Les Dieux Et Le Rois PDF
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Les Dieux Et Le Rois PDF
de l'Académie françaisc
LES
DIEUX
ET LES
ROIS
l?egarJs sur le pouvoir créateur
HACHETTE
DU MÊME AUTEUR
Des Sciences physiques aux Sciences morales (Introduction
ii l'étude de la morale et de l'économie politique ration·
nelles), 1922 P.U.F., traduction anglaise (1929).
1. Ibid., p. 75.
2. Ibid., p. 100.
3. Ibid., pp. 18-19.
18 LES DIEUX ET LES ROIS
d'action dans mille phénomènes. [ ... ] La théorie de
Bohr est venue ensuite montrer que si les atomes de la
matière sont dans un état stable, c'est à cause du c~rac
tère des mouvements corpusculaires intra-atomiques.
Dès lors, nous avons su que la stabilité de la matière
et son existence même reposaient sur les quanta 1. » .•.
« L'intervention des quanta a conduit à introduire par-
tout le discontinu dans la physique atomique 2. »
Des constatations analogues s'imposent également
pour les formes inférieures de la vie : « Au bas de
l'échelle du règne vivant, ce sont les virus, les bactério-
phages, les mosaïques dont la nature corpusculaire,
encore douteuse il y a vingt ans, est à présent établie
grâce au microscope électronique 3. »
Les progrès de la génétique ont confirmé de façon
décisive le caractère quantifié des phénomènes vitaux :
« Ce qui transmet l'hérédité, c'est non pas une repré-
sentation globale de l'organisme, mais une collection
d'unités discrètes qui en gouvernent le caractère. Les
traits d'un individu sont élaborés par un ensemble
d'unités discontinues, comme l'image, dans une mo-
saïque, par l'assemblage de petites pierres colorées.
[ ... ] Le matériel de l'hérédit~ se résout ainsi en unités
élémentaires : les gènes deviennent comme les atomes
de l'hérécUté. Si, par mutation, un gène pouvait occuper
plusieurs états discrets, un seul de ces états se trouvait
représenté sur un chromosome. [ ... ] Beaucoup de bio-
logistes n'admirent qu'avec difficulté la rigueur et le
formalisme d'une telle. notion quantique de l'hérédité,
INDIVIDU ET SOCIÉTÉ
ment que si nous exerçons sur lui, par notre bras, une
traction ou une pression. La force est pour nous la
représentation de pareilles interventions et là où nul
humain n'en est l'auteur, nous disons qu'elle est pro-
duite par des attractions ou répulsions entre les corps
matériels qu'elle affecte. La notion de champ permet
de décrire l'ensemble des forces qui s'exercent dans un
secteur déterminé de l'espace.
C'est seulement dans ses tout derniers développe-
ments que la physique quantique a substitué un forma-
lisme mathématique impersonnel à ces notions anthropo-
morphiques, qui devenaient manifestement inadéquates.
Mais, dans tous les domaines qui restent passibles
d'une représentation concrète, l'explication des compor-
tements met toujours face à face l'individu qui se com-
porte et le monde extérieur dont il est entouré.
Chaque individu est ainsi doté d'une « nature »
propre, produit de sa structure, qui répond de façon
déterminée et sensiblement uniforme aux informations
tirées du monde extérieur : l'homme réagit au froid
ou à la faim, les glandes sexuelles aux messages que
leur portent certaines hormones, les électrons à tel
champ électrique ou magnétique.
« Si on me presse de dire pourquoy je l'aymoys, je
sens que cela ne se peuIt exprimer que respondant :
parce que c'estoit luy; parce que c'estoit moy », écrivait
déjà Montaigne 1. Par l'intermédiaire du « luy » et du
« moy » le comportement cesse d'être un jaillissement
spontané, opaque à l'intelligence humaine, pour deve-
mr l'effet d'une perpétuelle explication entre la
1. Ibid., p. 289.
2. Ibid., p. 289. (Les parenthèses sont de moi.)
3. Ibid., pp. 253-254.
74 LES DIEUX ET LES ROIS
1. Ibid., p. 311.
2. Continu et Discontinu en physique quantique, Albin
Michel, p. 116.
76 LES DIEUX ET LES ROIS
1. Ibid., p. 308.
80 LES DIEUX ET LES ROIS
il n'y a là qu'une analogie dont il ne faut pas
forcer la portée, mais nous pensons qu'elle est
moins superficielle qu'on ne pourrait le croire au
premier abord. Dans tous les cas où nous voulons
décrire les faits, que ce soit dans l'ordre psycholo-
gique ou moral ou dans l'ordre des sciences physi-
ques et naturelles, il y a nécessairement en pré-
sence, devant être confrontés et, dans la mesure
du possible, conciliés, d'une part la réalité, tou-
jours infiniment complexe et infiniment nuancée,
d'autre part notre entendement, qui construit des
concepts toujours plus ou moins rigides, plus ou
moins schématiques. Que nos concepts soient sus-
ceptibles de s'adapter dans une large mesure à la
réalité, si nous leur laissons une certaine marge
d'indétermination, c'est ce qui est bien certain,
car, sans cela, aucun raisonnement s'appliquant
aux choses réelles ne serait possible dans aucun
ordre d'idées. Mais il est plus douteux qu'une telle
correspondance se maintienne jusqu'au hout si
nous voulons supprimer toute marge d'indétermi-
nation et préciser à l'extrême nos concepts. Même
dans la plus exacte des sciences de la nature, dans
la physique, la nécessité des marges d'indétermi-
nation est apparue et c'est là un fait qui doit rete-
nir, nous semble-t-il, l'attention des philosophes,
car il est peut-être susceptible d'éclairer d'un jour
nouveau la manière dont les idéalisations conçues
par notre raison s'appliquent à la réalité 1. »
Ces remarques sont essentielles. J'aurai à les évo-
ANNEXE AU CHAPITRE n
Ayant fait si largement appel aux vues de Louis de
Broglie, je tiens à signaler, par loyauté à son égard,
l'évolution dont témoigne l'état actuel de sa pensée.
Dans son dernier ouvrage : Certitudes et Incertitudes de
la Science (Albin Michel, 1966) il écrit:
« J'ai la conviction profonde qu'il existe une
réalité physique extérieure à nous,'- qui est indé-
pendante de notre pensée et de nos moyens impar-
faits de la connaître ••. Je crois aussi à la nécessité
de faire reposer nos théories des phénomènes phy-
siques... sur des images précises de leur évolution
dans l'espace et dans le temps... Malgré tout, la
recherche de la causalité qui lie les phénomènes
successifs a toujours été et reste encore le guide
le plus sûr de la recherche scientifique 1. [ ••• ]
« Que signifie l'affirmation que la position
d'une particule ... est incertaine? Cela signifie-t-il
que la particule a à chaque instant une position •••
mais que nous l'ignorons •.. ou bien que la position
de la particule dans toute l'étendue de cette région
est réellement indéterminée, qu'elle y est en quel-
que sorte « omniprésente»?.. Pour ma part, je
pense qu'une grandeur physique a toujours dans
1. pp. 44-45.
82 LES DIEUX ET LES ROIS
la réalité une valeur hien déterminée 1. [ ••• ] Aussi
suis-je aujourd'hui amené à penser qu'il convient
d'être très réservé en face de l'affirmation, si sou-
vent répétée par de nombreux physiciens depuis
une quarantaine d'années, suivant laquelle les phé-
nomènes de transition quantique transcenderaient,
pour employer un mot de Niels Bohr, toute des-
cription en termes d'espace et de temps et seraient
par suite définitivement incompréhensibles 2. [ ••• ]
Ma conclusion sera donc que les interprétations
actuelles de la physique quantique devront dans
l'avenir être remplacées par des idées théoriques
qui nous fourniront des images plus complètes et
plus claires de la réalité microphysique 3. »
Je ne peux porter jugement sur les fondements
théoriques - théorie de la double solution, thermody-
namique cachée des particules - qui ont provoqué l'in-
Bexion de pensée du créateur de la mécanique ondula-
toire. Qu'il me soit permis seulement de marquer que, à
la lumière des considérations développées dans le cha-
pitre qui précède, de la généralité des concepts d'indi-
vidu et d'interaction, de l'indéterminisme caractéristi-
que des comportements individuels lorsque l'individu
est une personne humaine, les interprétations actuelles
de la physique quantique et, notamment, des relations
d'incertitude d'Heisenberg, n'apparaissent pas aussi
insolites qu'elles pouvaient le semhler.
Peut-être est-ce le mérite de la synthèse tentée dans
1. Pp. 46-47.
2. P. 48.
3. P. 64.
LA VISION QUANTIQUE DE L'UNIVERS 83
,
le présent ouvrage que de permettre d'apercevoir dans
l'indéterminisme corpusculaire un trait général de la
nature, lorsqu'elle est considérée, non dans ses aspects
«,statistiques », mais à l'échelle de l'individu, quel que
soit le niveau auquel il se place dans la hiérarchie des
sociétés constitutives de l'univers.
CHAPITRE III
A CONTRE-COURANT
LA MONTÉE DE L'ORDRE
Tous les ordres qui existent ont été établis et sont main-
tenus par des interactions. Chacun d'eux n'est que le
« développement )) de formes qui étaient en puissance
dans l'ensemble des grains dont il est fait et dans
les interactions propres à les unir. La floraison de
LA VISION QUANTIQUE DE L'UNIVERS 93
JUPITER
TABLEAU SOMMAIRE
DE L'ÉVOLUTION JUPITÉRIENNE
l. Ibid., p. 75 et 76.
2. Ibid., p. 75.
108 LES DIEUX ET LES ROIS
4. - LE NIVEAU NUCLÉAIRE
5. - LE NIVEAU ATOMIQUE
6. - LE NIVEAU MOLÉCULAIRE
7. - « CROISSEZ ET MULTIPLIEZ »
-
Ce serait sous-estimer l'importance de la novation molé-
culaire que d'y voir simplement l'instrument d'une
ordination plus étendue et plus complexe. Ce qui
marque la molécule, c'est que, dans nombre de ses
états, non seulement elle « est », mais elle « fait ».
J'ai montré déjà dans la section 3 du cha-
pitre IV (p. 94), que les catalyseurs étaient de véri-
tables machines, qui « arrangeaient » matière et énergie
dans les objets moléculaires dont elles étaient produc-
trices. Par cette propriété les catalyseurs sont des pro-
ducteurs d'ordre, multipliant en exemplaires innom-
brables les états ordonnés dont - telle une machine
automatique - ils détiennent le plan.
Cependant Pierre Auger considère les machines en
général, et les catalyseurs en particulier, non comme
des créateurs, mais comme des transformateurs d'ordre.
« Elles ne permettent jamais, dit-il, d'obtenir un
gain quantitatif d'ordre, c'est-à-dire qu'elles ne font
jamais passer un système d'un état total présentant une
122 LES DIEUX ET LES ROIS
1. Ibid., p. 191.
JUPITER 137
1. Ibid., p. 193.
JUPITER 139
1. Ibid., p. 207.
JUPITER 145
Celle-ci est assurément liée au cerveau, mail elle en
est aussi différente que l'est dans une machine électro-
nique le programmateur de l'ensemble des dispositifi
qui assurent l'exécution du programme.
L'apparition, chez les hominidés, de la personne
humaine a produit dans le mécanisme par lequel s'est
constamment accru, en quantité et en qualité, l'ordre
de l'univers, une véritable mutation. C'est à l'étude
de ses caractères et de ses conséquences que sera consa-
crée la troisième partie de cet ouvrage.
Cependant avant de l'aborder, nous devons consi-
dérer l'immense dose d'ordre issue des groupements
d'animaux.
PROMÉTHÉE
1. Théogonie.
152 LES DIEUX ET LES ROIS
nés hors de toute intervention humaine. Ils « étaient »,
sans que nous sachions, de science certaine, comment
et pourquoi ils étaient.
Dorénavant des ordres toujours plus complexes,
toujours plus étendus allaient prendre naissance. Mais
de ces ordres, à l'inverse de ceux qui les avaient pré-
cédés, nous savions qu'ils avaient été créés par des
hommes et que leurs « créateurs » leur avaient donné
volontairement l'existence parce qu'ils désirai ~nt, pour
eux ou pour d'autres, les fruits que l'état ordonné.
choisi par eux entre tous les possibles, était susceptible
de leur procurer.
L'ordre, dont antérieurement les fins étaient mysté-
rieuses, devenait l'accomplissement de volontés humai-
nes, faciles à localiser et dont nous connaissions, par
la connaissance immédiate de notre puissance créatrice,
la nature, le but et les moyens.
Ce sont les conséquences de cette révolution promé-
théenne que nous allons maintenant étudier.
CHAPITRE VI
LA MUTATION PROMÉTHÉENNE
l. - LE PSYCHISME PROMÉTHÉEN
3. - LE CALCULATEUR n'ÉMERGENCE
6. - DEI ADJUTORES 1
LES MODALITÉS
DE L'INTERVENTION PROMÉTHÉENNE
2. - LE ROLE DE L'IDÉOLOGIE
Ce que nous savons, par contre, c'est que les idées sont
les matrices des premIers, comme les gènes. celles des
secondes.
L'ensemble des idées d'un individu constitue son
« idéologie », comme l'ensemble des gènes son cc patri.
moine héréditaire». Sans doute, l'ancrage des gènes
dans les chromosomes est·il plus solide que celui des
idées dans la mémoire. Sans doute, les idées partici.
pent-elles plus de la nature de caractères acquis que de
celle de structures organiques. Encore faut-il se deman·
der si, pour un observateur qui considérerait de l'exté-
rieur, plutôt que par voie d'introspection, les compor-
tements conscients d'une très large population d'indi-
vidus, ils n'apparaîtraient pas comme très déterminés,
autant que nous le paraissent ceux de l'essaim d'abeilles
ou de la fourmilière.
Mais même si de nombreuses idéologies peuvent
être considérées comme caractères acquis, elles sont pas-
sibles de transmission héréditaire, par l'éducation et
l'enseignement. En outre, cc infectieuses et conta·
gieuses 1 » autant que conquérantes, elles ressortissent
aux processus de sélection naturelle propres aux indi·
vidus ou aux groupes sociaux qui les portent.
Pour toutes ces raisons, les idéologies, si elles ne
sont pas rigoureusement identiques en chaque époque
pour tous les individus d'une même population, liont
généralement communes à un grand nombre d'entre
eux. Elles suscitent, à l'intérieur de chaque groupe
social, un comportement dominant, dont s'écartent les
1. Genèse, VI, 5.
202 LES DIEUX ET LES ROIS
tionnement de leur caractère par l'éducation, auraient
continué à le désirer.
Si la sanction contraignante est convenablement
calculée et toujours appliquée, elle donne à l'autorité
dont elle émane la certitude de pouvoir fixer à son. gré, ~
en toutes circonstances, les comportements de tous les
individus non anormaux. Seuls échappent à son action
contraignante les pécheurs invétérés, chez qui l'attrait
du péché l'emporte sur la crainte des sanctions dont
il est assorti, ou les individus dont l'intelligence est
trop obtuse pour qu'elle puisse rapprocher une sanc·
tion future d'une satisfaction immédiate.
9. - COMMANDEMENT ET INCITATION
1. Voir p. 71 ci-dessus.
CHAPITRE IX
1. Voir p. 94.
PROMÉTHÉE 217
savaient pouvoir y trouver. « L'ordre, dit Bergson, est
un certain accord entre le sujet et l'objet. C'est l'esprit
se retrouvant dans les choses 1. »
Ainsi la construction prométhéenne avait pour
objet de rendre l'univers plus conforme aux vœux de
ceux qui s'appliquaient à le transformer.
Toutefois, dans leur effort créateur, ils n'étaient
pas plus libres que les dieux. Ds ne pouvaient utiliser
que les interactions résultant de la nature des choses
et les réserves d'énergie dont l' « incident Prométhée»
leur avait fourni la clef. C'était donc seulement dans
le champ des possibles que leur cueillette d'ordre pou-
vait s'accomplir.
Les limites de ce champ dépendaie~t étroitement,
en chaque époque, des interactions dont ils avaient
reconnu l'existence et des réserves d'énergie dont ils
savaient, par leurs techniques, pouvoir disposer. Le
virtuel réalisable était donc directement dépendant de
l'état des connaissances, toute découverte offrant à
['activité créatrice de nouveaux possibles, que l'inves-
tissement de matière ou d'énergie permettrait d'in-
carner.
3. - UN UNIVERS DE MACHINES 1
1. Voir p. 94.
PROMÉTHÉE 221
1. Ibid., p. 202.
226 LES DIEUX ET LES ROIS
1. Ibid., p. 206.
2. Politique. III, 9.
3. La Cité antique, p. 212.
PROMÉTHÉE 227
1. Ibid., p. 206.
228 LES DIEUX ET LES ROIS
blant d'autonomie ou d'initiative, ils étaient rIves
comme des esclaves à l'exécution de leur entrepriae.
« Seul un être ayant reçu du dieu Soleil faculté de
punir, par la torture, la mutilation ou la mort, toute
désobéissance à ses ordres, pouvait transformer des
hommes vivants en simples objets mécaniques. [ ... ]
Pour la première fois dans l'histoire, le pouvoir devint
efficace au-delà des linlites immédiates de l'audition, de
la vue et de la main. [ ... ] L'instrument de cette puis-
sance était un système de transmission spécial: une
armée de scribes, de chefs d'équipe et d'exécutants,
dont l'existence même dépendait de l'exactitude avec
laquelle ils exécutaient les ordres du roi ou de ses puis-
sants ministres [ ... ] autrement dit, une bureaucratie,
ou une hiérarchie, c'est· à-dire un groupe d'hommes
capables d'exécuter un commandement avec le rituel
pointilleux du prêtre, l'obéissance passive du soldat.
« On ne soulignera jamais assez l'importance de ce
lien bureaucratique entre la source du pouvoir, le roi
divin, et les machines humaines qui exécutaient les tra-
vaux. [ ... ] Cette méthode administrative exige la répres-
sion soigneuse de toute manüestation autonome. [ ... ]
Pareille contrainte constitue l'aspect psychique de
l'asservissement systématique qui a donné naissance à
la machine manuelle 1. D
L'analyse qui précède montre qu'un ordre promé-
théen - tel celui de la machine humaine qui cons-
truisit les pyramides - localise conception et choix,
donc volonté et décision, en la personne du dieu-roi,
seul détenteur de l'autorité, seul maître du comporte-
ment des corpuscules humains constitutifs de la machine
sociale.
Ces corpuscules humains sont soumis à la volonté
1. P. 202.
2. Exode, xx, 15 et 17; Deutéronome, v, 19 et 21.
236 LES DIEUX ET LES ROIS
De même les 7° et 10' commandements interdisent
tout acte ou toute velléité d'acte visant le bien d'autrui
Le bien d'autrui tu ne prendras,
Ni retiendras à ton escient.
Biens d'autrui ne convoiteras
Pour les avoir injustement.
Devant ces prescriptions, l'homme qui aime ou
craint Dieu ne pourra désirer les richesses qui ne lui
appartiennent pas, si désirables qu'en elles-mêmes elles
lui puissent paraître. Ne les désirant pas, il n'essaiera
pas de les obtenir. Toute rivalité d'influence, et, avec
elle, tout danger de guerre entre les hommes auront été
écartés.
Ainsi, les textes sacrés mettent à la base deI rela-
tions sociales une répartition rigoureuse deI champs de
souveraineté individuels. Tant qu'elle sera respectée.
aucun conflit d'influence ne pourra survenir: la paix
aura été donnée sur la terre aux hommes de bonne
volonté.
7. - L'ORDRE MORAL
1. Genête, VI, 5.
PROMÉTHÉE 241
souverainetés individuelles issu de l'appropriation de
tous les biens désirés.
Mais pour que le monde ne fût pas dessiné par
la seule volonté des propriétaires, il n'était d'autre
moyen que d'imposer à ceux-ci une modification du
comportement qu'en toute liberté ils eussent adopté à
l'intérieur de leurs droits respectifs. L'autorité ne
pouvait se contenter de pacifier, elle devait transfor-
mer les mœurs, c'est-à-dire imposer aux hommes,
contre leur nature et contre leur gré, une « morale ».
Pour l'établissement d'un ordre moral, Promé-
thée recourut aux procédures d'action contraignante
sus-indiquées 1 en les adaptant aux fins qu'il s'était
assignées.
A l'origine, les hommes n'étaient soumis qu'à
deux autorités : la force et leurs dieux. Dès lors que,
pour les hommes libres, la première était éliminée par
l'institution du droit de propriété, il ne restait que la
seconde. «C'était une opinion constante chez les
anciens, dit Fustel de Coulanges, que chaque homme
n'avait d'obligations qu'envers ses dieux 2. »
C'est donc leur influence que Prométhée d'abord
utilisa pour modifier les comportements individuels.
Cependant la volonté des dieux ne fut communiquée aux
hommes que par l'intermédiaire de personnalités très
humaines, prophètes, législateurs, réformateurs sociaux,
eux-mêmes instruits, par révélation ou inspiration, de
la volonté divine. « Deux choses concourent à la Pro-
vidence, dit saint Thomas : la conception de l'ordre
selon lequel les choses sont orientées vers leur fin et
1. P. 202.
2. La Cité antique, livre III, chap. xv, p. 246.
242 LES DIEUX ET LES ROIS
8. - L'ORDRE JURIDIQUE
9. - L'ORDRE ÉCONOMIQUE
LES ROIS
1. Ibid., p. 206.
266 LES DIEUX ET LES ROIS
1. Ibid., p. 463.
272 LES DIEUX ET LES ROIS
1. Voir p. 277.
280 LES DIEUX ET LES ROIS
du moment où elle était née, la faculté de disposition
engendrait inévitablement l'échange, donc le marché.
Sur le marché, le mécanisme des prix donnait à
chaque détenteur de pouvoir d'achat, par l'usage qu'il
lui plaisait d'en faire, faculté de déterminer à son gré,
même en dehors de ses propriétés, la structure de
l'appareil productif.
Le pouvoir d'organisation, détenu exclusivement
par l'autorité planificatrice dans les systèmes totali-
taires, passait aux mains des demandeurs du marché.
Chacun d'eux, qu'il fût personne publique ou privée,
imposait le plan de son choix à une fraction de l'appa-
reil productif répondant à la dimension de sa demande
relativement à celle de la demande globale.
L'autorité royale, génératrice d'ordre, se répartissait
entre toutes les personnes ayant faculté de déterminer,
par l'intermédiaire de leurs demandes respectives, la
structure de la fraction correspondante de tout l'espace
économique environnant.
LES DIEUX
1. Pp. 38 et luivantel.
LES DIEUX 289
1. Ibid., p. 19.
LES DIEUX 305
4. - ULTIME AVEU
Je crois:
que l'ordre prométhéen qui remplit une part tou-
jours croissante de notre univers est le produit de pen-
sées se retrouvant dans les choses;
314 LES DIEUX ET LES ROIS
que, de ce fait, il n'est pas fortuit, mais résulte
d'une « création »;
que les techniques de cette création sont élucidées
par nos diverses sciences, celles de la matière comme
celles de l'homme, et qu'elles sont toujours, les unes
et les autres, des sciences sociales;
que la pensée créatrice nous est connue lorsqu'elle
est pensée d'hommes;
qu'elle agit immédiatement sur la matière, mais
que sa nature reste pour nous aussi mystérieuse que
celle de la personne dont elle émane;
que, de ce fait, le problème des rois n'est qu'en
apparence plus facile à résoudre que celui des dieux;
que cependant ils s'éclairent mutuellement de leurs
communes incertitudes;
que c'est l'ambition et la raison d'être du présent
livre que de tenter de projeter certaines lumières sur
les techniques par lesquelles l'ordre est établi et main-
tenu dans l'univers;
que ce livre tire son unité non de l'objet de ses
divers chapitres, mais de la structure des connaissances
dont ils sont l'expression;
que cette unité est l'œuvre de l'esprit des hommes
se regardant dans les choses.
J'espère:
que cet ouvrage incitera des savants accomplis à
dépasser les limites de leurs disciplines respectives,
et qu'ainsi, malgré son évidente imperfection, il
aura contribué à frayer la voie royale au terme de
laquelle resplendit une vue syml1étique des connais-
sances humaines.
TABLE DES MATIÈRES
PREMIÈRE PARTIE
DEUXIÈME PARTIE
TROISIÈME PARTIE
PRO~THnE 151
TABLE DES MATIÈRES 317
ClUPITBE VI. - LA MUTATION PRoMSTHÉENNE 153
1. - Le psychisme prométhéen •.••••.•••••.••••.•••••.••..•• 155
2. - La coupure entre la fin et les moyena •.•.•......••.•••. 158
3. - Le calculateur d'émergence ••••.•••..••.•.••.•......... 162
4. - Le fabricateur de machines •...........•.•.•.•.•.•..•.. l66
5. - Le fracturateur des réserves d'énergie de l'univel'8 •.•••• 168
6. - Dei adjutores •..•••••..•.•.•.••••••••.••.•••••..••...••• 169
1. - « L'ordre est l'esprit Ile retrouvant dans les choses > 216
2. - Les pieds dana la houe biologique, la tête tournée vers
le ciel .................................................. 217
3. - Un univers de machines •.......•...........•......... 220
4. - La matrice religieuse et autoritaire de l'ordre prométhéen 222
5. - La « longue marche :» de la personne humaine .......... 229
6. - L'imposition de la paix aociale ........................ 232
al Principe d'une $ociété pacifique ...................... 234
bl Les divers modes de contr~nte pacifiante •.......•... 235
cl ~e ~roit de .propriété, instrument nécessaire de 14 paci.
flf;alwn lOCÏ41e • • • . • . . . • . . . . • . . • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • • 237
QUATRIÈME PARTIE