TO - Les Approches Sociologiques de L'organisation
TO - Les Approches Sociologiques de L'organisation
TO - Les Approches Sociologiques de L'organisation
LES APPROCHES
SOCIOLOGIQUES DE
L’ORGANISATION
Réalisé par :
• Nohayla BALLA
• Asmae EL KHACHINE
• Ayoub EL AMRANI
• Youssef ELKHIARI
• Houda DAJOUR
• Oussama BOUZKRI
Encadré par :
• M. TAHROUCH Mohamed
PLAN DU TRAVAIL :
Introduction
Chapitre 1 : Anciennes approches de la sociologie de l'organisation :
1. Genèse et émergence de l’analyse stratégique :
1.1 Contexte d’émergence de l’analyse stratégique :
1.2 Définition et tenants de l’analyse stratégique
1.3 Spécificité de l’analyse stratégique :
2. Postulats de l’analyse stratégique :
2.1 L’acteur social dispose d’une marge de liberté :
2.2 Rupture avec les approches macrosociologiques
2.3 Théorie des organisations
3. Concepts clés de l’analyse stratégique
3.1 Le pouvoir
3.2 L’acteur stratégique
3.3 Le système d’action concret
3.4 Zone d'Incertitude
3.5 Jeu
3.6 Marge de liberté
3.7 Organisation
3.8 Changement
3.9 Stratégie
3.10 Rationalité
4. Limites de l’analyse stratégique
4.1 L’oublie de la négociation
4.2 L'absence de légitimité
5. Application pratique de l’analyse stratégique :
5.1 Objets d’étude de l’analyse stratégique
5.2 Exemples d’application pratique de l’analyse stratégique
5.2.1 Décentralisation : les raisons d’échec de la politique publique
et des reformes instaurées en France
5.2.2 Crise de la SNCF
5.2.3 Réforme de la compagnie Air France
Chapitre 2 : Nouvelles approches de la sociologie de l'organisation :
1. SAINSAULIEU et l'identité du travail :
1.1 L’auteur
1.2 Les questions posées par l’auteur
1.3 Les postulats
1.4 Les valeurs de l'organisation
1.5 Une culture organisationnelle
2. Les nouvelles théories sociologiques de l'organisation :
2.1 Les conventions - L’économie de la grandeur
2.1.1 L'économie des conventions
2.1.2 Les systèmes d'équivalence
2.1.3 Les différents mondes
2.1.4 Controverses
2.1.5 Pluralisme des logiques en entreprises
2.1.6 Déplacements de Boltanski et Thévenot
2.2 L'ethnométhodologie
2.2.1 Histoire de l’ethnométhodologie et de ses origines
2.2.2 L’Indexicalité
2.2.3 Réflexivité
2.2.4 Membre
2.2.5 L’indifférence Ethno méthodologique :
2.2.6 The Accountability (Intelligibilité, Rentabilité)
2.2.7 Le raisonnement de sens commun
2.2.8 Breaching ; Traduction de Cassure, Rupture :
2.3 La structuration
2.3.1 Les mécanismes de coordination
2.3.2 Les parties clés de l'organisation
2.3.3 Les autres facteurs
2.3.4 Les configurations structurelles
2.4 Les logiques d'action
2.4.1 L’action et ses justifications
2.4.1.1 La discorde dans un même monde
2.4.1.2 La juxtaposition entre deux mondes, sans
conflit
2.4.1.3 La controverse entre deux mondes
Conclusion
Introduction :
La naissance de la sociologie s’enracine dans les travaux d’Emile Durkheim. C’est une
discipline qui a pour ambition d’étudier les relatons entre l’individu, la société et les groupes.
Les objectifs sont de trouver des relations entre les phénomènes sociaux,
comprendre le fonctionnement et l'organisation des sociétés.
L'approche est faite par la société, par une réalité historique, la géographie...
Les thèmes sont les composantes d'une société c'est-à-dire la famille, l'état, les
organisations, la culture, le travail..., le comportement des hommes en tant qu'êtres
socialisés.
Les questions qui se posent sont : Comment rendre compte des conflits, du
changement social, de la reproduction.
Une branche de la sociologie étudie comment les acteurs construisent et coordonnent des
activités organisées.
Une organisation c'est l'ensemble des ressources humaines, matérielles, financières mais
aussi informationnelles qui sont organisées en fonction d'un objectif prédéterminé.
Organiser, c'est concevoir et mettre en place des structures pour permettre la réalisation
d'un objectif, des structures orientées vers la conduite des hommes et définir des méthodes
et procédures.
Dans une organisation, il faut aussi mettre en œuvre une fonction essentielle qu'est la
gestion de l'organisation. Gérer c'est maintenir en état un système et diriger c’est faire les
grands choix stratégiques qui sont censés permettre l’adaptation à un environnement
nouveau et de prolonger son existence. De plus, il y a les choix organisationnels.
Dans une société telle que là notre, il y a des organisations multiples telles que les
entreprises, les administrations, les entreprises publiques, les coopératives ou mutualités,
les systèmes et les associations. Toutes ces organisations sont intégrées dans un système, en
interactions réciproques où chaque action génère une autre action quelque part. Aucune
entité ne peut agir seule.
L’organisation est une collectivité, un ensemble d'individus qui développe des activités
inscrites dans la durée.
Dans toute organisation il y a division du travail entre les membres (chacun a un rôle et une
fonction précise). Le mode de partage regroupe généralement les compétences des
individus. S'il y a division du travail, il y a nécessairement coordination du travail de chacun
avec les autres. Une organisation développe, entretien des relations avec son
environnement en permanence, aucune n'est coupée avec l'extérieur. L'environnement peut
influencer organisation de différentes manières et organisation peut également avoir un
impact, c'est-à-dire modifier l'environnement.
Toute organisation se caractérise donc par une ou plusieurs finalités. Une entreprise est
plutôt tournée vers le profit, les administrations sont tournées vers l'intérêt collectif, c'est un
service non-marchand. De plus, toute organisation produit soit des biens, soit des services.
Ainsi, une organisation, dans une société peut être considérée comme un facteur de
développement. Chaque fois que nous décidons de faire des choses ensembles, de nous
réunir, c'est toujours parce que nous pensons que c'est une bonne méthode et que cela
permet d'être plus efficace.
La théorie de l'acteur stratégique a été élaborée par Michel CROZIER et Erhard FRIEDBERG au
cours des années 1970. Il s'agit d'une théorie centrale en sociologie des organisations,
développée au sein de l'analyse stratégique. Elle part du constat suivant : étant donné qu'on
ne peut considérer que le jeu des acteurs soit déterminé par la cohérence du système dans
lequel ils s'insèrent, ou par les contraintes environnementales, on doit chercher en priorité à
comprendre comment se construisent les actions collectives à partir de comportements et
d'intérêts individuels parfois contradictoires. Ainsi, au lieu de relier la structure
organisationnelle à un ensemble de facteurs externes, cette théorie essaie donc de
l'appréhender comme une élaboration humaine, un système d’action concret. Elle rejoint
donc les démarches qui analysent les causes en partant de l'individu pour aboutir à la structure
(l'individualisme méthodologique, ethnométhodologie etc…) et non de la structure à l'individu
(structuralisme, constructivisme etc…). C’est simplement une approche dite
microsociologique.
La spécificité de cette théorie réside dans son caractère promoteur ou rénovateur d'une
sociologie de l'action. En effet, Avec l’aide d’Erhard FRIEDBERG, CROZIER dans L’Acteur et le
Système : les contraintes de l’action collective (1977), présente les éléments d'une théorie
organisationnelle de l'action collective. Celle-ci veut étendre l'approche utilisée pour l'analyse
des organisations à l'étude des systèmes d'action qui sous-tendent l'action collective, en
dehors du cadre formel des organisations. Cette vision élargie va connaître un grand
retentissement et contribuer au redémarrage d'une sociologie de l'action ainsi qu'au
changement des pratiques de l'enseignement et de la recherche en sociologie. Car pour
Michel CROZIER, la théorie sociologique n'est pas une fin en soi. Elle doit être utile, produire
une connaissance pratique, une connaissance qui puisse être un outil du changement en
permettant aux intéressés de mieux comprendre la situation dans laquelle ils se trouvent et
donc, d'être mieux à même de la changer.
’Dans une organisation sociale, l’acteur n’est jamais totalement contraint’’, tel est la base de
l’analyse stratégique. C’est dire que, quel que soit le degré de coercition d’une société, dans
toutes les situations, tous les problèmes ne peuvent lui être strictement réglementés de
manière à lui imposer dans chaque cas, une seule voie à suivre. Ainsi, il dispose d’une marge
de liberté exploitable à la faveur des zones d’incertitudes que les ‘’vides’’ ou les ‘’blancs’’ du
système social lui ménagent. Dès lors, la marge de manœuvre de l’acteur ne lui est plus
imposée bien au contraire, il s’efforce de contrôler les sources d’incertitudes tout en imposant
aux autres sa façon de définir et de régler ses problèmes.
Cependant, qui dit liberté, exclu la notion de libertinage. C’est dire que la marge de liberté
dont jouie l’acteur social n’est pas absolue. En fait, elle est soumise à des contraintes et à des
contingences. En effet, les acteurs règlent leurs problèmes en construisant des moyens (lois
règles, principes, hiérarchisation etc…) qui structurent leur champ d’action et le rend possible.
Dans bien de situation, l’acteur se sert de cette marge de manœuvre pour acquérir du pouvoir
au sein d’une organisation. Ainsi, l’analyse stratégique considère que ce qui pousse l’acteur à
agir c’est l’acquisition du pouvoir sur d’autres acteurs. Le pouvoir est dont l’élément clé de la
dynamique de l’action collective, et ce faisant des organisations.
L’analyse stratégique s’inscrit en fait contre toutes approches dites ‘’macrosociologique’’, qui
affirment avec force que la conduite humaine est le produit mécanique de l’obéissance ou de
la pression que la société exerce sur l’individu. C’est d’ailleurs dans ce sens que, dans L’acteur
et le système : les contraintes de l’action collective (1977, p : 45), CROZIER et FRIEDBERG
estiment que l’analyse stratégique est « contre les illusions des théoriciens de la domination
et du conditionnement ». De ce fait, il n’est pas question d’éluder la responsabilité de
l’individu dans l’acte social car aucun individu n’accepte être traité totalement ou uniquement
comme objet du fonctionnement ou de l’accomplissement des buts d’une organisation. Ainsi,
la conduite des acteurs n’est plus vue comme des simples résultantes prévisibles des
stéréotypes ou des déterministes structurels. Les conduites humaines sont dont inventées par
les acteurs sociaux eux-mêmes, dans un contexte précis, en vue d’attendre des buts bien
déterminés.
L’acteur social n’est donc pas passif, mais actif, c’est dire un agent libre ayant ses propres buts.
Il est d’une part libre parce que l’organisation, quoi étant une machine à rationaliser, a ses
buts ; d’autre part, il possède ses buts parce que en tant que membre de l’organisation, il a la
possibilité de développer ses propres stratégies. De ce fait, il utilisera les ressources dont il
dispose de la manière la plus judicieuse qui soit, compte tenu des contraintes du moment, tel
qu’il les perçoit depuis sa position. En fait, l’acteur ajuste constamment sa conduite aux
données nouvelles auxquelles il se trouve confronté dans la recherche de son intérêt.
Cette approche théorique est avant tout une théorie organisationnelle. C’est dire qu’elle se
prose d’analyser le fonctionnement des organisations tout en prenant à la fois en compte
l’acteur et le système. Ce cadre théorique n’a en rien perdu de son intérêt surtout dans le
contexte actuel ou les organisations sont confrontées non plus seulement à des changements,
mais à un mouvement permanent. De ce fait, elle permet d’identifier les relations de pouvoir
qui se constituent autour des zones d’incertitudes offrant ainsi aux acteurs des marges de
manœuvres et des possibilités de régulation.
La grande force de l’analyse stratégique est d’être parvenue à faire du pouvoir une
représentation objectivable. Cette transformation du concept est rendue possible par le
déplacement analytique du lieu d’origine du pouvoir. Ainsi, le pouvoir ne peut se concevoir
comme attribut d’une personne ou d’un groupe car il est propre à la relation entre deux
acteurs. En fait, la possibilité pour A de faire agir B comme il l’entend ne dépend pas des
caractéristiques personnelles de A, mais découle des propriétés de la relation entre A et B.
Dans ces conditions, parler du pouvoir de A n’a de sens que si l’on a défini B et la relation qui
les lient. C’est dire que les acteurs ne sont pas porteurs de pouvoir, si bien que A peut avoir
beaucoup de pouvoir sur B et être totalement démuni face à C, à D ou E, alors même que B
serait lui-même en situation de pouvoir face à ces trois derniers. L’origine du pouvoir est donc
à chercher dans les caractéristiques de la relation entre A et B.
En définitive, A a du pouvoir sur B s’il contrôle une incertitude dont celui-ci dépend. Si A
maitrise les conditions de l’avènement d’un évènement qui aura une influence sur B, alors A
sera en position de force pour exiger de B un certain comportement. Ainsi, A et B négocient
leurs comportements respectifs, et celui qui contrôle l’incertitude la plus importante pourra
plus aisément s’imposer à l’autre. Mais le faible ne sera jamais totalement dépourvu de
ressources, car si le fort fait pression sur lui, c’est bien parce qu’il en attend quelque chose de
lui. Dans les cas les plus extrêmes d’asymétrie, il reste toujours au faible la possibilité de
rompre la relation, pour limiter les exigences du fort. La relation de pouvoir est donc
forcément réciproque même si toujours déséquilibrée. Pour reprendre les mots de CROZIER
et FRIEDBERG, le pouvoir est une « relation instrumentale ». En fait, le pouvoir de A trouvé
son origine dans le contrôle d’une zone d’incertitude pertinente pour B, au sein d’une relation
d’interdépendance entre A et B. A titre illustratif, un enseignant a du pouvoir sur un étudiant,
parce qu’il est seul responsable de la note attribuée à l’examen de fin d’année.
L’enseignant est dont en position de force dans ses éventuelles négociations avec l’étudiant.
Cependant, si pour une raison ou une autre, l’étudiant en vient à se désintéresser de
l’obtention de son diplôme, alors l’enseignant perdra son pouvoir. Le pouvoir n’est donc pas
une caractéristique personnelle ou statutaire de l’enseignant, mais une conséquence de la
relation sociale entre l’étudiant et lui. La persistance de ce pouvoir dépend tout autant du
comportement de l’un que de l’autre. L’action collective, en tant qu’elle est collective, génère
nécessairement des relations d’interdépendance. Et comme les incertitudes sont
pratiquement innombrables, toute action collective sera traversée par des relations de
pouvoir. Ainsi, le pouvoir n’est plus un épiphénomène des organisations.
Si le pouvoir est par nature relationnel, la stratégie est quant à elle clairement imputable à
l’acteur, c’est-. -dire à un individu particulier ou à un groupe capable de coordination. La
stratégie caractérise l’orientation fondamentale de l’acteur plongé dans un ensemble de
relations de pouvoir. Par cette notion de stratégie, CROZIER et FRIEDBERG refusent les
constructions de l’acteur a priori, c’est dire la prétendue mise en évidence de caractéristiques
universelles qui guideraient les individus dans l’entreprise, telles que besoins, intérêt
économique ou déterminismes de classes. En fait, l’acteur n’est pas déterminé par une
quelconque nature avant de rentrer dans l’organisation. Ainsi, les relations de pouvoir
constituent le déterminant majeur de sa conduite. De ce fait, l’acteur est obligé de s’adapter
localement aux relations de pouvoir dans lesquelles il est pris. C’est à travers ces relations qu’il
perçoit l’environnement et en fonction d’elles qu’il règle sa conduite. La conduite de l’acteur
est donc comprise à travers sa stratégie de pouvoir.
Concrètement, l’acteur devra toujours s’abriter entre deux grands objectifs : d’une part, un
objectif d’autonomie, c’est-à-dire une tendance à se soustraire au pouvoir d’autrui ; d’autre
part, un objectif d’action qui le pousse à développer ses propres ressources pour pouvoir
guider la conduite des autres acteurs. Dans les deux cas, cela revient pour l’acteur à accroitre
sa marge de liberté afin de ne pas être soumis au bon vouloir d’autrui. Le but de l’acteur
stratégique devient donc de conquérir des marges de liberté, indépendamment des
motivations profondes de son action. Les constructions a priori de la psychologie ou de la
socialisation de l’acteur ne sont donc que de peu d’utilité dans l’analyse du comportement en
situation qui doit s’interpréter par son adaptation rationnelle aux relations de pouvoir locales.
Le concept de système d’action présente deux intérêts majeurs. D’abord, il permet d’intégrer
les jeux dans un ensemble plus large, mettant en évidence les dépendances entre les
différents jeux, tout en sauvegardant une marge de manœuvre aux acteurs, capables
d’influencer le système par les modifications apportées aux jeux. Ensuite, et surtout, le
système d’action montre que le champ structuré dans lequel évoluent les acteurs n’est pas
nécessairement l’entreprise formelle. Il peut s’agir soit d’une partie de celle-ci, soit d’un
ensemble humain sans existence formelle dans lequel se retrouvent des acteurs internes à
l’entreprise et des acteurs externes. Ainsi, de prime abord, le chercheur ne peut pas
considérer la structure formelle de l’organisation comme signifiante pour l’analyse. La
frontière du système restera toujours problématique, elle doit être mise en. Évidence par
l’observation des comportements réels des acteurs. Finalement, l’analyse stratégique ne
s’intéresse plus vraiment à l’entreprise, désormais conçue comme une entité au sens commun
sans véritable signification, mais part à la conquête de l’action organisée partout où elle se
trouve et sous toutes ses formes.
Ce concept met l'accent sur l'autonomie et le pouvoir, deux notions liées. En fait, il est sous
tendu par le fait que le supérieur hiérarchique n'a pas 100 % de certitude que ses consignes
seront suivies à la lettre. Il y a des incertitudes quant à la manière dont les subalternes vont
interpréter ses consignes. Chaque acteur dispose donc, quel que soit l'endroit où il se trouve,
d'une zone au sein de laquelle il rend son comportement incertain, imprévisible pour les
autres acteurs. C’est ce que CROZIER et FRIEDBERG n’hésitent pas d’appeler une « zone
d'incertitude ». Ainsi, accroître son pouvoir, c'est accroître la zone au sein de laquelle on peut
avoir un comportement imprévisible, indéterminé.
Ce concept présente également une autre façade. En effet, l’organisation dans son ensemble
affronte elle aussi des incertitudes. Parmi les acteurs de l’organisation, ceux qui, plus que
d’autres, ont du contrôle sur ces incertitudes, détiennent aussi de ce fait davantage de
capacité d’influence dans l’organisation.
3.5 Jeu
Le jeu est un instrument que les hommes ont élaboré pour régler leur coopération. C’est
l’instrument essentiel de l’action organisée. Le jeu concilie la liberté et la contrainte. Le joueur
reste libre, mais doit, s’il veut gagner, adopter une stratégie rationnelle en fonction de la
nature du jeu et respecter les règles de celui-ci. Cela veut dire qu’il doit accepter pour
l’avancement de ses intérêts les contraintes qui lui sont imposées. S’il s’agit d’un jeu de
coopération, comme c’est toujours le cas dans une organisation, le produit du jeu sera le
résultat commun recherché par l’organisation. Ce résultat n’aura pas été obtenu par la
commande directe des participants, mais par l’orientation qui leur aura été donnée par la
nature et les règles de jeux que chacun joue et dans lesquelles ils cherchent leur propre
intérêt. Ainsi défini, le jeu est un construit humain. Il est lié aux modèles culturels d’une société
et aux capacités des joueurs, mais il reste contingent comme tout construit. La structure n’est
en fait qu’un ensemble de jeux.
« La marge de liberté, c’est fondamental. Ce n’est même plus un concept, c’est un postulat,
une conception de l’être humain, c’est presque philosophique » déclare MUSSELIN Christine
(1997). En effet, l’analyse sociologique des organisations s’est constituée en s’opposant à la
fois aux approches qui refusaient de reconnaître la contingence des comportements et
appréhendaient les acteurs comme des sujets totalement libres et à celles qui, privilégiant le
système, adoptaient une vision strictement déterministe. « Une situation organisationnelle
donnée ne contraint jamais totalement un acteur. Celui-ci garde toujours une marge de liberté
et de négociation. Grâce à cette marge de liberté (qui signifie source d’incertitude pour ses
partenaires comme pour l’organisation dans son ensemble) chaque acteur dispose ainsi du
pouvoir sur les autres acteurs » ajoute CROZIER et FRIEDBERG (1977, p : 90)
3.7 Organisation
3.8 Changement
3.9 Stratégie
3.10 Rationalité
Bien que l’analyse stratégique insiste en permanence sur les négociations entre acteurs, elle
ne prend jamais la peine de les étudier. Tout se passe comme si la négociation était elle-même
une courroie de transmission, mécanique et transparente, entre les relations de pouvoir et les
comportements des acteurs. Pourtant, à un autre niveau mais pour les mêmes raisons, la
négociation est aussi problématique que l'entreprise. Elle impose des contraintes propres et
jouit, par ailleurs, d'une certaine autonomie par rapport au substrat de pouvoir sur laquelle
elle fleurit. La prise en compte des comportements réels en situation de négociation s'impose
assez clairement si l'on entend affiner notre compréhension de l'univers politique que
constituent les organisations.
4.2 L'absence de légitimité :
Nombreux sont les objets d’études auxquels peut se prêter l’analyse stratégique. En effet,
CROZIER s’en sert pour comprendre de nombreux phénomènes à l’instar de l’administration
public, l’organisation de l’entreprise et les phénomènes bureaucratiques.
Concernant le système bureaucratique Max WEBER estimait qu’il est supérieur à toutes les
autres formes d'organisation, grâce à l'impersonnalité des règles, gage d'impartialité à la
compétence des professionnels et à une hiérarchie structurée. CROZIER quant à lui ne le
regarde pas avec la même bienveillance. Il considère que la bureaucratie a trouvé ses limites
à cause de la complexité croissante de l'environnement dans lequel les salariés évoluent.
L'observation de terrain lui a montré que, dans un système bureaucratique, l'individu résiste
en s'appropriant les règles du jeu et en les utilisant à son profit. Contrairement au rêve de
Frederick TAYLOR, CROZIER pense qu’il est impossible de tout régler au sein d’une
organisation. Ainsi, pour qu'une organisation fonctionne, il faut des zones de flou, de vides ou
d'incertitude. L'acteur cherchera toujours à maîtriser à son profit ces marges d'incertitude
pour les transformer en marges de liberté, qui lui permettront d'atteindre ses propres
objectifs.
Selon CROZIER, certes on ne peut pas répondre de façon catégorique, précise, quantifiable et
rigoureuse à des questions liées à toute forme d’organisations, mais on peut désormais
obtenir des résultats raisonnables grâce à toutes sortes de modèles d’analyse, parmi lesquels
l’analyse stratégique de systèmes organisés qui joue un rôle clé dans l’analyse de tous les
problèmes impliquant d’importants changements. C’est d’ailleurs dans ce sens que CROZIER
et FRIEDBERG (1977 p : 391) affirment : « l’analyse stratégique et l’analyse systémique ne sont
pas seulement des propositions théoriques. Elles sont d’abord, et avant tout, des pratiques de
recherche ». Ainsi, loin de se résumer en une simple théorie, la réflexion Crozierienne est une
véritable méthodologie de la pratique de la recherche. C’est ce que nous allons essayer de
mettre en avant à travers la reprise de trois cas traités par M GROZIER.
La société française s’est organisée depuis fort longtemps selon le modèle de la centralisation
territoriale. A cause de la surcharge, le centre gouvernemental ne peut plus résister à la
pression d’un monde beaucoup plus complexe avec des acteurs locaux et nationaux beaucoup
plus libre (concept de la liberté de l’acteur). Dans ce contexte des projets de réformes ont été
initiés depuis le début des années 60, des réformes qui ont abouti à une grande loi de
décentralisation qui en apparence réglerait le problème.
Dans une interview parue dans Le Journal de Genève et Gazette de Lausanne (1994), Michel
CROZIER reprend l’échec de la décentralisation : « Pour la décentralisation, l'orientation prise
a découlé à mon avis d'un mauvais diagnostic. Le diagnostic reposait sur le raisonnement
suivant : l'Etat central/ le gouvernement veut accaparer le pouvoir et conséquemment nous
avons cette centralisation par soif de pouvoir du centre ; alors, redistribuons le pouvoir grâce
à un changement de structure, pour donner du pouvoir au périphérique. Mon point de vue
était très différent (le centre de sociologie des organisations, dirigée à l’époque par CROZIER
avait mené deux séries d’enquêtes qui avaient permis de faire apparaître non seulement les
dysfonctions considérables du système centralisé, mais les mécanismes qui les produisent). Je
disais quant à moi que la soif de pouvoir au centre existait comme partout, que le centre était
tout à fait impuissant, que la pression pour la centralisation venait tout autant de la périphérie
que du centre. Je pensais donc que si on voulait réellement changer il fallait changer le
système, et que les réformes de structure peuvent changer les positions des gens mais ils ne
changeront pas les caractéristiques du système et ses défauts fondamentaux qui sont la
confusion, l'irresponsabilité, conséquence du cloisonnement de la mauvaise communication
et du système indispensable pour le faire marcher... Alors, je prédisais que la décentralisation
ne donnerait pas du tout le résultat qu'on attendait ; je crois malheureusement avoir eu
raison».
La SNCF (société nationale des chemins de fer français) était une société que tout le monde
considérait à l’époque comme une société bloquée. Une crise profonde éclate à l’occasion des
grèves de l’hiver 1986-1987 qui fait prendre conscience de l’urgence d’une réponse. Le débat
qui s’ouvre est un débat de politique publique confus se déroulant avec les arguments
rhétoriques du traditionnel maintien des avantages acquis, efficacité calculée en fonction de
critères financiers et de ratios de productivité (Crozier, 1997).
Largement exposé dans son ouvrage La Crise de l’intelligence, Crozier y revient dans la même
interview précitée en décrivant sa mission : « D’abord, en un diagnostic : en écoutant
réellement les gens et en ne les écoutant pas dans leurs plaintes et dans leurs demandes, mais
en les écoutant dans leurs "jeux stratégiques". Cela veut dire simplement qu'on fait parler les
gens sur leur situation, sur leurs problèmes, les uns avec les autres, avec la hiérarchie, avec
les subordonnés quand les gens ont des subordonnés, etc. On a donc les points de vue des
uns et des autres, et à partir de ces points de vue, on dispose d'une première image des
relations. Ce diagnostic, on le restitue aux intéressés, c'est-à-dire qu'on leur présente nos
résultats qu'ils discutent et authentifient. A partir de là, on enclenche un processus de
changement. Dans le cas de la SNCF, on a rendu compte à tous les groupes dont on a
interviewé les membres, et tous ont confirmé la validité de notre diagnostic. A partir de là,
nous avons fait accepter à la direction générale l'idée de rendre publics ces résultats, ce qui a
été fait : d'abord dans une journée de présentation des résultats devant tous les cadres
supérieurs moyens et subalternes ; ensuite, cette présentation a été faite à la direction
générale ; et enfin, le lendemain, aux syndicats. A partir de ce premier travail qui a duré six
mois, nous avons aidé à l'interprétation. Des changements considérables ont été accomplis ».
Selon Crozier (1997) les leçons qu’on peut tirer de cette expérience concernant l’utilisation de
l’analyse de système peuvent être résumées ainsi :
Ce dernier cas concerne la réforme de la compagnie Air France en quasi-faillite après la grève
catastrophe de l’automne 1993. Dans ce cas l’intervention de Crozier comportait les mêmes
étapes et les mêmes méthodes « Nous avons fait une première partie plus rapidement qu'à la
SNCF parce que le temps pressait, trois mois. Nous avons écouté une centaine de personnes
en profondeur, après quoi nous avons procédé aux restitutions et établi un questionnaire à
l'ensemble du personnel. Finalement, cela a changé les données du jeu. Le PDG Christian
BLANC a négocié et un référendum s'en est suivi afin d'approuver les plans de restructuration.
Après cela, une équipe formée de personnes de la SMG a fait le travail de guidage de la
réforme. Comme vous le voyez, on ne se contente pas de dire en général ce qu'il faut faire...
» (Interview avec M. Crozier parue dans Le Journal de Genève et Gazette de Lausanne » en
1994). Toutefois, il y a lieu de signaler quelques enseignements complémentaires (Crozier,
1997) :
• Il est possible d’employer la même approche avec succès sur l’ensemble d’un système
hétérogène ;
• Il est possible d’obtenir un délai suffisant pour faire une enquête qualitative sérieuse,
même dans un cas d’urgence au cours d’un débat de politique publique ;
• La connaissance partagée est le levier décisif du changement d’attitude indispensable
au succès d’une réforme.
Psychologue et sociologue, il porte un intérêt central aux relations du travail. Depuis son
livre "l'identité du travail" (1977) jusqu'à "méthode pour une sociologie de l'entreprise"
(1994) en passant par l'ouvrage collectif" l'entreprise une affaire de société" (1990), il
s'intéresse à l'entreprise en tant qu'institution sociale.
• Que devient alors le gouvernement d'une entreprise tout à la fois société civile et
système d'action concret de production ?
• Comment parler de management si l'expression d'autonomie croit chez les gouvernés ?
• Face à la fragilité nouvelle des entreprises du marché, comment mobiliser des gens
autonomes sans pouvoir leur affirmer d'autre cause sacrée que celle de la défense de
l’emploi, au prix de calculs sur la durée du contrat, de la retraite, de l'aménagement du
temps de travail et des salaires redevenus variables ?
• Comment fonder l'esprit d'entreprise et la prise de risque économique sur une nouvelle
autonomie des régulations sociales, tout en imposant aux acteurs de multiples pressions
présentées comme inévitables au nom de l'économie mondialisée ?
1.3 Les postulats
D'après la masse des enquêtes faites sur la réalité sociale des entreprises, R Sainsaulieu tire
les postulats suivants :
▪ L’entreprise réparatrice
▪ L’entreprise négociatrice
▪ L’entreprise conciliatrice
La vie dans les organisations repose sur des valeurs explicites ou implicites qui servent à
définir des règles d'action qui inspirent les jugements et les conduites
Bien que la culture soit présente dans toute entreprise, chaque entreprise n'a pas forcément
sa culture propre dans la mesure où elle est traversée par un ensemble de régulation
culturelle qui ne réussissent pas obligatoirement à se fondre en culture spécifique
L'auteur explore la dynamique des modèles de l'histoire industrielle et post industrielle des
organisations. Des logiques d'interprétation et de traitement des problèmes sociaux de
l'entreprise n'ont cessé de s'édifier au croisement des problèmes pratiques rencontrés et du
système de développement des sciences sociales. Ces logiques coexistent au cœur de
chaque entreprise et posent le débat d'une volonté de développement social au sein
d'entreprises contemporaines. Développer l'entreprise doit commencer par l'aménagement
d'un débat social sur l'intégration des modèles rationalisateurs qui ont cours dans chacune
d'elles. Il faut donc repérer, classer, reconnaître les pratiques normatives et les règles qui
constituent les logiques de références au sein de l'entreprise
Un autre facteur de rationalisation des modèles d'organisation a été l'évolution des sciences
sociales et leur intégration dans le secteur de la production économique
• Courant professionnel
• Courant bureaucratique et scientifique
• Courant gestionnaire
• Courant social et démocratique
Au moment où la précarité menace tout individu dans l'entreprise avoir une compétence
reconnue comme profession officielle apparaît comme une valeur fondamentale du travail
Le problème de rationalité qui se pose à l'entreprise dès lors que sa taille augmente et celui
de l'articulation de ses éléments économiques et techniques et humains
➢ Courant sociotechnique
➢ Courant de travail communautaire
➢ Courant d'inspiration managériale fondée fondé sur la motivation volontaire
Les lois Auroux qui ont permis la mise en place de groupes d'expression dans l'entreprise
ont fait apparaître de difficiles problèmes d'apprentissage culturel pour les bases et n'ont
pas débouché sur une conception renouvelée de l'entreprise.
On ne peut négliger l'impact sur la rationalité de l'organisation d'un ensemble important de
réalisations organisationnelles, dont l'objectif est de fonder l'organisation du travail sur un
triple principe :
Toutes ces expérimentations sont restées fragiles sur le plan économique et se heurtent aux
résistances des fonctionnements alentour ou des environnements plus classiques
On peut dire que l'histoire des entreprises du XX siècle restera marquée par la recherche de
modèles rationalisateurs capables d'enserrer tous les facteurs économiques, techniques et
humains de la production
Quant à D'Iribarne, il propose le concept de pacte social pour tenter de jeter un pont entre
la culture sociétale et celle de l'organisation
L'étude qui a porté sur l'implantation des entreprises japonaises en France et au Brésil a
démontré que les structures d'organisation des entreprises devaient être ajustées aux
spécificités culturelles nationales pour réussir.
De même une entreprise quelle qu'elle soit ne peut éviter de prendre en compte la société
nationale et locale dans laquelle il faut produire pour élaborer une conception plausible de
sa rationalité.
Enfin, il apparaît en France que l'Etat qui permet le passage des ingénieurs des grands corps
et des élèves de l'ENA dans les cabinets ministériels avant d'occuper des places de dirigeants
dans les entreprises, induit par la même l'application de ses règles, ses coutumes, ses
projets, et a tendance à devenir une donnée fondamentale de l'entreprise.
L'entreprise doit aussi compter sur ses communautés sociales et professionnelles internes
pour organiser son développement.
On peut recenser 2 sortes de construction de forme de sociabilité durable :
L'entreprise devient alors une véritable institution capable de diffuser ses conséquences
culturelles sur le reste de la société. L'entreprise est considérée comme source
d'apprentissage culturel.
Une scène sociale majeure de la transformation culturelle est celle du groupe, ou l'individu
vit des relations durables et différentes de la vie quotidienne, et où il perçoit l'image de soi
qu'il reçoit des autres.
Le changement pouvant conduire à d'autres regards sur soi et les autres, l'évolution des
identités collectives résulte donc de processus groupaux et relationnels.
On peut dire que l'expérience du travail organisé fait émerger de véritables types d'acteurs
sociaux :
• L’acteur de masse
• L’acteur stratège
• L’acteur de soi
• L’acteur d'ailleurs
Les apprentissages qu'on peut faire au travail sont aujourd'hui modifiés par le chômage,
l'augmentation du temps libre et la formation continue.
La mobilité forcée des salariés pour conserver leur emploi est un facteur de changement
important que beaucoup refusent pour conserver les relations locales qu'ils ont édifié.
Compte tenu des contingences qui pèsent sur l'entreprise dans les années 90, la bonne
organisation ne suffit pas à mobiliser les forces productives de l'entreprise.
Il ressort globalement que les attraits du temps libre, les démotivations liées aux pertes de
perspectives ascensionnelles, les menaces de chômage, semblent avoir accru l'idée d'aller au
travail pour s'investir un minimum, et pourtant la réalisation de l'individu continue à passer
par l'expérience du travail en entreprise.
Pour sortir de la crise économique, le développement devra être social en misant sur les
interventions de l'Etat dans le secteur des activités bénévoles et de proximités.
Les recherches effectuées sur les identités au travail dans divers contextes d'entreprises
conduisent à percevoir 4 types de confrontations identitaires ayant permis l'instauration
d'une forme de culture intégrative en entreprise
Luc Boltanski est un sociologue français né le 4 janvier 1940. Il a initié avec Laurent Thévenot
un courant pragmatique, appelé aussi « économies de la grandeur » ou « sociologie des
régimes d'action ». Il est directeur d'études à l'EHESS
Selon Luc Boltanski et Laurent Thévenot, l'organisation ou l'entreprise sont par nature un
espace de règles et de circulation des biens. On ne peut donc se permettre de mettre en
place deux lectures antinomiques du phénomène de l’organisation. Les acteurs sont insérés
dans des situations à la fois conflictuelles et coopératives.
• Les modèles sociologiques expliquant la coordination entre les acteurs par la conformité
à une norme qui s'imposerait à tous. Par conséquent, l'ordre d’organisation ne peut
découler de règles sociales réifiées ou de phénomènes purement culturels.
• Les modèles économiques qui se centrent sur les rapports constitués au travers de
l'échange et de la circulation des biens qui sont des rapports de force et
de pouvoir visant à accaparer les ressources rares.
À ces approches, ils substituent un modèle fondé sur l'économie des conventions. Celui-ci
part de l'idée que pour qu'il y ait échange, coordination, coopération entre des agents, il faut
qu'il y ait des conventions entre les personnes concernées ; c’est-à-dire un système
d'attentes réciproques entre les personnes sur leurs comportements. Ces conventions
peuvent être écrites ou non.
2.1.2 Les systèmes d'équivalence :
Pour tenter, à partir de ce modèle, de comprendre comment les situations de travail arrivent
à « se tenir » dans les organisations, et pour expliquer comment les acteurs parviennent à
mettre en place les conditions de production des accords, Boltanski et Thévenot insistent sur
certains traits essentiels de toutes situations sociales :
• Toute situation doit être analysée dans le cadre d'une sociologie compréhensive. Il faut
les étudier à travers les représentations qu'en donnent les personnes.
• Le chercheur en sociologie doit se pencher en priorité sur les compétences des individus
à évaluer les situations à travers des systèmes d'équivalence partagés.
C'est grâce à des systèmes d'équivalences partagés, des grandeurs communes, permettant à
chacun de retrouver les repères qui vont guider ses relations dans la situation, la
caractériser, que des relations entre personnes peuvent se nouer. Selon Boltanski et
Thévenot, « ces grandeurs, ces systèmes se déploient dans des mondes régis par la
cohérence des principes qui y sont activés ».
2.1.3 Les différents mondes :
Boltanski et Thévenot (1991) distinguent alors six différentes cités, auxquelles Boltanski et
Chiapello (1999) ajouteront plus tard la « Cité par projets ». Ces cités impliquent des formes
d'accords, des objets sociaux différents, qui permettront de reconnaître la nature de la
situation, et de savoir sur quel mode de résolution des conflits et des controverses il faut se
positionner.
Cité inspirée Cité Cité de Cité civique Cité Cité Cité par projets
domestique l'opinion marchande industrielle
Caractéristiques L’habitude, les L’impolitesse, La banalité, La division, La défaite, L’improductivi L’in employabilité,
dévalorisées signes la vulgarité, la l'indifférenc l'individualis l'indésirable, té, la rigidité, le
extérieurs, le traîtrise, la e, le me, le fait de ne l'inefficacité manque de
réalisme nouveauté méconnu, la l'arbitraire, pas être polyvalence,
désuétude l'illégalité compétitif l'immobilité, la
sécurité, l'autorité
Comme ces cités sont en contradiction, il faut trouver des compromis pour assurer la
cohésion du collectif au travail. C’est le rôle des conventions.
2.1.4 Controverses :
Partant de là, les acteurs peuvent entrer dans plusieurs types de relations :
• Survient une controverse dans une même cité. Pour la clore, on recourt à un principe
supérieur commun. Car les personnes engagées dans une même cité ont un même
système d'équivalence, ils se déplacent dans une grandeur identique. Les objets sont
identifiés et hiérarchisés de manière compatible.
• Il peut coexister Il des cités différentes sans discordes. Mais dans ce cas l'équilibre
reste provisoire.
• Il peut survenir un différend entre des cités. La discorde doit, pour être clarifiée, être
rapportée à une cité et une seule. Elle peut également être résolue par un
arrangement, les partenaires se mettent localement d'accord sur une transaction.
Enfin, les acteurs peuvent arriver à un compromis, et dans ce cas, ils réunissent
plusieurs cités à travers un bien commun.
L’utilité essentielle est d’identifier les facteurs explicatifs de l’action collective et par là les
modes de justifications de solutions de gestion (ex : le progrès l’impose). La notion de
convention permet de mettre d’accord des individus aux positions antagonistes. Ainsi
Boltanski & Chiapello (1999) montrent l’adaptation des valeurs managériales aux
préoccupations de la société : la critique nourrit la pratique organisationnelle.
Seulement cette analyse n’a pas le pouvoir explicatif des théories dominantes, elle reste trop
abstraite et insuffisamment opérationnelle pour s’imposer dans tous les champs qu’elle vise.
2.2 L'ethnométhodologie
" Les ethno méthodologues ont développé une technologie alternative et radicale pour
l’analyse sociale. " H. Garfinkel.
L’ethnométhodologie commence donc avec les travaux de H. Garfinkel qui entreprend des
études doctorales en 1946 sous la direction de Talcott Parsons, En 1952 il soutiendra sa
thèse : " The Perception of other ". Parallèlement à son doctorat, il s’initie à la
phénoménologie, lit A. Schütz, E. Husserl qui exerceront sur lui une grande influence.
Garfinkel ne cessera jamais de reconnaitre que T. Parsons a eu une grande influence sur lui.
" Cela s’entend si l’on conçoit que tout d’abord que l’ethnométhodologie était la
conséquence logique de l’œuvre monumentale de Talcott Parsons". H. Garfinkel.
Mais c’est en 1945 que les prémices de ce qui allait devenir l’ethnométhodologie
commencèrent à germer dans l’esprit de son fondateur lorsqu’il participa avec Saul
Mendlovitz au projet d’une étude des jurés organisé par Fred Strodtbeck à l’Ecole de Droit
de Chicago.
Garfinkel et Mendlovitz devaient écouter des enregistrements dissimulés dans les salles de
délibération des jurés de Wichita. Ils s’intéressaient " aux façons dont les jurés utilisaient
Une certaine connaissance du fonctionnement des affaires organisées de la société -
connaissance dont ils se servaient sans difficulté " H. Garfinkel.
En rédigeant ses travaux sur les jurés, Garfinkel fut stupéfait d’apprendre que les jurés
avaient des méthodes sociologiques profanes pour appréhender les problèmes liés au
verdict qu’ils devaient rendre à la cour. Ces méthodes utilisées, Garfinkel les qualifiera
d’ethnométhodes. L’idée de l’ethnométhodologie était née. Le terme fut ensuite inventé par
analogie avec l’ethnobotanique lorsqu’il consulta les fichiers comparatifs de Yale.
Cette école se pose comme une " anti sociologie " ou " sociologie profane ", qui s’intéresse
avant tout aux raisonnements pratiques et au " sens commun ", pour permettre à l’individu
de décrypter et d’ordonner le monde qui l’entoure. L’ethnométhodologie s’articule autour
d’une critique des méthodes de la sociologie conventionnelle.
Pour l’ethnométhodologie, il n’y a pas d’objets d’études stables, par exemple des structures
sociales fixes (mises en évidence par les travaux de Durkheim), mais des processus à travers
lesquels l’organisation sociale est continuellement recréée.
Pour l’ethnométhodologie, seuls les membres d’un groupe partageant par leur indexicalité
une pratique sociale commune sont à même, par leur compétence unique, de décrire ces
processus.
Enfin comme le dit son fondateur, " c’est l’étude de l’organisation du savoir d’un membre
de ses affaires quotidiennes, de ses propres activités organisées. "
Comme outil épistémologique, l’ethno méthodologue s’appuie sur des axiomes qui aident à
découvrir les pratiques, les modes de raisonnement, à définir " les allants de soi " que
partagent les membres d’une même tribu.
Ces axiomes, que l’on définit au sein du lexique, sont à l’utilisation un outil privilégié
d’analyse ; Ils permettent en effet, de voir comment un ensemble d’individus s’est approprié
le langage et, à travers cette appropriation, l’organisation du monde social.
Ces axiomes doivent être considérés comme un réseau, car tous ces concepts sont liés entre
eux et lorsque l’un d’eux est indiqué, les autres sont impliqués bien qu’ils ne soient pas en
relation hiérarchique ni en relation de sérialité. Il ressemble étrangement à ce que l’on
nomme outre-Atlantique le CYBERSPACE ...
2.2.2 L’Indexicalité :
Cette notion d’ « indexicalité », soulignée pour la première fois par le linguiste Y. Bar-
Hillel en 1954 est une notion centrale pour les sciences sociales, qu’on peut illustrer aussi
par le cas des déictiques ou Shiftears (Ex : Je, Tu, Ici, maintenant, là).
Ces mots ne prennent leurs sens complets que par rapport à la phrase dans laquelle ils sont
énoncés, ils dépendent en quelque sorte de l’instance du discours de son contexte de sa
localité.
" Ce sont des expressions dont la signification ne peut être donnée sans recours à des
éléments liés au contexte pragmatique (espace, temps, sujets présents, objets présents) "
B. Cohein
Un mot n’a pas le même sens ici et là, hier, aujourd’hui et demain, c’est pour cette raison
que nous pouvons dire que le sens est toujours local et qu’il ne peut être généralisé. Il faut
préciser cependant qu’il existe une différence notable entre l’indexicalité et la polysémie qui
ne contient pour sa part qu’un nombre fini de sens, contrairement à l’indexicalité qui peut
en contenir une infinité.
Cette particularité de l’indexicalité, souligné par Bar-Hillel a été reprise par les ethno
méthodologues et étendue à l’ensemble du langage, des actes et des faits sociaux. Ils posent
en quelque sorte la transparence de sens comme hypothèse initiale de leurs discours.
" Le langage tout entier est soumis à l’indexicalité " (Paul Loubière).
La vie quotidienne nous offre constamment des occasions d’indexicalité. Une récente
expérience me mit en situation lorsque je me suis retrouvé dans un cabinet Out-Placement
chargé d’évaluer les compétences de mes collègues de travail et de moi-même. Le test que
nous devions faire était simple, dessiner un arbre ; simplicité du travail demandé, et chacun
de faire son arbre.
Bien sûr, le résultat fut loin d’être homogène, il se trouvait presque autant de croquis que
d’individus. Chaque fois, il s’agissait bien d’un arbre, mais tantôt cet arbre comportait des
feuilles, tantôt des branches.
En effet, dans chaque micro-ethnie, les membres se reconnaissent par cette utilisation
propre du langage. Ce cas est d’autant plus vérifiable sur les Bulletins Board System que le
langage est totalement remplacé par l’écriture, écriture qui pour le néophyte peut sembler
étrange car il utilise des nouveaux codes de communications, des abréviations que nous
expliquerons dans la notion de " membre ".
2.2.3 Réflexivité :
La notion de réflexivité, nous ramène à la notion d’indexicalité indi : sociable selon Garfinkel.
La réflexivité désigne donc les pratiques qui permettent de montrer que l’action et la
situation sont inextricablement liées, indissociables. Elle permet donc de décrire le cadre
social et qui le décrivant le constitue. On perçoit donc combien l’interaction et la description
de l’ordre social et l’existence même de celui-ci est constante.
Exemple : lorsque je prends ma place dans une file d’attente qui se constitue, je contribue
activement à la constitution de cette file. Mais je suis en même temps tenu de rester à ma
place par cet ordre que je contribue à constituer : Sans moi et bien sûr, sans tous ceux qui
attendent l’autobus avec moi, il n’y aurait pas de file d’attente. Par mon arrivée et par mon
installation dans la file, je participe activement à son institution et je suis en même
temps institué par elle, soumis à sa règle dont je suis l’un des instituants.
Au contraire de la sociologie classique qui considère que l’action et la situation sont deux
choses distinctes que l’on peut décrire séparément, l’ethnométhodologie s’attache à
montrer que nulle action est indépendante de la situation dans laquelle elle évolue et
réciproquement. En fait, cette situation apparaît en quelque sorte comme un sous-ensemble
du contexte.
Garfinkel dans les studies, nous parle du caractère " incarné " et réflexif des descriptions.
Incarné car elle est une partie constitutive de la personne, réflexives parce que cette
description renvoie à cette personne et à son contexte.
" De toute personne difficile on peut se demander : Est-elle mauvaise ou folle ?? "
" Ce type était ostensiblement mauvais dans son comportement, mais si nous envisageons
le contexte, il y avait de la folie ".
" De même, si vous êtes assis en face de moi, je puis vous voir comme une personne
pareille à moi - ou sans que vous changiez ou fassiez quoi que ce soit, comme un système
physico-chimique complexe, c’est à dire non plus comme une personne mais comme un
organisme. Traduisons cela dans le langage de la phénoménologie existentielle : l’autre,
selon qu’il est vu comme une personne ou comme un organisme, est l’objet de différents
actes intentionnels. Il n’y a pas dualisme au sens de coexistence de deux essences ou
substances différentes dans le même objet, psyché ou soma - mais deux Gestalt
expérientielles différentes, personne et organisme " D.D. Laing.
2.2.4 Membre :
L’indexicalité nous amène tout naturellement à évoquer la notion de " membre ".
Constamment utilisé en sociologie, ce terme désigne habituellement l’appartenance de
l’individu à un groupe collectivement organisé, à une communauté. Cette notion de membre
souligné dans les travaux de T. Parsons se nomme " Collectivity Membership ".
" Certains sociologues insistent, soi-disant en accord avec nous, qu’il nous faut concevoir
des membres comme des individus collectivement organisés. " H. Garfinkel.
" Pour nous, les "personnes", "personnes particulières" et "individus" sont des aspects
observables d’activités ordinaires. " H. Garfinkel.
En fait, les membres d’une communauté ne se définissent qu’en regard de leur pratique de
sens commun. Seul le partage d’une même indexicalité donne à une personne le statut de "
membre ". Le membre est donc celui qui partage le langage commun du groupe.
" La notion de membre est le fond du problème. Nous n’utilisons pas le terme en référence
à une personne. Cela se rapporte plutôt à la maîtrise du langage commun ".
Garfinkel rejette donc cette idée et insiste sur la maîtrise du langage commun il insiste sur le
fait qu’un membre doit être capable » de produire des énoncés reconnaissables pour
transmettre ce qu’il fait, a fait ou fera ".
Nous savons que l’adhésion à un groupe et la maîtrise du langage commun nous donne le
statut de membre. Mais cela à condition que nous donnions un sens commun à nos
conversations, partageable par tous malgré l’infinitude des indexicalités qui existe dans une
locution. Pour pallier cette insuffisance créée par l’indexicalité, les membres mettent en
œuvre " une méthode documentaire d’interprétation " qui permet de créer un supplément
de sens permettant ainsi une meilleure compréhension et la poursuite de la conversation.
Cependant l’écriture électronique apporte avec elle une contrainte supplémentaire. " La
décontextualisation " et la " non observabilité physique " du locuteur.
Le fait de ne pas voir son interlocuteur pose ici un problème du fait de la non-observabilité
du locuteur, il faut donc pour être admis par les membres de cette communauté
d’informaticiens, savoir utiliser et interpréter des formes particulières de communication,
D’où la nécessité de nouveaux codes de communications tels que les smilles qui permettent
de recontextualiser l’état d’esprit du locuteur sur un réseau. L’écriture électronique
induisant un certain nombre de décontextualisations qui prêtent moins à confusion lors d’un
face à face : (la mauvaise interprétation du sens d’un message est chose courante sur les
BBS).
" Un membre, ce n’est pas seulement une personne qui respire et qui pense. C’est une
personne dotée d’un ensemble de procédures, de méthodes, d’activités, de savoir-faire,
qui la rendent capable d’inventer des dispositifs d’adaptation pour donner un sens au
monde qui l’entoure, c’est quelqu’un ayant incorporé les ethnométhodes d’un groupe
social considéré, exhibe naturellement la compétence sociale qui le lie à ce groupe et qui
lui permet de se faire reconnaître et accepter " A. Coulon.
Dans le deuxième cas, nous ne le pensons pas, le smiley voulant dire que nous le disons de
façon ironique.
En résumé, nous pouvons dire que la cohésion du groupe se réalise en fonction des
communications développées entre ses membres. Ainsi plus il y aura de communications au
sein du groupe, plus y aura de cohésion entre ses membres.
En fait si l’individu ne comprend pas les " Allants de soi " du groupe, il ne comprendra pas ce
qui se dit. Etre membre, c’est donc apprendre les " Allants de soi " du groupe et vérifier que
l’on n’a pas commis de contresens vis à vis de ses " Allants de soi ". C’est surtout participer le
plus à la vie de ce groupe.
Ce qui est également très révélateur sur un BBS, est la participation de chaque membre aux
diverses activités du serveur. J’ai souvent remarqué sur mon serveur, que tous les membres
participent rarement de la même manière. ; il y a les plus actifs et les moins actifs. Ceux qui
émettent le plus de messages sont généralement ceux qui en reçoivent le plus. Les individus
les moins impliqués sont en général les moins intégrés donc les " moins membres ".
Ce type de cohésion accroît donc le sentiment d’appartenance et renforce les liens par
rapport au monde extérieur. Cette communication dans un BBS concerne donc l’interaction
entre un certain nombre de personnes qui sont capables d’envoyer et de recevoir des
messages entres elles. Toute personne, même la plus isolée, est liée à un grand nombre
d’individus par un réseau de communications. Ces liaisons constituent ce que l’on appelle "
les réseaux personnels «. Ils consistent en un ensemble de contacts directs et indirects que
les gens établissent entre eux.
Les réseaux personnels mettent des individus en contact au travers d’un ensemble
d’expériences vécues, de domaines d’intérêt similaire que les membres partagent au sein de
conférences établie par les SysOps.
Ce qui caractérise la communication établie au sein d’un BBS, ce sont les relations
dynamiques entre ces éléments.
De l’interaction émerge souvent un sentiment d’attachement entre les membres bien qu’ils
ne se connaissent que par écriture interposée ; de même la communication fait naître une
acquisition des normes communes et participe à l’émergence de la solidarité, typique sur ces
serveurs.
" Osijek, en Croatie. Le 10 Mai 1992, à 19h49, le docteur Adjelko L. dépose par modem, un
message dans la conférence électronique d’Euro-Health, sur le BBS Parisian Médical :
victime de l’explosion d’une grenade à quelques pas de son automobile, sa femme
Dubravka, elle-même médecin, est hospitalisée à Zagreb ; elle a besoin d’aide et de
médicaments ; Andjelko L qui maîtrise mal l’anglais médical, délivre un diagnostic en latin.
Quelque part en Angleterre, le même jour, à 20h46. Le docteur David McK, découvre le
message d’Andjelko via le réseau UK Healthlink. Il répond qu’il enverra dès que possible ce
dont Dubravka a besoin ..."
C’est ainsi que nous devenons " membre " à savoir que nous partageons par une même
indexicalité, le sens commun du groupe. Ce partage du langage commun favorise donc le
sentiment d’appartenance au groupe.
Mais cela n’empêche nullement chaque personne d’être " membre " d’une ou plusieurs
communautés. L’individu peut par exemple être membre d’une communauté
d’informaticiens, mais aussi être membre d’une communauté de Cibistes.
Dans ces différents milieux, il utilisera le langage commun du groupe, conformément aux
règles tacites définies par la communauté et cela sans mélanger ses différentes
appartenances.
Dans chaque groupe, " le membre " devra se munir du savoir de sens commun qui lui
permettra d’adapter son attitude, son vocabulaire, à l’ensemble des membres de sa
communauté. Lorsqu’il changera de " tribu ", il devra changer son attitude, son vocabulaire
afin de s’intégrer de nouveau. L’individu n’est cependant pas enfermé dans l’appartenance à
une seule communauté qui régirait entièrement sa vie. Cette notion de membre est
beaucoup plus complexe et plus souple. Je suis membre de plusieurs communautés selon
mes activités professionnelles ou extra-professionnelles.
Mieux je peux me créer un monde dans lequel, je suis seul à pouvoir déchiffrer les codes de
conduite, alors je deviens l’unique individu capable de m’adapter à ce monde, je reste "
membre ". Au titre de personne particulière (Cf Citation d’H. Garfinkel), je reste un objet
d’étude pour les ethno méthodologues.
Un membre est donc une personne " dotée d’un ensemble de procédures, de savoir-faire qui
la rendent capable d’inventer des dispositifs d’adaptation pour donner sens au monde qui
l’entoure ".
Comme je l’ai expliqué dans la notion d’indexicalité, il est très difficile de mettre à jour la
connaissance des règles de l’ordre de social. Lorsque nous devenons membre d’une micro-
ethnie et que nous partageons le même sens commun, la situation est telle qu’elle devient
naturelle et nous ne la percevons plus, et c’est seulement lorsqu’il y a une sorte de cassure
que nous la percevons de nouveau.
Ces conduites " anormales ou déviantes " sont appelées " Breaching " par Garfinkel.
Garfinkel et Sacks ont défini ce qu’il fallait entendre par cette indifférence ethno
méthodologique :
" Les études ethno méthodologiques sur les structures formelles sont destinées à l’étude
de phénomènes tels que leurs descriptions par des membres quels qu’ils soient, en
s’abstenant de tout jugement sur leur pertinence, leur valeur, leur importance, leur
nécessité, leur " praticalité «, leur succès, ou leur conséquence. Nous appelons cette
procédure " indifférence ethno méthodologique ".
On peut donc s’interroger sur la possibilité d’une telle indifférence. En fait, il faut se montrer
aussi participant que possible donc ne pas être indifférent à la vie de cette communauté,
néanmoins, il est impératif de rester impartial dans la retranscription de cette observation,
afin de ne pas y adjoindre de jugements de valeur qui la fausseraient. L’indifférence
ethnométhodologie est donc un " break " momentané de ses propres accounts, " une
suspension de jugement ".
Cette notion d’indifférence peut être exprimée de la manière suivante. Elle est une sorte de
" Voyage Astral " de l’ethno méthodologue.
" Pour évaluer par exemple la réalité de sa qualité de membre, il devra réfléchir
froidement au volume effectif de communication qu’il a pu avoir avec le groupe étudié,
sans se laisser entraîner par des illusions et des désirs " Y. Lecerf.
Cette notion d’indifférence doit être celle adoptée par un ethnologue lorsqu’il étudie un
groupe.
Il ne doit se soucier que de son observation, sans avoir à porter le moindre jugement sur ce
qu’il observe. Il devra rester impartial et éviter toute affirmation hasardeuse, j’entends par
hasardeuse toute affirmation dont il n’est pas certain. Affirmation hasardeuse qui n’est autre
qu’un mode de raisonnement par induction.
Cette façon d’opérer, Garfinkel, l’utilise dans son étude sur le cas Agnès.
Agnès est un transsexuel américain qui veut se faire opérer, dans cette étude Garfinkel ne
cherche pas à savoir pourquoi elle désire être une femme, pas plus qu’il ne démontre qu’elle
y est parvenue. Les seules constatations qu’il observe sont les comportements d’Agnès, ses
attitudes vis à vis des autres et le fait qu’elle est unanimement reconnue comme une femme
par son entourage, son ami, la famille de son ami. Dans son observation Garfinkel refuse de
prendre position, il se cantonne à montrer Agnès comme elle apparaît aux yeux des autres. Il
ne fait qu’une description d’elle, il se contente de décrire les " Accounts " d’Agnès.
" Une jolie femme, avec de mensurations impressionnantes, une peau féminine,
complètement imberbe, un maquillage discret, une taille fine, des pieds un peu trop
grands, une voix douce, féminine, mais grave «. H. Garfinkel.
Toutefois, il est possible que l’observateur désire prendre position dans son étude et porter
des jugements de valeurs, mais il devra mentionner dans son observation son implication et
ses prises de position en tant que membre du groupe qu’il observe.
" Tout cela est en effet tout de même permis à condition de s’assortir d’une ‘ mise entre
guillemets’ "Y. Lecerf.
Je reste stoïque, à ce moment précis, je pose en quelque sorte ma casquette de SysOp, pour
rentrer dans celle d’un observateur, qui ne porte aucun jugement de valeur sur le contenu
des messages. Casquette d’observateur d’autant plus facile à porter que l’utilisateur ne sait
pas qu’il est observé.
Garfinkel a choisi ce terme car il était selon ses dires celui qui se rapprochait le plus de
cette façon particulière qu’a un membre d’examiner, de scruter, fouiller, de voir, mais aussi
de « voir-rapporter », n’ayant pas trouvé de mot pour traduire en langue anglaise ce terme,
il a utilisé « Accountability ».
Ce terme Anglais est très difficile à traduire en français sans faire appel à ces deux notions
d’intelligibilité et de racontabilité. « Racontabilité » d’une part car « l’accountabilily »
renvoie à la possibilité de décrire ce qui l’entoure, à décrire le réel. « Intelligibilité » d’autre
part car ce terme renvoie aussi à la possibilité de rapporter ce qui nous entoure, car un
compte rendu est organisé, raisonné et met en œuvre sa compétence unique et les
pratiques de sens commun de son auteur, A ce titre l’accountability est aussi réflexive.
Comme nous l’avons déjà précisé dans l’axiome précédent, Garfinkel ne cherche pas à savoir
pourquoi Agnès veut être une femme, non plus qu’il cherche à démontrer
physiologiquement qu’elle y soit parvenue. Les seuls éléments qui pour lui sont importants,
sont ses comportements, son attitude vis à vis des autres, et le fait qu’elle est unanimement
reconnue comme une femme par son ami et la famille de celui-ci. Garfinkel refuse dans son
étude de s’interroger sur les mobiles qui font qu’elle désire se faire opérer, il se contente de
décrire le plus fidèlement possible les mécanismes, les processus par lesquels elle acquiert le
statut de femme vis à vis des autres. Ce qui l’intéresse ce sont ces « accounts ».
Garfinkel montre qu’Agnès doit continuellement exhiber, dans toutes les activités de vie
quotidienne, les caractères culturels qui font qu’Agnès semble être une femme. Elle doit
continuellement contrôler ses attitudes, quand elle va à la plage, quand elle mange, sort ou
lorsqu’elle dissimule son anatomie à l’amie avec qui elle partage son appartement.
L’accountability d’Agnès c’est cette « exhibition » de sa personnalité de femme dans les
activités de tous les jours. Cette attitude qui d’habitude est innée chez une femme, est
acquise et contrôlée dans le cas d’Agnès. Ce que cherche à montrer Garfinkel, c’est la mise
en scène de sa féminité et non le pourquoi de celle-ci.
Les réunions que nous avons entre SysOps de BBS sont un exemple assez parlant de ce
phénomène. Chaque réunion que nous avons après le partage des coûts des conférences
tous les deux mois donne lieu à un compte rendu de l’activité de nos serveurs. Ce règlement
repose sur des règles tacites de fonctionnement du Net.
Cet account reflète très précisément les pratiques d’un groupe de SysOps, leur méthode de
réflexion et d’évaluation. Mais le compte rendu de la réunion qui se passe toujours par
conférence et quelquefois de « visu » est une référence que les « Area Coordinateur » et les
SysOps utilisent en cas de difficulté, un document qui permet de construire de nouveaux
raisonnements basés sur ce qui s’est déjà produit.
Ces conseils de SysOps, véhiculés par certaines conférences réservés exclusivement aux
possesseurs de BBS permettent de réaffirmer en permanence les règles qui régissent notre
petite communauté, Ces conférences sont à la fois le lieu où les règles se constituent et celui
où elles se défont. Une fois établies, elles sont publiées et envoyées à chaque SysOps de
serveur. Nous l’appelons la POLICY.
Les décisions que nous prenons lors de ces réunions apparaissent bien comme raisonnées,
motivés par des raisonnements justes, et de sens commun et à travers ces raisonnements, le
« Net » trouve sa crédibilité vis à vis des autres membres.
« Les accounts ne sont pas seulement la description d’un ordre social, mais une partie
constitutive de cet ordre »
2.2.7 Le raisonnement de sens commun :
Plus communément appelé « le bon sens » est « ce qu’il est raisonnable de faire », « ce que
tout le monde sait », « ce qui est évident » ou « ce qui se fait », il s’observe et on le met en
œuvre, Garfinkel utilise la notion « d’Everyday life ».
« D’une certaine manière, le bon sens des investigations de chacun était ...observable et
reconnaissable. Il était disponible, d’une manière ou d’une autre pour cette manière
particulière de regarder que les membres mettent en œuvre, cette manière particulière de
chercher, de pressentir, de voir, et pas seulement de voir, mais de voir et relater. Il était
disponible pour une observation et un compte rendu. » H. Garfinkel
Très souvent employé dans notre vie pour résoudre des problèmes quotidiens comme
choisir un vêtement, fixer un itinéraire etc. ... le raisonnement de sens commun est
habituellement défini par opposition au raisonnement scientifique, qui est tenu pour être
plus rigoureux et infiniment supérieur dans la véracité de ses résultats ; Etant donné que
celui-ci repose sur des principes démontrés et vérifiés excluant toute approximation et
principes non démontrés. Le sens commun, quant à lui renvoie, à une connaissance
beaucoup plus intuitive de notre organisation sociale, il renvoie à l’ensemble des allants de
soi qui guident notre conduite.
Mais faits étrange : Les sciences et en particulier les sciences sociales qui reposent sur le
langage naturel ne peuvent gommer l’indexicalité inhérente de celui-ci.
Or le principe même de l’indexicalité est qu’il rattache tout discours scientifique à son
contexte. Par conséquent les raisonnements scientifiques ne peuvent exister dans un espace
neutre et se défaire de leurs allants de soi.
En cela nous pouvons dire que l’impartialité affichée est entachée par des raisonnements de
sens commun qui « viennent de façon sournoise, couramment s’insérer au cœur même des
raisonnements scientifiques comme composante essentielle » Y. Lecerf
Bien que les scientifiques de tous bords revendiquent haut et fort l’objectivité de leurs
propos et l’impartialité de leurs points de vue, nous ne pouvons que constater que toute
science ou tout raisonnement scientifique possède sa part de subjectivité.
Je vais donc essayer de donner un exemple courant de l’introduction dans les raisonnements
scientifiques de procédures de sens commun.
Très souvent lorsque les scientifiques décident d’étudier une population importante, ils
partent du principe qu’il suffit de compiler les études de plusieurs micro-ethnies pour avoir
la connaissance globale de la région ou du pays. Comme s’il suffisait pour avoir cette
connaissance d’accumuler des multitudes de micro-savoirs, sans se préoccuper du contexte
dans lequel ces individus évoluent. Pourtant nul ne s’interroge sur la validité de cette
démarche scientifique qui consiste à accumuler des parties pour obtenir un tout.
Les sondages politiques sont basés sur ce même principe. Il est communément admis par les
scientifiques et « les autres » que cette méthode est « valable » et personne ne songe à la
mettre en doute. Pas même les politiciens sauf peut-être lorsqu’ils sont donnés perdants.
Ce constat que le sens commun influence s’immisce dans les raisonnement dits scientifiques
devrait nous amener à réfléchir à cette valeur que nous accordons à la science mais aussi sur
la supériorité affichée des raisonnements scientifiques sur le sens commun.
L’Ethnométhodologie s’insurge sur la prédominance du raisonnement scientifique face au
raisonnement de sens commun. Mais le but de l’ethnométhodologie n’est pas d’assimiler la
connaissance pratique à la connaissance scientifique ni même de les opposer, mais de voir
commun l’individu les utilises en interaction l’une avec l’autre.
Cette notion de cassure, de rupture dont nous avons déjà parlé à propos de l’indexicalité et
de la notion de membre, est une attitude que l’on doit adopter pour mettre à jour les
pratiques de sens commun des membres d’un groupe.
C’est une " Technique de perturbation délibérée du réel quotidien pour essayer de "
comprendre " comment les structures des activités quotidiennes sont normalement et
routinièrement produites et maintenues. " G. Lapassade
Chose qu’il serait impossible d’observer sans cette pratique, étant donné que ces règles sont
implicites pour le groupe, et qu’elles n’ont nul besoin d’être exhibées et c’est seulement
lorsqu’il a rupture de ces règles qu’elles redeviennent évidentes.
Cette pratique que l’on pourrait qualifier de provocatrice, semble être la seule à pouvoir
provoquer une réaction des membres qui se sentent en quelque sorte bousculés, ce qui
provoque en eux une réaction visant à rétablir " l’ordre social ".
Lorsqu’un des membres rompt cet ordre, le groupe se charge aussitôt de le rappeler à
l’ordre ou si nécessaire de lui exhiber la règle. C’est à cet instant précis que l’ordre social
devient visible et observable, que les lois tacites qui régissent le groupe sont formulées.
Depuis quelques temps déjà, nous voyons apparaître sur les BBS, un certain nombre
d’individus venant d’une autre " tribu «, " les minitellistes ". Ces personnes qui ne
connaissent pas les règles tacites qui régissent les BBS, amènent donc leur propre culture, ce
qui ne fait pas l’unanimité pour les SysOps de serveur BBS.
Les " minitellistes " utilisent un langage très différent des " Bbsings " qui se présentent en
quelque sorte comme un " Argot de réseau " où les mots sont changés, caricaturés, tronqués
pour être réduits à leur plus petite taille. La taille des mots étant plus petite et donc plus
rapide à taper sur le clavier, les coûts de communication s’en trouve automatiquement
réduit. Phénomène inconnu sur les BBS car les messages sont tapés Off-Line c’est à dire non
connecté ... Les nouveaux connectés amènent donc leur propre culture mais sont
automatiquement classés comme personnes indésirables sur les BBS car ils ne partagent pas
le même langage commun.
2.3 La structuration
Cette théorie a été développée par Anthony Guiddens, professeur de sociologie anglais, dans
son ouvrage classique : La constitution de la société (1984).
Il faut prendre en considération à la fois l’individu et les structures dans lesquelles il évolue.
Ces structures sociales (les organisations par exemple) permettent aux acteurs d’agir et sont
à la fois des contraintes qu’il faut dépasser.
Les acteurs mènent des stratégies qui ont un sens dans un contexte donné ; et qui vont
entraîner des conséquences non-intentionnelles.
Giddens montre donc qu’il faut aller au-delà des actions simples pour comprendre toutes les
situations sociales dans leur ensemble : comme tout n’est pas intentionnel et rationnel dans
l’action humaine, il faut identifier les structures où se déroulent les actions collectives ainsi
que les actions individuelles.
Supervision directe, une personne responsable du travail des autres, elle donne des
ordres directs. Structure simple.
Standardisation des résultats, maître des règles sur les performances ou les résultats à
atteindre.
Ces cinq mécanismes existent dans toute organisation. La coordination s'adapte au contexte
et aux facteurs de contingences.
2 - centre opérationnel
3 - lignes hiérarchiques
Tous ces facteurs vont se combiner pour définir des idéals types. Des formes abstraites
d'organisation. Cinq formes classiques plus deux.
Mécanismes de
Configurations Particulier de Type de
coordination
structurelles l'organisation décentralisation
principale
Centralisation
Structure simple Supervision directe Sommet stratégique horizontale et
verticale
Bureaucratie mécaniste
Décentralisation
ou industrielle Standardisation des
Technostructures horizontale et
(organisation procédés de travail
verticale limitée
Taylorienne)
Décentralisation
Bureaucratie Standardisation des
Centre opérationnel horizontale et
professionnelle qualifications
verticale
Standardisation des Décentralisation
Formes divisionnalisées Lignes hiérarchiques
produits verticale limitée
Fonctions de support Décentralisation
Adhocratie Ajustement mutuel
logistique sélective
Missionnaire ** ** **
Politique ** ** **
Bernoux cherche les facteurs explicatifs des différents comportements des organisations : il
faut trouver ce qui donne un sens à l’action collective (les logiques d’action). Il constate que
les conventions, les identités, les normes et les comportements adoptés dans les
organisations résultent de la manière dont chaque membre interprète son rôle et voit sa
place.
Les logiques d’action forment la synthèse de la pensée sociologique française : Bernoux s’est
d’abord fait connaître comme vulgarisateur de la sociologie des organisations avant de
présenter sa propre théorie. Il est passé des logiques d’action à l’analyse du changement,
Bernoux (2010).
Les différences de représentations entre acteurs au sein des organisations vont influencer
leur manière de concevoir les contraintes sociales et les solutions aux problèmes rencontrés.
Les acteurs se situent face à une situation en fonction de l’action envisagée, des jeux de
pouvoir et du passé. Tous ces éléments vont modeler les représentations des acteurs.
Le monde civique :
Le monde domestique :
Respect de la place dans un réseau de relations, ordonnés selon l'âge, le statut, la tradition.
Le monde industriel :
Le monde inspiré :
Le monde de l'opinion :
L'activité, les projets, les tensions du réseau (Luc Boltanski et Eve Chiapello – 1999).
Un conflit peut apparaître au sein d'une même cité. Il faut trouver un mode de résolution
adaptée à la logique action (la cité). Réactiver les principes communs pour trouver une
justification commune.
Deux logiques cohabitent sans complet. Une reprise travaille dans un mode familial (monde
domestique). Si l'entreprise fait appel à un service commercial aiglefin monde marchand, la
cohabitation marche signe pas de remise en cause. Équilibre fragile.
L'arrangement local, chacun reste dans son monde mais trouve un espace d'échanges (de
transactions). Tolérance réciproque (logique civique du syndicaliste et logique industrielle du
patron).
Le compromis « frayé », forme d'accord la plus durable. Deux logiques d'action sont
associées. Compromis lorsque des individus ont reconnu dans chacun des deux mondes. Le
débat : quelle est la logique d’action qui est légitime ?
Conclusion :
En guise de conclusion, on peut dire que la sociologie des organisations renvoie à une
réflexion sur l’action collective. Càd une action concertée, convergente menée par une
pluralité d’acteurs en vue d’atteindre un certain objectif. Il s’agit, d’appréhender les
mécanismes de coopération sur lesquels repose cette action collective. On s’intéresse à
l’organisation sociale au sens large, société est organisée avec des règles et des principes.
D’ailleurs, même si nous avons nos propres préférences, on préfère rester neutre et
ne pas trancher entre ces différentes approches, nous réfugiant dans un pluralisme
méthodologique de façade, en considérant que chaque théorie peut contribuer de façon
productive à une meilleure compréhension du comportement et du fonctionnement des
organisations.