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Cours de Macroeconomie Monetaire Et Financiere-1

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MACROECONOMIE MONETAIRE

ET FINANCIERE
MASTER 1

Dr KOUAKOU OMER
*Les références bibliographiques

Bernanke B.S., (2002), “Deflation: Making Sure “it” doesn’t Happen Here”, Remarks by
Governor Ben S. Bernanke before the National Economists Club, Washington D.C., Board of
Governors of the Federal Reserve System, Washington, D.C,

Goodhart, C.A.E., (2008), “The Continuing Muddles of Monetary Theory: A Steadfast


Refusal to Face facts”, paper presented to the 12 th Conference of the Research
Network macroeconomics and Macroeconomic Policy, Berlin, Germany, October 31st –
November 1st, 2008 ;

Goodfriend M., et R.G. King, (1997), “The New Neoclassical Synthesis and the Role of
Monetary Policy” in Bernanke B.S., and J.J. Rotemberg (edits), NBER Macroeconomic
Annual 1997, MIT Press, Cambridge, MA ;
CHAPITRE 1 
L’APPORT DE LA FINANCE A LA THEORIE MONETAIRE STANDARD

I) La conception classique et néo-classique de la monnaie 

1) Une approche dichotomique et neutraliste de la monnaie

La théorie classique et néo-classique, qualifiée de théorie économique standard, se préoccupe


davantage de généralisation. Elle a une inclination courante pour l’universalisme de principe
et pour l’individualisme méthodologique. De façon générale, la théorie classique et la théorie
néoclassique sont à distinguer, mais, sur la monnaie, elles ont une position commune. Pour la
théorie économique standard, la monnaie trouve son origine dans des préoccupations
purement économiques et se définit mieux par ses fonctions économiques :

 Ainsi, R. G. Hawtrey (1919), parlant de la monnaie, écrivait que « certains objets


trouvent dans l’usage que l’on en fait leur meilleure définition ».

 C’est ainsi que l’on a pris l’habitude de définir la monnaie par ses trois fonctions
mises en exergue par le philosophe Aristote il y a plus de deux millénaires et reprises
par Stanley Jevons (1871): intermédiaire des échanges, réserve de valeur, étalon de
mesure.

Les tenants de cette théorie économique standard, adoptant une approche dichotomique de
l’économie, divisent celle-ci en deux sphères distinctes :

 la sphère réelle dont l’intérêt réside dans la détermination du volume de la production


nationale et de la quantité de transactions à financer par le stock monétaire, d’une part,

 la sphère monétaire dont l’analyse concerne la monnaie et le niveau général des prix,
d’autre part.

Selon cette approche dichotomique, la monnaie est externe au monde de la production. Une
telle approche de la monnaie remonte à Jean Bodin (16ème siècle), John Locke (17ème siècle) et
Adam Smith (1776), David Ricardo. Ils analysent la monnaie comme une marchandise
particulière dont l’offre est exogène.

Dès 1898, la théorie néoclassique de la monnaie peut se résumer par la théorie quantitative de
la monnaie (TQM). Celle-ci, esquissée par Jean Bodin (1568) qui remarqua la corrélation
entre l’arrivée massive de métaux précieux en Europe et la flambée des prix, puis formulée
par John Locke (1690), David Hume (1752) et Richard Cantillon (1757) sera mise sous forme
d’équation par Irving Fisher (1897, 1911).

La TQM stipule que pour un volume de transactions (T) donné et une vitesse de la circulation
(V) constante, toute variation de la quantité de monnaie en circulation (M) entraîne une
variation proportionnelle des prix (P) : MV = PT. La vitesse de circulation est supposée
constante à court terme car les habitudes de paiement n’évoluent que lentement. Le volume de
transactions est lui aussi supposé constant car l’équilibre des marchés assure le plein emploi
de toutes les capacités de production. La théorie quantitative de la monnaie s’intègre donc
dans le modèle d’équilibre général de Walras.

2) Les quatre idées force de l’approche classique et néo-classique de la


monnaie

De façon plus précise, l’approche classique et néo-classique de la monnaie est structurée


autour de quatre idées :

 La monnaie est un voile : la monnaie est un instrument qui évite les inconvénients du
troc lorsque les échanges se développent et se complexifient. Parce qu’elle est unité de
compte, la monnaie sert d’intermédiaire des échanges. Simple intermédiaire, elle n’a
d’intérêt que parce qu’elle facilite les échanges de marchandises. Mieux, ce sont les
marchandises qui s’échangent entre elles. On aboutit à l’idée que la monnaie est en
quelque sorte un voile dissimulant cet échange.

 La théorie quantitative de la monnaie : elle a donné naissance à une branche


particulière de la théorie néoclassique : le monétarisme. La théorie quantitative de la
monnaie affirme donc que la monnaie n'a pas d'effet sur l'activité économique, il
existe une séparation stricte ou dichotomie entre sphère réelle (consommation,
investissement, emploi, production) et sphère monétaire et l'inflation est un
phénomène monétaire.

 La monnaie est neutre : cette troisième idée découle de la précédente. Si la variation


de la quantité de monnaie ne fait varier que les prix, elle n’a aucune influence sur la
production et l’emploi. La monnaie est donc neutre au regard de l’activité réelle. Une
autre manière de dire qu’elle n’est qu’un voile. Cette idée très ancienne puisqu’elle
date au moins de deux siècles et demi a été remise au goût du jour dans les années
1950 par Milton Friedman qui a étendu le raisonnement du court au long terme. La
neutralité de la monnaie vis-à-vis de l’activité productive est vraie à long terme après
que les entreprises, les travailleurs et les ménages ont réagi rationnellement à un
événement non anticipé.

 La loi des débouchés : Elle fut formulée par Jean-Baptiste Say (1803). Elle fut
systématisée par Léon Walras (1874) dans son modèle d’équilibre général de tous les
marchés. Que dit-elle ? Comme les marchandises s’échangent contre des marchandises
(la monnaie n’étant qu’un voile), toute offre crée sa propre demande. La production
permet de distribuer des revenus monétaires d’un montant équivalent à la valeur de la
production. Les revenus sont dépensés en achats de biens de consommation et en
achats de biens d’investissement via l’épargne. P = R = C + S = C + I = D. Toute
surproduction est impossible. Un déséquilibre dans un sens dans un secteur de
l’économie serait immédiatement compensé par un autre en sens inverse. L’équilibre
général serait rétabli par la flexibilité des prix.

3) Inefficacité de la politique monétaire

Le fonctionnement distinct de la sphère monétaire et de la sphère réelle fait perdre tout intérêt
à une politique voulant jouer sur la masse monétaire pour favoriser la production et l'emploi.
La seule conséquence constatée serait une augmentation générale des prix. La politique
monétaire est donc incapable d'influencer l'activité économique. La stratégie de politique
monétaire qui en découle est celle consistant à contraindre l’offre de monnaie à évoluer
comme la demande réelle de monnaie désirée par l’ensemble des agents économiques pour
garantir la stabilité des prix. Les Banques Centrales doivent en prédéterminer la quantité.
Cette prédétermination de la quantité de monnaie a été diversement définie : la règle du K%
de Friedman, le marché de Hayek, la règle plutôt que la discrétion de Barro, etc.

La règle du K% de Friedman

Friedman postule des anticipations adaptatives et montre que la création monétaire est neutre
dans le long terme : une politique monétaire expansionniste ne peut avoir que des effets
transitoires sur l’activité économique et l’emploi. De cette neutralité de la monnaie à long
terme, Friedman propose une progression stable de la masse monétaire (règle du K%) en
relation avec l’évolution de la croissance économique réelle. Il est aussi en faveur d’un
système de change flexible.

La règle plutôt que la discrétion de Barro

Les économistes de la NEC (Lucas, Barro, Sargent, Wallace) postulent des anticipations
rationnelles et montrent que la monnaie est neutre aussi bien à long terme qu’à court terme.
En effet, les effets inflationnistes d’une politique monétaire expansive sont immédiatement
anticipés par les agents et deviennent sans effet même à court terme (courbe de Phillips
verticale à court terme).

Par ailleurs, ces économistes préconisent une politique monétaire assise sur des règles plutôt
que sur la discrétion. En effet, les politiques discrétionnaires se heurtent au problème de
l’incohérence temporelle des politiques optimales : une politique optimale en t1 (inflation
surprise) ne l’est plus aux périodes suivantes compte tenu des anticipations rationnelles des
agents (Barro, 1983). Pour restaurer la crédibilité, il faut des règles et renoncer à toute velléité
de relance. On a les règles de comportement (réputation) soit en important de la crédibilité par
arrimage à une zone de change fixes menées par une monnaie forte, soit en se fondant sur la
réputation d’une personnalité conservatrice (Rogoff, 1985). On a aussi des règles de droit, ce
qui permet d’acquérir de la crédibilité en se liant les mains juridiquement (indépendance des
BC, pour éviter notamment le financement monétaire du déficit budgétaire).

Ce cadre se recommande d'une doctrine monétaire renouvelée : le ciblage flexible de


l'inflation [Bernanke et Mishkin, 1997]. Il consiste à placer les actions discrétionnaires de la
politique monétaire de court terme sous la contrainte d'une règle d'action à moyen terme
assurant la stabilité des prix. Cette stabilité est définie comme une plage de viabilité des taux
d'inflation futurs à l'intérieur de laquelle les actions de la Banque Centrale, quel que soit
l'objectif qui les motive, bénéficient de la confiance des agents.

L’école des cycles réels

La théorie de la neutralité de la monnaie sur l’activité économique et l’emploi est renforcée


par l’école des cycles réels (De Long, Plosser, Kydland, Prescott). Ceux-ci montrent les
fluctuations cycliques (taux de croissance, taux de chômage) ne sont pas influencées par la
politique monétaire mais sont au contraire la réponse optimale de l’économie à des chocs
exogènes.
II) Un assouplissement de la TQM : vers une conception non neutraliste de la
monnaie

La TQM implique la neutralité de la monnaie sur la sphère réelle. Mais des auteurs ont
réformulé la TQM en l’assouplissant pour tenir compte de la possibilité d’une influence de la
monnaie sur la sphère réelle de l’économie. On peut citer Knut Wicksell, Irving Fisher. Pour
ces derniers, la TQM est incomplète car la relation proportionnelle entre hausse de la masse
monétaire et hausse des prix ne tient pas compte du crédit bancaire. Cet assouplissement de la
TQM se fait en faisant l’hypothèse que la monnaie est de la pure dette ou du pur crédit. Ainsi,
l’analyse intégrée de la sphère réelle et de la sphère monétaire se fait en recourant à la
finance. La prise en compte explicite des mécanismes de la finance permettrait-elle de faire le
lien entre la sphère réelle et la sphère monétaire ?

1) L’approche monétaire de Wicksell : la théorie de l’équilibre monétaire

Knut Wicksell, économiste suédois, se trouve dans le courant de la Currency Principle. Knut
Wicksell (Interest and prices, 1898) pense que mettre en relation le marché des biens et le
marché de la monnaie pour déterminer le niveau des prix, ce que fait la TQM, est correct mais
ce résultat est limité par une hypothèse trop forte que fait cette théorie : le fait que toutes les
transactions sont réalisées au comptant avec de la monnaie. Ce qui suppose la non prise en
compte du rôle du crédit. Il est vrai que la taille des trésoreries des entreprises doit être
proportionnelle au prix moyen des biens, ce qu’exprime bien la TQM : sans modification des
échanges de biens, une élévation des prix doit nécessairement provoquer une hausse des
montants détenus. Mais, dans le monde des affaires, toutes les transactions ne se font pas au
comptant ; certaines se font à crédit. Pour Wicksell, la prise en compte du crédit est
susceptible de modifier sensiblement les résultats de l’orthodoxie dominante. Il faut donc
chercher à expliquer le niveau des prix, non par la théorie quantitative, mais par les conditions
de production et de transport des biens.

La théorie monétaire de Wicksell est bâtie autour du concept d’équilibre monétaire et son
mécanisme d’ajustement lors d’un déséquilibre. L’équilibre monétaire se définit comme
l’égalité entre le taux d’intérêt monétaire et le taux d’intérêt naturel. Le taux d’intérêt
monétaire est défini comme celui auquel les banques prêtent la monnaie aux entreprises. C’est
taux prévalant sur le marché financier. Le taux d’intérêt naturel (ou rendement anticipé du
capital nouvellement créé) est défini comme la productivité marginale physique des facteurs
de production. c’est le taux qui devrait s’établir si le marché financier était un marché de
capitaux réels où l’offre et la demande se rencontreraient sans avoir recours à aucun
instrument financier. Les échanges en capital réel s’effectueraient alors in natura. C’est, en
résumé, la productivité marginale du capital investi ou comme Keynes l’appellera, l’efficacité
marginale de l’investissement, qui prévaudrait si le marché des biens et services était en
équilibre. Ou encore, le taux naturel est le taux d'intérêt qui réalise l'équilibre entre l'offre et
la demande sur le marché des biens et services - comme si le marché des capitaux n'était pas
nécessaire. Le volume d’investissement dépend de l’écart entre ces deux taux.

Formation de l’équilibre monétaire : Pour parvenir à ce résultat, Wicksell part du fait qu’en
excluant les cas « pathologiques », la valeur actualisée d’un investissement élémentaire est
positive si et seulement si son taux interne de rendement est supérieur au taux du marché
financier retenu comme taux d’actualisation. Un investisseur rationnel acceptera tous les
projets dont le TIR est supérieur au taux de marché. Si, à une date donnée, on range les projets
par rentabilité décroissante, on établit une relation entre le montant du capital investi et la
rentabilité marginale du « dernier projet » c’est-à-dire le taux du marché financier. Certes,
cette dépendance demeure modulée par les fluctuations de l’ensemble des possibilités
techniques de production mais, à technique inchangée, l’investissement total ne dépend que
du seul taux de l’intérêt prévalant sur le marché financier.

Dans ces conditions, le volume d’investissement souhaité par les entrepreneurs est tel que
l’efficacité marginale de l’investissement est égale au taux d’intérêt. Il va de soi que s’il y a
équilibre sur le marché des biens et services, c’est-à-dire si l’investissement désiré est réalisé,
le TIR du projet marginal, c’est-à-dire l’efficacité marginale de l’investissement ou encore le
taux naturel dans sa première acception, est égal au taux monétaire. A l’équilibre sur le
marché des biens, le taux naturel est égal au taux monétaire.

Perturbation de l’équilibre monétaire et mécanisme d’ajustement ou processus cumulatif   des


prix: Supposons que les banques baissent le taux monétaire, le taux naturel sera alors
supérieur au taux monétaire. Montrons que la perturbation de cet équilibre déclenche un
processus cumulatif des prix : Les entrepreneurs envisagent un profit réel additionnel positif
sur la base de la stabilité des prix courants, donc ils vont augmenter leur demande de crédit.
Ainsi, l’investissement est supérieur à l’épargne, c’est-à-dire la demande agrégée des facteurs
de production est supérieure à leur offre globale. Cela signifie qu’il y a un déséquilibre sur le
marché des biens puisque les agents ne peuvent pas acheter la quantité des facteurs de
production dont ils ont besoin.

Maintenant deux situations sont possibles :

 La monnaie est pure crédit (banking school) : dans ce cas, les banques ne sont
soumises à aucune contrainte, elles vont satisfaire toutes les demandes de monnaie,
donc le marché de la monnaie est toujours en équilibre. Dans une situation de plein
emploi, lorsque la demande des facteurs de production est supérieure à l’offre, la loi
de l’offre et de la demande assure que tous les prix vont augmenter. De cette façon, les
entrepreneurs vont voir tous les prix des facteurs de production augmenter
proportionnellement à la quantité de monnaie et, par conséquent, ils vont recevoir un
profit nominal plus élevé mais un profit réel additionnel nul. A la période suivante, sur
la base de la stabilité des prix courants, les entrepreneurs vont continuer à demander
plus de crédit. Le déséquilibre sur le marché des biens persiste et les prix continuent à
augmenter sans arrêt. Aucun changement ne se présentera, ni sur les prix relatifs
(puisque tous les prix augmentent dans la même proportion), ni sur le salaire réel, ni
sur le niveau d’emploi. Le niveau des prix reste instable ou indéterminé jusqu’au
moment où les banques décident de fixer le taux monétaire au niveau d’équilibre.
Ainsi, le niveau des prix est déterminé par les banques.

 La monnaie est une monnaie métallique   (currency school): les banques sont ici
soumises à une contrainte, elles ne peuvent pas satisfaire toutes les demandes de
monnaie. Donc, après un certain temps, le marché de la monnaie se trouve dans une
situation de déséquilibre. Alors, les banques augmentent leur taux monétaire au niveau
d’équilibre initial pour éviter le drainage de la monnaie métallique. Les entrepreneurs
ne sont pas incités à demander des crédits supplémentaires. Dans cette situation la
demande globale correspond à l’offre globale. Alors, les prix des facteurs ne changent
pas, c’est-à-dire que le niveau des prix est stable. Par conséquent, les entrepreneurs
continuent à recevoir les profits normaux, aucun profit additionnel n’est obtenu.

On le voit, la théorie monétaire de Wicksell explique le lien entre la monnaie (crédit) et les
prix en partant d’un marché des biens en déséquilibre. De plus, elle explique ce lien en
utilisant le taux d’intérêt. Ainsi, la théorie wicksellienne reformule la théorie quantitative de la
monnaie en mettant en exergue le mécanisme indirect qui relie la monnaie aux prix par
l’intermédiaire du taux d’intérêt monétaire pour assurer une monnaie neutre. Toutefois, cette
approche monétaire montre que dans un régime monétaire de pure économie de crédit
(monnaie exclusivement scripturale reposant sur l'endettement bancaire préalable), lorsque le
taux d'intérêt monétaire et le taux d'intérêt naturel divergent facilement en inflation et
déflation, dans un processus cumulatif, initiant ainsi une théorie monétaire des cycles. Plus
précisément, cette contribution, appelée « processus cumulatif », implique que si le taux
d'intérêt naturel n'est pas égal au taux du marché, la demande d'investissement et le stock
d'épargne disponible ne seront pas égaux. On a :
 Si le taux du marché est inférieur au taux d'intérêt naturel, une expansion économique
survient, et les prix, toutes choses égales par ailleurs, montent (inflation).
 Si le taux du marché est supérieur au taux d'intérêt naturel, une récession économique
survient, et les prix, toutes choses égales par ailleurs, baissent (déflation).

Dans la théorie de Wicksell, la monnaie n’est pas considérée comme une marchandise mais
comme une dette. C’est du pur crédit. Cette monnaie est endogène et a un effet réel sur
l’économie. Cette théorie est ainsi un modèle de « coordination » entre la théorie de la valeur
et la théorie monétaire.

Remarque :
 La théorie de Wicksell Cette idée rejoint l'école autrichienne, qui énonce qu'une
expansion économique se produit lorsque le taux d'intérêt naturel est supérieur au taux
du marché.
 Wicksell initie ainsi une théorie monétaire des cycles comme l’a reprise Gunnar
Myrdal dans son analyse des déséquilibres monétaires.
CHAPITRE 2

L’APPORT DE LA FINANCE A LA THEORIE MONETAIRE DE KEYNES

I) L’abandon de la TQM : vers une vraie intégration de la sphère monétaire et


de la sphère réelle

1) La monnaie endogène

La monnaie bancaire qui se généralise au 19ème siècle est essentiellement scripturale. La


monnaie est alors loin d’être une marchandise comme les autres. Son utilité se trouve dans la
confiance commune qu’elle sera acceptée par les autres. La monnaie est un lien social de
confiance qui exprime notre appartenance à l’économie de marché. La monnaie est alors en
grande partie la contrepartie du crédit indispensable à la production. Le crédit est donc
créateur de monnaie nouvelle qui rend les anticipations des investisseurs indépendantes des
comportements d’épargne. Le financement des projets d’affaires n’est pas borné par l’épargne
préalable. La monnaie est donc endogène, provient de l’initiative privée et a un effet réel sur
l’activité économique1.

Une telle endogénéisation de l’offre de monnaie est le fait de la banking school. Celle-ci
pense la monnaie, non pas comme une marchandise dont l’offre est exogène, mais comme une
dette. Si les droits sur la production exprimés dans les effets de commerce sont de « vrais
droits », leur escompte par les banques ne peut être excessif puisque la monnaie ainsi créée
finance des marchandises produites en cours de production. La monnaie bancaire est alors
automatiquement proportionnée à la valeur de la production. Cette approche intégrationniste
de la monnaie a deux implications en termes de politique monétaire. D’une part, la monnaie
émise peut correspondre à de « faux droits », des droits inflationnistes, d’où le contrôle de la
BC sans laquelle la monnaie bancaire est source de véritables cycles économiques alternant
des phases inflationnistes et déflationnistes (Knut Wicksell, 1898) 2. D’autre part, les BC ne
doivent prédéterminer la quantité de monnaie.

2) Les premières critiques de la TQM

Les tenants de la currency school énoncent que l’émission de billets de banque doit être
proportionnelle à la quantité d’or détenue dans les réserves de la banque centrale en vue

1
Cantillon dès 1755 soulignait qu'un accroissement de la masse monétaire (pouvant provenir d'une accélération
de la vitesse de circulation ou d'une balance commerciale bénéficiaire) peut avoir un effet sur les prix relatifs et
induire en conséquence une modification du montant et de la structure de production.

2
Wicksell de l’école suédoise (dans « Interest and prices ») souligne que dans un régime monétaire de pure
économie de crédit (monnaie exclusivement scripturale reposant sur l’endettement bancaire préalable), le taux
d’intérêt monétaire et le taux d’intérêt naturel peuvent facilement diverger en inflation et déflation successives
initiant ainsi une théorie monétaire des cycles comme l’a reprise Gunnar Myrdal dans son analyse des
déséquilibres monétaires.
d’éviter toute inflation. Cette école de pensée s’oppose à la banking school qui minimise
l’importance de l’or et de l’argent. Ici, la quantité de monnaie en circulation doit avant tout
dépendre des besoins des agents économiques. La masse monétaire doit alors être adaptée aux
besoins des affaires. La Banking School est une école de pensée économique formée à
l’origine par un groupe d’économistes britanniques au début du XIXème siècle. Aux Etats-
Unis, cette école de pensée, regroupée autour de James Laurence Laughlin, s’oppose à la
théorie quantitative de la monnaie.

Quelques critiques de la TQM

 La théorie quantitative est invalidée par les faits : Jane Hardy (1895),

 La théorie quantitative est invalidée par sa dimension tautologique autant que sa


réfutation empirique : Henry Parker Willis (1896), Wesley Clair Mitchell (1896).
Aglietta (2003) qualifie ce quantitativisme ancien de « neutralité triviale » (Aglietta,
2003), car le marché de la monnaie est juxtaposé aux autres marchés sans effet sur
eux.

II) L’approche monétaire de Keynes

1) Quatre idées-forces de la théorie monétaire de Keynes

Pour Keynes, le principe même du fonctionnement des économies modernes est l'incertitude.
Si on peut supposer la stabilité et la prévisibilité de la fonction de consommation, il n'en va
pas de même de la fonction d'investissement : les décisions d'investissement sont prises sur la
base d'anticipation de ce que seront les ventes futures; or ces anticipations ne sont pas
fondamentalement probabilisables. C’est cette instabilité au cœur du système économique qui
explique la généralité des déséquilibres et le caractère exceptionnel de l'équilibre.

Cette indétermination fondamentale sur l'avenir entraîne une norme d'incomplétude et


d'asymétrie de l'information qui permet de renouveler le débat sur la monnaie. Plus
précisément, l’incertitude radicale au cœur du système économique conduit Keynes à
renouveler la théorie monétaire. De ce point de départ découle une conception de la monnaie
qui peut se résumer en quatre idées :

 La préférence pour la liquidité  : La préférence pour la liquidité se fonde sur la


nécessité de se prémunir contre l'incertitude intrinsèque au système, contre
l'incomplétude de nos informations. Keynes souligne la fonction de réserve de valeur
de la monnaie. Parce que la monnaie est la forme de richesse la plus liquide qui soit,
les individus ont une préférence pour la liquidité. Si un individu possède un immeuble,
un terrain, des machines ou des biens mobiliers, ou encore des titres financiers, il lui
faudra du temps pour les « liquider », c’est-à-dire les convertir en monnaie en les
vendant. En revanche, la monnaie est liquide par définition. Elle offre à son détenteur
la possibilité la plus étendue de choix ou d’anticipations. De ce fait, la monnaie n’est
pas seulement désirée parce qu’elle permet d’échanger des marchandises, mais elle est
désirée pour elle-même. Elle peut ainsi être thésaurisée, c’est-à-dire conservée de
façon passive. Pour Keynes, nous désirons de la monnaie pour trois raisons :
o motif de transaction « i.e. le besoin de monnaie pour la réalisation
courante des échanges personnels et professionnels ». D'où une
distinction entre motif de revenu (ménages) et motif d'entreprise
(firmes) ;

o motif de précaution « i.e. le désir de sécurité en ce qui concerne


l'équivalent futur en argent d'une certaine proportion de ses ressources
totales » ;

o motif de spéculation « i.e. le désir de profiter d'une connaissance


meilleure que celle du marché de ce que réserve l'avenir ».

La demande de monnaie L1 (L pour Liquidity) pour motif de précaution ou de


transaction dépend du revenu Y :

L 1=uY avec u> 0

La demande de monnaie pour motif de spéculation L2 « dépend principalement de la


relation entre le taux d'intérêt courant et l'état de la prévision », elle s'écrit :

L 2=vi+ L 0 avec v <0 pour deux raisons : plus le taux d'intérêt est faible et moins nous
avons intérêt à placer l'argent ; plus le taux d'intérêt baisse « plus la probabilité que son
mouvement se retourne à la hausse augmente, ce qui incite à détenir son épargne sous
forme d'encaisses monétaires plutôt que de prendre le risque croissant d'essuyer des
moins-values sur les obligations, dont les cours sont en train d'atteindre les sommets...
»

Pour Keynes l'offre de monnaie Mo est exogène et dépend de la politique monétaire


menée. L'équilibre sur ce marché s'écrit :

Mo=L 1(Y )+ L 2(i)

 La monnaie permet la formation de conventions   : celles-ci sont un mécanisme de


stabilisation permettant de préserver du chaos généralisé qu’aurait pu générer
l’incertitude. Une convention est un accord implicite entre les membres d’un collectif.
En l’occurrence, chaque agent économique adopte l’attitude du plus grand nombre. Ce
phénomène de mimétisme conduit à l’émergence d’un « jugement conventionnel »,
c’est-à-dire qui n’a pas d’autre raison de correspondre à la réalité que le fait qu’il la
fait advenir. Ce mécanisme conventionnel permis par la monnaie est nécessaire devant
l'impossibilité des marchés à assurer une transmission intertemporelle sûre. La
monnaie se substitue à d'impossibles relations contractuelles. A la place d'un contrat,
transparent et instantané, entre agents rationnels, la monnaie fournie une relation
abstraite fondée sur des anticipations. On reconnaît une lecture de Keynes qui
privilégie la formation des conventions entre les agents pour rendre possible activité et
échanges économiques en régimes d'incertitude.

En introduisant une incertitude radicale, Keynes permet de refonder la monnaie sur sa


dimension proprement fiduciaire.
 La monnaie est active : elle joue un rôle au niveau de la production et de l’emploi,
contrairement à l’affirmation de neutralité des classiques et néoclassiques. Pour
Keynes, la monnaie est active et doit répondre aux besoins de l’économie réelle. La
démonstration de ce principe actif part d’une réfutation de la théorie quantitative de la
monnaie. « L’accroissement de la quantité de monnaie ne produit absolument aucun
effet sur les prix tant qu’il reste du chômage. » La théorie quantitative de la monnaie
n’est vérifiée que lorsque tous les facteurs de production sont employés et qu’il n’est
donc plus possible d’augmenter la production. Lorsque ce n’est pas le cas et que
l’économie souffre de sous-emploi, les autorités monétaires peuvent accroître la
quantité de monnaie en circulation. La baisse du taux d’intérêt qui en résultera (soit
directement, soit indirectement) aura un double effet :

 Elle satisfera la préférence pour la liquidité des agents.

 Et elle abaissera le coût de l’emprunt et rendra rentables des projets


d’investissement qui n’auraient pu l’être en l’absence de baisse du taux
d’intérêt. Par un effet multiplicateur, ces investissements accroissent le revenu
global de la société.

Grâce à une politique monétaire active complétée par une politique budgétaire,
l’intervention de l’Etat est ainsi justifiée dès lors que la récession menace. Entre
l’inflation qui n’a que des conséquences sur les prix et la déflation qui a des
conséquences désastreuses sur les prix, la production et l’emploi, Keynes fait un choix
opposé aux néoclassiques.

 Le système bancaire joue un rôle irremplaçable en initiant le circuit  : quand la


demande d’investissement est élevée, et que l’épargne est insuffisante, la monnaie doit
prendre le relais. La monnaie constitue alors une avance sur la production qui sera
récupérée ex-post. En effet, du fait de l’incertitude radicale, il y a séparation des
projets de production et vente des produits. Cela est conforme à l’économie
d’endettement et principe du diviseur de crédit de l’école moderne de la banque. Ce
n’est pas l’épargne qui produit l’investissement, c’est plutôt l’investissement qui
produit l’épargne. On peut parler d’une économie monétaire de production, mettant fin
à la dichotomie entre sphère réelle et sphère monétaire.

Ce résultat a deux séries de conséquences majeures :

 premièrement, il fonde la possibilité de la politique économique en faisant de


l'injection monétaire dans l'économie. Keynes préconise alors la hausse de
l’offre de monnaie par la BC, de façon à faire baisser les taux d’intérêt pour
faciliter les emprunts et accroître ainsi la consommation et l’investissement.

 Deuxièmement, l'analyse keynésienne nous permet non seulement de «


déneutraliser » la monnaie, mais aussi de l'endogenéiser.

2) Le rôle du marché financier dans la théorie monétaire de Keynes


L’analyse monétaire de Keynes rejette la TQM et suppose l’incertitude radicale (qui ne peut
pas être quantifiée). Celle-ci joue un rôle essentiel, notamment en termes d’investissement.
Pour des agents (les entreprises et les ménages investisseurs) qui agissent dans le temps, le
futur est incertain, il n’est pas connu avec certitude et c’est dans ce contexte-là que la monnaie
est essentielle : « la monnaie est un lien entre le présent et le futur ».

La théorie monétaire de Keynes repose en grande partie sur le fonctionnement du marché


boursier qui permet de rendre aisément négociables les titres financiers. Du fait de
l’incertitude, les conventions se forment sur les marchés financiers qui permettent de donner
des prix d’actifs financiers déconnectés de leur vraie valeur. La valeur boursière de
l’entreprise est déconnectée de sa valeur comptable. Cela influe sur le volume
d’investissement. L’investissement financier prend le pas sur l’investissement physique.
L’épargne va moins vers l’investissement. L’épargne est inférieure à l’investissement.

Une partie de l’épargne est placée sur les marchés financiers et une partie est détenue sous
formes d’encaisses monétaires (demande de monnaie). Ces encaisses monétaires sont
détenues pour diverses raisons : le motif de précaution, le motif de transaction, le motif de
spéculation. Les encaisses détenues pour motif de précaution et de transaction finissent par
intégrer le circuit économique. Mais les encaisses détenues pour motif de spéculation sortent
du circuit économique. De ce fait, l’offre ne crée plus sa propre demande. La loi de Say n’est
plus vérifiée et apparaît alors une insuffisance de la demande effective.

 La détention d’encaisses monétaires pour motif de précaution  : Keynes (1936,


chapitre 13 de la théorie générale) interprète la demande de monnaie pour motif de
précaution comme le souci de parer aux éventualités d’une dépense soudaine et le
désir de garder un avoir de valeur nominale immuable [conservant la valeur] pour faire
face à une obligation future stipulée en monnaie. Il fait dépendre la demande de
monnaie pour motif de précaution, d’une part, de la valeur des dépenses futures
imprévues dont une bonne variable proxi est le revenu courant. Par ailleurs, cette
demande de monnaie dépend également du taux d’intérêt. En effet, pour faire face à
des dépenses imprévues, les agents peuvent détenir de la monnaie ou des actifs
financiers notamment des obligations qui rapportent des intérêts. Seule la monnaie est,
pour Keynes, un actif liquide par excellence qui permet d’acquérir des biens et
services à moindre coût et rapidement. Par contre, détenir des titres en précaution de
dépenses imprévues, dans un contexte d’incertitude concernant l’évolution future du
taux d’intérêt, comporte des risques de perte de capital au moment de la revente du
titre sur le marché des titres.

Lorsque les taux d’intérêt croissent de t 1 à t 2, des agents rationnels qui détiennent des
obligations dès t 1 tendent à vendre leurs obligations sur le marché secondaire pour
acquérir les nouvelles obligations qui rapportent plus. La vente des obligations
anciennes émises en t 1 provoquent une baisse de leur cours. Formellement, en notant
Pt , le prix en t 2, des obligations émises ent 1 et C la valeur du coupon de départ sur le
2

taux d’intérêt des obligations i t émises en t 2, il vient :


2

C
Pt =
2
it
2

Ainsi, en cas de hausse des taux d’intérêt, la vente des obligations anciennes émises
provoque une baisse de leur cours sur le marché secondaire. D’où l’existence d’une
relation inverse entre le taux d’intérêt et le cours du titre : plus le taux d’intérêt est
faible, plus le cours du titre sera élevé et inversement. Lorsque le taux d’intérêt sur le
marché est très élevé, il y a de grandes chances qu’il baisse dans le futur si le taux
d’intérêt baisse dans le futur, le prix des titres devrait augmenter dans le futur et dans
ce cas, les individus préfèrent détenir des titres plutôt que de la monnaie. Il y a une
relation inverse entre l’encaisse monétaire pour motif de précaution et le taux d’intérêt.
Toutefois, Keynes (1936, chapitre 15 de la théorie générale) minimise le rôle du taux
d’intérêt comme facteur explicatif de la demande de monnaie pour motif de
précaution. La variable prépondérante est le revenu courant.
 La détention d’encaisses monétaires pour motif de spéculation  : C’est dans
l’explication de la demande de monnaie pour motif de spéculation que la
problématique de gestion optimale de portefeuille par l’agent prend tout son sens.
Keynes est non seulement un économiste réputé mais il est également un gestionnaire
de portefeuille qui place le patrimoine du King’s College sur les marchés financiers.
Sa théorie monétaire puise dans sa connaissance pratique de la gestion de patrimoine.
Pour Keynes, la demande de monnaie est déterminée dans le cadre d’une gestion de
portefeuille d’actifs comprenant en concurrence des actifs réels, des actifs financiers et
des actifs monétaires. Les actifs réels jouent un rôle secondaire. La variable
d’arbitrage entre actifs financiers et actifs monétaires est le taux d’intérêt.
L’incertitude sur l’évolution future du taux d’intérêt et donc du cours des titres incite
l’agent à spéculer au sens où s’il achète un titre, c’est pour le revendre dans le futur.
Cette spéculation sur la valeur des titres vise à éviter des pertes en capital et pour avoir
des gains en capital. La composition du portefeuille de l’agent entre actif monétaire et
actif financier dépend de l’arbitrage entre les taux de rendements anticipés respectifs
de la monnaie et des titres. Supposons que l’agent détient une obligation qui lui
procure un coupon de 1 unité monétaire. Le prix actuel du titre est :
1
Pt =
i
Les gains ou pertes en capital liés à ce titre procure à l’agent un taux de rendement
total anticipé (r ¿¿ a) ¿composé de deux éléments : le taux d’intérêt courant associé au
titre (i) et le taux anticipé de gains ou pertes en capital en cas de revente du titre
( g¿¿ a) ¿. On a :

r a =i+ g a
a 1
Soit Pat le prix anticipé du titre au moment de sa revente dans le futur. On a Pt = a . On
i
peut définir le taux anticipé de gains ou pertes en capital comme suit :

a Pat −Pt
g=
Pt

1 1

a i a i i−i a
⇒g = = a
1 i
i
Le taux anticipé de gain ou de perte en capital dépend de l’écart entre le taux d’intérêt
courant (grandeur objective) et le taux d’intérêt futur anticipé (grandeur subjective).
On a :

a a i−ia
r =i+ g =i+
ia

Lorsqu’il choisit la composition optimale de son portefeuille, l’agent compare le taux


de rendement total du titre ( r a ) et le taux de rendement total de la monnaie considéré
comme nul3.

Quand i a <i ⇒ r a > 0: le taux de rendement total anticipé du titre est supérieur à celui de
la monnaie : l’agent ne détiendra que des titres dans son portefeuille. Sa demande de
monnaie pour motif de spéculation est nulle.

Quand i a >i ⇒ r a > 0ou r a < 0: Il y a indétermination. Pour lever cette détermination, on
introduit un taux d’intérêt critique i c , soit le taux d’intérêt courant pour lequel le
a c ia
rendement anticipé de la détention de titres est nul, soit r =0. On a i = .
1+i a

Si i a >i> i c ⇒ r a >0 : le taux de rendement total anticipé du titre est supérieur à celui de la
monnaie : l’agent ne détiendra que des titres dans son portefeuille. Sa demande de
monnaie pour motif de spéculation est nulle.

Si i a >i c >i ⇒ r a <0 : le taux de rendement total anticipé du titre est inférieur à celui de la
monnaie : l’agent détiendra de la monnaie dans son portefeuille. Sa demande de
monnaie pour motif de spéculation est égale à sa richesse individuelle.
Pour obtenir la demande macroéconomique pour motif de spéculation, on agrège les
demandes individuelles. En supposant que les agents ont tous les mêmes anticipations
concernant l’évolution du taux d’intérêt futur, alors i a et i c seraient les mêmes pour
tous et la fonction macroéconomique de demande de monnaie pour motif de
spéculation…
Mais il est probable que les agents ont des anticipations différentes concernant
l’évolution du taux d’intérêt futur. Dans le cas où chaque agent anticipe un taux
d’intérêt différent des autres et que le nombre d’agents dans l’économie est très grand,
Keynes montre que la fonction macroéconomique de demande de monnaie pour motif
de spéculation est une fonction continue et décroissante du taux d’intérêt. De plus, il
existe un taux d’intérêt minimal relativement faible pour lequel la demande de
monnaie devient infinie.

3
Keynes réduit la monnaie à la monnaie divisionnaire, les pièces, les billets et les dépôts à vue. Comme ceux-ci
ne rapportent en général pas d’intérêts, le rendement nominal de la détention de monnaie est nul (= 0).
Si i a1 ≠ i a2 ≠ …≠ i an , il y a alors autant de taux d’intérêt critiques qu’il y a d’agents puisque
c i aj
ij= a avec
j=1 ,2 , … , n1 ,… , n . Soit i max =max ( i cj ), ce taux d’intérêt critique est
1+i j
celui de l’agent qui anticipe le taux d’intérêt futur le plus élevé.

Si i>i max ⇒ i>i cj ∀ j=1 , 2 , … ,n 1 , … , n ⇒ r aj > 0: tous les agents vont détenir des titres
dans leurs portefeuilles. La demande de monnaie macroéconomique pour motif de
spéculation est nulle.

Soit i min =min ( i cj ). Si i<i min ⇒ i<i cj ∀ j=1 , 2 , … ,n 1 , … , n ⇒ r aj < 0: tous les agents ne
vont détenir que de la monnaie dans leurs portefeuilles. La demande de monnaie
macroéconomique pour motif de spéculation est maximale. Keynes nomme cette
situation où le taux d’intérêt atteint ce niveau minimal, la trappe à la liquidité : la
demande de monnaie non contrainte devient infinie, donc parfaitement élastique au
taux d’intérêt.

Lorsque i min <i ¿ imax : partant d’un taux d’intérêt élevé proche de i max, certains agents
voient que leur i<i ck ∀ k =1, 2 , … , n1 : ces n1 agents préféreront détenir de la monnaie.
Lorsque le taux d’intérêt baisse encore, encore plus d’agents verront leur i<i cl
∀ l=1 ,2 , … , n1 , … n2: la demande de monnaie macroéconomique pour motif de
spéculation augmente.
La demande de monnaie chez Keynes s’inscrit dans le cadre d’une problématique de
gestion optimale de portefeuille par les agents. Toutefois, ceux-ci ont un
comportement de tout ou rien en matière de choix entre les actifs monétaires et les
actifs financiers. Soit les agents détiennent exclusivement des titres, soit ils détiennent
uniquement de la monnaie. Un tel résultat est dû à l’hypothèse sur les anticipations des
agents. Celles-ci sont supposées être ponctuelles au sens où chacun anticipe une et une
seule valeur de i aj . Les agents sont soumis à l’illusion monétaire

La problématique de gestion de portefeuille d’où part la théorie de la demande de


monnaie chez Keynes conduit à un principe de concentration du portefeuille. Pour les
motifs de précaution et de spéculation, soit l’agent détient exclusivement des titres soit
il détient exclusivement de la monnaie. Cela est lié à l’hypothèse d’anticipation
ponctuelle des agents : chacun anticipe une et une seule valeur du taux d’intérêt futur
i aj . Cette hypothèse est compatible avec l’idée de Keynes que les agents agissent dans
un environnement incertain non probabilisable (incertitude radicale). La conséquence
de cette conception du choix de portefeuille sur la théorie de la demande de monnaie
de Keynes est que la demande de monnaie dépend à la fois du revenu et du taux
d’intérêt et qu’il existe un taux d’intérêt minimal dit de trappe à liquidité au-delà
duquel l’offre de monnaie exogène agit sur l’économie réelle à court terme (politique
monétaire efficace).

L’incertitude au cœur du processus d’investissement et des marchés boursiers fait que


l’épargne est quasi systématiquement inférieure à l’investissement. Il y a insuffisance de la
demande effective. Du fait de cette incertitude, le déséquilibre sur le marché des biens est la
règle, l’équilibre une exception. La loi des débouchés ne fonctionne plus.
En effet, du fait de l’incertitude radicale, il y a séparation des projets de production et vente
des produits. La monnaie constitue alors une avance sur la production qui sera récupérée ex-
post. L’analyse monétaire de Keynes repose donc sur le système bancaire qui initie le circuit
et qui permet de prendre le relais lorsque la demande d’investissement est élevée, et que
l’épargne est insuffisante. La dichotomie entre sphère monétaire et sphère réelle laisse la
place à une économie monétaire de production. La monnaie est désormais active.

En résumé, dans l’approche monétaire de Keynes, l’incertitude radicale rend nécessaire


l’existence des marchés boursiers pour rendre aisément négociables, liquides les titres
financiers. Mais la spéculation rendue possible par ces marchés conduit à une fuite hors du
circuit, et une insuffisance de la demande globale. L’épargne est insuffisante pour financer les
investissements. Le système bancaire prend alors le relais pour offrir de la monnaie en vue ce
financer les investissements et agir sur l’économie réelle.

La prise en compte explicite des mécanismes de la finance (fonctionnement du marché


boursier, gestion de portefeuille, spéculation, système bancaire et principe du diviseur du
crédit) permet de faire le lien entre la sphère réelle et la sphère monétaire.
CHAPITRE 3
GESTION DE PORTEFEUILLE ET THEORIE MONETAIRE CHEZ FRIEDMAN ET
TOBIN

I) La théorie monétaire de Friedman

1) La théorie monétaire de Friedman


Friedman est un libéral convaincu. Il n’accepte pas les conclusions interventionnistes de
Keynes surtout en matière de politique monétaire. Visant à construire une théorie monétaire
compatible avec sa vision libérale, il va s’attaquer à l’ossature de la théorie monétaire de
Keynes, en particulier à sa théorie de la demande de monnaie. Sachant que les conclusions de
Keynes puisent dans sa conception « exclusiviste » de la gestion de portefeuille, Friedman va
postuler une gestion diversifiée du patrimoine des agents. La théorie de la demande de
monnaie chez Friedman s’inscrit, dans la lignée de Keynes, dans le cadre d’un choix de
portefeuille. Si chez Keynes, le choix se faisait entre actifs monétaires et actifs financiers,
chez Friedman, l’arbitrage porte non seulement sur des actifs monétaires et financiers mais
aussi sur des actifs réels (biens immobiliers, capital humain, diplômes).
Avec Keynes, le choix patrimonial entre monnaie et titres intervient lors de la demande de
monnaie pour motifs de précaution et surtout de spéculation et non lors de la demande pour
motif de transaction. Chez Friedman, le seul motif qui justifie le choix patrimonial et donc la
demande de monnaie des agents est le motif de transaction. Il privilégie la fonction
d’intermédiaire des échanges de la monnaie. Les raisonnements de Friedman s’appuient sur
des fondements microéconomiques.
Les agents économiques rationnels ne sont pas victimes de l’illusion monétaire. Leur
demande de monnaie est donc traduite sous forme d’encaisses réelles. En première
approximation, la fonction de demande de monnaie dépend de la richesse totale des agents
(revenus des actifs monétaires, financiers, des actifs réels, des revenus issus du capital
humain), du rendement de chacun de ces actifs et des préférences des agents liés à l’utilité du
service rendu par la monnaie (intermédiaire des échanges) et à leur attitude envers le risque.
Friedman, en opérant par la suite une série de simplifications théoriques, montre que la
demande d’encaisses monétaires dépend du revenu permanent.

Supposons que Y 1 ,Y 2 , … , Y t est le flux de revenus des agents (revenus des actifs monétaires,
financiers, des actifs réels, des revenus issus du capital humain) et i le taux de rendement
moyen de tous les actifs que peut posséder l’agent, la richesse totale actualisée de l’agent est :

Yt
W =∑
t=1 (1+i )t

Friedman définit la notion théorique de revenu permanent comme le revenu nominal constant
dont le flux sur toutes les périodes donne la même valeur actualisée que la richesse totale
actualisée de l’agent :
∞ ∞
Yp Yt
∑( t
=∑
( 1+ i )t
t =1 1+i ) t=1

On a :
∞ ∞
Yp 1
W =∑ t
=Y p ∑
t=1 (1+i ) t =1 ( 1+i )t

1 1 1
∑( t est une série géométrique de raison
1+ i
. Cette série converge vers . Ainsi :
i
t =1 1+i )
Yp
W= ⇒Y p=iW
i
Vu sous cet angle, le revenu permanent correspondant aux intérêts rapportés par la richesse
totale. C’est donc le revenu de long terme que l’on peut consommer sans s’appauvrir. La
demande d’encaisses monétaires dépend du revenu permanent à long terme. L’analyse que
Friedman fait avec les données d’Anna Schwartz montre que sur longue période, la variable
prépondérante de la demande de monnaie est le revenu permanent. Les autres variables jouent
un rôle secondaire. Friedman constate que l’élasticité de la demande d’encaisse réelle par tête
par rapport au revenu réel par tête est égale à 1,8 et conclut que la monnaie est un bien de
luxe.
Friedman n’adopte pas la conception de choix de portefeuille de Keynes : titres ou monnaie.
Chez Friedman, l’agent choisit toujours un portefeuille diversifié qui se compose de tous les
actifs possibles. Le niveau d’encaisses monétaires demandées par l’agent dépend du revenu
qu’on peut consommer sans s’appauvrir (revenu permanent). Ainsi, la demande de monnaie
de Friedman part d’une problématique de gestion de portefeuille en termes de diversification
et aboutit à une reformulation de la théorie quantitative de la monnaie (Fisher, Marshall,
Pigou) : la demande de monnaie est homogène de degré 1 par rapport au niveau général des
prix et par rapport au revenu nominal permanent. Ceteris Paribus, si le revenu nominal
permanent double et que le niveau général des prix double, la demande de monnaie double
aussi. Dans ces conditions, il vient qu’à long terme, une offre exogène de monnaie n’a aucun
effet sur l’économie réelle. La politique monétaire peut être efficace à court terme mais à long
terme, elle est inefficace.
2) La cause monétaire des crises chez Friedman

II) La théorie monétaire de Tobin

1) La théorie moderne du portefeuille


La connaissance en matière de gestion de portefeuille va faire un bond en avant avec Harry
Markowitz dont le travail de thèse porte sur le choix de portefeuille selon le principe de la
diversification optimale des actifs. Friedman qui recourt à la diversification du portefeuille
dans sa théorie monétaire siège dans ce jury de thèse. Mais Markowitz (1952) n’aborde pas la
question sous l’angle de la théorie monétaire ni même de la théorie économique, ce que ne
manque pas de souligner Friedman. Il s’agit d’un travail de finance mathématique basé sur le
principe de « l’optimisation à moindre variance ». La théorie de Markowitz expose comment
des investisseurs rationnels utilisent la diversification afin d’optimiser leur portefeuille et quel
doit être le prix d’un actif étant donné son risque par rapport au risque moyen du marché.
Le processus identifie les portefeuilles efficients qui, pour un niveau de risque donné, ont les
plus hauts rendements possible, ou bien, pour un rendement donné, possèdent les
caractéristiques de risque les plus faibles. En entrant les données des rendements attendus, du
risque toléré et du degré de corrélation souhaité, le processus d’optimisation évalue
différentes combinaisons d’actifs, identifiant finalement les meilleurs portefeuilles. Ces
portefeuilles qui ne peuvent plus être améliorés représentent l’ultime frontière de l’efficience,
c’est-à-dire un ensemble d’éléments à partir desquels les investisseurs rationnels vont
effectuer leurs choix (David Swensen, 2009).

2) Gestion de portefeuille et théorie monétaire chez Tobin


Tobin (1958) enrichit la théorie keynésienne de la demande de monnaie via la théorie
moderne du portefeuille. James Tobin est un keynésien convaincu et un farouche opposant
des monétaristes amenés par Friedman. Il reconnaît qu’une limite de la théorie de la demande
de monnaie de Keynes est de supposer que les agents détiennent soit des titres soit de la
monnaie du fait que leurs prévisions concernant les taux d’intérêts futurs changent peu. Tobin
(1958) vise à asseoir la théorie de la demande de monnaie de Keynes sur des bases réalistes de
diversification de portefeuille. Dans son article Dans son article intitulé « Liquidity
Preference as Behavior toward Risk », (1958), il applique la théorie du portefeuille (à la
Markowitz) à la demande de monnaie.
Pour ce faire, Tobin abandonne l’hypothèse d’incertitude non probabilisable de Keynes. On
suppose ici que les agents ont des anticipations en distribution concernant les taux d’intérêt
futurs. Ceux-ci ont autant de chance d’augmenter que de baisser. Le taux d’intérêt futur i aest
une variable aléatoire qui peut prendre plusieurs valeurs. Le gain futur ga est alors
normalement distribué, d’espérance nulle et d’écart-type s. L’espérance de gain net et le
risque sont fonction de la part investie en actifs risqués. Il y a alors un arbitrage risque-
rendement dans le choix du portefeuille diversifié entre titres et monnaie.
En effet, plus l’agent détient de titres, plus son gain est potentiellement élevé mais plus son
risque l’est également. A l’inverse, plus l’agent détient de monnaie (liquidités), plus son
rendement est faible mais son portefeuille est moins risqué. Une augmentation du taux
d’intérêt incite les agents à investir davantage en actifs risqués et réduire la demande de
monnaie pour bénéficier de rendement plus élevés (effet substitution). On retrouve le résultat
selon lequel la demande de monnaie est une fonction décroissante du taux d’intérêt. Mais dans
le même temps, l’accroissement de risque qui en résulte incite l’agent à réduite la part d’actifs
risqués et à accroître la demande de monnaie (effet revenu). L’agent détient toujours
simultanément des titres financiers et de la monnaie, quel que soit le taux d’intérêt courant.
Tobin (1965) va simplifier la théorie moderne du portefeuille en recourant à la demande de
monnaie. En effet, dans le modèle de Markowitz, le portefeuille optimal est différent pour
chaque investisseur ! Mais dans son article « The theory of portfolio selection », Tobin
montre qu’il n’est pas nécessaire de construire des portefeuilles d’actifs risqués sur mesure.
Le théorème de séparation, son résultat fondamental, énonce que la sélection des actifs risqués
est indépendante de l’arbitrage entre ces derniers et la monnaie. Ainsi, pour éviter de
construire des portefeuilles d’actifs risqués sur mesure, il suffit d’offrir le portefeuille « super-
efficient » à tous les investisseurs, quel que soit leur degré d’aversion envers le risque. Si ce
portefeuille (celui pour lequel le rapport rentabilité- risque est maximum) est trop risqué,
l’investisseur peut conserver un peu plus de monnaie. Mais si son rendement est trop faible,
l’investisseur peut détenir toute sa richesse en actifs risqués, voire emprunter pour investir
davantage. Le théorème de séparation implique qu’en pratique, les décisions d’investissement
peuvent se prendre en deux étapes : d’abord, selon le risque qu’on souhaite supporter,
déterminer combien placer en actifs risqués et combien conserver sous forme de monnaie
(liquidités). Ensuite, choisir les titres risqués qui composeront le portefeuille.
CHAPITRE 4
INNOVATIONS FINANCIERES ET EFFICACITE DES POLITIQUES
MONETAIRES

I) Impact des innovations financières dans la relation monnaie-revenu

1) Le ciblage monétaire
La règle de ciblage monétaire a pour fondement théorique la théorie monétariste impulsée par
Friedman. Cette théorie pose la stabilité des prix comme objectif prioritaire de politique
monétaire. Dans la lignée de la théorie quantitative de la monnaie, Friedman montre que
l’objectif de croissance de la masse monétaire est calculé à partir de l’objectif d’inflation, de
la croissance escomptée du potentiel de production et du rythme tendanciel de la vitesse de
circulation de la monnaie :
∆ % M + ∆ % V =∆ % P+ ∆ % y o ù y est≤PIB à prix constants
∆ % M =∆ % P+ ∆ % y −∆ % V

De là, Friedman en arrive à la recommandation suivante en matière de politique monétaire :


maintenir l’évolution de l’agrégat monétaire de référence le long d’un sentier correspondant à
un taux de croissance constant. De cette conception monétariste va s’inspirer la stratégie
d’ancrage monétaire (politique d’objectif monétaire quantitatif). Celle-ci revient, pour la
banque centrale, à annoncer qu’elle va chercher à atteindre un objectif de croissance donné
pour un agrégat monétaire (M1, M2 ou M3). Cela revient à contraindre l’offre de monnaie à
évoluer comme la demande réelle de monnaie désirée par l’ensemble des agents économiques
pour garantir la stabilité des prix. En effet, la théorie monétariste suppose que les individus
ont une demande de monnaie présentant les mêmes caractéristiques formelles que n’importe
quel autre bien. Cette demande est déterminée en termes réels et c’est une fonction stable de
la richesse des individus et du coût d’opportunité à détenir de la monnaie. La stabilité de cette
fonction autorise à postuler un canal direct de transmission de la monnaie à l’économie.
Si la quantité réelle de monnaie disponible est supérieure à la demande désirée, la tentative
des individus de dépenser l’excès d’offre de monnaie se répercute, en sens inverse, sur les
autres marchés de biens et de facteurs par des déséquilibres d’excès de demande.
L’ajustement des marchés corrige ces déséquilibres. Il y a hausse des prix de tous les biens,
donc du NGP, c’est-à-dire baisse de la valeur de la monnaie jusqu’à ce que l’équilibre soit
rétabli sur tous les marchés; il l’est lorsque la hausse du NGP a complètement absorbé l’excès
d’offre de monnaie (Patinkin, 1972). C’est pourquoi, les banques centrales vont utiliser une
grandeur nominale (taux d’inflation ou masse monétaire) pour arrimer le niveau général des
prix (NGP) afin d’assurer la stabilité des prix. Cette règle d’ancrage nominal est d’autant utile
qu’elle maintient les anticipations d’inflation à un niveau bas et règle le problème de
l’incohérence temporelle. L’ancrage nominal peut consister en diverses politiques : une
politique de ciblage monétaire (monetary targeting ou objectif monétaire quantitatif) ; une
politique d’ancrage nominal ; une politique de ciblage de l’inflation (inflation targeting).
Toutefois, les différents pays qui l’ont utilisé n’adoptent pas une stricte orthodoxie
monétariste. Souvent, cette stratégie révèle la volonté de communiquer clairement au public la
stratégie adoptée. Les cibles monétaires envoient quasi immédiatement des signaux au public
et aux marchés. Ces signaux permettent d’ancrer les anticipations d’inflation et de limiter la
hausse des prix. La Bundesbank (la banque centrale allemande) et la BCE (banque centrale
européenne) ont adopté la stratégie de ciblage monétaire. L’exemple allemand montre que
cette stratégie permet de limiter l’inflation à long terme, même si des écarts sont permis. De
plus, il n’est pas nécessaire de suivre une règle rigide pour avoir de bonnes performances en
matière de stabilité des prix.

2) Le ciblage d’inflation
La règle de ciblage du taux d’inflation 4 est l’une des règles d’objectif qui a suscité une
abondante littérature ces dernières années. Elle se fonde sur la comparaison entre l’objectif
d’inflation future et le taux d’inflation prévu, à politique monétaire invariante. Le ciblage de
l’inflation consiste, pour la banque centrale, à annoncer au public des objectifs chiffrés pour
l’inflation à moyen terme et de s’en tenir par transparence et responsabilité. Le ciblage
d’inflation est plus délicate que celui de ciblage monétaire, en raison notamment des délais
existant dans la transmission des effets de la politique monétaire. Cette règle est telle que, tout
écart entre la cible et les prévisions devra être corrigé par une action sur les taux directeurs.
Cette stratégie repose sur une règle monétaire active permettant aux autorités monétaires de
réagir systématiquement aux écarts d’inflation ou de production. La définition de la règle
d’objectif d’inflation se résume aux conditions suivantes (Rudebusch et Svensson, 1998): la
cible de l’inflation doit être quantifiée. C’est soit un point bien déterminé, soit un intervalle de
points; les autorités monétaires doivent pouvoir estimer le niveau futur du taux d’inflation sur
la base d’informations internes et conditionnelles. Ce niveau prévisionnel du taux d’inflation
représente la cible intermédiaire.
La principale caractéristique d’un régime de ciblage d’inflation est le degré élevé de
transparence et de responsabilité. En effet, les banques centrales ayant adopté un objectif
d’inflation sont tenues de publier des relevés d’inflation et d’expliquer leur politique. Cette
transparence représente en elle-même un engagement à minimiser la fonction de perte. Au
niveau institutionnel, le développement du système financier, la transparence, l’indépendance
instrumentale de la banque centrale, et l’absence de dominance fiscale de la politique
monétaire conditionnent la réussite du ciblage de l’inflation (Miskhin (2001), Masson et al
(1998). Lorsque l’objectif d’inflation est le seul objectif de la banque centrale, on dit qu’on est
dans un régime strict de ciblage d’inflation (strict inflation targeting). Si la Banque Centrale
poursuit d’autres objectifs tels que la stabilisation de la production ou du taux d’intérêt, on dit
qu’on est dans un régime flexible de ciblage d’inflation (flexible inflation-targeting). Dans ce

4
L’inflation est exprimée en termes de hausse des prix à la consommation.
dernier cas, la politique monétaire est moins activiste, dans le sens où les instruments sont
faiblement ajustés par rapport à un choc donné, et le niveau d’inflation s’ajuste
progressivement au niveau objectif ou cible de l’inflation. Il en résulte que l’horizon de
l’ajustement du niveau de l’inflation à la cible est plus long.
Dans un régime flexible de ciblage d’inflation, il y a asymétrie entre l’inflation et la
production dans la fonction de perte. En effet, pour l’inflation, il s’agit à la fois d’un objectif
de niveau (la cible fixée) et de stabilité (écart entre le niveau anticipé de la variable cible et
l’objectif fixé de ladite variable). Mais pour la production, on ne retient que l’objectif de
stabilité. Depuis le début des années 1990, plusieurs banques centrales (Banque du Canada,
Banque d’Angleterre, Banque de Réserve de la Nouvelle Zélande, Banque de Suède, Banque
de Pologne, Banque de Finlande et Banque d’Australie) 5 ont explicitement opté pour un
objectif d’inflation (Siklos, 1999). De toutes ces banques centrales, seule celle de la Nouvelle
Zélande a fait adopter l’objectif de ciblage d’inflation par un texte législatif. A titre
d’exemple, en Australie et au Royaume Uni, la cible d’inflation est fixée par le gouvernement.
En Finlande, Pologne, Espagne et Suède, la fixation de la cible d’inflation est du ressort de la
Banque Centrale. Au Canada et en Nouvelle Zélande, la cible d’inflation est fixée
conjointement par la Banque centrale et le gouvernement.
Nb : Depuis la fin des années 80, la lutte contre l’inflation est devenue la priorité de la plupart
des Banques centrales. Aujourd’hui, la stabilité des prix est un objectif majeur de toutes les
banques centrales. Soit la stabilité des prix est l’objectif prioritaire (modèle hiérarchique de
banque centrale) soit elle forme, avec l’emploi, le duo d’objectifs principaux (modèle dual de
banque centrale).

3) La relation entre la monnaie et le revenu


L’efficacité de la stratégie d’ancrage nominal est liée à l’existence d’un canal direct de
transmission de la monnaie à l’économie, lui-même assuré par la stabilité de la fonction de
demande de monnaie des agents. Celle-ci, déterminée en termes réels, est une fonction stable
de la richesse des individus et du coût d’opportunité à détenir de la monnaie. Toutefois, on
assiste à un effondrement de la relation supposée stable entre la monnaie et le revenu à partir
de 1980. Les tests qui mettent en avant l’effondrement de cette relation se sont multipliés. Ce
fut même le premier champ d’application de la modélisation VAR (Vectorial AutoRegressive)
créée par Sims (1980). Avant les modèles VAR, Sims (1972), en montrant l’inexistence d’une
relation causale unidirectionnelle de la monnaie sur le revenu, affirme que la relation positive
entre monnaie et revenu est une simple réponse de l’offre de monnaie à l’activité économique,
remettant en cause l’hypothèse monétariste d’exogénéité de la monnaie. Sims (1980) va
encore plus loin en remettant en cause entièrement l’interprétation monétariste d’une relation
causale allant de la monnaie vers le revenu. Il recourt à un modèle VAR et conclut, avant
l’avènement des innovations financières, à l’inexistence de cette relation causale précède,
selon lui,. Allant de ce sens, King et Plosser (1984) reprennent l’idée d’une causalité inverse
entre la monnaie et le revenu et montrent que la monnaie répond de façon endogène aux

5
La BCE n’a pas explicitement adopté le ciblage d’inflation. Elle poursuit implicitement des objectifs
intermédiaires en termes d’agrégats monétaire en annonçant une valeur de référence quantifiée pour la
croissance de l’agrégat M3. Les écarts de la valeur de référence par rapport à la croissance observée de M3 sont
analysés, afin d’extraire les informations pouvant servir à l’analyse des risques pour la stabilité des prix. Cette
stratégie est fondée sur la stabilité de la demande de monnaie.
variations de la production. Ainsi, pour ces auteurs, c’est la nature causale même de cette
relation qui va de la monnaie au revenu qui importe le plus. Cette relation s’est vue, par
moments, totalement inversée.
Mais la majorité des travaux empiriques appréhende l’effondrement de la relation monnaie-
revenu, non pas du point de vue de la nature causale de cette relation mais en termes de
fluctuations erratiques de cette relation. Friedman (1988a, b) met en évidence, sur des
données américaines, des fluctuations erratiques du ratio M1/PIB à partir de 1980 mais aussi
le renversement de la relation. Alors que la tendance de ce ratio devrait prédire un ratio de
l’ordre de 0,1007 pour l’année 1987 si la relation était stable, elle a été de 0,1687. De plus, il
montre, via un test de cointégration, l’absence de relation de long terme, jusqu’en 1987, entre
le crédit et les agrégats de monnaie d’un côté et le revenu d’un autre côté. Durant ces années
1980, même les agrégats les plus larges (M2 et M3) n’affichent plus de relation robuste avec
le revenu nominal ou l’inflation (Friedman, op. cit.). Ces résultent rejoignent ceux de Engle et
Granger (1987) appliqués au cas des Etats-Unis.
Blundel-Wignall et al (1990) confirment ces résultats dans une étude étendue à sept pays de
l’OCDE. Ils modélisent la relation entre les variations courantes du revenu nominal et celles
décalées d’autres variables (M1, M2, M3, M4, taux d’intérêt, taux de change) selon une
approche VAR sur données trimestrielles. Ils mènent également des tests de cointégration.
Les estimations montrent l’existence d’une causalité, la monnaie semblant avoir joué un rôle
précurseur par rapport au revenu. Mais pour la plupart des pays analysés, ils observent une
nette rupture à partir des années 1980. C’est davantage l’agrégat large plus que l’agrégat étroit
qui affiche un lien avec le revenu. Ensuite, ils testent la nature de la relation entre monnaie
large et revenu, en ne retenant que l’agrégat large. S’agit-il d’une relation de causalité inverse
ou d’une relation à double sens ? Leurs résultats montrent soit une rupture de la relation, soit
une causalité à double sens6.
M. Friedman (1984) tente de justifier l’effondrement de la relation empirique monnaie-revenu
par l’inflexion de la vitesse de circulation de la monnaie (ratio PIB/M). Mais B.M. Friedman
(1988a) réfute une telle explication qui enferme, selon lui, l’explication dans un cercle
vicieux. Si le ratio PIB/M décline, c’est que la monnaie augmente plus que
proportionnellement que le PIB. En général, les travaux expliquent l’effondrement de la
relation empirique monnaie-revenu par l’évolution du paysage financier dans lequel le
politique monétaire opère. Friedmann et Kuttner (1993) expliquent cet effondrement par la
libéralisation. Après la déréglementation, ils observent que l’agrégat M1 perd de son pouvoir
de prédiction du revenu et des prix futurs. Les travaux de Blundel-Wignall et al (op.cit.)
confortent l’idée que l’innovation financière affecte davantage les agrégats étroits que les
agrégats larges. En effet, à mesure que le processus de libéralisation s’accentue, les moyens
de financer les dépenses se multiplient par l’innovation financière. On peut désormais
financer la demande finale par des moyens autres que la monnaie et qui lui sont de proches
substituts. Les agrégats les plus étroits ne sont plus en mesure de représenter tous les moyens
de détenir la monnaie. Ainsi, avec la libéralisation financière qui s’approfondit, les
présupposés de la doctrine monétariste ont subi une épreuve de vérité fort cruelle (Aglietta,
2002).

4) Représentation VAR, estimation et dynamique


6
Plus précisément, Blundel-Wignall et al (1990) montrent qu’aucune relation à long terme n’apparaît entre les
agrégats étroits (monnaie BC, M1) et le revenu. Elle est aussi inexistante entre le revenu et les agrégats plus
larges type M2 et M3 pour tous les pays sauf les EU et l’Allemagne.
 La spécification VAR
Lorsque nous avons cherché à déterminer la relation entre la quantité de monnaie et le revenu,
nous avons introduit la relation : y t =a+b x t + ωt . On a posé que la quantité de monnaie est la
variable expliquée alors que le revenu est la variable explicative. Cela suppose une théorie
sous-jacente à cette relation. Mais cela peut s’avérer problématique si la théorie sous-jacente
n’est pas pertinente. Alors, plutôt que de s’intéresser à la relation théorique ci-dessus, on peut
considérer une relation purement statistique où les deux variables ont toutes, a priori, le même
statut (à la fois exogène et endogène) : c’est le but de la représentation VAR qui n’est rien
d’autre qu’une généralisation du modèle autorégressif AR au cas multivarié.

Pour des raisons de commodités, nous allons remplacer la variable y t par y 1 t et la variable x t
par la variable y 2 t . On représente une modélisation VAR d’ordre p (VAR(p)) de ces deux
variables de la façon suivante:
p p
y 1 t =a1 + ∑ b1 i y 1t −i+ ∑ c 1 i y 2 t−i−d 1 y 2 t + ε 1 t
i=1 i=1

p p
y 2 t =a2 + ∑ b 2i y 1 t−i +∑ c 2 i y 2 t −i −d 2 y 1 t + ε 2 t
i=1 i=1

Les variables y 1 t et y 2 t sont considérés comme stationnaires, les innovations ou chocs ε 1t et


ε 2t sont des bruits blancs. Si les séries ne sont pas stationnaires, les stationnariser, soit par
différence (cas de tendance stochastique) soit par ajout d’une composante tendance (cas de
tendance déterministe). Nb : si le VAR comporte un mouvement saisonnier ou une période
anormale, on peut corriger cela en y ajoutant des variables binaires.
Le grand nombre de paramètres de ce modèle structurel à estimer peut faire perdre des degrés
de liberté. Pour résoudre ce problème, on passe au modèle réduit.

 Estimation du modèle et détermination du nombre optimal de retards


On estime chacune des équations par les MCO (ou par une méthode de maximum de
vraisemblance MV), indépendamment les unes des autres.
On estime tous les modèles VAR (p) pour un ordre allant de 0 à h, h étant le retard maximum
admissible par la théorie économique et financière ou par les données disponibles. Le retard
qui minimise les critères AIC et SIC est retenu.

2 k2 p
AIC ( p )=ln [ det |Σ e|] +
n

k 2 pln(n)
SIC ( p )=ln [ det |Σ e|] +
n
Σ e: matrice des variances covariances des résidus du modèle ; k : nombre de variables du
système ; n : nombre d’observations ; p : nombre de retards.
 VAR et fonction de réponse impulsionnelle
Le modèle VAR permet d’analyser les effets de politiques financières, au travers de
simulations de chocs aléatoires et de la décomposition de la variance de l’erreur. Par
exemple, on veut savoir l’impact du revenu sur la demande de monnaie.

 Pour mesurer l’impact d’une variation du choc sur les variables, on commence par
représenter le modèle VAR ( p) sous sa représentation VMA (∞). La représentation
VAR ( p):
Y t = A0 + A1 Y t−1 + A2 Y t−2 +…+ A p Y t − p +v t

a pour représentation VMA (∞):



Y t =μ+ vt + M 1 vt −1+ M 2 v t −2+ …=μ+ ∑ M i v t −i
i =0

min ⁡( p ,i)
Avec M i= ∑ A j M i− j
j=1

Mise sous cette forme, la matrice M apparaît comme un « multiplicateur d’impact » : il


mesure la répercussion du choc tout le long du processus. Une variation du choc v t en t affecte
toutes les valeurs suivantes de Y t : l’effet d’un choc (ou innovation) est permanent et va en
s’amortissant. Comment mesurer l’impact de la variation d’un choc sur les variables ?
Soit le modèle VAR estimé suivant :
y 1 t =0,00676 y 1t −1−0,6125 y 2 t−1 +17,129+ε 1 t

y 2 t =−0,1752 y 1 t −1+0,2992 y 2 t−1−12,863+ ε 2 t

Soit un choc sur ε 1t égal à 1. En faisant l’hypothèse implicite que les résidus ε 1t et ε 2t sont
indépendants, on mesure l’impact de la façon suivante :

∆ y1 t 1
En t : [ ][]
∆ y2 t
=
0

∆ y 1 t +1 0,00676 −0,6125 1 0,006 7


En t+1 : [ ][
∆ y 2 t +1
=
−0,1752 0,2992 0
=
−0,175][ ] [ ]
etc.
Les valeurs obtenues forment la « fonction de réponse impulsionnelle ».

Si les résidus ε 1t et ε 2t sont dépendants selon le coefficient de corrélation égale à -0,503, un


choc aléatoire de 1 sur y 2 t se traduit par une baisse de -0,503 sur y 1 t : il y a une dissymétrie
des chocs sur les variables. En général, en cas de corrélation entre les résidus, on recherche
une représentation à erreurs orthogonales : on orthogonalise les chocs.
Soit :
y 1 t =a1 y1 t −1+ b1 y 2 t −1 + ε 1 t
y 2 t =a2 y 1t −1+ b2 y 2 t −1+ ε 2 t
2
On a Var ( ε 1t )=σ ε 1
Var ( ε 2 t)=σ 2ε et Cov (ε 1 t , ε 2 t )=k ≠ 0
2

2
En calculant y 1 t −( σ ε /k ) y 2 t on obtient :
1

k k k k
y2 t = 2
σ y 1t
ε1
( σε 1
)
σε (
+ a2 −a1 . 2 y1 t −1+ b 2−b1 . 2 y 2t −1+ ε 2 t− 2 ε 1t
σε 1
) 1

k
En posant : ν t=ε 2 t− ε 1 t , il vient :
σ 2ε1

k
Cov ( ε 1 t , ν t ) =E ( ε 1 t ν t )=Cov ( ε 1 t , ε 2 t )− 2
E ( ε 1t 2 )=k−k =0
σε1

Les innovations ne sont plus corrélées !

 La décomposition de la variance de l’erreur de prévision permet de calculer la


contribution de chaque choc (politique financière ici) à la variance de l’erreur. Se
servir de la décomposition de Cholesky…

II) Impact des innovations financières dans la relation monnaie-prix : la loi de


Goodhart

1) La loi de Goodhart
La loi de Goodhart stipule qu’en cherchant à contrôler le plus étroitement possible l’agrégat
monétaire pour aboutir à la stabilité des prix, la banque centrale (BC) se heurte à un
changement du comportement des agents vis-à-vis de la monnaie suite à la conduite de la BC.
La relation présumée stable se trouve à son tour changée. A force de vouloir réaliser la cible
intermédiaire, celle-ci devient irréalisable. Ainsi, toute régularité statistique tend à s’évanouir
quand on cherche à l’utiliser à des fins de contrôle 7. Dès lors qu’un gouvernement tente de
contrôler un ensemble particulier d’actifs financiers, ceux-ci perdent leur fiabilité à titre
d’indicateurs de tendances économiques8. Dit autrement, lorsqu’un indicateur est choisi pour
7
Le sociologue américain Donald Campbell va dans le même sens : « plus un indicateur quantitatif est utilisé
pour prendre des décisions, plus il va être manipulé et plus son usage va aboutir à corrompre le processus qu’il
était censé améliorer».
8
Exemple : Les médecins qui utilisent des quantités importantes de solution antiseptique pour le lavage des
mains sont habituellement précautionneux de leur hygiène. La consommation d’antiseptique est donc
initialement corrélée à la qualité des soins. En revanche, si cette consommation est transformée en indicateur
qualitatif, les médecins risquent de modifier leur consommation d’antiseptiques dans le seul but d’améliorer leur
score, et les flacons peuvent aussi bien être vidés dans le lavabo en fin d’année qu’utilisées pour lutter contre la
transmission des infections. Dans cette situation caricaturale, la corrélation initiale entre la consommation de
solution antiseptique et la qualité des soins a disparu et les coûts ont augmenté. Les agents ont bien modifié leur
comportement face à l’indicateur, mais pas dans le sens espéré.
guider une politique économique, il perd du même coup la valeur informative qui l’avait
qualifié pour remplir cette mission. Appliqué au ciblage monétaire, cette loi signifie ceci :
observant l’existence d’une relation stable entre un agrégat monétaire et les prix, les autorités
monétaires vont chercher à contrôler la croissance de celui-là pour stabiliser ceux-ci ; mais les
agents économiques réagissent à ce changement de stratégie en modifiant leurs propres
comportements, faisant s’effondrer la relation entre l’agrégat monétaire et les prix. Goodhart
présente lui-même la loi qui porte son nom comme un mixage de la loi de Murphy et de la
critique de Lucas. Murphy énonce que s’il existe au moins deux façons de faire quelque chose
et qu’au moins l’une d’elles peut entraîner une catastrophe, cette dernière a une probabilité de
réalisation plus importante ! Goodhart considère que si les agents peuvent modifier leur
comportement à leur avantage plutôt que pour le bien public, ils le feront, même si le résultat
global est un désastre.
La loi de Goodhart et la critique de Lucas, tous deux apparus dans des temps de grands chocs
subis par les économies majeures9, sont les deux faces d’un même phénomène. Bien que la loi
de Goodhart (1975) précède la publication de la critique de Lucas (1976), Lucas est le premier
à l’avoir présenté. C’était lors d’une conférence Carnegie-Rochester en avril 1973, et l’article
circulait largement avant sa publication officielle (Savin et Whitman, 1992). Lucas énonce
dans sa critique qu’il faut éviter de se baser naïvement sur des statistiques passées pour
prédire le comportement futur des agents économiques. En pratique, cela signifie qu’une
corrélation observée peut devenir trompeuse si elle est utilisée dans un but de prévision ou
d’évaluation. Lucas critique le postulat qui présume que les agents ne vont pas modifier leur
comportement dans un sens imprévu face à un nouvel indicateur qui les concerne.
La loi de Goodhart (1993) a montré sa pertinence dans tous les pays qui avaient engagé la
libéralisation financière. Si l’on cible un agrégat monétaire M n, on peut être sûr qu’il va
devenir instable parce que les agents privés vont contourner la contrainte de limitation de M n
en recherchant de nouvelles formes de liquidités. C’est l’agrégat M n+1 qui devient pertinent…
tant qu’il n’est pas contrôlé ! Ainsi, la notion même de quantité de monnaie devient floue avec
le développement concurrent de la liquidité bancaire (les dépôts), la liquidité financière (les
titres capables de donner un accès immédiat aux moyens de paiement). Le changement de
comportement des agents est facilité par les innovations financières et la libéralisation
financière. La demande de monnaie est devenue instable dans les années 1980 du fait des
innovations financières qui ont proposé de proches substituts aux composantes de l’agrégat
monétaire suivi par les banques centrales.
Selon Goodhart (1975), la raison principale des difficultés rencontrées a été la détérioration de
la relation statistique entre la croissance de l’agrégat monétaire cible et les prix. Cette
détérioration, dans de nombreuses économies, de la relation entre les agrégats monétaires et
les prix (ou autres variables servant d’objectif à la politique monétaire) a été à l’origine du
passage du ciblage monétaire au ciblage d’inflation. Le changement opéré par les banques
centrales qui passent de la stratégie de ciblage monétaire à celle du ciblage d’inflation est, en
général, motivé par les mauvais résultats liés à la stratégie du ciblage monétaire.

2) La relation entre la monnaie et les prix


Par ailleurs, l’apparition des actifs quasi-liquides rémunérés conduit à ne plus détenir la
monnaie pour le seul motif de transaction. Le motif de détention des encaisses se rapproche

9
Choc pétroliers, les débuts des taux de change flottants en 1973.
désormais des motifs propres à d’autres actifs du patrimoine. La conséquence est une forte
altération à court et à long terme de la relation entre la monnaie et le revenu. L’effritement de
la relation constatée au départ avec des agrégats étroits s’est rapidement propagé aux agrégats
plus larges qui sont censés surmonter les irrégularités occasionnées par l’innovation
financière. Outre la dégradation de la relation monnaie-revenu, on assiste à un effritement de
la relation monnaie-prix. Contrairement aux pronostics de Friedman (1984), la monnaie
connaît une croissance importante dans les années 80 alors que les prix ont décéléré de
manière spectaculaire. Ce véritable paradoxe entre évolution de la masse monétaire et celle
des prix reflète une totale incohérence avec la théorie économique. M.B. Friedman (op. cit.)
qualifie la politique de ciblage d’agrégats de monnaie (monétaire) suivie aux Etats-Unis entre
1979 et 1982 d’un véritable désastre pour l’économie américaine. Pareillement, à la fin 1973,
la stratégie du ciblage monétaire ne permet plus d’atteindre les objectifs de stabilité des prix
au Royaume-Uni où la banque d’Angleterre avait pris pour cible l’agrégat M3. Cela n’a pas
donné les résultats escomptés.
Les uns après les autres, les pays de l’OCDE constatent qu’il n’y avait plus de relations entre
la variable des agrégats monétaires et celle de l’indice conventionnel des prix. La certitude sur
l’agrégat monétaire disparaît et avec elle, s’envole la primauté du canal direct de transmission
de la monnaie aux prix, sur lequel toute la doctrine monétariste repose (Aglietta, 2002). La
volatilité des prix est très faible alors que celle des agrégats monétaires est affectée par la
gestion dynamique des portefeuilles financiers avec un réaménagement continuel des
proportions des différents actifs. Des mouvements vers ou à l’encontre de n’importe quel
agrégat prédéfini peuvent se succéder, sans rapport aucun avec les prix des biens et services.
Le ciblage monétaire devient une boussole affolée (Aglietta, op.cit.). L’effritement de la
relation causale monnaie-prix, suite au ciblage rigide de l’agrégat monétaire, tombe
pleinement sous la loi de Goodhart. Pour Goodhart (1984), cet effritement représente un effet
induit des politiques de ciblage monétaire.

3) Loi de Goodhart ou effet mimétique : une analyse empirique


Nous estimons une équation de demande de monnaie. La monnaie est demandée pour le
pouvoir d’achat qu’elle procure. C’est le motif de transaction de la monnaie. La demande de
monnaie s’exprime donc en termes réels et est positivement influencée par le volume réel des
transactions économiques. L’élasticité de la demande de monnaie par rapport au volume des
transactions permet de savoir s’il existe ou non des économies d’échelle dans la demande de
monnaie. Si cette élasticité est inférieure à 1, c’est qu’il existe des économies d’échelle. En
outre, la liquidité procurée par la monnaie a un coût d’opportunité égal au rendement
(supérieur) des actifs comme les bons du trésor dont le degré de risque est comparable. C’est
le taux d’intérêt nominal qui mesure ce coût d’opportunité. On en attend un impact négatif sur
la demande de monnaie. Le taux d’intérêt nominal saisit également l’influence négative de
l’inflation anticipée sur la demande de monnaie (effet Fisher).
Supposons une forme fonctionnelle log-linéaire :
log ⁡( M ¿ ¿t )=α 1+ α 2 log ⁡(P¿¿ t )+ α 3 log ⁡¿ ¿ ¿

M t : masse monétaire nominale L’agrégat monétaire retenu est M1 (somme des espèces :
pièces et billets de banque en circulation + dépôts à vue) : c’est l’ensemble des actifs dont la
liquidité est parfaite mais dont la rémunération est négligeable. ; Pt : NGP, L’indice de prix
retenu est celui des prix à la consommation; Y t : volume réel des transactions économiques ;
La mesure des transactions économiques correspondant à la théorie est celle des ventes
totales. Mais à l’instar de la littérature sur la demande de monnaie, on prend l’approximation
par les ventes finales nettes mesurées par le PIB. i t : taux d’intérêt nominal. Le taux d’intérêt
nominal retenu est une moyenne arithmétique du taux d’escompte annualisé de la banque
centrale et du taux d’intérêt annualisé sur les titres publics. Cette mesure s’avère la plus
satisfaisante sur le plan économétrique. On s’attend à ce que α 3> 0 et que α 4 <0 . Dans
l’hypothèse d’absence d’illusion monétaire α 2=1 et l’équation se simplifie de la façon
suivante :
log( M t /P t )=α 1+ α 3 log ⁡(Y t )+α 4 log ( 1+i t ) + ε t

Pour analyser la stabilité de la fonction de demande de monnaie, Artis et Lewis (1984) et


Capie et Webber (1985) ajoutent dans la fonction précédente une variable muette (dummies),
ne tiennent pas compte du taux d’intérêt et estiment une fonction de demande de monnaie de
la forme :
log ( M t /Y t )=α 0 +α 1 log ( Rt ) +dummiest + ε t

Rt est la variable de revenus agrégés basée sur le revenu national et le PIB au prix du marché.
M t /Y t est l’inverse de la vitesse de circulation de la monnaie. Ils utilisent successivement
pour M t les dépôts de détail (M2) et M4. La période de rupture est déterminée en utilisant des
variables muettes (dummies) avant d’estimer la régression. La croissance stationnaire (steady)
dans le ratio de monnaie au revenu pour une période, pour un taux d’intérêt donné, représente
l’effet de l’innovation financière. Comme la plupart des éléments contenus dans M4 offrent
(contrairement à M2) plus de taux d’intérêt concurrentiel, alors le stock de M4 croît
relativement au revenu. Le déplacement de la fonction de demande a certainement peu à voir
avec le recours à M4 comme agrégats cible mais plutôt est le produit de la libéralisation
financière et la croissance rapide des marchés de gros de la monnaie.

Nous estimons l’équation (…) et y appliquons les tests de stabilité structurelle. Le test de
Chow est le test standard, il propose de tester la stabilité du modèle pour une date fixée,
connue a priori. C’est un test de changement structurel qui permet de tester la stabilité des
coefficients de la régression entre deux périodes ou deux sous échantillons différents. Le test
de Chow temporel permet de savoir si les coefficients des différentes régressions ne sont pas
affectés par un changement dans les comportements de demande de monnaie due à
l’innovation financière, intervenue au début des années 1990. Il permet d’analyser la présence
ou non de rupture temporelle dans les comportements ; homogénéité du comportement dans le
temps;
Le test de Chow peut s’écrire sous la forme d’un test de plusieurs contraintes. On considère
une date susceptible d’avoir induit une modification de l’équation de comportement. On note
n0 cette date et on cherche à tester si les paramètres sont identiques sur l’ensemble de la
période 1 , … , N ou si les paramètres sont différents sur les sous-périodes
1 , … , n0 et n0 +1 , … , N . Si β 1le vecteur de paramètres sur la première période et β 2le vecteur de
paramètres sur la seconde période, on effectue le test suivant :

H0 : β 1=β 2

H1 : β 1 ≠ β 2

Cette hypothèse de test peut s’écrire encore de la façon suivante :

H0 : SCR=SCR1 + SCR 2 (les coefficients sont stables)


H1 : SCR ≠ SCR 1 + SCR 2 (les coefficients sont instables)

Avec SCR: somme des carrés des résidus du modèle général ; SCR 1: somme des carrés des
résidus du modèle estimé avant la date de rupture; SCR 2: somme des carrés des résidus du
modèle estimé après la date de rupture. Sous l’hypothèse nulle il y a stabilité, il s’agit d’un
modèle avec K contraintes car chaque paramètre doit être identique sur les deux sous-
périodes. Sous l’hypothèse alternative, on a un modèle sans contrainte ; il faut dans ce cas
estimer le modèle sur les deux sous-périodes pour obtenir 2 K paramètres estimés. Le test de
Chow ou test Le test repose sur les hypothèses suivantes :
La statistique du test de Chow est donnée par :
SCR−( SCR 1+ SCR 2 )
∗n−2 k
SCR 1 + SCR 2
F=
k
K : nombre de variables explicatives, y compris la constante d’observations du modèle
général. Sous H 0 F → F( k ,n−2 k ). Les résultats des régressions sous…sont ainsi présentés…
Dans toutes les équations, les statistiques calculées sont inférieures aux statistiques lues sur la
table de Fisher, au seuil de 1% ; on ne peut donc pas rejeter l’hypothèse nulle de stabilité des
coefficients. Par conséquent le modèle est globalement stable. La…n’a pas d’effet différencié
sur la stabilité des coefficients du modèle.
Si dans un modèle on a repéré un ou plusieurs points de rupture, l’estimation des coefficients
ne peut plus se faire sur le modèle, les coefficients théoriques n’étant plus les mêmes sur toute
la période. La solution est donc le partage de l’échantillon en deux ou plusieurs parties. En
particulier si on veut utiliser ce modèle en prévision seule la dernière sous-partie est utile.
Parfois un ou plusieurs points de rupture sont le signe d’un modèle pas assez précis, c’est-à-
dire d’un manque de variables explicatives. On constatera souvent que si on trouve un modèle
statique (variables en fonction de t seulement) instable, le modèle dynamique (fonction de t et
t-1) correspondant sera lui stable. Par conséquent, si le modèle statique est instable, il faut
prendre l’étude sur l’ensemble de l’échantillon pour le modèle dynamique. Si le modèle
dynamique est instable il faut reprendre le choix des retards sur les variables dans les deux
sous-parties car les retards n’ont aucune raison d’être identiques.
En revanche, les tests de stabilité basés sur les résidus recursifs cherchent à détecter la
présence d’une date de rupture. Tests de Cusum (simple et au carré)…
La plupart de ces tests statistiques disponibles, parmi les plus populaires, sont des procédures
asymptotiquement valides pour les modèles multivariés mais leur fiabilité peut être en cause
dans de petits échantillons. Ces tests souffrent de sérieux problèmes de taille. En effet, lorsque
le nombre d’observations est faible comme dans le cas des échantillons disponibles en
présence de données annuelles, l’utilisation de ces procédures asymptotiques peut conduire à
des conclusions fallacieuses, c’est-à-dire de faux rejet de l’hypothèse nulle de stabilité
structurelle des paramètres du modèle analysé (Yélou, 2006). Ce dernier propose trois types
de test de rupture qui contrôlent le niveau pour toute taille d’échantillon : test de rupture de
Bai, Lumsdaine et Stock (1998, Review of Economic studies), test prédictifs multivariés,
extension du test de détection de valeurs aberrantes dû à Wilks (Sankhya series 1963).
Exercice 1 : Les déterminants de la demande de monnaie
L’un des déterminants de la demande de monnaie est le motif de transaction : la monnaie est
demandée pour le pouvoir d’achat qu’elle procure. La demande de monnaie s’exprime donc
en termes réels et est positivement influencée par le volume réel des transactions
économiques.
1) Pour savoir s’il existe ou non des économies d’échelle dans la demande de monnaie,
calculer l’élasticité de la demande de monnaie par rapport au volume des transactions.
Si c’est inférieur à 1, c’est qu’il existe des économies d’échelle. Expliquez cela.
2) A quoi est égale le coût d’opportunité de la liquidité procurée par la monnaie ?
Supposons une forme fonctionnelle log-linéaire :
M t =α 1 +α 2 Pt + α 3 Y t +α 4 I t +ε t t=1 , … , T

M t : logarithme de la masse monétaire nominale ; Pt : logarithme du NGP ; Y t : logarithme du


volume réel des transactions économiques ; I t: logarithme de 1+i t avec i t : taux d’intérêt
nominal.

3) Quels sont les signes attendus de α 3et α 4?


4) Dans l’hypothèse d’absence d’illusion monétaire, quelle valeur pouvez-vous donner à
α 2?
5) Comment se simplifie alors l’équation ci-dessus ?
6) Dans le cadre d’une étude empirique, quelles grandeurs économiques peut-on retenir
pour correspondre à M t , Pt ,Y t , I t

Exercice 2 
Keynes subdivise le motif de transaction en deux sous motifs : constituer une encaisse
monétaire un motif de revenu et un motif professionnel.
En quoi consistent ces deux motifs de détention d’encaisses monétaires ?

Exercice 3 : thèmes d’exposé


La théorie monétaire chez Fisher
Les causes monétaires des crises chez Friedman
Fisher et le principe du 100% Money
Louis Even et le crédit social 
La monnaie fondante de Gesell
Corrections d’exercices

Exercice 1 : Les déterminants de la demande de monnaie


L’un des déterminants de la demande de monnaie est le motif de transaction : la monnaie est
demandée pour le pouvoir d’achat qu’elle procure. La demande de monnaie s’exprime donc
en termes réels et est positivement influencée par le volume réel des transactions
économiques.
7) Pour savoir s’il existe ou non des économies d’échelle dans la demande de monnaie,
calculer l’élasticité de la demande de monnaie par rapport au volume des transactions.
Si c’est inférieur à 1, c’est qu’il existe des économies d’échelle. Expliquez cela.
8) A quoi est égale le coût d’opportunité de la liquidité procurée par la monnaie ?
Réponse  : La liquidité procurée par la monnaie a un coût d’opportunité égal au
rendement (supérieur) des actifs comme les bons du trésor dont le degré de risque est
comparable. C’est le taux d’intérêt nominal qui mesure ce coût d’opportunité. On en
attend un impact négatif sur la demande de monnaie. Le taux d’intérêt nominal saisit
également l’influence négative de l’inflation anticipée sur la demande de monnaie
(effet Fisher).
Supposons une forme fonctionnelle log-linéaire :
M t =α 1 +α 2 Pt + α 3 Y t +α 4 I t +ε t t=1 , … , T

M t : logarithme de la masse monétaire nominale ; Pt : logarithme du NGP ; Y t : logarithme du


volume réel des transactions économiques ; I t: logarithme de 1+i t avec i t : taux d’intérêt
nominal.

9) Quels sont les signes attendus de α 3et α 4?


Réponse : On s’attend à ce que α 3> 0 et que α 4 <0 .

10) Dans l’hypothèse d’absence d’illusion monétaire, quelle valeur pouvez-vous donner à
α 2?
Réponse  : α 2=1
11) Comment se simplifie alors l’équation ci-dessus ?
Réponse  : l’équation se simplifie de la façon suivante :
M t −P t=α 1 +α 3 Y t + α 4 I t +ε t

12) Dans le cadre d’une étude empirique, quelles grandeurs économiques peut-on retenir
pour correspondre à M t , Pt ,Y t , I t

Réponse : L’agrégat monétaire retenu est M1 (somme des espèces : pièces et billets de
banque en circulation + dépôts à vue) : c’est l’ensemble des actifs dont la liquidité est
parfaite mais dont la rémunération est négligeable.
L’indice de prix retenu est celui des prix à la consommation.
La mesure des transactions économiques correspondant à la théorie est celle des ventes
totales. Mais à l’instar de la littérature sur la demande de monnaie, on prend
l’approximation par les ventes finales nettes mesurées par le PIB.
Le taux d’intérêt nominal retenu est une moyenne arithmétique du taux d’escompte
annualisé de la banque centrale et du taux d’intérêt annualisé sur les titres publics.
Cette mesure s’avère la plus satisfaisante sur le plan économétrique.

Exercice 2 
Keynes subdivise le motif de transaction en deux sous motifs : constituer une encaisse
monétaire un motif de revenu et un motif professionnel.
En quoi consistent ces deux motifs de détention d’encaisses monétaires ?
Réponse :

 Le motif de revenu concerne d’avantage les ménages : « Il correspond au désir de


combler l’intervalle de temps entre l’encaissement et le décaissement du revenu, ce
motif intervient avec une force qui dépend du montant de revenu et de la longueur de
cet intervalle ». On retrouve cela chez Pigou et Marshall : non synchronisation dans le
temps entre revenu et dépenses qui conduit les agents à détenir une encaisse monétaire
pour effectuer des échanges. Plus le montant du revenu est élevé et plus l’encaisse
monétaire sera importante ceteris paribus.
 Le motif professionnel concerne d’avantage les entreprises (même idée). « Ce motif
exprime le souhait de combler l’intervalle entre l’époque où on assume des frais
professionnels et celle où on encaisse le produit de la vente.» Pour les entreprises, le
déterminant principal est le niveau de la production courante ; au niveau global –
macro, c’est le niveau du PIB pour l’ensemble des entreprises ou le revenu global.
Globalement, la demande de monnaie pour motif de transaction dépend du revenu
courant et ce revenu courant est un revenu de sous-emploi.
C’est la non-synchronisation entre les recettes et les dépenses des agents économiques
qui justifie que ces derniers désirent détenir une encaisse monétaire.

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