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Chap 12 Durabilité PDF

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CHAPITRE 12

La durabilité des bétons


vis-a-vis des environnements
chimiquement agressifs

G. ESCADEILLAS, H. HORNAIN

Résumé
L’attaque chimique du béton résulte essentiellement des réactions de dissolution/
précipitation qui se produisent lorsque les éléments agressifs, par diffusion ioni-
que ou par perméation de la solution, viennent en contact avec les hydrates cal-
ciques du ciment : dissolution de l’hydroxyde de calcium ou lixiviation de la chaux
des C-S-H, précipitation de composés nouveaux nocifs ou non. Les paramètres
qui régissent ces phénomènes sont nombreux et complexes : chimie et minéra-
logie du béton, sa microstructure dont dépendent les propriétés de transfert (per-
méabilité, diffusivité), conditions environnementales.
Les principaux milieux agressifs ainsi que les mécanismes d’attaque qui leur sont
associés, sont passés en revue. Un développement relativement important est
consacré aux milieux les plus courants : eau pure, acides, sulfates, eau de mer
et eaux usées. Les autres milieux : nitrates, chlorures, substances organiques
sont également abordés.

613
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

L’approche phénoménologique qui montre que le béton fabriqué et mis en place


conformément aux règles de l’art est un matériau normalement durable si ses
qualités intrinsèques (compacité, perméabilité, diffusivité) sont adaptées au mi-
lieu auquel il est exposé pendant la durée d’utilisation de la structure, est complé-
tée par une approche normative traitant :
– des recommandations générales et spécifiques pour la conception, la fabrica-
tion et la mise en œuvre de bétons durables ;
– des essais qui permettent de qualifier les mortiers et les bétons vis-à-vis des
attaques chimiques ;
– des dispositions normatives relatives à la classification des environnements
agressifs et au choix des ciments en fonction du type d’attaque et de la classe
d’exposition selon le fascicule de documentation FD P18-011 et la norme NF EN
206-1.
L’esquisse d’une démarche diagnostic des dégradations d’origine chimique est
également proposée.
Mots-clés
ACIDES, AGRESSIONS CHIMIQUES, EAU DE MER, EAU PURE, EAUX USÉES, ETTRINGITE,
MÉCANISMES, NORMES, SULFATES, THAUMASITE.

614
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

1. INTRODUCTION
Ce chapitre concerne les bétons élaborés à partir des ciments courants au sens de
la norme NF EN 197-1 : ciments dont le constituant de base est le clinker Portland
associé à d’autres constituants minéraux naturels (pouzzolanes, calcaires) ou ar-
tificiels (cendres volantes, laitier, fumée de silice).
S’ils sont bien adaptés à leur usage et à leur environnement, et s’ils sont fabriqués
et mis en œuvre suivant les règles de l’art (norme NF EN 206-1, normes de pro-
duits préfabriqués et fascicule 65), ces bétons sont résistants chimiquement et du-
rables. Leur durée de vie1 présumée est d’au moins cinquante ans.
Dans le cas des durées de vie supérieures, de l’ordre de 100 à 120 ans, exigées
pour les grands ouvrages tels que le pont sur le Tage à Lisbonne mis en service en
1998 [HOR 98] ou le viaduc de Millau en France ouvert au trafic en 2004, l’ap-
plication de prescriptions plus sévères ainsi que la mise en œuvre d’une approche
performantielle (traitée au chapitre 8), permettent de concevoir des bétons dura-
bles avec un bon degré de fiabilité.
Du point de vue chimique, le matériau béton constitue un système très complexe
formé d’un squelette granulaire plus ou moins inerte, solidarisé par des hydrates
(C-S-H, hydroxyde de calcium, aluminates…) dont la porosité est irriguée par une
phase liquide interstitielle fortement basique, de pH de l’ordre de 13. La compo-
sition et la structure microporeuse du matériau sont illustrées par la figure 12.1.

20 µm

Figure 12.1 : illustration de la microstructure d’un béton (ciment de type CEM I, granulats
siliceux, E/C = 0,50). Fractographie au microscope électronique à balayage
(photo LERM).

1. Suivant la norme NF EN 206-1, la durée de vie est la période durant laquelle le comportement
du béton dans la structure demeurera à un niveau compatible avec les exigences de performance de
la structure si celle-ci est correctement entretenue.

615
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

1 : granulat siliceux de surface plus ou moins rugueuse ; 2 : portlandite Ca(OH)2 en cristaux massifs
précipités au contact du granulat (empilement de cristaux de structure hexagonale vus perpendiculai-
rement au plan principal) ; 3 : C-S-H microgranuleux, microporeux ; 4 : aiguilles d’ettringite non ex-
pansive dans un pore ; 5 : empreinte lisse d’un granulat déchaussé.
La porosité (nanoporosité des C-S-H et porosité capillaire (espaces intergranulaires, vides aux inter-
faces liant/granulats)) conditionne le transfert des agents agressifs dans le matériau par diffusion, per-
méation et capillarité.
Le lecteur se reportera avantageusement au chapitre 3 où sont traitées en détail les questions relati-
ves à la structure poreuse des bétons et à leurs propriétés de transfert.

Par définition, le béton est un matériau évolutif qui, tout au long de son existence,
est le siège de réactions physico-chimiques (présentées en détail dans le chapitre 2),
certes de plus en plus lentes : hydratation des composés anhydres résiduels, échan-
ges ioniques entre phases solides et liquides, phénomènes de dissolution et recris-
tallisation, migration d’ions… En conditions normales de température et
d’humidité, ces transformations n’ont aucun caractère nocif et contribuent plutôt à
la pérennité du matériau.
Toutefois, les équilibres chimiques plus ou moins établis à long terme peuvent
être perturbés sous l’influence du milieu extérieur, en particulier par l’action
d’agents agressifs externes dont il sera principalement question ici. Face à ces
agents agressifs plus acides (eaux pures, sels, acides…), le béton, matériau forte-
ment basique (pH de l’ordre de 13), se trouve en déséquilibre thermodynamique.
À leur contact, des réactions susceptibles de conduire à des dégradations plus ou
moins importantes peuvent se produire.
Dans toutes les réactions de dégradation, l’eau joue un rôle primordial. Indépen-
damment de l’eau normalement contenue dans le béton (solution interstitielle en
équilibre chimique avec les hydrates), un apport d’eau extérieur est nécessaire
(eau liquide ou humidité atmosphérique). D’une part, l’eau est le vecteur des ions
agressifs ; d’autre part, elle est à l’origine du renouvellement de la solution inters-
titielle qui permet aux phénomènes de dissolution/précipitation de se produire.
Par ailleurs, on sait que l’agressivité des gaz dépend de l’humidité relative du mi-
lieu ambiant et que celle des sols est directement en relation avec la percolation
d’eau qui permet d’en dissoudre les éléments nocifs (sols gypseux, par exemple).
Le transport des ions agressifs se fait principalement par perméation des gaz et
des liquides et par diffusion ionique à travers la veine liquide.
Le transport des ions agressifs dans les bétons se fait suivant deux processus prin-
cipaux, superposés, présentés en détail dans le chapitre 3 :
– processus de diffusion sous gradient de concentration, régi par les lois de Fick
(diffusion sans interactions entre les ions diffusant) complétées par la relation de
Nernst-Planck qui prend en compte les interactions entre ions ;

616
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

– processus de perméation correspondant au déplacement du fluide sous gradient


de pression. Ce processus est régi par la loi de Darcy qui permet de quantifier le
débit du fluide à travers le béton en fonction de la perméabilité du matériau.
C’est la raison pour laquelle perméabilité et diffusivité, qui dépendent de la com-
pacité du béton, sont deux indicateurs essentiels de la durabilité des bétons.
Le transport des ions dans le béton est un transport réactif : les échanges ioniques
entre les espèces diffusantes, la solution interstitielle et les hydrates provoquent
des perturbations du système chimique qui se traduisent par des phénomènes de
dissolution et de précipitation. La description et la simulation numérique de ces
phénomènes sont présentées au chapitre 4.
Le béton est un système chimique fortement basique, évolutif, plus ou moins
réactif au contact du milieu extérieur souvent plus « acide » (atmosphère, eaux,
solutions salines, acides).
Toutefois, pour les durées de vie prévues par les normes, le matériau est durable
s’il est fabriqué et mis en place conformément aux règles de l’art.
Le vecteur commun à tous les agents agressifs est l’eau qui dissout les composés
gazeux ou solides.
Le transport des substances agressives se fait essentiellement par perméation et
par diffusion, indicateurs majeurs de durabilité dépendant de la compacité du
béton.

2. MÉCANISME GÉNÉRAL DES ATTAQUES CHIMIQUES


2.1. Deux processus majeurs associés : dissolution et précipitation
Deux processus majeurs sont mis en jeu lors des attaques chimiques du béton :
– dissolution et hydrolyse des composés hydratés ;
– précipitation de composés pouvant avoir un caractère nocif ou non.
L’attaque du béton au contact d’une eau pure ou d’une solution plus moins char-
gée en ions agressifs se produit généralement selon ces mécanismes de dissolu-
tion/précipitation régis par des équilibres thermodynamiques.
Dans un solvant polaire tel que l’eau, les interactions fortes entre les dipôles du
solvant et les ions d’un composé ionique entraîne la dissolution et la dissociation
plus ou moins complète de ce dernier suivant un processus de solvatation des ions.
La dissociation est quasi-totale pour un sel tel que le chlorure de sodium en solu-
tion aqueuse (aq) :
NaClsolide → Na+ (aq) + Cl– (aq)
La dissociation n’est que partielle par exemple pour un acide faible tel que l’acide
acétique, dont une partie passera en solution sous forme moléculaire CH3CO2H

617
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

et une partie sous forme d’ions CH3CO2– et H+ (ou plus précisément H3O+). La
dissociation sera totale pour un acide fort tel que HCl.
Pour un sel AxBy ↔ xA+(aq)+ yB–(aq) l’équilibre de solubilité (ou la constante
de dissociation) est défini par :
Ks = [A+]x . [B–]y / [AxBy] ou encore par pKs = – log Ks
où [A+] et [B–] représentent les activités1 des ions en solution (assimilables, en
première approximation, à leurs concentrations dans le cas des solutions diluées).
[A+]x . [B–]y représente le produit de solubilité du composé AxBy à l’équilibre, à
la température et à la pression considérées (les pK sont généralement donnés pour
25 °C (298 °K) dans les tables). Si le produit [A+]x . [B–]y est supérieur au produit
de solubilité, la solution est sur-saturée et il y a précipitation de AxBy ; s’il est
inférieur, la solution est sous-saturée et AxBy se dissout.
Par exemple, pour la portlandite Ca(OH)2, base forte dont la dissociation dans
l’eau est complète, la réaction à l’équilibre s’écrit (en négligeant les ions CaOH–
résultant de la complexation du calcium par les ions OH–) :
Ca(OH)2 ↔ Ca2+ + 2OH–
et pKs = – log [Ca2+] [OH–]2 = 5,25 [ADE 96]
soit Ks = 10–5,25 = 5,6.10–6
Les conditions de dissolution et de précipitation d’un composé dépendent égale-
ment des autres espèces ioniques présentes. Par exemple, en présence d’alcalins,
l’apport d’ions OH– modifie l’équilibre ci-dessus et entraîne le précipitation de
Ca(OH)2, ce qui explique la très faible concentration en ions calcium de la solu-
tion interstitielle des bétons, qui contient généralement des hydroxydes alcalins.
La dissolution d’un composé dans l’eau peut être accompagnée du phénomène
d’hydrolyse qui est une réaction particulière qui se produit lors de la dissolution
dans l’eau d’un sel d’acide fort et de base faible (chlorure d’ammonium NH4Cl
par exemple) ou d’un sel de base forte et d’acide faible (C-S-H par exemple) : cet-
te réaction conduit à la décomposition chimique du sel par l’eau et à la dissocia-
tion de l’eau elle-même. Schématiquement, dans le cas d’un sel AB de base forte
et d’acide faible on peut écrire :
AB + H2O ↔ B(OH) + AH

1. L’activité d’un ion est égale à sa concentration molaire affectée d’un coefficient d’activité qui
dépend des interactions ion/solvant.

618
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

Dans ce cas, la dissociation de l’eau (H2O ↔ H+ + OH–) n’est pas négligeable par
rapport à celle de l’acide faible AH et, lors de la dissolution du sel AB, on ne pour-
ra éviter la coexistence de AH et OH-, ces derniers primant sur l’acide faible peu
ionisé. La solution résultante aura un caractère basique.
Ainsi, en présence d’eau, les C-S-H se décomposent en Ca(OH)2, base forte, et en
acide silicique H4SiO4, avec dissociation de l’eau : la base forte est complètement
dissociée en Ca2+ et OH–, l’acide silicique est faiblement dissocié en H2SiO42– et
H+ (ou H3O+). Du fait de la dissociation de l’eau, la concentration des ions H+ est
inférieure à celle des ions OH–, ce qui confère un pH basique à la solution. On
peut schématiser le processus de la manière suivante : l’équilibre entre un C-S-H
de rapport CaO/SiO2 = 1,5 et les ions de la solution peut s’écrire par exemple
[FUJ 81] :
1,5CaO.SiO2.2,3H2O ↔ 1,5Ca2+ + H2SiO42– + OH– + 0,8H2O
L’acide silicique étant un acide faible, les ions H2SiO42– déplacent l’équilibre io-
nique de l’eau suivant la réaction :
H2SiO42– + H2O ↔ H3SiO4– + OH– la solution est basique.
En ce qui concerne le béton on parle plus généralement de lixiviation qui, dans sa
définition première, est une opération qui consiste à faire passer lentement un sol-
vant à travers un matériau en couche épaisse afin d’en extraire un ou plusieurs
constituants solubles. C’est le terme souvent employé pour décrire le phénomène
d’extraction progressive des ions calcium (dissolution de Ca(OH)2 et décalcifica-
tion des C-S-H) lors de la percolation des solutions agressives dans le béton. La
lixiviation peut être décrite comme une dissolution progressive résultant d’une
succession d’états d’équilibre entre les hydrates et la solution : au fur et à mesure
que les ions agressifs arrivent au contact des hydrates, l’équilibre entre ces hydra-
tes et la solution interstitielle est rompu ; mais il est aussitôt rétabli par une nou-
velle dissolution des hydrates et/ou par la précipitation d’un nouveau composé
selon que la solution est sous-saturée ou sursaturée par rapport à ce composé. Le
terme de « lessivage » parfois employé, a un sens analogue.
Les composés précipités peuvent être nocifs ou non vis-à-vis de la durabilité du
béton.
À titre d’exemple, la précipitation du carbonate de calcium CaCO3, due à l’action
de l’acide carbonique sur les composés calciques du béton Ca(OH)2 et C-S-H, ré-
duit la porosité de la peau du béton et peut constituer une barrière plus ou moins
protectrice vis-à-vis de la pénétration des substances agressives dans le matériau
[REG 76].

619
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

En revanche, comme on le verra plus loin, la précipitation tardive d’ettringite dans


certaines conditions spécifiques traitées au paragraphe 3.3, peut s’avérer nocive
par le gonflement qu’elle entraîne. La précipitation de cette même ettringite for-
mée aux premiers stades de l’hydratation par la réaction du sulfate de calcium, ré-
gulateur de prise, avec l’aluminate tricalcique du ciment, est parfaitement
inoffensive.
2.2. Conséquences générales
La dissolution des hydrates, accompagnée ou non de la précipitation de composés
nouveaux, a deux effets majeurs :
– d’une part, un accroissement de la porosité du béton qui a pour conséquence
une augmentation de sa perméabilité et de sa diffusivité. L’augmentation de
porosité se traduit également par une dégradation plus ou moins importante des
caractéristiques mécaniques : module d’Young, résistances [KAM 03a] ;
– d’autre part, selon la nature, la solubilité et les conditions de précipitation des
composés néoformés, un gonflement et une fissuration plus ou moins importants
du matériau : ce peut être le cas, par exemple, de l’ettringite due à une agression
par des sulfates d’origine externe.
Dans certains cas, la solubilité du composé néoformé est telle que seul le phéno-
mène de dissolution est à prendre en compte : la réaction de certains acides forts
du type HCl avec Ca(OH)2 qui conduit ici à la formation de CaCl2, sel très soluble
sans effet intrinsèque sur le béton (excepté bien entendu les effets de l’ion Cl- sur
la corrosion des aciers), en est une illustration. Toutefois, à la faveur des cycles
climatiques d’humidification et séchage subis par le béton, certains sels très solu-
bles, tels que NaCl en milieu marin ou industriel, peuvent cristalliser dans les pre-
miers millimètres et entraîner la desquamation du matériau.
Dans d’autres cas, au contraire, le sel précipité, très peu soluble, peut participer
plus ou moins à la protection du béton : c’est le cas du carbonate de calcium déjà
cité ou encore de certains sels tels que les oxalates ou les phosphates qui forment
avec la chaux des composés insolubles.
La dissolution des hydrates et la précipitation de produits nocifs peuvent conduire
à des dégradations du béton dont les conséquences peuvent être uniquement es-
thétiques mais qui peuvent parfois mettre en péril la stabilité mécanique de
l’ouvrage. Les actions chimiques sont couplées aux actions environnementales
ainsi qu’aux contraintes mécaniques liées au fonctionnement de l’ouvrage L’ap-
proche « holistique », schématisée par la figure 12.2, a été proposée par P.K. Meh-
ta [MEH 94, MEH 06] pour prendre en compte tous les aspects de la durabilité.

620
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

Béton armé avec fissures discontinues, Actions environnementales


microfissures et pores
Stade 1
Ɣ*UDGLHQWVG
KXPLGLWp
et de température
Augmentation de la perméabilité Ɣ&KDUJHPHQWVF\FOLTXHV
par interconnexion des fissures, HWFKRFV
des microfissures et des pores

Actions environnementales
1. Expansion du béton par formation Stade 2
de composés gonflants en relation avec :
Ɣ3pQpWUDWLRQGHO
HDX
±O
DWWDTXHSDUOHVVXOIDWHV
Ɣ3pQpWUDWLRQGHVJD]
±O
DOFDOLUpDFWLRQ
Ɣ3pQpWUDWLRQGHVLRQVDJUHVVLIV
±OHVF\FOHVGHJHOGpJHO 2–
&O–, SO4 )
– la corrosion des aciers
2. Perte de raideur et de résistance
du béton

Fissuration, fragmentation,
perte de masse

Figure 12.2 : modèle holistique1 de Mehta (d’après [MEH 94]).


Couplage environnement/contraintes mécaniques/actions physico-chimiques.
Au stade 1, la perméabilité du béton, naturellement plus ou moins poreux et microfissuré, augmente
sous l’action des contraintes environnementales et de service. Au stade 2, la pénétration des agents
agressifs peut provoquer diverses réactions qui conduisent à une dégradation du matériau et de ses
caractéristiques mécaniques

2.3. Paramètres de la durabilité chimique


L’examen d’un problème de durabilité nécessite donc de prendre en compte l’en-
semble des paramètres, généralement interactifs, qui déterminent le comporte-
ment du béton vis-à-vis des différents agresseurs chimiques. Ces paramètres sont
décrits ci-après.
2.3.1. Paramètres liés au matériau
ˆ Composition chimique et minéralogique du ciment :
– teneur potentielle en portlandite Ca(OH)2. Vis-à-vis des attaques chimiques
(eaux pures, acides, sulfates…) ce composé est le plus facilement solubilisable.
C’est pourquoi, dans ces cas, des bétons élaborés avec des ciments composés ou

1. Holistique : du grec holos qui signifie « tout ». Approche globale proposée par P.K. Mehta
[MEH 94].

621
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

contenant des additions consommatrices de chaux (laitier, cendres volantes,


fumées de silice…), sont souvent préconisés. La teneur potentielle en hydroxyde
de calcium Ca(OH)2 est considérée comme un indicateur majeur de durabilité :
toutes choses égales par ailleurs, plus la teneur en chaux est faible, plus la résis-
tance chimique est bonne. Toutefois ce qui est valable pour les attaques chimi-
ques mentionnées ne l’est pas forcément pour certaines réactions telles que celles
qui induisent la corrosion des aciers où le rôle protecteur de la chaux, qui main-
tient un pH alcalin, est connu. Mais si le béton est bien conçu et bien mis en
œuvre, le pH de la solution interstitielle des ciments composés est en principe
suffisant pour assurer la protection des aciers comme l’a montré P. Longuet
[LON 73] à propos de ciments au laitier (pH > 12-13) ;
– teneurs en aluminate tricalcique C3A et en silicate tricalcique C3S. Au contact
de l’eau de mer et dans les milieux fortement chargés en sulfates, le C3A anhydre
résiduel qui n’a pas réagi avec le gypse régulateur de prise peut se transformer en
ettringite expansive. Dans ces cas, sa teneur, de même que celle de C3S pour les
ciments à la mer, est limitée ;
– teneurs en additions minérales. Les laitiers de haut-fourneau, cendres volantes,
pouzzolanes, fumées de silice en tant que constituants des ciments ou en tant
qu’additions dans les bétons sont généralement favorables à la résistance chimi-
que du béton, d’une part, parce qu’ils réduisent la basicité globale du matériau en
consommant la chaux libérée par l’hydratation des silicates C3S et C2S, d’autre
part, par leur effet positif sur la microstructure du béton [BAR 99a] (cf.
chapitre 3) ;
– nature minéralogique des granulats. Si l’on excepte le cas particulier de
l’alcali-réaction traitée par ailleurs, et sauf dans le cas des bétons à base de
roches calcaires soumis à un environnement acide, les granulats interviennent
peu en tant que tels dans la résistance chimique des bétons. Mais il faut néan-
moins signaler l’importance de l’auréole de transition plus ou moins poreuse et
de la structure particulière qui existe entre les granulats et le liant proprement dit
[INS 87] : celle-ci dépend de la nature minéralogique des granulats et de la for-
mulation du béton ; elle peut jouer un rôle plus ou moins important dans les pro-
cessus de transfert des ions agressifs dans le béton [BOU 94].
ˆ Formulation et propriétés de transfert du béton
Les propriétés de transfert dont dépend la capacité du béton à résister à la péné-
tration des agents agressifs liquides ou gazeux, sont déterminantes pour la dura-
bilité. Elles sont représentées essentiellement par les deux indicateurs majeurs de
durabilité que sont la diffusivité et la perméabilité, toutes deux en relation avec la
compacité. La compacité est elle-même assurée par une formulation optimisée du
squelette granulaire du béton. Dans le cas des bétons à hautes performances, la

622
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

compacité maximale est obtenue par une large étendue granulaire associée à l’uti-
lisation de fines (calcaires, laitiers, cendres volantes, fumées de silice) venant en
complément ou en substitution du ciment [BAR 99a].
2.3.2. Paramètres liés à l’environnement
Les principaux paramètres à prendre en compte sont les suivants :
• la nature physique de l’agent agressif qui peut être liquide, gazeux ou solide, le
vecteur des composés agressifs pour ces deux derniers étant toujours l’eau apportée
par le milieu extérieur, sans laquelle il n’y a pas de dégradation notable possible.
Les milieux liquides sont essentiellement les eaux pures ou plus ou moins chargées
et des solutions d’acides, de bases et de sels d’origine naturelle ou artificielle.
Les milieux gazeux sont d’origine naturelle, industrielle ou domestique. Il s’agit
par exemple de CO, CO2, SO2, NOx, H2S dans les ouvrages d’assainissement ou
encore le chlore dégagé lors d’incendies. Ces gaz s’oxydent en présence d’humi-
dité. Par condensation dans des conditions données de température et d’humidité,
des solutions agressives peuvent se former lorsqu’on descend en dessous du point
de rosée. Selon le fascicule de documentation FD P18-011, l’agressivité des gaz
est généralement faible dans les environnements d’humidité relative inférieure à
65 %. D’un autre point de vue, il faut rappeler que la diffusion des gaz est faible
dans les bétons saturés. Le cas du CO2 à l’origine de la carbonatation, faible lors-
que l’humidité relative du béton est élevée et maximale lorsque le taux d’humidité
est de l’ordre de 65 %, en est une illustration (voir le chapitre 9).
Les milieux solides sont les sols ou les remblais contenant des substances nocives.
Ici encore, c’est la présence d’eau plus ou moins en mouvement dans le sol qui
permet le passage en solution de l’agent agressif et son transfert dans le béton ;
• la nature chimique de l’agent agressif, sa concentration, son mode d’action
(dissolution/hydrolyse/lixiviation, dissolution/précipitation de composés néofor-
més expansifs ou non) ;
• les conditions climatiques naturelles ou artificielles, générales et locales :
exposition atmosphérique, immersion totale, semi-immersion, zone de marnage
ou encore enfouissement ;
• l’humidité relative du milieu, les atmosphères « sèches » (humidité relative
< 65 % suivant le fascicule de documentation FD P18-011) étant peu favorables
au développement des réactions ;
• la température qui est généralement un facteur d’accélération des réactions1 ;

1. On peut rappeler toutefois que la solubilité de la portlandite Ca (OH)2 diminue quand la tempé-
rature augmente (cf. tableau 12.2).

623
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

• les cycles climatiques. Les cycles humidification/séchage accélèrent considé-


rablement les dégradations du béton. À titre d’exemple, la zone de marnage en
milieu marin, où ces cycles sont très importants, est une zone où le risque de
dommage est maximal.
• la mobilité du milieu agressif (liquides et gaz) qui accélère les échanges chi-
miques et qui peut éventuellement induire un effet mécanique supplémentaire
(érosion, chocs), est un facteur aggravant.
2.3.4. Paramètres liés à la structure
L’approche « holistique » des problèmes de durabilité (cf. figure 12.2) nécessite
que soient pris en compte les effets des contraintes mécaniques liées au fonction-
nement de l’ouvrage : chargements, fatigue, dilatations et retraits différentiels…
Ces contraintes peuvent engendrer des fissurations qu’il convient de bien diffé-
rencier de celles qui sont produites sous l’effet d’un agent agressif. Ces fissura-
tions sont susceptibles d’accélérer et d’aggraver d’éventuelles attaques chimiques
qui sont susceptibles elles-mêmes d’affaiblir la structure.
2.3.4. Paramètres économiques
Les contraintes économiques locales imposent parfois le choix de matériaux (gra-
nulats, ciment) non optimisés vis-à-vis de la durabilité. Si l’importance de
l’ouvrage le justifie, il peut être envisagé de mettre en œuvre une approche per-
formantielle basée sur l’équivalence de performance d’une formule donnée de bé-
ton par rapport à un béton de référence conforme aux exigences de la norme NF
EN 206-1 pour l’environnement considéré, la démonstration de l’équivalence de-
vant être faite.
L’attaque chimique des bétons met en jeu deux mécanismes couplés : dissolu-
tion/hydrolyse des hydrates et précipitation de sels, nocifs ou non.
Les conséquences générales sont un accroissement de la porosité et de la fissura-
tion, une augmentation de la perméabilité et de la diffusivité, des pertes de rai-
deur et de résistances mécaniques.
Les différents paramètres de la durabilité chimique sont :
– les paramètres liés au matériau : chimie et minéralogie du ciment (type de
constituants, Ca(OH)2 potentiel, C3A, C3S…), formulation et propriétés de
transfert du béton (compacité) ;
– les paramètres liés à l’environnement : nature physique (solide, liquide, gaz) et
chimique (acide, base, sel) de l’agent agressif, conditions climatiques générales
et locales (immersion, semi-immersion, marnage, aérien, humidité relative, tem-
pérature, cycles, mobilité) ; les paramètres liés à la structure : contraintes de
fonctionnement (charges, fatigue), fissuration.

624
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

3. REVUE DES PRINCIPAUX MILIEUX AGRESSIFS


ET MÉCANISMES D’ATTAQUE ASSOCIÉS
3.1. Eaux naturelles
3.1.1. Paramètres d’agressivité
L’agressivité d’une eau naturelle dépend de trois paramètres interdépendants qui
sont le pH, la dureté et la teneur en dioxyde de carbone agressif.
ˆ Le pH
Le pH d’une eau traduit son caractère acide ou basique. Elle sera acide (pH < 7)
si elle contient du dioxyde de carbone libre, des acides minéraux ou organiques
(acides humiques), ou encore des sels d’acides forts et de base faible (NH4NO3
par exemple) dont l’hydrolyse génère des protons H+ (ou H3O+) responsables de
l’acidité. Elle sera basique si elle contient des carbonates, des bicarbonates ou des
ions hydroxyles OH–.
Une eau en contact avec l’atmosphère va dissoudre du gaz carbonique de l’air.
Elle contiendra donc toujours une certaine concentration d’ions hydrogénocarbo-
nate (HCO3–) et d’ions carbonate (CO32–). La pression partielle du CO2 atmos-
phérique, pCO2, en augmentation régulière, atteint à l’heure actuelle une valeur
proche de 36 Pa. Pour une eau de surface, l’équilibre entre la phase gazeuse et la
phase aqueuse s’écrit :
CO2 (gaz) ' H2O + CO2 (aq.)
La constante relative à cet équilibre est :
[ CO 2 ( aq. ) ] [ CO 2 ( aq. ) ]
K = ----------------------------
- = ---------------------------
-
[ CO 2 ( gaz ) ] pCO 2

À 25 °C, cette constante vaut 10–1,47, soit [CO2]aq. = 1,22 × 10–5 mol/kg, où
[CO2]aq représente le CO2 moléculaire dissous et le CO2 hydraté (molécule
H2CO3).
Les autres équilibres mis en jeu peuvent s’écrire :
H2O + CO2(aq.) ' HCO3– + H+ pKa1 = 6,345
H2O + HCO3– ' CO32– + H+ pKa2 = 10,33
Ces différentes relations permettent de calculer le pH d’une eau ultra pure en
équilibre avec l’air : pH = 5,63.

625
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Les autres couples acide/base actifs qui peuvent contribuer à la fixation du pH


dans les milieux aquatiques naturels sont principalement H4SiO4/H3SiO4– pour
les eaux de rivière et thermales et H3BO3/H2BO3– pour l’eau de mer.
ˆ La dureté
La dureté peut être définie par le titre ou degré hydrotimétrique TH qui corres-
pond à la somme des concentrations en cations métalliques, à l’exception de ceux
de l’hydrogène et des métaux alcalins :
TH = [Ca2+] + [Mg2+] + [autres cations métalliques Fe, Al, Mn, Sr]
Le degré hydrotimétrique français (°F) vaut 10 mg de CaCO3, 4 mg de Ca et
2,43 mg de Mg.
La dureté peut être définie également par le titre alcalimétrique complet (TAC)
qui indique la teneur en hydroxydes libres (OH-), carbonates (CO32–) et bicarbo-
nates (HCO3-) alcalins ou alcalino-terreux.
TAC = [OH–] + [CO32–] + [HCO3–]
C’est à ce dernier que le fascicule de documentation FD P18-011, auquel renvoie
la norme NF EN 206-1, fait référence. Il s’exprime en milliéquivalent1 par litre
(me.L–1)
ˆ Le dioxyde de carbone
Le dioxyde de carbone agressif représente une partie du dioxyde de carbone dis-
sous dans toute eau naturelle. Le schéma suivant l’explique :

CO2 total

CO2 libre CO2 lié

CO2 agressif CO2 équilibrant CO2 des bicarbonates CO2 des carbonates

Le dioxyde de carbone équilibrant représente la quantité de dioxyde de carbone


libre nécessaire pour maintenir les bicarbonates en solution, selon la réaction :
H2O + CO2 + CaCO3 ' (HCO3)2Ca

1. Le milliéquivalent est la masse d’une millimole divisée par la valence : pour CaO par exemple le
milliéquivalent est égal à 56 (masse molaire de CaO) divisé par 2 (valence du calcium) = 28. Le
milliéquivalent correspond à 5 ° hydrotimétrique français.

626
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

Le dioxyde de carbone agressif représente l’éventuel surplus de dioxyde de car-


bone libre par rapport au dioxyde de carbone équilibrant. La loi de Le Chatelier
indique que l’équilibre est alors déplacé vers la gauche : il y a dissolution du car-
bonate, d’où le nom de dioxyde de carbone agressif. Une telle eau est corrosive.
Au contraire, si la teneur en dioxyde de carbone libre est inférieure à celle du
dioxyde de carbone équilibrant, l’équilibre se déplace vers la droite : il y a préci-
pitation de carbonate. Une telle eau n’est pas corrosive, mais au contraire, incrus-
tante.
L’utilisation d’abaques, par exemple celui de Tillmans (figure 12.3), permet de
classer une eau suivant son activité dissolvante ou incrustante.

Eau agressive
pH 6,1 6,3 6,5
10

Courbe d'équilibre
CO2 (mmol/l)

8
de la calcite à 15 °C

Eau incrustante
6 A 6,6

4 6,9

2 7,2
B

0 10 20 30 40 50
TAC (°F)

Figure 12.3 : diagramme de Tillmans.


Le diagramme donne la courbe d’équilibre calco-carbonique des eaux à la température de 15 °C. On
porte en ordonnées la concentration en CO2 libre total et en abscisses le TAC en degrés français. Le
TAC représente la concentration globale en anions CO32–, HCO3– et OH–.
La courbe d’équilibre partage le diagramme en deux zones : les eaux, situées à gauche de la courbe,
sont agressives, alors que celles situées à droite sont incrustantes. Pour une eau de TAC = 30 °F, le
point A représente une eau agressive de pH = 6,5. Cette eau peut dissoudre la calcite et déplacer son
point figuratif jusqu’à ce que l’équilibre calco-carbonique soit atteint. Pour la même valeur du TAC, le
point B correspond à une eau incrustante de pH = 7,2. Le CO2 libre total est inférieur au CO2 équili-
brant et les bicarbonates se transforment en carbonates qui précipitent jusqu’à obtention d’un nouvel
état d’équilibre.

3.1.2. Attaques par les eaux pures et les eaux douces :


dissolution essentiellement
À condition d’être compacts les bétons sont en général peu sensibles à ce type de
milieux. Dans la pratique, les attaques se réduisent le plus souvent à une érosion

627
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

superficielle millimétrique. Elles peuvent également se manifester sous formes


d’efflorescences inesthétiques sur les parements.
En tout état de cause, l’action dissolvante de l’eau ne peut être complètement né-
gligée [KON 91].
Par exemple, les eaux très peu minéralisées, de titre alcalimétrique inférieur à
0,1 mé./L sont classées dans la catégorie des environnements à forte agressivité chi-
mique (classe d’exposition XA3) dans le fascicule de documentation FD P18-011.
Les travaux d’Adenot et al. [ADE 92, ADE 96], réalisés dans le cadre d’une re-
cherche sur le comportement à très long terme des bétons destinés au stockage des
déchets radioactifs, décrivent bien le processus d’attaque d’une pâte de ciment
soumise à la lixiviation par une eau déionisée de pH 7 : l’attaque consiste princi-
palement en une dissolution progressive des différents hydrates suivant des fronts
successifs dépendant de la solubilité des hydrates dont les constantes à l’équilibre
sont données dans le tableau 12.1 : la portlandite est l’hydrate le plus soluble. Sa
solubilité, qui diminue quand la température augmente, est donnée dans le
tableau 12.2. Viennent ensuite, dans l’ordre décroissant des solubilités, les C-S-H,
le monosulfoaluminate puis l’ettringite.
Tableau 12.1 : produits de solubilité des hydrates du ciment.

Hydrates pK = – log (Keq)

Portlandite 5,2

pK = 5,84(C/S) + 2,02 [FUJ 81]


C-S-H pK = 14,75(C/S) + 0,083 [GLA 87]
C/S = rapport molaire du C-S-H

Monosulfoaluminate 29,25

Ettringite 43,9

Tableau 12.2 : solubilité de la portlandite en fonction de la température.

Température (°C) 0 15 20 30 40 50 60
Solubilité (g/L) 1,31 1,29 1,23 1,13 1,04 0,96 0,86

Le processus de lixiviation est schématisé par la figure 12.4 : le passage en solu-


tion de la portlandite, la décalcification progressive des C-S-H, accompagnés de
la solubilisation des phases sulfoaluminates AFm et AFt, conduisent à la forma-
tion en surface du matériau d’un gel de silice sans cohésion. La modélisation de
ce processus de dégradation est présentée en détail dans le chapitre 4.

628
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

Dans les bétons, le processus d’attaque reste globalement le même que celui décrit
par la figure 12.4. Il dépend beaucoup des propriétés de transfert du matériau mais
aussi de la mobilité du milieu agressif et de son taux de renouvellement. Les silica-
tes et les aluminates, moins solubles, sont attaqués plus tardivement lorsqu’une
grande partie de Ca(OH)2 a déjà été dissoute et que la composition de la solution
interstitielle du béton n’est plus déterminée par l’équilibre avec la portlandite, mais
par l’équilibre avec les autres composés hydratés. La dissolution sélective du cal-
cium de ces derniers provoque un accroissement de la microporosité, en même
temps que le rapport molaire CaO/SiO2 des C-S-H décroît. Les ions alcalins Na+ et
K+, particulièrement mobiles, sont également rapidement lixiviés [KON 91].
Fronts de dissolution

1 2 3 4 5

Milieu gel C–S–H C–S–H C–S–H C–S–H


agressif SiO2 décalcifiés décalcifiés décalcifiés portlandite
AFt AFt AFt
AFm AFm

Matériau dégradé Matériau sain

Figure 12.4 : représentation schématique de la dégradation d’une pâte de ciment


soumise à la lixiviation par une eau pure déionisée stabilisée à pH 7,
d’après Adenot [ADE 92, ADE 96].
Zone 1 : solubilisation totale des hydrates Ca(OH)2, mono et trisulfoaluminates ; lixiviation totale du calcium
des C-S-H et formation d’un gel résiduel de silice hydratée très peu soluble ; zones 2, 3 et 4: solubilisation
totale de Ca(OH)2, décalcification progressive des C-S-H et solubilisation des phases AFm (monosulfoalu-
minates) d’abord, puis des phases AFt (trisulfoaluminates) ; Zone 5 = matériau non dégradé.

La dégradation éventuelle peut être due, soit à une érosion superficielle provo-
quée par la circulation d’eau à la surface du béton, soit à une percolation du liqui-
de sous gradient de pression hydraulique à travers le matériau (cas des tunnels,
par exemple). Elle peut conduire à des pertes de masse et d’alcalinité dues en par-
ticulier à la lixiviation du calcium des hydrates, qui induit une augmentation de la
porosité et de la perméabilité. La dégradation peut se traduire également par une
diminution des résistances mécaniques. Le lessivage des ions calcium se manifes-
te souvent visuellement, par la formation de concrétions, de stalactites, de coulu-
res ou d’efflorescences blanchâtres. Ces formations sont dues à la précipitation, à
la surface du béton, de carbonate de calcium à partir de la solution percolante ri-
che en calcium venue au contact du CO2 atmosphérique.

629
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Lorsque l’eau est chargée en dioxyde de carbone agressif le processus de dégra-


dation se déroule selon un mécanisme de dissolution/précipitation [BIC 72] :
l’eau amenée à percoler à travers le béton se sature progressivement en bicarbo-
nates en raison de la dissolution de la portlandite et, à un degré moindre, des C-S-
H. Les bicarbonates solubles entraînés par le flux d’eau correspondent à une zone
de dégradation du béton. Lorsque la solution de bicarbonates vient en contact
avec d’autres cristaux de portlandite, le carbonate de calcium, très peu soluble,
précipite, ce qui accroît momentanément la compacité du béton en diminuant la
section de percolation :
Ca(HCO3)2 + Ca(OH)2 → 2CaCO3 + 2H2O
La précipitation de carbonate de calcium permet à nouveau la formation de bicar-
bonate et le cycle lixiviation de la chaux, formation de bicarbonates, précipitation
de carbonates se répète, théoriquement jusqu’à épuisement de la chaux :
CaCO3 + CO2 + H2O → Ca(HCO3)2
Ainsi, les ciments sont d’autant plus résistants à l’attaque par les eaux douces
qu’ils sont moins riches en chaux. C’est le cas des ciments contenant des consti-
tuants minéraux tels que les laitiers, les cendres silico-alumineuses, les pouzzola-
nes naturelles, les fumées de silice, dont l’hydratation libère peu de portlandite et
produit des C-S-H abondants de rapports molaires CaO/SiO2 plus faibles.
La relation entre le type de ciment et l’intensité de l’attaque est illustrée par la fi-
gure 12.5 dans le cas d’un ciment de type CEM I, CEM III/A et d’un ciment alu-
mineux fondu [SOU 85].
Ciment alumineux CEM III/A CEM I

12
Perte de masse (%)

0
0 3 6 14
Temps (années)

Figure 12.5 : pertes relatives de masse de différents ciments en fonction du temps,


d’après Soukatchoff [SOU 85].
Éprouvettes 4 × 4 ×16 cm de mortier (ciment/sable = 1/3 ; E/C = 0,5) confectionnées à partir de ciment
de type CEM I, CEM III/A et de ciment alumineux fondu, conservées dans une eau douce de pH 5 à
5,5 et contenant 15 mg/L de dioxyde de carbone agressif. Les variations de masse sont relatives à
celles de mortiers témoins, de même composition, conservés en eau douce non agressive. Le ciment
alumineux constitué essentiellement d’aluminates hydratés relativement peu solubles, est très résis-

630
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

tant. Le ciment au laitier de haut-fourneau CEM III/A qui donne peu de portlandite et produit des C-S-
H abondants, denses et de rapport molaire C/S relativement faible est plus résistant que le ciment de
type CEM I qui donne beaucoup de portlandite et des C-S-H de rapport C/S plus élevé ( 1,5) plus sen-
sibles au phénomène de lixiviation.

L’agressivité des eaux naturelles dépend :


– du pH (compris entre 4 et 6,5 suivant les cas) ;
– de la teneur en dioxyde de carbone agressif ;
– de la dureté ou titre hydrotimétrique (principalement [Ca2+] + [Mg2+]) ;
– de la mobilité du milieu agressif.
Le processus d’altération correspond essentiellement à la lixiviation des ions
Ca2+ de la portlandite Ca(OH)2 et des silicates de calcium hydratés C-S-H (ac-
compagnée de la dissolution plus tardive des phases AFm et AFt). Il conduit à
une augmentation de la porosité et, dans les cas les plus graves, à la dégradation
des propriétés mécaniques du matériau.
Les critères de résistance à l’agression par les eaux naturelles sont :
– la compacité du béton (perméabilité et diffusivité réduites) ;
– l’incorporation, aux ciments ou aux bétons, d’additions minérales (laitiers de
haut-fourneau, cendres silico-alumineuses, fumées de silice, pouzzolanes) qui
abaissent la teneur en chaux et sont favorables à l’accroissement de compacité
du matériau.

3.2. Milieux acides : dissolution ou dissolution/précipitation


Le béton, matériau basique par excellence, est très sensible aux milieux acides
avec lesquels il réagit suivant la réaction bien connue :
Base + Acide → Sel + Eau
La nocivité d’un acide dépend de la solubilité du sel qu’il forme lors de la réaction
avec les hydrates du ciment.
Les attaques acides se font principalement suivant un mécanisme de dissolution.
Suivant le cas, le phénomène de dissolution peut être accompagné de la précipi-
tation du sel formé lors de la réaction base + acide si le sel est peu soluble. Ce sel
peut avoir un effet colmatant et ralentir les réactions de dissolution.
Le produit final de dégradation par un acide peut-être un gel de silice résultant de
la décalcification totale des C-S-H qui, selon Grube et al. [GRU 89], peut avoir
un rôle protecteur à la surface du béton et ralentir les réactions. Ces auteurs insis-
tent également sur le fait que les conditions de transport de l’agent agressif sont
plus importantes que sa concentration.
ˆ En ce qui concerne les pluies acides, cas extrême des eaux douces
Les pluies dites « propres » ont généralement un pH compris entre 5,6 et 7. Elles
n’ont pas d’effets nocifs sur le béton réalisé suivant les règles de l’art. Par contre,

631
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

les pluies dites « acides », dont le pH peut descendre jusqu’à 4 et parfois moins,
sont agressives. L’occurrence de ce type de pluies est en relation principalement
avec la pollution par les oxydes de soufre SOx d’origine industrielle ou domesti-
que (combustion des charbons, fiouls, carburants) qui représentent environ un
tiers de tous les oxydes de soufre de l’atmosphère. Le résultat est la formation
d’acide sulfurique très hygroscopique qui se condense rapidement en gouttelettes
susceptibles de contenir des métaux lourds (mercure, plomb, argent, cadmium) et
des sulfates (d’ammonium, de sodium). Les oxydes d’azote NOx également pré-
sents se transforment en acide nitrique. La composition et le pH des pluies peu-
vent varier en fonction de la saison et des conditions locales. Le tableau 12.3
emprunté à Kreijger [KRE 81] donne quelques exemples de compositions d’eaux
de pluie, relevées en Europe.
Les pluies acides peuvent provoquer des dégradations superficielles suivant des
processus plus ou moins complexes faisant entrer en jeu des phénomènes de dis-
solution dus aux acides (sulfurique, nitrique, carbonique) et d’expansion dus à la
cristallisation de sels, tels que le gypse (salissures des façades) ou l’ettringite.
ˆ En ce qui concerne les acides minéraux
Les acides chlorhydrique et nitrique, acides minéraux forts qui par réaction avec
la chaux du ciment donnent naissance respectivement, au chlorure de calcium
CaCl2 et au nitrate de calcium (NO3)2Ca, sels très solubles, sont très agressifs vis-
à-vis des ciments Portland [ZIV 01, ZIV 02].
L’acide sulfurique H2SO4, formé, par exemple, lors de l’oxydation de l’hydrogè-
ne sulfuré produit dans les réseaux d’assainissement [DUG 73] ou par condensa-
tion à partir du SO2 atmosphérique, est doublement agressif par son acidité et par
l’anion SO42– qui peut conduire à la formation de sels expansifs tels que le gypse
et l’ettringite (cf. § 3.5).
L’acide phosphorique H3PO4, qui entraîne la précipitation de phosphates de cal-
cium très peu solubles, est modérément agressif, mais provoque une désintégra-
tion lente du béton.

632
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

Tableau 12.3 : compositions d’eaux de pluie en mg/L, d’après Kreijger [KRE 81].

Composés Kiruna Plönnige Ukkel Francfort De Bilt


ioniques (Suède Nord) (Suède Sud) (Belgique) (Allemagne) (Pays-Bas)

SO42– 2,0 4,9 6,0 16,3 7,4


Cl– 0,4 3,5 2,0 3,9 2,8
NO3– 0,3 2,0 2,3 2,8 2,7
NH4+ 0,1 0,9 0,5 3,2 0,7
Na+ 0,3 2,0 1,0 1,1 2,1
K+ 0,2 0,3 0,2 - 0,2
Mg2+ 0,1 0,4 0,4 - 0,4
Ca2+ 0,6 0,8 1,3 1,9 1,0

Total 4,0 14,8 13,7 29,2 17,3

Nombre
180 180 189 138 83
d’échantillons
Période 1955-1969 1955-1969 1956-1969 1960-1961 1956-1962

ˆ En ce qui concerne les acides organiques


On les rencontre fréquemment dans les effluents rejetés par les industries chimi-
ques (fabriques d’engrais, papeteries, teintureries, tanneries…) et agroalimen-
taires (vinaigreries, laiteries, fromageries, distilleries, conserveries, élevages…).
Ils sont généralement moins agressifs que les acides minéraux. Ils peuvent dans
certains cas avoir un effet colmatant sur le béton : c’est le cas par exemple, de
l’acide tartrique (cuves à vin) ou de l’acide oxalique.
Les acides organiques tels que les acides acétique, lactique, butyrique, formique,
contenus dans certaines eaux usées, attaquent les constituants calciques du ci-
ment. Ces acides faibles, peu dissociés1, sont généralement modérément agressifs
et provoquent des dégradations lentes. Toutefois leur neutralisation par les ions
alcalins (Na+, K+) et alcalino-terreux (Ca2+) entraîne la permanence de la disso-
ciation de l’acide et corrélativement une augmentation de son agressivité par pro-
duction cumulée d’ions H+.
Des dégradations importantes du béton ont pu être observées en milieu agricole
dans des silos ou cuves destinés à contenir les fourrages, fumiers, purins et sur des
dallages d’étables (érosion, déchaussement des granulats, pertes de masses, mise
à nu des aciers…). Ainsi, les études réalisées sur la dégradation de dalles en béton

1. Les acides forts tels que HCl sont complètement dissociés en ions H+ et Cl–. Les acides faibles
tels que l’acide acétique CH3COOH sont faiblement dissociés en ions CH3COO– et H+ et leur
solution renferme le composé sous forme moléculaire.

633
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

dans des porcheries [DEB 97] ont montré que le matériau était fortement attaqué
par l’acide lactique et l’acide acétique provenant des aliments fermentés. Selon
Bertron et al. [BER 04b, BER 05c, BER 07] le processus d’attaque est de même
nature que celui qui est observé avec les acides forts : essentiellement dissolution
des composés calciques avec production de sels de calcium solubles, l’anion
n’ayant aucun effet spécifique. Il faut ajouter qu’aux dégradations d’origine chi-
mique peuvent s’ajouter des phénomènes d’abrasion dus à la circulation des ani-
maux.
Les déjections animales (purins, fumiers) contiennent également les acides acéti-
que, propionique, butyrique, iso-butyrique, tous agressifs [BER 05a]. Bertron et
al. signalent également la présence d’acides gras volatiles très agressifs vis-à-vis
du béton dans les cuves à purins ou à lisiers [BER 04b].
Dans les tourbières et les marécages, les acides humiques sont susceptibles d’at-
teindre des concentrations élevées. Ils peuvent échanger leurs ions H+ avec des
cations de sels neutres et former des acides libres minéraux. Le pH peut s’abaisser
jusqu’à 4.
Indépendamment des moyens supplémentaires de protection qu’il peut être néces-
saire de mettre en œuvre (résines, bitumes et autres revêtements), les mesures à
prendre pour réduire les risques d’attaque par les acides, sont les suivantes :
– bien identifier les risques : nature de(s) (l’)acide(s), concentrations, mode
d’action (mobilité, renouvellement, température…), actions extérieures (piétine-
ment, abrasion…) ;
– utiliser des ciments à faible teneur en chaux, en particulier des ciments avec
ajouts minéraux consommateurs de chaux (laitiers, cendres volantes silico-alu-
mineuses, pouzzolanes réactives, fumées de silice).
Les travaux de Mehta [MEH 85] effectués sur des bétons de faible rapport E/C
contenant soit des fumées de silice soit un ajout de latex styrène-butadiène et sou-
mis à des solutions d’acides chlorhydrique (1 %), sulfurique (1 %), lactique (1 %)
et acétique (5 %), concluent à la meilleure tenue générale des bétons avec fumées
de silice. L’effet du latex se traduirait par un enrobage des hydrates qui les protè-
gerait des agressions chimiques.
Les expériences de Bertron et al. [BER 04a] sur des pâtes de ciments (deux
CEM I dont l’un à faible teneur en C3A, et un ciment au laitier de haut-fourneau)
soumises à un mélange d’acides organiques à pH 4 simulant l’agression accélérée
d’un lisier, montrent l’effet bénéfique du laitier sur les pertes de masse des échan-
tillons et confirment la nécessité de réduire la quantité de chaux et d’augmenter
celle de la silice (figure 12.6). D’autres tests ont été effectués par les mêmes
auteurs sur un ciment au laitier de haut-fourneau et trois ciments Portland ordinai-

634
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

res, le premier sans ajout, le deuxième avec ajout de fumée de silice, le troisième
avec ajout de cendres volantes : l’analyse du comportement des éléments chimi-
ques Ca, Si, Al, Fe et Mg dans chacune des pâtes de ciments, montre l’influence
favorable des éléments Si, Al et Fe sur la résistance chimique des liants vis-à-vis
des acides organiques acétique, propionique, butyrique, iso-butyrique et lactique,
ce dernier étant le plus agressif [BER 05a].

0,35

0,30

1,6
Perte relative de masse

0,25 1
Expansion (10– 3)

1,4

0,20 1,2
1,0
0,15 0,8 2
0,6
0,10 0,4
I I' 3 CEM I
0,2
0,05 CEM I PM/ES
0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20 CEM
22 III/B
24
0,00 Âge (mois)
0 2 4 6 8 10 12 14 16 18 20
Durée d'immersion (semaines)

Figure 12.6 : perte relative de masse de pâtes de ciment (E/C = 0,27)


en fonction de la durée d’immersion dans une solution d’acides organiques
(maintenue à pH 4) simulant un lisier de porc, d’après [BER 04b].
Les éprouvettes cylindriques (hauteur 75 mm, diamètre 25 mm) de pâtes de ciment ont été plongées
après 28 jours de cure humide dans une solution d’acides organiques composée d’acides acétique
(12,8 g/L), propionique (2,8 g/L), butyrique (1,6 g/L), iso-butyrique (0,6 g/L) et valérique (0,3 g/L) ra-
menée à pH 4 par une solution de soude à 2g/L et maintenue à ce pH par renouvellement de la solu-
tion. Le rapport volumique solide / liquide était de 0,059. Les courbes montrent que le ciment au laitier
de type CEM III/B est celui qui présente la plus faible perte relative de masse alors que les deux ci-
ments sans ajouts de type CEM I conduisent à des plus fortes pertes de masse, indépendamment de
leur teneur en C3A (faible teneur pour le CEM I PM/ES (3,4 %), teneur élevée pour le CEM I (10,5 %)).

Des conclusions semblables ont été avancées par De Bélie et al. [DEB 96,
DEB 97], qui classent la résistance des ciments aux attaques par les acides lacti-
que et acétique dans l’ordre suivant, du plus résistant au moins résistant : ciment
au laitier de haut-fourneau, ciment aux cendres volantes, ciment Portland ordinai-
re et ciment Portland sans C3A.
Cependant, il convient de faire attention au choix des critères de durabilité utilisés
pour qualifier un matériau ou un liant (profondeur dégradée, perte relative de

635
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

masse, taux de dissolution des éléments chimiques…) car cela peut conduire à des
classements différents en terme de performances [BER05a, BER06].
Par ailleurs, les études réalisées par Monteny et al. [MON 01] ont montré l’effet
bénéfique de l’addition d’un polymère de type ester styrène-acrylique sur la tenue
des bétons soumis à l’acide sulfurique d’origine biogénique.
La mise en œuvre de béton de haute compacité, susceptible de ralentir de manière
importante le transport des acides au sein du béton, constitue également une bon-
ne mesure de protection.
Toutefois, en cas de risque d’attaque très sévère, il peut être nécessaire d’appli-
quer une protection supplémentaire, les phénomènes de dissolution et d’érosion
superficielle ne pouvant être évités.
3.3. Milieux sulfatiques : dissolution/précipitation/risques d’expansion
3.3.1. Considérations générales
L’action des sulfates sur le béton fait intervenir un certain nombre de phénomènes
physico-chimiques complexes, dépendant de nombreux paramètres (type de sul-
fate, type de ciment, formule du béton, classe d’exposition…). Les réactions chi-
miques auxquelles elle conduit ainsi que leurs conséquences physiques
(augmentation de la porosité, expansion…), peuvent provoquer des dégradations
plus ou moins importantes. Bien que les cas réels d’ouvrages atteints soient rela-
tivement restreints [NEV 04], l’action des sulfates est généralement considérée
comme un risque sérieux. Elle a été l’objet des préoccupations de nombreux cher-
cheurs depuis Vicat, Le Chatelier [LEC 1887], Candlot [CAN 1898], Lafuma
[LAF 29], Thorvaldson [THO 68] et tous ceux qui ont suivi ces pionniers.
Si l’application stricte des normes et des recommandations en la matière (norme
NF EN 206-1, normes des produits préfabriqués et fascicule de documentation FD
P18-011) permet de maîtriser les risques dans la plupart des cas, des questions re-
latives aux différentes réactions mises en jeu, à leur couplage ainsi qu’aux méca-
nismes d’expansion induits, restent posées. Ces questions restent cruciales dans
le contexte actuel où les contraintes écologiques conduisent à utiliser des formu-
les de béton plus complexes incorporant de plus en plus d’additions minérales de
toutes natures. Par ailleurs les exigences de durée de vie de plus en plus longues
demandent une connaissance plus approfondie de tous les mécanismes physico-
chimiques mis en jeu, connaissance qui permettra de fiabiliser les modèles indis-
pensables à la prédiction du comportement des ouvrages à très long terme. Parmi
les modèles en cours de développement on peut citer à titre d’exemple le modèle
déterministe de Marchand et al. [MAR 02, MAL 04]. Par ailleurs le besoin de
connaissances est particulièrement évident dans l’élaboration des barrières ouvra-

636
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

gées destinées à empêcher le relargage des radioéléments issus des déchets ra-
dioactifs [LEB 06].
3.3.2. Origine des sulfates
Les sulfates peuvent avoir différentes origines:
• ils peuvent d’abord provenir du régulateur de prise ajouté au ciment (gypse,
hémi-hydrate, anhydrite) auquel s’ajoutent, en proportions variables, les sulfates
contenus dans le clinker lui-même : sulfates alcalins (arcanite K2SO4, aphtitalite
K3Na(SO4)2, langbeinite Ca2K2(SO4)3) et solutions solides dans les silicates de
calcium [TAY 96]. La teneur en SO3 des ciments est limitée par la norme NF EN
197-1 à 3,3 % ou 4 % selon la classe de résistance du ciment. Sauf dans le cas,
très spécifique, de formation différée d’ettringite traitée au chapitre 11, les sulfa-
tes contenus dans le ciment n’ont pas d’effet nocif ;
• ils peuvent également provenir de l’utilisation de granulats pollués par des sul-
fates d’origine naturelle ou artificielle (gypse, plâtre, anhydrite ou encore pyri-
tes). La norme NF XP P18-545 limite la teneur en soufre total et la teneur en
sulfates solubles dans l’acide des granulats naturels pour béton : les valeurs spé-
cifiées supérieures (vss), fonction de la classe de béton et des autres caractéristi-
ques des granulats. Pour les bétons d’ouvrages d’art et de bâtiment cette valeur
est de 0,4 % exprimée en soufre ou 0,8 % exprimée en SO3 ;
• ils peuvent venir du milieu extérieur où ils se trouvent sous forme solide (sols
gypseux), liquide (eaux naturelles percolant à travers les sols et solutions plus ou
moins concentrées d’origine diverses), ou gazeuse (pollution atmosphérique par
le SO2):
– dans les sols où ils constituent un élément nutritif des plantes, leur concen-
tration moyenne est comprise entre 0,01 % et 0,05 % en masse de sol sec.
Des concentrations beaucoup plus importantes (> 5 %) peuvent se rencon-
trer dans les sols contenant du gypse CaSO4.2H2O ou de l’anhydrite
CaSO4. C’est le cas du bassin parisien par exemple. La décomposition bio-
logique aérobie des matières organiques et l’utilisation d’engrais sont éga-
lement une source possible de sulfates. Le sulfate d’ammonium
SO4(NH4)2, provenant des engrais, est particulièrement agressif. Les sols
peuvent parfois contenir des sulfures de fer (pyrites) qui, par oxydation,
peuvent donner naissance à l’acide sulfurique H2SO4, puis au gypse s’ils
sont en contact de carbonate de calcium ou de chaux. Certains granulats
peuvent également renfermer des inclusions de pyrite susceptibles de con-
duire à la formation de «pustules» inesthétiques sur les parements de béton.
La fiche technique du producteur doit signaler la présence de ces pyrites ou

637
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

autres sulfures lorsqu’ils sont sous forme de grains de dimensions supérieu-


res à 2 mm,
– les eaux d’infiltration peuvent se charger en ions SO42– au contact des sols
ou des remblais contenant des sulfates. Le tableau 12.4 donne, à titre indi-
catif, la solubilité de différents sulfates dans l’eau à 20°C. Dans les environ-
nements industriels, en raison de la pollution des sols, les eaux d’infiltration
peuvent avoir des concentrations en sulfates correspondant à des niveaux
très élevés d’agressivité,
Tableau 12.4 : solubilité de différents sulfates dans l’eau à 20 °C.

Type de sulfate Solubilité en g/L


K2SO4 111
Na2SO4 58
Na2SO4.10H2O 194
MgSO4.6H2O 440
FeSO4.7H2O 260
CaSO4 2,1
CaSO4.2H2O 1,2

– dans les environnements industriels et urbains, l’atmosphère peut contenir


de l’anhydride sulfureux SO2 provenant des gaz de combustion (charbon,
carburants divers). En présence d’humidité ces gaz sont susceptibles de
s’oxyder pour donner de l’acide sulfurique très agressif. Leurs effets nocifs
se manifestent tout particulièrement sous forme de salissures sur les façades
et les parements où la réaction de l’acide sulfurique avec la chaux ou les
carbonates de calcium conduit à la formation d’incrustations de gypse
englobant les poussières en suspension dans l’air.
– les fermentations anaérobies qui se produisent dans les ouvrages d’assainis-
sement conduisent également à la formation d’acide sulfurique à partir de
l’hydrogène sulfuré dégagé. Ce point particulier est traité au paragraphe 3.5.

638
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

3.3.3. Mécanismes généraux de dégradation par les sulfates


Deux mécanismes principaux, indissociables, sont mis en jeu.
Le premier mécanisme correspond au passage en solution (lixiviation) des ions
calcium de l’hydroxyde de calcium, Ca(OH)2, et des C-S-H. Il constitue un aspect
majeur, parfois sous-estimé, du processus de dégradation dont la conséquence est
un accroissement de la porosité du matériau. L’accroissement de porosité se tra-
duit par une augmentation de la perméabilité et de la diffusivité qui accélère le
transfert des ions agressifs dans le matériau. Ce premier mécanisme peut être
schématisé par les réactions qui se produisent avec le sulfate de sodium :
Ca(OH)2 + Na2SO4 + 2H2O→ CaSO4.2H2O + 2NaOH (1)
3CaO.2SiO2.3H2O + 3Na2SO4 + 9H2O → 3CaSO4.2H2O
+ 6NaOH + 2SiO2.3H2O (2)
Les deux réactions conduisent à la libération des ions Ca2+ et à la formation de
gypse CaSO4.2H2O qui précipite si le produit des ions [Ca2+] . [SO42–] excède le
produit de solubilité du composé.
La portlandite est dissociée suivant la réaction : Ca(OH)2 ↔ Ca2+ + 2OH–.
Les ions calcium des C-S-H, dont le rapport C/S diminue, passent progressive-
ment en solution, le terme ultime de la réaction étant un gel de silice hydraté.
Le second mécanisme, en relation avec le premier, correspond à la formation de
sels tels que l’ettringite, trisulfoaluminate de calcium hydraté de formule chimi-
que 3CaO.Al2O3.3CaSO4.32H2O. La précipitation de ce sel dans des conditions
spécifiques décrites plus loin, peut conduire à des gonflements et des fissurations
plus ou moins importantes du béton. Elle résulte de la réaction du gypse plus ou
moins dissocié en ions SO42– et Ca2+, issus des réactions (1) et (2), avec les alu-
minates de calcium du liant : aluminates anhydres, essentiellement l’aluminate
tricalcique C3A et, à un degré moindre, l’alumino-ferrite tétracalcique C4AF1,
aluminates hydratés de type C4AH13 et monosulfoaluminate de calcium
3CaO.Al2O3.CaSO4.12H2O. Les réactions avec le C3A et avec le monosulfoalu-
minate peuvent s’écrire schématiquement :
3CaO.Al2O3 + 3CaSO4.2H2O + 26H2O → 3CaO.Al2O3.3CaSO4.32H2O (3)
3CaO.Al2O3.CaSO4.12H2O + 2CaSO4.2H2O + 16H2O →
3CaO.Al2O3.3CaSO4.32H2O (4)

1. C4AF est un terme de la série de solutions solides entre C2F et C6A2F. Les termes proches de
C6A2F qui peuvent être présents dans certains clinkers, sont plus sensibles aux solutions sulfati-
ques.

639
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

La figure 12.7, établie à partir des travaux de Le Bescop et al. [LEB 06] réalisés
sur des pâtes de ciment au contact de solutions très faiblement concentrées en sul-
fate, schématise assez bien le processus de dégradation et confirme bien les deux
mécanismes fondamentaux de dissolution de la chaux et de précipitation de gypse
et d’ettringite.
Toutes ces réactions, qui se produisent à l’échelle microscopique, se traduisent
sur l’ouvrage par l’endommagement du béton, la formation de fissures plus ou
moins importantes et des pertes de raideur et de résistances mécaniques. L’ac-
croissement de la perméabilité dû à la fissuration du matériau peut accélérer les
dégradations.
100
Portlandite
Gypse
80
Ettringite

60
Intensité

40

20

0
0 0,3 0,5 0,8 1,1 1,3 1,5 1,7 1,9 2,5

Profondeur (mm)
Figure 12.7 : distribution de la portlandite, du gypse et de l’ettringite
en fonction de la profondeur dans une pâte de CEM I contenant 10 % de C3A,
au contact d’une solution à 10.10–3 mol/L de Na2SO4, d’après Le Bescop et al. [LEB 06].
Les courbes qui représentent l’évolution de l’intensité relative du pic principal de diffraction des rayons
X (DRX) de la portlandite, du gypse et de l’ettringite en fonction de la profondeur dans le matériau,
font apparaître trois zones successives se recouvrant plus ou moins et progressant au cours du
temps:
– une zone de dissolution totale de la portlandite limitée par un front de dissolution abrupt ;
– une zone assez large de précipitation de l’ettringite qui s’étend un peu au-delà du front de dissolution
de Ca(OH)2 ;
– une zone intermédiaire assez étroite de précipitation du gypse, limitée par le front de dissolution de
la portlandite et se superposant à la zone de précipitation de l’ettringite.

La couche superficielle entre 0 et 0,5 mm est constituée d’un gel de silice hydratée
amorphe qui se traduit par un halo en DRX.
Dans les bétons d’ouvrages qui ont été en contact avec des solutions plus concen-
trées en sulfate, les différents fronts de dégradation peuvent ne pas être aussi bien
différenciés, mais le mécanisme reste globalement le même.

640
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

La possibilité d’une expansion provoquée directement par la précipitation du gyp-


se a été évoquée en particulier dans les travaux de Tian et al. [TIA 00] qui ont
montré que des pâtes de C3S (en l’absence de C3A) mises en contact avec des so-
lutions de Na2SO4 et (NH4)2SO4 manifestaient des gonflements importants en re-
lation avec la formation de gypse. La question reste controversée mais ces essais
confirment bien la sensibilité des C-S-H vis-à-vis des solutions sulfatiques. Il faut
noter que ces mêmes essais ont également montré que les gonflements étaient an-
nihilés par l’addition de fumée de silice, vraisemblablement en raison du rapport
CaO/SiO2 plus faible des C-S-H ainsi formés.
3.3.4. Les différentes catégories d’ettringite
Selon les conditions de sa formation, l’ettringite peut être expansive ou non ex-
pansive et il y a lieu d’insister fortement sur le fait que la présence de ce composé,
même en quantité importante, n’est pas le signe automatique d’une agression par
les sulfates. Différentes catégories d’ettringite doivent être distinguées dont la no-
menclature, adoptée par le groupe de travail AFGC-RGCU GranDuBé Mesure
des grandeurs associées à la durabilité des bétons [AFG 07], est la suivante :
– ettringite de formation primaire qui est un produit normal de l’hydratation des
ciments dû à la réaction du C3A avec le régulateur de prise (gypse, hémi-hydrate,
anhydrite auxquels il faut ajouter les sulfates contenus dans le clinker propre-
ment dit). Cette ettringite n’a aucun effet délétère. Il s’agit de celle, également,
qui est à l’origine du durcissement des ciments spéciaux de type sursulfaté ou
sulfoalumineux ;
– ettringite de formation secondaire pouvant générer des gonflements, en rela-
tion avec un apport de sulfates externes dans les bétons formulés avec des
ciments non résistants aux sulfates (ciments à teneur élevée en C3A et en C3S) ;
– ettringite de formation secondaire ne provoquant pas d’expansion résultant de
phénomènes de dissolution/recristallisation dus à la percolation d’eau dans le
matériau poreux ou fissuré. Cette ettringite n’a pas de caractère expansif en elle-
même mais peut accompagner des phénomènes d’expansion. C’est aussi celle
qui est observée dans les fissures provoquées par l’ettringite de formation diffé-
rée dans les bétons ayant subi un échauffement. Ce dernier aspect est traité dans
le chapitre 11 du présent ouvrage.
3.3.5. Mécanismes d’expansion de l’ettringite
Différentes théories ont été proposées pour expliquer le mécanisme suivant lequel
l’ettringite provoque l’expansion du béton.

641
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

• Théorie des pressions de cristallisation qui suggère que la pression engendrée


par la précipitation d’un sel quelconque est reliée au taux de sursaturation C/Cs
de la solution par la relation :
p = (RT / Vs) . [log (C/Cs)] (5)
où : Vs = volume molaire du sel, C = concentration du sel dans la solution, Cs = con-
centration du sel à la saturation, R = constante des gaz parfaits et T = température
absolue.
À titre d’exemple, la pression de cristallisation du gypse pour un taux de sursatu-
ration de 2 est de 28 MPa. Elle est de 160 MPa lorsque le taux de sursaturation est
de 50.
• Théorie de la double couche électrique de Mehta [MEH 73] où les forces
d’expansion sont dues à la répulsion électrostatique entre les particules d’ettrin-
gite « colloïdale » chargées négativement, accompagnée d’une forte absorption
des molécules d’eau polaires.
• Gonflement par effet stérique étudié par Cottin [COT 79] et Li [LI 98] basé sur
le fait que le volume des hydrates étant toujours supérieur au volume des anhy-
dres dont ils sont issus, le composé néoformé, s’il ne dispose pas de l’espace
nécessaire à sa formation, créera cet espace par augmentation du volume appa-
rent du système.
Mais, tout bien considéré, les trois théories sont moins différentes les unes des
autres qu’il n’y paraît et elles peuvent être synthétisées de la manière suivante,
conformément aux travaux de Scherer [SCH 99a] cités par Taylor [TAY 01] :
– l’intensité de la force développée par la croissance d’un cristal dépend du
degré de sursaturation de la solution, comme indiqué par l’équation 5 ci-dessus ;
– le cristal ne croîtra pas là où il doit exercer une pression pour se développer s’il
a la possibilité de croître dans des espaces libres (pores, fissures) ;
– pour un cristal se développant dans un pore, dans certaines conditions d’équili-
bre, des pressions peuvent s’exercer sur les parois du pore si son rayon est infé-
rieur à une certaine dimension (environ 100 nm). Les contraintes générées
localement s’exercent sur des domaines de plusieurs dizaines à plusieurs centai-
nes de micromètres, c’est-à-dire dans des espaces relativement restreints et con-
finés.
De l’ensemble de ces considérations il ressort que les pressions de gonflement
sont régies par deux paramètres majeurs : le degré de sursaturation local et le con-
finement dans des régions microporeuses de la pâte de ciment durcie, le confine-
ment impliquant un degré de sursaturation élevé.
Dans les ciments hydratés, des conditions extrêmes de sursaturation peuvent exis-
ter au niveau des sites réactifs (aluminates et silicates anhydres et hydratés) où, au

642
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

contact des sulfates venus du milieu extérieur, l’ettringite précipite instantané-


ment in situ, suivant un processus dynamique d’échange entre la phase liquide in-
terstitielle et les phases solides. Le professeur Lafuma [LAF 29], [LAF 52] avait
déjà pressenti ce mécanisme en parlant de formation d’ettringite « à l’état solide
» pour la distinguer de l’ettringite résultant d’une précipitation à partir de la solu-
tion. Les conditions nécessaires au gonflement sont particulièrement favorables
dans les liants riches en hydroxyde de calcium où les ions Ca2+ libérés par la dis-
solution de Ca(OH)2 et des C-S-H peuvent réduire considérablement la solubilité
de l’ettringite ainsi que le montre le tableau 12.5.
Tableau 12.5 : solubilité de l’ettringite à 25 °C en fonction de la teneur en CaO
de la solution.

CaO (g/L) 0,056 0,112 0,168 0,224 0,607 1,080


Ettringite (g/L) 0,255 0,165 0,115 0,080 0,030 0,002

Bien que réalisés sur des systèmes chimiques s’éloignant de ceux des ciments
Portland, les travaux de Nikitina et al. [NIK 80], illustrés par les figures 12.8a et
12.8b, montrent bien l’influence de la chaux sur le caractère expansif ou non de
l’ettringite : des mélanges aluminate monocalcique + gypse avec et sans addition
de chaux, ont été testés. En présence de chaux la formation d’ettringite provoque
un gonflement important ; en l’absence de chaux et pour une même quantité d’et-
tringite formée, aucun gonflement n’est observé.

sans CaO avec CaO sans CaO avec CaO

60 8
7
Gonflement (%)

50
Ettringite (%)

6
40
5
30 4
3
20
2
10 1
0 0
0 0,04 0,25 1 2 3 7 28 0 0,04 0,25 1 2 3 7 28
Temps (jours) Temps (jours)

Figure 12.8b : gonflement des éprouvet-


Figure 12.8a : quantité d’ettringite formée
tes de la figure 12.8a en fonction du
en fonction du temps. Avec et sans addi-
temps. Le gonflement est important en
tion de CaO les quantités formées sont les
présence de CaO, d’après Nikitina et al.
mêmes, d’après Nikitina et al. [NIK 80].
[NIK 80].

Les essais ont été réalisés sur deux mélanges : 70 % d’un ciment alumineux + 30% de gypse, d’une
part, et 65 % de ciment alumineux + 30 % gypse + 5 % CaO, d’autre part. La mesure des déformations
linéaires des éprouvettes et des quantités d’ettringite formée, montre que pour des quantités égales

643
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

d’ettringite formée, le gonflement du premier mélange sans addition de chaux est extrêmement faible
alors que le gonflement du second mélange est très élevé. La différence de comportement réside
dans le mode de cristallisation de l’ettringite : précipitation dans les espaces libres du liant dans le
premier cas, réaction topochimique au contact des grains d’aluminate, en milieu confiné dans le se-
cond cas. La solubilité de l’ettringite est fortement diminuée par la présence de chaux (cf. tableau
12.5) qui permet l’établissement des conditions particulières de sursaturation locales à l’origine de la
formation de l’ettringite à caractère expansif.

Dans les processus de formation d’ettringite, il y a lieu également de tenir compte


des alcalins présents dans la solution interstitielle du béton qui peuvent avoir une
influence notable sur les conditions de stabilité du minéral en favorisant son pas-
sage en solution.
Ce qui précède conduit à distinguer deux faciès principaux d’ettringite selon
qu’elle résulte d’une précipitation en milieu non confiné dans les espaces libres
du matériau, ou d’une réaction localisée sur un site réactif (aluminate), en milieu
confiné. Le premier faciès correspond à celui de l’ettringite primaire, dite «bien
cristallisée», ne provoquant pas d’expansion et se présentant sous forme
d’aiguilles (figure 12.9) ; le second est caractéristique de l’ettringite secondaire,
dite «mal cristallisée», pouvant provoquer de l’expansion, d’aspect plus ou moins
amorphe et sans forme cristalline nettement exprimée (figure 12.10). Le faciès de
cette dernière suggère bien les conditions de confinement dans lesquelles elle
s’est formée ainsi que son mode de formation topochimique.
Les deux faciès décrits ci-dessus peuvent coexister : la percolation d’eau dans le
béton attaqué par les sulfates entraîne la dissolution et la recristallisation de l’et-
tringite d’origine topochimique qui reprécipite sous une forme bien cristallisée
dans les microfissures et les pores résultant de l’attaque. Il s’agit dans ce cas d’et-
tringite secondaire non expansive.
Entre les deux faciès principaux il existe de nombreux faciès intermédiaires ob-
servables dans tous les bétons, dégradés ou non, et le seul faciès tel qu’observé au
MEB ne suffit pas au diagnostic d’une attaque sulfatique. La mise en œuvre des
autres techniques d’analyse physico-chimique est indispensable [AFG 07].

644
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

2
1

Figure 12.9 : ettringite primaire bien Figure 12.10 : 1 = ettringite massive dite
cristallisée ne provoquant pas d’expansion : «mal cristallisée» formée en milieu confiné;
précipitation dans les espaces vides à partir 2 = ettringite secondaire recristallisée à
de la solution (photo LERM). partir de 1 (photo LERM).
Ettringite précoce résultant de la réaction entre le Formation au contact d’un site réactif en milieu
gypse et le C3A. Précipitation en milieu normale- confiné fortement sursaturé. Pression de cristalli-
ment saturé et croissance libre dans la porosité du sation élevée, développement de contraintes loca-
béton. Pression de cristallisation faible. lisées, fissuration du matériau par « effet de coin ».

3.3.6. Influence du cation associé au sulfate


L’agressivité des sulfates est plus ou moins forte en fonction du cation associé à
l’anion SO42– :
– les sulfates de calcium, présents dans les sols sous forme de gypse et d’anhy-
drite ou dans les eaux souterraines, sont agressifs vis-à-vis du béton malgré leur
faible solubilité (cf. tableau 12.4) suivant un processus plus lent que celui qui est
observé avec les sulfates de magnésium et d’ammonium ;
– les sulfates de sodium ou de potassium beaucoup plus solubles entraînent des
dégradations plus rapides par formation de gypse et d’ettringite ainsi que par
lixiviation de la chaux de la portlandite et des C-S-H ;
– le sulfate de magnésium très soluble et extrêmement agressif, conduit à des
réactions plus complexes faisant intervenir des échanges Ca2+ → Mg2+ avec for-
mation de brucite Mg(OH)2. Les différentes réactions peuvent être schématisées
comme suit :
Ca(OH)2 + MgSO4 + 2H2O → CaSO4.2H2O + Mg(OH)2 (6)
3CaO.Al2O3 + 3CaSO4.2H2O + 26H2O → 3CaO.Al2O3.3CaSO4.32H2O (7)
C-S-H + MgSO4 + aq. → CaSO4.2H2O + Mg(OH)2 + (C,M)-S-H (8)
La portlandite réagit avec MgSO4 pour donner du gypse et de la brucite ; le gypse
réagit avec le C3A ou les aluminates hydratés du liant pour former de l’ettringite;

645
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

les C-S-H sont progressivement dégradés par formation de gypse, de brucite et


d’un silicate hydraté calco-magnésien de type (C,M)-S-H dans lequel le calcium
est remplacé plus ou moins complètement par le magnésium. Le produit résultant
final peut être un mélange de brucite et d’un gel de silice.
La formation de ces phases consomme des ions OH–, et la diminution du pH qui
en résulte provoque la dissolution de la plupart des hydrates de la matrice cimen-
taire. Le calcium libéré réagit avec les sulfates pour former du gypse.
Selon les travaux de Ganjian et al. [GAN 05] et de Lee et al. [LEE 05] la présence
de portlandite serait bénéfique car elle retarderait l’action des ions magnésium
dont elle permettrait le piégeage sous forme de brucite. La quantité résiduelle de
magnésium susceptible d’attaquer les C-S-H serait inversement proportionnelle à
la quantité de portlandite initialement présente dans la matrice cimentaire. Cela
expliquerait pourquoi des bétons à base d’additions pouzzolaniques, telles que les
métakaolins ou les fumées de silice, peuvent s’avérer moins résistants que des bé-
tons sans pouzzolanes lorsqu’ils sont immergés dans une solution de sulfate de
magnésium [GAN 05, LEE 05]. En revanche, selon Sabir et al. [SAB 01], la pré-
sence de métakaolins améliore le comportement des bétons au contact d’une so-
lution de sulfate de sodium ;
– le sulfate d’ammonium, présent dans les engrais est probablement le plus
agressif de tous les sulfates vis-à-vis du ciment Portland. La réaction de base
peut s’écrire :
Ca(OH)2 + SO4(NH4)2 + 2H2O → CaSO4.2H2O + 2NH4OH
La réaction est accompagnée d’un dégagement d’ammoniac qui tend à déplacer
la réaction vers la droite.
L’agressivité particulière de ce sel est en relation avec l’accroissement de solubi-
lité du sulfate de calcium dans les solutions de sulfate d’ammonium : la chaux est
rapidement lixiviée et la concentration en ions SO42– est plus élevée. La possibi-
lité de formation d’un sel double de la forme CaSO4.(NH4)2SO4.2H2O a été évo-
quée par Mohr [MOH 25].
3.3.7. Paramètres conditionnant la résistance des bétons
aux environnements sulfatiques
Ces paramètres sont les suivants :
– paramètres environnementaux. Une analyse approfondie des conditions envi-
ronnementales générales et locales est indispensable afin de définir la classe
d’exposition de la structure ou des éléments de structure selon la norme NF EN
206-1 et le fascicule de documentation FD P 18-011. Cette analyse permet

646
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

d’adapter au mieux la formulation du béton en tenant compte, par ailleurs, des


contraintes économiques et des exigences de durée de vie ;
– paramètres physiques liés au matériau. Il s’agit essentiellement de la compa-
cité qui détermine les capacités de transfert du béton vis-à-vis de l’eau et des
ions agressifs et qui est bien représentée par la perméabilité et la diffusivité. Ces
propriétés dépendent du dosage en ciment, du rapport E/C, mais aussi de l’éten-
due granulaire en relation avec un dosage optimal en fines [BAR 96a].
L’influence du rapport E/C, auquel est reliée la compacité du béton, est illustrée
par la figure 12.11 ;
– paramètres chimiques liés à la composition du ciment qui conditionnent les
réactions susceptibles de se produire compte tenu de l’environnement :
La teneur en C3A est un paramètre dont l’importance est illustrée par la
figure 12.12 relative à quatre mortiers A, B, C et D de teneurs croissantes en C3A,
conservés dans une solution mixte de sulfates de magnésium et de sodium.
La norme NF P15-317 Ciments pour travaux à la mer, applicable également aux
milieux sulfatiques moyennement agressifs, fixe les teneurs limites en C3A et en
SO3 en fonction du type de ciment. Les travaux de Paillère [PAI 85] ont montré
que le rapport C3A/SO3 avait une certaine importance vis-à-vis de la tenue des ci-
ments. Un rapport inférieur à 3 serait favorable.
Pour tenir compte également de la vulnérabilité des constituants riches en chaux
Ca(OH)2 et C-S-H (dont le comportement dépend du rapport CaO/SiO2), la nor-
me NF P15-317 prévoit une limitation de la teneur en C3S des ciments de type
CEM I et CEM II/A sous forme d’un indice (dit « indice de Sadran ») dont le cal-
cul fait intervenir les teneurs en C3A et en C3S du ciment ou du clinker, selon le
type de ciment. Cet indice est égal à : %C3A + 0,27 % C3S.
L’ensemble des prescriptions de la norme NF P15-317 est résumé dans le
tableau 12.6.
Les prescriptions de la norme NF P15-319 Ciments pour travaux en eaux à haute
teneur en sulfates sont résumées dans le tableau 12.7. Aucune spécification chi-
mique particulière n’est prévue pour les ciments de haut-fourneau de type
CEM III/A, B ou C en ce qui concerne les teneurs en C3A et en sulfates. Toute-
fois, la teneur en laitier granulé de haut-fourneau des CEM III/A doit être supé-
rieure ou égale à 60 %. Dans les CEM V, la teneur en CaO totale du ciment est
limitée à 50 %.

647
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

0,4 D 12 %
E/C = 0,80 0,5

0,4
0,3

Expansion (%)
Expansion (%)

E/C = 0,60 0,3


C9%
0,2
0,2
B7%
0,1
0,1
E/C = 0,45 A4%

0 3 0
1 2 4 2 4 6 8 10
Âge (mois) Âge (mois)

Figure 12.11 : relation entre le rapport E/C Figure 12.12 : relation entre la teneur
d’un mortier et l’expansion en milieu en C3A du ciment et l’expansion
sulfatique, d’après Ouyang [OUY 88]. de mortiers, d’après Ouyang [OUY 88].
Les essais sont réalisés conformément à la norme ASTM C1012 : mortiers contenant 20 % de ciment
et 80 % de sable, immergés dans une solution à 4,3 % de MgSO4 + 2,5 % de Na2SO4. Sur la
figure 12.12 les mortiers ne diffèrent que par leur rapport E/C. Sur la figure 12.13, les mortiers diffèrent
par la teneur en C3A du ciment.
Un rapport E/C élevé entraîne une porosité élevée qui facilite la lixiviation de la chaux et le transfert des
ions sulfates dans le matériau dont le degré d’attaque et le gonflement sont également plus élevés. Le
gonflement du mortier de E/C = 0,80 est environ trois fois plus élevé que celui du mortier de E/C = 0,45.
Plus la teneur en C3A du ciment est élevée plus le gonflement est important. S’agissant ici d’un milieu
très fortement agressif (classe d’exposition XA3 de la norme NF EN 206), seul le ciment à 4% de C3A
donne un gonflement faible.
Bien que le comportement de mortiers ne puisse être extrapolé à celui de bétons, ces essais montrent
bien l’influence des deux paramètres : rapport E/C, dont dépend la compacité du béton, et teneur en
C3A du ciment, dont dépend la formation d’ettringite. Dans un environnement tel que celui qui a été
utilisé ici, la norme NF EN 206-1 prescrirait un béton de rapport E/C 0,45 dosé au moins à 360 kg/m3
d’un ciment résistant aux sulfates selon la norme NF P15-319.

648
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

Tableau 12.6 : critères de composition de la norme NF P15-317 pour les ciments


destinés aux travaux à la mer et en milieux sulfatiques moyennement agressifs.

Ciment Ajout C3A SO3 % C3A + 0,27 % C3S


≤ 3 % si C3A ≤ 8 %
CEM I ≤ 10 % ≤ 2,5% si 23,5%/ciment
8 % ≤ C3A ≤ 10 %

CEM II/A-S(a) ≤ 13 % ≤ 11,5 %/clinker


CEM II/A-V ≤ 3 %/ciment –
≤ 13 % ≤ 10 %/ciment
CEM II/A-D
≤ 26 %/clinker si P ≥ 10 %
CEM II/A-P ≤ 20 % ≤ 10 %/clinker ≤ 3 %/ciment
≤ 23,5 %/clinker si P ≤ 10 %
≤ 3 % si C3A clinker ≤ 8 %
CEM II/A-L ≤ 20 % ≤ 10 %/clinker ≤ 2,5 % si ≤ 23,5 %/ciment
8 ≤ C3A clinker ≤ 10 %
CEM III/A
CEM III/B Limitation des ions sulfure S2– ≤ 2%/ciment
CEM III/C
CEM V/A Limitation des ions sulfure S2– ≤ 2%/ciment
CEM V/B CaO ≤ 50% /ciment

(a) S = laitier ; V = cendres volantes ; D = fumées de silice ; P = pouzzolanes ; L = calcaire.

Tableau 12.7 : critères de composition de la norme NF P15-319 pour les ciments


destinés aux travaux en eaux à haute teneur en sulfates.

Ciment C3A C3A + 2C4AF SO3


≤ 3 % si C3A ≤ 3 %
CEM I ≤ 5% ≤ 20 %
≤ 2,5 % si 3 % ≤ C3A ≤ 5 %
CEM II/A et B ≤ 5% ≤ 20 % ≤ 4%

CEM III/A La teneur en laitier du CEM III/A doit être ≥ 60 %


CEM III/B et C Pas de spécifications chimiques particulières

CEM V/A et B CaO ≤ 50 %/ciment

La teneur du béton en additions minérales. Les laitiers granulés de haut-fourneau,


les cendres volantes silico-alumineuses, les pouzzolanes naturelles ou artificiel-
les, les fumées de silices, utilisés soit en tant que constituants principaux des ci-
ments (norme NF EN 197-1), soit en tant qu’additions dans les bétons1,

1. Normes NF EN 15167-1 et 15167-2 pour les laitiers de haut-fourneau ; norme NF EN 450 pour
les cendres volantes ; normes NF EN 12263-1 et 12263-2 pour les fumées de silice ; norme NF
P18-508 pour les additions calcaires ; norme NF P18-509 pour les additions siliceuses.

649
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

améliorent généralement la résistance des bétons aux agressions sulfatiques. Ces


produits minéraux peuvent avoir plusieurs effets :
– dilution de la partie clinker du ciment avec réduction concomitante de la teneur
en aluminates et silicates de calcium du ciment ;
– consommation de la chaux issue de l’hydratation du clinker. Il en résulte une
réduction de la teneur en portlandite, composé vulnérable vis-à-vis des solutions
sulfatiques, la production d’une plus grande quantité de C-S-H de rapport CaO/
SiO2 plus faible et de structure plus dense [RIC 04], tous facteurs favorables à la
résistance chimique du béton ;
– modification de la microstructure de la pâte de ciment dans le sens d’un
accroissement de compacité ;
– accroissement de la compacité du béton par optimisation de l’étendue granu-
laire du mélange avec réduction corrélative de la perméabilité et de la diffusivité,
indicateurs majeurs de durabilité.
En ce qui concerne les laitiers de haut-fourneau, les ciments contenant au moins
60 % de laitier granulé vitreux sont réputés pour leur bonne résistance à l’action
des sulfates. Ce comportement est dû aux effets de dilution, de réduction de la te-
neur en chaux et de modification de la microstructure de la pâte de ciment dont la
densification très importante au cours du temps (figure 12.13) réduit notablement
la capacité de transfert des ions agressifs dans le béton.

Figure 12.13 : exemple de microstructure très compacte d’un liant à base de laitier.
1 = laitier anhydre ; 2 = C-S-H denses au contact du grain de laitier.
Fractographie au MEB (Photo LERM).
Au terme de plusieurs dizaines d’années, le béton à base de ciment de type CEM III possède une
compacité très élevée. La surface de rupture de l’échantillon, obtenue par choc à l’aide d’un burin, est
franche et relativement lisse. Le grain de laitier central non complètement hydraté est pseudomorpho-
sé par des C-S-H très denses. La porosité capillaire est extrêmement faible et explique les faibles
coefficients de diffusion des chlorures tels qu’illustrés par la figure 12.14.

650
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

Cette propriété est bien illustrée par la figure 12.14 due à Smolczyck [SMO 80]
qui montre que le coefficient de diffusion de l’ion Cl– diminue lorsque la teneur
en laitier augmente.
Laitier/clinker = 0/100 Laitier/clinker = 40/60 Laitier/clinker = 70/30

4
0,7 0,6
Cl– % pondéral

3 0,5

1 0,6
0,7
0,5

0
0 0,5 1 2
Temps (année)
Figure 12.14 : pénétration des chlorures dans des bétons en fonction de la teneur
en laitier du ciment et du rapport E/C, d’après Smolczyck [SMO 80].
Les essais ont été réalisés sur des prismes de béton 100 × 100 × 500 mm conservés dans une solution
de NaCl à 3 mol/L pendant deux ans. Chaque béton est gâché à trois rapports E/C, respectivement
0,70, 0,60 et 0,50. Les mesures de la concentration en ions chlore ont été effectuées dans la tranche
de béton comprise entre 20 et 30 mm. Les quantités de chlorures les plus élevées sont mesurées dans
les bétons sans laitier. Ces quantités sont d’autant plus importantes que le rapport E/C est plus élevé.
À partir de 40 % de laitier la pénétration des chlorures est très fortement réduite et l’influence du rapport
E/C devient faible. Pour 70 % de laitier la pénétration est extrêmement faible, quel que soit le rapport
E/C. Ce comportement est dû au développement d’une microstructure très compacte.

En ce qui concerne les cendres volantes silico-alumineuses, des teneurs de l’ordre


de 20 à 30 % ont généralement un effet bénéfique sur la tenue des bétons vis-à-vis
des attaques sulfatiques1. Ceci est dû, d’une part, à un effet chimique : consomma-
tion de la chaux et réduction du rapport CaO/SiO2 des C-S-H et, d’autre part, à un
effet physique en relation avec les modifications de microstructure du liant
hydraté: diminution de la perméabilité et de la diffusivité. La figure 12.15, extraite
de [BAR 99b] et établie d’après les travaux de Dhir et Byars [DHI 93], montre l’in-
fluence bénéfique des cendres sur le coefficient de diffusion des ions chlorure dans

1. Le tableau NA.F.1 de la norme NF EN 206-1 autorise des additions de cendres volantes jusqu’à
30 % dans les bétons soumis aux classes d’environnement XA1 et XA2. Elle ne les autorise pas
pour les environnements de classe XA3. Toutefois la norme NF P18-319 relative aux ciments pour
travaux en milieu à haute teneur en sulfate autorise l’emploi des ciments CEM II/A et II/B pouvant
contenir respectivement jusqu’à 20 % et 35 % de cendres volantes.

651
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

le béton. Il y a lieu de rappeler que les cendres volantes ont une cinétique d’hydra-
tation lente et que leurs effets ne se manifestent pas avant au moins 28 jours d’hy-
dratation mais qu’à long terme elles peuvent avoir des performances très élevées
tant du point de vue des propriétés de transfert que du point de vue des résistances
mécaniques. L’exemple du pont Vasco de Gama construit sur l’estuaire du Tage à
Lisbonne constitue un bon exemple : les bétons dosés à 430 kg/m3 d’un ciment
contenant 22 % de cendres silico-alumineuses peuvent atteindre des coefficients
de diffusion proches de 10–13m2.s–1 et des perméabilités à l’oxygène inférieures à
10–18m2 [LIN 05], valeurs correspondant à des bétons de durabilité élevée selon le
guide AFGC pour la mise en œuvre d’une approche performantielle sur la base
d’indicateurs de durabilité [AFG 04].
En ce qui concerne les fumées de silice, leur emploi a également un impact favo-
rable sur la tenue des bétons vis-à-vis des attaques sulfatiques. La figure 12.16,
établie à partir des travaux de Tang et al. [TAN 92], montre une diminution im-
portante du coefficient de diffusion des ions chlorure en fonction de la teneur en
fumées de silice. Comme dans le cas du laitier de haut-fourneau et des cendres vo-
lantes, l’action bénéfique de cette addition est due à la consommation rapide de la
chaux libérée par l’hydratation du ciment et à la formation concomitante de C-S-
H de rapport CaO/SiO2 plus faible, d’une part, et à l’accroissement important de
compacité du matériau, d’autre part. Cet accroissement est en relation avec l’éten-
due granulaire très large des formulations incorporant des particules aussi fines
que les fumées de silice ( 0,1 µm en moyenne), pourvu bien entendu que la teneur
en fines soit optimisée [BAR 99a].

652
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

100
25 MPa
35 MPa
50 MPa
60 MPa
70 MPa

100
10
Log D (.10–13 m2/s)

Coefficient de diffusion (.10-13 m2/s)


30
1
10

2
1 3
Fumées de silice 3

1 1 0%
2 6%
3 12 % 4
0,3
4 24 %

0,1 0,1
0 10 20 30 40 50 1 2 5 10 20 50 100 200
Teneur en cendres volantes (%) Âge (jours)
Figure 12.15 : coefficient de diffusion à Figure 12.16 : évolution du coefficient
28 jours des ions chlorure en fonction de diffusion des ions chlorure en fonction
de la teneur en cendres, de différentes du temps dans des BHP contenant des
classes de béton, dosages croissants en fumées de silice,
d’après Dhir et al. [DHI 93]. d’après Tang et al. [TAN 92].
Les coefficients de diffusion sont mesurés par un essai accéléré de migration sous champ électrique.
Quelle que soit la classe de béton, l’addition de cendres volantes réduit de façon notable le coefficient
de diffusion bien que la mesure à l’échéance de 28 jours soit peu favorable aux cendres qui ne libèrent
leur potentiel hydrauliques que tardivement ( 90 jours). La réduction est de près de deux ordres de
grandeur dans le cas du BHP (70 MPa) à 30 % de cendres. Elle est également importante pour les
bétons courants ( 35 MPa). Les fumées de silice réduisent également fortement le coefficient de dif-
fusion des ions chlorure : par exemple, dans le cas présenté, l’addition de 12 % de fumées de silice
réduit le coefficient de diffusion à 28 jours d’un ordre de grandeur ; l’addition de 24 % de fumées de
silice réduit le coefficient de diffusion à 200 jours de deux ordres de grandeur.

En ce qui concerne les pouzzolanes naturelles, pourvu que leur


« pouzzolanicité », ait été contrôlée, leurs effets sont voisins de ceux décrits pour
les autres additions : effet chimique de consommation de la chaux et de produc-
tion de C-S-H moins basiques, effet physique d’accroissement de compacité. Ce
type de matériau, peu utilisé en France mais très répandu en Italie a été bien étudié
par Massazza [MAS 93].
Les métakaolins, obtenus par activation d’argiles kaoliniques à des températures
comprises entre 700 °C et 800 °C, constituent des pouzzolanes efficaces vis-à-vis
de la durabilité des bétons et de l’attaque sulfatique [SIN 06]. Leur incorporation
au ciment dans des proportions comprises entre 10 et 20% en masse, entraîne un
déplacement de la porosité de la pâte de ciment vers les pores les plus fins, un ac-

653
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

croissement de la teneur en C-S-H, une diminution de la teneur en Ca(OH)2


[AMB 94].
À propos de la résistance des ciments à base d’argiles naturelles calcinées et de
fumées de silice, il convient de rappeler les travaux de Ganjian et al. [GAN 05] et
de Lee et al. [LEE 05] déjà cités, qui mettent en doute l’efficacité de ces additions
vis-à-vis de la résistance aux solutions de sulfates de magnésium.
En ce qui concerne les calcaires, qui réagissent très peu avec les hydrates du ci-
ment [MOR 82], et indépendamment de l’effet de dilution, l’effet peut être essen-
tiellement un « effet filler », c’est-à-dire un accroissement de compacité si la
quantité ajoutée au béton est optimisée [BAR 99a]. Par ailleurs, il y a lieu de rap-
peler la possibilité de formation de thaumasite (une forme d’attaque sulfatique
présentée au paragraphe 3.4) si le béton se trouve dans des conditions environne-
mentales favorables à cette réaction (température < 15 °C, humidité élevée…).
Les dégradations par les sulfates ont lieu selon deux processus principaux inter-
dépendants :
– lixiviation des constituants calciques Ca(OH)2 et C-S-H du liant ;
– précipitation de sels pouvant provoquer de l’expansion : gypse et surtout et-
tringite.
L’ettringite existe sous différentes formes dans le béton et sa présence n’est pas
le signe automatique d’une attaque sulfatique. Son caractère expansif ou non dé-
pend des conditions physico-chimiques de sa formation en relation avec la com-
position chimique et minéralogique du ciment (teneurs en C3A, C3S, SO3…), la
formule du béton (dosage en ciment, E/C, teneur en fines…) et les conditions en-
vironnementales (nature du sulfate, température, hygrométrie…).
Le mécanisme d’expansion, non complètement élucidé, est en relation avec les
pressions de cristallisation élevées développées, au niveau des sites réactifs (alu-
minates anhydres ou hydratés), dans des espaces microporeux et confinés de la
pâte de ciment où règnent des conditions de sursaturation vraisemblablement
très élevées.
L’utilisation d’additions minérales (laitier de haut-fourneau, cendres silico-alu-
mineuses, fumées de silice, pouzzolanes) consommatrices de chaux, productrices
de C-S-H abondants de rapport CaO/SiO2 plus faibles et pouvant contribuer à
l’accroissement de la compacité du béton, permet de réduire les risques de dé-
gradation.

3.4. La formation de thaumasite : un cas particulier d’attaque sulfatique


La thaumasite est un sulfo-silico-carbonate de calcium de formule générale
CaSiO3.CaSO4.CaCO3.15H2O. C’est un minéral rare à l’état naturel que l’on peut
trouver dans certaines roches métamorphiques ayant subi des transformations

654
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

d’origine hydrothermale. La formation de ce composé, qui a pu être observé dans


des mortiers (maçonneries anciennes) et des bétons (fondations, pieux, tunnels…),
peut engendrer des dégradations importantes. Toutefois la présence de thaumasite
n’est pas toujours associée à des dégradations, ce qui a conduit, en Grande Breta-
gne, à distinguer une forme nocive et une forme non nocive [CRA 02].
La formation de thaumasite nécessite :
– une source d’ions calcium : portlandite ou silicates de calcium (C-S-H) ;
– une source d’ions sulfate : sulfates d’origine interne ou externe ;
– une source de silice : C-S-H ou autre forme de silice réactive ;
– une source d’ions carbonate : CaCO3 (calcite), CO2 atmosphérique, CO2 dis-
sout ;
– de l’eau en quantité suffisante pour assurer le transport des espèces réactives ;
– une température inférieure à 15 °C.
Par ailleurs, la présence d’alumine (provenant en particulier du C3A du ciment),
non nécessaire intrinsèquement, accélère sa formation.
Bien que les deux minéraux soient souvent associés (et confondus !), les mécanis-
mes de formation de la thaumasite et de l’ettringite ainsi que les dégradations
qu’elles provoquent sont tout à fait différents.
On rappelle (cf. § 3.3.3 à 3.3.5) que l’ettringite se forme par réaction avec les alu-
minates anhydres ou hydratés du liant pour donner le composé
3CaO.Al2O3.3CaSO4.32H2O qui, lorsqu’il précipite en milieu confiné, peut pro-
voquer des contraintes localisées, des gonflements et des fissurations. Dans ce
processus, les aluminates jouent un rôle prépondérant.
Dans le cas de la thaumasite, les composés subissant les transformations les plus
importantes sont les C-S-H, qui sont consommés dans les réactions avec les sul-
fates et les carbonates décrites ci-dessous. Le résultat observé est un composé ri-
che en silice, en carbonate et en sulfate mais ne contenant pas (ou très peu)
d’alumine. Par ailleurs la désagrégation du béton se traduit par la formation d’un
produit sans cohésion, de consistance molle, résultant essentiellement de la dégra-
dation des C-S-H. Un exemple de béton dégradé par formation de thaumasite est
donné par la figure 12.17.
Selon Bensted [BEN 99, BEN 03], la thaumasite peut se former selon deux voies
différentes : formation directe à partir des C-S-H qui réagissent avec les ions
SO42-, CO32–, Ca2+ et un excès d’eau ; ou formation à partir de woodfordite, so-
lution solide résultant de la réaction de l’ettringite avec les C-S-H, les ions carbo-
nate et les ions Ca2+.

655
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

La réaction chimique directe à partir des C-S-H peut s’écrire :


Ca3Si2O7.3H2O + 2(CaSO4.2H2O) + CaCO3 + CO2 + 23H2O →
Ca6[Si(OH)6]2(CO3)2(SO4)2.24H2O
ou encore :
Ca3Si2O7.3H2O + 2(CaSO4.2H2O) + 2CaCO3 + 24H2O →
Ca6[Si(OH)6]2(CO3)2(SO4)2.24H2O + Ca(OH)2
La formation à partir de la woodfordite peut s’écrire :
Ca6[Al(OH)6]2.(SO4)3.26H2O + Ca3Si2O7.3H2O + CaCO3 + CO2 + xH2O →
Ca6[Si(OH)6]2(CO3)2(SO4)2.24H2O + CaSO4.2H2O + Al2O3.xH2O + 3Ca(OH)2
et :
Ca(OH)2 + CO2 → CaCO3 + H2O
Köhler et al. [KÖH 06] ont également montré la possibilité de formation de la
thaumasite à partir de l’ettringite suivant un processus de nucléation de la thau-
masite sur la surface de l’ettringite favorisé par les similitudes de structure cris-
talline des deux composés. C’est la raison pour laquelle la teneur en C3A joue un
rôle important dans les processus de dégradation en favorisant plus ou moins la
cristallisation transitoire d’ettringite et par conséquent la formation de thaumasite
[TRÄ 03].
La formation de thaumasite à partir de l’ettringite a été observée en particulier
dans des ouvrages anciens où elle constituait le stade ultime des dégradations
[REG 78].
La structure cristallographique et la morphologie de la thaumasite présentent de
très grandes analogies avec celles de l’ettringite avec laquelle elle peut être con-
fondue. Leurs formules respectives peuvent s’écrire :
Ca6[Si(OH)6]2.(CO3)2.(SO4)2.24H2O pour la thaumasite
Ca6[Al(OH)6]2.(SO4)3.26H2O pour l’ettringite
L’analyse par diffraction des rayons X permet de les distinguer par les raies prin-
cipales relativement proches, données dans le tableau 12.8. Le faciès cristallin de
la thaumasite est illustré par la figure 12.18.

656
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

Figure 12.18 : thaumasite observée au


Figure 12.17 : béton dégradé par
microscope électronique à balayage
formation de thaumasite. Perte totale
(MEB). Formation en baguettes trapues
de cohésion. Mise à nu de l’armature.
(photo LERM).
Exemple de dégradation du béton constitutif des fondations d’un bâtiment par formation de thauma-
site. Le béton est de classe C 30/35, formulé avec des granulats calcaires et un ciment de type CEM
II/A-L avec fillers calcaires : la présence de sulfates associée à un environnement très humide où pou-
vait régner des températures largement inférieures à 15 °C, a entraîné la dégradation rapide du béton
par formation du produit «boueux» sans cohésion, caractéristique de ce type d’attaque sulfatique,
mettant en danger la stabilité du bâtiment (figure 12.17). Le produit boueux est formé de cristaux de
thaumasite auxquels peuvent être associés de l’ettringite, et des C-S-H dégradés.

Tableau 12.8 : principales raies de diffraction de rayons X de la thaumasite


et de l’ettringite [COL 99].

Thaumasite Ettringite
2θ Cu kα Intensité relative 2θ Cu kα Intensité relative

9,15 100 9,08 100


16,00 45 15,75 80
32,98 35 32,25 40

Bien que les cas de dégradation recensés en France jusqu’à présent soient très ra-
res, le risque « thaumasite » est à prendre en considération dans des situations bien
précises.
La formation de thaumasite a été constatée dans des maçonneries anciennes où,
lors de réparations, ont été utilisés des liants à base de chaux et de pouzzolanes ou
des ciments Portland : l’hydratation de ces liants et leur carbonatation donne lieu
à formation de C-S-H, d’aluminates hydratés et de CaCO3. En présence d’eau et
de sulfates, ces composés peuvent conduire à la formation d’ettringite et/ou de
thaumasite [COL 99].
La thaumasite a été identifiée également dans les piles de béton d’un bâtiment
scientifique construit dans l’Arctique [BIC 99] : l’environnement sulfatique et la

657
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

température proche de 0 °C en été, lors de la fonte du permagel1, a permis la for-


mation de thaumasite qui s’est traduite par la transformation partielle du béton en
un produit « boueux » sans résistance mécanique.
En Grande-Bretagne, plus de 60 cas de dégradation par formation de thaumasite
ont été recensés [CRA 02] dans des ouvrages aussi différents que des maçonne-
ries, des fondations, des dalles exposées à des sols sulfatiques, des couches de
base routières, des conduites d’eaux usées, des revêtements de tunnels ainsi que
des fondations de ponts d’une autoroute. Les constructions concernées couvrent
une période de 30 années. Le groupe d’experts missionné par le gouvernement
britannique pour étudier cette forme d’attaque sulfatique a conclu à l’importance
du phénomène et préconisé un certain nombre de recommandations relatives au
diagnostic ainsi qu’aux mesures de traitement et de prévention [TEG 02]. Ces re-
commandations ont été reprises dans un document publié par la British Cement
Association [BCA 05].
Les sources de carbonate nécessaires à la formation de thaumasite peuvent être le
CO2 atmosphérique ou le CO2 dissout dans les eaux d’infiltration. Mais assez fré-
quemment les désordres observés sont en relation avec la présence dans les bétons
de fines calcaires provenant soit du ciment (type CEM II/A-L ou LL), soit d’ad-
ditions, soit encore des granulats. Ceci est attesté par de nombreuses études, parmi
lesquelles celles de Justnes [JUS 03], de Trägärdh [TRA 03], Kakali et al.
[KAK 03], Bensted [BEN 99].
Les travaux importants de N.J. Crammond en particulier [CRA 97, CRA 06] ont
montré le rôle joué par les fines calcaires présentes dans le béton dans la forma-
tion de thaumasite. Ces fines peuvent provenir soit des additions, soit de l’utilisa-
tion de granulats calcaires plus ou moins durs. Les tests en laboratoire [CRA 97]
sur des mortiers 1/3, de rapport E/C = 0,6 fabriqués à partir de ciments Portland
contenant des quantités croissantes de C3A (0, 5, 9, 10 et 13 %) et de filler calcaire
(0, 5, 20, 25 et 35 %), conservés dans des solutions de sulfates (MgSO4, CaSO4,
Na2SO4 et eau de mer artificielle) de concentrations variables et à différentes tem-
pératures (5, 10, 15 et 20 °C) ont donné les résultats suivants :
– les dégradations sont plus importantes à 5, 10 et 15 °C qu’à 20 °C dans toutes
les solutions, à des degrés divers ;
– les mortiers à base de ciment à 13 % de C3A se dégradent rapidement quelles
que soient les proportions de filler. Les composés formés sont le gypse et l’ettrin-
gite ;

1. Permagel : sol des régions froides gelé en permanence à une certaine profondeur.

658
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

– la dégradation des mortiers à base de ciment à 9 et 10 % de C3A est corrélée à


la teneur en filler. Les composés formés sont la thaumasite, l’ettringite et le
gypse ;
– la dégradation des mortiers à base de ciment à 5 % de C3A est plus lente. Elle
est également corrélée à la teneur en filler. Le composé formé est principalement
la thaumasite surtout dans les mortiers à fortes teneurs en filler ;
– la dégradation des mortiers à base de ciment résistant aux sulfates (0 % de
C3A) est également plus lente. Elle n’est observée que dans le mortier ayant la
teneur la plus élevée en filler (35 %) où les composés formés sont essentielle-
ment la thaumasite et le gypse.
Des essais ont également été effectués sur des bétons à base de granulats calcaires
de différentes origines (jurassique, carbonifère et calcaire dolomitique) et d’un
granulat siliceux pris comme référence. Les bétons, formulés pour être résistants
aux sulfates suivant les recommandations du Building Research Establishment
[BRE 05], ont été préparés à partir des ciments suivants : ciment résistant aux sul-
fates (0 % C3A), ciment aux cendres (CEM I à 6,4 % de C3A + 25 % et 40 % de
cendres), ciment au laitier (CEM I à 6,4 % de C3A + 70 % et 90 % de laitier de
haut-fourneau). Différents dosages en ciment ont été testés : 330 et 370 kg/m3
pour le ciment résistant aux sulfates ; 300, 340 et 380 kg/m3 pour les ciments avec
ajouts. Les bétons ont été conservés dans des solutions de MgSO4 et Na2SO4 de
faible et forte concentration (1,8 % et 0,42 % de SO4) à 5 °C et 20 °C. Les résultats
obtenus sont les suivants :
– après un an d’immersion à 5 °C dans les différentes solutions sulfatiques, les
bétons à base de ciment résistant aux sulfates et de ciments aux cendres sont déjà
significativement dégradés. Pour ces deux types de ciments, l’augmentation du
dosage en ciment a un effet favorable. Le composé formé est surtout la thauma-
site. Après 3 ans d’immersion, les dégradations se sont fortement accentuées en
particulier dans le cas du calcaire dolomitique. Aux mêmes échéances, les bétons
de granulats siliceux sont sains ;
– tous les bétons à base de ciments au laitier de haut-fourneau ont un très bon
comportement. Aucune formation de thaumasite n’y est observée ;
– à 20 °C, tous les bétons, quels que soient les ciments et les granulats, restent
exempts de dommages, confirmant l’importance de la température dans le pro-
cessus de dégradation.
Les conclusions générales de ces essais sont les suivantes :
– dans les environnements sulfatiques, en présence d’eau, et à basse température
(< 15 °C), les mortiers et les bétons contenant des fines calcaires provenant

659
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

d’additions minérales ou des granulats peuvent se dégrader par formation de


thaumasite ;
– ce type de dégradation peut se produire avec des ciments Portland pauvres en
C3A ou des ciments à base de cendres volantes ;
– par contre, les ciments à forte teneur en laitier de haut-fourneau sont résistants ;
– le dosage en ciment joue un rôle important : un dosage élevé, qui se traduit par
un accroissement de la compacité du béton, ralentit les réactions.
Ces résultats ont conduit le Building Research Establishment en Grande-Bretagne
[BRE 05] à restreindre l’utilisation des ciments contenant des fillers calcaires aux
environnements sulfatiques de faible agressivité. En France, indépendamment de
toute référence au risque de formation de thaumasite, la norme NF P15-317 relati-
ve aux ciments pour travaux à la mer ou en environnements sulfatiques faiblement
ou modérément agressifs, limite à 10 % la quantité de filler calcaire dans les ci-
ments CEM II/A. Par ailleurs, le tableau NA.F1 de la norme NF EN 206 limite le
rapport A/(A+C) où A représente la quantité d’addition calcaire et C la quantité de
ciment (exclusivement CEM I 42,5 ou 52,5), à 5 % dans les bétons immergés en
eau de mer. Par ailleurs, les additions calcaires ne sont pas autorisées dans les bé-
tons destinés aux environnements chimiquement agressifs (XA1, XA2 et XA3).
En tout état de cause, bien que l’attaque sulfatique par formation de thaumasite
ait été peu souvent signalée en France jusqu’à présent, le risque est à prendre en
compte chaque fois que les conditions requises pour la formation de ce minéral
sont réunies : source de sulfates, source de carbonates (en particulier fines calcai-
res), présence d’eau, basses températures (< 15 °C). Le risque est le plus élevé
pour les bétons enterrés dans des sols contenant des sulfates (fondations, pieux,
piles de pont…), ou en contact avec un encaissant où circulent des eaux chargées
en sulfates (tunnels).
Les principales mesures préventives sont :
– la confection de bétons compacts ;
– éviter dans la mesure du possible la présence de fines calcaires dans le béton ;
– choisir un ciment adapté, sachant que les CEM I ES à faible teneur en C3A ne
permettent pas d’éviter le risque thaumasite ; les ciments de type CEM III à forte
teneur en laitier de haut-fourneau sont résistants à ce type d’attaque ;
– éviter autant que possible les infiltrations d’eau.
La formation de thaumasite, CaSiO3.CaSO4.CaCO3.15H2O, est une forme par-
ticulière d’attaque sulfatique. Elle peut provoquer la dégradation des bétons
dans les conditions suivantes : température inférieure à 15 °C, présence d’eau,
existence de sources de sulfates, de carbonates (fines calcaires ou CO2 atmosphé-
rique ou dissout), de silice réactive (C-S-H). Le mécanisme de dégradation est es-

660
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

sentiellement une destruction des C-S-H entraînant leur transformation en un


produit sans cohésion ayant la consistance d’une boue. La thaumasite est sou-
vent accompagnée d’ettringite avec laquelle elle présente de grandes analogies
de structure et de faciès cristallin et à partir de laquelle elle peut se former.
Les principales mesures préventives vis-à-vis de ce type d’attaque sont la formu-
lation d’un béton compact, le choix d’une formule de béton évitant autant que
possible la présence de fines calcaires, l’utilisation de ciments à forte teneur en
laitier de haut-fourneau et une protection de l’ouvrage contre les venues d’eau.

3.5. Attaques d’origine biochimique


3.5.1. Cas des eaux usées
Dans les réseaux d’assainissement la présence d’hydrogène sulfuré H2S, suscep-
tible de s’oxyder en acide sulfurique H2SO4, peut être à l’origine de dégradations
du béton. L’origine de H2S gazeux, non agressif en tant que tel, se trouve dans les
eaux résiduaires qui contiennent de nombreux composés soufrés sous forme or-
ganique (protéines animales ou végétales) ou inorganique (sulfates et sulfonates
apportés par les détergents). Ces eaux transportent des quantités importantes de
bactéries, en particulier des bactéries sulfato-réductrices à l’origine de la forma-
tion de sulfures solubles par réduction des composés soufrés. Dans un milieu pau-
vre en oxygène, cela entraîne le dégagement d’hydrogène sulfuré.
Sur la paroi interne de l’élément concerné se forme une masse gélatineuse adhé-
rente : c’est le biofilm d’une épaisseur de 1 à 3 mm environ, dont la composition
dépend de la quantité d’oxygène dissout dans l’effluent, qui détermine elle-même
l’importance du dégagement d’H2S.
Lorsque le milieu est suffisamment oxygéné ([O2] > 0,1 mg/L), les sulfures géné-
rés par les bactéries sulfato-réductrices sont oxydés et maintenus en solution, sans
dégagement d’hydrogène sulfuré.
Lorsque le milieu est pauvre en oxygène ([O2] < 0,1 mg/L), les sulfures provenant
de la réduction des composés soufrés par les bactéries sulfato-réductrices ne sont
pas tous oxydés. L’accroissement de la concentration en sulfures solubles conduit
au dégagement d’hydrogène sulfuré gazeux. Le phénomène est décrit par la
figure 12.19.
Dans le processus d’attaque du béton interviennent principalement les sulfo-bac-
téries de type «thiobacillus thiooxydans» (ou «concretivorus») dont la particula-
rité est d’utiliser l’hydrogène sulfuré dans leur métabolisme et de le rejeter sous
forme d’acide sulfurique H2SO4, très agressif vis-à-vis du béton suivant un dou-
ble mécanisme d’attaque acide et d’attaque sulfatique schématisé ci-après :

661
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Ca(OH)2 + H2SO4 → CaSO4 + 2H2O


et
3CaO.Al2O3 + CaSO4 + 32H2O → 3CaO.Al2O3.3CaSO4.32H2O
L’attaque acide conduit à la dissolution de la chaux de l’hydroxyde de calcium et
des C-S-H. L’attaque sulfatique conduit à la formation d’ettringite pouvant être
expansive. Dans certains cas, la présence de soufre élémentaire, associé au gypse
et à l’ettringite, peut être observée. En outre, la présence d’acide peut provoquer
la dépassivation des aciers d’armatures et leur corrosion.

Condensation
de l'acide
Transfert H2S sur les parois
Oxydation en H2SO4

AIR
H2S diffusant dans l'air

Biofilm

Zone d'écoulement laminaire


Paroi

Zone de production de sulfures


du tuyau
OXYGÈNE DIFFUSANT DANS L'EAU
EAUX USÉES
Oxygène dissous inférieur à 0,1 mg/L
Présence de sulfures dissous, HS, H2S
Zone anaérobie inactive

Épuisement de l'oxygène dans la zone laminaire

Diffusion de sulfates et de nutriments, production de sulfures

Diffusion des sulfures dans l'effluent

Figure 12.19 : mécanisme des attaques biochimiques.


Effluent pauvre en oxygène dissout, d’après [COL 87].
En présence d’une concentration suffisante en oxygène, le biofilm formé sur la paroi de la canalisation
est constitué de trois zones : zone aérobie dans la zone d’écoulement laminaire, zone anaérobie où
les sulfates venant de l’effluent sont réduits par les bactéries sulfato-réductrices, zone anaérobie inac-
tive au contact de la paroi. Lorsque la teneur en oxygène dissout est trop faible, la partie du biofilm
contenant les bactéries aérobies disparaît. Les sulfures provenant de la réduction des composés sou-
frés par les bactéries sulfato-réductrices ne sont plus oxydés. L’augmentation de la concentration en
sulfures solubles conduit à la formation d’H2S consommé dans le métabolisme des sulfo-bactéries qui
le rejettent sous forme d’acide sulfurique.

662
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

Les remèdes sont la fabrication de bétons compacts peu perméables, de diffusivité


faible, le choix de ciments adaptés (ciments au laitier de haut-fourneau, aux cen-
dres volantes…) et de granulats résistants aux acides. L’emploi de bétons ou re-
vêtements à base de ciment alumineux fondu peut également constituer une bonne
solution (cf. chapitre 14).
Par ailleurs, pour réduire la production de sulfures dans les effluents, il existe des
techniques éprouvées qui passent par le traitement de l’effluent lui-même : l’ap-
port d’eau oxygénée ou de sulfate ferreux est le plus pratiqué.
3.5.2. Cas des effluents agricoles et agro-alimentaires
Les effluents agricoles et agroalimentaires (lisiers, jus d’ensilage, lactosérum…)
sont des produits constitués initialement de matières organiques complexes, qui,
sous l’action de bactéries identifiées, aérobies ou anaérobies, sont transformés en
acides organiques [BER 04a].
Dans les lisiers, les bactéries identifiées sont principalement les clostridium sul-
fitoréducteurs, les entérobacters (coliformes dont Escherichia coli), et les strepto-
coques fécaux. Les processus biologiques liés aux activités bactériennes
produisent notamment des acides gras volatils (acides acétique et propionique
principalement), du dioxyde de carbone et du dihydrogène. Au cours d’un stoc-
kage de longue durée du lisier, les acides gras volatils sont progressivement dé-
gradés en CH4 (méthane) et CO2. Bien que fluctuante en fonction de
l’alimentation des animaux, du temps de stockage ou du taux de dilution des li-
siers, la concentration totale en acides est de l’ordre de la dizaine de grammes par
litre. De fait, le pH des lisiers varie entre 5 et 8, ce qui en fait un produit agressif.
Pour l’ensilage, les principales bactéries concernées sont les bactéries homéofer-
mentaires telles que lactobacilles ou streptocoques, les lactobacilles représentant
40 à 70 % des bactéries de l’ensilage. Ces bactéries transforment en conditions
anaérobies les sucres solubles du fourrage vert en acide lactique principalement, et
en acide acétique. Ces réactions de transformation s’accompagnent donc d’une
acidification, se manifestant par la chute du pH du milieu en dessous de 4 (le faible
niveau de pH des jus d’ensilage est un des critères de qualité de la fermentation).
Le lactosérum est la phase aqueuse qui se sépare de la phase solide (le caillé) lors
de la fabrication des fromages. Il renferme des ferments lactiques, qui sont géné-
ralement des Streptococcus, des Lactobacillus ou des Leuconostocs. Comme pour
les jus d’ensilage, l’activité bactérienne conduit à une acidification, le lactosérum
voyant son pH descendre en dessous de 4.

663
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Compte tenu des différences de pH finaux des jus obtenus, les attaques acides vis-
à-vis des matériaux cimentaires vont conduire à des résultats sensiblement diffé-
rents [BER 05b] :
– dans le cas du lisier, l’altération se traduit par la combinaison de deux phéno-
mènes : une progressive dissolution des phases initiales de la pâte de ciment avec
une décalcification partielle liée à l’exposition de la matrice à la solution de pH
6-8, et une carbonatation intense de la matrice liée à la respiration des bactéries.
La carbonatation des échantillons, rendue possible par les niveaux de pH, permet
de limiter les cinétiques de dégradation et l’intensité de la décalcification de la
matrice ;
– pour les lactosérums, ou les jus d’ensilage, pour lesquels le pH est de 4, les
mécanismes d’altération se traduisent par une décalcification quasi-totale de la
matrice (figure 12.20) et sont très similaires à ceux obtenus au cours de l’agres-
sion par les acides organiques à pH 4. La zone dégradée des échantillons est
constituée d’oxydes de silicium, aluminium et fer et sa structure est quasi amor-
phe. Ainsi, l’action des acides organiques est prépondérante et les bactéries ne
semblent pas d’avoir d’effet spécifique majeur.
Pour ces environnements, la portlandite étant le premier hydrate attaqué, il con-
vient d’en limiter la teneur en privilégiant les ciments à forte teneur en C2S et les
additions à caractère hydraulique latent (laitier) ou pouzzolanique (cendres volan-
tes, fumées de silice…). Par ailleurs, il convient de fabriquer des bétons compacts
peu perméables, de diffusivité faible, incorporant des granulats résistants aux aci-
des (voir § 3.2 « acides organiques »).

664
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

Échantillon
90 Échantillon immergé 35
témoin
Zone dégradée Zone saine
80
30

70
% Oxydes Tot, CaO, SiO2

% Oxydes Al2O3, Fe2O3, SO3


25
60
Zone 3 Z. 2 Zone 1

50 20

% Tot
40 % CaO 15
% SiO2
30 % Al2O3
% Fe2O3 10
% SO3
20

5
10

0 0
0 500 1 000 1 500 2 000 2 500 3 000 3 500 4 000
Distance à la surface (micromètres)

Figure 12.20 : composition chimique en CaO, SiO2, Al2O3, Fe2O3, SO3 et oxydes totaux,
d’une pâte de CEM I immergée dans le lactosérum (pH 4) pendant 4 semaines
en fonction de la distance par rapport à la surface, et de l’échantillon témoin,
d’après [BER 05b].
Les échantillons cylindriques (φ = 25 mm, h = 75 mm) de pâtes de ciment (E/C = 0,27), ont été con-
servés dans l’eau pendant 27 jours après le démoulage. Ils ont ensuite été immergés dans du lacto-
sérum prélevé en laiterie (rapport massique solide/liquide = 1/30, T° = 20 °C). Les analyses chimiques
ont été effectuées par microsonde électronique sur une section polie. Les diagrammes ont été corri-
gés par rapport à un témoin (titane).
La limite entre les zones 2 et 3 est caractérisée par une chute brutale de la teneur en calcium et de la
somme des teneurs en oxydes. La zone dégradée est constituée quasi exclusivement d’oxydes de
silicium, d’aluminium et de fer. Les teneurs absolues en aluminium et fer sont comparables à celles
du cœur dans la partie interne de la zone dégradée puis deviennent nulles dans la partie externe.
L’échantillon est alors constitué presque exclusivement de silice dans cette zone.

3.6. Autres milieux


Il n’est pas possible dans le cadre de ce chapitre de passer en revue toutes les si-
tuations possibles d’agression chimique. Seuls quelques milieux correspondants
à des cas rencontrés plus ou moins fréquemment seront évoqués ici. On se repor-
tera pour les autres cas à différents documents donnant des listes plus complètes
([BIC 72, KLE 60, PCA 01]
Pour l’ensemble de ces milieux, les règles générales qui permettent de réduire les
risques d’attaque chimique restent les mêmes que celles qui ont déjà été évoquées
précédemment : formulation de bétons compacts limitant le transfert des substan-

665
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

ces agressives (diffusivité, perméabilité et porosité réduites), choix de ciments


adaptés (réduction de la teneur potentielle en hydroxyde de calcium, utilisation
d’additions : laitier, cendres volantes…), mise en œuvre soignée accompagnée
d’une cure et d’un durcissement suffisants…
• Les nitrates. Sauf dans le cas des nitrates d’ammonium et d’aluminium, ces
sels sont peu agressifs. Ils agissent principalement par échange de base suivant la
réaction schématique :
Ca(OH)2 + 2XNO3 → Ca(NO3)2 + 2XOH
où X est le cation associé à l’ion nitrate. La formation d’un sel de calcium soluble
au détriment de la chaux des C-S-H et de la portlandite, entraîne une dégradation
plus ou moins importante de ces hydrates.
• Les sels d’ammonium, nitrate, chlorure, acétate, phosphate et sulfate, sont très
agressifs et réagissent suivant un mécanisme d’échange de base 2NH4+ → Ca++
illustré par la réaction suivante relative au nitrate d’ammonium présent dans les
engrais :
Ca(OH)2 + 2NO3NH4 → Ca(NO3)2 + 2H2O + NH3gaz
La réaction conduit à la formation de nitrate de calcium très soluble et à un déga-
gement gazeux d’ammoniac. La réduction de basicité due au dégagement d’am-
moniac empêche la réaction d’atteindre l’équilibre. La conséquence est un
lessivage progressif de la chaux de la portlandite et des C-S-H qui peut conduire
à une dégradation des propriétés mécaniques du béton. La réaction avec les alu-
minates conduit à la formation d’un nitro-aluminate de calcium
3CaO.Al2O3.Ca(NO3)2.10H2O [UKR 78].
Le chlorure d’ammonium ClNH4, qui donne lieu à la formation de chlorure de
calcium très soluble, est déjà agressif aux concentrations de 15 à 30 mg/L. Son
mécanisme d’action est voisin de celui du nitrate d’ammonium. La formation de
chloroaluminates de calcium 3CaO.Al2O3.CaCl2.10H2O est également possible.
Le sulfate d’ammonium, agressif par l’ion ammonium et par l’ion sulfate, donne
naissance au gypse CaSO4.2H2O qui, par réaction avec les aluminates peut con-
duire à la formation d’ettringite délétère.
• Les chlorures. Indépendamment de leur effet bien connu sur la corrosion des
aciers, et excepté le chlorure d’ammonium très agressif, ils peuvent être légère-
ment agressifs vis-à-vis du béton s’ils sont en forte concentration. Les travaux de
Smolczyk [SMO 68] ont montré que des bétons de ciment Portland immergés
dans des solutions concentrées de MgCl2 et de CaCl2 pouvaient être détruits par
formation d’oxychlorures (par exemple, oxychlorure de magnésium
3MgO.MgCl2.11H2O), les bétons à base de ciment de laitier étant résistants dans

666
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

les mêmes conditions. Les mêmes bétons conservés dans des solutions de chlo-
rure de potassium demeurent intacts.
Les différences de comportement entre chlorures dépendent du coefficient de dif-
fusion des ions Cl–, lui-même en relation avec le type de cation auquel ils sont
liés. Elles dépendent également du coefficient de diffusion des cations solvatés.
Ces coefficients de diffusion D se classent de la manière suivante [CAL 80] :
– en ce qui concerne les ions Cl– : DCl (MgCl2) > DCl (CaCl2) > DCl (LiCl) > DCl
(KCl) > DCl (NaCl) ;
– en ce qui concerne les cations : D (Mg2+) < D (Ca2+) < D (Na+) < D (K+).
Les mécanismes de dégradation mis en jeu sont essentiellement les suivants :
– dans le cas des chlorures de sodium et potassium : lixiviation du calcium de la
portlandite et des C-S-H et formation de monochloroaluminate de calcium ;
– dans le cas des chlorures de calcium et de magnésium : lixiviation du calcium
de la portlandite et des C-S-H et formation d’oxychlorures expansifs [SMO 68]
accompagnés de brucite Mg(OH)2 et de monochloroaluminate de calcium dans
le cas de MgCl2.
À la dégradation d’origine chimique peut s’ajouter une dégradation d’origine
physique due à la recristallisation des sels lorsque le béton est soumis à des cycles
de séchage/humidification, ou aux pressions osmotiques engendrées par les diffé-
rences de concentrations ioniques au sein du béton. Ce dernier mécanisme, obser-
vé dans les bétons en contact avec des sels de déverglaçage [PIG 95] et
accompagnant le phénomène d’écaillage est traité dans le chapitre 10 consacré au
béton en ambiance hivernale rigoureuse.
• Les phosphates, hormis les phosphates d’ammonium, forment avec la chaux
des sels insolubles et sont peu ou pas agressifs.
• Les oxalates, qui forment également des sels insolubles, n’attaquent pas le
béton.
• Les hydroxydes alcalins. Les solutions à 10 % d’hydroxyde de potassium, de
sodium ou d’ammoniac ne sont pas agressives vis-à-vis du béton de ciment Port-
land. Toutefois, l’accumulation par évaporation de sels sur la face opposée à la
face en contact avec la solution peut provoquer des dégradations par écaillage ou
desquamation. Le risque est faible pour les bétons compacts imperméables.
• Divers. Le tableau 12.9 résume l’action de quelques milieux peu courants.

667
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Tableau 12.9 : agressivité de quelques substances rencontrées


plus ou moins fréquemment.
Substance Agressivité Remarques
Béton compact, imperméable
Essence, kérosène, huiles légères Néant recommandé + éventuellement
traitement de surface
Huiles minérales Néant Sauf si présence d’acides gras
Huiles végétales : olive, cacahuète, lin,
Modérée Dégradation lente possible
margarine…
Huiles végétales : cacao, noix de coco, Dégradation en particulier si exposition
Modérée à forte
ricin, moutarde… à l’air
Graisses animales Modérée
Dégradation due à la présence d’acides
Déchets d’abattoir Modérée à forte
organiques
Solvants : alcools ethylique et méthyli- Béton imperméable recommandé
que, éther, acétone, trichloroéthylène… Néant et traitement de surface éventuel
Sulfure de carbone Modérée Dégradation lente possible
Glycérine Modérée Dégradation lente possible
Ammoniac liquide Néant Sauf si présence de sels d’ammonium
Dégradation lente possible en milieu
Ammoniac vapeur Modérée
humide + corrosion des aciers
Lait Néant Sauf ranci (acide lactique)
Présence possible d’acides organiques
Bière Modérée dus aux produits de fermentation
(lactique, acétique…)
Dégradation lente possible (acides
Cidre Modérée
organiques)
Dégradation lente possible (porcheries,
Fumier, purin… Modérée
étables…)
Vin Néant Traitement de surface par acide tartrique
Sucre sec Néant Traitement de surface
Solution Modérée Dégradation lente
Urée, Néant
Développement de substances acides
Urine Modérée au cours du vieillissement (porcheries,
étables…)
Dégradation lente due aux acides
Fourrage Modérée de fermentation : acétique, lactique,
butyrique …
Due à la formation d’acides carbonique,
Gaz d’échappement automobile Modérée nitrique et sulfureux en présence
d’humidité
Formation d’HCl en milieu humide,
Chlore gazeux Modérée à forte
attaque acide + corrosion des armatures

668
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

4. CAS DES BÉTONS EXPOSÉS AU MILIEU MARIN.


INTERACTIONS COUPLÉES
4.1. Importance du problème et multiplicité des facteurs agressifs
La durabilité du béton en milieu marin est une préoccupation importante : la Fran-
ce comporte plusieurs milliers de kilomètres de côtes et le nombre d’ouvrages
(bâtiments, zones portuaires, digues…) construits en bordure de mer ou dans la
bande littorale exposée à l’atmosphère marine représente un enjeu économique
notable.
Il s’agit également d’un problème complexe en raison du nombre de facteurs pou-
vant intervenir lors d’une attaque par l’eau de mer :
– complexité des conditions environnementales (immersion totale, marnage,
aspersion, embruns) ;
– complexité des réactions chimiques susceptibles de se produire en relation
avec la diversité des ions présents dans l’eau de mer (action simultanée des chlo-
rures, des sulfates, des carbonates), certaines réactions pouvant avoir un effet
atténuateur (carbonatation, précipitation de brucite Mg(OH)2) ;
– couplage avec des agressions physiques et mécaniques (cycles d’humidifica-
tion /séchage, gel, actions mécaniques des vagues, érosion…) ;
– par ailleurs, aux attaques physico-chimiques subies intrinsèquement par le
matériau béton, il y a lieu d’ajouter les dégradations possibles du béton dues à la
corrosion des aciers. Le phénomène de corrosion, traité en détail au chapitre 9,
est souvent la cause principale des dommages constatés sur les ouvrages en
milieu marin.
La figure 12.21 établie d’après P.K. Mehta [MEH 80] schématise assez bien les
différentes actions auxquelles peut être soumis un béton exposé à l’eau de mer.
Dans les zones immergées en permanence (XS2), l’agressivité chimique de l’eau
de mer vis-à-vis des bétons fabriqués suivant les règles de l’art est modérée et,
sauf conditions exceptionnelles (gel par exemple) les dégradations restent super-
ficielles. Dans ces zones, où le béton est constamment saturé, les risques de cor-
rosion des aciers sont également limités du fait du très faible coefficient de
diffusion de l’oxygène dans l’eau.
Les zones de marnage, les zones soumises à des projections ou des embruns
(XS3) sont les plus exposées en raison des actions physiques qui viennent se su-
perposer aux processus chimiques : effets mécaniques des vagues et érosion par
les sables et graviers, cycles d’humidification/séchage, variations de température
journalières et saisonnières, dissolution/recristallisation de sels (chlorure de so-
dium)… Les risques de corrosion des aciers sont également les plus importants
dans ces zones (classe d’exposition XS3 de la norme NF EN 206-1).

669
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Dans les zones aériennes (XS1), le béton est exposé à l’air véhiculant du sel marin
mais n’est pas en contact avec l’eau de mer.
Béton

Fissuration Zone aérienne


due à la corrosion
des aciers

Fissuration due au gel-dégel Marée haute


et aux gradients thermiques
et d'humidité

Abrasion due à l'action


des vagues, des sables,
des graviers et de la glace

Réaction alcali-granulat
et décomposition chimique
des hydrates Marée basse

Armature

Attaques chimiques :
– attaque par le CO2 Zone immergée
– attaque par les ions Mg
– attaque par les sulfates

Figure 12.21 : représentation schématique des différents processus d’attaque du béton


par l’eau de mer, d’après Mehta [MEH 80].

Le fascicule de documentation FD P18-011 précise que les dispositions à appli-


quer pour la formulation des bétons exposés à l’eau de mer visent à éviter à la fois
l’attaque chimique du matériau béton et la corrosion des armatures. Pour des rai-
sons pratiques elles sont données aux tableaux NA.F.1 et NA.F.2 de la norme NF
EN 206-1 dans les colonnes correspondant aux classes d’exposition XS1, XS2 et
XS3, bien qu’elles s’appliquent également au béton non armé. Le critère retenu
pour la choix de la classe d’exposition est donc le même que pour le cas de la cor-
rosion induite par les chlorures : exposition à l’air véhiculant du sel marin pour
XS1, en immersion permanente pour XS2 et dans la zone de marnage de projec-
tions ou d’embruns pour XS3. Ce choix implique une salinité implicite de l’eau
de mer, c’est celle rencontrée sur les côtes de la France métropolitaine.
4.2. Les données de l’observation et de l’expérience
L’eau de mer peut être considérée comme un électrolyte dont la concentration en
espèces dissoutes est élevée et dont la salinité varie largement d’une région à
l’autre. Le tableau 12.10 qui reprend les données de l’ARBEM [ARB 86], donne
l’étendue des variations de la salinité totale des mers, des océans et des grands
lacs.

670
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

Les principaux sels qui composent l’eau de mer sont les suivants :
– le chlorure de sodium (NaCl) qui est prépondérant ;
– le chlorure de magnésium (MgCl2) ;
– le sulfate de magnésium (MgSO4) ;
– le sulfate de calcium (CaSO4) ;
– le chlorure de calcium (CaCl2) ;
– le carbonate acide de potassium (KHCO3).
Tableau 12.10 : salinité des différentes eaux de mer.
Origine Salinité en g/L
Mer Baltique 3à8
Mer Noire 18,3 à 22,2
Mer Blanche 26,0 à 29,7
Océan Atlantique 33,5 à 37,4
Océan Pacifique 34,5 à 36,9
Océan Indien 35,5 à 36,7
Mer Méditerranée 38,4 à 41,2
Mer Rouge 50,8 à 58,5
Lac Ontario 72
Mer Caspienne 126,7 à 185
Mer Morte 192,2 à 260
Lac Elton 265

Le tableau 12.11 indique la concentration de ces différentes espèces pour l’océan At-
lantique et la mer Méditerranée où le pH, légèrement basique, est compris entre 8 et 9.
Les observations sur le comportement des ouvrages à la mer sont extrêmement nom-
breuses : elles concernent aussi bien des éprouvettes immergées en eau de mer, dans
diverses stations expérimentales (La Rochelle [REG 75], Treat Island (USA) [MAL
87]) que des constructions en bordure de mer ou en pleine mer (plates-formes pétro-
lières). Voici les conclusions essentielles que l’on peut retenir des synthèses et des
rapports généraux établis lors de récents colloques [MEH 89, MEH 91].
Tableau 12.11 : composition des eaux de l’Atlantique, de la Méditerranée
et d’une eau de mer standard [WIL 75].
Atlantique Méditerranée Eau de mer standard
Espèce ionique
(g/L) (g/L) (g/L)
Cl– 17,8 21,4 20,06
Br– 0,2 0,07
SO42– 2,5 3,06 2,81
CO32– 0,14
Na+ 10 11,6 11,16
K+ 0,3 0,4 0,41
Ca2+ 0,4 0,47 0,42
Mg2+ 1,5 1,8 1,34

671
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

La durée de vie des constructions en béton soumises à un environnement marin


peut être très longue : beaucoup d’ouvrages sont encore en service après cinquan-
te à soixante-dix ans de service. Des longévités encore plus importantes sont
même observées: c’est le cas d’un quai long de deux mille cinq cents mètres situé
à Zeebrugge (Belgique), construit entre 1895 et 1907. Malgré un dosage assez fai-
ble en ciment (240 à 270 kg/m3) et le fait qu’il ait été bombardé pendant les guer-
res de 1914-1918 et de 1939-1945, il a été jugé apte à poursuivre son service, au
prix de quelques réparations mineures.
L’expérience européenne montre le rôle bénéfique que jouent les ciments au lai-
tier dans la résistance du béton au milieu marin.
Le paramètre essentiel de bonne tenue des bétons est leur compacité et leur struc-
ture poreuse. C’est probablement à ces deux facteurs qu’il faut attribuer la bonne
résistance, après soixante-six ans d’immersion, des blocs de béton des stations ex-
périmentales de La Rochelle et de Los Angeles, fortement dosés en ciment Port-
land (600 kg/m3), bien qu’il s’agisse de ciments riches en C3A (respectivement
14,9 % et 14 %). Dans le même temps, les blocs de béton peu dosés, donc moins
compacts, ont été soit détruits, soit fortement endommagés.
Une grande partie des dégradations détectées sur des ouvrages portuaires de pays
nordiques (Danemark, Norvège) est expliquée par l’absence d’air entraîné dans
les bétons conduisant à une fissuration par des cycles de gel-dégel et facilitant ain-
si l’amorçage de la corrosion.
Toutes ces observations convergent vers une même conclusion : les structures
marines construites en béton sont durables, à condition d’avoir choisi un ciment
adapté (NF P15-317), suffisamment dosé, d’avoir adopté un rapport E/C pas trop
élevé (0,55 et 0,50 respectivement pour les classes d’exposition XS2 et XS3 selon
la norme NF EN 206-1), d’avoir bien vibré le béton et de lui avoir assuré une cure
suffisante. Pour le béton armé, le respect des épaisseurs d’enrobage fixées par
l’Eurocode en fonction de la classe d’exposition est impératif afin d’éviter la cor-
rosion des armatures.
4.3. Les mécanismes d’attaques par les eaux de mer
L’attaque des ciments par l’eau de mer résulte de plusieurs mécanismes physico-
chimiques plus ou moins simultanés et interdépendants résumés par la
figure 12.22.

672
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

ACTION DES CHLORURES

NaCl MgCl2

Ca(OH)2 + 2NaCl lCaCl2 + 2NaOH Ca(OH)2 + MgCl2 oCaCl2 + Mg(OH)2


C-S-H + 2NaCl oCaCl2 + 2NaOH + silice C-S-H + MgCl2 oCaCl2 + C-M-S-H

Formation de CaCl2 sel soluble Échange Mg2+ œ Ca2+


Ÿ Lixiviation de la chaux de Ca(OH)2 et des C–S–H Ÿ Précipitation de brucite
Ÿ Accroissement de porosité (perméabilité, diffusivité) Mg(OH)2 insoluble
Formation de monochloroaluminates Colmatage partiel de la porosité
CaCl2 + C3A + 10H2O o C3A . CaCl2 . 10H2O Effet atténuateur
Transformation possible en ettringite au contact des sulfates Ÿ Formation de C-M-S-H
Ÿ gonflement sans propriétés liantes
Corrosion des aciers Corrosion des aciers

ACTION DES SULFATES

Ca(OH)2 + MgSO4 oCaSO4 + Mg(OH)2


C–S–H + MgSO4 oCaSO4 + C–M–S–H

Échange Mg2+ œ Ca2+ Formation de gypse secondaire


CaSO4 . 2H2O
Ÿ Lixiviation de la chaux de Ca(OH)2 et des C–S–H
Réaction avec les aluminates
Ÿ Accroissement de porosité
(aluminates anhydres et hydratés,
Ÿ Précipitation de brucite Mg(OH)2 insoluble
monosulfates, chloroaluminates)
Colmatage partiel de la porosité C3A + 3CaSO4 + 32H2O
et effet atténuateur de Mg(OH)2
o C3A . 3CaSO4 . 32H2O
Ÿ Formation de C-M-S-H non liants Ÿ Précipitation d'ettringite
Gonflement, fissuration

ACTION DU DIOXYDE DE CARBONE

2Ca(OH)2 + 2CO2 lCaCO3 + 2H2O

Formation de calcite et d'aragonite Formation de thaumasite


CaCO3 CaSO4 . CaSiO3 . CaCO3 . 15H2O
2Ca(OH)2 + 2CO2 lCaCO3 + 2H2O – en présence de CO2, de sulfates
Colmatage partiel de la porosité et de silice issue de la dégradation des C-S-H
Effet protecteur – par transformation d'ettringite

Figure 12.22 : les différentes actions de l’eau de mer sur le béton.

673
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

L’effet global n’est ni la somme des effets individuels, ni proportionnel à une ac-
tion isolée donnée.
Par exemple l’eau de mer est moins agressive qu’une solution de même concen-
tration en sulfate de magnésium en raison de la plus grande solubilité de l’ettrin-
gite et du gypse dans les solutions chlorurées ainsi qu’en raison de la formation
de chloroaluminates de calcium qui consomme une partie de l’alumine (du C3A
et des aluminates hydratés) et de la chaux nécessaires à la formation d’ettringite.
Les principaux mécanismes mis en jeu, fortement imbriqués, sont les suivants :
– dissolution et lixiviation du calcium des composés calciques du béton Ca(OH)2
et C-S-H ou redissolution de composés néoformés à différents niveaux du front
de dégradation (chloro-aluminates, sulfo-aluminates, gypse…). Ces réactions
provoquent un accroissement de la porosité du béton ;
– précipitation de produits pouvant être expansifs (ettringite), de composés inso-
lubles plus ou moins protecteurs (CaCO3, Mg(OH)2) ;
– échange de bases Ca++ ↔ Mg++ avec formation de brucite Mg(OH)2 insolu-
ble, et transformation des C-S-H initiaux en C-M-S-H plus ou moins riches en
magnésium.
L’action des différents sels considérés individuellement est schématisée ci-après.
ˆ Action du chlorure de sodium
Ce sel constitue 75 % à 85 % de la salinité respectivement pour l’océan Atlantique
et la mer Méditerranée. Son action est double :
– consommation des ions calcium de la portlandite et des C-S-H, par formation
de chlorure de calcium soluble complètement ionisé, schématisée par la réaction:
Ca(OH)2 + 2NaCl ↔ CaCl2 + 2NaOH
La dissolution de la chaux et la déstructuration des C-S-H provoquent un accrois-
sement de la porosité du matériau ;
– formation de monochloroaluminate de calcium C3A.CaCl2.10H2O, par réac-
tion des chlorures avec l’aluminate tricalcique C3A et les aluminates hydratés,
schématisée comme suit :
C3A + CaCl2 + 10H2O ↔ C3A.CaCl2.10H2O
La formation de monochloroaluminates, illustrée par la figure 12.23, n’est pas no-
cive en elle-même. Elle peut même jouer un double rôle atténuateur des réactions
de dégradation dans le béton : d’une part elle consomme une partie du C3A et des
aluminates hydratés qui ne sont alors plus disponibles pour la formation d’ettrin-
gite, composé pouvant être à l’origine du gonflement et de la fissuration du maté-
riau ; d’autre part, cette réaction également consommatrice de chlorures, permet
de réduire la concentration de cet ion au niveau des aciers et de diminuer ainsi les

674
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

risques de corrosion. Toutefois, la protection partielle apportée par le monochlo-


roaluminate peut n’être que temporaire en raison de sa transformation possible en
ettringite au contact des sulfates.

Figure 12.23 : plaquettes hexagonales de monochloroaluminate de calcium hydraté


formées par réaction entre C3A et le chlorure de sodium (photo CERILH).

La cristallisation du monochloroaluminate n’est pas nocive en elle-même mais traduit la dégradation


du matériau par la consommation d’ions calcium (issus de la portlandite et des C-S-H) qu’elle induit.
En présence des sulfates ces cristaux peuvent être redissouts et transformés en ettringite.

Indépendamment de ses actions purement chimiques (lixiviation de la chaux et


formation de monochloroaluminate), le chlorure de sodium peut avoir une action
physique : dans les zones de marnage et d’aspersion, les cycles d’ensoleillement
et d’humidification peuvent provoquer des séquences de recristallisation et disso-
lution du sel susceptibles d’être accompagnées de phénomènes d’écaillage.
ˆ Action du chlorure de magnésium
Indépendamment de son action dissolvante sur la chaux de la portlandite et des C-
S-H, la solution de ce sel dans l’eau de mer, conduit à la formation de brucite,
Mg(OH)2, par échange d’ions, suivant la réaction :
Ca(OH)2 + MgCl2 ↔ CaCl2 + Mg(OH)2
Mg(OH)2 est un composé insoluble qui précipite à la surface du béton et qui peut
ralentir plus ou moins la pénétration des ions agressifs dans le béton.
Par ailleurs, la réaction des chlorures avec les aluminates conduit également à la
formation de monochloroaluminate de calcium.
ˆ Action du sulfate de magnésium
Ce sel en solution dans l’eau de mer, est très agressif et donne lieu à différentes
réactions :
– réactions de dissolution et d’échange des ions Ca++ de la portlandite et des C-
S-H avec les ions Mg++ de l’eau de mer. Ces réactions conduisent à la précipita-

675
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

tion de brucite Mg(OH)2, à la transformation progressive des C-S-H en compo-


sés peu structurés ou mélanges de type C-M-S-H et M-S-H sans propriétés
liantes, ainsi qu’à la formation de gypse CaSO4.2H2O. La réaction de base avec
Ca(OH)2 peut s’écrire :
Ca(OH)2 + MgSO4 + 2H2O ↔ CaSO4.2H2O + Mg(OH)2
– réactions de précipitation d’ettringite pouvant être expansive, par réaction du
sulfate avec les aluminates du liant (C3A, aluminates hydratés) :
C3A + 3CaSO4.2H2O + 26H2O ↔ C3A.3CaSO4.32H2O
ˆ Action du dioxyde de carbone
Ce composé contenu dans l’eau de mer, sous forme en particulier de carbonate
acide de potassium, ou issu de l’atmosphère, agit sur les composés calciques du
béton (Ca(OH)2 et C-S-H). Il est à l’origine de la formation de carbonates de cal-
cium CaCO3 sous forme de calcite ou d’aragonite, composés peu solubles, pou-
vant avoir un effet atténuateur des réactions de dégradation.
Ca(OH)2 + CO2 + H2O ↔ CaCO3 + 2H2O
ˆ Formation de thaumasite
La thaumasite, CaSO4.CaSiO3.CaCO3.15H2O, composé pouvant être à l’origine
de gonflements, peut être présente dans les bétons dégradés par l’eau de mer. Elle
peut se former à partir des sulfates de l’eau de mer ou néoformés, de la silice li-
bérée par la dégradation des C-S-H, et du CO2 d’origine interne (granulats, fines
calcaires) ou externe (eau de mer, atmosphère). Elle peut également résulter d’une
transformation progressive de l’ettringite à laquelle elle peut se substituer au
cours du temps [REG 78]. Toutefois, les travaux de Yamada et al. [YAM 06] ont
montré que les chlorures de l’eau de mer pouvaient avoir un effet atténuateur sur
la formation de la thaumasite. Les conditions de formation de ce composé ont été
traitées précédemment (§ 3.4).
4.4. Les paramètres qui conditionnent la durabilité des bétons
en milieu marin
4.4.1. Paramètres environnementaux
• Composition de l’eau de mer : teneur en sels, sachant que cette teneur peut
varier largement non seulement d’un océan ou d’une mer à l’autre, mais égale-
ment selon la zone géographique considérée (zone côtière, pleine mer) en fonc-
tion de conditions climatiques locales (ensoleillement…).

676
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

• Conditions climatiques générales : cycles annuels et saisonniers (gel, enso-


leillement…), température (une élévation de température étant généralement un
facteur d’accélération des réactions chimiques).
• Zone d’exposition : immersion totale, semi-immersion, zone de marnage et
d’aspersion, zone d’embruns, choc des vagues, érosion par le sable…
4.4.2. Paramètres géométriques
• Nature et dimensions des éléments exposés : digues, piles, tabliers d’apponte-
ment, poutres…
• Épaisseur des éléments, arêtes, particulièrement sensibles aux attaques…
4.4.3. Paramètres en relation avec la formulation du béton
• La compacité est l’indicateur majeur de résistance aux agressions par l’eau de
mer. Elle est en relation avec la classe de résistance du béton. Elle est représentée
essentiellement par la porosité, la perméabilité et la diffusivité qui déterminent la
résistance à la pénétration des substances agressives dans le matériau.
• Le type de ciment. La norme NF P15-317 définit les critères d’aptitude des
ciments destinés aux travaux à la mer. Ces critères, valables également pour les
travaux en milieux sulfatiques moyennement agressifs, ont été présentés dans le
tableau 12.6. Outre la limitation des teneurs en C3A et en SO3, ce tableau fait
apparaître une limitation de la teneur en C3S, principale source de portlandite,
minéral vulnérable dans l’eau de mer.
C’est pourquoi les ciments composés à base de cendres volantes, de pouzzolanes
[MAS 93], de fumées de silice ou plus particulièrement de laitier granulé de haut
fourneau [GEI 00, REG 77], qui conduisent à des bétons moins riches en portlan-
dite, sont généralement bien adaptés aux travaux à la mer. On admet ainsi que les
ciments contenant au moins 60 % de laitier (CEM III/A, III/B et III/C) sont résis-
tants à l’eau de mer. Les prescriptions valables pour les ciments de teneurs en lai-
tier inférieures, ainsi que pour les autres ciments composés, sont rassemblées dans
le tableau 12.6 du paragraphe 3.3.7. Un exemple d’utilisation de ciment aux cen-
dres dans un ouvrage maritime est donné par la figure 12.24.

677
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Figure 12.24 : pont sur le Tage à Lisbonne. Béton à base de cendres volantes en milieu
marin. Fractographie au MEB. Liant compact : C-S-H denses, grain sphérique de cendre
(V) recouvert d’hydrates (C-S-H) et cristaux de portlandite lamellaires (P) (photo LERM).
Le pont construit sur l’estuaire du Tage à Lisbonne constitue un bon exemple d’utilisation de ciment
aux cendres volantes en environnement marin [LIN 05]. Pour cet ouvrage, dont la durée de vie prévue
est de 120 ans, un béton confectionné avec des granulats calcaires, dosé à 430 kg/m3 de ciment de
type CEM IV/A 32,5 prise mer contenant 22 % de cendres et de rapport E/C = 0,33 a été mis en œuvre
dans toutes les zones exposées (zones immergées, zones de marnage, zones d’embruns). Le suivi
de l’ouvrage depuis sa mise en service en 1998, montre que, sauf dans quelques zones d’importance
limitée par rapport à la dimension de l’ouvrage, le béton ne présente aucune dégradation chimique
significative. Les résistances mécaniques après 1 an dépassent fréquemment 60 MPa. La porosité à
l’eau est de l’ordre de 9 à 13%, la perméabilité à l’oxygène peut atteindre des valeurs aussi basses
que 10–19 m2 et le coefficient de diffusion des chlorures est de 0,5.10–12 après 36 mois.

En tout état de cause, l’indicateur majeur de durabilité du béton vis-à-vis de l’eau


de mer reste sa compacité telle que définie plus haut. C’est ainsi que des bétons
compacts fabriqués avec un ciment Portland sont toujours en bon état après un sé-
jour de soixante-dix ans dans l’océan Pacifique [MEH 86]. De même des bétons
de faible rapport E/C, dosés à 400 kg/m3 de ciments Portland de teneurs en C3A
comprises entre 5,9 % et 14,9 % sont toujours en bon état après vingt-six ans
d’immersion totale en mer Méditerranée. Seul un ciment dont la teneur en alumi-
nate tricalcique était de 15,4% a montré une diminution de résistances mécani-
ques au bout de 15 ans. Les résultats de cette étude, rapportés par Salomon
[SAL 87], sont donnés dans le tableau 12.12.
Bien entendu, ces résultats ne sont pas extrapolables aux conditions d’exposition
plus sévères (marnage, aspersion…) où le paramètre «compacité» reste néan-
moins primordial.

678
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

Tableau 12.12 : résistances mécaniques d’éprouvettes 7 × 7 × 28 cm de bétons


de rapport E/C = 0,425, dosés à 400 kg/m3, en immersion totale dans l’eau de mer
Méditerranée pendant 26 ans, d’après [SAL 87].

Teneurs en C3A du ciment Résistances en flexion Résistances en compression


(%) (MPa) (MPa)

5,9 8,1 44,4


6,2 6,0 35,5
13,9 8,6 46,4
14,9 7,0 38,3
15,4 3,2 28,2

L’eau de mer est intrinsèquement un milieu modérément agressif chimique-


ment.
Toutefois, dans les zones de marnage et d’aspersion, soumises aux cycles d’hu-
midification/séchage ainsi qu’aux effets mécaniques des vagues, le milieu doit
être considéré comme fortement agressif.
En raison de la multiplicité des ions en présence, les mécanismes d’attaque sont
complexes et très imbriqués :
– dissolution de la portlandite et lixiviation de la chaux des C-S-H ;
échanges Ca2+→ Mg2+ avec précipitation de brucite Mg(OH)2, insoluble, et
transformation progressive des C-S-H en C-M-S-H, sans propriétés liantes ;
– formation de monochloroaluminates de calcium C3A.CaCl2.10H2O. Précipita-
tion de gypse secondaire CaSO4.2H2O ;
– formation d’ettringiteC3A.3CaSO4.32H2O expansive par réaction des sulfates
avec les aluminates du ciment et par transformation des chloroaluminates ;
cristallisation de calcite ou d’aragonite CaCO3 ;
– formation de thaumasite CaCO3.CaSO4.CaSiO3.15H2O.
L’ensemble de ces réactions se traduit par un accroissement de la porosité du bé-
ton, par des gonflements et des fissurations, fortement aggravés par les cycles cli-
matiques, les effets mécaniques des vagues et éventuellement par la corrosion
des armatures.
La formation de brucite et de calcite à la surface du béton peut avoir un effet
atténuateur.
Les indicateurs majeurs de la durabilité en milieu marin sont :
– la compacité du béton qui conditionne sa perméabilité et sa diffusivité ;
– la teneur en C3A du ciment, limitée par la norme NF P15-317 ;
– la teneur potentielle en Ca(OH)2, les ciments avec constituants réduisant la te-
neur potentielle en portlandite (cendres volantes, pouzzolanes, laitier de haut-
fourneau…) étant favorables de ce point de vue.

679
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

5. SIMULATIONS NUMÉRIQUES DES PRINCIPAUX


MÉCANISMES D’ATTAQUE
Cette question est traitée dans le chapitre 4 du présent ouvrage, et ne sont donnés
ici que les principes généraux:
– le béton est un matériau poreux formé de phases solides réactives en équilibre
chimique avec la solution interstitielle qui remplit plus ou moins la porosité ;
– l’attaque chimique correspond à la rupture de l’équilibre chimique provoquée
par la mise en contact des ions agressifs avec les phases solides qui se traduit par
une succession de phénomènes de dissolution ou lixiviation des hydrates et de
précipitation de composés délétères ou non ;
– les phénomènes mis en jeu nécessitent le couplage des réactions chimiques
(dissolution/précipitation) et des mécanismes de transport des substances agres-
sives. C’est le transport réactif ;
– transport par diffusion sous l’effet des gradients de concentration : diffusion
moléculaire régie par les lois de Fick et diffusion ionique décrite par la rela-
tion de Nernst-Plank ;
– transport par convection (ou perméation) sous gradient de pression hydrau-
lique, régi par la loi de Darcy ;
– la modélisation des réactions chimiques s’appuie essentiellement sur la loi
d’action de masse qui peut être exprimée sous la forme : [S] = K [C1]α1 [C2]α2
(K = constante de formation de l’espèce S ; α1 et α2 = coefficients stoechiomé-
triques de la réaction chimique) ;
– la modélisation nécessite la résolution des équations de diffusion couplées aux
réactions chimiques. Dans le cas d’un transport diffusif, le bilan de matière dans
un volume élémentaire représentatif s’écrit pour une section unitaire :
2
∂c ∂ c i 1 ∂C i
-------i = D a, i ---------- – --- --------
∂t 2 p ∂t
∂x
avec : p porosité, ci concentration en phase liquide du constituant i ; Ci sa concen-
tration en phase solide et Da son coefficient de diffusion apparent dans le béton.
La quantité de constituant i résultant de la réaction chimique suit une cinétique de
dissolution ou de précipitation. Les cinétiques de réaction étant infiniment plus
rapides que les cinétiques de transport, l’approximation de l’équilibre chimique
local est pertinent.
Différents modèles ont été proposés parmi lesquels on peut citer :
– le modèle DIFFUZON d’Adenot [ADE 92] qui permet de suivre le comporte-
ment d’une pâte de ciment soumise à la lixiviation par une eau déminéralisée de
pH stabilisé à 7 (cf. § 3.1) ;

680
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

– le modèle STADIUM de Marchand [MAR 02] et Maltais et al. [MAL 04] qui
permet de rendre compte des attaques sulfatiques externes ;
– le modèle CHEMHYD3D [BEN 00] utilisé par Guillon [GUI 04], qui est un
modèle de transport multi-espèces qui génère les microstructures et permet
d’accéder au réseau poreux de la pâte de ciment. Il a été appliqué aux cas de
l’eau déminéralisée et minéralisée ainsi qu’à l’attaque par l’eau de mer.
L’ensemble de ces modèles permet une approche prédictive des phénomènes
d’attaque chimique et trouvent leur utilité dans la conception, le suivi et la gestion
des ouvrages à durée de vie longue.

6. CONCEPTION DES BÉTONS RÉSISTANT AUX AGRESSIONS


CHIMIQUES
Dans les paragraphes précédents, les principaux milieux chimiquement agressifs,
les mécanismes de dégradation qu’ils mettent en jeu ainsi que les paramètres dé-
terminant la résistance chimique du béton ont été passés en revue. Cette approche
phénoménologique a montré que le béton fabriqué conformément aux règles de
l’art est un matériau normalement durable si ses qualités intrinsèques (compacité,
perméabilité, diffusivité) sont adaptées au milieu auquel il est exposé. Ces qualités
intrinsèques sont en relation avec la composition du béton (type, classe et dosage
du ciment, teneur en éléments fins, rapport eau/ciment, qualité de l’eau de gâcha-
ge, nature minéralogique des granulats, adjuvants…) et avec sa mise en œuvre (vi-
bration, cure, respect de l’enrobage des armatures…). En tout état de cause, au
contact de substances agressives, des précautions particulières supplémentaires
sont nécessaires si l’on veut obtenir des bétons résistant aux agressions chimiques.
Dans les paragraphes qui suivent, l’approche phénoménologique est complétée
par une approche normative traitant :
– des recommandations générales et spécifiques pour la conception, la fabrica-
tion et la mise en œuvre de bétons durables, avec une référence succincte à
l’approche performantielle ;
– des essais qui permettent de qualifier les mortiers et les bétons vis-à-vis des
attaques chimiques ;
– des dispositions normatives relatives à la classification des environnements
agressifs et au choix des ciments en fonction du type d’attaque et de la classe
d’exposition selon le fascicule de documentation FD P18-011 et la norme NF EN
206-1.
6.1. Recommandations générales
Certains ouvrages sont destinés à être au contact de milieux chimiquement agres-
sifs plus ou moins sévères :

681
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

– digues, ports, piles de ponts, au contact de l’eau de mer ;


– bâtiments industriels de fabrication de produits chimiques, au contact des liqui-
des ou des vapeurs des produits fabriqués ;
– ouvrages de stockages au contact de produits organiques susceptibles d’évo-
luer en présence d’activité bactérienne ;
– bacs de rétention sous des cuves de produits chimiques tels que les acides con-
centrés ;
– etc.
Pour chacun de ces ouvrages, le maître d’ouvrage est en droit d’attendre la dura-
bilité souhaitée qui peut aller de quelques jours (cas des bacs de rétention qui ne
fonctionnent qu’en cas de rupture accidentelle des cuves supérieures) à plusieurs
dizaines d’années (bâtiments industriels…) ou 100 ans et plus pour les ouvrages
d’art. Pour cela, il attend de la maîtrise d’œuvre des conseils avisés sur la concep-
tion de l’ouvrage et la qualité des matériaux à utiliser, et de l’entreprise une mise
en œuvre soignée.
ˆ Conception des ouvrages
La conception des ouvrages situés dans des milieux chimiquement agressifs doit
faire l’objet d’une réflexion approfondie associant le maître d’ouvrage, le maître
d’œuvre et des spécialistes des dégradations des matériaux de construction.
Le premier problème est de définir clairement les attaques environnementales
liées à l’agressivité des ambiances et, comme on l’a vu dans ce chapitre, à la pré-
sence d’eau. Pour cela, le maître d’ouvrage peut s’appuyer sur les normes définis-
sant les classes d’exposition en fonction de valeurs limites de concentration en
certains éléments (cf. § 6). Cependant, ces normes seront parfois insuffisantes
pour classer son ouvrage par rapport à une classe d’exposition. Il faut alors nor-
malement faire appel au retour d’expérience des intervenants et, souvent, recher-
cher dans des revues spécialisées des données scientifiques plus spécifiques.
Or, du fait que la norme béton NF EN 206-1 indique que les propriétés requises
des bétons sont spécifiées par le prescripteur au producteur, la tendance actuelle
pour celui-ci est de surévaluer les risques pour se prémunir d’éventuelles dégra-
dations futures. Ainsi, il est souvent difficile pour le producteur de béton de con-
naître la raison essentielle qui a conduit au classement de l’ouvrage dans la classe
d’exposition retenue. Or, ce point est fondamental pour le choix du liant.
Le deuxième problème est lié à la conception même de l’ouvrage. Il convient
d’éviter autant que possible les zones singulières dans lesquelles les dégradations
apparaissent généralement en premier du fait d’une pénétration plus facile des so-
lutions agressives. Ainsi, les formes simples, évitant la stagnation des agents li-
quides agressifs, seront recherchées. Les reprises de bétonnage et les différents

682
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

joints constructifs seront aussi particulièrement étudiés. Les solutions réparatrices


visant à solutionner des problèmes potentiels de mise en œuvre (nid de cailloux)
ou de vieillissement (fissuration) peuvent être proposées par l’entreprise dès la ré-
ponse à l’appel d’offres.
ˆ Conception des bétons
La conception des bétons résistant aux agents chimiques dépend directement du
degré d’agressivité de l’environnement. Il convient donc de connaître le mieux
possible cette agressivité de manière à optimiser la formulation du béton en fonc-
tion de sa destination.
Par ailleurs, on a vu précédemment que la résistance d’un ouvrage aux agressions
chimiques était fonction de paramètres physiques (perméabilité, diffusivité) et
chimiques (composition) du béton. Du point de vue physique, il faut concevoir un
béton compact, peu perméable, qui puisse limiter l’accessibilité des agents agres-
sifs. La diminution du rapport eau/liant équivalent, l’optimisation du squelette
granulaire, l’introduction de fines et ultrafines et l’utilisation de superplastifiants,
sont des solutions à privilégier.
Du point de vue chimique, il convient d’adapter le choix des matériaux aux agents
agressifs (cf. § 6.4). Cependant, en général, comme on l’a vu précédemment, les
liants qui conduisent à une teneur en portlandite limitée dans le béton durci (liants
pouzzolaniques ou contenant des laitiers de haut-fourneau) sont ceux qui résistent
le mieux à la plupart des agressions chimiques.
ˆ Fabrication et mise en œuvre
La qualité des matériaux, la compatibilité entre matériaux et méthodes de cons-
truction, la qualité de l’exécution, les niveaux de contrôle et d’assurance qualité
sont des paramètres fondamentaux vis-à-vis de la durabilité des ouvrages dans
tous les cas et en particulier en ambiances chimiques agressives.
Il est utile de rappeler ici que, comme pour tous les bétons, la fabrication des bé-
tons résistant aux agressions chimiques doit respecter les rapports eau/liant équi-
valent préconisés. Pour cela, la teneur en eau de l’ensemble des granulats doit être
prise en compte et on veillera à éviter les approvisionnements en matériau durant
les phases de coulage (ce qui entraîne souvent de brusques variations de teneur en
eau). Il est bien évident aussi qu’aucun ajout d’eau n’est autorisé.
Lors de la mise en œuvre, et avant la mise au contact du béton avec le milieu
agressif, il conviendra d’éviter tout ce qui peut contribuer à diminuer ses caracté-
ristiques intrinsèques (fuite de laitance, mauvaise vibration, cure insuffisante, fis-
sures de retrait, défauts structurels…). Il faudra ainsi penser à adapter la plasticité
du béton à la densité de ferraillage de la pièce considérée et aux moyens de vibra-
tions disponibles sur le chantier.

683
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Enfin, dans la mesure du possible, on veillera à retarder au maximum le contact


entre agents agressifs et béton, surtout en présence de liants pouzzolaniques à ci-
nétique de durcissement lente.
ˆ Entretien des ouvrages
La dégradation rapide des ouvrages en ambiance chimique sévère est souvent liée
à un manque d’entretien, surtout lorsqu’une protection supplémentaire est exigée.
On constate souvent dans des bâtiments industriels une perte de l’imperméabilité
de surface (fissuration de l’enduit protecteur, abrasion des joints anti-acide entre
carreaux de carrelage…) qui permet le passage de l’agent agressif et conduit ra-
pidement à une perte des propriétés mécaniques de la structure sous-jacente.
Il est donc indispensable de surveiller l’état de la protection et d’en effectuer fré-
quemment l’entretien pour éviter des désordres qui sont souvent sans aucune me-
sure avec le coût de maintenance.
De la même manière, pour des attaques chimiques particulièrement sévères, il
faut mettre en place des systèmes de protection du béton voire, dans certains cas,
accepter le fait qu’une partie du béton – la partie superficielle – soit considérée
comme « consommable ». Il faut dans ce cas prévoir régulièrement une réfection
de surface après avoir purgé la partie contaminée par l’agent agressif.
6.2. Recommandations spécifiques
Les recommandations spécifiques sont liées aux différentes attaques présentées
dans ce chapitre. Elles concernent principalement les liants et, dans une moindre
mesure, les granulats.
Du point de vue des ciments, comme il est indiqué au paragraphe 7 « Dispositions
normatives », les ciments préconisés en présence de sulfates sont en France les ci-
ments PM et les ciments ES conformes respectivement aux normes NF P15-317
(ciments pour travaux à la mer) et NF P15-319 (ciments pour travaux en eaux à
haute teneur en sulfates). Ces normes donnent des spécifications particulières, en
particulier sur la composition chimique des ciments (teneurs en MgO, SO3,
C3A…).
Dans le cas des autres agressions chimiques, il convient de se référer au fascicule
de recommandation FD P18-011 (cf. § 7) qui indique pour les principales agres-
sions chimiques, les ciments à utiliser. Pour ces agressions, il est aussi possible,
en France, d’utiliser un liant équivalent composé d’un CEM I et d’additions mi-
nérales à caractère pouzzolanique ou hydraulique potentiel : cendres volantes et
laitier de haut-fourneau, pour les classes d’exposition chimique faible à modérée
(XA1 et XA2 selon la norme NF EN 206-1), et fumée de silice pour toutes les
classes d’exposition chimique (XA1 à XA3).

684
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

En ce qui concerne le choix des granulats, il conviendra de ne pas utiliser de gra-


nulats calcaires ou dolomitiques en environnement acide, ni de granulats dolomi-
tiques en présence d’eau de mer.
6.3. Esquisse d’une approche performantielle
Compte tenu de la diversité des attaques chimiques, l’approche performantielle
est particulièrement adaptée pour optimiser la formulation du béton à retenir. Ce-
pendant, la difficulté majeure est de définir les conditions d’essai de comporte-
ment en ambiance chimiquement agressive de manière à rester au plus près de la
réalité tout en ayant une réponse rapide.
Il est évident que la performance mécanique seule n’est pas un critère suffisant
pour choisir un béton durable (même si elle y contribue). Ainsi, compte tenu du
mode de pénétration des agents agressifs, il est préférable de rechercher le béton
le plus compact et le plus imperméable possible. Des essais de qualification basés
sur les indicateurs classiques de durabilité (perméabilité et diffusivité) sont donc
recommandés.
Par ailleurs, et dans des ambiances agressives peu courantes, il semble indispen-
sable de pratiquer en laboratoire des essais, accélérés ou non, de tenue du maté-
riau dans le milieu agressif considéré. Il est important de veiller à ce que les essais
pratiqués reproduisent au mieux les conditions d’exploitation pendant toute la du-
rée d’utilisation envisagée de la structure et en particulier les cycles séchage/im-
mersion, la concentration en agents agressifs et la température, l’ensemble de ces
paramètres ayant une influence déterminante sur la cinétique de dégradation. La
caractérisation de la tenue du matériau peut se faire par voies mécaniques (suivi
des résistances), physiques (suivi des propriétés de transfert) ou chimiques (suivi
des pertes d’alcalinité ou des ions passés en solutions).
6.4. Essais
6.4.1. Essais de lixiviation/hydrolyse
Plusieurs essais de lixiviation/hydrolyse sont utilisés en laboratoire pour quanti-
fier la décalcification de la pâte de ciment et alimenter les modèles de prédiction.
Les résultats sont généralement utilisés pour des applications spécifiques comme
le stockage profond des déchets radioactifs ou la tenue des bétons en ambiance
agricole.
Dans tous les essais, la dégradation est quantifiée de plusieurs manières :
– par le suivi de la profondeur de dégradation : c’est l’essai le plus simple et le
plus rapide qui consiste à mesurer l’épaisseur dégradée mise en évidence par pul-
vérisation d’une solution alcoolisée de phénolphtaléïne (la partie dégradée ne
change pas de couleur) ;

685
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

– par le suivi dans la solution agressive de la quantité de Ca2+ lixiviés. Ce résul-


tat permet de renseigner la plupart des modèles de prédiction actuellement déve-
loppés ;
– par la mesure de la teneur résiduelle en calcium solide dans le matériau. Cette
analyse est faite généralement à la microsonde et permet de tracer des profils en
éléments chimiques (Ca, Si, Al, Fe…), ce qui donne une meilleure compréhen-
sion des déplacements chimiques.
ˆ Essais de lixiviation sous eau peu chargée
En absence de normes ou de recommandations, plusieurs essais de lixiviation/hy-
drolyse avec des eaux pures ou peu chargées sont pratiqués sur pâte, mortier ou
béton [ADE 92, BOU 94, TOG 98, KAM 03b].
Ces essais ont comme point commun le maintien d’un pH constant, la plupart du
temps égal à 7, par addition d’acide, passage sur une résine échangeuse d’ions, ou
renouvellement de la solution agressive, mais sont différents par les rapports sur-
face d’échantillon / volume de solution agressive utilisés. Généralement, ils se font
à 20 °C, voire à des températures supérieures, durent plusieurs mois et conduisent
à des épaisseurs dégradées relativement faibles (de l’ordre de 3 mm en un an).
ˆ Essais de lixiviation au nitrate d’ammonium
Les essais de lixiviation sous eau pure étant relativement lents, des essais accélé-
rés utilisant une solution agressive à base de nitrate d’ammonium ont été dévelop-
pés [ESC 93, CAR 96]. Ces essais, basés aussi sur le déplacement des équilibres
chimiques solide / liquide, sont effectués aussi bien sur pâtes, que sur mortiers et
bétons.
En absence de recommandations, les conditions d’essais sont assez variables, sur-
tout en ce qui concerne le rapport surface d’échantillon/volume de solution agres-
sive [CAR 96, HEU 01, LEB 01, SCH 99, PER 05]. Cependant, en général, la
concentration en nitrate d’ammonium est de 6 mol/L, la solution étant renouvelée
tous les mois environ. Un maintien de pH peut aussi être effectué, ce qui accélère
encore la cinétique de dégradation.
Les profondeurs dégradées peuvent atteindre les 3 mm en deux à trois jours (soit
un facteur d’accélération de 100 au moins par rapport à l’eau pure) et dépasser les
15 mm en 3 mois.
Il faut souligner que l’utilisation du nitrate d’ammonium exige des précautions
particulières que ce soit au niveau du stockage (produit à caractère explosif), de
l’essai (dégagement d’ammoniac) et de l’évacuation des solutions après essai.

686
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

ˆ Essais de lixiviation aux acides organiques


Des essais spécifiques ont été développés pour étudier le comportement des maté-
riaux cimentaires au contact d’acides organiques présents dans les milieux agrico-
les (jus d’ensilage, lisiers) ou agroalimentaires (laiterie, fromagerie…) [BER 04a].
Ils consistent généralement à plonger des échantillons de pâte ou de mortier dans
des acides organiques en maintenant le pH à 4 (ou 6) et à suivre l’évolution de la
profondeur dégradée (microanalyse par sonde électronique). Les acides utilisés
sont généralement l’acide acétique et l’acide lactique, la valeur initiale du pH
étant obtenue par addition de soude. Bertron et al. [BER 05a] ont ainsi montré que
les recommandations actuelles sur le choix du ciment en ambiance agricole méri-
teraient d’être reconsidérées.
6.4.2. Essais de tenue aux sulfates
Vis-à-vis des attaques sulfatiques externes, il existe des essais normalisés destinés
à qualifier les ciments et les mortiers, mais il n’en existe pas pour évaluer la tenue
des bétons.
ˆ Essais sur pâte de ciment
Dans l’essai Anstett [ANS 23], effectué sur une pâte pure de ciment mélangée
avec du gypse (rapport 50/50), le critère de tenue aux sulfates est un critère di-
mensionnel (variation du diamètre des éprouvettes aux échéances de 28 et/ou
90 jours). Un accroissement de plus de 1,25 % classe le ciment comme non résis-
tant aux sulfates. Cet essai, simple et rapide, mais extrêmement sévère a été sou-
vent très critiqué.
Dans l’essai proposé par Mehta [MEH 75, MEH 80], les éprouvettes de pâte pure
sont immergées dans une solution à 4 % de Na2SO4. Le critère de tenue est le
maintien de la résistance mécanique (un matériau est non résistant aux sulfates si
une perte de résistance mécanique supérieure à 25 % par rapport à la résistance
du témoin est constatée). Cet essai est rapide mais donne des résultats variables,
le mode opératoire n’étant pas optimisé.
ˆ Essais sur mortier
Plusieurs essais sont normalisés :
– norme ASTM C1012-95a, applicable à tous les ciments. Les prismes de mor-
tier sont immergés dans une solution à 50g/L de Na2SO4 à 23 °C et un suivi de
l’allongement des éprouvettes est effectué durant au moins 15 semaines ;
– norme ASTM C452-95, applicable exclusivement aux ciments sans additions.
Du gypse est ajouté lors du gâchage (teneur en SO3 au moins de 7 % en masse
par rapport au mortier), les éprouvettes étant ensuite immergées dans de l’eau à

687
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

20 °C. Des mesures de l’allongement des prismes sont effectuées au cours de


l’essai ;
– norme NF P 18-837 [16] « Produits de calage et/ou de scellement à base de
liants hydrauliques – Essai de tenue à l’eau de mer et/ou à l’eau à haute teneur en
sulfates ». Des mesures d’allongement sont réalisées tous les mois sur des pris-
mes 2 × 2 × 16 cm de mortier normal immergés dans une solution de
MgSO4.7H2O à 50g/L, et comparées aux mesures effectuées sur une série de
prismes conservés dans l’eau distillée.
D’autres procédures par immersion d’éprouvettes de mortiers dans différentes so-
lutions de sulfate de concentrations variables (sulfates de sodium, de magnésium,
de calcium) sont souvent utilisées dans les laboratoires. En tout état de cause, les
résultats montrent que les essais sur mortier ne sont représentatifs que du compor-
tement du ciment (dont ils permettent, dans les meilleurs cas, d’effectuer un clas-
sement) mais qu’ils ne sauraient en aucun cas représenter le comportement futur
du béton.
ˆ Essais sur bétons
On trouve dans la littérature des résultats d’essais de résistance aux sulfates réa-
lisés sur béton, généralement plus représentatifs du comportement d’un béton
d’ouvrage que ne le sont les mortiers. Toutefois, ces essais se révèlent générale-
ment très longs et incompatibles avec les exigences des chantiers.
Khatri [KHA 97], qui a comparé le comportement de prismes de mortiers et de
bétons fabriqués avec les mêmes ciments (CEM I et ciments avec ajouts de laitier
ou fumées de silice), montre que le comportement des mortiers ne suit pas le com-
portement des bétons en raison des différences de perméabilité des matériaux.
6.4.3. Essais de tenue à l’eau de mer
En France la norme NF P 18-837 propose un essai de tenue à l’eau de mer pour
les produits de calage et/ou de scellement à base de liants hydrauliques. Cet essai,
qui a souvent été transposé aux mortiers normaux, permet un classement des ci-
ments. Bien que de nombreux essais sur bétons aient été effectués soit en labora-
toire, soit en milieu naturel dans des stations expérimentales (Boulogne-sur-Mer,
La Rochelle [REG 77], Treat Island aux USA), il n’existe pas de mode opératoire
recommandé ou normalisé.
6.4.4. Essais de tenue aux attaques biologiques
Il n’existe pas d’essai normalisé pour ce type d’attaque.

688
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

ˆ Essais de vieillissement aux algues et champignons


Ces essais sont souvent pratiqués pour appréhender les modifications esthétiques
des produits de construction lors de leur colonisation par des algues ou des cham-
pignons [DUB 97]. Ces essais consistent à étudier l’évolution de l’aspect du ma-
tériau lorsqu’il est soumis à des cycles d’écoulement/séchage ou à des remontées
capillaires en présence d’algues [ESC 06].
ˆ Essai de vieillissement bactérien
Différents essais ont été proposés, parmi lesquels celui de Sand et al. [SAN 87]
qui ont conçu un dispositif contrôlé en température, pH, humidité relative et te-
neur en hydrogène sulfuré, permettant de tester des bétons ensemencés avec des
souches bactériennes. La dégradation des bétons est exprimée en termes de perte
de poids.
Par ailleurs, Monteny et al. [MON 00] font mention d’essais comparatifs entre
deux tests : un test chimique d’attaque directe par l’acide sulfurique et un test si-
mulant une attaque microbiologique. Les conclusions de ces auteurs indiquent
que des différences sont observées entre les deux types d’attaque, comme cela a
été aussi mis en évidence par Bertron et al. [BER 05b], (voir § 3.6).
Le béton fabriqué et mis en place selon les règles de l’art est un matériau norma-
lement durable si ses qualités sont adaptées au milieu auquel il est exposé.
Cependant, dans les milieux chimiquement agressifs, et compte tenu des diver-
sités et des sévérités des attaques de la matrice cimentaire, il convient de retenir
suffisamment en amont de l’exécution du chantier une approche méthodologi-
que particulière si l’on veut garantir cette durabilité, approche que l’on peut ré-
sumer de la manière suivante :
– à partir des recommandations générales et spécifiques, réflexions sur la con-
ception, la formulation, la fabrication, la mise en œuvre et l’entretien (mainte-
nance) des bétons dans la structure ;
– recherche d’une formulation de béton basée sur une approche performantielle
et qualifiée par les indicateurs de durabilité pertinents de l’attaque considérée ;
– validation de l’approche retenue par des essais, accélérés ou non, représenta-
tifs de l’attaque considérée.

689
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

7. DISPOSITIONS NORMATIVES
Du point de vue normatif, les principales dispositions à prendre vis-à-vis des eaux
agressives sont édictées dans la norme béton NF EN 206-1 pour les bétons de
structure, dans les normes des produits préfabriqués et dans le fascicule de docu-
mentation FD P18-011 spécifique des environnements chimiquement agressifs1.
La norme européenne NF EN 206-1 définit des classes d’exposition en fonction
des actions dues à l’environnement et donne des règles d’utilisation des consti-
tuants dans ces environnements préalablement définis.
En ce qui concerne les environnements chimiquement agressifs, la plupart des ca-
hiers des charges pour la construction des ouvrages y compris la norme béton NF
EN 206-1 renvoient au fascicule de documentation FD P18-011.
ˆ Norme NF EN 206-1
Cette norme s’applique aux bétons de structure qu’ils soient coulés en place ou
préfabriqués. Les exigences normatives sont basées sur une durée de vie présu-
mée d’au moins 50 ans dans des conditions d’entretien anticipées. Pour des durées
de vie inférieures ou supérieures, des valeurs limites moins sévères ou plus sévè-
res peuvent être nécessaires.
ˆ Fascicule de documentation FD P 18-011
Ce fascicule a pour but :
– de compléter la définition des environnements chimiquement agressifs les plus
courants pour les bétons non armés, armés et précontraints ;
– de fournir des recommandations pour la fabrication des bétons destinés à des
structures soumises à ces environnements chimiquement agressifs, en particulier
pour le choix des ciments.
7.1. Classification des environnements agressifs
ˆ Norme NF EN 206-1
Cette norme définit 18 classes d’exposition en fonction des actions dues à l’envi-
ronnement dont certaines classes particulières correspondant à des expositions
spécifiques telles que l’eau de mer ou les milieux chimiquement agressifs. Cepen-
dant cette classification n’exclut pas la prise en compte de conditions particulières
ni l’application de mesures de protection supplémentaires (revêtements protec-
teurs par exemple).

1. Au moment de la rédaction de ce livre, le fascicule de documentation FD P 18-011 est en cours


de révision. La version provisoire à laquelle nous faisons référence (03/05/2007) peut encore être
modifiée dans la version définitive du texte.

690
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

La norme NF EN 206-1 permet, en combinant les classes d’exposition, de définir


avec précision l’environnement de chaque partie d’ouvrage et donc de prescrire
un béton parfaitement adapté.
Les milieux chimiquement agressifs, correspondent aux attaques chimiques se
produisant dans les sols naturels, les eaux de surface et les eaux souterraines. Ils
sont définis dans trois classes d’exposition en fonction de valeurs limites :
– XA1 : environnement à faible agressivité chimique ;
– XA2 : environnement d’agressivité chimique moyenne ;
– XA3 : environnement à forte agressivité chimique.
Les valeurs limites pour les classes d’exposition correspondant aux attaques chi-
miques des sols naturels et eaux souterraines sont données dans le tableau 12.13.
Le choix de la classe se fait par rapport à la caractéristique chimique conduisant
à l’agression la plus élevée. Lorsqu’au moins deux caractéristiques agressives
conduisent à la même classe, l’environnement retenu doit être normalement celui
correspondant à la classe immédiatement supérieure.
Tableau 12.13 : valeurs limites pour les classes d’exposition correspondant aux attaques
chimiques des sols naturels et eaux souterraines selon la norme NF EN 206-1, tableau 2.

Caractéristique chimique XA1 XA2 XA3


Eaux de surface et souterraines

SO42– en mg/L ≥ 200 et ≤ 600 > 600 et ≤ 3000 > 3 000 et ≤ 6 000

pH ≤ 6,5 et ≥ 5,5 < 5,5 et ≥ 4,5 < 4,5 et ≥ 4,0

CO2 agressif en mg/L ≥ 15 et ≤ 40 > 40 et ≤ 100 > 100

NH4+ en mg/L ≥ 15 et ≤ 30 > 30 et ≤ 60 > 60 et ≤ 100

Mg2+ en mg/L ≥ 300 et ≤ 1000 > 1000 et ≤ 3000 > 3000

Sols

SO42– en mg/kg ≥ 2000 et ≤ 3000 > 3000 et ≤ 12000 > 12000 et ≤ 24000

Acidité en ml/kg > 200 Baumann Gully N’est pas rencontré dans la pratique

Il est à noter que ces valeurs sont relatives à des sols et eaux à une température
eau/sol comprise entre 5 °C et 25 °C et où la vitesse d’écoulement de l’eau est suf-
fisamment faible pour être assimilée à des conditions statiques. De même, les va-
leurs limites peuvent être différentes pour certains sols argileux et en cas de risque
d’accumulation d’ions sulfate dans le béton.
Par ailleurs, dans un certain nombre de cas, une étude spécifique est nécessaire
pour préciser l’agressivité de l’environnement du béton :

691
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

– cas des environnements agressifs dans les milieux industriels ;


– cas des sols ou eaux pollués chimiquement ;
– cas d’autres substances chimiques agressives non citées dans le tableau 12.13.
ˆ Fascicule de documentation FD P18-011
Ce document présente le mode d’action des environnements chimiquement agres-
sifs et précise la règle du tableau 2 de la norme NF EN 206-1 relative au classe-
ment des environnements contenant plusieurs agents agressifs. Ainsi, lorsque
plusieurs agents agressifs sont présents avec des concentrations conduisant à un
classement en XA3, la classe d’exposition reste XA3. En outre, lorsqu’au moins
un des agents agressifs présente une concentration dépassant la limite de la classe
XA3, il convient de prévoir une protection externe (enduit, peinture) ou interne
(imprégnation).
Comme nous l’avons indiqué au paragraphe 4.2, le fascicule de documentation
précise que dans le cas de l’eau de mer, le critère retenu pour le choix de la classe
d’exposition est le même que pour le cas de la corrosion induite par les chlorures
: exposition à l’air véhiculant du sel marin pour XS1, en immersion permanente
pour XS2 et dans la zone de marnage, de projections ou d’embruns pour XS3.
ˆ Comparaison entre norme NF EN 206-1 et FD P18-011
Le fascicule de documentation FD P18-011 complète la liste des valeurs limites
pour les classes d’exposition XA1, XA2 et XA3 donnée par la norme NF EN 206-
1 dans le cas de l’agressivité des gaz en milieu humide en donnant des seuils sur
les teneurs en SO2 et en H2S et dans le cas de l’agressivité des eaux en donnant
les valeurs limites du TAC.
7.2. Recommandations générales
ˆ Norme NF EN 206-1
La norme précise que la composition du béton et les constituants des bétons (ci-
ment, granulats, additions, …) doivent être choisis de manière à satisfaire aux exi-
gences de leur classe d’exposition spécifiées pour le béton frais et durci. Ces
exigences sont souvent données en termes de valeurs limites pour la composition
du béton et de propriétés définies du béton. Il est toutefois possible d’adopter des
méthodes de conception performantielles qui prennent en compte la durée de vie
prévue de la structure (voir le chapitre 8).
Il est rappelé aussi dans la norme que si le béton est conforme aux valeurs limites
spécifiées, pour qu’il satisfasse aux exigences de durabilité dans les conditions
environnementales spécifiques, il faut aussi :
– que la classe d’exposition ait été correctement sélectionnée ;
– qu’il soit correctement mis en place et soumis à une cure efficace ;

692
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

– que l’épaisseur d’enrobage des armatures soit respectée ;


– que la maintenance préventive soit réalisée.
Les valeurs limites pour la composition des bétons données par les tableaux
NA.F.1 et NA.F.2 de la norme respectent la logique de composition vis-à-vis de
la durabilité qui veut que lorsque l’environnement devient plus sévère, il convient
en premier lieu de diminuer le rapport Eau/Liant équivalent et d’augmenter le do-
sage en liant équivalent (ce qui a pour premier effet d’augmenter la classe de ré-
sistance du béton).
La norme renvoi au fascicule de documentation pour le choix du ciment.
Pour les classes d’exposition XA1 et XA2 (également XA3 mais seulement pour
la fumée de silice), on peut noter la spécificité de la prise en compte dans le liant
équivalent des additions normalisées à caractère pouzzolanique ou hydraulique
latent (cendres volantes, laitier de haut-fourneau et fumées de silice) particulière-
ment efficaces dans ces conditions. Pourtant, on peut noter l’interdiction d’utiliser
(ou du moins de prendre en compte) le laitier de haut-fourneau comme addition
lorsque l’environnement chimique est le plus sévère (XA3) alors que de nombreu-
ses études ont montré que les bétons aux laitiers étaient les plus résistants chimi-
quement [BER 04a].
ˆ Fascicule de documentation FD P18-011
Ce document indique simplement que le béton fabriqué conformément aux règles
de l’art est un matériau durable si ses qualités intrinsèques (compacité, perméabi-
lité) sont adaptées au milieu auquel il est exposé et si la fissuration reste limitée.
ˆ Comparaison NF EN 206-1 et FD P18-011
La norme NF EN 206-1 précise les moyens de respecter les indications générales
fournies en introduction du fascicule de documentation.
7.3. Dispositions spécifiques aux différents milieux
ˆ Norme NF EN 206-1
La norme EN 206.1 générale ne donne des dispositions spécifiques selon les mi-
lieux que pour les environnements sulfatiques pour lesquels il est demandé de
choisir un ciment résistant aux sulfates. Par contre, dans la norme NF EN 206.1
et son annexe nationale, le choix du ciment adapté aux environnements chimique-
ment agressifs est fait par renvoi au fascicule de documentation FD P 18 011.
ˆ Fascicule de documentation FD P18-011
Les recommandations particulières concernant le choix du ciment sont données
dans le tableau 12.14.

693
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

Tableau 12.14 : recommandations pour le choix des ciments,


d’après le tableau 2 du FD P 18-011.

Choix du ciment en fonction du milieu

XA1 pas de recommandations particulières


Milieu contenant
des sulfates (au-dessous de 1500 mg/l) XA2 ciments conformes à la norme NF P15-317 (PM)
(solutions) XA2 ou NF P15-319 (ES)
à l’exclusion (au-dessus de 1500 mg/l) ciments conformes à la norme NF P15-319 (ES)
de l’eau de mer
XA3 ciments conformes à la norme NF P15-319 (ES)

XA1 pas de recommandations particulières


Milieu contenant
des sulfates XA2 ciments conformes à la norme NF P15-317 (PM) ou NF P15-319 (ES)
(sols)
XA3 ciments conformes à la norme NF P15-319 (ES)

CEM II/B-S, CEM II/B-V, CEM II/B-P, CEM II/B-Q, CEM II/B-M (S-V), CEM III/A
conformes à la norme NF EN 197-1, CEM III/A conforme à la norme NF EN 197-4,
XA1
ciments conformes à la norme NF P15-317 (PM) ou NF P15-319 (ES), et CEM IV/A
et B conformes à la norme NF EN 197-1

CEM II/B-S, CEM II/B-V, CEM II/B-P, CEM II/B-Q, CEM II/B-M (S-V), CEM III/A
Milieux acides conformes à la norme NF EN 197-1, CEM III/A conforme à la norme NF EN 197-4
XA2
ciments conformes à la norme NF P15-319 (ES) et CEM IV/Aet B conformes à la
norme NF EN 197-1

CEM III/A, B et C, CEM V/A et B conformes à la norme NF P15-319, ciments


XA3 d’aluminates de calcium conformes à la norme NF EN 14647, CEM IV/B conformes
à la norme NF EN 197-1

XA1 CEM III/A, B et C, CEM V/A et B conformes à la norme NF P15-319

Eaux pures XA2 ciments d’aluminates de calcium conformes à la norme NF EN 14647

XA3 CEM IV/B conformes à la norme NF EN 197-1

Ainsi, comme il a été écrit précédemment, le choix du ciment en ambiance chimi-


que agressive vise à éviter à la fois la dissolution des phases solubles (la présence
de pouzzolanes permet de remplacer la portlandite, de forte solubilité, par des si-
licates et aluminates de calcium hydratés, moins solubles) et la formation de pha-
ses pathologiques (limitation de la teneur en C3A du clinker pour éviter la
formation ultérieure d’ettringite en présence de sulfates).
7.4. Approche performantielle
L’annexe informative de la norme NF EN 206-1 (annexe J) propose une
« méthode de formulation basée sur les performances pour le respect de la
durabilité ». Cette méthode passe par la définition préalable des facteurs impor-
tants (type et forme de la structure, conditions environnementales locales, niveau
d’exécution et durée de vie requise) et s’appuie soit sur le retour d’expérience à

694
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

long terme des pratiques et des matériaux, soit sur des résultats d’essais approuvés
représentatifs des conditions réelles, soit sur des méthodes basées sur des modèles
analytiques étalonnés par rapport à des résultats d’essais représentatifs des condi-
tions réelles.
Ce concept, présenté de façon générale au chapitre 8, peut être appliqué aux am-
biances agressives chimiques sévères mais la difficulté essentielle est de définir
les essais permettant de qualifier de manière univoque les bétons équivalents et
les bétons témoins vis-à-vis des différentes ambiances agressives. En effet, il con-
vient de faire attention aux impacts de certains facteurs d’accélération (concentra-
tion en agents agressifs, humidité, température) et aux erreurs possibles dans
l’interprétation des résultats obtenus. Il est évident que la modélisation numérique
de l’agression est un outil important dans la prévision du comportement des bé-
tons à long terme.
Du point de vue normatif et pour les bétons de structure, la classification des en-
vironnements agressifs (ou classes d’exposition) et les dispositions associées sont
présentées dans la norme béton européenne NF EN 206-1 (2004), et son annexe
nationale, et dans le fascicule de documentation FD P18-011 :
– la norme NF EN 206-1 permet de définir une classe d’exposition pour chaque
partie d’ouvrage et fournit principalement des recommandations générales (do-
sage minimum en liant, rapport maximum eau efficace sur liant équivalent, clas-
se de résistances pour chaque classe d’exposition) ;
– le fascicule FD P18-011 apporte des dispositions spécifiques comme le choix du
ciment.
Ces dispositions permettent d’assurer normalement une durée de vie minimale
de 50 ans1 à l’ouvrage, sous réserve que les classes d’expositions aient été bien
définies par le maître d’ouvrage. Pour des durées de vie supérieures, il convient
de retenir des approches performantielles basées sur des indicateurs de durabi-
lité généraux ou spécifiques de l’agression considérée.

8. ÉLÉMENTS DE BASE POUR UNE DÉMARCHE DIAGNOSTIC


DES DÉGRADATIONS D’ORIGINE CHIMIQUE
La démarche se doit d’être globale (holistique), c’est-à-dire qu’elle doit prendre
en compte tous les éléments historiques, techniques, environnementaux et écono-
miques du problème. Elle comporte quatre grandes phases résumées ci-après et

1. La norme NF EN 206-1 précise que les prescriptions sont fondées sur l’hypothèse d’une durée
de vie de la structure de 50 ans (annexe F). L’Eurocode 0 indique que cette durée de vie de 50 ans
concerne les structures de bâtiment et autres structures courantes. Dans le cas des ouvrages d’art
par exemple, l’Eurocode permet de dimensionner des ouvrages avec des durées de vie de 100 ans
en association avec des bétons simplement conformes à la norme NF EN 206-1.

695
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

détaillées dans le document AFGC-RGCU GranDuBé Mesure des grandeurs as-


sociées à la durabilité du béton [AFG 07] :
• formulation du problème. Type d’ouvrage, pathologies observées, évolution,
conséquences (esthétiques, structurales…), questions posées (identification des
pathologies ? État d’avancement ? Évolution possible ? Gestion à long terme ?)
• informations générales sur la construction, consultation des documents existants :
– catégorie d’ouvrage, importance économique, prestige…
– date de construction, durée, différentes étapes…
– déroulement du chantier : conditions particulières, incidents divers…
• informations sur les matériaux et leur approvisionnement :
– formulation du béton : classe de consistance, classe de résistance,
– type(s) de ciment(s), dosage(s), additions minérales,
– eau de gâchage : dosage, composition,
– granulats : origine (roulés, concassés), nature pétrographique, composition
minéralogique, granulométrie…
• localisation de l’ouvrage et caractéristiques environnementales régionales
(plaine, montagne, milieu marin, environnement industriel, urbain), variations
saisonnières, conditions locales particulières pour certaines parties de l’ouvrage :
parties enterrées, aériennes, immergées, semi-immergées, en zone de marnage,
infiltrations, écoulements, remontées capillaires, embruns, gaz d’origine indus-
trielle ou domestique…
• visite de l’ouvrage et inventaire des désordres apparents : distinction des dom-
mages au matériau résultant d’une attaque chimique et des dommages résultant
d’effets mécaniques, couplages éventuels ;
• détermination d’un programme d’essais adapté à l’importance économique et
au prestige de l’ouvrage pouvant comporter :
– des essais sur site : relevé des fissures, efflorescences, exsudations, déforma-
tions, mesure de l’indice de fissuration, instrumentation (suivi des déformations,
températures, humidité relative), auscultation dynamique, dosages chimiques in
situ (chlorures, sulfates…). Prélèvements d’échantillons représentatifs dans des
zones dégradées et non dégradées (carottages, éclats, produits de réaction…) ;
– des essais en laboratoire :
– essais généraux (mesure des résistances mécaniques sur carottes, porosité à
l’eau et masse volumique, analyse chimique globale, identification du
ciment par microscopie ou par chimie, dosage en ciment, mesure de l’eau
libre, de l’eau liée, de Ca(OH)2 par ATG/ATD, examens MEB de la
microstructure et identification des produits de réactions et de l’origine des
dégradations, analyse par DRX…),
– essais spécifiques en relation avec le type d’attaque identifié ou supposé.

696
La durabilité des bétons vis-à-vis des environnements chimiquement agressifs

Compte tenu des multiplicités des types d’agressions chimiques d’une part, et
des similitudes des dégradations constatées d’autre part, il est souvent très diffi-
cile d’établir un diagnostic simple et univoque. De plus, dans la plupart des cas,
les dégradations observées ne sont pas la conséquence d’une seule agression mais
la somme d’agressions multiples, chimiques, physiques et mécaniques.
L’approche holistique, réalisée par des spécialistes du diagnostic, représente une
méthode sûre et efficace pour analyser et comprendre la genèse des dégradations
observées, phases indispensables pour proposer ensuite des solutions réparatri-
ces durables.

9. CONCLUSION
Le béton est un système chimique fortement basique, évolutif, plus ou moins réac-
tif au contact du milieu extérieur souvent plus « acide » (atmosphère, eaux, solu-
tions salines, acides) mais qui, pour les durées de vie prévues par les normes, est
durable s’il est fabriqué conformément aux règles de l’art.
Pour les milieux chimiquement agressifs, le vecteur commun à tous les agents
agressifs est l’eau qui dissout les composés gazeux ou solides. Le transport des
substances agressives se fait essentiellement par perméation et par diffusion, in-
dicateurs majeurs de durabilité dépendant de la compacité du béton.
D’une manière générale, les attaques chimiques des bétons mettent en jeu deux
mécanismes couplés que sont la dissolution des hydrates (essentiellement la lixi-
viation des ions Ca2+ de la portlandite Ca(OH)2 et des silicates de calcium hydra-
tés C-S-H) et la précipitation de sels, nocifs ou non. Les conséquences générales
sont un accroissement de la porosité et de la fissuration, une augmentation de la
perméabilité et de la diffusivité, des pertes de raideur et de résistances mécani-
ques.
De manière synoptique, les différents paramètres de la durabilité chimique sont :
– les paramètres liés au matériau : chimie et minéralogie du ciment (type de
constituants, Ca(OH)2 potentiel, C3A, C3S…), formulation et propriétés de
transfert du béton (compacité) ;
– les paramètres liés à l’environnement : nature physique (solide, liquide, gaz) et
chimique (acide, base, sel) de l’agent agressif, conditions climatiques générales
et locales (immersion, semi-immersion, marnage, aérien, H.R., t°, cycles, mobi-
lité) ;
– les paramètres liés à la structure : contraintes de fonctionnement (charges, fati-
gue), fissuration.
Pour la plupart des agressions chimiques, l’utilisation d’additions minérales con-
sommatrices de chaux (laitier, cendres silico-alumineuses, fumées de silice,

697
LA DURABILITÉ DES BÉTONS

pouzzolanes), et productrices de C-S-H de rapport CaO/SiO2 plus faibles, contri-


bue à améliorer la tenue des bétons. Toutefois, il convient d’adapter la formula-
tion au cas pas cas et par partie d’ouvrage pour prendre en compte la spécificité
de l’agression.

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