ART006
ART006
ART006
et de la Géologie de la
de la Tunisie
ligne den°côte
45, 2013,
de pp. 105-116 du
la Tunisie Tyrrhénien à l’Actuel et prévisions futures
Actes des Xèmes Journées de la Géologie Tunisienne, Tunis, 18-19 Mai 2010
Direction de la Geologie, Office National des Mine, 24 Rue de l’Energie - 2035 La Charguia, Tunis BP. 215-1080.
Résumé_. Les indices des changements du niveau relatif de la mer depuis le Tyrrhénien sont bien soulignés le long
des côtes tunisiennes. Les hauts niveaux marins par rapport à l’actuel, d’âge tyrrhénien et holocène,
correspondent à deux périodes interglaciaires. Les formations dunaires consolidées sur les côtes septentrionale et
méridionale de la Tunisie, correspondent à des transgressions qui n’ont pas atteint le niveau marin actuel. La
dernière période glacière (glaciation würmienne), datée de 20 000 ans BP a provoqué une baisse du niveau marin
à - 120 m. Une phase régressive a commencé depuis l’antiquité et se poursuit actuellement. Selon les prévisions, le
niveau marin relatif pourrait atteindre + 100 cm en 2100. Cette élévation aura des répercussions plus ou moins
désastreuses sur la morphologie et la nature lithologique des côtes.
Mots clés : Littoral, variation du niveau marin, Tyrrhénien, Holocène, Actuel, érosion, côtes tunisiennes.
I. Introduction
Les effets de l’évolution du littoral sont perceptibles à l’échelle de la vie humaine. Plusieurs facteurs peuvent
contribuer à cette dynamique : l’eustatisme, le climat, la subsidence, la tectonique, les apports détritiques, l’activité
humaine, etc. Au cours du Quaternaire récent, plusieurs cycles glaciers ont provoqué des variations significatives
du niveau marin. Les variations eustatiques sont généralement retracées le long des côtes (Transgression : dépôts
marins, dunes éoliennes consolidées, falaises mortes, Rasa, etc. ; Régression : discontinuité, séries continentales)
ainsi qu’ au niveau des sédiments marins. Dans cette étude, nous allons essayer de dégager d’abord les variations
eustatiques durant les deux dernières périodes interglaciaires, tyrrhénienne (120 000 ans BP) et actuelle, séparées
par la glaciation würmienne qui a vu un maximum vers les 20 000 ans BP. Nous allons par la suite étudier les
traces et les impacts des variations du niveau marin au cours du Quaternaire terminal, leurs répercussions sur
l’évolution des côtes tunisiennes ainsi que sur l’environnement. Cette étude, aboutira à une projection permettant
de présenter la tendance actuelle de la variation du niveau marin, et de prévenir les impacts probables de ces
changements sur les côtes tunisiennes.
Les anciens travaux montrent que plusieurs changements climatiques ont été enregistrés au cours du Quaternaire
récent (Fig. 1). Ces dits changements ont été enregistrés dans les sédiments continentaux et marins de cette période
à travers le monde et particulièrement autour du bassin méditerranéen.
Dans le cade du projet Promess-1 « PROfiles across MEditerranean Sedimentary Systems. Part 1 », d’importantes
études sur les variations glacio-eustatiques au cours du Quaternaire terminal en Méditerranée occidentale ont été
effectuées. Ces études ont permis de préciser les variations eustatiques des derniers 500 000 ans et ce en se basant
sur l’étude des séquences et des para-séquences sédimentaires tardi-pléistocènes dans le Golf du Lion (delta du
Rhône) [14] (Fig. 2).
Les courbes de fluctuation eustatique relatives à ces études, expriment une cyclicité glacio-eustatique de premier
ordre tous les 100 000 ans. Ces fluctuations sont è leur tour composées de pulsations de second ordre et de moindre
importance définies tous les 10 000 ans (Fig. 1).
L’allure générale de la courbe de variation du niveau marin, se retrouve dans différentes publications et travaux de
recherches à travers le monde, tel que, au niveau de la Mer Rouge [33] et au niveau de l’Antarctique [32].
105
Marzougui et al.
Fig. 1- Variations du niveau marin de base pendant les dernières 550 000 années à l’échelle de la Méditerranée
occidentale [14].
Fig. 2- Coupe schématique montrant la distribution géométrique des unités sédimentaires du Tyrrhénien sur les côtes
orientales de la Tunisie [1].
Cette période de -120 000 ans a connu une phase transgressive globale, marquée sur le pourtour méditerranéen par
le passage du niveau marin de -140 m environ ([14], [32] et [33]), à +5 m ([4], [11], [12] et [14]) par rapport au
niveau marin actuel.
106
Evolution de la ligne de côte de la Tunisie du Tyrrhénien à l’Actuel et prévisions futures
Paskoff et al. [26], subdivisent les dépôts tyrrhéniens, sur les côtes orientales, en trois formations transgressives qui
sont séparées par des épisodes régressifs de courte durée et de faible ampleur. Ces trois formations marines, de la
plus ancienne vers la plus récente, sont :
- Formation Douira : Elle est caractérisée par sa richesse en sables fins quartzeux souvent riche en Cardium
d’une part, et par l’absence d’oolithes et de Strombes, d’autre part. Le sommet de cette formation est
marqué par une séquence sédimentaire régressive connue sous le nom d’unité Khniss ([15] et [16]).
- Formation Réjiche : Elle débute par des conglomérats à galets de croûte associée à de la macrofaune. Ces
conglomérats sont surmontés par un niveau de calcaire oolitique riche en Strombes. La partie sommitale
est formée par un membre dunaire à stratifications entrecroisées, constitué par des grains de quartz et de
lithoclasts de calcaires fins.
- Formation Chebba : Elle retrouve exclusivement à proximité immédiate du rivage actuel à une altitude
qui ne dépasse pas 1 à 2 m. Cette formation est composée essentiellement par des conglomérats consolidés
et hétérogènes : blocs, galets, débris de Strombes fortement usés et éléments terrigènes.
Les séries marines du Tyrrhénien ont été découpées et subdivisées différemment selon les auteurs et les résultats
des datations (Fig. 2).
Il est à préciser que les dépôts tyrrhéniens sur les côtes septentrionales de la Tunisie sont différents de ceux des
côtes orientales. Cette différence réside aussi bien au niveau du faciès qu’au niveau de la morphologie de ces
dépôts. Sur les côtes septentrionales, il s’agit souvent d’un niveau de plage conglomératique, qui est discordant sur
différents type de substratum (Numidien, calcaire éocène, néogène (Saouaf), etc.), avec de rares Strombes (Fig. 3),
ainsi que des Rasa à faciès marin (Fig. 4).
Fig. 3- Coupe schématique des séries tyrrhéniennes et post-tyrrhéniennes sur les côtes septentrionales de la Tunisie (de
la frontière Tuniso-Algérienne à la pointe du Cap-Bon).
Plusieurs formations post-tyrrhéniennes sont rencontrées le long des côtes septentrionales de la Tunisie. En allant
de Tabarka vers la pointe de la péninsule du Cap-Bon, on a une alternance de formations continentales (Aïn Okter,
Sidi Daoued et Dar Chichou) et de formations éoliennes (Cap Blanc inférieur et supérieur) ; (Fig. 5). Le membre
supérieur de la formation Cap Blanc pourrait être l’équivalant de la formation Tlêt [26]. Cette dernière décrite
dans le Sud à partir de l’Ile de Jerba (côtes méridionales) ([5], [26] et [30]), où elle est décrite comme une
formation éolienne, composée de grès très riche en débris coquilliers marins [26]. Ces débris de coquilles qui sont à
107
Marzougui et al.
la fois grossiers et fragiles, témoignent de la proximité de la mer lors de leur dépôt. Tous les auteurs s’accordent
pour donner à cette période un niveau marin proche du zéro actuel. Perthuisot [30], propose une valeur de -5 m.
Il est à noter que les courbes de variation du niveau marin à l’échelle de la méditerranée et des océans,
n’enregistrent aucune transgression qui se rapproche du niveau - 5 m avancé par Perthuisot [30] et qui coïncide
avec la fourchette de temps qui correspond au dépôt des formations Cap Blanc et Tlêt qui se situe vers 30 000 BP
(Fig. 1). Ceci mettra en cause soit l’âge soit la valeur de la transgression.
108
Evolution de la ligne de côte de la Tunisie du Tyrrhénien à l’Actuel et prévisions futures
3. Niveau relatif de la mer il y à 20 000 BP
Une nouvelle et dernière période glacière (de 40 000 BP et 18 000 BP) connue sous le nom de glaciation
würmienne (Pléistocène terminal / Würm / Weichsélien) est marquée par une baisse globale du niveau marin avec
un niveau minimal de - 120 m (par rapport au niveau marin actuel) ; (Fig. 1). Cette période glacière est datée vers
2. 000 BP. En Tunisie, la formation qui peut correspondre à cette période glacière est celle de Dar Chichou (Fig. 5)
composée par des silts rouges avec des éléments colluvionnés. On y retrouve des lamelles de silex antérieures à
l’Ibéromaurusien indiquant un âge fini-würmien [26].
La transgression, entamée depuis 18 000 ans BP, se poursuit jusqu’au Néolithique (5 000 ans BP) pour atteindre
enfin des valeurs positives de + 2 m (Fig. 1). Les traces de cette transgression basées sur des données
morphologiques et archéologiques ont fait l’objet de nombreux travaux de géologie et de géomorphologie ([3], [6],
[19], [20], [22], [26] et [29]).
Au niveau d’Oued el Melah, à 15 km au nord de la ville de Gabès, un sable fin à faune marine légèrement
consolidé a été décrit par Paskoff et al. [26]. La datation de Cardium et d’Arca par le 14C, de ces niveaux a donnée
un âge de 5 500 ans BP environ. Ces dépôts indiquent une transgression Holocène de + 2 m par rapport au niveau
marin actuel. Les indices de cette transgression se retrouvent à l’ile de Jerba, dans les environs de Zarzis et dans les
bordures des Solbs de Bahiret el Biban [26].
Au niveau du Golfe de Gabès, l’Holocène marin est représenté par un cordon littoral qui n’est pas repérable partout
(Fig. 6). Ce cordon est formé par des galets libres mêlés à des sables grossiers et une macrofaune abondante
(Murex, Cardium, Arca), des strombes remaniés et du silex taillé remanié. Ce cordon affleure parfois sous forme de
dépôts de plages grésifiés et de dune grésifiée de la formation Sidi Salem [2].
Avec un niveau marin supérieur de 1 à 2 m par rapport à l’actuel, on pourrait avoir une configuration différente des
côtes. En effet, une grande partie des plaines alluviales bordant le Golfe de Tunis et le Golfe de Hammamet, serait
sous l’eau à cette époque. Les plaines alluviales des Oueds Mejerda et Miliane ainsi que la plus part des Sebkhas
paraliques, font encore partie de la mer (exemple : Sebkhat El-Melajh, Sebkhas des environs de Hchichina, sebkhat
Halk El-Menzel).
Les lagunes côtières (actuellement sous formes de sebkhas exoréiques) formeraient des paysages attractifs pour
l’Homme néolithique où il serait venu chercher sa nourriture [22]. Nous retrouvons actuellement sur ces anciennes
berges, des restes d’outils lithiques, des coquilles d’escargots continentaux, des restes de poissons et des coquilles
marines diverses.
Plusieurs preuves archéologiques confirment la théorie du soulèvement du niveau marin actuel par rapport à
l’époque antique. Ces indices retracent parfaitement le phénomène régressif de cette époque ([21] et [22]).
Actuellement, plusieurs carrières antiques et ruines sont couvertes par une tranche d’eau de 40 cm environ. Dans la
région de Hchichina et de sebkhat Smara, les traces néolithiques et les amas coquillés se retrouvent sur les bordures
109
Marzougui et al.
les plus externes, jusqu’à quelques mètres du rivage. L’homme se serait donc rapproché du rivage en suivant le
recul du trait de côte [23]. La plaine deltaïque de l’Oued Mejerda, renferme des sites antiques de plus en plus
récents en se déplaçant vers la mer ([10] et [21]), confirmant ainsi cette phase régressive (passage du niveau marin
+ 2 m vers 5 000 ans à - 0,4 m dans l’antiquité). Ce phénomène s’est accompagné par le comblement des lacs et
lagunes donnant ainsi naissance aux plaines alluviales de la Mejerda.
La tendance actuelle du soulèvement du niveau marin est confirmée par des données de la reconstitution du niveau
marin depuis 1870, des mesures sur la côte depuis 1950 et par les satellites récemment lancés (Fig. 7). Il est clair
qu’une accélération de la tendance transgressive est visible vers la deuxième moitié du XXème siècle. La courbe de
variation du niveau marin (Fig. 7) présente un changement notable de la valeur de la pente. En effet, avant 1930 la
pente du soulèvement du niveau marin est relativement douce et régulière. Après 1930, on remarque une
accentuation du rythme de la remontée marine qui se traduit par une courbe plus accentuée et irrégulière. Ce
changement est probablement lié à l’intensification de l’activité humaine (industrielle, agricole, énergétique, etc.)
ce qui se traduit par une importante production de gaz à effet de serre avec tout ce qui suit sur le plan du
réchauffement climatique (fonte des glaces, élévation du niveau marin etc).
Le retraçage du niveau marin au cours des 20 dernières années, montre un accroissement plus rapide de 25% par
rapport à la vitesse de la montée de toute la période des 115 années précédentes. Les données satellitaires montrent
une tendance linéaire de la remontée du niveau marin de 3,3 ± 0,4 mm / an (1993-2006) et la tendance du
marégraphe de reconstruction l’est un peu moins, alors que l’IPCC (l’Intergovernmental Panel on Climate Change)
prévoit une estimation de l'élévation inférieure à 2 mm / an [31].
Fig. 7- Moyenne annuelle du niveau marin montant la tendance actuelle du soulèvement du niveau marin (mm) ([8], [9]
et [17]).
La courbe en rouge : montre la reconstitution du niveau de la mer depuis 1870, la courbe en bleu : Montre les mesures du
changement du niveau de la mer sur les côtes depuis 1950 et en Noir réalisé à partir de mesures altimétriques par satellites.
2. Tendance future
Les estimations de la variation future du niveau marin sont basées, essentiellement, sur les tendances climatiques
enregistrées afin de prévoir les variations futures de la température, des taux de gaz à effet de serre, du niveau
110
Evolution de la ligne de côte de la Tunisie du Tyrrhénien à l’Actuel et prévisions futures
global de la mer etc. Plusieurs modèles et scénarios sont élaborés par les scientifiques et sont en perpétuel
réajustement en fonction des nouveaux enregistrements climatiques. Le travail le plus important dans le domaine de
l’évaluation des changements climatiques est le rapport d’évaluation de l’IPCC en 2001 [7]. C’est la source sur
laquelle s’est fondé le Protocole de Kyoto et dans lequel presque toutes les nations industrialisées ont signé un
engagement les contraignant à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre.
Les prévisions de 1990 à 2100, basées sur les projections de la température mondiale moyenne du troisième rapport
d'évaluation de l’IPCC sont représentées sur la figure 8. La gamme qui s'étend sur la bande brune, correspond à
l’incertitude de l’estimation de l'ordre de l'élévation de température de 1,4 à 5,8 °C. Les lignes grises, en pointillés,
représentent les ajouts de l'incertitude due à des erreurs statistiques dans l'ajustement de l'équation aux données. Les
lignes en couleur indiquent les différents scénarios de l’IPCC (par exemple, bleu clair est le scénario A1FI, et la
ligne jaune est le scénario B1, [31]).
Par la suite, le risque littoral doit être évalué en prenant en considération le scénario le plus pessimiste,
correspondant à un soulèvement du niveau marin de 100 cm vers 2100.
Fig. 8- Courbe du niveau marin dans le passé et le niveau marin estimé dans le futur. (Données de l’IPCC, [7]).
D’une façon générale, les oscillations eustatiques sont de deux types : soit de courte durée (marée, tempête, houle),
soit des modifications durables (variation générale du niveau de la mer). Les pulsations eustatiques ont une
répercussion directe sur la morphologie côtière (Fig. 9), soit par un engraissement, soit par un démaigrissement de
la plage [25]. En effet, toute baisse du niveau de la mer, est accompagnée d’un phénomène d’accumulation sur les
littoraux, donc l’avancée du trait de côte, sauf action des vagues très importante. Toute élévation du niveau de la
mer favorise le phénomène d’érosion, donc le recul du trait de côte, sauf apport alluviaux importants (type delta).
111
Marzougui et al.
Fig. 9- Effet des variations du niveau relatif de la mer sur la côte [21].
1 : régression (retrait de la ligne de rivage en deçà de sa position antérieure) ; 2 : stabilité de la ligne de rivage ; 3 :
transgression (avancée de la ligne de rivage au-delà de sa position antérieure) ; 4 : stabilité du niveau marin ; 5 : baisse du
niveau marin ; 6 : élévation du niveau marin ; 7 : accumulation ; 8 : érosion.
D’une façon globale, ce phénomène va se traduire probablement par un accroissement des risques de submersion et
d’érosion sur les espaces littoraux bas ([7], [27] et [28]). A l’échelle mondiale, la méditerranée est classée parmi les
zones les plus vulnérables à la submersion à la suite d’un soulèvement du niveau marin (Fig. 10) [18].
L’impact d’un soulèvement du niveau marin de 100 à 120 cm vers l’an 2100 aura des conséquences variables sur la
côte tunisienne et ce en relation directe avec la lithologie de la côte (rocheuse, sableuse, marécageuses, etc.) et sa
morphologie (côte à pente faible, côte à pente forte, etc.). Plusieurs études ont présentés des scénarios de l’impact
de l’élévation du niveau marin.
112
Evolution de la ligne de côte de la Tunisie du Tyrrhénien à l’Actuel et prévisions futures
Fig. 10- Les zones humides côtières les plus vulnérables à la submersion vers les années 2080 [18].
En Tunisie, les principaux grands oueds sont le siège de nombreux barrages et de lacs collinaires qui privent ces
eaux de leur charge détritique, ce qui fait pencher la balance des forces, dans le cas d’un soulèvement du niveau
marin, en faveur de l’érosion et de la destruction de ces accumulations côtières.
- Côte à lagunes
Un soulèvement du niveau marin aurait comme conséquence, une extension et un approfondissement des lagunes et
des sebkhas paraliques, sauf en cas d’important apport solide par les cours d’eau.
En Tunisie, les lagunes et les sebkhas paraliques n’ont pas d’apports solides importants et ce en raison de l’absence
d’oueds majeurs qui débouchent dans ces zones tels que : le lac de Bizerte, la lagune de Ghar El Melah
(abandonnée par l’Oued Mejerda depuis les années 60), absence de cours d’eau qui débouchent dans le lac de
Tunis, les sebkhas paraliques sont toutes dépourvues d’importants oueds de la côte SE du Cap-Bon jusqu’à Bhiret
El Bibane au Sud de Zarzis. Cela renforce l’hypothèse du rattachement, à la mer, de toutes les zones humides
côtières de la Tunisie.
- Côtes à falaises
Il faut s’attendre à une accélération des phénomènes d’érosion et de destruction des falaises qui se manifeste
actuellement à la suite de l’augmentation du niveau de la mer, provoquant ainsi une augmentation de l’épaisseur de
la tranche d’eau et facilitant la progression de la houle vers le rivage.
Les falaises réagissent différemment en fonction de leur composition. Le premier type est celui des falaises
composées de roches dures qui résistent bien à l’action des vagues (falaises gréseuses ou carbonatées du Nord de la
Tunisie). Le deuxième type est celui des falaises composées de roches tendres, facilement érodables entraînant le
recul des falaises par éboulement dû à l’entaille d’une encoche basale due à l’érosion mécanique des vagues
(falaise Korbous et Skhira).
113
Marzougui et al.
conversion des environnements attractifs à des environnements répulsifs comme le cas de Sabkhet Ariana [23] ou
encore celui de plusieurs palmerais dans l’île de Kerkennah.
V. Conclusion
Les études géologiques montrent que le niveau moyen de la mer en méditerranée centrale a connu d’importantes
variations. En fait, durant la période interglaciaire tyrrhénienne, le niveau marin était supérieur de 5 m par rapport à
l’actuel. Depuis, une phase régressive débute et marque tout le reste du Pléistocène supérieur. Cette régression
atteint son minimum vers les 20 000 BP (-120 m). Des minis transgressions sont enregistrées entre temps qui n’ont
jamais atteint le niveau marin actuel, laissant déposer des formations dunaires et des séries continentales. Au cours
de l’Holocène, un niveau marin, supérieur à l’actuel, est décrit de plus de deux mètres vers les 6 000 BP. Une brève
régression est enregistrée à l’époque romaine (-0,4 m). Depuis, une tendance transgressive globale se manifeste
avec des signes d’accélération liée aux développements économiques et industriels (Fig. 7). Les prévisions futures
de cette tendance transgressive annoncent une valeur de + 100 cm d’ici l’an 2100.
En plus de l’immersion des terrains situés à une altitude inférieure à cette côte, l’élévation du niveau marin aura des
répercussions négatives sur les côtes tunisiennes par l’accentuation du phénomène d’érosion, l’augmentation des
glissements de terrain et d’éboulement des falaises exposées sur la côte, invasion des lagunes et des sebkhas
paraliques par l’eau de mer et salinisation des terres agricoles côtières et des nappes phréatiques.
La variation du niveau marin est un phénomène naturel, cyclique au cours du Quaternaire récent. L’impact humain
réside dans l’aggravation et l’accélération de ce phénomène.
Pour des conditions meilleures, un équilibre doit être instauré entre les intérêts socio-économiques de l’homme et
l’évolution cyclique des phénomènes naturels. Pour cela, des mesures préventives s’imposent.
Références
[1] BARDAJÍ T., GOY J.L., ZAZO C., HILLAIRE-MARCEL C., DABRIO C.J., CABERO A., GHALEB B.,
SILVA P.G., LARIO J., 2009. Sea level and climate changes during OIS 5e in the Western Mediterranean,
Geomorphology, 104, pp. 22 – 37.
[2] BEN OUEZDOU, 1986.Essai de corrélation des formations quaternaires continentales et marines dans les
alentours du golf de Gabès. Géodynamique, 1, (2), pp. 81 – 95.
[3] BEN OUEZDOU, 1987. Etude morphologique et stratigraphique des formations quaternaires des alentour du
Golf de Gabès. Rev. Sc. Terre 5Mémoir)), V5, 165 p.
[4] BOUAZIZ S., JEDOUI Y., BARRIER E., ANGELIER J., 2003. Néotectonique affectant les dépôts marins
tyrrhéniens du littoral sud-est tunisien : implications pour les variations du niveau marin, C. R. Geoscience,
335, pp. 247 – 254.
[5] BUROLLET P. F., WINNOCK E., 1979. « structure et tectonique de la mer pélagienne », in « La Mer
Pélagienne », Géol. Médit., VI, 1, pp. 321 – 327.
[6] DALONGEVILLE R., PASKOFF R., SANLAVILLE P., THOMMERET J. ET THOMMERET Y., 1980.
Témoin d’un niveau holocène supérieur à l’actuel en Tunisie méridionale. C. R. Acad. Sci., Paris, t. 209, pp.
303 – 306.
[7] IPCC, CLIMATE CHANGE 2001. The Scientific Basis (Cambridge Univ. Press, Cambridge, 2001).
114
Evolution de la ligne de côte de la Tunisie du Tyrrhénien à l’Actuel et prévisions futures
[8] IPCC (IPCC SPM), 2007. Summary for Policymakers. In: Climate Change 2007: The Physical Science Basis.
Contribution of Working Group I to the Fourth Assessment Repor of the Intergovernmental Panel on Climate
Change [Solomon, S., D. Qin, M. Manning, Z. Chen, M. Marquis, K.B. Averyt, M. Tignor and H.L. Miller
(eds.)]. Cambridge University Press, Cambridge, United Kingdom and New York, NY, USA.
[9] IPCC, 2007: Third Assessment Report, Working Group II, chapitre 7, p. 396.
[10] JAUZEIN, A., 1971. Evolution récente du delta de la Medjerda. Les agents de la morphogenèse, Trav. Labo.
Géol. E. N. S. Paris, 5, pp. 126 – 151.
[11] JEDOUI, Y., KALLELB, N., LABEYRIEC, L., REYSSC, J.-L., MONTACERB, M., FONTUGNEC, M.,
2001. Variabilité climatique rapide lors du dernier interglaciaire (stade isotopique marine 5e), enregistrée dans
les sédiments littoraux du Sud-Est tunisien. C. R. Acad. Sci. Paris, Science de la terre et des planètes, t. 333,
pp. 733 – 740.
[12] JEDOUI, Y., DAVAUD, H., ISMAÏL, B., REYSS, J.L., 2002. Analyse sédimentologique des dépôts marins
pléistocènes du Sud-Est tunisien : mise en évidence de deux périodes de haut niveau marin pendant le sous-
stade isotopique marin 5e (Eémien, Tyrrhénien). Bulletin Société Géologique du France 173, 63–72.
[13] JEDOUI, Y., REYSS, J. L., KALLEL, N., MONTACER, M., ISMAÏL, H. B., DAVAUD, E., 2003. U-series
evidence for two Last Interglacial sea levels in southern Tunisia. Quaternary Science Reviews, 22, 343–351.
[14] JOUËT, G., 2007. Enregistrements stratigraphiques des cycles climatiques et glacio-eustatiques du
Quaternaire terminal, Modélisations de la marge continentale du Golfe du Lion. Thèse volum I, Univ. De
Bretagne Occidentale, 444 p.
[15] MAHMOUDI, M., PURSER, B. H., PLAZIAT, J. C., 1987a. Quaternary shallow marine carbonates in the
eastern coast of Tunisia. Excursion Guide Book IAS 8th Regional Meeting of Sedimentology, Tunis, Tunisia,
pp. 129–172.
[16] MAHMOUDI, M., PLAZIAT, J.C., FONTES, J.C., MESSOUCI, S., TILLIER S., 1987b. Le climat tunisien
durant le Tyrrhénien d'après des dones nouvelles concernant la sédimentation, les mollusques marins et
terrestres, les pollens et une mesure isotopique de la températures des eaux litorales. Abstracts Volume IAS
8th Regional Meeting of Sedimentology, Tunis, Tunisia, pp. 330–331.
[17] MOTE P., PETERSEN, A., REEDER, S., SHIPMAN, H., BINDER, L. W., 2008. Sea Level Rise in the
Coastal Waters of Washington State. The University of Washington Climate Impacts Group and the
Washington Department of Ecology, 11p.
[18] NICHOLL, S. R. J., HOOZEMANS, F. M. J., MARCHAND, M., 1999 : Increasing flood risk and wetland
losses due to global sea-level rise: regional and global analyses. Global Environmental Change, 9, S69-S87.
[19] OUESLATI, A., 1980. Jerba et Kerkna (îles de la côte orientale de la Tunisie) : Etude géomorphologique.
Thèse 3ème cycle, Univ. De Tunis. 224 p.
[20] OUESLATI, A., 1986. Jerba et Kerkna (îles de la côte orientale de la Tunisie), leur évolution
géomorphologique au cours du Quaternaire. Publ. Univ. De Tunis, 210 p.
[21] OUESLATI A., PASKOFF, R., SLIM H., TROUSSET,, P., 1987: Déplacement de la ligne de rivage en
Tunisie d’après les données de l’archéologie à l’époque Historique. Colloque internationaux C. N. R. S. :
Déplacements des lignes de rivage en Méditerranée, Edition du C. N. R. S., Paris, pp. 67 – 85.
[22] OUESLATI, A., 1989. Les côtes de la Tunisie, recherches géomorphologiques, Thèse Sc., Tunis, 682 p.
115
Marzougui et al.
[23] OUESLATI , A., 1992. Sur l’évolution de l’environnement côtier en Tunisie depuis l’occupation Néolithique.
Extrait du Cahier du C.E.R.E.S. : Série Géologique N° 7, Secrétariat d’Etat à la Recherche Scientifique et à la
Technologie, 91–104.
[24] PASKOFF, R., SANLAVILLE, P., 1976. Sur le Quaternaire marin de la région de Mahdia, Sahel de Sousse,
Tunisie. Compte Rendu Académie Science Paris 283, 1715.
[25] PASKOFF, R., 1979. Evaluation de la vulnérabilité à l’érosion marine de sites archéologiques de la côte
tunisienne. Cah. Tunisie. 109-110, pp. 301 – 326.
[26] PASKOFF, R., SANLAVILLE, P. 1983. Les côtes de la Tunisie : variation du niveau marin depuis le
Tyrrénien. Ed. Maison de l’orient, Lyon, Fr., 192p.
[27] PASKOFF, R., 1998. Conséquences possibles sur les milieux littoraux de l’élévation du niveau de la mer
prévue pour les prochaines décennies. Annales de Géologie, t. 107, N° 600, Lyon, pp. 233 – 248.
[28] PASKOFF, R., 2001. L’élévation du niveau de la mer et les espaces côtiers. Le mythe et la réalité. Collection
« Propos », Institut Océanographique, Paris, 191 p.
[29] PERTHUISOT, J. P., 1975. La Sebkha el Malah de Zarzis : Genèse et évolution d’un bassin salin paralique.
Ecole Normale Sup., Trav. Lab. Géol., Paris, 9, 252 p.
[30] PERTHUISOT J. P., 1977. Le « lambeau de Tlet » et la structure néotectonique de l’île de Jerba (Tunisie). C.
R. Acad. Sc., Paris, t. 285, Série D, pp. 1091 – 1093.
[31] RAHMSTORF, S., CAZENAVE, A., CHURCH, J. A., HANSEN, J. E., KEELING, R. F., PARKER, D. E.,
SOMERVILLES R. C. J., 2007. Recent Climate Observations Compared to Projections, SCIENCE VOL 316.
Revue BREVIA, Page 709.
[32] RAYNAUD, D., JOUSEL, J., BARNOLA, J.M., CHAPPELLAZ, J., DELMAS, R.J., LORIUS, C., 1993. The
ice record of greenhouse gases. Science 259, 926–934.
[33] SIDDALL, M., ROHLING E. J., ALMOGI-LABIN A., HEMLEBEN, CH., MEISCHNER, D.,
SCHMELZER, I., SMEED, D. A., 2003. Sea-level fluctuations during the last glacial cycle, Nature, 423: 853-
858.
116