la zone confinée (cette
zone constitue alors un milieu de type 2 au sens de la figure 2.13).
-i (µA.cm )
-2 plein bain
150
100
50
0
-1,6 -1,5 -1,4 -1,3 -1,2 -1,1 -1,0 -0,9
E (V/ESS)
Fig. 3.11: Courbes de polarisation stationnaires obtenues avec apport de gaz sur acier AISI 316 L
dans K2SO4 0.01 M dans le domaine de la réduction de O2 en fonction de l'épaisseur (non corrigée de
l'erreur de parallélisme) de la zone confinée ; vb = 1mV.s-1.
e non corrigée
50
plein bain
5000 µm
1000 µm
40 700 µm
500 µm
200 µm
-i (µA.cm )
-2
30
20
10
0
-1,3 -1,2 -1,1 -1,0 -0,9 -0,8 -0,7 -0,6
E (V/ESS)
Fig. 3.12: Courbes de polarisation stationnaires obtenues sans apport de gaz sur acier AISI 316 L
dans K2SO4 0.01 M dans le domaine de la réduction de O2 en fonction de l'épaisseur (non corrigée de
l'erreur de parallélisme) de la zone confinée ; vb = 1mV.s-1.
En l'absence d'apport local de gaz (Fig. 3.12), aucun courant limite n'est atteint lors de la
polarisation cathodique de l'électrode en milieu confiné (pour e < 1000 µm). Un pic de
courant caractéristique d'un comportement non stationnaire est en revanche obtenu dans ce
cas. On constate par ailleurs sur la figure 3.12 que les courants cathodiques mesurés
Chapitre III: Développement d'un nouveau dispositif expérimental 82
pour l'étude de la corrosion métallique en milieu confiné
diminuent lorsque l’épaisseur du film d’électrolyte décroît. Ce comportement peut être
expliqué par un appauvrissement progressif en oxygène dissous de la zone confinée lors du
balayage cathodique. En effet, en l'absence de membrane perméable au gaz (milieu de type 1
au sens de la figure 2.13), l'oxygène dissous est apporté essentiellement radialement à
l'électrode en provenance de l'extérieur de la zone confinée (cf. Fig. 3.1). L'apport de ce gaz
est par conséquent ralenti à mesure que l'épaisseur de la zone confinée décroît. Le
comportement transitoire observé s'explique quant à lui par le rayon relativement important de
la zone confinée (3 cm): l'établissement d'un gradient de concentration stationnaire au niveau
de l'isolant entourant l'électrode nécessite donc un temps conséquent. Des mesures
chronoampérométriques ont ainsi montré que la durée des transitoires de courant observés
pouvait excéder deux jours en l'absence d'apport local de gaz [Remi2].
En négligeant la convection dans le film mince d’électrolyte et en supposant un mécanisme de
réduction à quatre électrons par molécule d’oxygène [Zhan1, Nish2], le courant limite de
réduction de l'oxygène dissous observé sur la Fig. 3.11 peut théoriquement s’exprimer selon
DO 2 ⋅ C *
iL = 4 ⋅ F ⋅ (III.3)
e
(III.3)) sont comparés aux courants limites expérimentaux sur la figure 3.13. Les courants
limites expérimentaux ont été mesurés à -1,5 V/ESS et corrigés du courant cinétique de
dégagement d’hydrogène mesuré au même potentiel dans les conditions de plein bain. Ils ont
par ailleurs été représentés de deux façons différentes. Dans un premier cas, l'erreur de
parallélisme existant dans la cellule a été négligée et les résultats expérimentaux ont été tracés
en fonction d'une épaisseur dite "non corrigée" (épaisseur e sur la figure 3.10). Dans un
0,010
0,008
-2 -1
(µA.cm )
0,006
0,004
-1
L
-i
0,002
Théorie (Eq. III.3)
Expérience (e non corrigée)
Expérience (e corrigée)
0,000
0 50 100 150 200 250
e (µm)
Fig. 3.13: Evolution de l'inverse des courants limites de réductions d'oxygène théoriques (Eq. (III.3))
et expérimentaux (mesurés à -1,5 V/ESS et corrigés du courant de dégagement de H2) en fonction de
l'épaisseur moyenne du film d'électrolyte confiné.
On constate sur la figure 3.13 que lorsque l’erreur de parallélisme existant dans la cellule à
couche mince est négligée, un écart significatif existe entre les points expérimentaux et
théoriques. Au contraire, lorsque cette erreur est prise en compte (e corrigée Fig. 3.13), un
excellent accord entre théorie et expérience est obtenu. Ce résultat a plusieurs implications
importantes. Tout d'abord, du fait de la très grande sensibilité du modèle théorique (Eq.
(III.3)) aux paramètres e et C*, l’excellent accord obtenu entre l'expérience et la théorie
permet de valider conjointement le modèle et les valeurs entrées pour ces deux paramètres.
Ceci démontre les trois points suivants:
(i) En accord avec la littérature (cf. II.3.1), la convection peut être négligée en couche mince
dans les conditions des expériences réalisées.
(ii) La concentration en oxygène dissous à l'interface membrane / électrolyte est bien égale à
la concentration d'équilibre de l'oxygène dans l'eau de sorte que la membrane utilisée permet
de réguler une pression constante de gaz à cette interface et cela sans introduire de pertes de
charge.
(iii) La méthode des courbes d'approches multiples permet de mesurer avec une très grande
précision l'épaisseur de la cellule à couche mince.
Chapitre III: Développement d'un nouveau dispositif expérimental 84
pour l'étude de la corrosion métallique en milieu confiné
Les résultats obtenus dans la présente partie permettent donc de valider quantitativement le
système d’apport de gaz et la précision géométrique du montage développé. Une telle
approche est nouvelle à notre connaissance dans le domaine des cellules à couche mince. Elle
nous permettra d'interpréter de façon quantitative les résultats obtenus aux chapitres IV et V à
l'aide du montage que nous proposons.
Bien que cela n’apparaisse pas clairement dans le présent manuscrit, une part non négligeable
de ce travail de thèse a été consacrée au développement de capteurs pH (cf. annexe A.3).
L’objectif de cette étude était de réaliser un capteur fonctionnel susceptible d’être introduit
dans la cellule à couche mince afin de coupler des mesures de pH aux mesures
électrochimiques réalisées en milieu confiné (telles que les mesures d'impédance effectuées
durant la corrosion d'un acier en milieu confiné contenant CO2 ; cf. partie V). Après quelques
résultats encourageants (cf. annexe A.3), le développement d’un tel capteur n’a finalement pas
abouti à l'échelle de cette thèse. Les capteurs développés n'ont en effet pas permis d'obtenir
une sélectivité suffisante vis-à-vis des ions interférents tel que les ions Fe2+, ce qui est gênant
dans le cadre d'une étude de corrosion. Les protocoles de fabrication utilisés n’ont, de
surcroît, pas permis d’aboutir à des résultats très reproductibles même en l’absence d’ions
interférents. Des solutions commerciales (capteurs SENSIROX) ont également été testées
mais celles-ci ne se sont pas non plus avérées fonctionnelles dans les conditions des tests que
nous avons effectués (cf. annexe A.3). Ainsi, à ce jour, le couplage de mesures de pH aux
mesures électrochimiques plus classiques (impédance, chronoampérométrie,
chronopotentiométrie, courbe de polarisation) demeure irréalisé en milieu confiné.
Une variante du montage présenté dans la partie III.1 a néanmoins été développée afin de
permettre l'accueil d'un capteur (de pH ou autre) dans la zone confinée. Dans cette version du
montage, seul le porte-échantillon contenant l'électrode de travail est modifié par rapport au
montage présenté partie III.1. Cette autre configuration possible de la cellule est présentée sur
les figures 3.14 et 3.15.
Capteur type
électrode sélective
Porte-échantillon
en résine
Graisse
Dans cette configuration, l'électrode de travail utilisée est un anneau en acier. Elle est isolée
latéralement par application successive d’une peinture cataphorétique et d’une résine epoxy
(Buehler). Un logement cylindrique vertical percé dans la résine au centre du porte-
d'échantillon permet d'accueillir un capteur (3,5 mm de diamètre, 2,5 cm de profondeur
maximum). Un accès à ce logement par la face arrière du porte-échantillon est disponible afin
de connecter le capteur à une chaîne d'acquisition.
Des tests ont montré que l'application de graisse à la périphérie du corps du capteur permettait
d'obtenir une totale étanchéité du système. Dès qu'un capteur efficace aura été trouvé,
l’utilisation de ce montage permettra des mesures de concentrations en espèces dissoutes (pH
ou Fe2+ par exemple….) en plus des mesures de corrosion (cf. chapitre V).
Un dispositif adapté à l’étude des phénomènes de corrosion en milieu confiné a été développé
au cours de cette thèse. Basé sur le principe des cellules à couche mince, ce montage permet,
à l'aide d'une membrane étanche à l'eau mais perméable au gaz, de confiner une fine couche
d'électrolyte à la surface de l'électrode de travail étudiée. Il comprend donc un système
d’apport local de gaz ainsi qu'un dispositif de micro positionnement complet permettant de
régler librement la géométrie du film d'électrolyte recouvrant la surface de l'électrode de
travail. Par ailleurs, une variante du montage proposé est susceptible d'accueillir un capteur
afin de coupler, dans le futur, des mesures de concentrations en milieu confiné (pH ou Fe2+
par exemple) aux mesures électrochimiques plus classiques (courants et potentiels).
Afin de contrôler de façon précise la géométrie de la cellule, une méthode appelée « méthode
des courbes d’approche multiples », basée sur des mesures d’impédance à hautes fréquences
(mesures de résistance d’électrolyte), a été proposée.
La méthodologie expérimentale (montage d'électrochimie en couche mince avec apport de
gaz et procédure de positionnement associée) a été testée par le biais de mesures de courant
limite de réduction de l’oxygène sur une électrode d’acier inoxydable pour différentes
épaisseurs de film d’électrolyte. L’accord quasi parfait entre la théorie et les mesures
expérimentales a permis de démontrer:
1) L’efficacité du système d’apport de gaz qui permet de réguler sans perte de charge une
pression de gaz constante à l'interface membrane / électrolyte.
2) La précision de la méthode de positionnement proposée. A l’aide de cette méthode, les
erreurs de parallélisme peuvent notamment être minimisées et l’épaisseur moyenne du film
d’électrolyte peut être réglée avec une précision de ± 5 µm dans la cellule.
3) Le caractère négligeable du transport convectif dans les films d’électrolyte minces
d’épaisseur inférieure à 250 µm.
Suite aux résultats établis dans le présent chapitre, la procédure de positionnement classique
(cf. II.3.1.c) ne sera donc utilisée qu'à titre de réglage préliminaire de la cellule à couche
mince. Le positionnement sera ensuite systématiquement contrôlé à l'aide de la méthode des
courbes d'approche multiples (chapitre IV et V), puis corrigé le cas échéant. Par ailleurs, le
transport par convection sera négligé dans le modèle de corrosion en milieu confiné proposé
dans la partie VI.2 du présent mémoire.
La cellule à couche mince utilisée (Fig. 4.1) est celle décrite dans le chapitre III. Un cylindre
plein en PTFE (30 mm de diamètre) a fait office de partie inerte durant les mesures de sorte
qu'aucun apport local de gaz ne fut mis en place dans la zone confinée (cf. partie III.1). Un
disque de platine de 5 mm de diamètre a servi d'électrode de travail.
La géométrie de la zone confinée a été réglée selon la procédure de positionnement décrite
dans la partie III.2. A l'aide de cette procédure, l'épaisseur moyenne de la couche d'électrolyte
confinée dans la cellule à couche mince est connue à ± 5 µm. Le décalage vertical (induit par
l'erreur de parallélisme existant dans la cellule) entre deux bords diamétralement opposés de
l'électrode est estimé quant à lui à 3,5 µm maximun.
Chapitre IV: Etude expérimentale et théorique de l'impédance de diffusion dans une cellule à couche mince cylindrique 89
Les mesures d'impédance ont été réalisées à l'aide d'un dispositif tout à fait classique composé
d'un analyseur de fonction de transfert Solartron 1250 et d'un potentiostat-galvanostat
Solartron 1286 tous deux pilotés par un ordinateur. Une Electrode au Calomel Saturé (ECS) et
une large grille de platine ont été utilisées respectivement comme électrode de référence et
contre électrode. Ces deux électrodes ont été placées en dehors de la zone confinée.
Tous les expériences ont été menées dans des solutions aqueuses équimolaires de ferri-ferro
cyanure de potassium 0,01 M (0,01 M Fe(CN)63- + 0,01 M Fe(CN)64-) contenant KCl 0,5 M
comme sel support. Ces solutions ont été fraîchement préparées avant les mesures à l'aide
d'eau bi-distillée et de produits chimiques de qualité analytique (Sigma).
Platine de translation
vertical
Contre électrode
cylindrique
P
Platine de translation x-y
Plateau multi-axes
A
Table anti-vibration
Fig. 4.1: Schéma de la couche mince utilisée pour les mesures d'impédance
Chapitre IV: Etude expérimentale et théorique de l'impédance de diffusion dans une cellule à couche mince cylindrique 90
IV.2 Modélisation théorique de l’impédance de diffusion dans une cellule à
couche mince cylindrique
IV.2.1 Impédance de diffusion linéaire dans une couche mince (Modèles 1D)
Paroi étanche
⎛ ∂c ⎞
e Limite où c(x=e)=C* ou ⎜ ⎟ = 0
⎝ ∂x ⎠ x =e
∂c
Diffusion telle que J = D ⋅
∂x
Electrode
où e (cm) est l’épaisseur du film d’électrolyte confiné, C* (mol.cm-3) est une constante et J
(mol.cm-2.s-1), c (mol.cm-3) et D (cm2.s-1) sont respectivement le flux, la concentration et le
coefficient de diffusion de l’espèce électroactive qui diffuse.
⎛ ∂c ⎞
IV.2.1.a. Cas d'une paroi imperméable à l'espèce qui diffuse (i.e. ⎜ ⎟ = 0 Fig. 4.2)
⎝ ∂x ⎠ x =e
Ce cas est par exemple rencontré pour toutes les espèces dissoutes dans une cellule du type de
celle décrite dans la partie IV.1. Dans ces conditions, une impédance de diffusion linéaire
Chapitre IV: Etude expérimentale et théorique de l'impédance de diffusion dans une cellule à couche mince cylindrique 91
restreinte Z1D (Ω.cm2) est obtenue à l’électrode. Cette impédance s'exprime alors en fonction
de l'épaisseur e de la cellule selon [Jacob1, Diar1]
⎛ e2 ⎞
cotanh⎜ jω ⎟
e ⎜ D ⎟
Z 1D (ω ) = Rd ⎝ ⎠ (IV.1)
D e 2
jω
D
240
e = 300 µm
e = 200 µm
e = 100 µm
e = 50 µm
160
e = 10 µm
-ZIm (ohm.cm )
2
f = 1 Hz
f = 100 mHz
f = 10 mHz
80
0
0 60
2
ZRe (ohm.cm )
Fig. 4.3: Influence de l’épaisseur du film d’électrolyte sur l’impédance de diffusion linéaire restreinte
(calculée d’après l’équation (IV.1) avec Rd = 0,05 Ω.cm3.s-1 et D = 6,3× 10-6 cm².s-1)
Chapitre IV: Etude expérimentale et théorique de l'impédance de diffusion dans une cellule à couche mince cylindrique 92
Les diagrammes théoriques (Fig. 4.3) présentent un comportement de type Warburg à haute
fréquence (droite à 45°) suivi par un comportement capacitif à basse fréquence (asymptote
verticale) [Diar1, Jaco1]. D’un point de vue électrique, ce comportement basse fréquence est
équivalent à un circuit RC série. La valeur de la résistance basse fréquence (que nos noterons
RBF dans le présent manuscrit) décroît à mesure que l’épaisseur du film d’électrolyte diminue.
Un glissement en fréquence est également observé lorsque l’épaisseur du film d’électrolyte
décroît. Une augmentation des fréquences caractéristiques (telle que la fréquence fc-théo de
transition entre le domaine haute fréquence et le domaine capacitif par exemple) est ainsi
constatée lorsque e diminue.
Une représentation également intéressante (que nous appellerons diagramme de Bode
adimensionnel dans la présente partie) de l'impédance de diffusion linéaire restreinte (Eq.
(IV.1)) est obtenue (Fig. 4.4) en traçant l'évolution de la phase de cette impédance en fonction
du logarithme de la fréquence adimensionnelle fadim définie selon
f ⋅ e2
f a dim = (IV.2)
D
où f (Hz) est la fréquence.
90
Zone BF Zone HF
85
80
75
-phase (degrés)
70
65
60
45
40
1E-3 0,01 0,1 1 10 100 1000
fc-théo 2
fadim (f.e /D)
Fig. 4.4: Représentation dite "de Bode adimensionnelle" de l'impédance de diffusion linéaire
restreinte (calculée d’après l’équation (IV.1))
En adoptant une telle représentation (Fig. 4.4), nous constatons en effet que les diagrammes
calculés à partir de l'équation (IV.1) pour différentes valeurs de e se réduisent tous à la même
Chapitre IV: Etude expérimentale et théorique de l'impédance de diffusion dans une cellule à couche mince cylindrique 93
courbe unique. La courbe obtenue Fig. 4.4 a par ailleurs la propriété d'être invariante vis-à-vis
des valeurs des paramètres Rd et D intervenant dans l'équation (IV.1).
La représentation de Bode adimensionnelle fait également très bien apparaître sur les
diagrammes la transition entre le domaine haute fréquence (Zone HF sur la figure 4.4) et le
domaine capacitif (Zone BF sur la figure 4.4). Ainsi, la fréquence critique théorique fc-théo qui
correspond à cette transition admet la valeur adimensionnelle de 1 (Fig 4.4).
IV.2.1.b. Cas d'une paroi maintenant une concentration constante en l'espèce qui diffuse
(i.e. c x =e = C * Fig. 4.2)
Chapitre IV: Etude expérimentale et théorique de l'impédance de diffusion dans une cellule à couche mince cylindrique 94
120
f = 1 Hz e = 300 µm
f = 100 mHz e = 200 µm
100 f = 10 mHz e = 100 µm
f = 1 mHz e = 50 µm
80 f = 100 μHz e = 10 µm
-ZIm (ohm.cm )
2
60 10 mHz 1 mHz
10 mHz
40
10 mHz 1 mHz
20 100 mHz
Fig. 4.5: Influence de l’épaisseur du film d’électrolyte sur l’impédance de diffusion Zconv-1D (calculée
d’après l’équation (IV.3) avec Rd = 0.05 Ω.cm3.s-1et D = 6.3 × 10-6 cm².s-1)
En fait, comme discuté précédemment (cf. II.2.3), l’existence d’une distribution radiale de
potentiel (causée par la chute ohmique dans le film de liquide confiné) doit être prise en
compte afin de modéliser correctement l’impédance d’une électrode présente dans une cellule
à couche mince cylindrique [Fiau1, Ked3]. Afin de prendre en compte cette distribution, un
modèle basé sur le principe des lignes de transmission (dit "modèle LT" et présenté sur la
figure 4.6), a été développé dans le cadre de cette thèse.
Chapitre IV: Etude expérimentale et théorique de l'impédance de diffusion dans une cellule à couche mince cylindrique 95
Axe de symétrie
Paroi étanche
(U;I) (u(r);i(r)) i =0
Re dR dR dR
dZ dZ dZ
axe r di(r)
R0
dr
dSelec(r) =2πrdr
(U;I) (u(r);i(r)) i =0
Re dR dR dR
dZ dZ dZ
di(r)
Chapitre IV: Etude expérimentale et théorique de l'impédance de diffusion dans une cellule à couche mince cylindrique 96
Comme l'illustre la Fig. 4.6, la dépendance à la coordonnée radiale r de la surface élémentaire
de l’électrode dSelec(r) (anneaux de largeur dr) a été prise en compte dans le modèle (Eq.
(IV.4)). En ce sens, ce modèle se distingue de l’approche analytique proposée par Keddam et
coll. [Kedd3]. Assimilant les cellules à couche mince cylindrique à des systèmes linéaires, ces
auteurs avaient en effet appliqué directement le modèle de De Levie au cas de ces cellules
présentant une surface par unité de longueur dSelec variable selon r [DeLe1]. Le modèle de De
Levie avait pourtant été initialement développé pour décrire un pore cylindrique présentant
une surface active par unité de longueur constante.
La dépendance à la coordonnée radiale r de la surface latérale du volume cylindrique
d’électrolyte de rayon r confiné dans la cellule dSlat(r) a également été prise en compte dans le
modèle (Eq. (IV.5).
avec r (cm), dSelec(r) (cm2), dSlat (cm²), dr (cm) un élément de longueur suivant le rayon de
l’électrode, e (cm) l’épaisseur du film d’électrolyte confiné dans la cellule à couche mince.
Pour bâtir le modèle (Fig. 4 .6), nous avons supposé que la résistivité de l’électrolyte ρ (Ω.cm)
était homogène dans le film d’électrolyte confiné à la surface de l’électrode. L’impédance
interfaciale de l’électrode Zint (Ω.cm2) a également été supposée homogène à la surface de
l’électrode (i.e. pas de distribution de capacité et de réactivité à la surface de l’électrode).
Dans ces conditions, les impédances élémentaires (dR and dZ) qui interviennent dans le
modèle peuvent s’exprimer selon :
dR = R1 ⋅ dr (IV.6)
Z1
dZ = (IV.7)
dr
Chapitre IV: Etude expérimentale et théorique de l'impédance de diffusion dans une cellule à couche mince cylindrique 97
Les équations (IV.6) et (IV.7) peuvent être alors réécrites :
ρ ρ
dR = dr = dr (IV.8)
dS lat (r ) 2πre
Z int Z
dZ = = int (IV.9)
dS elec ( r ) 2πrdr
où u et du (V) sont respectivement le potentiel local dans la cellule à couche mince et la chute
ohmique associée à la résistance dR d’un élément de longueur dr de la couche de liquide.
En utilisant (IV.8) et (IV.9), les relations (IV.12) et (IV.13) peuvent être reformulées selon
du ρ
= i (IV.14)
dr 2πre
di 2πr
= u (IV.15)
dr Z int
Chapitre IV: Etude expérimentale et théorique de l'impédance de diffusion dans une cellule à couche mince cylindrique 98
L’équation (IV.16) admet pour solution générale l’expression (IV.17)
u = A exp(αr ) + B exp( −αr ) (IV.17)
Où A et B (V) sont deux constantes qui dépendent des conditions aux limites et α (cm-1) est
ρ
égal à .
eZ int
4 ⋅ π ⋅ A ⎡ R0 1 ⎤
I= ⎢ sinh(αR0 ) + 2 (1 − cosh(αR0 ) )⎥ (IV.23)
Z int ⎣ α α ⎦
Chapitre IV: Etude expérimentale et théorique de l'impédance de diffusion dans une cellule à couche mince cylindrique 99
Finalement, l'impédance de l'électrode Z ( Ω.cm2) est obtenue selon
R02 Z int
Z= (IV.24)
⎡R 1 ⎛ 1 ⎞⎤
2 ⋅ ⎢ 0 tanh(αR0 ) + 2 ⎜⎜ − 1⎟⎟⎥
⎣α α ⎝ cosh(αR0 ) ⎠⎦
ρ
avec α (cm-1) égal à .
eZ int
Les résultats des mesures d'impédance qui ont été réalisées dans la cellule à couche mince
détaillée en partie IV.1 sont présentés dans le plan de Nyquist sur les figures 4.7 et 4.8.
Lorsque la couche d'électrolyte recouvrant la surface de l'électrode de travail est de plusieurs
centimètres d'épaisseur (en plein bain), le diagramme obtenu expérimentalement consiste en
une droite dans le plan de Nyquist dont l'angle de phase est très proche de 45° (Fig. 4.7). Ce
comportement de type Warburg dans une large gamme de fréquence est bien en accord avec
les modèles supposant un transport normal à la surface de l'électrode (modèles 1D cf. partie
IV.2). Un tel comportement est effectivement attendu théoriquement en plein bain dans le cas
d'un processus de diffusion semi-infinie (e → ∞ dans l'équation (IV.1)) où dans le cas d'une
situation de diffusion-convection naturelle (Eq. (IV.3)).
Chapitre IV: Etude expérimentale et théorique de l'impédance de diffusion dans une cellule à couche mince cylindrique 100
Dans des conditions de film mince, la forme générale des diagrammes de Nyquist obtenus est
modifiée par rapport à celle observée en plain bain (Figs. 4.7 et 4.8). L'impédance mesurée se
distingue également de celle attendue théoriquement dans le cas d'une simple diffusion
linéaire restreinte (Eq. (IV.1) cf. partie IV.2.1.a) comme l'illustrent les figures 4.7 à 4.9.
150
a.
10 mHz
25
100 b.
-ZIm (ohm.cm )
2
10 mHz 20
plein bain
e = 300 µm
10 mHz e = 210 µm
e = 115 µm
15
-ZIm (ohm.cm )
2
50
plein bain 10
e = 300 µm 1 Hz
e = 210 µm
e = 115 µm 5
100 mHz
0 0
0 40 80 120 0 5 10 15 20 25
2
2 ZRe (ohm.cm )
ZRe (ohm.cm )
En effet, tandis que le modèle de diffusion linéaire restreinte prévoit une décroissance de la
limite basse fréquence de la partie réelle de l'impédance RBF lorsque l'épaisseur du film
d'électrolyte diminue (cf. Fig. 4.3 et partie IV.2.a), cette prévision théorique n'est réalisée
expérimentalement (Fig. 4.7.a) que pour des films minces "relativement épais" (95 ≤ e ≤ 300
µm). Dans le cas de films très minces (e < 95 µm ; Fig. 4.8.a), une augmentation de RBF est au
contraire mise en évidence expérimentalement lorsque e décroît.
A haute fréquence, on observe par ailleurs sur les figures. 4.7.b et 4.8.b, un "écrasement" net
et progressif des diagrammes à mesure que l'épaisseur du film de liquide diminue. Cet écart
entre le modèle (qui prévoit une phase constante égale à 45° en haute fréquence) et
l'expérience apparaît de façon encore plus explicite sur la figure 4.9.
Chapitre IV: Etude expérimentale et théorique de l'impédance de diffusion dans une cellule à couche mince cylindrique 101
10 mHz
a. e = 115 µm
e = 95 µm
e = 75 µm
e = 55 µm
180 e = 20 µm
10 mHz
-ZIm (ohm.cm )
2
10 mHz
20
90 b. 1 Hz
-ZIm (ohm.cm )
2
1 Hz 1 Hz 100 Hz
10
100 mHz e = 115 µm
e = 95 µm
e = 55 µm
e = 20 µm
0
0 0 10 20 30 40 50
0 50 100 2
ZRe (ohm.cm )
2
ZRe (ohm.cm )
Dans la représentation de Bode adimensionnelle proposée sur la figure 4.9, nous constatons
également que, contrairement aux prévisions théoriques (Eq. (IV.1)), les courbes
expérimentales obtenues aux différentes épaisseurs ne se superposent pas. En particulier, le
comportement de type Warburg (phase égale à 45°) théoriquement attendu à haute fréquence
n'est pas observé expérimentalement. Dans cette gamme de fréquence, une diminution de la
phase est obtenue lorsque l'épaisseur du film mince d'électrolyte recouvrant l'électrode
diminue. Cette dépendance, déjà observée plus haut dans le plan de Nyquist (Figs. 4.7.b et
4.8.b), se traduit par des valeurs relativement faibles des angles de phase mesurés en couche
mince. Ainsi, à la fréquence adimensionnelle de 100, la valeur expérimentale de l'angle de
phase passe de 37° pour une épaisseur de 300 µm à 24° pour une épaisseur de 20 µm.
La figure 4.9 met également en évidence l'existence d'une distribution en fréquence de la
phase mesurée dans le domaine des hautes fréquences (fadim > 1). Cette caractéristique
expérimentale, classique dans le domaine des électrodes poreuses [DeLe1], est également en
désaccord avec les prévisions théoriques du modèle de diffusion linéaire restreinte (Eq.
Chapitre IV: Etude expérimentale et théorique de l'impédance de diffusion dans une cellule à couche mince cylindrique 102
(IV.1)). Il existe par ailleurs un décalage entre les fréquences critiques expérimentales
(fréquences de transition entre la Zone HF et la Zone BF) et la valeur de 1 théoriquement
attendu dans le cas d'une diffusion linéaire restreinte (fc-théo Fig. 4.8 ; cf. la partie IV.2.1).
90
Expériences
80 e = 300 µm
e = 250 µm
e = 210 µm
70 e = 115 µm
e = 75 µm
-phase (degrés)
e = 20 µm
60
40
30
22.5
0,1 1 10 100 1000
2
fadim (f.e /D)
Fig. 4.9: Représentation dite "de Bode adimensionnelle" des résultats expérimentaux en fonction de
l'épaisseur du film d'électrolyte , comparaison avec l'impédance théorique de diffusion linéaire
restreinte Z1D.
On notera enfin que la partie basse fréquence des diagrammes expérimentaux n'est pas
clairement définie sur les figures précédentes (Figs. 4.7-4.9). Ainsi, le comportement capacitif
pur limite attendu théoriquement en basse fréquence (asymptote verticale en Nyquist et phase
égale à 90° en Bode ; cf. Figs. 4.3 et 4.4) n'a pas été atteint dans la gamme de fréquence
explorée au cours des expériences (Figs. 4.7-4.9).
Afin d'expliquer les singularités expérimentales constatées sur les figures 4.7 à 4.9 vis-à-vis
du modèle de diffusion linéaire restreinte classique (Eq. IV.1), l'influence de la distribution
radiale de potentiel existant du fait de la chute ohmique dans le film d'électrolyte confiné a été
prise en compte à l'aide du modèle proposé dans la partie IV.2.2 (modèle LT ; Eq. (IV.24)).
Dans une première étape (Figs. 4.10-4.12), le transport de matière radial a été négligé de sorte
que le terme Zint intervenant dans l'équation (IV.24) a été calculé à l'aide de l'expression
analytique classique de l'impédance de diffusion linéaire restreinte Z1D (Eq. (IV.1)). Ces
calculs ont été réalisés en considérant les paramètres D, Rd, et ρ intervenant dans les
Chapitre IV: Etude expérimentale et théorique de l'impédance de diffusion dans une cellule à couche mince cylindrique 103
équations (IV.1) et (IV.24) respectivement égaux à 6,3 × 10-6 cm².s-1 (cœfficient de diffusion
de Fe(CN)64-), 0,05 Ω.cm3.s-1 et 18 Ω.cm (valeur mesurée expérimentalement en plein bain).
Les résultats obtenus suivant cette procédure sont représentés sur les figures 4.10 à 4.12
suivantes.
Comme l'illustrent les figures 4.10.a et 4.11.a, les diagrammes de Nyquist théoriques calculés
suivant cette nouvelle procédure présentent en première approche une allure assez similaire à
celle obtenue précédemment en négligeant l'effet de la chute ohmique (Figs. 4.7-4.8). Une
évolution d'apparence linéaire à haute fréquence suivie d'un arc capacitif aux plus basses
fréquences est ainsi observée dans le plan de Nyquist.
150
f = 100 Hz
f = 1 Hz a) e = 300 µm
f = 100 mHz
e = 250 µm
f = 10 mHz
e = 210 µm
e = 115 µm
100 20
b)
ZIm (ohm.cm )
2
15
ZIm (ohm.cm )
2
׀ 50 10
׀
5
100 mHz
f = 1 Hz
f = 100 Hz
0 0
0 5 10 15 20 25
0 40 80 120
2
2 ZRe (ohm.cm )
ZRe (ohm.cm )
Fig. 4.10: a. Diagrammes d'impédance théoriques calculés pour e ≥ 115 µm avec le modèle ligne de
transmission (Eq. (IV.24)) en négligeant le transport radial de matière (terme Zint dans Eq. IV.24
calculé avec Eq.( IV.1)), avec R0 = 0,5 cm, Rd = 0,05 Ω.cm3.s-1, D = 6,3 × 10-6 cm².s-1, ρ = 18 Ω.cm.
b. Agrandissement du domaine haute fréquence de la figure 4.10.a
Dans le cas de films minces "relativement épais" (95 ≤ e ≤ 300 µm), en accord avec
l'expérience (Figs. 4.7.a et 4.8.a) et les prévisions obtenues en négligeant la distribution de
potentiel (Figs. 4.3), une diminution de la résistance basse fréquence RBF est prévue par le
modèle LT à mesure que l'épaisseur du film d'électrolyte diminue (Fig. 4.10.a). En revanche,
en deçà de l'épaisseur critique de 95 µm, le modèle LT prévoit au contraire une augmentation
Chapitre IV: Etude expérimentale et théorique de l'impédance de diffusion dans une cellule à couche mince cylindrique 104
de cette limite réelle basse fréquence lorsque e décroît (Figs. 4.11.a et 4.11.c). Cette inversion
de tendance prévue correspond bien aux observations expérimentales (Figs. 4.7 et 4.8). Elle
est en revanche totalement imprévue lorsque la distribution radiale de potentiel existant dans
la cellule n'est pas prise en compte (Eq. (IV.1) ; Fig. 4.3).
150
240 a) f = 100 Hz c)
f = 1 Hz
145
f = 100 mHz
f = 10 mHz
200 140
135
160
ZIm (ohm.cm )
2
ZIm (ohm.cm )
2
130
120
125
׀
e = 115 µm
׀ 80 e = 95 µm 120
e = 75 µm
e = 55 µm
e = 20 µm 115
40 10 mHz
110
50 60
0 2
0 50 100 ZRe (ohm.cm )
2
ZRe (ohm.cm )
12
10 b)
8
ZIm (ohm.cm²)
10 mHz
6
׀ f = 100 Hz
2
f = 1 Hz
0
0 10 20 30
ZRe (ohm.cm²)
Fig. 4.11: a. Diagrammes d'impédance théoriques calculés pour e ≤ 115 µm avec le modèle ligne de
transmission (Eq. IV.24) en négligeant le transport de matière radial (terme Zint dans Eq. IV.24
calculé avec Eq. IV.1), avec R0 = 0,5 cm, Rd = 0,05 Ω.cm3.s-1, D = 6,3 × 10-6 cm².s-1, ρ = 18 Ω.cm.
b. Agrandissement du domaine haute fréquence de la figure 4.11.a
Chapitre IV: Etude expérimentale et théorique de l'impédance de diffusion dans une cellule à couche mince cylindrique 105
Le modèle LT (Figs. 4.10.b, 4.11.b et 4.12) prévoît également très bien la diminution de
l'angle de phase observée expérimentalement à haute fréquence (fadim > 1 sur la figure 4.12)
dans toute la gamme d'épaisseurs explorées (20 ≤ e ≤ 300 µm). Comme l'ont déjà rapporté
Keddam et coll. [Fiau1, Kedd3], cet effet "d'écrasement" des diagrammes de Nyquist à haute
fréquence peut donc également être attribué à la distribution radiale de potentiel qui existe
dans les cellules à couche mince cylindrique.
La figure 4.12 met par ailleurs en évidence une évolution des diagrammes de Bode
adimensionnels théoriques (calculés par le modèle LT) avec l'épaisseur de la couche
d'électrolyte. Cette évolution cohérente avec les résultats expérimentaux présentés
précédemment (Fig. 4.9) est également une conséquence de la distribution radiale de potentiel
qui existe dans la cellule. En effet, lorsqu'elle n'est pas modifiée par la ligne de transmission
introduite par l'équation (IV.24), l'impédance de diffusion linéaire restreinte théorique (Eq.
(IV.1) ; Fig. 4.4) est invariante vis-à-vis de l'épaisseur dans ce mode de représentation (Fig.
4.9). On notera enfin que le modèle LT proposé plus haut (Eq. IV.24) permet aussi
d'expliquer la distribution en fréquence de l'angle de phase mesuré dans le domaine des hautes
fréquences (fadim > fc-théo sur la figure 4.12).
90
Z1D modifiée par la ligne de transmission (Eq. IV.24)
300 µm
80 250 µm
210 µm
115 µm
70 75 µm
20 µm
- phase (degrés)
60
40
30
Fig. 4.12: Représentation dite "de Bode adimensionnelle" des résultats théoriques calculés avec le
modèle ligne de transmission (Eq. (IV.24)) en négligeant le transport radial de matière (terme Zint
dans Eq. (IV.24) calculé avec (Eq. IV.1)), comparaison avec l'impédance de diffusion linéaire
restreinte Z1D (Eq. IV.24), avec R0 = 0,5 cm, Rd = 0,05 Ω.cm3.s-1, D = 6,3 × 10-6 cm².s-1, ρ = 18 Ω.cm.
Chapitre IV: Etude expérimentale et théorique de l'impédance de diffusion dans une cellule à couche mince cylindrique 106
Les résultats théoriques précédents (Figs. 4.10-4.12) démontrent donc finalement que lorsque
le transport radial de matière est négligé dans la cellule, l'impédance de diffusion linéaire
obtenue en prenant en compte la distribution radiale de potentiel par le biais du modèle LT
est qualitativement en accord avec la plupart des caractéristiques des diagrammes
expérimentaux. En effet, ce modèle prévoit bien une évolution non monotone de RBF avec
l'épaisseur du film d'électrolyte et une distribution en fréquence de la phase haute fréquence
qui dépend également de cette épaisseur. De part l'ampleur des modifications introduites par
cette distribution de potentiel sur les diagrammes, ces résultats (Figs. 4.10-4.12) démontrent
bien l'absolue nécessité de prendre en compte cet effet dans l'interprétation des impédances
mesurées dans des cellules à couches mince cylindrique comportant une macroélectrode (R0 =
0,5 cm dans notre cas).
D'un point de vue quantitatif, l'accord entre les diagrammes expérimentaux (Figs. 7-9) et les
résultats théoriques (Figs. 10-12) présentés plus haut demeure cependant imparfait. En
particulier, on peut remarquer que la valeur de la fréquence critique théorique fc-théo prévue par
le modèle de diffusion linéaire restreinte (Eq. IV.1) n'est pas modifiée par l'introduction la
ligne de transmission. Ainsi, lorsque le transport radial est négligé, la valeur élevée, en
comparaison de la valeur théorique, de la fréquence critique expérimentale (Fig. 4.9) demeure
inexpliquée quel que soit le modèle utilisé (diffusion linéaire restreinte suivant l'équation
(IV.1) ou diffusion linéaire restreinte modifiée par le modèle LT suivant l'équation (IV.24)).
Afin d'expliquer cet écart entre la théorie et l'expérience, l'influence éventuelle du transport
radial de matière sur l'impédance de diffusion a été étudiée sur notre macroélectrode (R0 = 0,5
cm). Cette influence avait déjà été mise en évidence par Gabrielli et coll. [Gabi2] dans le cas
d'une microélectrode (cf. partie II.3.4). D'un point de vue théorique, une adaptation du modèle
proposé précédemment par Gabrielli et coll. [Gabi2] a donc été utilisée pour calculer
numériquement et en deux dimensions le terme Zint intervenant dans l'équation (IV.24). Par
ailleurs, de nouvelles mesures d'impédance ont été conduites dans une gamme de fréquences
plus étendue que celle explorée précédemment (Figs. 4.7-4.8) afin de caractériser plus
clairement le comportement basse fréquence des diagrammes expérimentaux. Dans certains
cas, ces mesures ont été réalisées jusqu'à des fréquences inférieures à 100 µHz. Les résultats
théoriques et expérimentaux obtenus à l'aide de cette nouvelle procédure sont résumés sur la
figure 4.13.
Comme l'illustre cette figure, une constante de temps additionnelle est mise
expérimentalement en évidence lorsque les mesures d'impédance sont étendues à des
fréquences très faibles (Zone TBF sur la figure 4.13). L'existence de cette constante se
Chapitre IV: Etude expérimentale et théorique de l'impédance de diffusion dans une cellule à couche mince cylindrique 107
manifeste clairement par l'existence d'un maximum de l'angle de phase sur la figure 4.13. La
valeur de ce maximum croît à mesure que l'épaisseur du film d'électrolyte décroît. Dans la
gamme d'épaisseurs explorée (70 à 185 µm), cette valeur est comprise entre 73 et 83°. La
fréquence adimensionnelle correspondant à ce maximum s'accroît également à mesure que
l'épaisseur du film d'électrolyte décroît. Ce comportement basse fréquence ne peut absolument
pas être expliqué en considérant un transport de matière uniquement normal à la surface de
l'électrode (Fig. 4.12).
60
Zone HF
40 Experiences
e = 70 µm
e = 120 µm
e = 185 µm
22.5
1E-3 0,01 0,1 1 10 100 1000
2 fc-théo
fadim (f.e /D)
Fig. 4.13: Représentation dite "de Bode adimensionnelle" des résultats théoriques calculés avec le
modèle ligne de transmission (Eq. IV.24) en prenant en compte le transport de matière radial (terme
Zint dans Eq. IV.24 calculé numériquement à l'aide d'une adaptation du modèle de Gabrielli et coll
[Gabi2] avec Eq. IV.1), comparaison avec les mesures expérimentales réalisées jusqu'aux très basses
fréquences, avec R0 = 0,5 cm, Rd = 0,05 Ω.cm3.s-1, D = 6,3 × 10-6 cm².s-1, ρ = 18 Ω.cm.
On remarqua en revanche sur la figure 4.13 que les diagrammes calculés en prenant en
compte à la fois la distribution radiale de potentiel et le transport radial de matière sont en bon
accord avec les diagrammes expérimentaux. Le comportement basse fréquence est totalement
prévu par le modèle tandis que la valeur de la fréquence critique théorique fc-théo apparaît cette
fois très proche de celles des fréquences de coupure mesurées expérimentalement
(contrairement a ce qui était obtenu sur la figure 4.12). Dans le domaine des hautes
Chapitre IV: Etude expérimentale et théorique de l'impédance de diffusion dans une cellule à couche mince cylindrique 108
fréquences, en accord avec les résultats déjà obtenus en raisonnant en une dimension (Fig.
4.12), le modèle LT proposé dans la partie IV.2 permet bien d'expliquer la faiblesse relative
des angles de phase expérimentaux tout comme la dépendance de ces derniers à la fréquence.
Ainsi, dans la continuité du travail réalisé précédemment par Gabrielli et coll. [Gabi2] sur
microélectrode, la constante de temps mis en évidence à très basse fréquence est attribuée au
transport radial de matière existant dans la cellule à couche mince. Nos mesures montrent
également, en accord avec les conclusions de Gabrielli et coll. [Gabi2], que la modélisation
globale des diagrammes d'impédance expérimentaux requiert la prise en compte de cette
contribution supplémentaire. Cependant, contrairement à ce qui avait été obtenu sur
microélectrode [Gabi2], nos résultats montrent que cette contribution n'est pas nécessairement
observable sur macroélectrode dans la gamme de fréquences classiquement utilisée lors des
mesures d'impédance (100 kHz-1mHz). Dans le cas de la cellule à couche mince utilisée au
cours de notre étude (macroélectrode de 10 mm de diamètre), les mesures ont du être étendues
jusqu'à des fréquences inférieures à 100 µHz dans certains cas pour observer cette
contribution radiale. Par ailleurs, en accord avec les travaux de Keddam et coll. [Kedd3,
Fiau1] nos résultats montrent également que la modélisation correcte de l'impédance mesurée
sur macroélectrode dans une cellule à couche mince cylindrique requiert la prise en compte de
la distribution radiale de potentiel qui existe dans la cellule (du fait de la chute ohmique). Ceci
peut se faire analytiquement tout en prenant réellement en considération la géométrie
cylindrique de la cellule à l'aide du modèle proposé dans la partie IV.2.2 du présent mémoire.
Les résultats obtenus par Gabrielli et coll. [Gabi2] démontrent a priori quant à eux que la
contribution de cette distribution de potentiel devient négligeable dans l'impédance mesurée
sur une microélectrode dans une cellule à couche mince.
Chapitre IV: Etude expérimentale et théorique de l'impédance de diffusion dans une cellule à couche mince cylindrique 109
contribution très importante de la chute ohmique dans l'impédance a également été mise en
évidence. Dans le cas des cellules à couche mince cylindrique, un modèle analytique de type
ligne de transmission a été proposé afin de prendre en compte cet effet dans le calcul de
l'impédance.
Les résultats établis dans le cadre de cette étude ont finalement deux conséquences pratiques
importantes :
1) La contribution du transport radial dans l'impédance mesurée dans la cellule développée
dans la partie III du présent mémoire ne se manifestera pas de façon explicite dans la gamme
de fréquence classiquement utilisée lors des mesures d'impédance (100 kHz – 1 mHz).
2) La prise en compte de la distribution radiale de potentiel existant dans cette cellule est
primordiale pour interpréter les diagrammes mesurés de façon correcte. Cette prise en compte
peut se faire par le biais du modèle proposé dans la partie IV.2.2 du présent chapitre.
Les deux points énoncés ci-dessus seront très utiles pour l'interprétation des spectres
d'impédance mesurés lors de l'étude de corrosion rapportée dans le chapitre V du présent
mémoire.
Chapitre IV: Etude expérimentale et théorique de l'impédance de diffusion dans une cellule à couche mince cylindrique 110
V. Etude expérimentale de la corrosion d'un acier faiblement allié en milieu
confiné contenant du CO2 dissous
Comme discuté précédemment (partie II.3.3), les phénomènes de corrosion des aciers en
milieu confiné contenant du CO2 dissous n'ont été que peu étudiés par le passé [Tara1-2,
Desa1, Poin1, Ropi1]. En particulier, aucune mesure électrochimique n'a été réalisée à notre
connaissance dans le cas d'électrodes recouvertes de films minces de liquide d’épaisseurs de
l'ordre d’une centaine de micromètres directement exposés à une phase gazeuse contenant du
CO2.
Dans le cadre de cette thèse, de telles mesures, principalement d'impédance, ont pu être
réalisées à l'aide du montage présenté dans le chapitre III. La corrosion d'un acier faiblement
allié FM 35 trempé revenu a ainsi été étudiée à 20°C en présence de CO2 dissous à des taux
de confinement de 0,03 mL.cm-2 et 0,01 mL.cm-2. L'influence de la pression partielle de CO2
sur les phénomènes de corrosion a également été évaluée en faisant varier ce paramètre
expérimental (1 ou 0,1 bar). Préalablement à cette étude en milieu confiné, des mesures ont
également été réalisées dans des conditions de plein bain à titre de référence.
Après un bref exposé des conditions dans lesquelles se sont déroulées les différentes
expériences mises en oeuvre, les résultats expérimentaux obtenus au cours de cette étude de
corrosion en milieu confiné seront présentés et commentés dans le présent chapitre.
La cellule à couche mince utilisée a été présentée dans le chapitre III. Un disque d'acier FM
35 trempé revenu (composition en annexe A.4) de 10 mm de diamètre a servi d'électrode de
travail. La géométrie de la zone confinée a été réglée à l'aide de la méthode des courbes
d'approche multiple (cf. partie III.1). A l'aide de cette procédure, la précision du réglage de
l'épaisseur moyenne de la couche d'électrolyte est estimée à ± 5 µm, l'erreur de parallélisme
entre deux bords diamétralement opposés de l'électrode est estimée quant à elle à 10 µm au
maximum.
Toutes les mesures ont été effectuées dans des solutions aqueuses de K2SO4 (Sigma) 0.01 M
désaérées et saturées en CO2 dissous (PCO2 égale à 1 ou 0,1 bar selon les cas). Lors des
expériences réalisées à une pression partielle de 0,1 bar de CO2, un mélange N2 / CO2
contenant 10 % de CO2 a été utilisé pour saturer les solutions.
Bulleur CO2 ou N2
Platine de translation
vertical
Cellule de verre
à double envellope
P
Platine de translation x-y
Plateau multi-axes
A
Table anti-vibration
Fig. 5.1: Schéma de la couche mince utilisée pour les mesures d'impédance
Dans chacun des deux cas étudiés (PCO2 = 1 bar et PCO2 = 0,1 bar), un potentiel de corrosion
très stable a été mesuré tout au long de l'immersion de l'acier (temps d'immersion compris
entre 48 et 60 h). Sous 1 bar de CO2 la valeur de ce potentiel est de -1,100 ± 0,005 V/ESS.
Sous 0,1 bar de CO2 la valeur de ce potentiel est de -1,090 ± 0,005 V/ESS.
Les courbes de polarisation stationnaires mesurées en plein bain après 48 heures de maintien
au potentiel de corrosion sont présentées sur la figure 5.2.
Comme l'illustre cette figure, un plateau de courant cathodique "incliné" est obtenu dans les
deux cas étudiés (PCO2 = 1 bar et PCO2 = 0,1 bar). Ce comportement cathodique est attribué à
la limitation, de nature mixte (cinétique de la réaction chimique de dissociation du CO2
dissous et diffusion), du courant de réduction des protons en présence de CO2 dissous (cf.
VI.1). L'inclinaison de ce plateau, non observée pour des densités de courants plus élevées sur
une électrode tournante en acier inoxydable (cf. partie VI.1), est attribuable, quant à elle, à la
contribution cinétique non négligeable de la réaction de réduction de l'eau dans les conditions
des expériences (électrode statique, PCO2 relativement faible). La part de cette contribution
augmente ainsi logiquement lorsque le courant limite de réduction des protons diminue à
l'électrode lors du passage d'une pression partielle de CO2 de 1 à 0,1 bar (Fig. 5.2).
1E-3
1E-4
i (A.cm )
-2
1E-5
PCO2 = 1 bar
PCO2 = 0,1 bar
Le courant cathodique mesuré diminue d'un facteur 3 lorsque la pression partielle de CO2
passe de 1 à 0,1 bar. Cette diminution peut être attribuée à une augmentation du pH de la
solution. En effet, lorsque la pression partielle de CO2 évolue de 1 à 0,1 bar, le pH d'équilibre
théorique de la solution passe de 3,92 à 4,42 selon CORMED (diminution d'un facteur 3 de la
concentration en proton). Par ailleurs, on observe que le plateau de courant cathodique semble
Les diagrammes d'impédance mesurés en plein bain en présence de CO2 dissous se sont
révélés remarquablement stables au cours de l'immersion. Ainsi, aucune évolution sensible
des diagrammes n'a pu être observée entre 1h et 50 h d'immersion. Ces diagrammes sont
présentés sur la figure 5.3. Sur cette même figure, ils sont comparés à un résultat, extrait de la
littérature, obtenu sur acier peu allié à une pression partielle de 1 bar de CO2 (Fig.5.3.b d'après
Mattos et coll. [Matt1]).
Le diagramme mesuré sous 1 bar de CO2 (Fig. 5.3.a) présente une boucle capacitive haute
fréquence suivie d'une boucle inductive dans une gamme de fréquence intermédiaire puis
d'une seconde boucle capacitive aux faibles fréquences. Le mécanisme de corrosion de l'acier
se caractérise donc par l'existence d'au moins trois constantes de temps.
Ce diagramme apparaît en très bon accord avec les résultats obtenus précédemment par
Mattos et coll. [Matt1] en milieu NaCl dilué sur un acier également faiblement allié après 3 h
d'immersion (acier API 5LX GR60 dans leur cas). Cet accord tient à la fois à l'allure générale
des spectres, aux fréquences caractéristiques de l'impédance et au module de cette dernière.
Comme le rapportent Mattos et coll. [Matt1], ce comportement est également très similaire à
celui observé lors de la dissolution anodique du fer en milieu acide contenant des sulfates ou
des chlorures [Matt4]. En ce sens, le mécanisme de cette dissolution ne semble pas modifiée
par la présence de CO2 dans la solution. Tout comme Mattos et coll. [Matt4] et comme le
confirment également certaines mesures réalisées en couche mince (cf. V.2.3), nous
attribuerons donc la réponse observée par SIE sur la figure 5.3 au processus de dissolution
anodique de l'acier. Nous assimilerons de plus, en première approche, ce processus de
400 b)
PCO = 1 bar
2
200
2
2,4 mHz
3 Hz
1 Hz
1 mHz 1 mHz
0
Fig. 5.3: a. Diagrammes d'impédance mesurés en plein bain sur un acier FM 35 au potentiel de
corrosion dans K2SO4 0,01 M (○ PCO2 =1bar ; □ PCO2 = 0,1 bar; 20°C ; électrode statique)
b. Diagrammes d'impédance mesurés en plein bain par Mattos et coll [Matt1] sur un acier API 5LX
au potentiel de corrosion dans NaCl 1% (PCO2 =1bar ; 20°C ; électrode statique).
PCO = 1 bar
2
300
PCO = 100 mbar
2
200
-ZIm (ohm.cm²)
100
0,4 1 Hz
3 Hz
1 Hz
10 Hz
0,2
-Zim_adim
PCO2 = 1 bar
10 Hz
PCO2 = 0,1 bar
0,0
100 mHz
Comme nous le verrons plus loin, les diagrammes mesurés en milieu confiné évoluent tout
d'abord avec le temps d'immersion puis semblent se stabiliser après une période généralement
de l'ordre de 24 h. Un diagramme qualitativement représentatif des résultats obtenus en milieu
confiné après cette période de stabilisation apparente est présenté sur la figure 5.6. Ce
diagramme, choisi à titre d'exemple, a été tracé après 26 h d'immersion dans le cas d'un film
de 300 µm d'épaisseur exposé à une pression de CO2 égale à 1 bar. Il est comparé (Fig. 5.6)
au résultat obtenu en plein bain à la même pression partielle de CO2 (1 bar).
300
1 Hz
200
3 Hz
10 Hz
Zim (ohm.cm )
2
100
1 Hz
3 Hz 1 mHz
1 mHz
PCO2 = 1 bar
300 µm après 26 h plein bain
-100
0 300 600
2
ZRe (ohm.cm )
Fig. 5.6: Diagramme d'impédance typique de ceux obtenus en milieu confiné au potentiel de corrosion
(après 26 h d'immersion ; e = 300 µm ; PCO2 = 1 bar ; acier FM 35; K2SO4 0,01 M), comparaison
300
PCO2 = 1 bar
300 µm après 26 h
plein bain
confinement plein bain
200
-ZIm (ohm.cm²)
100
Fig. 5.7: Mêmes résultats que Fig. 5.6 mais sous formes de diagrammes de Bode
0,3 10 Hz 1 Hz 1 Hz
3 Hz
1 mHz
0,2
Zim_adim
10 Hz
0,1 1 mHz
0,0
plein bain
milieu confiné
-0,1
0,0 0,2 0,4 0,6 0,8 1,0
ZRe_adim
Fig. 5.8: Mêmes résultats que Fig. 5.6 mais sous formes de diagrammes de Nyquist adimensionnels
En complément de la figure 5.6, la figure 5.8 fait également bien ressortir l'effet
"d'écrasement" des diagrammes en environnement confiné, matérialisé par la diminution de
l'angle de phase à haute fréquence. La possibilité d'expliquer cette évolution des diagrammes
par la prise en compte de la distribution radiale de potentiel existant dans la cellule à couche
mince a été étudiée. Dans ce but, le modèle de type ligne de transmission (modèle LT)
développé dans le chapitre IV de ce mémoire a été utilisé. L'impédance modifiée par la ligne
de transmission a ainsi été calculée à l'aide de l'équation (IV.24) et à partir des points
expérimentaux mesurés en plein bain. Les paramètres intervenant dans ce calcul sont
l'épaisseur du film d'électrolyte e, le rayon de l'électrode R0 (0,5 cm dans notre cas) et la
résistivité de l’électrolyte ρ (cf. partie IV.2.2). Le paramètre ρ, mesurable en plein bain, est
susceptible d'évoluer en milieu confiné au cours de l'immersion du fait de l'accumulation des
produits des réactions interfaciales. Les calculs ont donc été réalisés pour deux valeurs de ce
paramètre:
ρ = 360 Ω.cm , valeur qui correspond à celle mesurée en plein bain
ρ = 150 Ω.cm, concentration de charge ionique égale à 2,4 fois celle existant en plein bain.
-Zim (ohm.cm )
2
100
50
-50
0 200 400 600
2
ZRe (ohm.cm )
Fig. 5.9: Influence de la distribution de potentiel (Eq. (IV.24); ρ = 360 ou 150 Ω.cm) sur l'impédance
mesurée au potentiel de corrosion en plein bain, comparaison avec le diagramme expérimental
obtenu en couche mince après 30 min d'immersion (PCO2 = 1 bar ; acier FM 35; K2SO4 0,01 M)
Comme l'illustre la figure 5.9, la distribution radiale de potentiel existant dans la cellule
permet d'expliquer l'allure haute fréquence des diagrammes expérimentaux. Elle est
également à l'origine de l'augmentation immédiate après immersion du diamètre de la boucle
capacitive haute fréquence. D'un point de vue pratique, la contribution de cette distribution de
potentiel, d'autant plus marquée que la résistivité ρ du film d'électrolyte confiné est importante
(cf. Fig. 5.9) et que l'épaisseur de la couche mince est faible (cf. chapitre IV), devra donc être
prise en compte afin de ne pas surestimer la résistance de transfert de charge mesurée aux
faibles temps d'immersion en milieu confiné. Au-delà de quelques heures d'immersion, nous
verrons cependant plus loin que l'effet de cette contribution semble devenir négligeable à la
fréquence à laquelle est mesurée la résistance de transfert de charge (cf. partie V.2.5.c).
La contribution de la distribution radiale de potentiel explique également le décalage vers les
hautes fréquences des diagrammes d'impédance mesurés très peu de temps après immersion
(Fig. 5.10). Elle n'explique néanmoins ni le caractère inductif plus marqué des diagrammes
d'impédance (Fig. 5.9) ni le glissement vers les basses fréquences observé en milieu confiné
après des temps d'immersion supérieurs à quelques heures (cf. Fig. 5.7 et partie V.2.4).
Concernant ce dernier point, ce glissement est explicable par l'augmentation de la résistance
de transfert de charge avec le temps d'immersion et est donc cohérent avec une augmentation
du pH en milieu confiné.
-ZIm (ohm.cm²)
100
50
-50
1E-3 0,01 0,1 1 10 100 1000
f (Hz)
Fig. 5.10: Diagrammes de Bode associés aux résultats présentés Fig. 5.8.
En conclusion, cette analyse générale de l'impédance mesurée en milieu confiné révèle que
celle-ci est qualitativement très similaire à celle obtenue en plein bain. Le mécanisme de
corrosion de l'acier FM35 en présence de CO2 dissous ne semble donc pas fondamentalement
changé par le confinement. Le confinement de l'électrode se traduit néanmoins par une
augmentation du module de l'impédance. Aux temps d'immersion courts, l'existence d'une
distribution radiale de potentiel dans la cellule à couche mince contribue pour partie à cette
augmentation. Cette distribution contribue également à une déformation ("écrasement") des
diagrammes dans le domaine des hautes fréquences. Elle n'explique cependant ni le caractère
inductif plus marqué ni le glissement des fréquences caractéristiques des diagrammes en
milieu confiné. Ce dernier point est néanmoins cohérent avec une augmentation du pH
interfacial en milieu confiné. Ces conclusions intermédiaires nous seront très utiles pour la
suite de l'analyse des phénomènes observés en milieu confiné.
Comme nous l'avons vu précédemment (parties V.2.1 et V.2.2), les impédances mesurées en
plein bain (Fig. 5.3) tout comme en milieu confiné (Fig. 5.9) semblent correspondre à la
réponse associée à la dissolution anodique de l'acier. Afin de vérifier expérimentalement cette
hypothèse, des expériences ont été réalisées sous polarisation, anodique ou cathodique, en
milieu confiné. Les diagrammes qui ont été obtenus aux différentes surtensions imposées par
rapport au potentiel de corrosion dans le cas d'une couche d'électrolyte de 300 µm d'épaisseur
sont présentés sur la figure 5.11.
400
100 mHz
-ZIm (ohm.cm )
2
1 mHz
200 100 mHz
E = +50 mV/Ecorr
E = -100 mV/Ecorr
100 mHz
0
E = Ecorr E = -50 mV/Ecorr
100 mHz
Fig. 5.11: Influence du potentiel imposé à l'électrode sur les diagrammes d'impédance mesurés dans
le cas d'une couche mince d'électrolyte de 300 µm d'épaisseur.
On constate que les impédances obtenues sous polarisation anodique sont tout à fait
semblables à celle qui est obtenue au potentiel de corrosion de l'acier. Cette dernière
impédance est en revanche très différente de celles mesurées sous polarisation cathodique de
l'électrode. Ces résultats indiquent très clairement la nature anodique de l'impédance mesurée
au potentiel de corrosion. On notera que des résultats tout à fait similaires (formes et
évolutions des impédances avec le potentiel) à ceux présentés sur la figure 5.11 avaient été
obtenus préalablement par Duval [Duva1] en plein bain sur du fer en milieu NaCl.
La figure 5.12 montre par ailleurs que l'évolution de l'inverse du diamètre de la boucle
capacitive haute fréquence en fonction du courant de dissolution anodique est linéaire.
0,006
0,005
Rt (Ω .cm )
-2
0,004
-1
0,003
-1
0,002
0,001
0,000
0 20 40 60 80 100 120 140 160 180
-2
ianodique (µA.cm )
Fig. 5.12: Influence du courant de dissolution sur le diamètre de la boucle capacitive haute fréquence
(qui correspond à la résistance de transfert de charge Rt à l'interface; voir texte)
Un comportement linéaire est observé sur la figure 5.12. Par ailleurs, l'extrapolation à courant
nul de la droite formée par les points obtenus sous polarisation anodique correspond à
l'inverse du diamètre de la boucle haute fréquence mesurée au potentiel de corrosion. Ce
comportement est tout à fait conforme à celui attendu de l'évolution de la résistance de
transfert de charge associée à la dissolution de l'acier vis-à-vis du courant anodique. Ainsi, ce
résultat confirme bien l'existence d'une correspondance entre le diamètre de la boucle
capacitive haute fréquence et cette résistance de transfert de charge. Le fait que la droite
expérimentale ne coupe pas l'origine s'explique car le courant mesuré ianodique, globalement
anodique, comprend en fait une contribution cathodique au voisinage du potentiel de
corrosion. Cette contribution étant peu dépendante du potentiel de l'électrode (Fig. 5.16), elle
a donc pour effet de translater la droite expérimentale le long de l'axe des abscisses.
D'un point de vue pratique, la figure 5.12 montre donc que le courant de dissolution anodique
de l'acier (et donc de corrosion au potentiel libre) pourra être déduit du diamètre de la boucle
capacitive haute fréquence des diagrammes d'impédance.
Comme rapporté précédemment, les impédances mesurées en plein bain atteignent dès le
début de l'immersion une valeur stable qui n’évolue plus au cours du temps. Une telle stabilité
n'est plus observée en milieu confiné. Ainsi, les diagrammes mesurés sous confinement
évoluent sensiblement pendant les premières heures d'immersion comme l'illustre les figures
5.13 et 5.14. Cette évolution se traduit par une augmentation progressive du module de
l'impédance avec le temps d'immersion (Fig. 5.13). Après un certain temps d'immersion, les
diagrammes semblent néanmoins se stabiliser (Figs. 5.13 et 5.14). Ainsi, aucune évolution
sensible de l'impédance n'est observée entre 16 h et 60 h dans l'exemple choisi (e = 300 µm).
L’augmentation de l'impédance puis sa stabilisation apparente est tout à fait caractéristique de
ce qui est observé lors de nos expérience en milieu confiné. Pour un taux de confinement
identique de 300 µm mais en l'absence d'apport local de CO2 dans la zone confinée de sa
microcellule, Poindessous [Poin1] n'avait pas observé un tel phénomène de stabilisation
apparente. Cet auteur avait en effet constaté une augmentation continuelle de l'impédance
mesurée au potentiel de corrosion tout au long des 78 h d'immersion de son échantillon en
acier faiblement allié.
300
Temps d'immersion
1h 4h
10 h 16 h
200 26 h 46 h
60 h
-Zim (ohm.cm )
2
1 Hz
100 10 Hz
1 Hz 1 mHz
100 Hz
0 1 kHz
100 mHz
-100
0 200 400 600 800
2
ZRe (ohm.cm )
Fig. 5.13: Evolution des diagrammes mesurés en milieu confiné avec le temps d'immersion
(e = 300 µm ; PCO2 = 1 bar ; acier FM 35; K2SO4 0,01 M)
-ZIm (ohm.cm²)
46h
100 60h
-100
1E-3 0,01 0,1 1 10 100 1000
f (Hz)
Fig. 5.14: Diagrammes de Bode associés aux résultats présentés Fig. 5.12.
L'évolution observée sur les figures 5.13 et 5.14 au cours de l'immersion ne peut pas être
attribuée à une modification progressive de la distribution radiale de potentiel existant dans la
cellule. En effet, l'existence d'une telle distribution conduit à un décalage des diagrammes
mesurés dans la cellule vers les hautes fréquences (Fig. 5.10). Cet effet de potentiel
prédominant après 30 min d'immersion (Figs. 5.10 et 5.14) n'est donc plus déterminant au-
delà de 4 h d'immersion puisqu'au contraire un décalage des fréquences caractéristiques vers
les basses fréquences est observé entre 4 et 60 h (Fig. 5.14). Par ailleurs, au cours de
l'immersion, une diminution progressive de la résistance d'électrolyte (Re) est
systématiquement constatée expérimentalement en milieu confiné. Cette évolution, attribuée à
une diminution de la résistivité du film d'électrolyte recouvrant l'électrode suite à
l'accumulation progressive des ions produits par les réactions interfaciales, devrait contribuer
à diminuer progressivement le diamètre de la boucle capacitive haute fréquence mesurée (Fig.
5.9). L'augmentation progressive de ce diamètre avec le temps d'immersion entre 30 min et 16
h sur la figure 5.13 n'est donc pas due à une modification de la distribution radiale de potentiel
qui existe dans la cellule.
L'évolution de l'impédance mesurée au cours de l'immersion sera donc principalement
attribuée au développement d'un film de sidérite protecteur à la surface de l'électrode. En
effet, le développement attendu d'un tel film en milieu confiné [Ropi1, John1, VanH1]
explique bien l'augmentation du module de l'impédance avec le temps d'immersion. Ce
blocage de la surface de l'acier ne contribue cependant pas au glissement en fréquence
10 Hz
0,3
0,2
-Zim_adim
1 mHz
0,1
Temps d'immersion
100 mHz
1h 4h
0,0
10 h 16 h
26 h 46 h
-0,1 60 h
Fig. 5.15: Evolution des diagrammes de Nyquist adimensionnel avec le temps d'immersion en milieu
confiné sous 1 bar de CO2
Nous remarquons ainsi en particulier sur la figure 5.15 que les diamètres relatifs de la boucle
capacitive haute fréquence et de la boucle inductive ne varient pas en fonction du temps
d'immersion contrairement au cas observé lors du passage d'une pression partielle de CO2 de 1
bar à une pression partielle de 0,1 bar en plein bain (Fig. 5.5). Ce constat nous permet
d'éliminer la possibilité d'expliquer l'évolution observée sur les figures 5.13 et 5.14 par un
simple appauvrissement en CO2 de la zone confinée à la surface de l'électrode.
Enfin, plus généralement, la quasi-superposition des diagrammes adimensionnels constatée
sur la figure 5.15 nous permet de conclure que le mécanisme de corrosion ne semble pas
significativement évoluer avec le temps d'immersion en milieu confiné.
Afin d'étudier l'influence de l'épaisseur du film d'électrolyte recouvrant l'électrode sur les
phénomènes de corrosion, des expériences ont été réalisées pour différentes épaisseurs sous
1 bar de CO2 (1 mm, 300 µm, 100 µm). Ces expériences sont rapportées dans la présente
partie.
Dans tous les cas étudiés (plein bain et épaisseurs de 1 mm, 300 µm et 100 µm), les potentiels
de corrosion mesurés sont très stables tout au long de l'immersion. En milieu confiné (e = 100
ou 300 µm), la valeur, indépendante de l'épaisseur du film d'électrolyte, de -1,075 ± 0,005
V/ESS a été obtenue pour le potentiel de corrosion de l'acier.
Les courbes de polarisation obtenues en milieu confiné (e = 100 et 300 µm) sont comparées à
celles obtenues en plein bain à la même pression partielle de CO2 (PCO2 = 1 bar) sur la figure
5.16.
Nous observons (Fig. 5.16) une influence significative du confinement sur les courbes de
polarisation. Cette influence, qui concerne à la fois les parties anodiques et cathodiques des
1E-3
plein bain
e = 300 µm
e = 100 µm
1E-4
i (A.cm )
-2
1E-5
Fig. 5.16: Evolution des courbes de polarisation stationnaires avec l'épaisseur du film d'électrolyte
recouvrant l'électrode sous 1 bar de CO2
Par ailleurs, il est intéressant de constater que lorsque l'on normalise (Fig. 5.17) les courants
mesurés par rapport aux courants de corrosion obtenus par extrapolation des droites de Tafel
cathodique (Fig. 5.16), une courbe unique est obtenue en milieu confiné.
iadim =i/icorr
0,1 e = 300 µm
e = 100 µm
0,01
-1,20 -1,15 -1,10 -1,05
E (V/ESS)
Fig. 5.17: Courbes de polarisation stationnaires adimensionnelles en milieu confiné sous 1 bar de
CO2
Une explication cohérente des résultats présentés sur les figures 5.16 et 5.17 peut être
proposée en considérant qu'une augmentation du pH interfacial a lieu lors du passage d'une
situation de plein bain à une situation de confinement. Cette augmentation se manifeste par
l'inclinaison plus marquée des courbes de polarisation cathodique tracées en milieu confiné en
comparaison de celle tracée en plein bain. Cet effet d'augmentation du pH devient cependant
négligeable vis-à-vis des courants cathodiques lors du passage d'un film de 300 µm
d'épaisseur à un film de 100 µm d'épaisseur (portion cathodique des courbes parallèle). Plus
généralement, le caractère homothétique des courbes de polarisation en milieu confiné
démontre que c'est l'effet de blocage de la surface active de l'électrode par un film de sidérite
qui devient l'effet prédominant. Nous verrons ci-dessous que cette interprétation s'accorde
bien avec les résultats des mesures d'impédance réalisées en milieu confiné.
Comme nous l'avons vu précédemment, les diagrammes mesurés en milieu confiné évoluent
dans le temps en début d'immersion avant de se stabiliser. En considérant cette stabilisation
atteinte lorsqu'une invariance des diagrammes est constatée sur une période de 24 h (ce qui
apparaît a posteriori comme une approximation exagérée comme il sera discuté par la suite),
les diagrammes "stabilisés" obtenus en milieu confiné (e = 100 et 300 µm) ont été comparés à
ceux obtenus en plein bain et à une épaisseur de couche d'électrolyte intermédiaire (e = 1 mm)
700
Plein bain 1 Hz
600 e = 300 µm
e = 100 µm
500
e = 1000 µm
400
Zim (ohm.cm )
2
300 1 Hz
200
100 1 mHz
1 mHz
0
-100
-200
0 200 400 600 800 1000 1200 1400 1600 1800
2
ZRe (ohm.cm )
Fig. 5.18: Evolution des diagrammes d'impédance avec le taux de confinement sous 1 bar de CO2.
e = 100 µm
e = 1000 µm
0,0
100 mHz
Fig. 5.19: Résultats de la figure 5.18 présentés sous la forme de diagrammes adimensionnels
0,005
0,003
2
-1
0,002
-1
e = 300 µm
0,001
e = 100 µm
0,000
0 20 40 60 80 100
-2
i (µA.cm )
Fig. 5.20: Evolution de la résistance de transfert de charge avec le courant de corrosion mesuré par
extrapolation des courbes de polarisation (Fig. 5.16).
plein bain
e = 1 mm
600 e = 300 µm
e = 100 µm
-ZIm (ohm.cm²)
300
Fig. 5.21: Evolution des diagrammes de Bode avec le taux de confinement sous 1 bar de CO2.
Finalement, l'absence de déphasage des impédances (Fig. 5.21), le caractère homothétique des
courbes de polarisation stationnaires (Fig. 5.17) et des diagrammes d'impédance (Fig. 5.19)
ainsi que la stabilité du potentiel de corrosion mesuré en milieu confiné sont autant
d'arguments compatibles avec l'existence d'un blocage de la surface active de l'électrode par
un film isolant de sidérite. Ce blocage progressif explique principalement l'augmentation du
Afin d'étudier l'influence de la pression partielle de CO2 sur les phénomènes de corrosion des
aciers en milieu confiné, quelques mesures d'impédance ont été réalisées en milieu confiné à
la pression partielle de 0,1 bar au potentiel de corrosion de l'acier. Ces mesures sont
rapportées dans la présente partie.
Les potentiels de corrosion mesurés en milieu confiné sous 0,1 bar de CO2 se sont avérés
légèrement moins stables que ceux mesurés sous 1 bar. Ces potentiels, supérieurs à ceux
Les impédances mesurées après stabilisation des diagrammes durant 24 h pour des épaisseurs
de couche d'électrolyte de 300 et 100 µm sont présentées sur les figures 5.22 à 5.24. Sur ces
mêmes figures, les résultats obtenus en plein bain à la même pression partielle de CO2 sont
également rapportés à titre de comparaison.
Nous remarquons sur la figure 5.22 que l'évolution des diagrammes d'impédance avec
l'épaisseur du film d'électrolyte est tout à fait semblable sous 0,1 bar de CO2 à celle obtenue
sous 1 bar de CO2 (Fig. 5.18). Une augmentation du module de l'impédance est ainsi observée
lorsque l'épaisseur du film d'électrolyte diminue tandis que la forme globale des diagrammes
n'évolue pas (Figs. 5.22 et 5.23). En comparaison des résultats obtenus sous 1 bar de CO2
(Fig. 5.18), l'augmentation du module de l'impédance est cependant moins importante lorsque
le confinement du milieu augmente. Ainsi, lorsque l'épaisseur de la couche d'électrolyte passe
de 300 µm à 100 µm, une augmentation de 10% seulement de la résistance de transfert de
charge est observée (Fig. 5.22) alors qu'un augmentation d'un facteur 2,5 environ est obtenue
sous 1 bar de CO2 (Fig. 5.18).
800
1 Hz
100 µm
300 µm
-ZIm (ohm.cm )
2
400
Fig. 5.22: Evolution des diagrammes Nyquist avec le taux de confinement sous 0,1 bar de CO2.
Comme c'est le cas en plein bain (Fig. 5.5), l'effet inductif demeure moins marqué en milieu
confiné sous 0,1 bar de CO2 qu'à une pression partielle de 1 bar (Figs. 5.23 et 5.19).
0,4
1 Hz
0,2
-Zim_adim
plein bain
e = 300 µm
e = 100 µm
0,0
10 mHz
Fig. 5.23: Représentation de Nyquist adimensionnelle des résultats présentés sur la figure 5.22
800
700
600
500
-ZIm (ohm.cm )
2
400
300
200
100
-100
Fig. 5.24: Représentation de Bode des résultats présentés sur la figure 5.22
Pour la première fois à notre connaissance, la corrosion d'un acier faiblement allié a été
étudiée en milieu confiné contenant CO2 dissous à l'aide d'une cellule à couche mince
comportant un système d'apport local de ce gaz acide.
Cette étude a tout d'abord permis d'établir que l'impédance mesurée au potentiel de corrosion
de cet acier correspond à l'impédance de dissolution anodique de ce dernier. Cette impédance
se caractérise par une boucle capacitive haute fréquence suivie d'une boucle inductive et d'une
boucle capacitive basse fréquence. Le comportement inductif observé à basse fréquence est
influencé par la pression partielle de CO2 et par le confinement. La boucle inductive est moins
marquée lorsque PCO2 diminue et elle est plus marquée lorsque l'épaisseur du film
d'électrolyte diminue. L'interprétation précise des effets basse fréquence demeure délicate. Il
est néanmoins démontré que le diamètre de la boucle capacitive haute fréquence correspond à
la résistance de transfert de charge de l'électrode et est inversement proportionnel à la vitesse
de corrosion de l'acier. La mesure de l'impédance permet donc de déterminer
expérimentalement cette vitesse en milieu confiné.
L'un des objectifs de ce travail de thèse est la réalisation d’un modèle permettant de mieux
prévoir les caractéristiques physico-chimiques des milieux confinés contenant du CO2 dissous
tels que l’espace annulaire des conduites pétrolières flexibles et plus particulièrement les
cinétiques de corrosion des fils d’armure, le pH et la concentration en Fe(II) dissous. La
réalisation d’un tel modèle implique idéalement la prise en compte exhaustive des différents
processus physiques (dissolution des gaz), chimiques (réactions homogènes en solution,
réactions hétérogènes de précipitation) et électrochimiques (réactions cathodiques et
anodiques à la surface des fils d’armure) se déroulant dans l’annulaire. Dans le cas d’un
annulaire empli d’une eau de mer exposée à un mélange gazeux contenant à la fois du CO2 et
de l’H2S, le nombre de processus à prendre en compte peut donc rapidement devenir
important. Dans le cadre de ce travail de thèse un modèle plus modeste a été développé en
considérant, en guise de première étape, le cas « simple » d’un milieu confiné contenant
uniquement du CO2 dissous dans une eau de condensation. Ce modèle est présenté dans la
partie VI.2.
Par ailleurs, la nature des processus cathodiques se déroulant à la surface des aciers en
présence de CO2 dissous étant extrêmement controversée (cf. partie II.2.1), le développement
de ce modèle a nécessité une étude préalable de ces processus. Les résultats de cette étude
sont rapportés et discutés dans le présent chapitre (partie VI. 1).
Chapitre VI: Modélisation des phénomènes physico-chimiques se déroulant durant la corrosion des aciers 141
en milieu confiné contenant du CO2 dissous
comme la plus naturelle (cf. II.2.1 ; mécanisme (II.II) (II.III) (II.VIII) rappelé ci-dessous). En
effet, les réactions de dissociation (II.II) et (II.III) se déroulent de manière incontestable dans
les solutions aqueuses contenant du CO2 dissous. Elles peuvent par conséquent expliquer tout
au moins partiellement l’augmentation du courant cathodique observé sur les aciers en
présence de ce gaz dissous.
k1
−
H 2 O + CO2( diss ) ⇔ HCO3 + H + (II.II)
k −1
k2
− 2−
HCO3 ⇔ CO3 +H+
k− 2
(II.III)
2 H + + 2e − → H 2 (II.VIII)
Chapitre VI: Modélisation des phénomènes physico-chimiques se déroulant durant la corrosion des aciers 142
en milieu confiné contenant du CO2 dissous
VI.1.1 Procédure expérimentale
Toutes les mesures expérimentales rapportées dans la présente partie (expériences sur EDT et
mesures de pH interfaciaux) ont été réalisées dans des solutions aqueuses désaérées de K2SO4
(Sigma) 0.01 M. Selon les cas, ces mesures ont eu lieu en présence de CO2 dissous (solution
saturée en CO2 ; PCO2 = 1 bar) ou en son absence dans une solution simplement purgée à
l’azote. Une cellule électrochimique classique en verre a été utilisée pour la mise en oeuvre
des expériences. La saturation en gaz des solutions (N2 ou CO2) a été obtenue en maintenant
un barbotage de gaz durant une période d’au moins deux heures préalablement aux mesures.
Dans tous les cas, une légère surpression de gaz (N2 ou CO2) a été maintenue dans la cellule
électrochimique durant les mesures afin d’éviter toute contamination par l’atmosphère
ambiante. Dans le cas des solutions saturées en N2, le pH a été ajusté par ajout d’acide
sulfurique (SIGMA) préalablement aux expériences.
Les mesures électrochimiques ont été réalisées à température ambiante (25°C ± 1°C) à l’aide
d’un dispositif classique à trois électrodes. Une électrode au sulfate mercureux (ou Electrode
Standard au Sulfate (ESS)) et une large grille en platine ont été utilisées respectivement
comme électrode de référence et comme contre électrode. L’équipement qui a été utilisé pour
les mesures électrochimiques est des plus classiques : un interface Solartron 1286 piloté par
un ordinateur.
Dans le cas des expériences réalisées sur EDT, une électrode en acier inoxydable AISI 316 L
(composition en annexe A.2) a été utilisée comme électrode de travail.
Les mesures de pH interfacial ont été réalisées suivant la méthode proposée par Romankiw
[Roma1] (voir Fig. 6.1). Cette méthode, qui fut également décrite en détails par Deslouis et
coll. [Desl1], consiste à utiliser comme électrode de travail une fine grille métallique plaquée
sur la membrane de verre d’une électrode de pH plane. Le pH du faible volume de liquide
confiné au sein des pores de la grille (dit, peut être abusivement, pH interfacial) peut alors
être mesuré à l’aide de l’électrode de verre. L’électrode de travail qui a été utilisée dans notre
cas durant les mesures de pH interfacial était une grille d’or.
Sur l'EDT en acier inoxydable, toutes les courbes de polarisation cathodiques stationnaires
expérimentales ont été mesurées à une vitesse de balayage de 1 mV.s-1 dans une gamme de
Chapitre VI: Modélisation des phénomènes physico-chimiques se déroulant durant la corrosion des aciers 143
en milieu confiné contenant du CO2 dissous
potentiel correspondant au domaine du dégagement de dihydrogène. La vitesse de balayage en
potentiel a été divisée par deux dans le cas des courbes tracées sur la grille d'or.
Toutes les mesures de pH, pH interfacial ou pH dans le plein bain (i.e valeur homogène du pH
loin de l’interface), ont été effectuées à l’aide d’un pH-mètre Hanna instruments HI 931401.
Electrode de travail
(Grille d'or)
Revetement isolant
Electrode
de pH plane
Le modèle proposé dans la présente partie a pour objectif de décrire quantitativement les
phénomènes se déroulant durant la réaction cathodique de réduction du proton à la surface
d’une électrode à disque tournant immergée dans une solution aqueuse contenant du CO2
dissous. Ce modèle prend particulièrement en compte l’effet tampon induit par la présence de
CO2 dissous. Les hypothèses utilisées pour le développement de ce modèle, les conditions aux
limites considérées ainsi que la procédure de calcul utilisée à l’état stationnaire sont exposées
ci-dessous.
Le système physico-chimique modélisé est décrit sur la figure 6.2. Il consiste simplement en
une électrode à disque tournant immergée dans une solution désaérée et saturée en CO2. La
phase gazeuse qui se trouve au contact de la solution est formée de CO2 pur (pression notée
Chapitre VI: Modélisation des phénomènes physico-chimiques se déroulant durant la corrosion des aciers 144
en milieu confiné contenant du CO2 dissous
PCO2). L’état stationnaire est supposé atteint au sein du système. Les cinq espèces dissoutes
considérées dans le modèle sont le CO2 dissous (CO2(diss)), les ions bicarbonates (HCO3-), les
ions carbonate (CO32-), les protons H+ et les ions hydroxyde (OH-). La présence d’un sel
support est implicitement supposée de sorte que la migration des espèces explicitement prises
en compte dans la modélisation est négligée. L’électrode est supposée polarisée
cathodiquement dans le cadre du modèle.
k1
−
H 2 O + CO2 ( aq ) ⇔ HCO3 + H + (II.II)
k −1
k2
2 H+ −
HCO3 ⇔ CO3
2−
+ H + (II.III)
- k− 2
2e (II.VIII)
H 2 O ⇔ OH − + H + (II.IV)
H2
⎛ E ⎞
⎜− ⎟
k cat 0.5 ⎜ b ⎟
JH+ = c H + ( x =0 ) 10 ⎝ cat ⎠
F
x=0 x
L'unique réaction cathodique prise en compte dans le modèle est la réaction de réduction des
protons (II.VIII). Les deux réactions homogènes de dissociation acido-basique du CO2 dissous
et des ions bicarbonates (respectivement (II.II) et (II.III)) ainsi que la réaction d’autoprotolyse
de l’eau (II.IV) sont également prises en compte (cf. Fig. 6.2).
La réaction d’autoprotolyse de l’eau (II.IV) est supposée suffisamment rapide pour qu’elle
satisfasse à la condition d’équilibre Ke = 10-20 mol2.cm-6 (voir Tableau 6.1). Une telle
hypothèse d'équilibre n'est pas formulée dans le cas des autres processus chimiques
homogènes ((II.II) et (II.3)) considérés dans la modélisation.
Chapitre VI: Modélisation des phénomènes physico-chimiques se déroulant durant la corrosion des aciers 145
en milieu confiné contenant du CO2 dissous
Constante Valeur Références
ν 0.01 cm2.s-1
DH+ 9,3×10-5 cm2.s-1 [Nesi6]
DCO2(diss) 2,0×10-5 cm2.s-1 [Nesi6]
DHCO3- 1,1×10-5 cm2.s-1 [Nesi6]
DCO32- 0,92×10-5 cm2.s-1 [Nesic6]
-5 2 -1
DOH- 5,3×10 cm .s [Nesi6]
kcat 8×10-10 A.mol0.5.cm-0.5 Déterminée expérimentalement
bc 120 mV [Nesi6]
Déterminée expérimentalement
HCO2 3,3×10-5 mol.cm-3.bar-1 3,4×10-5 mol.cm-3.bar-1 d'après le logiciel
CORMED [Crol7, Boni1]
k1 0.036 s-1 [Wolf1]
k1 Données extraites du logiciel
K a1 = 3,9×10-10 10-9.40 mol.cm-3
k −1 CORMED [Crol7, Boni1]
k2 9 s-1 [Wolf1]
k Données extraites du logiciel
K a2 = 2 4.7.10-14 10-13.3 mol.cm-3
k −2 CORMED [Crol7, Boni1]
Ke 10-20 mol2.cm-6
Tab. 6.1: Valeurs des constantes utilisées pour les calculs (T=25°C)
Chapitre VI: Modélisation des phénomènes physico-chimiques se déroulant durant la corrosion des aciers 146
en milieu confiné contenant du CO2 dissous
Les concentrations respectives des autres espèces dissoutes (HCO3-, CO32- et OH-) peuvent
par suite être calculées simplement à l’aide des relations (II.9), (II.10) et (II.11) (cf. partie
II.1).
Dans le cas d’une solution simplement désaérée à l’azote (PCO2 = 0), la seule condition limite
à prendre en compte loin de l’interface est la valeur du pH en plein bain. Tout comme dans le
cas des solutions contenant du CO2 dissous, cette valeur est par chance accessible
expérimentalement.
- A l’interface électrode / électrolyte, le flux des espèces non électroactives est nécessairement
nul ce qui équivaut mathématiquement à la condition (VI.1)
∂cCO2 ( diss ) ∂c HCO − ∂cCO 2 − ∂cOH −
0= = 3
= 3
= (VI.1)
∂x ∂x ∂x ∂x
Le flux de protons associé à la réaction (II.VIII) peut s’exprimer quant à lui en fonction du
potentiel de l’électrode à l’aide de la loi exponentielle (VI.2) selon Nordsveen et coll. [Nesi6].
⎛ E ⎞
⎜− ⎟
k 0.5 ⎜ b ⎟
JH+ = cat c H + ( x =0 ) 10 ⎝ cat ⎠ (VI.2)
F
avec JH+ (mol.cm-2.s-1) la densité de flux des protons à la surface de l’électrode, kcat
(A.mol1/2.cm-1/2) la constante de vitesse de la réaction cathodique, F (96500 C.eq-1) la
constante de Faraday, cH+(x=0) (mol.cm-3) la concentration en proton à l’interface électrode /
électrolyte, bcat (V) la pente de Tafel cathodique et E (V) le potentiel de l’électrode par
rapport à l’Electrode Standard au Sulfate (ESS).
Chapitre VI: Modélisation des phénomènes physico-chimiques se déroulant durant la corrosion des aciers 147
en milieu confiné contenant du CO2 dissous
avec Di (cm2.s-1) le coefficient de diffusion de l’espèce i, ci (mol.cm-3) la concentration de
l’espèce i, vx (cm.s-1) la vitesse du transport convectif suivant la direction normale à la surface
de l’électrode et Ri (mol.cm-3.s-1) la vitesse de production volumique de l’espèce i par un
éventuel processus chimique homogène.
D'après Levich [Levi1], le terme de transport convectif vx intervenant dans l’équation (VI.3)
s'exprime au voisinage d’une électrode à disque tournant selon l’expression
v x = −0.510ν −1 / 2 Ω 3 / 2 x 2 (VI.4)
Par ailleurs, en considérant les bilans (II.II) et (II.III), les termes de production volumique Ri
intervenant dans les équations (VI.3) peuvent être exprimés explicitement à partir des
concentrations des espèces carbonatées et des constantes cinétiques k1, k-1, k2 et k-2 (cf. Fig.
6.2) selon
Chapitre VI: Modélisation des phénomènes physico-chimiques se déroulant durant la corrosion des aciers 148
en milieu confiné contenant du CO2 dissous
VI.1.3 Résultats et discussion
200
-i (µA.cm )
-2
(ii)
contrôle
(iv) cinétique (i)
100 plateau contribution
(iii) anodique
contrôle mixte résiduelle
0
-1,2 -1,1 -1,0 -0,9
E (V/ESS)
Fig. 6.3: Exemple de courbes de polarisation stationnaires obtenues sur acier AISI 316 L dans K2SO4
0.01 M désaérée à l’azote (pH = 3,85) et dans K2SO4 0.01 M saturée en CO2 (pH = 3,95) avec la
vitesse de rotation d’électrode comme paramètre.
Comme l’illustre la figure 6.3, les courbes obtenues dans la solution désaérée à l’azote (pH =
3.85) sont qualitativement très similaires à celles obtenues dans la solution saturée en CO2
(pH = 3.95). Ainsi, quatre domaines de potentiel caractéristiques (i) (ii) (iii) (iv) peuvent être
distingués sur chacune des courbes de polarisation expérimentales:
(i) Aux très faibles surtensions cathodiques (au voisinage du potentiel de corrosion de l’acier),
le courant mesuré ne suit pas une loi d’évolution exponentielle vis à vis du potentiel de
l’électrode. Dans cette zone de potentiel, le comportement cathodique de l'acier s'écarte donc
de celui attendu dans le cas d’un contrôle cinétique pur du courant. Peu évident à la seule vue
de la Fig. 6.3, cet écart est clairement sensible lorsqu’une représentation logarithmique du
courant est adoptée (voir Fig. 6.4). Il peut s’expliquer par le fait qu’aux très faibles
surtensions cathodiques le courant associé à la réaction anodique n’est pas négligeable devant
Chapitre VI: Modélisation des phénomènes physico-chimiques se déroulant durant la corrosion des aciers 149
en milieu confiné contenant du CO2 dissous
le courant de dégagement de H2. Ainsi, le courant globalement mesuré à l’électrode dans cette
gamme de potentiel (-0,95 à -1,25 V/ESS dans le cas des expériences réalisées à 1200 tr/min ;
cf. Fig. 6.4) est en fait un courant mixte impliquant à la fois des contributions cathodiques et
anodiques.
(ii) Aux faibles surtensions cathodiques, le courant augmente exponentiellement avec la
surtension cathodique (Figs. 6.3-6.4). Ce comportement est cohérent avec l’existence d’un
contrôle purement cinétique de la réaction de dégagement de dihydrogène dans cette gamme
de potentiel.
(iii) Dans une gamme de potentiel intermédiaire, l’évolution du courant mesuré s’écarte de
nouveau du comportement exponentiel théoriquement attendu dans le cas d’un contrôle
cinétique pur de la réaction de dégagement de dihydrogène. Un point d’inflexion est en
particulier observable sur les courbes de polarisation. Ce comportement peut s’expliquer par
l’existence d’un contrôle mixte du courant par la cinétique et le transport de matière dans cette
gamme de potentiel.
(iv) Aux larges surtensions cathodiques, un plateau de courant bien défini est atteint sur les
courbes de polarisation. Dans le cas de la solution saturée à l’azote, ce comportement peut
être attribué sans ambiguïté à la limitation par le transport de matière de la réaction de
réduction des protons. Ce phénomène est en effet couramment observé dans cette gamme de
potentiel à des pH de l’ordre de 4 en solution désaérée [Gray1, Schm1, Bock1]. Dans le cas de
la solution saturée en CO2, ce comportement de type plateau sera discuté plus loin.
Afin d’analyser plus quantitativement les résultats expérimentaux, le courant cinétique ik
mesuré à 1200 rpm a tout d’abord été tracé en fonction du potentiel de l’électrode (Fig. 6.4).
La contribution cinétique ik (A.cm-2) a été obtenue très classiquement [Diar1] à partir du
courant global mesuré aux faibles surtensions cathodiques (domaine (ii)) selon
i ⋅ ilim
ik = (VI.8)
ilim − i
avec i (A.cm-2) le courant cathodique global et ilim (A.cm-2) le courant limite mesuré sur le
plateau (iv).
Chapitre VI: Modélisation des phénomènes physico-chimiques se déroulant durant la corrosion des aciers 150
en milieu confiné contenant du CO2 dissous
(ii) (i)
contrôle cinétique contribution
anodique
2 résiduelle
Log(-ik) (µA.cm )
-2
bcat = 121 mV
1 1200 tr/min N2
1200 tr/min CO2
Fig. 6.4: Représentation de Tafel du courant cinétique (ik) mesuré sur acier AISI 316 L à 1200 rpm
dans K2SO4 0.01 M désaérée à l’azote (pH = 3,85) et dans K2SO4 0.01 M saturée en CO2 (pH = 3,95).
Dans les deux cas représentés Fig. 6.4, le logarithme du courant cinétique évolue linéairement
en fonction du potentiel de l’électrode dans une gamme comprise entre -0.95 et -1.055 V/ESS
(domaine (ii)). Cette évolution est cohérente avec l’existence effective d’un contrôle cinétique
de la réaction de dégagement de H2 dans cette gamme de potentiel. D'un point de vue
cinétique, le comportement cathodique observé dans la solution saturée en CO2 semble très
similaire à celui observé dans la solution purgée par N2 (Figs. 6.3 et 6.4). La valeur de la
pente de Tafel (paramètre bcat dans la relation (VI.2)) mesurée expérimentalement à 1200 rpm
est égale à 121 mV (voir Fig. 6.4). Cette valeur est en très bon accord avec la valeur théorique
de 118 mV qui est généralement rapportée pour la réduction du proton à 25°C [Draz1, Nes2-
5].
Pour une valeur donnée de la vitesse de rotation d’électrode, les courants cathodiques mesurés
dans la solution contenant du CO2 dissous sont supérieurs à ceux mesurés en son absence
(Figs. 6.3). Ceci apparaît également très clairement sur la Fig. 6.5 où l’évolution des courants
cathodiques limites mesurés dans les deux solutions est représentée en fonction de la racine
carrée de la vitesse de rotation de l’électrode. Cette augmentation du courant cathodique en
présence de CO2 dissous ne peut pas s’expliquer par la différence de pH (pH plein bain)
existant entre les deux solutions puisque le pH de la solution contenant du CO2 dissous (pH =
3,95) est au contraire légèrement supérieur au pH de la solution désaérée (pH = 3,85). Elle est
par conséquent directement liée à la présence de CO2 dissous dans la solution comme l'avait
déjà signalé de nombreux auteurs [Gray1, Schm1, Nesi1-2, Lint1].
Chapitre VI: Modélisation des phénomènes physico-chimiques se déroulant durant la corrosion des aciers 151
en milieu confiné contenant du CO2 dissous
400
300
-i (µA.cm )
-2
200
0
0 2 4 6 8 10 12
1/2 1/2 -1/2
Ω (rad .s )
Fig. 6.5: Evolution du courant cathodique limite mesuré sur acier AISI 316 L en fonction de la racine
carrée de la vitesse de rotation de l’électrode dans K2SO4 0.01 M désaérée à l’azote (pH = 3,85) et
dans K2SO4 0.01 M saturée en CO2 (pH = 3,95).
Dans la solution saturée en N2, le courant limite mesuré expérimentalement aux larges
surtensions anodiques (domaine (iv)) évolue linéairement avec la racine carrée de la vitesse de
rotation de l’électrode (Fig. 6 .5). La droite obtenue coupe par ailleurs l’origine du graphique.
Cette courbe expérimentale est en excellent accord avec la courbe théorique prévue par
Levich (eq. (VI.9)) dans le cas d’un courant purement limité par le transport de matière sur
une électrode à disque tournant.
i L = 0.62 Fc H +bulk DH +
2/3
ν −1 / 6 Ω 1 / 2 (VI.9)
avec F (96500 C.eq-1) la constante de Faraday, DH+ (cm2.s-1) le coefficient diffusion de H+, ν
(cm2.s-1) la viscosité cinématique du liquide et Ω (rad.s-1) la vitesse de rotation angulaire de
l’électrode.
En présence de CO2 dissous, une observation attentive de la figure 6.5 révèle la non linéarité
de l’évolution du courant limite (domaine (iv)) avec la racine carrée de la vitesse de rotation
de l’électrode. De plus, en accord avec la littérature [Schm1, Gray1, Nesi1], on observe que
l’extrapolation de la courbe obtenue (Fig. 6.5) ne coupe pas l’origine. Ce comportement met
bien en évidence l'existence d'une composante non diffusionnelle dans le courant mesuré en
présence de CO2 dissous. Cette contribution cathodique ne semble pas de nature cinétique aux
Chapitre VI: Modélisation des phénomènes physico-chimiques se déroulant durant la corrosion des aciers 152
en milieu confiné contenant du CO2 dissous
larges surtensions cathodiques du fait de la quasi-indépendance du courant vis-à-vis du
potentiel de l’électrode dans cette zone de potentiel (domaine (iv) sur la figure 6.3 ; voir
également les figures 6.5 et 6.7). La part non diffusionnelle du courant limite observé semble
donc bel et bien attribuable à une limitation de nature chimique comme ce fut proposé par de
nombreux auteurs [Schm1, Gray1, Nesi1].
Pour expliquer quantitativement cette contribution cathodique par l’effet tampon induit par la
présence de CO2 dissous en solution, le modèle décrit plus haut (partie VI.1.2) a été utilisé. A
l'aide de ce modèle, les courbes courant-tension stationnaires théoriquement attendues en
présence et en l'absence de CO2 ont été calculées numériquement. Les valeurs des différentes
constantes ainsi que les valeurs des concentrations homogènes retenues loin de l'électrode
(concentrations de bulk) utilisées pour ces calculs figurent respectivement dans les tableaux
6.1 et 6.2.
Le cas de la solution saturée en N2 (PCO2 = 0 bar , pH = 3,85) a tout d'abord été considéré.
Ainsi, la constante cinétique kcat associée à la réaction de réduction du proton intervenant dans
l'expression (VI.2)) a été fixée dans un premier temps de façon à obtenir le meilleur accord
possible entre la courbe théorique calculée à 180 rpm et la courbe expérimentale mesurée
dans les mêmes conditions. Le meilleur ajustement entre théorie et expérience a été obtenu
pour kcat = 8×10-10 A.mol1/2.cm-1/2. Les résultats des calculs réalisés avec cette valeur de kcat
pour les différentes vitesses de rotation de l’EDT sont comparés aux mesures expérimentales
sur la figure 6.6.
Chapitre VI: Modélisation des phénomènes physico-chimiques se déroulant durant la corrosion des aciers 153
en milieu confiné contenant du CO2 dissous
450
200
150
100
50
0
-1,2 -1,1 -1,0 -0,9
E (V/ESS)
Comme l’illustre la Figure 6.6, les courbes simulées à l’aide du modèle s’accordent très bien
avec les courbes expérimentales dans toute la gamme de vitesses de rotation d’électrode
explorée. Cet excellent accord entre théorie et expérience permet de valider conjointement la
méthode de calcul et les mesures expérimentales. Par ailleurs, cette étape préliminaire de
“test” du modèle a également permis de déterminer expérimentalement la valeur de la
constante cinétique kcat (cf. expression (VI.2)) intervenant lors de la réaction de réduction des
protons sur l’acier AISI 316 L.
Dans une seconde étape, le cas de la solution saturée en CO2 sous 1 bar (pH = 3,95) a été
examiné. Dans ces nouvelles conditions, les courbes de polarisation stationnaires théoriques
ont également été calculées à l’aide du modèle pour différentes vitesses de rotation
d’électrode. La valeur de la constante kcat qui a été utilisée pour ces calculs est celle qui fut
préalablement déterminée en l’absence de CO2 dissous (8×10-10 A.mol1/2.cm-1/2). Les
constantes utilisées dans le modèle ainsi que les conditions limites sont détaillées dans les
tableaux 6.1 et 6.2. La figure 6.7 compare quant à elle les courbes calculées à l’aide du
modèle et les résultats expérimentaux obtenus dans la solution saturée en CO2.
Chapitre VI: Modélisation des phénomènes physico-chimiques se déroulant durant la corrosion des aciers 154
en milieu confiné contenant du CO2 dissous
450
200
150
100
50
0
-1,2 -1,1 -1,0 -0,9
E (V/ESS)
On observe un très bon accord entre les courbes simulées et les courbes mesurées
expérimentalement en présence de CO2 dissous (Fig. 6.7). L’augmentation du courant
cathodique constatée sur l’acier en présence de CO2 dissous est particulièrement bien prévue
par le modèle. Cette augmentation peut donc s’expliquer quantitativement par l’effet tampon
induit par la présence du gaz dissous. Les résultats présentés sur la figure 6.7 démontrent ainsi
que la formulation d’hypothèses concernant l’existence de réactions cathodiques
supplémentaires en présence de CO2 dissous, telle que proposée par des nombreux auteurs
[DeWa1, Schm1, Nes5-8, Song2-3], n’est pas nécessaire.
L'influence de la présence de CO2 dissous sur les pH interfaciaux (pH en x = 0 sur la figure
6.2) atteints durant la polarisation cathodique de l'EDT a également été étudiée. Les pH
interfaciaux théoriques (calculés à l’aide du modèle avec kcat = 8.10-10 A.mol1/2.cm-1/2) sont
représentés pour des vitesses de rotations d’électrode de 180 et 600 tr/min en fonction du
potentiel sur la figure 6.8.
Chapitre VI: Modélisation des phénomènes physico-chimiques se déroulant durant la corrosion des aciers 155
en milieu confiné contenant du CO2 dissous
7,0 180 tr/min N2 CO2
600 tr/min N2 CO2
6,5
6,0
pHinterfacial
5,5
5,0
4,5
4,0
E (V/ESS)
Fig. 6.8: Evolution théorique du pH interfacial stationnaire avec le potentiel de l’électrode en acier
AISI 316 L ( kcat = 8.10-10 A.mol1/2.cm-1/2) dans K2SO4 0.01 M désaérée à l’azote (pH = 3,85) et dans
K2SO4 0.01 M saturée en CO2 (pH = 3,95) avec la vitesse de rotation d’électrode comme paramètre.
Lorsque la vitesse de rotation de l’électrode augmente, on constate sur la figure 6.8 que le pH
interfacial théorique prévu par le modèle décroît à potentiel donné dans les deux solutions. Le
modèle prévoit également, à potentiel et vitesse de rotation d'électrode donnés, une
décroissance de ce pH local en présence de CO2 dissous.
Qualitativement, les résultats rapportés sur la figure 6.8 étaient prévisibles. En effet, les
limitations par le transport de matière sont nécessairement moins marquées à un potentiel
d’électrode donné lorsque la vitesse de rotation de l’électrode augmente. Il est donc normal de
voir la concentration en protons augmenter à l’interface avec la vitesse de rotation de
l’électrode. De plus, l’effet tampon pris en compte dans le cadre du modèle induit
nécessairement une production volumique de protons au voisinage de l'électrode qui est à
l’origine de cette diminution du pH interfacial théorique en présence de CO2.
Afin de vérifier expérimentalement ces prévisions théoriques concernant les pH interfaciaux,
des expériences complémentaires ont été menées sur une grille d’or immergée dans une
solution de K2SO4 0.01 M en l'absence et en présence de CO2. Dans le premier cas, la solution
est saturée en N2 et le pH ajusté à 4,05, dans le second, la solution est saturée en CO2 sous une
pression de 1 bar. Ces expériences ont consisté à mesurer simultanément l’évolution du
courant et du pH interfacial stationnaire durant la polarisation cathodique de l’électrode (voir
détails expérimentaux partie VI.1.1). Dans le cas des expériences réalisées dans la solution
saturée en CO2, une valeur de pH égale à 4,01 a été mesurée expérimentalement. Cette valeur
Chapitre VI: Modélisation des phénomènes physico-chimiques se déroulant durant la corrosion des aciers 156
en milieu confiné contenant du CO2 dissous
est légèrement différente de celle qui avait été mesurée dans les mêmes conditions lors des
expériences réalisées sur l’EDT en acier inoxydable (pH = 3,95). Cette très faible différence
de pH (0.06 unités) n’est cependant pas significative selon nous compte tenu de la précision
absolue qui peut être attendue sur la mesure obtenue avec une électrode de verre.
Les courbes de polarisation stationnaires et les mesures du pH interfacial réalisées sur la grille
d’or sont présentées respectivement Fig. 6.9 et 6.10. Les mesures de pH interfacial rapportées
sur la Fig. 6.10. ont été volontairement restreintes à une gamme de potentiel supérieure à -
1,25 V/ESS car l'intensité du dégagement de dihydogène devient trop importante au-delà de
cette valeur limite pour obtenir des mesures fiables.
300
Solution saturée en N2 pHbulk = 4.05
Solution saturée en CO2 pHbulk = 4.01
250
150
zone (v)
100
50 zone (iv)
cas N2
0
-1,5 -1,4 -1,3 -1,2 -1,1 -1,0 -0,9 -0,8 -0,7 -0,6
E (V/ESS)
Qualitativement, les courbes de polarisation stationnaires mesurées sur la grille d’or (Fig. 6.9)
sont très similaires à celles mesurées précédemment sur l’électrode à disque tournant en acier
(Figs. 6.3 ; 6.6 ; 6.7). Elles présentent ainsi les mêmes caractéristiques (i) (ii) (iii) (iv)
discutées plus haut. La gamme de potentiel explorée lors des mesures rapportées Fig. 6.9 étant
plus large que celle qui l'avait été sur acier inoxydable (Fig. 6.3), une nouvelle zone apparaît
cependant sur les courbes de polarisation aux très larges surtensions cathodiques (zone (v)).
Dans cette zone, au sein de laquelle le courant augmente exponentiellement avec le potentiel
de l’électrode, le courant lié au dégagement de H2 est principalement contrôlé par la cinétique
de réduction des molécules d’eau de la solution (réaction (II.IX)). Par ailleurs, on remarque
que le plateau de courant observé sur la grille d'or (zone (iv) Fig. 6.9) est moins bien défini
Chapitre VI: Modélisation des phénomènes physico-chimiques se déroulant durant la corrosion des aciers 157
en milieu confiné contenant du CO2 dissous
que celui qui avait été obtenu sur l’électrode à disque tournant en acier inoxydable. Ce
comportement non idéal peut s’expliquer par la non planéité de l’électrode utilisée (grille) et
par l’absence de contrôle des conditions hydrodynamiques durant les mesures (électrode
statique, convection naturelle).
6,5
Solution saturée en N2 pHbulk = 4.05
Solution saturée en CO2 pHbulk = 4.01
6,0
5,5
pHinterfacial
5,0
4,5
4,0
E (V/ESS)
Fig. 6.10: Evolution du pH interfacial en fonction du potentiel de la grille d’or dans K2SO4 0.01 M
désaérée à l’azote (pH = 4,05) et dans K2SO4 0.01 M saturée en CO2 (pH = 4,01).
Les résultats rapportés sur la Fig. 6.10 démontrent que l’augmentation du courant cathodique
observé en présence de CO2 dissous (Fig. 6.9) est associé à une décroissance du pH interfacial
en comparaison de celui mesuré en l’absence de ce gaz dissous (dans la solution saturée en
N2). Qualitativement, ces résultats sont pleinement en accord avec les prévisions du modèle
dans le cas de l’électrode à disque tournant en acier (voir Fig. 6.3 et 6.8). Ces résultats
peuvent donc être parfaitement expliqués d’un point de vue qualitatif par l’effet tampon induit
par la présence de CO2 en solution. En revanche, la décroissance du pH interfacial observé en
présence de CO2 sur or ne peut pas s’expliquer par l’existence d’une réaction cathodique
supplémentaire impliquant la réaction directe d’une espèce carbonatée à l’électrode, telle
qu’elle a été envisagée par certains auteurs [Scmi1, Boni1, Gray1, DeWa1, Ogun1]. Dans une
telle hypothèse, une invariance voire même une augmentation du pH interfacial serait au
contraire attendue suite à la production interfaciale d’ions bicarbonates ou carbonates prévue
à l’électrode (voir (II.XIV) (II.XVII) et (II.XXI) à titre d'exemple) [Schmi1, Boni1, Ogun1,
Wiek1].
Chapitre VI: Modélisation des phénomènes physico-chimiques se déroulant durant la corrosion des aciers 158
en milieu confiné contenant du CO2 dissous
VI.1.4 Conclusion de la partie VI.1
La réaction de réduction des protons a été étudiée en solution aqueuse désaérée contenant CO2
dissous. L’effet des réactions homogènes de dissociation acido-basique du CO2 dissous
(« effet tampon ») sur le courant associé à cette réaction cathodique a ainsi été simulé à l'aide
d'un modèle simple. Les prévisions de ce modèle s’accordent de manière quantitative avec les
courbes de polarisation stationnaires mesurées sur une électrode à disque tournant en acier
inoxydable. Qualitativement, ces prévisions sont également confirmées par l’évolution du
courant et du pH interfacial stationnaire observée durant la polarisation cathodique d'une
grille d'or.
Cette étude a donc permis de démontrer que l’augmentation du courant de dégagement de
dihydrogène observée sur les aciers en présence de CO2 dissous pouvait être totalement
expliquée par la production homogène de protons induite par la présence de ce gaz en solution
(« effet tampon »). La prise en compte d’hypothétiques réactions cathodiques impliquant des
espèces carbonées n’est donc pas nécessaire pour expliquer cette augmentation. En
comparaison d’une solution désaérée d’acide fort de même pH (dans le bulk), l'effet tampon
induit par la présence de CO2 dissous entraîne une diminution locale des pH au voisinage de
l’interface. Cette diminution, constatée expérimentalement sur une électrode d’or, n’est pas
compatible avec l’hypothèse d’une réduction directe d’espèces carbonées à l’électrode.
En solution aqueuse désaérée à pH = 4, la réduction du proton (II.VIII) apparaît donc
finalement comme l’unique réaction cathodique à prendre en compte sur acier dans la gamme
de potentiel et de vitesse de rotation d'électrode qui a été explorée. Cette conclusion
importante constituera une des hypothèses de base du modèle de corrosion en milieu confiné
qui sera présenté dans la partie suivante (partie VI.2). On notera cependant que pour des pH
plus élevés, ou sous polarisation cathodique à des potentiels éloignés du potentiel libre des
aciers, la réaction de réduction de l'eau est susceptible de devenir la réaction cathodique
prédominante.
Chapitre VI: Modélisation des phénomènes physico-chimiques se déroulant durant la corrosion des aciers 159
en milieu confiné contenant du CO2 dissous
VI.2 Modélisation cinétique globale des réactions chimiques et de corrosion en
milieu confiné contenant du CO2 dissous
Nous avons vu dans les parties I.3, II.2.4 et II.3.3 qu'une sursaturation en Fe (II), des pH
élevés et des vitesses de corrosion faibles sont généralement observés en milieu confiné
contenant du CO2 dissous. Ces phénomènes étaient largement inexpliqués d’un point de vue
théorique au commencement de cette thèse. Faute de modèle adapté, le pH de l’électrolyte
présent dans l’annulaire d’un flexible (V/S de l’ordre de 0.03 ml/cm2), paramètre important
dans le dimensionnement des flexibles (cf. partie I.3), était estimé à l’aide de modèles
thermodynamiques ignorant les spécificités des milieux corrosifs confinés (cf. partie II.3.3).
Cette utilisation par défaut de modèles inadéquats entraîne encore une surestimation de la
sévérité des conditions régnant dans l’annulaire (cf. partie I.3).
Partant de ce constat, un nouveau modèle cinétique a été développé afin de décrire les
processus physico-chimiques se déroulant dans l’annulaire des conduites pétrolières flexibles.
Première étape d’un projet plus ambitieux, ce modèle se borne à la description du cas simple
d’un annulaire empli d’une eau de condensation contenant du CO2 dissous. Il est bâti à partir
de certaines conclusions établies dans les parties V et VI.1. Le blocage partiel de la surface
active des aciers se corrodant en milieu confiné contenant du CO2 dissous, mis en évidence
par le biais de mesures d’impédance dans le chapitre V, est ainsi pris en considération dans ce
modèle. Par ailleurs, conformément aux conclusions de la partie VI.1, le déroulement de
réactions impliquant une réduction directe d'espèce carbonées, tel qu'il est fréquemment
suggéré dans la littérature, ne sera pas pris en compte dans la modélisation.
Dans la présente partie, le principe de ce nouveau modèle sera tout d’abord présenté. Dans un
second temps, les résultats des calculs théoriques menés suivant ce modèle seront discutés.
Lors de cette discussion, ces résultats seront en particulier confrontés à ceux fournis par les
modèles thermodynamiques et aux données expérimentales disponibles dans la littérature.
Chapitre VI: Modélisation des phénomènes physico-chimiques se déroulant durant la corrosion des aciers 160
en milieu confiné contenant du CO2 dissous
une eau de condensation chargée en CO2 pénètre dans cet espace (Fig. 6.11). Le principe de
ce modèle demeure cependant général de sorte qu'il puisse être adapté par la suite à d'autres
types de milieu corrosif confiné.
CO2 / H2O
Gaine Polymère
Fil d’acier
Fig. 6.11: Schéma de principe de l’annulaire modélisé avec e (cm) l’épaisseur du film d’électrolyte
confiné à la surface de l’acier et V/S (cm) le rapport du volume de liquide sur la surface métallique
exposée.
Conformément à la description fournie par la figure 6.11, le cas d’un acier qui se corrode sous
un mince film d’eau exposé à une atmosphère de CO2 pur a donc été considéré. Six espèces
dissoutes ont été prises en compte dans la modélisation : le CO2 dissous et ses dérivés
(CO2(diss), HCO3- et CO32-), les protons (H+), les ions hydroxyde (OH-) ainsi que les ions Fe2+
produits par la dissolution anodique de l’acier.
Les sept processus physico-chimiques qui ont été pris en considération (listés Tab. 6.3) sont :
- la réaction anodique de dissolution de l’acier (VI.I),
- la réaction cathodique de réduction du proton (II.VIII),
- le processus physique de dissolution du CO2 gazeux (II.I),
- les réactions homogènes de dissociation acido-basique du CO2 dissous et des ions
bicarbonates ((II.II) et (II.III)),
- la réaction de précipitation de la sidérite (FeCO3) (II.V),
- et la réaction d’autoprotolyse de l’eau (II.IV).
Fe → Fe 2 + + 2e − (VI.I)
Chapitre VI: Modélisation des phénomènes physico-chimiques se déroulant durant la corrosion des aciers 161
en milieu confiné contenant du CO2 dissous
L’état stationnaire est supposé atteint dans le cadre du modèle.
Tout comme dans la partie VI.1, la réaction d’autoprotolyse de l’eau (II.IV) est considérée
suffisamment rapide pour qu’elle satisfasse à la condition d’équilibre (II.5) (cf. Tab. 6.3). Une
telle hypothèse d'équilibre n'est pas formulée dans le cas des autres processus considérés dans
la modélisation.
La présence possible d’un dépôt isolant de sidérite à la surface de l’acier (cf. II.2.3.a et
II.2.3.c) est prise en considération dans le modèle par l’introduction d’un paramètre θ
adimensionnel. Ce paramètre correspond au taux de blocage de la surface d’acier par un
isolant. Dans le cas de l’annulaire, ce taux de recouvrement peut également correspondre à un
éventuel blocage de la surface de l’acier par des graisses industrielles ou des lubrifiants mis
sur les fils lors de la fabrication du flexible.
D'un point de vue physico-chimique, la situation modélisée (Fig. 6.11) peut finalement être
représentée plus précisément selon la figure 6.12.
CO2(g)
(II.I) Interface
(II.II) (II.III) Gaz-liquide
CO2(aq) ⇔ HCO3- + H+ ⇔ CO32- + 2H+
e = V/S (II.IV)
H+ + OH- ⇔ H2O
1
H+ H2 Fe2+ (II.V)
2
Fe2+ + CO32- ⇔ FeCO3
Interface
(II.VIII) e- Fe (VI.1) Acier-liquide
-
2e Acier
Dans ces conditions de film mince schématisées sur les figures 6.11 et 6.12, il a été observé
empiriquement que les vitesses de corrosion uniforme des aciers sont très faibles [Ropi1,
Tara1-2, Desa1]. Dans ce contexte, nous supposons que les vitesses des réactions hétérogènes
ne sont pas limitées par le transport de matière. Une telle hypothèse a d’ailleurs été utilisée
par Hubbard et Anson dans leur modèle théorique adapté aux films minces d’électrolyte
d’épaisseur comprise entre 2 et 100 μm [Bard3]. Les concentrations des espèces dissoutes
Chapitre VI: Modélisation des phénomènes physico-chimiques se déroulant durant la corrosion des aciers 162
en milieu confiné contenant du CO2 dissous
sont ainsi supposées homogènes dans le film de liquide confiné à la surface de l’acier. Cette
hypothèse permet de convertir les vitesses des processus hétérogènes (II.I) (II.V) (II.VIII) et
(VI.I) en vitesses de production volumique selon
S
Ni = ⋅ ji (VI.9)
V
En utilisant la relation (VI.9) pour les processus hétérogènes et en tenant compte d'un
éventuel blocage de la surface active de l'acier à l'aide du paramètre θ défini plus haut, les
vitesses de production homogènes associées aux différents phénomènes physico-chimiques
considérés dans le modèle sont exprimées dans le tableau 6.3.
E +0.06 ⋅ pH
2 H + + 2e − → H 2
S 1 −
(II.VIII) ⋅ ⋅ ( 1 − θ ) ⋅ i0c ⋅ c H + ⋅ 10 [Nesi6]
0. 5
Nc = bc
V F
S
( )
k diss
[Frank1]
(II.1) CO2 ( g ) ⇔ CO2 ( diss ) N diss = ⋅ k diss ⋅ PCO 2 − k − diss ⋅ cCO2 ( diss )
k − diss V [Cole1]
k1
(II.2) H 2 O + CO 2( diss ) ⇔ HCO3 + H +
−
N ac1 = k 1 ⋅ cCO2 ( diss ) − k −1 ⋅ c H + ⋅ c HCO − [Wolf1]
k−1 3
k2
(II.3)
−
HCO3 ⇔ CO3
2−
+H+ N ac2 = k 2 ⋅ c HCO − − k − 2 ⋅ c H + ⋅ cCO 2 − [Wolf1]
k− 2 3 3
k prec
2−
(II.V) Fe 2 + + CO3 ⇔ FeCO3 N prec = k prec ⋅ c Fe 2 + ⋅ cCO 2 − − k − prec * [VanH1]
k − prec 3
Chapitre VI: Modélisation des phénomènes physico-chimiques se déroulant durant la corrosion des aciers 163
en milieu confiné contenant du CO2 dissous
VI.2.1.b Calcul de l’état stationnaire
A l’état stationnaire, les concentrations des espèces dissoutes sont par définition
indépendantes du temps. Ceci se traduit mathématiquement par les relations (VI.10).
∂c Fe2 + ∂c H + ∂cCO2( diss ) ∂c HCO − ∂cCO 2 −
= = = 3
= 3
=0 (VI.10)
∂t ∂t ∂t ∂t ∂t
Ces relations peuvent être réécrites en faisant intervenir les vitesses de production homogènes
définies précédemment (voir relation (VI.9) et Tab. 6.3) selon
N a − N prec = N ac1 + N ac 2 − N c = N diss − N ac1 = N ac1 − N ac 2 = N ac 2 − N prec = 0 (VI.11)
où θ (sans dimension) est le taux de blocage de la surface d’acier, icorr (A.cm-2) est la densité
de courant de corrosion, F (96500 C.eq-1) est la constante de Faraday et les différents termes
Ni (mol.s-1.cm-3) sont les vitesses de production homogène définies dans le tableau 6.3.
La condition d'électroneutralité au sein du film mince de liquide s'écrit par ailleurs selon
(II.7).
2 ⋅ c Fe 2 + + c H + = c HCO − + cOH − + 2 ⋅ cCO 2 − (II.7)
3 3
Finalement, dans le cadre du modèle proposé, à partir du système de huit équations constitué
par les relations (VI.12), (II.5) et (II.7), les concentrations inconnues des six espèces dissoutes
(CO2(diss), HCO3-, CO32-, Fe2+, H+, OH-), la vitesse de corrosion icorr et le potentiel de corrosion
de l’acier Ecorr (potentiel d’abandon où 2.F.Na = F.Nc ; cf. Tab.1.3) peuvent être aisément
calculés à l’état stationnaire en fonction du rapport V/S du milieu, de la pression partielle de
CO2 et de θ le taux de blocage de la surface d’acier.
De tels calculs ont été menés dans différentes conditions (V/S, PCO2 et θ) dans le cadre de
cette thèse. Les résultats de ce travail sont présentés dans la partie VI.2.2 suivante.
Chapitre VI: Modélisation des phénomènes physico-chimiques se déroulant durant la corrosion des aciers 164
en milieu confiné contenant du CO2 dissous
VI.2.2 Résultats et discussion
Les valeurs des différentes constantes cinétiques et thermodynamiques (kdiss, HCO2, k1, Ka1, k2,
Ka2, kprec, Ks, Ke, i0c, i0a, ba, bc) nécessaires à la réalisation des calculs théoriques ont été
extraites des données disponibles dans la littérature en considérant une température de 20°C
[Nesi3, Nesi6, John1, VanH1, Liu1, Jime1, Xu1, Frank1, Cole1, Wolf1, Boni1].
Cependant, dans le cas particulier de la constante cinétique kprec qui intervient lors de la
précipitation de la sidérite (FeCO3) (cf. Tab 6.3), le choix d’une valeur fiable est délicat. La
valeur de cette constante dépend en effet de la morphologie du film de sidérite développé à la
surface de l’acier qui est très difficilement modélisable [John1, VanH1] (porosité et surface
développée notamment). Ainsi, selon les conditions expérimentales considérées (rapport V/S,
pH, concentration en Fe(II) dissous et conditions hydrodynamiques), l’ordre de grandeur de
cette constante varie de 10 à 106 cm3.mol-1.s-1 dans la littérature [Nesi6, John1, VanH1, Liu1,
Jime1, Xu1].
Face à cette incertitude, la démarche suivante a été adoptée : dans une première étape (Figs.
6.13 à 6.17), les calculs ont été conduits en adoptant l’expression proposée par Van Hunnik et
coll. [VanH1] pour le calcul de kprec puis, dans un second temps, la sensibilité du modèle à ce
paramètre a été étudiée en faisant varier la valeur de kprec. La valeur numérique de référence
utilisée pour kprec (Figs. 6.13 à 6.17) est rapportée dans l'annexe A.5 de la version non
expurgée de ce mémoire.
Afin de clarifier la discussion des résultats, les concentrations en Fe(II) dissous sont
exprimées dans toute cette partie en termes de facteurs de sursaturation SFFe (cf. partie
II.2.3.a). La définition (II.25) de ce facteur est rappelée ci-dessous.
c Fe 2 +
SFFe = (II.25)
[c Fe2 + ]eq
Par ailleurs, les concentrations théoriques d’intérêt (pH et SFFe) calculées à l’aide du modèle
cinétique proposée dans la partie VI.2.1 sont systématiquement comparées, à titre de
référence, à celles prévues dans le cas d'une solution saturée en Fe(II), pour les mêmes
conditions de température et de pression, par le modèle thermodynamique CORMED version
Chapitre VI: Modélisation des phénomènes physico-chimiques se déroulant durant la corrosion des aciers 165
en milieu confiné contenant du CO2 dissous
2 (voir principe des calculs thermodynamiques dans la partie II.1.2). En supposant la
saturation en Fe(II) atteinte, le pH attendu dans l’annulaire des conduites pétrolières flexibles
est en effet estimé actuellement à l'aide de ce type de modèle thermodynamique.
L’influence du rapport V/S sur les conditions physico-chimiques attendues dans l’annulaire a
tout d’abord été étudiée pour différentes valeurs du taux de blocage de la surface d’acier. A ce
titre, une attention toute particulière a été portée aux cas limites θ = 0 (surface d’acier
totalement active) et θ = 1 (surface d’acier totalement bloquée). Les résultats obtenus en
considérant une pression de CO2 égale à 1 bar sont présentés sur les figures 6.13 à 6.15.
7,00
(a) θ=0
(b) θ = 0,5
6,75 (a)
(c) θ = 0,9
(d) θ = 0,99
(e) θ=1
6,50
(b) (f) CORMED
expériences d'après [Ropi1]
6,25
(c)
pH
6,00
5,75 (d)
5,50
(e) = (f)
5,25
1E-3 0,01 0,1 1 10 100 1000
e = V/S (cm)
Fig. 6.13: Evolution du pH avec le rapport V/S à 20°C pour différentes valeurs de θ ;
PCO2 = 1 bar ; kprec calculée suivant l’expression proposée par [VanH1].
100
(a) θ=0
(b) θ = 0,5
(c) θ = 0,9
(d) θ = 0,99
(a)
(e) θ=1
SFFe (sans dimension)
(f) CORMED
expérience d'après [Ropi1]
(b)
10
(c)
(d)
(e) = (f)
1
1E-3 0,01 0,1 1 10 100 1000
e = V/S (cm)
Chapitre VI: Modélisation des phénomènes physico-chimiques se déroulant durant la corrosion des aciers 166
en milieu confiné contenant du CO2 dissous
Fig. 6.14: Evolution du facteur de sursaturation en Fe (II) avec le rapport V/S à 20°C pour
différentes valeurs de θ ; PCO2 = 1 bar ; kprec calculée suivant l’expression proposée par [VanH1].
Dans le cas extrême d’une électrode totalement bloquée par un isolant (θ = 1), les valeurs des
concentrations calculées dans le cadre du modèle (pH et SFFe) sont égales à celles prévues par
CORMED (courbes (e) et (f) sur les figures 6.13 et 6.14). Ceci s’explique par le fait que
supposer θ = 1 équivaut à supposer la nullité des flux interfaciaux au sein du milieu confiné
(vitesse de corrosion nulle par définition). Dans ces conditions, le système modélisé,
stationnaire par hypothèse, devient de surcroît isolé : il est donc nécessairement à l’équilibre
thermodynamique et il est normal que son état corresponde à la description thermodynamique
fournie par le modèle CORMED. Ce résultat bien que trivial et attendu permet néanmoins de
vérifier de façon simple la cohérence des calculs cinétiques avec le modèle thermodynamique.
Par ailleurs, pour des rapports V/S tendant vers l'infini (situation de plein bain), les
concentrations calculées à l'aide du modèle cinétique tendent également vers celles prévues
par CORMED (Figs. 6.13 et 6.14). Ceci peut s'expliquer par le fait que les vitesses de
production homogène associées aux réactions hétérogènes tendent vers 0 lorsque le rapport
V/S tend vers l'infini (cf. Eq. VI.9). En termes de production d'espèces, un rapport V/S infini
équivaut donc à la situation rencontrée précédemment lorsque θ = 1. Dans ce cas, l'hypothèse
d'équilibre thermodynamique est donc légitime.
Ainsi, l'utilisation de modèles thermodynamiques permet de calculer les concentrations en
espèces dissoutes lorsque les vitesses de production volumique (cf. Eq. (VI.9)) associées aux
réactions hétérogènes intervenant lors de la corrosion sont nulles ou quasi-nulles (cas limites
θ = 1 et V/S → ∞ sur les figures 6.13 et 6.14). Cependant, comme ce fut déjà abordé
précédemment (partie II.1), l'hypothèse d'équilibre thermodynamique ne se justifie pas
nécessairement au voisinage d'une interface électrochimique qui, lorsqu'elle est traversée par
un courant, se trouve elle-même hors équilibre. Cette réalité est bien illustrée par les résultats
(Figs. 6.13 à 6.15), relatifs au cas d'une surface d'acier non bloquée en milieu confiné,
commentés ci-dessous.
Dans le cas d’une électrode totalement ou partiellement active (θ compris entre 0 et 0,99), le
pH (Fig. 6.13), la concentration en Fe(II) (Fig. 6.14) et la vitesse de corrosion (Fig. 6.15)
calculés à l’aide du modèle cinétique varient sensiblement en fonction du rapport V/S
considéré. Lorsque le rapport V/S décroît (i.e. lorsque l’épaisseur du film de liquide
recouvrant la surface d’acier décroît), le pH et la concentration en Fe(II) dissous augmentent
(Figs. 6.13 et 6.14) tandis que la vitesse de corrosion de l’acier diminue (Fig. 6.15).
Chapitre VI: Modélisation des phénomènes physico-chimiques se déroulant durant la corrosion des aciers 167
en milieu confiné contenant du CO2 dissous
Ainsi, le pH (Fig. 6.13) passe d’une valeur égale à 5,29 dans des conditions de plein bain (V/S
infini) à des valeurs supérieures à 6 pour des V/S inférieurs à 300 µm. Suivant la même
tendance, le facteur de sursaturation en Fe (II) SFFe atteint des valeurs supérieures à 10 pour
des rapports V/S inférieurs à 100 µm (Fig. 6.14). Pour des rapports V/S inférieurs à 1 mm, les
vitesses de corrosion calculées (Fig. 6.15) restent quant à elles inférieures à 10 µm/an sous 1
bar de CO2 dans toute la gamme des valeurs de θ considérée (0 ≤ θ ≤ 0,99).
100
(a)
vitesse de crrosion (µm/an)
(b)
10
(c)
1
(a) θ=0
(b) θ = 0,5
(c) θ = 0,9
(d) (d) θ = 0,99
expériences d'après [Ropi1]
Fig. 6.15: Evolution de la vitesse de corrosion de l’acier avec le rapport V/S à 20°C pour différentes
valeurs de θ ; PCO2 = 1 bar ; kprec calculée suivant l’expression proposée par la ref. [VanH1].
Chapitre VI: Modélisation des phénomènes physico-chimiques se déroulant durant la corrosion des aciers 168
en milieu confiné contenant du CO2 dissous
dépôt de sidérite isolant (θ ≠ 0) à la surface des aciers doit être prise en compte afin d'éviter
une surestimation des vitesses de corrosion en milieu confiné.
Les pH calculés sont en revanche faiblement sensibles à la valeur de θ. Pour une variation de
θ entre 0 et 0,9, un changement de pH de 0,3 unités au maximum est constaté dans toute la
gamme de taux de confinement (Fig. 6.13) et de pressions partielles de CO2 (Fig. 6.16)
étudiée. On remarque cependant, en cohérence avec l'analyse du cas limite θ = 1 effectuée
plus haut, que les valeurs des concentrations calculées à l'aide du modèle cinétique tendent à
se rapprocher de celles prévues par la thermodynamique à mesure que θ augmente. En effet,
plus θ augmente, plus la vitesse de corrosion diminue (Fig. 6.15) et donc plus l'écart à
l'équilibre est faible. Il est cependant intéressant de remarquer que même une très faible
activité de la surface d'acier a une grande influence sur la valeur du pH calculé. Ainsi, à titre
d'exemple, pour un rapport V/S égal à 0,03 cm et une surface d'acier bloquée à 99%, le pH
calculé sous 1 bar de CO2 peut dépasser le pH de saturation prévu par la thermodynamique de
près de 0,7 unités.
Pour des rapports V/S importants, les vitesses de corrosion prévues par le modèle (Fig. 6.15)
restent très inférieures à celles généralement observées en plein bain [DeWa1, Norso1] (voir
également les résultats présentés dans la partie V.2). L'existence de gradients de concentration
au voisinage de l'acier pour des rapports V/S élevés explique cette situation. Ainsi,
l'hypothèse d'homogénéité des concentrations, utilisée dans le développement du modèle
proposé dans la partie VI.2.1, n'est plus valable pour des rapports V/S élevés. Dans ce cas,
l'utilisation de modèles de corrosion classiques (modèles plein bain) est donc plus appropriée
pour obtenir une prévision réaliste des vitesses de corrosion.
Dans le cas d'un rapport V/S égal à 0,03 cm (valeur moyenne dans l'annulaire des conduites
pétrolières flexibles), l'influence de la pression partielle de CO2 sur le pH et sur la vitesse de
corrosion est décrite respectivement sur les figures 6.16 et 6.17.
Sur ces figures (Figs. 6.16 et 6.17), on observe respectivement une diminution du pH et une
augmentation de la vitesse de corrosion lorsque la pression partielle de CO2 s'accroît. Au-delà
de ce résultat attendu (cf. II.2.1 et II.2), il est intéressant de noter que le pH calculé demeure à
des niveaux bien supérieurs à ceux prévus par la thermodynamique dans toute la gamme de
pression explorée (Fig. 6.16). A pression partielle de CO2 fixée, un écart minimum (atteint
pour θ = 0,99) de 0,5 unités pH est ainsi constaté entre ce pH et celui prévu par CORMED.
On remarque par ailleurs, tout comme précédemment (Figs. 6.13-6.14), que l'écart entre les
Chapitre VI: Modélisation des phénomènes physico-chimiques se déroulant durant la corrosion des aciers 169
en milieu confiné contenant du CO2 dissous
prévisions thermodynamiques et les prévisions cinétiques diminue lorsque θ augmente (et
donc que la vitesse de corrosion diminue (Fig. 6.17)).
7,0 (a)
6,5 (b)
6,0 (c)
5,5 (d)
pH
5,0
(a) θ=0
(e) = (f)
(b) θ = 0,5
4,5
(c) θ = 0,9
(d) θ = 0,99
4,0 (e) θ=1
(f) CORMED
0,1 1 10 100
PCO2 (bar)
Fig. 6.16: Evolution du PH avec la pression partielle de CO2 pour différentes valeurs de θ ; V/S =
0,03 cm ; kprec calculée suivant l’expression proposée par la ref. [VanH1].
(b)
10
(c)
(d)
0,1
0,1 1 10 100
PCO2 (bar)
Fig. 6.17: Evolution de la vitesse de corrosion avec la pression partielle de CO2 pour différentes
valeurs de θ ; V/S = 0,03 cm ; kprec calculée suivant l’expression proposée par la ref. [VanH1].
Parallèlement à ces valeurs élevées du pH (Fig. 6.16), on observe sur la figure 6.17 que les
vitesses de corrosion restent relativement faibles dans toute la gamme des pressions étudiées.
Chapitre VI: Modélisation des phénomènes physico-chimiques se déroulant durant la corrosion des aciers 170
en milieu confiné contenant du CO2 dissous
Dans le cas d'une électrode bloquée à 90 % (courbe c sur la figure 6.17), la vitesse de
corrosion calculée est ainsi inférieure à 10 µm / an entre 0,1 et 100 bars de CO2.
Comme ce fut déjà rapporté plus haut, le paramètre physique kprec est difficile à évaluer. Afin
d'étudier la sensibilité du modèle vis-à-vis de la valeur incertaine de ce paramètre d'entrée, le
pH et la vitesse de corrosion ont été calculés pour différentes valeurs de kprec en fonction du
rapport V/S. Des résultats représentatifs de cette étude, obtenus en considérant une pression
partielle de CO2 de 1 bar et un taux de blocage de l'électrode égal à 0,9, sont présentés sur les
figures 6.18 et 6.19.
7,25 2
(a) (a) kprec = 10 (b) kprec = 10
3 4
7,00 (c) kprec = 10 (d) kprec = 10
5 6
(b) (e) kprec = 10 (f) kprec = 10
6,75 (g) CORMED
6,50 (c)
6,25
pH
(d)
6,00
(e)
5,75
5,50 (f)
(g)
5,25
1E-3 0,01 0,1 1 10 100 1000
e = V/S (cm)
Fig. 6.18: Evolution du pH avec le rapport V/S à 20°C pour différentes valeurs de kprec
; PCO2 = 1 bar ; θ = 0,9
(f)
10
(e)
vitesse de corrosion (µm/an)
(d)
(c)
(a) kprec = 10
2
(b) kprec = 10
(b) 3
(c) kprec = 10
1 (d) kprec = 10
4
5
(a) (e) kprec = 10
6
(f) kprec = 10
Chapitre VI: Modélisation des phénomènes physico-chimiques se déroulant durant la corrosion des aciers 171
en milieu confiné contenant du CO2 dissous
Fig. 6.19: Evolution de la vitesse de corrosion de l’acier avec le rapport V/S à 20°C pour différentes
valeurs de kprec ; PCO2 = 1 bar ; θ = 0,9
Nous remarquons (Fig. 6.19) que les vitesses de corrosion varient relativement peu avec la
valeur du paramètre kprec. Une variation maximale d'un ordre de grandeur est ainsi obtenue
dans la gamme de valeurs de kprec explorée (10 ≤ kprec ≤ 106 cm3.mol-1.s-1). Dans cette gamme,
les vitesses de corrosion restent donc faibles (inférieures à 10 µm / an en milieu confiné) dans
les conditions considérées (PCO2 = 1 bar ; θ = 0,9).
Le pH (Fig. 6.18) varie quant à lui assez sensiblement avec la valeur de kprec. Pour un rapport
V/S fixé, des écarts de pH supérieurs à 1 unité sont ainsi observés lorsque la valeur de cette
constante passe de 10 à 106 cm3.mol-1.s-1. Ce résultat démontre ainsi que l'incertitude existant
sur la valeur exacte de kprec peut induire une incertitude assez conséquente sur la valeur du pH
estimée à l'aide du modèle. Quelle que soit la valeur adoptée pour kprec, on notera cependant
que le pH calculé (Fig. 6.18) demeure nettement supérieur à celui prévu par la
thermodynamique. Par ailleurs, pour la valeur de référence retenue pour kprec dans ce travail
(cf. annexe A.5 pour la version non expurgée de ce mémoire), nous verrons plus loin (Fig.
6.20) que les pH prévus par le modèle cinétique sont en bon accord avec les pH constatés en
conditions réelles.
La sensibilité du modèle aux valeurs (mieux connues que celle de kprec) des constantes k1 et k2
(cf. Tab. 6.3) a également été étudiée au cours de ce travail. Aucune influence de ces valeurs
sur les différentes quantités calculées (icorr, pH, concentration en Fe(II)) n'a pu être détectée en
faisant varier celles-ci sur quatre ordres de grandeur. Ceci démontre bien, en accord avec la
littérature [John1, VanH1], que c'est la lenteur de la cinétique de la réaction de précipitation
de la sidérite (II.V) (et donc la faible valeur de kprec) qui est à l'origine des phénomènes de
sursaturation (pH et concentrations en Fe(II) élevés) observés durant la corrosion des aciers en
présence de CO2 dissous.
Finalement, l'analyse qualitative des résultats précédents (Figs. 6.13 à 6.19) permet
d'expliquer de nombreux phénomènes, jusque là mal compris, observés durant la corrosion
des aciers en milieu confiné contenant CO2 dissous. Ainsi, les pH élevés, les faibles vitesses
de corrosion ainsi que les phénomènes de sursaturation en Fe(II) fréquemment associés à de
tels milieux peuvent être prévus à l'aide de l'approche cinétique proposée. Cette approche
permet également d'expliquer les tendances observées empiriquement avec l'évolution du taux
de confinement: lorsque le rapport V/S diminue, le pH et la concentration en Fe(II) dissous
augmentent tandis que la vitesse de corrosion diminue. Ces phénomènes, exacerbés par le
Chapitre VI: Modélisation des phénomènes physico-chimiques se déroulant durant la corrosion des aciers 172
en milieu confiné contenant du CO2 dissous
confinement, ne sont finalement qu'une conséquence de la faible vitesse de précipitation de la
sidérite.
Au-delà de ces aspects qualitatifs, le modèle proposé a cependant vocation à être appliqué à
des fins de prédiction dans l'annulaire des conduites pétrolières flexibles. L'amélioration des
prévisions du pH dans l'annulaire est ainsi particulièrement visée. Afin d’étudier cette
possibilité, la représentativité du modèle a été évaluée. En complément de la figure 6.13, les
pH prévus par le modèle ont donc été comparés (Fig. 6.20) à ceux obtenus expérimentalement
dans différents cas issus des études menées par Technip à 20°C. Ces cas, au nombre de huit
(cas 1 à cas 8 ; Fig. 6.20), couvrent une large gamme de pression partielle de CO2 (0,1 à 10
bar) et de taux de confinement (0,03 à 5 mL.cm-2). L'incertitude existant sur les pH
expérimentaux reportés sur la figure 6.20 résulte à la fois de l'incertitude existant sur la
mesure réalisée avec une électrode de verre et des fluctuations temporelles des pH relevés au
cours de l'immersion de l'acier. Dans le cas des calculs théoriques, la valeur expérimentale du
paramètre θ n'étant pas connue, les pH ont été calculés dans chacun des cas en considérant θ
compris entre 0 et 0,9. A titre de comparaison, le pH thermodynamique de saturation prévu
par CORMED dans chacun de ces cas est également reporté sur la figure 6.20.
7,0
CO2 0.1 bar
CO2 1 bar
V/S = 1,4 cm
V/S = 0,03 cm
CO2 1 bar
V/S = 1 cm CO2 1 bar
5,5
V/S = 5 cm
5,0
Expérience
Modèle (0 < θ < 0.9)
pH de saturation CORMED
4,5
1 2 3 4 5 6 7 8
Cas n°
Fig. 6.20: Comparaison entre les pH expérimentaux, les pH calculés à partir du modèle cinétique et
les pH de saturation prévus par CORMED pour différents cas extraits de la littérature à 20°C
(PCO2 comprises entre 0,1 et 10 bar, V/S compris entre 0,03 et 5 mL.cm-2).
Chapitre VI: Modélisation des phénomènes physico-chimiques se déroulant durant la corrosion des aciers 173
en milieu confiné contenant du CO2 dissous
Une grande cohérence est obtenue entre les prévisions du modèle cinétique et les pH mesurés
expérimentalement dans les différents cas rapportés sur la figure 6.20. L'expérience révèle en
revanche que les prévisions thermodynamiques sous-estiment systématiquement les pH en
milieu confiné. En comparaison des modèles thermodynamiques plus classiques, la figure
6.20 illustre donc bien l'amélioration apportée par le modèle cinétique développé au cours de
cette thèse pour la prévision des pH en milieu confiné contenant du CO2 dissous. Aucune
procédure d'ajustement n'ayant été utilisée afin d'obtenir cet accord entre modèle et
expérience, cette figure démontre également la possibilité d'utiliser le modèle proposé à des
fins prédictives dans le cas de l'annulaire des conduites pétrolières flexibles. Une telle
utilisation nécessitera cependant vraisemblablement une calibration et un ajustement plus
précis des constantes utilisées dans le modèle (cf. annexe A.5 pour la version non expurgée de
ce mémoire).
Un modèle cinétique simple a été développé afin de décrire la situation rencontrée lors de la
corrosion des aciers en milieu confiné contenant CO2 dissous. En soulignant les limites
d'utilisation des modèles thermodynamiques en milieu confiné, ce modèle explique
qualitativement les phénomènes de sursaturation couramment observés dans ce type de
milieu. Il permet également de mettre en évidence les liens théoriques qui unissent le pH, la
vitesse de corrosion et le rapport V/S en milieu confiné. En bon accord avec l'expérience, les
prévisions de ce modèle sont susceptibles de s'appliquer dans un futur proche au cas
rencontrés dans l'annulaire des conduites pétrolières flexibles.
D'un principe très général, ce modèle pourra également être adapté à la description d'autres
situations de corrosion en milieu confiné. Dans le contexte pétrolier et gazier dans lequel
s’inscrit cette étude, ce modèle sera par exemple amené à évoluer très prochainement afin de
permettre la prise en compte d’une éventuelle présence de H2S dans la phase gazeuse en
contact de l'électrolyte confinée.
Chapitre VI: Modélisation des phénomènes physico-chimiques se déroulant durant la corrosion des aciers 174
en milieu confiné contenant du CO2 dissous
VI.3 Conclusion de la partie VI
La réaction de réduction du proton a été étudiée en solution désaérée contenant CO2 dissous.
Cette étude a mis en évidence, en accord avec la littérature, l'existence d'une contribution du
CO2 dissous dans cette réaction. Cette contribution, limitée par une étape de nature chimique,
a pour effet d'augmenter le courant cathodique en comparaison de celui mesuré dans une
solution d'acide fort de même pH. Elle est attribuée à l'effet tampon induit par la présence de
CO2 dissous. Cet effet a été modélisé et les résultats obtenus permettent d'expliquer
quantitativement le comportement cathodique observé sur une électrode à disque tournant en
acier. Les mesures de pH interfacial réalisées lors de la polarisation cathodique d'une grille
d'or confirment la prédominance de cet effet sur l'hypothétique déroulement de réactions
cathodiques supplémentaires impliquant une déprotonation directe d'espèces carbonées à
l'électrode.
Suite à cette étude préalable, un modèle cinétique plus global, prenant en compte comme
unique réaction cathodique la réaction de réduction des protons, a été développé afin de
décrire les phénomènes de corrosion observés en milieu confiné contenant CO2 dissous. Ce
modèle permet, contrairement aux modèles thermodynamiques, d'expliquer la dépendance
empirique des concentrations des espèces dissoutes au taux de confinement dans ce type de
milieu. Il prévoit également les pH élevés, les vitesses de corrosion faibles et les facteurs de
sursaturation importants observés en milieu confiné en comparaison de ceux relevés en plein
bain. Il est également en bon accord quantitatif avec l'expérience. Par rapport aux prévisions
actuellement fournies par les modèles classiques qui ne tiennent pas compte du confinement,
celles fournies par ce modèle permettent une description plus réaliste des caractéristiques
physico-chimiques des milieux confinés contenant du CO2 dissous. Ce modèle pourra ainsi
s'appliquer à la prévision de ces caractéristiques dans le cas concret de l'annulaire des
conduites pétrolières flexibles.
Chapitre VI: Modélisation des phénomènes physico-chimiques se déroulant durant la corrosion des aciers 175
en milieu confiné contenant du CO2 dissous
Chapitre VI: Modélisation des phénomènes physico-chimiques se déroulant durant la corrosion des aciers 176
en milieu confiné contenant du CO2 dissous
Conclusion générale et perspectives
La corrosion d'un acier faiblement allié a été étudiée en milieu confiné contenant du CO2
dissous.
Pour rendre possible une telle étude, un dispositif expérimental adapté a tout d'abord été
développé puis validé. Cette cellule à couche mince cylindrique, comportant un système
d'apport de gaz, permet de simuler le cas d'une électrode recouverte d'un film mince de
liquide exposée à une atmosphère gazeuse. Une méthode appelée « méthode des courbes
d’approche multiples », basée sur des mesures d’impédance à hautes fréquences (mesures de
résistance d’électrolyte), a également été proposée afin de contrôler de façon très précise la
géométrie du film de liquide recouvrant l'électrode. A l'aide de cette méthodologie
expérimentale, des épaisseurs de film inférieures à 50 µm ont pu être atteintes avec une
précision de ± 5 µm tandis que l'efficacité du système d'apport de gaz a été prouvée.
L'étude d'un système modèle (ferri-ferrocyanure de potassium, électrode de platine) a ensuite
démontré que l'impédance électrochimique mesurée dans la cellule à couche mince présentait
certaines spécificités. Cette impédance peut ainsi être largement influencée par des effets de
distribution radiale de potentiel induits par la chute ohmique. En très basse fréquence
(fréquences inférieures au millihertz), une contribution du transport radial de matière a
également été identifiée pour la première fois à notre connaissance sur une électrode de
grande taille (plusieurs millimètres de diamètre). La distribution radiale de potentiel existant
dans la cellule a été modélisée à l'aide d'un modèle de type ligne de transmission (modèle
LT). Une modélisation numérique adaptée de celle proposée précédemment par Gabrielli et
coll. [Gabi2] sur microélectrode a quant à elle permis de décrire de façon très satisfaisante
l'effet de transport de matière observé en très basse fréquence.
Les résultats obtenus sur le système modèle ont ensuite été appliqués au cas de la corrosion
d'un acier faiblement allié en milieu confiné contenant du CO2 dissous. La déformation haute
fréquence des diagrammes d'impédance mesurés au potentiel de corrosion de l’acier ainsi que
l'augmentation du module de l'impédance immédiatement après immersion ont ainsi pu être
complètement expliquée à l'aide du modèle LT. Par ailleurs, ces diagrammes d'impédance,
comportant une boucle capacitive haute fréquence suivie d'une boucle inductive et d'une
boucle capacitive en basse fréquence, ont été attribués sans ambiguïté à l'impédance associée
à la dissolution anodique de l'acier. Bien que l’influence de la valeur de la pression partielle
de CO2 soit visible à basse fréquence, le mécanisme de corrosion de l'acier en présence de
Le caractère corrosif des solutions aqueuses contenant de l’H2S dissous est bien connu de
l’industrie pétrolière. Cependant, si les phénomènes de fragilisation par l’hydrogène et de
corrosion sous contrainte induits par la présence d’H2S ont été largement étudiés [Azev1,
Huan1, Carn1], l’influence de la présence de traces d’H2S (quelques centaines de ppm d'H2S
au maximum en phase gazeuse) sur la corrosion uniforme des aciers en solutions aqueuses
contenant CO2 dissous est en revanche très peu traitée dans la littérature. Les quelques études
disponibles sur le sujet démontrent néanmoins que ces traces peuvent affecter
significativement les cinétiques de corrosion observées.
Faute de temps, l’influence de la présence de traces d’H2S dissous sur la corrosion uniforme
des aciers en présence de CO2 dissous n’a finalement pas été abordée expérimentalement dans
le cadre de ce travail de thèse. Afin de faciliter la compréhension globale de la problématique
rencontrée dans l’annulaire des conduites pétrolières flexibles, il nous semble néanmoins utile
de rappeler succinctement la bibliographie relative à ce sujet.
Dans la présente partie, nous décrirons donc tout d'abord les équilibres thermodynamiques
intervenant dans les solutions contenant de l'H2S. Ensuite, nous passerons en revue la
littérature, peu conséquente, relative à l'influence de faibles concentrations d'H2S sur les
phénomènes de corrosion uniforme en présence de CO2. Enfin, en complément de la partie
II.1.2, nous exposerons de façon simplifiée le principe du calcul du pH thermodynamique
dans les solutions corrosives contenant CO2 et H2S.
Les études relatives à la corrosion des aciers en présence de fortes concentrations d'H2S
sortent du cadre de notre problématique et ne seront donc pas traitées dans la présente partie.
Cette partie a pour objectif de fournir une description thermodynamique simple des différents
processus physico-chimiques qui font intervenir H2S dans une solution aqueuse corrosive.
Dans ce but, une démarche analogue à celle développée dans le chapitre II.1 (dans le cas
d’une eau initialement pure saturée en CO2) est adoptée. Ainsi, nous considérons des solutions
corrosives:
- formées d’une eau désaérée initialement pure contenant de l'H2S dissous (a’) ;
Annexes 181
- contenant des ions Fe(II) produits par la corrosion d'un acier assimilé à du fer pur (b’). On
supposera par ailleurs, sauf mention contraire, les solutions corrosives initialement exemptes
d'ions Fe(II). En première approche, la dissolution de l'acier sera donc considérée comme la
seule source possible d'ions Fe(II) en solution.
- dans un état proche de l’idéalité de sorte que les activités et les concentrations des espèces
dissoutes puissent être confondues (c’).
En supposant également temporairement l'absence de CO2 dissous dans ces solutions, nous
considèrerons que l’hydrogène sulfuré dissous (H2S(diss)), les ions hydrogénosulfure (HS-) , les
ions sulfure (S2-), les ions ferreux (Fe2+), les protons (H+) et les ions hydroxyde (OH-) sont les
seules espèces qu’elles contiennent. L’ensemble des processus non électrochimiques
intervenant au sein de telles solutions est résumé brièvement ci-dessous.
Dissolution de l’H2S
H 2 S ( g ) ⇔ H 2 S ( diss ) (A.I)
Dans le cadre de l'hypothèse (c'), la concentration en H2S dissous selon (A.I) peut s’exprimer
simplement selon la loi de Henry (A.1) :
c H 2 S( diss ) = H H 2 S ⋅ PH 2 S (A.1)
en H2S dissous et PH2S (bar) la pression partielle de H2S dans la phase gaz .
La constante de Henry HH2S relative à l’équilibre de dissolution de H2S est de l'ordre de 100
mmol.L-1.bar-1 à température ambiante [Caro1]. La valeur de cette constante est donc environ
trois fois supérieure à celle relative à l’équilibre de dissolution du CO2 (réaction (II.1) ; cf.
partie II.1.1).
Annexes 182
Dissociations acides de l’H2S
H 2 S ( diss ) ⇔ HS − + H + (A.II)
−
puis HS ⇔ S 2− + H + (A.III)
Les constantes d’équilibres K’a1 et K’a2 (mol.cm-3) associées aux réactions (A.II) et (A.III)
s’expriment respectivement selon
c HS − ⋅ c H +
K' a1 = (A.2)
c H 2 S ( diss )
cS 2− ⋅ c H +
K ' a2 = (A.3)
c HS −
avec c HS − et c S 2 − (mol.cm-3) les concentrations respectives des ions hydrosulfures et des ions
La valeur de la constante d’acidité pK’a1 ( − log( K ' a1 ) ) rapportée dans la littérature est
de 15,19 selon Roberts et Tremaine [Robe1] tandis qu’elle est de 11,96 d’après Morris et coll.
[Morr1, CRC1]. Quoiqu'il en soit, il apparaît cependant que la réaction (A.III) pourra être
négligée en présence d'H2S dissous (pH acide) du fait de la différence notable qui existe entre
les valeurs de pK’a1 et pK’a2.
Annexes 183
H2S étant plus soluble mais moins acide que CO2, on pourra finalement retenir que le pH
d'une solution saturée en H2S est très similaire à celui qui serait obtenu en saturant cette même
solution avec CO2 (voir la partie A.1.3 pour le principe des calculs du pH thermodynamique).
Alors qu’il n’existe qu’un seul carbonate de fer (la sidérite FeCO3), il existe une grande
variété de sulfures de fer [Marc1, Poin1]. D'après Marchal [Marc1], cette diversité peut être
résumée à l'aide du tableau suivant (Tab. A.1).
* autres noms : kansite, hydrotroïlite, ** forme non naturelle, *** autre nom : melnikovite
**** 0 ≤ x ≤ 0,07 selon Mullet et coll. [65].
Selon Nesic et coll. [Nesi16], en présence de CO2 et de H2S, la nature des produits de
corrosion qui se forment à la surface des aciers dépend essentiellement de la teneur en H2S du
mélange et de la température. Ces auteurs résument ainsi la situation rencontrée dans les eaux
de production pétrolière à l'aide de la figure suivante (Fig. A.1).
Annexes 184
FeS cubique
Temperature
Pyrrhotite
FeCO3
Pyrite
Mackinawite
Fe2+
log(H2S)
Fig. A.1 : Produits de corrosion des aciers formés dans les eaux de production pétrolière d’après
Nesic [Nesi16]
Fe 2+ + HS − ⇔ FeS + H + (A.IV)
Annexes 185
La valeur de la constante pK’s ( − log( K' s ) ) est de 3 environ à température ambiante [Davi2,
Wolt1]. La valeur de constante varie bien évidemment, tout comme celles de pK ' a1 et pK ' a2 ,
Tout comme CO2, H2S est un gaz acide. Par conséquent, en présence de ce gaz dissous, les
mécanismes classiques de corrosion des aciers en milieu acide sont susceptibles de s'appliquer
(cf. II.2.1.a et II.2.2.a). Cependant, de façon analogue à ce qui est observé en présence de CO2
dissous (cf. II.2.1.b), il est fréquemment rapporté que le courant cathodique mesuré en
présence d'H2S dissous est supérieur à celui mesuré à pH égal en son absence [Morr1]. De
nombreux auteurs [Shoe1, Morr1, Nesi16] considèrent ainsi que H2S peut réagir directement
cathodiquement à une électrode d'acier selon
Fe + 2 H 2 S + 2e − → FeS + H 2 + 2 HS − (A.V)
−
Fe + H 2 S → FeSH ads + H + (A.VI)
−
FeSH ads → FeSH ads + e − (A.VII)
+
FeSH ads → FeSH ads + e − (A.VIII)
En fait, au-delà des aspects purement cinétiques et encore très mal connus développés plus
haut, de nombreux auteurs considèrent que c'est la nature des films de corrosion présents à la
surface des aciers qui détermine essentiellement les vitesses de corrosion de ces derniers en
Annexes 186
milieu CO2 / H2S. Ainsi, pour de faibles teneurs en H2S, il est très fréquemment admis que la
formation de films de mackinawite peut inhiber ces vitesses [Matt5, Nesi16, 14, 18]. Cet effet
d'inhibition est généralement attribué à un blocage de la surface active de l'acier et à un
ralentissement du transport de matière au voisinage de cette dernière [Nesi18]. Il a été
constaté par Nesic et coll. pour des concentrations en H2S comprises entre 4 et 500 ppm
[Nesi16, 14, 18]. Accentué aux très faibles concentrations en H2S, cet effet peut diminuer,
dans certains cas, les vitesses de corrosion de deux ordres de grandeur [Nesi16].
Par contre, pour un mélange contenant 0,1 bar d'H2S et 0,9 bar de CO2, un effet d'accélération
des vitesses de corrosion a été observé par Taravel-Condat et coll. en milieu confiné [Tara1].
Dans ce cas, des vitesses de corrosion de l'ordre de 25 µm/an, soit environ deux fois
supérieures à celles obtenues en l'absence d'H2S, ont ainsi été mesurées dans l'annulaire d'une
conduite pétrolière flexible, à 20 °C.
Bien que l'influence de la présence de trace d'H2S n'ait pas été réellement étudiée au cours de
cette thèse, nous retiendrons ainsi de l'analyse bibliographique précédente que la présence de
telles traces semble susceptible d'affecter significativement les vitesses de corrosion uniforme
des aciers en présence de CO2 dissous. Dans le futur, les résultats apportés dans les chapitre V
et VI de ce manuscrit pourront donc être reconsidérés selon cette perspective dans le cas des
mélanges gazeux contenant CO2 et H2S.
Annexes 187
Dans le cadre de ces hypothèses, nous traiterons successivement le cas d'une solution
contenant H2S uniquement et le cas d'une solution contenant à la fois CO2 et H2S.
Cas d’une solution non saturée contenant H2S mais exempte de CO2, présentant une
concentration en Fe2+ négligeable
Par ailleurs, en utilisant les relations (A.1) et (A.2), la concentration des ions
hydrogénosulfure peut s’exprimer en fonction de la concentration en protons et de la pression
partielle de H2S selon
K ' a1 ⋅c H 2 S( diss ) K ' a1 ⋅ H H 2 S ⋅ PH 2 S K'
c HS − = = = (A.6)
cH + cH + cH +
Dans ce type de solution, le pH peut donc s'exprimer finalement (à partir de A.7) selon
1
pH = pK ' (A.8)
2
Dans ce cas, la présence d’ions Fe2+ en solution doit bien entendue être prise en compte. La
relation d’électroneutralité s’exprime selon (A.9) et la relation (A.6) continue de s’appliquer.
c H + + 2c Fe 2 + = c HS − (A.9)
Annexes 188
A partir des relations (A.4) et (A.6), la concentration des ions Fe2+ s’exprime en fonction de la
concentration en protons et de la pression partielle de H2S selon
K ' s ⋅c H + K ' s ⋅c H +
2
c Fe 2 + = = (A.10)
c HS − K'
K ' s ⋅c H +
2
K'
cH + + 2 = (A.11)
K' cH +
Ou encore
K '⋅c H + + 2 K ' s ⋅c H + = K ' 2
2 3
(A.12)
Le pH de la solution est alors obtenu en fonction de la pression partielle de H2S par résolution
de l’équation (A.12). La valeur de ce pH est supérieure à celle calculée en l'absence de
précipitation à l'aide de l'équation (A.8). A titre d'exemple, selon le logiciel CORMED, dans
le cas d'une eau de condensation exposée à 1 bar de H2S, le pH d'une solution non saturée (Eq.
(A.8)) est égal à 4 à 20° C tandis que celui d'une solution saturée (Eq. (A.12)) est égal à 4,41
dans les mêmes conditions. Cet exemple illustre bien le fait que le pH d'équilibre des
solutions saturées en Mackinawite est généralement bien inférieur à celui des solutions
saturées en Sidérite. Sous 1 bar de CO2, le pH de saturation en sidérite d'une eau de
condensation est en effet de 5,3 d'après CORMED (cf. partie II.1).
Cas d’une solution non saturée Fe2+, exempte de CO2 et présentant une concentration
en Fe2+ non négligeable
Dans ce cas, les relations (A.6) et (A.9) continuent de s'appliquer. A partir de ces deux
relations, on obtient alors l'équation (A.13) qui permet de calculer le pH en fonction de la
concentration en Fe(II) dissous et la pression partielle de H2S dans ce type de solution.
c H + + 2c Fe 2 + ⋅ c H + = K '
2
(A.13)
Annexes 189
D’un point de vue qualitatif, on retiendra que le pH obtenu dans ce cas a une valeur comprise
entre le pH d’une solution non saturée exempte de Fe2+ et le pH plus élevé d’une solution
saturée en mackinawite. La valeur du pH de ce type de solution augmente par ailleurs avec la
concentration en Fe2+ de la solution. A titre d'exemple, à 20°C, en considérant PH 2 S = 1 bar,
La présence simultanée de CO2 et H2S en solution constitue la situation la plus générale qui
puisse être rencontrée dans le cadre des hypothèses définies en introduction de la partie A.1.3.
Cette situation est traitée dans la présente partie.
Cas d’une solution non saturée contenant CO2 et H2S, présentant une concentration en Fe2+
négligeable
En utilisant les relations (II.9) et (A.16), la relation (A.14) peut se réécrire selon
c H + = K a1 ⋅ H CO2 ⋅ PCO 2 + K '
2
(II.15)
Le pH de la solution corrosive est alors obtenu ici en fonction de la pression partielle de H2S
et de CO2 par résolution de l’équation (A.15).
Cas d’une solution non saturée contenant CO2 et H2S, présentant une concentration en Fe2+
non négligeable
Annexes 190
A l'aide des relations (II.9) et (A.16), la relation (A.16) peut s'exprimer de manière alternative
selon
2
c H + + 2c H + ⋅ c Fe 2 + = K a1 ⋅ H CO2 ⋅ PCO 2 + K' (A.17)
Cette équation (A.17) constitue alors l'équation à résoudre pour calculer le pH dans ce type de
solution en fonction de la concentration en Fe(II) et des pressions partielles de H2S et de CO2.
Le problème est dans ce cas de déterminer quel solide précipite. En effet, lorsque l’équilibre
de précipitation du plus stable des deux précipités est atteint en solution, l’état du système est
alors fixé par les relations d’équilibres de sorte que le second solide potentiellement
précipitable ne sera pas formé. Pour déterminer cet état d’équilibre, on fera successivement
l’hypothèse que c’est la mackinawite qui précipite puis l’hypothèse que c’est la sidérite qui
est formée. Le solide le plus stable sera celui qui précipite au pH le plus faible.
Dans les deux cas (précipitation de la sidérite ou précipitation de la mackinawite), la relation
d’électroneutralité s’écrit
2 ⋅ c Fe 2 + + c H + = c HCO − + c HS − (A.18)
3
• Supposons que la sidérite précipite. Les relations (II.9) et (II.16) s’appliquent alors (cf.
partie II.1). Du fait de la présence de H2S, la relation (A.16) s'applique également. A l'aide de
ces trois relations ((II.9) (II.16) et (A.16)), l’équation (A.19) est obtenue a partir de (II.48).
K s ⋅ cH +
3
• En supposant que c’est la mackinawite qui précipite, on a alors les relations (II.9) (A.14) et
(A.16) qui s'appliquent. Dans ces conditions, la relation d'électroneutralité (A.19) peut se
réécrire selon (A.20).
K ' s ⋅c H +
3
Annexes 191
Le pH de la solution est alors égal au minimum des pH calculés à l'aide respectivement des
équations (A.19) et (A.20). Si ce pH correspond à celui calculé à partir de l'équation (A.19), le
solide thermodynamiquement stable est la sidérite. Dans le cas contraire, il s'agit de la
mackinawite.
En pratique, la précipitation de sidérite en présence d’H2S ne sera possible que pour de très
faibles pressions partielles d’H2S. L’approche thermodynamique développée ci-dessus
possède donc ses limites puisque qu’expérimentalement l’observation de dépôt mixte FeCO3-
FeS est tout a fait possible [Nesi13]. Ceci s’explique bien évidemment par le fait qu'en réalité
les vitesses des réactions de précipitations sont limitées cinétiquement.
Par ailleurs, on notera que l'ensemble des calculs rapportés dans cette partie a été réalisé en
supposant tous les ions Fe2+ présents en solution issus de la dissolution anodique de l'acier.
Dans des solutions corrosives contenant des ions ferreux non issus de cette dissolution
anodique, un traitement plus général et différent de celui développé précédemment (Eqs.
(A.9) à (A.20)) devra être adopté [Boni1]. Dans de telles solutions, les pH calculés sont
inférieurs à ceux obtenus pour la même concentration en Fe(II) dissous lorsque la totalité des
ions Fe(II) présents en solution a été produite par la corrosion de l'acier.
Il est apparu dans cette partie que la présence d'H2S dissous est susceptible de modifier
largement les cinétiques de corrosion des aciers en présence de CO2 dissous. Cet effet tient à
une modification des cinétiques des réactions électrochimiques (anodiques et cathodiques)
intervenant lors de la corrosion selon certains auteurs. Pour de faibles concentrations d'H2S
(inférieures à 500 ppm), il semble cependant largement admis que le développement de
dépôts de mackinawite protecteurs contrôle les vitesses de corrosion des aciers. Dans certains
cas, ces dépôts semblent pouvoir diminuer de deux ordres de grandeur ces vitesses. Pour des
concentrations en H2S plus élevées, une augmentation des vitesses de corrosion semble au
contraire être observée dans les solutions contenant CO2 et H2S [Tara1].
Par ailleurs, le calcul du pH thermodynamique dans les solutions contenant CO2 et H2S a été
rappelé. Il convient cependant de garder à l'esprit que les réactions de précipitation des dépôts
de corrosion sont généralement sous contrôle cinétique. Ainsi, le pH de saturation
thermodynamique apparaît dans de nombreux cas (tels que dans celui des milieux confinés)
comme un pH purement théorique qui n'est pas observé en pratique [Tar1-2, Desa1].
Annexes 192
A.2. Composition de l'acier inoxydable AISI 316 L
éléments C Mn Si P S N Cr Mo Fe
AISI 0,03 2 1 0,045 0,03 10,5- 16-18 2-2,5 complément
316L max max max max max 13
Annexes 193
A.3 Développement de capteur pH à base d'oxyde d'Iridium
Dans le cadre de l’étude de la corrosion des aciers faiblement alliés en milieu confiné, la mise
en œuvre d’un capteur de pH possède un intérêt évident. En effet, les phénomènes de
corrosion sont très sensibles au pH et sont également susceptibles de faire évoluer celui-ci. Le
suivi du pH durant les expériences de corrosion sous confinement apparaît donc comme un
élément important pour la compréhension des phénomènes se déroulant dans ces conditions
particulières.
La sensibilité au pH des couches d’oxydes d’Iridium (IrOx) a été mis en évidence par de
nombreux auteurs [Ardi1, Burk1]. Même si la nature complexe de ces couches rend
l’interprétation des phénomènes difficile, différents mécanismes expliquant la variation du
potentiel libre de l’IrOx avec le pH ont été proposés à ce jour [Ardi1, Burk1, Mozo1, Conw1].
D’un point de vue pratique, la possibilité de réaliser des micro-capteurs de pH à base d’IrOx
est également reportée dans la littérature [Marz1, Wipf1]. Dans la perspective d’une
intégration dans la cellule à couche mince, un micro-capteur de pH de ce type a été
développé. Peu encombrant, ce type de capteur présente en effet comme grand avantage une
solidité bien supérieure à celle des micro-électrodes de verre commerciales. Les résultats
relatifs au développement, lors de ce travail de thèse, de ces capteurs sont l’objet de la
présente partie.
Parmi les très nombreuses voies de synthèse de couche d’oxyde d’iridium décrites dans la
littérature [Peti1, Mail1, Kreid1, Kahk1, Wang1], la méthode d’électrodéposition anodique
proposée initialement par Yamanaka [Yama1] a été retenue. A l’aide de cette méthode, des
dépôts d’IrOx ont été réalisés sur des microélectrodes de platine fabriquées au laboratoire. Le
protocole complet de fabrication des capteurs est décrit ci-dessous.
Un capillaire de verre (diamètre extérieur 2 mm, longueur 7,5 cm) est prélevé à l'extrémité
d’une pipette pasteur. A l’aide d’un bec Bunsen, un fil de Pt (diamètre 100 µm, longueur de 1
cm environ) est ensuite scellé à l’extrémité du capillaire. Ce dernier est alors partiellement
rempli par un alliage liquide conducteur In-Ga. Un fil de cuivre étamé qui sert de contact vers
le circuit extérieur (diamètre 1 mm, longueur 9 cm) est ensuite introduit dans le capillaire.
Annexes 194
L’étanchéité de l’électrode est assurée à l’aide de colle Cyanolit qui est ensuite séchée à l’air
durant 24 h à température ambiante. Avant utilisation, l’électrode est polie successivement à
l’aide de papiers abrasifs 2400 et 4000, puis nettoyée aux ultrasons durant 15 min dans un
bain d’eau distillée.
Les solutions de dépôt ont été préparées suivant le protocole décrit par Marzouk et coll.
[Marz1]. La méthode consiste tout d’abord à dissoudre 0,075g de tetrachlorure d’iridium
(Aldrich) dans 50 mL d’eau bi-distillée. Cette solution est alors mise sous agitation à l’aide
d’un barreau aimanté durant trente minutes. 0,5 mL H2O2 30% (Merck) sont alors introduits
dans la solution. Après dix minutes d’agitation supplémentaires, on ajoute 0,25 g d’acide
oxalique (Carlo Erba) dans la solution. Au terme de cette opération, la solution est encore
maintenue sous agitation durant dix minutes. Le pH de la solution est enfin ajusté à 10,5 par
des ajouts successifs de K2CO3 (Aldrich). Après préparation, la solution est laissée durant une
semaine à température ambiante dans une fiole pour stabilisation.
Plusieurs techniques de dépôts d’IrOx sur platine ont été testées. La méthode qui s’est révélée
la plus efficace à ce jour consiste à appliquer un potentiel anodique de 0,6 V/ECS à la micro-
électrode de platine immergée dans la solution de dépôt. Le dépôt est interrompu lorsqu’une
charge de 0,5 C/cm² a traversé l’interface. Après dépôt, l’électrode est rincée à l’eau
bidistillée puis séchée à l’aide d’un flux d’azote.
Dans certains cas, un film de Nafion a été appliqué à la surface des électrodes après
l’opération de dépôt. Ce film est obtenu en immergeant durant 5 secondes les électrodes dans
une suspension commerciale de Nafion (5 % en masse Aldrich). Cette opération est suivie
d’un séchage à l’air des électrodes durant une heure.
Annexes 195
A.3.2. Caractérisation des dépôts d’IrOx
Afin de vérifier l’efficacité du protocole de dépôt, les électrodes ont été caractérisées
électrochimiquement avant et après l’opération de dépôt d’IrOx. Cette caractérisation
s’effectue au moyen d’un cyclage voltampérométrique dans de l’acide sulfurique 0,5 M.
Un exemple typique des résultats obtenus est présenté sur la figure A.2.
1
i (mA/cm²)
-1
-3
E (V/ECS)
Fig. A.2 : Réponse voltampérométrique d’une électrode de Pt avant et après dépôt d’IrOx
dans H2SO4 0,5 M ; Vb = 100 mV/s
Annexes 196
A.3.3. Test des capteurs réalisés
Procédure de test
Afin de tester la sensibilité au pH des capteurs réalisés, le potentiel libre des capteurs est suivi
au cours du temps dans une solution dont le pH est modifié par des ajouts successifs de faibles
quantités de potasse ou d’acide nitrique. Durant toute la durée de l’expérience, le pH de la
solution est suivi en parallèle à l’aide d’un pH-mètre classique (Hanna Instruments HI
931401). Les tests sont conduits dans une solution thermostatée à 25°C, agitée à l’aide d’un
barreau magnétique, et désaérée par un barbotage d’azote. La solution initialement présente
dans la cellule avant le premier ajout de base est une solution d’acide nitrique 10-2 M.
Résultats obtenus
Les résultats obtenus lors du test d’un capteur que nous nommerons capteur 3 (fabriqué selon
le protocole décrit partie A.3.1) sont présentés figure A.3.
500 12
400
Potentiel libre du capteur (mV/ECS)
300
8
200
6
100
0 4
-100
2
-200
0 10 20 30 40 50 60 70 80 90 100 110 120 130 140
t (min)
On observe sur la figure A.3 que le potentiel libre du capteur varie en fonction du pH de la
solution (courbe trait plein). Entre deux ajouts d’acide ou de base, le potentiel du capteur est
relativement stable à l’échelle de la durée de l’expérience. De plus, les variations du potentiel
de l’électrode semblent corrélées aux variations de pH de la solution.
Annexes 197
Afin de vérifier cette corrélation, les courbes représentant l’évolution du potentiel libre de
l’électrode en fonction du pH respectivement lors de la phase d’ajout de base (pH croissants)
et lors de la phase d’ajout d’acide (pH décroissants) ont été tracées. Ces courbes d’étalonnage
sont présentées sur la figure A.4 suivante.
500 pH croissants
pH décroisants
Potentiel libre du capteur (mV/ECS)
400
300
200
100
Fig. A.4 : Courbes d’étalonnage du capteur du pH obtenues lors du test et régressions linéaires
associées ; pH croissants ( O ; ⎯ ), pH décroissants ( □ ; ⎯ )
L’étude qui a été menée prouve la faisabilité de micro-capteurs de pH utilisant l’IrOx comme
matériau sensible au pH. En l'absence d'ions interférents, ces capteurs présentent une très
bonne linéarité toute la gamme de pH explorée (pH compris entre 2 et 12). De plus, dans la
gamme de pH attendue lors de la corrosion sous confinement des aciers en présence de CO2
(pH compris entre 4 et 6), les temps de réponse de ces capteurs sont généralement inférieurs à
Annexes 198
la minute. Ces capteurs constituent donc une voie prometteuse en vue de la mesure du pH
dans la cellule à couche mince.
Cependant, en présence d'ions Fe2+ dissous, les capteurs décrits dans la présente annexe se
sont révélés non fonctionnels. Par ailleurs, une dérive non reproductible du potentiel des
capteurs a également été constatée lors des mesures réalisées sur plusieurs jours d'immersion.
Ces faiblesses rendent les capteurs développés inadaptés à l'heure actuelle pour une utilisation
lors d'expériences de corrosion en présence de gaz acides dans la cellule à couche mince
présentée dans le chapitre III. Le développement ou tout au moins l'approvisionnement de
capteurs de pH fiables dans un tel environnements corrosif demeure donc une perspective
importante à l'issue de ce travail de thèse.
Annexes 199
A.4. Composition de l'acier FM 35
Eléments % C Mn Si P S Fe
FM 35 0,3-0,4 0,5-0,8 0,1-0,35 0,08 max 0,055 max complément
Annexes 200
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209
Résumé : L'annulaire des conduites pétrolières flexibles est un espace confiné entre deux
gaines polymère qui peut contenir de l'eau et du CO2. Il présente un rapport V/S entre le
volume d'électrolyte et la surface d'acier exposée généralement compris entre 0,01 et 0,06 mL
cm-2. Dans ce type d’environnement confiné, le pH est relativement élevé tandis que les
vitesses de corrosion sont très faibles par rapport à la situation rencontrée en plein bain. Afin
d'étudier cet effet de confinement, une cellule à couche mince originale a été développée et
validée. Celle-ci comprend un système d’apport de gaz et un dispositif de contrôle du
positionnement. Les effets de la chute ohmique ont ensuite été modélisés à l'aide d'une ligne
de transmission afin de calculer l'impédance dans cette cellule. A partir de ce modèle, les
impédances mesurées lors de la corrosion d'un acier faiblement allié recouvert d’un film
mince d’électrolyte contenant du CO2 dissous ont été analysées. La diminution des vitesses de
corrosion en milieu confiné est attribuée à un blocage de la surface active de l'acier par un
film de sidérite isolant. Un modèle de corrosion tenant compte de ce blocage ainsi que de
l'effet tampon induit par la présence de CO2 dissous a été développé. Les prévisions
théoriques sont en bon accord avec les observations expérimentales à l'état stationnaire.
Mots clés: CO2, corrosion, confinement, cellule à couche mince, impédance, conduites
flexibles
Abstract : The annulus of flexible pipelines is a space confined between two polymer sheaths
which contains CO2. It exhibits a V/S ratio between the electrolyte volume and the exposed
steel surface typically ranged between 0.01 and 0.06 mL.cm-2. In such confined environments,
pH is rather high and corrosion rates are very low in comparison with bulk conditions. In
order to investigate this confinement effect, an adapted thin layer cell including a gas supply
system and a positioning control device was developed. Then, ohmic drop effects were
modeled using a transmission line to calculate the impedance measured in this cell. Thanks to
this model, impedance diagrams obtained during the corrosion of a low alloy steel covered by
thin electrolyte films containing dissolved CO2 were analyzed. The decrease of the corrosion
rates in confined environments was ascribed to an active surface coverage induced by the
precipitation of an insulating siderite film. A corrosion model taking into account this surface
coverage and the buffering effect induced by the presence of dissolved CO2 was developed.
Model predictions are in fair agreement with experimental observations at steady state.
Keywords: CO2 corrosion, confinement, thin layer cell, impedance, flexible pipelines