Grandeur Et Décadence de La Ville de Mahagonny
Grandeur Et Décadence de La Ville de Mahagonny
Grandeur Et Décadence de La Ville de Mahagonny
de la ville de mahagonny
kurt weill
dossier pédagogique
Grandeur et décadenCe de la ville de Mahagonny Dossier pédagogique / Angers Nantes Opéra 2008/09
De quoi s’agit-il ? De la construction, sous nos yeux, d’une
ville-piège. De la création d’un immense trompe-l’oeil destiné
à attirer les hommes riches vers les plaisirs faciles. Cette
idylle de pacotille s’appelle Mahagonny, et nous assistons à
sa naissance, ses premières crises, sa période de splendeur
et sa décadence.
Grandeur et décadenCe de la ville de Mahagonny Dossier pédagogique / Angers Nantes Opéra 2008/09
Opéra en trois actes.
Livret de Bertolt Brecht
assisté d’Elisabeth Hauptmann, Caspar Neher et Kurt Weill.
Créé au Neues Theater de Leipzig, le 9 mars 1930.
[Opéra en allemand avec surtitres en français]
avec
Nuala Willis, Léocadia Begbick Distribution
Beau Palmer, Fatty, le « Fondé de pouvoir »
Nicholas Folwell, Moïse la Trinité
Elzbieta Szmytka, Jenny Hill
Andrew Rees, Jim Mahoney
Eric Huchet, Jack O’Brien / Tobby Higgins
Randall Jakobsh, Bill, surnommé Billy Tiroir-caisse
Frédéric Caton, Joe, surnommé Joe le Loup d’Alaska
Choeur d’Angers Nantes Opéra
Direction Xavier Ribes
Grandeur et décadenCe de la ville de Mahagonny Dossier pédagogique / Angers Nantes Opéra 2008/09
Comme une prémonition du Las Vegas de
l’après seconde guerre mondiale, Kurt Weill et Bertolt Brecht imaginent
dès 1930 une improbable ville de Mahagonny bâtie en plein désert par
trois malfrats en cavale. A Mahagonny tout sera permis, se remplir la
panse, faire l’amour, se battre, boire… pourvu qu’on ait l’argent ! Babylone
moderne qui se conduit à sa propre perte, la ville piège est peuplée de
plaisirs fantomatiques, de piètres désespoirs, de morts absurdes. Auteurs
avec Elisabeth Hauptmann et Caspar Neher de cette épopée dérisoire
et drolatique, Weill et Brecht empruntent sans vergogne à la musique
populaire et au pittoresque d’une Amérique qui les fascine pour mieux
provoquer la rigide Allemagne vivant sans y voir la montée du nazisme qui
les poussera à l’exil trois ans plus tard.
S’amusant de la distanciation chère à Brecht, la mise en scène de Patrice
Caurier et Moshe Leiser est farce, étonne d’un rien, bouscule l’esthétique,
cligne de l’oeil, ne se joue pas du public mais joue avec lui pour, surtout,
ne jamais le distraire de penser.
Acte 1
1. Fondation de la ville de Mahagonny. Une contrée désertique. Un Argument
camion pourri tombe en panne ; à son bord : la veuve Leokadja Begbick, grandeur et décadence
Moïse la Trinité, Fatty « le fondé de pouvoir ». Devant eux le désert ; de la ville de Mahagonny
derrière eux, la police qui les recherche. Sur proposition de Begbick, ils programme de
restent là et fondent Mahagonny, « la ville piège ». l’opéra de Lausanne
2. Rapidement, dans les semaines qui suivent surgit une ville. Apparaissent Production 1997
Jenny et six filles en quête d’hommes et de dollars. Elles chantent
Alabama Song.
3. La nouvelle atteint les grandes villes. Fatty et Moïse, en bon
représentants, vantent les qualités de la vie à Mahagonny.
4. Les mécontents de tous les continents affluent à Mahagonny. Arrive un
groupe de quatre bûcherons d’Alaska : Jim Mahoney, Jack O’Brien, Bill et
Joe.
5. Arrive un certain Jim Mahoney… Débarcadère de Mahagonny. Les
quatre bûcherons sont accueillis par la veuve Begbick qui leur présente
ses filles. Marchandages sur tous les prix. Jenny chante la leçon de sa
mère. Ma fille ne te vends pas pour quelques dollars seulement.
6. Initiation. Jenny demande à Jim ce qu’elle doit faire pour lui plaire.
7. Toutes les grandes entreprises ont leurs crises. Hôtel de l’Homme
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Riche. Fatty et Moïse au bar. La Begbick est inquiète de voir ses clients s’en
aller. Mahagonny ne serait-elle qu’une mauvaise affaire ? Elle se propose
de retourner d’où ils viennent ; on lui fait observer que les policiers qui la
recherchent sont arrivés à Pensacola.
8. Tous ceux qui cherchent vraiment sont déçus. Parmi eux, Jim
Mahoney. Il voudrait quitter cette ville où des pancartes d’interdiction
sont apparues un peu partout. Et puis il s’y ennuie tellement qu’il voudrait
manger son chapeau. Ses amis le ramènent dans la ville.
9. Hôtel de l’Homme Riche ; les hommes se prélassent et boivent.
Jack s’extasie devant une musique triviale. Jim exprime sa nostalgie des
années passées en Alaska. Il constate que Mahagonny n’existe que parce
que le monde est mauvais.
10. Un cyclone se dirige sur Mahagonny.
11. Dans cette nuit d’épouvante, un simple bûcheron nommé Jim
Mahoney découvre les lois du bonheur humain.
Devant ses compagnons terrorisés, Jim, très exalté, découvre qu’il est
vain de construire quoi que ce soit, quand un ouragan peut tout détruire.
Il chante son « Ne vous laissez pas tomber ». Il professe un nouveau credo
: « Fais ce qui te plaît ».
Acte 3
17. Un jour maudit. Il fait nuit. Enchaîné, Jim attend son procès dans
l’angoisse.
18. Les tribunaux de Mahagonny n’étaient pas pires que les autres.
Begbick au banc des juges ; Fatty à la défense. Moïse qui vient de tuer Jack,
est procureur. Tobby Higgins, l’ennemi public no 1, est acquitté parce qu’il
sait corrompre le tribunal. Jim est condamné à mort « pour avoir manqué
d’argent, le plus grand forfait qui existe sur la terre ».
19. Exécution et mort de Jim Mahoney. Beaucoup verront sans plaisir
l’exécution de Jim Mahoney ; mais vous, Monsieur, n’auriez sans doute
pas plus que d’autres payé pour lui. Tel est de nos jours le respect dû à
l’argent.
Avant de mourir, Jim prend congé de Jenny. Jim ne regrette rien et chante
son « Ne vous laissez pas tromper » ; il demande à la Bagbick si elle sait
qu’il y a un Dieu.
20. Jenny et quatre hommes jouent le « jeu de Dieu à Mahagonny ».
Et dans une confusion croissante, au milieu de l’inflation et de l’hostilité
générale, dans les dernières semaines de la ville, les survivants,
incorrigibles, manifestent pour leur idéal. Tandis que sont présentés le
corps de Jim et ses effets personnels, la foule arrive et conclut : « On ne
peut jamais rien pour personne ».
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Kurt Weill (1900-1950)
Compositeur allemand né à Dessau le 2 mars 1900, mort à New York le 3
avril 1950, Weill a pris la nationalité américaine en 1943. Il est l’un des rares
compositeurs du xxe siècle à avoir consacré sa vie presque exclusivement
au théâtre musical, ce genre comprenant notamment l’opéra.
Kurt Weill doit ses premières influences musicales à son père, chantre
professionnel à la synagogue. Il étudie le piano, la théorie de la musique
et la composition à Dessau avec Albert Bing et, par son intermédiaire, a
l’occasion de travailler au Hoftheater de la ville en tant que corépétiteur.
Les partitions de ses premières tentatives dans le domaine de l’opéra –
Zriny (1916, d’après une tragédie de Theodor Körner) et Ninon von Lenclos
(1920, d’après une pièce d’Ernst Hardt) – ont disparu. Weill fréquente
ensuite l’université de Berlin, où il étudie la philosophie avec Max Dessoir et
Ernst Cassirer; il envisage en outre de préparer un doctorat de musicologie
et prend quelques cours de composition avec Humperdinck. Pendant
cinq mois, en 1920, il est Kapellmeister à Lüdenscheid – apprentissage Kurt Weill
important pour lui pendant lequel il a l’occasion, écrit-il à son frère, «de Biographies © D.R.
diriger non seulement tout ce qui existe en matière d’opérette classique
ou moderne, mais aussi quelques opéras». Faute d’argent, il ne peut aller
à Vienne suivre l’enseignement de Schönberg, qu’il révère, mais, à partir
de 1921, il assiste régulièrement pendant trois ans à la masterclass de
Busoni à Berlin. Pour améliorer sa situation financière, il joue de l’orgue
dans les synagogues, dirige des choeurs et enseigne : Claudio Arrau,
Maurice Abravanel et Nikolaos Skalkottas figurent parmi ses élèves. Le
premier de ses opéras à nous être parvenu est Der Protagonist, op. 14,
achevé en mars 1925; c’est la première oeuvre de Weill, avec le Concerto
pour violon et vents op. 12, à montrer des signes de sa maturité, et elle
lui attire une reconnaissance publique considérable. La dette de Weill à
l’égard de Busoni est esthétique plus que stylistique. Ce sont les idées de
Weill sur l’opéra, contenues dans de nombreux écrits théoriques, plus
que ses compositions elles-mêmes qui nous révèlent l’influence directe
de Busoni. Ces mêmes idées trouveront aussi leur expression plus tard, à
l’occasion des collaborations bien connues avec Bertolt Brecht. Dans son
Entwurf einer neuen Ästhetik der Tonkunst (Projet d’une nouvelle esthétique
musicale), publié pour la première fois en 1907, Busoni a tracé une voie
qui, s’éloignant de la Gesamtkunstwerk (oeuvre d’art totale) wagnérienne,
s’oriente vers un idéal dérivé de l’opéra mozartien. Brecht, dont les
formulations mêmes sont l’écho de celles de Busoni, utilise l’expression
Urform (« archétype» ; Busoni parle plus généralement d’Urmusik) pour se
référer à cet idéal de base. Proche de l’idée platonicienne par certains
aspects, cette Urform tire sa substance des oeuvres du passé mais
inclut aussi le principe d’une réforme à venir. Pour Weill, comme pour
Busoni, l’Urform a des implications aussi bien créatrices que sociales:
d’une part une remise en question des conventions dramatiques du
XIXe siècle, d’autre part un intérêt pour la fonction sociale de l’opéra.
(Ces deux aspects reparaîtront dans les théories de Brecht sur l’opéra,
vigoureusement anti-wagnériennes).
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Der Protagonist évoque tout particulièrement Busoni par l’usage qu’il fait
de scènes de pantomime qui, permettant de se dispenser totalement
du chant, sont ainsi l’occasion d’accompagner d’une musique « absolue
» les instants « d’intensité maximale de l’action dramatique », selon les
termes de Weill. Der Protagonist, premier ouvrage composé par Weill en
collaboration avec l’écrivain dramatique expressionniste Georg Kaiser,
est plus expressionniste de par son sujet que de par sa musique. Weill
utilise certes ce que l’on appelle l’atonalité, mais c’est pour traduire les
excès émotionnels du «système de Stanislavsky 1 » utilisé par celui qui
donne son titre à la pièce : le protagoniste. À vrai dire, l’ouvrage en son
entier est plutôt une critique de l’expressionnisme, soulevant le problème
de la responsabilité de l’artiste, comme le fera Hindemith dans Cardillac,
achevé en 1926. Les pantomimes (qui ont servi de modèle à Hindemith)
sont tout sauf expressionnistes ; elles utilisent utilisent un style bien
différent dont le caractère anguleux néo-classique renvoie à Stravinsky
plutôt qu’à Schönberg. Un tel mélange des formes d’expression à des
fins dramatiques caractérise toute la production de Weill. Son oeuvre
conserve certes sa propre empreinte stylistique. Mais Weill s’est moins
préoccupé de développer un style personnel que d’en trouver un qui soit Biographies
L’avant scène opéra
approprié à ses besoins de compositeur pour la scène. C’est pourquoi Mahagonny
son style a fluctué au fur et à mesure où ses besoins ont changé. En 1995
collaboration avec le poète surréaliste Ivan Goll, Weill écrit ensuite Royal Stephen Hinton
Palace, opéra qui marque un tournant vers la Neue Sachlichkeit (« Nouvelle
Objectivité »). C’est le premier de ses ouvrages pour la scène à utiliser la
musique de danse populaire (le « jazz », selon la terminologie de l’époque)
et le saxophone, si caractéristique. Un langage et un timbre instrumental
aussi neufs ont aussi leur signification dramatique : les rythmes
empruntés au fox-trot ou au ragtime apportent leur propre touche de
couleur locale à une production très contemporaine, «dans le vent», qui,
typiquement, inclue aussi des projections lors de la création. Si le jazz
est utilisé, comme c’est le cas dans toutes les oeuvres européennes,
il est toujours plus ou moins soumis, par le biais de dissonances ou de
déplacements rythmiques quasi surréalistes, à une « défamiliarisation »,
comme si les citations étaient ironiquement placées entre guillemets. Na
und ? (Et alors ?), opéra comique de longue durée, demeure une énigme
complète puisque la partition en est perdue, à l’exception de quelques
esquisses et de la correspondance de Weill avec Schott s’y rapportant.
Au cours de l’année 1926, qui débute pour le compositeur par son
premier mariage avec Karoline Blamauer (l’actrice et danseuse Lotte
Lenya), Weill y travaille avec le dramaturge et poète Felix Joachimson.
Son éditeur, Universal Edition, refuse toutefois la nouvelle oeuvre, tout
comme Schott. Royal Palace, dont la partition d’orchestre a aussi disparu,
avait été conçu pour former un diptyque avec Der Protagonist. Mais Weill,
insatisfait, finit par lui préférer Der Zar lässt sich photographieren (Le Tsar se
laisse photographier), autre fruit d’une collaboration avec Georg Kaiser.
Der Tsar, composé en 1927, allie encore expressivité lyrique, « opératique
», d’une part, et musique de danse d’autre part ; mais le Songspiel
Mahagonny (composé cette même année), voit quant à lui l’émergence
du style « song » de Weill, parvenu à sa pleine maturité. Il marque aussi le
début de la collaboration avec Brecht.
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Berthold Brecht
Auteur dramatique, poète lyrique, narrateur et cinéaste, théoricien de
l’art et metteur en scène, il défend la conception d’un théâtre épique,
défini par sa fonction sociale et politique. Il est considéré comme un des
plus grands dramaturges contemporains.
Pour en savoir plus sur les différentes théories élaborées par Brecht, se référer
au glossaire brechtien
idem
Grandeur et décadenCe de la ville de Mahagonny Dossier pédagogique / Angers Nantes Opéra 2008/09
Patrice CAURIER, Moshe LEISER
Mise en scène
En 1983, ils réalisent leur première mise en scène Le Songe d’une nuit d’été
(Britten) à l’Opéra de Lyon. En 1984, ils sont à La Comédie Française pour
Rue de la Folie-Courteline. Très rapidement, ils sont invités partout dans le
monde, on les retrouve aux Festivals de Spolete et de Lyon, au Théâtre
des Champs-Elysées, au Welsh Opera ou encore à Genève, Tel Aviv,
Charleston, Covent Garden, Lausanne, Lyon, Glasgow…
Parmi leurs nombreuses productions, citons : Le Couronnement de Poppée
(Monteverdi), Rusalka (Dvorak), Salomé (Strauss), Les Troyens (Berlioz),
Benvenuto Cellini (Berlioz), Dialogues des carmélites (Poulenc), L’Enfant et les
sortilèges (Ravel) dont la réalisation cinématographique leur vaut le FIPA
d’Or à Cannes en 1994, Iphigénie en Tauride (Gluck), Armide (Lully), Jenufa
(Janacek), Ariane et Barbe-bleue (Dukas), La Belle Hélène (Offenbach),
Alceste (Glück), La Chauve-Souris (Strauss), La Clémence de Titus et La Flûte Moshe Leiser & Patrice Caurier
enchantée (Mozart), Léonore et Fidelio (Beethoven), Carmen (Bizet), La © D.R.
Cenerentola (Rossini)… A Genève, ils mettent en scène successivement,
Wozzeck (Berg), Hamlet (Thomas), Les Fiançailles au couvent (Prokofiev),
Le Chevalier à la rose (Strauss), Le Ring (Wagner), Pelléas et Mélisande
(Debussy), Don Carlo (Verdi). Plus récemment, Patrice Caurier et Moshe
Leiser ont mis en scène La Traviata (Verdi) à Lausanne et à Cardiff, Madame
Butterfly (Puccini) à Covent Garden, Hamlet (Thomas) à Covent Garden
et Barcelone (enregistrement DVD), Lucia di Lammermoor (Donizetti) à
Lyon et au Châtelet, Eugène Onéguine (Tchaïkovsky) au Théâtre Mariinsky
à Saint-Pétersbourg, au Châtelet et à Marseille, L’Aiglon (Honegger / Ibert) Biographies
à Marseille, La Veuve joyeuse (Lehar) au Welsh National Opera de Cardiff
en octobre 2005 et Le Barbier de Séville (Rossini) à Covent Garden en
décembre dernier.
A Nantes et Angers, ils ont signé les mises en scène du Nez (Chostakovitch)
en 2004, de La Flûte enchantée (Mozart) et de l’Enfant et les sortilèges
(Ravel) en 2006, de Jenufa (Janacek) et du Château de Barbe-Bleue
(Bartok) en 2007.
Pascal VERROT
Direction musicale
Après un diplôme à la Sorbonne et un Premier Prix de direction d’orchestre
au Conservatoire National de Paris, Pascal Verrot se perfectionne auprès
de Franco Ferrara à l’Academie Musicale Chiagana de Sienne. Remarqué
par Seiji Ozawa lors du Concours International de direction d’orchestre
à Tokyo dont il fut lauréat en 1985, il devient, entre 1986 et 1990, son
assistant à l’Orchestre Symphonique de Boston. De 1991 à 1997, Pascal
Verrot fut également directeur musical de l’Orchestre Symphonique de
Québec.
Invité tant en Europe qu’au Japon ou en Amérique du Nord, Pascal
Verrot a notamment dirigé les Orchestres Symphoniques de Boston, San
Antonio, Montréal ou Toronto. Après avoir été chef principal du Shinsei Pascal Verrot
Nihon Orchestra de Tokyo, il est, depuis 2001, chef invité principal du © D.R.
Tokyo Philharmonique.
Pascal Verrot a dirigé plusieurs productions d’opéras, notamment LA
CHAUVE-SOURIS (Strauss) à l’Opéra de Lyon, LES NOCES DE FIGARO (Mozart) au
Conservatoire de Paris, DON GIOVANNI, COSI FAN TUTTE, LES NOCES DE FIGARO
et LA FLUTE ENCHANTEE (Mozart), PELLEAS ET MELISANDE (Debussy), L’OPERA
D’ARAN (Bécaud) ou encore DON QUICHOTTE (Massenet) à l’Opéra de Metz.
Dans le cadre de l’ouverture du nouvel opéra de Shanghai, Pascal Verrot
à dirigé FAUST (Gounod) et plus récemment LES NOCES DE FIGARO et DON
GIOVANNI (Mozart) dans des productions de la Nikikaï Opera Foundation
à Tokyo.
Depuis janvier 2003, Pascal Verrot est directeur musical de l’Orchestre
de Picardie. Il a dirigé, à l’Opéra de Lille, DON GIOVANNI (Mozart) en janvier
2004 puis la production de MADAME BUTTERFLY en avril 2004.
Grandeur et décadenCe de la ville de Mahagonny Dossier pédagogique / Angers Nantes Opéra 2008/09
Nuala Willis,
Léoccadia Begbick
Alto
Beau Palmer,
Fatty, le fondé de pouvoir
Tenor
Elizbieta Szmytka,
Jenny Hill
Personnages Jenny arrive en ville avec six filles en quête d’hommes et de dollars...
Soprano
Dessins de costumes Agostino Cavalca
Andrew Rees,
Jim Mahoney
Ténor
Eric Huchet,
Jack O’Brien/Tobby Higgins
Ténor
Randall Jakobsh,
Bill, surnommé Billy Tiroir-Caisse
Baryton
Grandeur et décadenCe de la ville de Mahagonny 10 Dossier pédagogique / Angers Nantes Opéra 2008/09
La collaboration Berthold Brecht & Kurt Weill
© D.R.
de Kurt Weill et Berthold Brecht
pour Mahagonny.
La première collaboration de Brecht et Weill a été offerte au public le 17
Juillet 1927 au festival de musique de chambre de Baden-Baden avec
Mahagonny Gesänge. Weill avait mis en musique cinq poèmes extraits
des « Sermons domestiques » de Brecht et cette approche donna une
première entame à notre opéra qui sera achevé trois ans plus tard. La plus
connue de ces cinq chansons, « Alabama Song », avait été interprétée par
la voix sensuelle et gracile de Lotte Lenya, la femme de Weill.
Cet opéra moqueur a bien rempli la fonction que souhaitaient lui attribuer
Weill et Brecht : le message idéologique est clair, et les musiques pour le
faire passer restent volontiers en tête. Rien dans cet opéra n’est opéra
sauf la forme et c’est assez pour créer la controverse et imposer leur
croyance en un certain esthétisme et dogme musical à venir.
Grandeur et décadenCe de la ville de Mahagonny 11 Dossier pédagogique / Angers Nantes Opéra 2008/09
«Contradictions»
par Alfred Einstein
Berliner Tageblatt
10 mars 1930
C’est certain : le ton de cet opéra n’est pas tendre, car la société qui
évolue devant nous est tout aussi peu respectable que celle de L’Opéra
de quat’ sous. Rien ne nous est épargné en matière de grossièreté; tout
est grossier, la langue comme les situations. Si l’on est encore attaché à
une conception traditionnelle de l’opéra, on ne peut être que choqué,
comme l’a été une grande partie du public de Leipzig : il a quitté la salle,
avec plus ou moins de discrétion, ou a réagi par force sifflets et huées.
Ces spectateurs ont eu raison de réagir de la sorte si leur colère allait A propos
par ALFRED EINSTEIN
non à l’œuvre, mais au lieu de la représentation. Au lendemain de la représentation
Il y a malentendu : Mahagonny est un opéra qui ne peut pas être à Leipzig,
représenté dans un Opéra. Mahagonny est un opéra qui rompt avec grandeur et décadence
toutes les données essentielles de l’opéra : l’exigence de la « belle de la ville de Mahagonny
L’AVANT-SCÈNE OPÉRA
apparence », d’une belle mélodie, et même l’exigence de « faire de Dépôt légal:
l’art ». C’était une erreur de représenter cet opéra dans une salle 3e trimestre 1995
d’Opéra. On aurait dû choisir une étable comme cela avait été fait pour
le Lehrstück (« pièce didactique ») de Brecht et Hindemith. L’argument
de cette pièce didactique : « Aucun homme n’aide l’autre », se retrouve
d’ailleurs mot pour mot dans les deuxième et troisième actes de notre
opéra. De même, la situation du brave Macheath de L’Opéra de quat’ sous
se répète presque littéralement dans la scène où Jimmy, avant l’aube,
attend la mort. Les Leipzigeois ont eu raison aussi de protester contre
la longueur de Mahagonny. Brecht et Weill surestiment leurs forces. Car
c’est bien la plus grande des contradictions de cette œuvre : Mahagonny
ne propose pas un opéra au sens traditionnel du terme et pourtant il
en est un dans la forme. Mais il refuse de faire de « l’art », il n’opère pour
ainsi dire qu’à l’aide d’argumenta ad hominem, le poing serré sous le
menton du spectateur. C’est, si l’on veut, un opéra populaire ou, plutôt,
un opéra pour la masse.
Grandeur et décadenCe de la ville de Mahagonny 12 Dossier pédagogique / Angers Nantes Opéra 2008/09
Show me the way to the next whisky bar
Oh, don’t ask why, oh, don’t ask why
Show me the way to the next whisky bar
Oh, don’t ask why, oh, don’t ask why
For if we don’t find the next whisky bar
I tell you we must die
I tell you we must die
I tell you
Brecht et la musique I tell you
I tell you we must die
Brecht a toujours travaillé son œuvre aux côtés de compositeurs et
musiciens. Si sa collaboration ave Weill reste la plus renommée, elle ne Oh, moon of Alabama
fut pas la plus constante. Parmi Hindemith, Dessau, Eisler et d’autres We now must say say good-bye
compositeurs avant-gardistes que Brecht rencontra lors de son exil We’ve lost our good old mamma
en pays scandinaves, c’est avec Eisler que l’entente a été la plus And must have whisky
durable et fructueuse. Jusqu’à sa mort en 1956, cette coopération Oh, you know why.
donna lieu à cinq pièces : La décision (1930), Têtes rondes, têtes
pointues (1936), La mère (1932), Grand peur et misère du 3ème Reich Show me the way to the next pretty girl
(1948), Schweyk (1948). Oh, don’t ask why, oh, don’t ask why
Show me the way to the next pretty girl
Brecht a lui-même composé des ballades, notamment dans sa Oh don’t ask why, oh, don’t ask why
première pièce, Baal. For if we don’t find the next pretty girl
En allant régulièrement à l’opéra, toujours muni de la partition, Brecht I tell you we must die
a constaté que l’émotion ressentie en écoutant de la musique est I tell you we must die
supérieure à celle vécue au théâtre. Lui-même étant fragile du cœur, I tell you
il fit de cette émotion un danger. Il théorisa alors le rôle de la musique I tell you
en recherchant la distanciation, c’est-à-dire le rejet de l’identification I tell you we must die
et un retour parodique ou critique du texte chanté. Il compare l’art
musical à l’art culinaire : on déguste, on ingère et rien ne laisse de
traces.
A propos Alabama Song
Bertolt Brecht
Glossaire brechtien
Oh, moon of Alabama
L’Opéra de quat’sous (1928) est apparu à Brecht comme un We now must say good-bye
pressentiment du théâtre tel qu’il le théorise à partir de 1930. We’ve lost our good old mamma
Voici quelques notions indispensables à la compréhension de son And must have a girl
oeuvre. Oh, you know why.
CULINAIRE : Terme appliqué par Brecht à l’opéra traditionnel, à ses Show me the way to the next little dollar
yeux Oh, don’t ask why, oh, don’t ask why
simple objet de consommation uniquement dirigé vers la satisfaction Show me the way to the next little dollar
d’un plaisir facile et immédiat. Oh, don’t ask why, oh, don’t ask why
For if we don’t find the next little dollar
DISTANCIATION (en allemand Verfremdungseffekt) : Effet qui I tell you we must die
vise à montrer au spectateur ce que l’illusion théâtrale a de factice I tell you we must die
et à le maintenir étranger à l’action pour éveiller son regard critique. I tell you
S’oppose aux processus de fusion affective avec les personnages I tell you
recherchés par Stanislavski. I tell you we must die
ÉPIQUE : Le théâtre épique de Brecht s’oppose au théâtre dramatique, Oh, moon of Alabama
qui essaie de recréer un faux présent. Au contraire, le théâtre épique We now must say good-bye
est historique, il rappelle constamment au public qu’il assiste à une We’ve lost our good old mamma
représentation d’événements passés destinés à lui faire apparaître And must have dollars
les lois qui régissent sa vie sociale et à l’éveiller sur leur nécessaire Oh, you know why.
transformation.
Source http://www.cndp.fr/tice/teledoc/mire/teledoc_quatsous.pdf
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