L Enfant Prodigue
L Enfant Prodigue
L Enfant Prodigue
Pendant des années il a obéi à son père. Longtemps, il a vécu dans un climat d’amour que son père
lui témoignait. Mais il sent ses ailes pousser ; il ressent un besoin de liberté et d’autonomie (= suivre
sa propre loi). Il pense qu’en restant dépendant de son père il ne peut vivre comme il le veut.
Il ne peut être épanoui ; surtout en voyant son frère aîné, ce frère qui obéit mais sans joie : il en a
assez de la morosité à la maison ! Quelque part, on comprend qu’il n’a qu’une envie, c’est de la fuir.
Cette indépendance vis-à-vis de Dieu (Dieu qui correspond au père de cette parabole) peut se vivre
par n’importe qui. Nous décidons à certains moments de suivre notre propre volonté ; nous avons foi
en nous-mêmes : et nos besoins, nos sentiments l’emportent.
Nous pouvons réagir ainsi par rapport à l’attitude des autres, aussi : nous avons de quoi être déçus
par le comportement des autres. Mais si nous sommes influencés autant que cela par ce que les
autres vivent, c’est que certainement nous considérons moins notre relation avec Dieu que la
relation que les autres ont avec lui. « Ils se disent chrétiens, et c’est comme ça qu’ils se comportent !
Ça ne m’aide pas à vivre avec lui ! » Quand les autres nous déçoivent, nous avons tendance à les fuir
mais nous nous éloignons en même temps de la maison (l’Eglise) et du Père, Dieu. Et pour ce jeune
frère, rester près de son père, c’est rester avec son frère aîné.
Mais si nous nous plaçons du côté du frère aîné, nous avons une responsabilité vis-à-vis des autres :
notre manière de vivre notre foi influence celle des autres. Refléter la morosité dans ma vie de tous
les jours peut avoir une incidence sur ceux qui m’entourent.
Mais sans mettre sur le dos des autres la responsabilité de l’éloignement vis-à-vis de Dieu, Jésus
insiste sur le fait que le fils cadet n’a pas voulu rester près de son père. C’est souvent trop facile de
dire à Dieu : « Si je me suis éloigné de toi, si je ne me suis pas engagé envers toi, c’est à cause des
manquements des autres ».
Le fils le plus jeune ne réfléchit pas à ce qu’il perd en partant de chez son père, il est aveuglé par ce
qu’il réclame et exige de son père. En demandant la part de son héritage, il considère son père
comme mort ; il fait ce qu’il veut, sans aucun souci de son père, sans tenir compte de lui.
Il est facile de fuir loin de Dieu et d’être attiré par l’utopie de la vie facile de la société.
Le père avait un plan merveilleux pour ses fils ; il était prêt à accorder gratuitement, selon les besoins
(et même plus ! cf. la fin de l’histoire) : le plus jeune ne l’a pas compris et il est parti loin de lui.
Mais quand nous ne le voyons pas (est-ce la faute du père si ce fils n’est pas comblé ?), c’est
l’impatience qui l’emporte et oriente les décisions. Le problème est que nous croyons pouvoir suivre
notre propre volonté en pensant que c’est plus épanouissant.
Ce fils a voulu changer d’air, se jeter à l’eau ; mais il croyait savoir nager… Abandonner Dieu (plus ou
moins), c’est chaque fois s’éloigner de la vie.
Dans son malheur, plus tard, il a compris que sa place avec son père était le meilleur endroit. Il a eu
le courage et l’humilité de revenir à son père. Et tout a changé.
Nous pouvons réfléchir à l’attitude du frère aîné d’après sa réaction à la fin du récit. C’est souvent ce
qu’on dit dans des situations difficiles qui révèle ce qu’on est profondément.
D’une autre manière, pendant que son jeune frère vivait loin de la maison, l’aîné lui aussi fuyait.
Comment cela, puisque, pourtant, il restait auprès de son père, il travaillait pour lui, sans jamais lui
désobéir (c’est en tout cas ce qu’il pense de lui-même) ; que demander de plus !!
Le problème, c’est qu’il ne travaille pas vraiment pour son père mais pour lui-même, pour en retirer
un intérêt. C’est un travail intéressé qu’il accomplit (mais pas intéressant…) : il travaille pour qu’il soit
reconnu, pour qu’on le considère dans la maison, qu’on dise de lui : « il travaille bien, lui ! », pour
qu’il puisse dire : « Je travaille donc je mérite, moi, de manger à la table de mon père ». Il a beaucoup
de mérite, à ses yeux ; et cette image de lui-même lui suffit. Il ne pense même pas à demander à son
père ce que celui-ci est pourtant prêt à donner, sans contrepartie, gratuitement. Il ne pense pas non
plus à se réjouir pour son frère (bizarre quelques fois comme certains critiquent facilement sans se
réjouir de ce que vivent les autres).
La grande colère qui gronde en lui révèle que cette attitude ne le satisfait pas ; malgré sa vie
exemplaire (selon ses critères, et peut-être selon les nôtres…), il n’est pas épanoui et il estime que
son père ne sait pas reconnaître tout ce qu’il fait pour lui. Sa conception du devoir et du mérite n’a
fait que l’aigrir et le faire vivre dans l’amertume.
+« Avec ce que j’ai fait, je mérite que Dieu me bénisse » ; ou alors, au contraire je ne comprends pas :
« Avec ce que j’ai fait de bien, comment Dieu ne me supprime pas ces épreuves !? » Ou encore : «
J’ai péché ; je ne peux profiter du pardon de Dieu ». Toutes ces réactions ont un point commun : mon
attitude détermine celle de Dieu ; c’est moi qui suis au centre.
C’est peut-être un esprit d’obligation qui me fait avoir une bonne apparence, qui me fait faire de
bonnes œuvres ; non par amour mais par devoir ou par intérêt. Ce fils aîné s’est fait lui aussi une loi,
et même si elle est belle et bonne, le problème, c’est que ce n’est pas celle de son père. Il est
autonome lui aussi, … tout en restant au service de son père ; en fait, les 2 réalités cohabitent tout en
s’opposant (d’où la colère intérieure).
Quelle était sa motivation pour travailler dur ? Il ne recherchait pas la volonté de son père mais,
derrière une obéissance exemplaire, son intérêt ; et cette fausse soumission entraîne une vraie
frustration et une insatisfaction profonde ; c’est-à-dire le contraire de ce à quoi il aspirait et le
contraire de ce que voulait donner le père.
Le cadet a franchi la porte, en la claquant ; l’aîné est resté dans une situation sécurisante mais
totalement insatisfaisante parce que centré sur lui-même. Jusqu’au retour du fils prodigue (son jeune
frère), il paraissait un modèle, en raison de tout ce qu’il faisait. Mais sans amour véritable, parce que
vécu d’une manière égocentrique, pour qu’il y ait « retour sur investissement » de la part du père.
Cela devient une évidence quand son frère (indigne !) revient : la colère explose, parce que son frère
lui fait ombrage. Son père n’a d’yeux que pour celui qui ne mérite rien de ce que, pourtant, il reçoit ;
tandis que lui qui méritait n’a que le sentiment amer de constater l’indifférence de son père, et cela
depuis si longtemps.
Il reste rivé sur lui-même, et n’a jamais pu concevoir autre chose qu’à travers ce que lui faisait. On
n’a, semble-t-il, rien à lui reprocher ; comme peut-être nous pensons pour nous-mêmes, d’après ce
que nous faisons (pour ce qui concerne le bien) ou ne faisons pas (le mal que nous évitons de faire).
Rien à lui reprocher, sinon qu’il vit sans amour. Sauf pour lui-même ; mais cela, c’est de
l’autosatisfaction. Ce fils ne demandait rien : il se suffisait à lui-même, tout en étant un insatisfait
chronique.
Le Seigneur veut nous donner sans compter. Il veut pour cela que nous le lui demandions. « Heureux
ceux qui se reconnaissent pauvres spirituellement, car le Royaume des cieux est à eux » (Matthieu
5v3).
Mais cela, aucun des 2 fils ne l’a compris, sauf quand le plus jeune a accepté d’être accepté, quand il
a accepté de recevoir sans rien mériter, quand il a accepté ce qui est le point de départ : d’être
pardonné pour vivre la réconciliation. Et le reste lui a été donné ensuite.
L’autre élément aurait dû se trouver chez le frère aîné : c’est d’être animé de l’amour du Seigneur
(celui dont il est la source, celui qu’on reçoit de lui, celui qu’on lui manifeste) ; pas un amour centré
sur nous-mêmes ou intéressé mais qui recherche l’honneur de Dieu et le bien des autres.
A la base, le père aimait ses fils (et cela se manifeste à travers la liberté qu’il accorde à chacun; il ne
s’est imposé à aucun des 2) ; mais aucun des 2 ne l’aimait en retour. Ils aimaient leur image, ce qu’ils
faisaient. L’amour implique un échange : le cadet l’a compris à un moment donné ; mieux que celui
qui apparaît être resté avec son père. En fait, il en est éloigné : il est « dans les champs », et il refuse
ensuite « d’entrer ».
Celui-ci, au lieu de la colère, aurait dû aussi s’humilier de sa mauvaise attitude, comme son frère l’a
fait.
La Parole de Dieu nous dit : « Celui qui est uni au Christ est une nouvelle créature ; tout cela est
l’œuvre de Dieu, qui nous a réconciliés avec lui par le Christ. En effet, Dieu était en Christ,
réconciliant les hommes avec lui-même, sans tenir compte de leurs fautes. Nous vous en supplions :
soyez réconciliés avec Dieu. Celui qui était innocent de tout péché, Dieu l’a condamné comme un
pécheur à notre place pour que dans l’union avec le Christ, nous soyons justes aux yeux de Dieu » (2
Cotinthiens 5v17-21). « Puisque vous êtes ses fils, Dieu a envoyé dans vos cœurs l’Esprit de son Fils
qui crie : ‘Abba’, c’est-à-dire ‘Père’. Ainsi donc, tu n’es plus esclave mais fils, tu es héritier des biens
promis, grâce à Dieu » (Galates 4v6-7). « Par votre union avec Christ, vous êtes pleinement comblés »
(Colossiens 2v10).
Vivre avec Dieu est une bonne chose, mais Dieu voit au-delà ; et dans la parabole ,Jésus parle des
motivations de chacun. Ces motivations ont des conséquences différentes.
Ces 2 hommes sont au bénéfice du père ; mais leurs motivations les ont conduits ailleurs que là où le
père le souhaitait et loin de ce à quoi eux-mêmes aspiraient. D’habitude, on oppose les 2 frères. Mais
en fait, ils ont des points communs ; dans les conséquences négatives surtout.