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Cultiver la diversité
Adresse AGRIDAPE Administration : Edition chinoise
IED Afrique Maïmouna Dieng Lagnane CBIK, 3rd Floor, Building A
24, Sacré Coeur III – Dakar Zhonghuandasha, Yanjiadi, Kunming
BP : 5579 Dakar-Fann, Sénégal Traduction : Bougouma Mbaye Fall Yunnan. E-mail : renjian@cbik.sc.cn
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Agriculture durable à faibles apports externes
Lima 18, Pérou
VOL. 25.1 - Mai 2009 Coordonnatrice : Awa Faly Ba Mbow
AGRIDAPE est l’édition régionale
Edition Internationale E-mail : base-leisa@etcandes.com.pe
Afrique francophone des magazines Comité éditorial : Awa Faly Ba Mbow, LEISA Magazine
LEISA co-publiée par ILEIA et IED Afrique Safietou Sall Diop, Aïssatou Tounkara, ILEIA P.O. Box 2067, 3800 CB Amersfoort, Édition indienne
ISSN n°0851-7932 Bara Guèye, Mouhamadou Lamine The Netherlands LEISA India
Seck Tél. : +31 33 467 38 70 AME Foundation , PO Box 7836, Bangalore
Fax : +31 33 463 24 10 560 085, Inde
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4 Editorial : cultiver la diversité Les conclusions d’une étude menée à Cuba pendant six ans
indiquent qu’en augmentant la diversification d’une exploitation
6 Vive les petites exploitations diversifiées !
grâce, par exemple, à un système de polyculture/élevage, c’est
Coen Reijntjes la productivité globale qui s’en trouve améliorée. Il est également
important de relever la capacité des systèmes d’exploitation
8 Diversité et efficacité : éléments-clés d’une agriculture
mixtes à réduire les risques, surtout par rapport aux systèmes
écologiquement intensive simplifiés et homogènes. Ils s’inspirent beaucoup des idées et
Fernando Funes-Monzote, Santiago López-Ridaura et Pablo Tittonell enseignements de l’agriculture traditionnelle que l’on retrouve
10 dans plusieurs parties du monde.
La rotation des cultures, une méthode écologique et efficace
Mouhamed Gueye
Bonne lecture
ÉDITORIAL
Cultiver la diversité
F
ace à la crise alimentaire mondiale, le alimentaire. Contrairement à l’agriculture de ressources, pratiquant les mêmes
débat est plus que jamais passionné dite conventionnelle qui promeut générale- modes de production, bénéficiant des
quant au type d’agriculture à promou- ment un système monocultural intensif et mêmes sources de subsistance et
voir. Deux modèles fondamentaux s’oppo- fortement dépendant des intrants externes, assujettis aux mêmes contraintes, pour
sent. L’un s’appuie sur l’exploitation agricole les petits exploitants ont recours à diver- lesquels des stratégies et interventions
familiale et promeut la souveraineté alimen- ses pratiques agricoles adaptées à leurs de développement similaires peuvent
taire des petits producteurs, l’autre, plus environnements et à leurs réalités socio- être élaborées ». Cette étude a tenté
connu sous la dénomination d’agrobusiness, culturelles. Ainsi, en dépit des prévisions de regrouper les systèmes de production
est productiviste et orienté vers la recherche récurrentes de leur disparition, les petites selon les facteurs-clés suivants : (i) la
du profit. Cette dernière approche, qui s’ar- exploitations familiales s’avèrent remar- base agro-écologique disponible; (ii) les
ticule autour des principes de la modernisa- quablement résilientes et, malgré leurs activités agricoles et sources de subsistance
tion de l’agriculture, reproche aux praticiens « petites » tailles, contribuent à nourrir de prédominantes, et leurs relations par
de l’agriculture familiale d’être à l’origine de plus en plus de populations urbaines (Coen rapport au marché; et (iii) l’intensité
la faible compétitivité du secteur. En effet, Reijntes, p. 6). des activités de production. Plus de 200
une vision, assez stéréotypée et largement systèmes millénaires ont été identifiés à
véhiculée, associe (à tort) l’agriculture fami- Petites exploitations ; travers le monde. Leur caractère inventif,
liale à des caractérisations négatives met- leur contribution à l’équilibre écologique et
tant en exergue son archaïsme, sa faible grande diversité leur soutien à la préservation des modes
productivité et son manque d’innovations. Une étude réalisée par la FAO et la de vie des populations pauvres leur ont
Autant de qualificatifs qui sont plutôt im- Banque mondiale1 définit un système valu une reconnaissance comme systèmes
putables à l’ignorance (feinte ou pas) de agricole comme étant « un regroupement ingénieux du patrimoine agricole mondial.
la diversité et de l’efficience des systèmes de systèmes d’exploitation individuels En effet, fondées sur la culture et les sa-
agricoles basés sur l’exploitation familiale. disposant à peu près d’un même niveau voirs développés et enrichis de généra-
Pourtant, l’agriculture familiale est riche tion en génération, les pratiques agricoles
1 Etude réalisée en 2001 par John Dixon et Aidan
d’une diversité de pratiques agricoles en- familiales s’ancrent dans un écosystème
Gulliver, en collaboration avec David Gibbon. Elle
dogènes qui constituent des réservoirs porte sur le lien entre systèmes de production auquel elles s’adaptent et, dans bien des
d’alternatives pour lutter contre la crise agricole et pauvreté. cas, qu’elles contribuent à préserver. C’est
ainsi que les exploitations familiales favo-
risent la diversité des systèmes agricoles
tout en démontrant leur propre capacité
à s’adapter à des conditions climatiques,
politiques, sociales et environnementales
fluctuantes. Cela se traduit par une grande
diversité des modes de mise en valeur
des terres, tant au plan technique que so-
cial, et qui s’exprime, par ailleurs, à travers
des pratiques et des cultures différentes,
des niveaux technologiques distinctifs et
des paysages variés.
Dans les politiques agricoles, ces systèmes
sont souvent considérés comme des
originalités à faible potentiel de diffusion/
vulgarisation et sont perçus comme
Q
u’il s’agisse d’exploitations à petite depuis presque deux décennies. La schéma de substitution des intrants privi-
ou grande échelle, la conception disparition soudaine des subventions légiant des pratiques industrielles à forts
d’un système agricole durable et après 1990 a provoqué ce changement. apports externes. Ces premières tentatives
équitable comporte toujours des défis. La crise énergétique qui a suivi a créé ont donc mené à une nouvelle approche,
Le modèle agricole le plus encouragé à les conditions d’une réflexion autour inspirée des systèmes observés au Mexi-
travers le monde, et qui est fondé sur des d’un nouveau modèle d’agriculture plus que et ailleurs, c’est-à-dire transformer les
systèmes simples et homogènes, a lamen- diversifiée. Ce nouveau modèle pourrait systèmes agricoles spécialisés (monocul-
tablement échoué quant à sa viabilité et contribuer à la conception de systèmes ture) en systèmes mixtes, diversifiés (et à
à son équité. Là où l’on n’a pas enregistré durables à travers le monde. petite échelle).
d’échec mais une augmentation de la pro- A l’évaluation, ces systèmes traditionnels Aujourd’hui, on présente les systèmes
duction, dans certains pays, ladite produc- présentent plusieurs avantages, particuliè- agricoles mixtes comme un pas effectif
tion a été subventionnée sous différentes rement par rapport aux systèmes « sim- vers la mise en oeuvre de pratiques dura-
formes ; financements ou surexploitation plifiés ». Ils ne demandent que très peu bles à Cuba. Leur but est de maximaliser
des ressources. Parallèlement, certaines d’intrants externes (un peu d’engrais à la diversification des systèmes, d’insister
questions telles que la pollution de l’en- l’occasion et de main d’oeuvre pour des sur la gestion et la conservation de la fer-
vironnement, la dégradation des terres ou tâches spécifiques telles que la moisson tilité des sols, d’optimiser l’utilisation de
la pauvreté en milieu rural ne font l’objet du maïs). Bien que la production de maïs, l’énergie et des ressources disponibles
d’aucune considération. de lait, de viande et de bois s’avére lé- localement ; elles sont par ailleurs hau-
Le passage du système d'exploitation spécialisé au système mixte a suivi trois principes : la diversification (par l'inclusion des cultures, des arbres et des espèces
animales), l'intégration (par l'échange dynamique et le recyclage de l'énergie et des éléments nutritifs au sein des différentes composantes de chaque système)
et la réalisation de l'autosuffisance alimentaire.
spécialisées. Il faut cependant noter les végétaux. Les contraintes du marché, les décisions complexe et dynamique. Une
nombreux écarts entre ces cas, surtout contrats de vente passés avec l’Etat, ainsi analyse approfondie de ces systèmes
selon le pourcentage de la superficie uti- que d’autres facteurs socio-économiques s’impose quant à leur potentiel d’offre
lisée pour la production d’une culture dans ont également joué un rôle dans la tran- de services tels que la séquestration
chaque exploitation. Les exploitations avec sition vers un système agricole diversifié.. du carbone ou la conservation de la
les pourcentages les plus élevés de terres Mais ceci demandait des compétences en biodiversité ou s’agissant de la préservation
emblavées ont une meilleure productivité conception et une prise de décision plus de notre patrimoine culturel. Les systèmes
en lait par superficie unitaire de fourrage, dynamique ; c’est ce qui a conduit à la res- d’exploitation agricole mixtes devraient
en rendement énergétique et en rende- ponsabilisation des agriculteurs. En outre, être la cible prioritaire en matière de
ment protéinique. Les exploitations ayant la meilleure répartition des aliments de protection et de subventions.
9
davantage de terres emblavées nécessi- bétail et de la main-d’oeuvre sur l’année Il faut cependant noter que les avantages
tent trois fois plus de main-d’œuvre , mais a permis d’améliorer l’efficacité des res- potentiels de la diversification agricole ne
le coût énergétique global de production sources. se limitent pas uniquement à la petite
protéinique y est plus bas et l’utilisation agriculture familiale traditionnelle. Les
intensive d’engrais organiques plus que Des leçons d’une pertinence enseignements tirés de la conversion de
jamais nécessaire. Cela s’explique essen- universelle l’agriculture cubaine sont une indication
tiellement par l’inclusion de cultures dans des opportunités qu’offre la diversification
Une utilisation optimale des ressources,
des systèmes antérieurement basés sur le dans la conception de systèmes agrico-
tant pour la production culturale qu’ani-
pâturage. les viables à une échelle beaucoup plus
malière, permet de réaliser l’autosuffi-
Par ailleurs, plus les superficies affectées sance alimentaire tout en contribuant à vaste. La position singulière du secteur
aux cultures de rente sont élevées, plus une production commercialisable qui par- agricole cubain, au niveau tant national
grandes sont aussi les valeurs pour les ticipe aux revenus du foyer sans dégrader qu’international, est une source d’ensei-
indicateurs de la diversification agricole. l’environnement. Au bout de quelques an- gnements hautement valables pour le
Dans les conditions où ces exploitations nées seulement, ces petites exploitations reste du monde. L’instabilité des prix du
fonctionnent, avec peu d’intrants et une hautement diversifiées, hétérogènes et pétrole, les changements climatiques, ou
grande incertitude, cette diversification complexes se montrent déjà nettement la hausse croissante des prix des denrées
accrue a permis de réduire les risques et plus productives et efficientes que les sys- alimentaires sur le marché international,
d’augmenter la productivité. Les ressources tèmes spécialisés agricoles ou d’élevage. combinés à la prise de conscience nationale
internes comme externes (plus rares) sont De nos jours, près de 65 % des aliments de la nécessité de consommer local, sont
utilisées de manière plus efficace dans les produits et vendus localement provien- autant de facteurs qui ouvrent de multi-
champs mixtes que dans les exploitations nent de petites exploitations. ples possibilités de diffusion des systèmes
spécialisées. alternatifs à l’échelle nationale. La diver-
Les différentes formes et échelles de la
Ces résultats ont montré qu’en comparant sification, la décentralisation et le mou-
diversification liées à l’agriculture familiale
différents systèmes, la question ne se pose vement vers l’autosuffisance alimentaire
jouent un rôle capital dans la sécurisation
pas seulement en termes de grandes ou sont la réponse que l’agriculture cubaine
des moyens de subsistance en milieu
de petites quantités d’intrants, de spé- oppose au contexte local, international et
rural. Un rapide tour d’horizon de ces
cialisation ou de diversification. Il s’agit mondial actuel fortement secoué par dif-
différents systèmes traditionnels montre
plutôt de voir comment les composantes férentes crises .
à quel point la diversification agricole
spécifiques de chaque système agricole est toujours essentielle et participe de Fernando Funes Monzote “Indio Hatuey” Research
s’intègrent et, surtout, comment les agri- manière considérable à leur viabilité. Elle Station, University of Matanzas, Central España
Republicana, Perico, Matanzas, Cuba.
culteurs eux-mêmes les gèrent. Lors de assure une utilisation plus rationnelle des E-mail : mgahonam@enet.cu
leur prise de décision sur le pourcentage ressources locales, réduit la dépendance Santiago López Ridaura. INRA, Agrocampus Rennes,
de la superficie de l’exploitation à affecter vis-à-vis des intrants externes tout en UMR 1069, Sol Agronomie Spatialisation, F-35000
aux cultures, par exemple, les agriculteurs conservant les ressources biologiques, et Rennes, France.
prennent en compte des facteurs tels que réduit enfin les risques. La diversification E-mail : ridaura@supagro.inra.fr
la disponibilité des terres, la capacité de agricole joue aussi un rôle important Pablo Tittonell. Centre de coopération internationale
charge et l’équilibre de l’alimentation du dans la préservation du savoir local et en recherche agronomique pour le développement,
bétail, d’une part, et, d’autre part, les ca- la responsabilisation des paysans car les CIRAD, Persyst, TA B 102/02, Avenue Agropolis,
ractéristiques du sol, la productivité des systèmes de polyculture sont basés sur 34398, Montpellier cedex - 5, France.
fourrages et la disponibilité des résidus la connaissance et appellent une prise de E-mail : ptittonell@gmail.com
La rotation des cultures, une méthode éco-
logique et efficace
Mohamed Gueye
A
Keur Yaba, village de la région de elles-mêmes suivies de la culture de égoutteur en caoutchouc par où passe
Thiès, situé au nord-est du Sénégal, l’arachide de contre-saison. Et de manière l’eau. La quantité prévue pour l’arrosage
à environ 115 km de Dakar, , courante, ajoute-t-il, les rangées de tomate du jour est remplie dans les fûts avant
l’agriculture nourrit son homme depuis ou d’oignon, sont bordées par des plants que l’on ouvre les robinets. Dès qu’une
près de quatre ans que les paysans ont de mil ou de bissap (fleur d’hibiscus). parcelle reçoit la quantité d’eau jugée
décidé de faire ce qu’ils ont appelé « une Ce système de cultures a été introduit suffisante, le robinet correspondant est
gestion écologique des ressources ». Grâce à Keur Yaba, il y a quatre ans, grâce au refermé. Cette technique d’arrosage par
à la maîtrise de techniques agricoles qui soutien de l’ONG Green Sénégal et à l’appui gravité permet d’irriguer toute la parcelle
associent durabilité et rentabilité. technique de l’ambassade d’Israël à Dakar. sans autre source d’énergie. Elle permet
La diversification des cultures est devenue La soixantaine de familles qui composent aussi de fournir exactement la même
le maître-mot des producteurs de Keur le village s’est organisée en association et quantité d’eau à toutes les plantes, ce qui
Yaba, en plus de la maîtrise de l’eau a adopté le nouveau système. L’association évite de les arroser inutilement, l’excès
grâce au système d’arrosage au goutte possède un champ de 3 ha, divisé en d’eau pouvant favoriser l’éclosion des
à goutte. Ceux qui exploitent un champ lopins de 500 m² par famille. Les lots parasites. «Ce système est plus efficace
communautaire n’utilisent presque plus restants sont cultivés pour le compte des que l’arrosage manuel ou par aspersion,
de pesticides depuis qu’ils ont adopté ce infrastructures communautaires : l’école, la puisqu’il permet des économies d’eau de
système, car les insectes qui s’en prenaient case de santé et le foyer. l’ordre de 50%», explique Alioune Diouf,
aux cultures ont quasiment disparu. Sur l’agronome sénégalais qui encadre les
L’eau d’arrosage de leurs plantes provient paysans, partisans de cette technologie.
un sol où, depuis quelques années, ne se d’un forage qui alimente des fûts placés
pratique plus la jachère, cette rentabilité à environ un mètre et demi au-dessus du
est le signe tangible de l’efficacité de sol. Une fois les robinets des fûts ouverts,
Gains importants
la rotation et de la diversification des l’eau s’écoule et arrose les légumes et les A Keur Yaba, le maraîchage a pris le pas sur
cultures, se félicite Abdou Yaba Diop, l’un tubercules en passant dans des tuyaux la culture sous pluie, principalement, pour
des responsables du champ. Il explique minces fixés à même le sol. Chaque tuyau des raisons économiques. Alioune Diouf
que souvent une campagne d’oignons est est percé, à intervalles réguliers, d’un explique que, maintenant, chaque famille
suivie de culture de haricots ou de maïs, petit trou sur lequel est placé un petit peut alterner trois cultures dans l’année.
Photo : Mohamed Gueye
Les paysans mettent eux l’accent sur les réduites. Quoi qu’il en soit, les paysans révèle que la pluviométrie est devenue
cultures de contre-saison. Ousmane Yade, considèrent qu’ils ont toutes les raisons de capricieuse depuis 2002 dans cette partie
producteur, explique qu’en mars dernier, se féliciter du système qui se pratique dans du département de Thiès. Cette année-là,
c’est la patate douce qui a été plantée. Ce leur champ. les paysans ont perdu de leurs cultures du
produit est venu juste après une bonne D’après les estimations d’Abdou Yaba fait d’une pause des pluies qui a duré plus
campagne de maïs dont les récoltes se d’un mois. Les semis ont séché dans le sol
11
Diop, qui est, incidemment, le fils du chef
retrouvent encore sur le marché. du village de Keur Yaba, le maraîchage sans pousser. L’année suivante, la région
L’intérêt de cette méthode culturale se rapporte par campagne agricole en a connu trois pluies trop fortes, dans des
trouve, selon les dirigeants du champ moyenne 400 000 à 600 000 F cfa de périodes trop courtes qui ont provoqué des
de Keur Yaba et leur encadrement, dans recette à chaque famille contre moins de inondations et ravagé les sols. Les deux
le fait qu’elle permet de régénérer le 100 000 Fcfa de dépenses. Soit un gain années qui ont suivi ont été meilleures,
sol et d’éviter la prolifération d’insectes trois à quatre fois plus élevé que les mais la situation a empiré en 2006 avec
nuisibles. montants investis. des niveaux de pluies très faibles et mal
réparties dans l’année. Ces problèmes sont
Alioune Diouf assure que le fait d’alterner La culture de l’arachide sous pluie n’avait venus s’ajouter à une forte mévente de
des légumineuses et des solanacées jamais procuré un tel niveau de revenus aux l’arachide, la principale spéculation dans
comme la tomate, les aubergines ou les paysans, les meilleures ventes annuelles la région. «Les paysans avaient besoin de
pommes de terre permet au sol de se étant inférieures d’au moins 25%. Cette technologies de substitution qui n’allaient
recharger en azote, d’une part, et empêche importante productivité n’est pas le fruit du pas demander beaucoup d’eau, du fait des
le développement de nématodes, d’autre hasard. Les paysans ont, en effet, appris caprices de la pluie, et qui n’exigeraient
part. Et s’il est nécessaire de recourir à grâce au concours de l’ingénieur agronome pas beaucoup d’argent pour leur
des méthodes plus radicales, l’agronome à combattre les nématodes en alternant pérennisation», explique Ibrahima Fall.
recommande la solarisation. les cultures dans leurs champs. «Dans
cette région, on n’a pas toujours besoin Les responsables de l’ONG Green ont
Il s’agit de recouvrir le sol à traiter d’un alors contacté l’ambassade d’Israël au
film plastique de 200 à 300 micron, d’utiliser de fortes quantités de pesticides
pour combattre les insectes nuisibles», se Sénégal, qui s’est montrée disposée à les
pendant une période allant d’une semaine faire bénéficier du savoir-faire de son pays
à un mois. «Comme nous sommes dans félicite Alioune Diouf. La raison, explique-
t-il, c’est que «parfois, planter en même dans ce domaine. Un spécialiste israélien
une zone très chaude, cette période est en culture en zones arides, le Dr. Dov
suffisante pour s’assurer que tous les temps des oignons et du piment, ou faire
suivre ces cultures par des patates, par Pasternak, a été dépêché dans la zone
insectes nocifs sont neutralisés», affirme pour aider les paysans à faire face à leurs
l’agronome. Il ajoute néanmoins qu’une exemple, peut beaucoup aider à enrayer
la prolifération des nématodes dans les problèmes agricoles. Cet expert a introduit
bonne alternance des cultures évite le plus le nouveau système cultural et a formé
souvent d’arriver à ce système radical. Il lui champs.»
l’assistant sénégalais, l’ingénieur agronome
trouve aussi des avantages par rapport à Alioune Diouf. Ce dernier accompagne les
l’épandage de pesticides. Réponse à l’inégalité des agriculteurs depuis le départ de l’expert
Pour lui, cela ne peut prospérer dans termes de l’échange israélien. Aujourd’hui, à Keur Yaba, comme
un système de culture intensive. Les à Tattaguine, dans la région de Fatick, les
« L’introduction du nouveau système
pesticides ont un temps de rémanence de problèmes posés par la culture intensive,
d’irrigation et de maraîchage est une
21 à 42 jours. Pour les cultures de cycle qui avaient longtemps empoisonné la vie
réponse locale à la chute des revenus
court pratiquées dans un système de des paysans, deviennent de plus en plus
des paysans suite au problème de
maraîchage intensif, ce serait synonyme un lointain souvenir.
rareté de l’eau qui a pénalisé la culture
de les empoisonner. Par ailleurs, tous d’arachide et de mil dans cette région »,
ces produits sont bien trop chers pour les Mohamed Gueye
nous précise Ibrahima Fall, chargé de Journaliste rural
paysans qui travaillent sur des surfaces programmes à l’ONG Green Sénégal. Il mohagueye@gmail.com
Tirer le maximum des cultures sous-utilisées
C
es dernières décennies ont été mar-
quées par l’intensification agricole. Le
maïs, le riz et le blé couvrent à eux
seuls plus de 50% des besoins de la popu-
lation mondiale en glucides et en protéines,
ceci, malgré l’accroissement global de la
production alimentaire. Cette situation a
déclenché une dépendance de plus en
plus grande des apports externes pour faire
face à la prolifération des ravageurs et aux
maladies. De la même façon, les variétés
améliorées nécessitent un surplus d’eau et
13
soutien et l’encadrement dans les pratiques
le Pacifique mais rarement consommé Toutefois, des « kits de diversité » ciblés ont
commerciales ainsi que la disponibilité de
ailleurs. Il est comparable au riz pour ses été mis à la disposition des agriculteurs. Ils
systèmes de crédit.
apports nutritifs allant du calcium à la vi- comprennent des semences, du matériel
tamine C. végétal et des informations sur les espèces Dans l’ensemble, les cultures sous-utilisées
complémentaires sélectionnées. Ces kits constituent une meilleure solution tampon
Dans les îles du Pacifique, les plantes ont
permettent de garantir la fourniture, par pour réduire la vulnérabilité nutritionnelle,
été adaptées aux sols calcaires minces et
les jardins privés, de suffisamment de fruits environnementale et financière et leur
doivent être tolérantes à l’exposition fré-
tout au long de l’année. utilisation doit être vulgarisée à grande
quente à l’embrun salé. Le fruit de l’arbre
échelle.
à pain est une ressource stratégique mais
des régimes de sécheresse et de salinité Exploiter les espèces Hannah Jaenicke et Nick Pasiecznik. International
accrue limitent sa productivité voire sa sur- d’arbres-clés Centre for Underutilised Crops (ICUC), P.O. Box 2075,
Colombo, Sri Lanka.
vie. Les plantes spécialement adaptées à
Les populations de Gruni, au Nord du Ghana, E-mail : h.jaenicke@cgiar.org ; n.pasiecznik@cgiar.org ;
de telles conditions sont le pandanus (Pan-
ont mis en place une stratégie autour du http://www.icuc-iwmi.org
danus tectorius), le taro géant des marais
baobab, (Adansonia digitata) pour faire
(Cyrtosperma merkusii) et la noix de coco
face au déficit alimentaire. De janvier à juin, Références
(Cocos nucifera). Les fruits du Pandanus ont
la disponibilité des cultures principales (sor-
de fortes teneurs en bêta carotène et une -Jaenicke H., J. Ganry, I. Höschle-Zeledon et R. Kahane
gho, millet et arachide) est limitée en rai- (eds.), 2009. Underutilized Plants for Food, Nutrition,
consommation normale, particulièrement
son des inondations et des cycles de séche- Income and Sustainable Development. Travaux du Sym-
des variétés à chair orange, peut satisfaire posium international tenu à Arusha, en Tanzanie, du 3
resse. Des cérémonies importantes ont dû
aux exigences d’une personne en vitamine au 7 mars 2008 . Acta Horticulturae 806. Internatio-
souvent être annulées à cause des pénuries nal Society for Horticultural Science. Leuven, Belgique.
A. Le taro géant des marais a une teneur en
de vivres. Les populations cherchent alors 739pp. Les études de cas présentées dans ce document
bêta carotène si élevée qu’une absorption sont tirées de documents élaborés par Englberger, L. et
du travail dans les villes ou profitent des
journalière normale de quatre tasses par A. Lorens; Gautam, R. et al.; Kranjac-Berisavljevich, G. et
baobabs sauvages. Ses feuilles, ses fleurs, al.; Mayes, S. et al.; Taylor, M. et al. and Simitu, P. et al.
jour fournit plus de la moitié des besoins
la pulpe et la graine de son fruit sont les
estimés en vitamine A. La teneur en Zinc et -Jaenicke H. and I. Höschle-Zeledon (eds.), 2006.
produits les plus importants utilisés d’abord Strategic Framework for Underutilised Plant Species
en calcium est assez élevée pour satisfaire
pour l’autoconsommation, mais également Research and Development with Special Reference
50 à 100 % of des absorptions journalières to Asia and the Pacific, and to Sub-Saharan Africa.
pour la vente et le troc.
de ces substances nutritives recomman- International Centre for Underutilised Crops, Rome, Italy.
dées. De plus, la teneur en fer est deux fois Les femmes jouent un grand rôle dans la 33pp.
Apprendre à cultiver et à récolter la gomme-laque : cette résine constitue une nouvelle opportunité de revenus
et un système agricole plus diversifié pour cette agricultrice tribale.
E
n Inde centrale, les deux principales ment, les agriculteurs en souffrent car ils éloignées, aux abords des forêts, et pra-
cultures sont le riz et le coton. Alors n’ont pas d’autres options. Cela est particu- tiquent l’agriculture de subsistance sur de
que les autres produits agricoles lièrement vrai pour les agriculteurs tribaux petites exploitations. Ils tirent une part im-
moins importants comme le millet, les lé- qui vivent dans des zones plus éloignées portante de leurs revenus de la collecte
gumineuses à grains et les oléagineux sont et peu fertiles. et de la vente de produits forestiers non
également cultivés, de nombreuses fermes La Fondation Recherche et Développement ligneux (PFNL). Toutefois, la pauvreté gé-
ont évolué et sont exploitées désormais (BAIF), à Pune, en Inde a mis en place un néralisée, la baisse de la productivité et
comme des monocultures. Les systèmes Centre de documentation pour le dévelop- le manque de valorisation des produits
agricoles deviennent moins diversifiés, les pement tribal (RCTD) chargé d’identifier et forestiers non ligneux mènent à leur su-
ressources en sols et en eau se raréfient, et de développer des actions en faveur des rexploitation. La diversification des cultures
la population croissante exerce des pres- communautés tribales. Les agriculteurs tri- a été identifiée comme la principale me-
sions sur les ressources foncières limitées. baux vivent généralement dans les zones sure pour contrecarrer les menaces que
Si une culture principale n’a pas de rende- posent ces systèmes agricoles. Cependant,
la BAIF et le RCTD ont compris qu’il existe c’est l’un des arbres PFNL les plus menacés tication de cet arbre sauvage permet de
des limites à cette transition dans les zones en Inde, du fait de sa surexploitation. Ré- générer des revenus annuels supplémen-
peu fertiles des régions tribales. En consé- cemment, plusieurs états indiens en ont taires de 15.000 INR, soit juste un peu plus
quence, une autre stratégie a été proposée : interdit le commerce, mais, ce faisant, ils de 300 $US.
la diversification des systèmes agricoles par privent les collecteurs de gomme tradi- Cet arbre est vraiment polyvalent : il pro-
l’intégration des produits forestiers non li- tionnels de leur moyen de subsistance. duit du bois de chauffe, du fumier, de la
gneux. Le côté novateur de cette approche La grande capacité de résistance de cet ar- gomme et de la laque commerciale. Le
réside dans l'insistance sur les arbres cham- bre peut être mise à profit par l’agriculteur. programme de plantation de Butea a
pêtres indigènes sous-utilisés présentant un Un arbre arrivé à maturité peut générer commencé par un essai en juillet 2007. En
potentiel économique. chaque année quelques 500 INR, soit 10$ juillet 2008, la plantation a augmenté pour
US environ, à dater de la dixième année atteindre 120.000 jeunes plants environ à
Des arbres prometteurs mais de récolte. Avec 25 Karaya à maturité par travers l’Inde centrale. En raison de sa fa-
sous-utilisés hectare dans son exploitation, un agricul- cilité de plantation, l’on s’attend à ce que
teur peut tirer des revenus additionnels le programme se développe et s’étende
Les arbres PFNL sous-utilisés sont domesti-
de 12.500 INR environ (près de 255 $US), rapidement.
qués par leur intégration dans les systèmes
subissant à peine l’influence d’un climat
agricoles existants. Ils sont bien implantés
et résistent parfaitement au stress avec
défavorable. BAIF a commencé par multi- L’arbre Bauhinia, Bauhinia
plier les arbres par des boutures de tiges, purpuria
un minimum de soins. La grande appro-
mais peu de grands arbres subsistent loca-
priation des arbres plantés dans la ferme On trouve quelquefois cet arbre dans les
lement. Ainsi, nous nous sommes tournés
par les agriculteurs devrait leur permettre zones urbaines d’Asie du Sud. Dans les
vers la reproduction par la semence. La
de les exploiter de manière durable, leur zones tribales éloignées, ses feuilles sont
semence fraîche, récoltée en avril, germe
assurant ainsi un revenu durable. Avec le un légume vert très prisé. Dans les forêts, il
bien et est prête pour l’ensemencement
temps, on devrait noter une évolution pro- se présente de manière éparse. Cependant,
direct. Pendant la saison de juillet 2008,
gressive vers la culture de PFN, entraînant par rapport à la demande en légumes, les
environ 75.000 semis de Karaya ont été
une réduction de la pression exercée sur arbres sont rares et surexploités. Au mois
plantés. Ce nombre augmentera en 2009.
les forêts. d’avril, les arbres ont des feuilles fraîches
Après 10 ans environ, les arbres privés se-
Les équipes de terrain de la BAIF et les ront exploités par le biais de méthodes qui sont cueillies pour servir de légumes. A
agriculteurs participants ont identifié en- adaptées pour garantir la viabilité de la trop effeuiller un arbre on finit par l’affaiblir.
semble des arbres prometteurs à domes-
tiquer. Une attention particulière est accor-
production. Chaque famille tribale est encouragée
à planter deux ou trois arbres Bauhinia
15
dée aux caractéristiques suivantes : La flamme de l’arbre forestier, dans son arrière-cour. Au cours du mois de
juillet 2008, 5.000 jeunes plants ont été
• forte tolérance à la sécheresse et aux Butea monosperma plantés dans des pépinières et distribués
températures élevées de l’été ;
Il s’agit d’un autre arbre extrêmement ré- à quelque 5.000 familles. Cette petite
• capacité à subsister sur des sols peu sistant qui pousse naturellement dans les initiative s’étendra en 2009 et l’on s’attend
fertiles ; forêts secondaires et les zones peu entre- à ce que les arbres nouvellement plantés
• adaptation à des techniques pour pépi- tenues. Sa taille massive et sa tolérance puissent servir de légumes au bout de cinq
nière simple ou de semis direct ; de l’émondage fréquent en font un arbre ans environ. Les arbres ont un rôle spécial
idéal pour l’agroforesterie. L’arbre se pro- à jouer dans la nutrition humaine, étant
• résistance au broutement par les chèvres
page mieux à travers un semis direct de donné que le légume vert est disponible
et le bétail en divagation ;
gousses uniques disponibles en abondance pendant la saison sèche estivale lorsque
• statut hautement menacé dans les fo- au mois d’avril. S’il est planté en une seule d’autres légumes cultivés ne sont pas
rêts naturelles du fait de la surexploi- ligne dense le long des diguettes agricoles, encore présents sur les marchés ruraux.
tation ; il est efficace en tant qu’arbre hôte pour la Ainsi, en même temps qu’elle génère des
• population locale rompue à l’utilisation culture d’insectes à laque d’Inde, Laccifer moyens de subsistance et renforce la résis-
des arbres en vue d’une adoption facile. lacca. La laque est la sécrétion résineuse tance dans les systèmes agricoles dégra-
d’un petit insecte qui vit dans divers arbres. dés, cette initiative de BAIF encourage la
Trois arbres ont été sélectionnés car consi-
La récolte de laque est une activité tradi- conservation ex situ de nombreuses espè-
dérés comme prioritaires pour la domes-
tionnelle de subsistance des communautés ces végétales d’Inde.
tication :
tribales; mais elle est maintenant surex-
ploitée et menacée. La culture de laque
Le gommier Karaya, ou Ster- requiert des compétences techniques mais Abhay Gandhe. Agronome conseiller, MITTRA- BAIF
culia urens simples.
Resource Centre for Tribal Development, Nagpur, Inde.
E-mail : gandheam@gmail.com
On trouve le gommier Karaya dans les forêts Le RCTD s’assure que les nouveaux cultiva-
Arun Dolke. Chargé de programme adjoint, MITTRA-
tropicales sèches à feuilles caduques de teurs ont ces compétences à travers des BAIF Resource Centre for Tribal Development, Nagpur,
l’Inde. Il préfère les habitats inhabituels et formations sur site. Cinq à six années après Inde.
E-mail : arundolke@gmail.com
sujets au stress, les sommets des collines, sa plantation, l’arbre est prêt pour l’inocu-
les fissures rocheuses ou les pentes éro- lation par des insectes à laque et nécessite
dées. Il a besoin de très peu d’eau et pous- très peu d’entretien jusqu’à la période de
se sur les sols pierreux les plus pauvres. Le gestation. Un arbre entretenu avec soin
Karaya produit de la gomme de qualité – la peut produire de la laque d’une valeur de
saignée de ces arbres constituait le princi- 50 INR (un dollar US environ) en un an. Le
pal moyen de subsistance des communau- BAIF propose la plantation de 300 arbres
tés tribales de l’Inde centrale. Aujourd’hui, sur les diguettes d’un hectare. La domes-
Les petits exploitants tirent profit des cultures
pérennes dans le Sud-ouest camerounais
Isabelle Nkapnang Djossi
P
our faire face à la pression foncière et cacaoyers ont justifié leur choix par la volonté pour subvenir aux besoins alimentaires de la
démographique, la majorité des petites de léguer leur patrimoine à leurs enfants, ce famille.
exploitations villageoises situées aux qui laisse croire qu’ils ont pour la plupart été Les autres raisons évoquées sont le désir d’ex-
environs des agro-industries de la région du élevés avec cette culture. Par contre, cette ploiter l’espace « libre » laissé entre les cultu-
sud-ouest du Cameroun pratiquent un système raison est moins accentuée chez les elaeicul- res pérennes, de procurer de l’ombrage à la
de cultures pluri-espèces à base de plantes teurs1. culture pérenne (surtout dans les cacaoyères),
pérennes. Le Centre Africain de Recherche Le planteur est influencé, dans sa prise de dé- de réduire le coût d’entretien de la parcelle
sur Bananiers et Plantains (CARBAP) avec cision sur le type de culture pérenne à mener, (sarclage, désherbage) et d’exploiter la ferti-
ses partenaires, le Centre de Coopération par son délai d’entrée en production, les po- lité de la parcelle.
Internationale en Recherche Agronomique tentialités de revenus (facilité d’écoulement
pour le Développement (CIRAD) et l’Institut de Le choix de la ou des cultures (s) à associer
du produit, régularité de revenus etc..), le aux pérennes obéit à un certain nombre de
Recherche Agricole pour le Développement coût d’implantation et la capacité d’investis-
(IRAD) ont tenté de comprendre le choix et la critères définis par les paysans :
sement.
logique de ces exploitations plurispécifiques. Ils • le régime alimentaire, car la recherche de
ont ainsi conduit une étude sur les perceptions la sécurité alimentaire est un déterminant
des paysans par rapport aux performances Pourquoi pratiquer des essentiel, la demande du marché, l’intérêt
de leurs parcelles dans huit villages de cette associations culturales dans économique,
région. En effet, malgré leur importance dans
la sécurité alimentaire du Cameroun et de la
les parcelles de cultures • le coût des semences et la durée du
sous-région d’Afrique centrale et de l’ouest, pérennes ? cycle de vie de la plante puisque certains
L
e Honduras est la «république bana- et de l’innovation, ainsi que d’autres ap-
nière» type. D’une grande diversité proches pour résoudre les problèmes agri-
écologique, ce pays situé en Amé- coles; de la confiance mutuelle et l’exis-
rique Centrale a connu plus d’un siècle tence de solides réseaux sociaux dans la
Simeona Perez, une agricultrice de Santa Cruz, fait partie des spécialistes qui développent des variétés de maïs produites par les paysans.
au marché et aux conditions écologiques mais vulnérables au passage des vents protection des cultures et au stockage des
locales. Les agriculteurs expérimentent violents. semences dans les banques de semences.
les variétés locales, les adaptant en Avec la sélection participative, les agricul- Cet exemple montre que les agriculteurs
fonction de leurs besoins émergents. Ils teurs ont pu produire deux variétés amé- sont en mesure de gérer leurs ressources
procèdent à des sélections non seulement liorées – « Santa Cruz » et « Capulín Me- génétiques locales grâce à leurs propres
pour la productivité, mais aussi sur la connaissances et à la collaboration entre
base des qualités nutritionnelles et des
caractéristiques de stockage. La capacité
jorado »- plus courtes, avec un rendement
plus élevé tout en restant adaptées aux
conditions de haute altitude. Les agriculteurs
agriculteurs et chercheurs. Ces agriculteurs
ont renforcé la productivité du maïs local (de
19
de la plante à s’adapter aux conditions de ont recueilli des semences pour la banque 20 à 30 %) ainsi que des variétés de haricots,
croissance changeantes est également communautaire afin de s’assurer d’un appro- en les rendant plus résistantes et plus
prise en compte. Dans les équipes de visionnement en semences saines. Le lance- adaptables aux changements climatiques. En
recherche, les femmes jouent un rôle de ment de ce maïs a coïncidé avec l’une des raison de leurs connaissances profondes des
premier plan dans le choix des critères de saisons cycloniques les plus violentes ja- semences, la FIPAH soutient le renforcement
sélection, puisqu’elles sont les gardiennes mais enregistrées. Simeona Perez, l’une des du rôle des femmes dans les programmes
des semences et qu’elles possèdent agricultrices (voir photo), témoigne : « Cette de recherche.
des connaissances plus approfondies année, en raison de l’énorme quantité de Les 60 CIAL du Honduras travaillent en
sur les caractéristiques des plantes et pluie, de nombreuses personnes n’ont pra- collaboration pour élargir leur succès au-
leur comportement dans différentes tiquement rien à récolter et n’auront pas delà de leurs propres communautés. Les
conditions. grand chose à semer au mois de mai. Tou- associations régionales et nationales de
tefois, grâce à la qualité de nos semences CIAL travaillent de concert pour partager
Les agriculteurs améliorent associée aux pratiques de conservation, les connaissances, les recherches et les
les variétés de maïs nous avons été à peine touchés. » Les semences, vulgarisant l’innovation et la
agriculteurs et les fonctionnaires du Hon- biodiversité à travers le pays. Les dirigeants
La nécessité de développer des variétés duras ont salué leur succès et ont reçu des communautaires, comme Luis Alonso
de maïs pouvant résister aux agressions semences « Capulín Mejorado » pour leurs Pacheco, ont partagé les expériences des
annuelles des pluies et vents violents a propres communautés. agriculteurs de Yoro avec les agronomes
engendré un programme de recherche lors de séminaires internationaux en
agricole réussi. Depuis l’ouragan Mitch en
1998 (qui a marqué le début des signes
Et renforcent leur capacité Ethiopie et en Allemagne. «Pour nous»,
affirme Pacheco, «la résilience signifie que
constants de changement climatique dans d’adaptation au changement nous renforçons la capacité d’adaptation
la région), les champs de maïs sont souvent Les agriculteurs de Yoro et d’Otoro des personnes et de leurs écosystèmes
dévastés par les tempêtes,. En octobre ont de bonnes raisons d’être fiers de pour faire face à l’incertitude et au
2006, l’équipe CIAL de Santa Cruz, dans la leurs réalisations, qui leur valent une changement».
région montagneuse de Yoro, a lancé deux reconnaissance nationale et internationale.
variétés de maïs qu’elle a développées. Leur succès a également permis de renforcer
Elle est partie d’une variété locale ou leur sécurité alimentaire et leurs moyens
Faris Ahmed. Directeur des Programmes Canadiens,
USC Canada, 56 Sparks Street, Ottawa K1P 5B1 Canada.
« population naturelle » produisant de gros de subsistance, basés sur les ressources E-mail : fahmed@usc-canada.org ;
épis, mais dont la hauteur est devenue un génétiques et écologiques locales. http://www.usc-canada.org
problème dans une région de plus en Avec la multiplication des phénomènes
plus vulnérable aux ouragans. Les gros USC soutient FIPAH par le biais de son programme
météorologiques extrêmes tels que les «Semences pour la survie».
épis sont génétiquement liés à la hauteur ouragans, les agriculteurs doivent s’adapter
des tiges qui devenaient de plus en plus et se préparer en permanence. Pour ce
grandes au fil du temps. Ces variétés sont faire, ils accordent plus d’attention à la
bénéfiques pour l’alimentation animale,
Le centre Songhaï, modèle d’une exploitation
diversifiée
Léonce Sessou
E
n Afrique, l’agriculture demeure encore
une agriculture de subsistance carac-
térisée par une faible productivité,
l’absence de technologies appropriées et
d’une diversification capable de créer une
véritable dynamique entrepreneuriale dans
le secteur.
Néanmoins, des opportunités de généra-
tion de revenus et de création d’emplois
existent dans le secteur agricole. Pour
d’obtenir une eau riche pour l’arrosage des en aval, Songhaï a mis en place un réseau capable de soutenir les actions de dévelop-
cultures maraîchères. d’entrepreneurs agricoles et para-agricoles pement au plan national.
Le méthane, produit à partir des déjections qu’il accompagne dans leurs activités gé- Concrètement, les zones entrepreneuriales
animales et des déchets végétaux, est nératrices de revenus. La finalité de cette consistent en la mise en place d’un environ-
utilisé comme source d’énergie. Il alimente démarche est l’émergence de zones entre- nement d’intensification des échanges de
aujourd’hui les cuisines de la cantine des preneuriales et de pôles d’échanges d’ex- pratiques, technologiques et économiques
élèves fermiers et du restaurant du centre. pertise et de produits. entre les producteurs grâce à la proximité
Avec cette approche, Songhaï a formé plus et à la réduction des coûts de transaction
S’impliquer et impliquer les de 1500 jeunes installés à travers le Bénin par le biais de l’utilisation des technologies
dont plus de 75% sont devenus de vérita- nouvelles.
vrais acteurs bles entrepreneurs gérant des fermes éco- Une matérialisation concrète de cette zone
Le système de production mis en place par nomiquement viables. Ces jeunes, par un entrepreneuriale est la plateforme entre-
Songhaï lui permet de participer à la créa-
tion de richesses communautaires. Il s’érige
en entreprise agricole mère développant
effet de boule de neige, forment et drai-
nent les autres producteurs de leurs com-
munautés.
preneuriale de Dassa. Elle vise à dévelop-
per une dynamique entrepreneuriale chez 21
les producteurs et les jeunes entrepreneurs
diverses activités en entretenant des rela- C’est d’ailleurs là le grand défi auquel le de la sous-région en leur offrant une op-
tions solides aussi bien avec les institutions centre est aujourd’hui confronté : mieux or- portunité d’accès au marché d’approvision-
de recherche qu’avec les producteurs. Ainsi, ganiser ces acteurs en un réseau formel et nement et aux échanges techniques. Son
caractère régional justifie le choix de la ville
de Dassa Zoumè, une ville carrefour située
Quelques exemples de pratiques agricoles du Songhai
au centre du Bénin qui relie le pays aux
autres voisins que sont le Niger, le Nigéria,
Songhaï a adopté un certain nombre de pratiques parmi lesquelles on peut noter : le Togo et le Burkina Faso.
1- la valorisation des larves des mouches domestiques et des sous-produits de la Elle offrira aux producteurs, en l’occurrence
brasserie pour la production des asticots à grande échelle et leur utilisation ceux du réseau d’entrepreneurs de Son-
dans l’alimentation animale (poissons, cailleteaux, dindonneaux…), ghai, des solutions pratiques pour lever les
contraintes qui limitent leur productivité.
2- la production et l’utilisation de l’azolla dans l’alimentation animale (poissons, Cette initiative en cours à Songhaï impli-
porcs, canards …) et la fertilisation des sols pauvres, quera dans les Etats concernés d’autres ins-
3- la valorisation de la jacinthe d’eau par son utilisation pour la fertilisation des titutions d’appui au développement aussi
sols pauvres et pour la production de biogaz, bien du secteur public que privé.
4- la multiplication des poissons-chats par la reproduction artificielle en pratiquant Pour Songhaï, les quatre milliards de per-
une insémination artificielle, sonnes des pays en développement consti-
tuent un marché énorme à desservir. Nous
5- l’utilisation de la verdure (amaranthe, moringa, feuilles de papayes, de ma-
disposons d’un marché local très riche
nioc…) pour une meilleure coloration du jaune de l’œuf,
et très diversifié pour lequel des produits
6- l’introduction de la lignée pure de la race porcine «Large White» à Songhaï, appropriés doivent être fournis. Il importe
7- l’introduction de nouvelles races de volailles inexistantes soit au Bénin, soit en donc d’amener les producteurs africains à
Afrique de l’Ouest, comme les poulets des races SUSSEX, Rhode Island Red , développer leur propre marché et à diver-
sifier leur production. Ce marché offrira des
8- l’introduction et la multiplication d’une variété de bananes plantain inexistante produits et services répondant aux exigen-
au Bénin, ces des consommateurs locaux et entraî-
9- la production de dindons locaux à grande échelle (1.200 à 1.600 par an), nera de grandes perspectives d’affaires qui
draineront les multinationaux, les banques,
10- l’utilisation de la technique de reproduction assistée lors du croisement entre
les opérateurs économiques….
les dindons locaux et les dindons de chair,
Léonce Sessou
11- la production des semences performantes, Communications-TIC-D, Centre SONGHAI
BP 597, Porto Novo, République du BENIN
12- l’utilisation des techniques d’irrigation goutte à goutte et par aspersion, lsessou@songhai.org
www.songhai.org
13 – la valorisation de l’énergie solaire pour l’éclairage, l’irrigation, la réfrigération.
Diversité dans les zones arides : planifier une
vie durable
Aspen Edge
A
vec mon mari et mon fils, je vis et • faible soutien social en raison de l’effon- • le relatif bien-fondé de l’actuel modèle
travaille à Semilla Besada, une ex- drement de l’agriculture familiale dans économique conventionnel ;
ploitation familiale de 12 hectares la région ;
• la nécessité de concevoir des modèles
implantée à 1300 m d’altitude dans la • difficultés causées par une mauvaise économiques durables ;
Sierra Nevada, dans la province de Gre- réglementation nationale de la produc-
nade, au sud de l’Espagne. Le paysage • la nécessité absolue de donner la prio-
tion alimentaire au niveau des petites
est caractérisé par des arbustes vivaces rité à la restauration et à la préservation
exploitations agricoles familiales.
ligneux d’une durée de vie courte et des des ressources naturelles ; et
chênes locaux. Les températures peuvent Nous avons acheté l’exploitation en 1999
• la nécessité d’une action individuelle,
tomber à -15oC et monter à 40oC, avec avec l’intention de rétablir sa tradition
plutôt que de compter sur les autorités
une moyenne de 540 mm de pluie par an. agricole familiale. Pendant de nombreu-
ou les organismes publics pour se lan-
Bien qu’il existe quatre saisons différentes, ses années, nous avions senti un désir de
cer dans l’action, en raison du caractère
l’humidité, tout au long de l’année, est fai- mener un mode de vie différent, une vie
urgent de la situation.
ble et la sécheresse estivale peut durer six qui garantirait un meilleur équilibre entre
mois. On qualifie cette zone de terre aride l’environnement et les besoins humains. Nous avons pensé qu’en achetant no-
ou fragile. La propriété a droit à 1 heure et Nous nous sommes rendu compte que tre propre terre, nous serions en bien
demie d’eau d’irrigation par semaine. même si l’Occident a connu un boom sans meilleure position pour relever ces défis.
précédent en termes de richesse, de biens Nous serions également en mesure de
Semilla Besada a nourri une famille de matériels et de choix, notre planète en a vivre une vie plus durable tout en res-
10 membres, puis est restée inexploitée
22 payé le prix fort. L’expérience que nous taurant et en protégeant les ressources
pendant 20 ans. Avec l’irrigation, la famille avons des entreprises et de l’environne- naturelles.
avait cultivé la vesce, la luzerne, le blé, ment nous a convaincus de plusieurs fac-
le seigle, les lentilles et les pois chiches, teurs importants :
ainsi qu’une grande variété de légumes.
Elle avait également trois moutons,
des poulets, deux porcs, des ruches et
une vache. Lorsque ma famille à repris
l’exploitation en 1999, elle ne produisait
plus rien. Les terrasses de pierres prévues
pour les cultures alimentaires s’étaient
effondrées. Le contrefort de la montagne,
qui hébergeait 50 familles, n’en comptait
désormais que trois, toutes des éleveurs
de chèvres. Les autres avaient abandonné
la zone pour aller travailler dans les villes
ou avaient rejoint le marché lucratif, mais
pas durable, du système de production
des légumes en serre sur la côte est.
Difficultés héritées
• Outre les difficultés climatiques, Semilla
Besada était confrontée aux problèmes
suivants :
• dégradation de plus en plus avancée de
la nature, accentuée par les subventions
agricoles qui ont provoqué un surappro-
visionnement ;
Photo: Aspen Edge
Préserver l’avenir
• A cause de la promotion de l’agriculture
de production, et du fait que 90 % des
revenus de Grenade proviennent du
tourisme, la gestion de cette zone conti-
nue d’accentuer la dégradation de l’en-
vironnement. Les initiatives agricoles
familiales telles que celles de Semilla
Besada jouent un rôle essentiel dans la
construction d’un avenir qui améliore la
santé de l’environnement et garantit la
sécurité alimentaire et des moyens de
subsistance durables. Lorsque la priorité
est accordée à la viabilité, il est possible
de construire des infrastructures locales
Photo: Aspen Edge
On se met sérieusement au travail : les légumes participent à la diversification, à la viabilité et aux revenus !
Préserver et améliorer les moyens de subsistance par le
partage des connaissances sur l’agriculture diversifiée
Luohui Liang et Harold Brookfield
L
es systèmes sont menacés par des
pratiques monoculturales fortement
encouragées. Depuis des décennies,
des organisations comme LEISA Network
défendent l’agriculture diversifiée en
apportant leur soutien à quelques 1,6
milliards de petits exploitants agricoles
qui, menant des expérimentations à
Agriculteurs et chercheurs
travaillent main dans la
main
Depuis le début des années 1990, le projet
de l’Université des Nations Unies (UNU) sur
les Populations, la Gestion des terres et le Quand l'agriculteur rencontre le chercheur. Des gens d'horizons divers ont appris à se connaître lors d'études sur
les cultures et connaissances locales spécialisées.
Changement climatique (PLEC) a élaboré
des modèles de protection de la biodiver-
sité dans les systèmes agricoles des pays
L’UNU et le Programme des Nations Unies communautés ou sous-communautés. Il
en développement. Le PLEC a fonctionné
pour l’Environnement (PNUE) ont conjoin- peut y avoir d’autres différences entre
grâce à un réseau mondial de groupes
tement exécuté le programme. les agriculteurs les plus qualifiés et les
en Afrique (Ghana, Guinée, Kenya, Tanza-
Malgré beaucoup de similitudes dans les agriculteurs ordinaires. L’agriculture diver-
nie, Ouganda), en Asie Pacifique (Chine,
pratiques des agriculteurs dans des zones sifiée peut donc ne jamais être comprise,
Thaïlande, Papouasie-Nouvelle-Guinée),
assez étendues, il existe toujours de pe- excepté au niveau local, à travers une lon-
et en Amérique latine (Brésil, Jamaïque,
tites différences. Elles concernent les gue observation des communautés agri-
Pérou, Mexique). Des chercheurs venus
pratiques des ménages les plus riches et coles et une bonne connaissance de ces
d’Australie, des Etats-Unis, de la Grande
les plus pauvres, les ménages d’âges et dernières. Pour mener des recherches sur
Bretagne et du Japon y ont également pris
de composition par sexe différents et, par- cette diversité, le PLEC a créé des grappes
part. Chaque groupe était multidiscipli-
fois même, les pratiques de l’ensemble des de chercheurs qui travaillent en étroite
naire, impliquant différentes institutions.
collaboration avec les agriculteurs de zo- ont eu du mal à former de véritables coali- En général, des enquêtes sont menées au
nes très réduites, généralement un ou tions avec des agriculteurs et d’autres par- niveau de tous les sites pour identifier les
deux villages. Ces chercheurs devaient se tenaires locaux sur le terrain. Sur certains différentes phases de l’utilisation des ter-
familiariser avec les systèmes agricoles et sites, ils ont tissé des liens plus étroits avec res, ainsi que les types de terrain et de
les variations qui s’opèrent en leur sein. Ils les agriculteurs ; ces sites sont devenus jachère. Les chercheurs ont alors procédé
ont identifié des « experts-agriculteurs », progressivement des centres névralgiques à un échantillonnage des ménages et des
ceux qui exploitaient le mieux leurs terres, d’échange entre chercheurs, agriculteurs, parcelles. Les agriculteurs ont montré des
faisaient le plus d’économies et réalisaient communautés locales et autres parties espèces végétales et des pratiques de
souvent plus de bénéfices que leurs voisins. intéressées. Des directives fondamentales gestion sur les parcelles échantillonnées
La sélection s’est faite sur la base de l’im- pour la collecte de données ont été élabo- et l’économie des ménages, toutes choses
portance de la biodiversité régionale, des rées dès 1998. que les chercheurs ont enregistrées à des
menaces à la biodiversité et aux écosystè- Tous les sites sélectionnés se trouvaient fins d’analyse. Fortes de ces informations,
mes, des exemples connus de biodiversité dans des zones agricoles d’une biodiversité les grappes des PLEC pouvaient comparer
agricole, des partenariats établis avec les considérable, souvent à proximité de parcs les différentes phases d’utilisation des ter-
communautés et la disponibilité d’infor- ou de réserves. En Chine, deux des trois res au niveau des ménages et des com-
mations historiques. Parmi les sites sélec- sites se trouvaient à côté de réserves na- munautés, faire la connaissance de spécia-
tionnés, figuraient ceux où des membres turelles domaniales. D’autres sites se trou- listes de l’agriculture et comprendre leur
du projet avaient auparavant travaillé. Ils vaient à côté de zones naturelles réservées expertise. La biodiversité a également été
étaient devenus des « sites de démonstra- selon les us et coutumes et non de droit. évaluée à ce stade. Le projet pouvait ainsi
tion » au niveau desquels des agriculteurs Le premier site exploité au Ghana a été démontrer que les agriculteurs ne sont
pouvaient montrer leurs compétences en créé sur invitation d’un chef qui cherchait à pas des destructeurs de la biodiversité
matière de gestion. se faire aider pour protéger un bois sacré. mais plutôt ses protecteurs. A Mazagão,
Vingt-sept sites de démonstration sont de- au Brésil, par exemple, les jachères gérées
Identification de sites de venus par la suite opérationnels dans des par les agriculteurs étaient plus diversi-
recherche sur l’agriculture zones dont l’importance de la biodiversité fiées que celles à l’abandon. Les équipes
diversifiée est internationale ou près de « centres né- du PLEC ont réussi à comprendre les pra-
Il a fallu un certain temps pour comprendre vralgiques de biodiversité ». Ces sites de tiques et motivations qui ont mené à cet
comment mettre sur pied les sites de dé- démonstration pouvaient faire l’objet d’ob- accroissement de la diversité ; ils ont, par
monstration. Avant le début de l’année servation de populations venant de zones ailleurs, déterminé dans quelle mesure cet
Les lignes de précipitation incurvées du sol et l'eau des rizières en terrasses se prêtent parfaitement aux sketches.
Ce groupe d'artistes apprécie la vue à Hata, dans la ville de Takashima, préfecture de Shiga.
L
a grandeur et la beauté des rizières en actives dans l’agriculture au Japon était de 64 cependant consommés par le public. En 2001,
terrasses japonaises sont souvent com- ans. L’âge moyen des personnes travaillant le Conseil des Sciences du Japon a estimé les
parées à celles des splendides pyramides dans les rizières en terrasses était encore plus valeurs annuelles des terres agricoles arables
d’Egypte. Elles continuent d’exister grâce aux avancé d’après les estimations ! du Japon à 3,499 milliards de yens (39 milliards
agriculteurs, aux cultures et aux rituels trans- Depuis les années 1960, le paysage rural a de $ US) représentant la compensation des
mis et évoluant de génération en génération. complètement changé. Par le regroupement dommages dus aux inondations et à 2,376
Elles ne sont pas une simple attraction touris- de petites rizières dans les plaines, des champs milliards de yens (26 milliards de $ US) pour
tique ou un dispositif de production de riz. Les plus vastes et d’une forme plus carrée ont été leurs fonctions de loisirs et de détente.
rizières en terrasses permettent aux japonais constitués. Ces grands domaines accessibles
de prendre conscience de leurs relations avec sont plus faciles à équiper d’infrastructures Appui multiforme
leurs ancêtres, leurs familles, leurs collègues agricoles modernes.
et la nature. Il y a eu, en 1970, un projet de développe-
Les rizières en terrasses, elles, n’ont pas bénéfi- ment en faveur des rizières en terrasses de
Malgré tout, des menaces pèsent sur la cié de cette vague de développement. Elles ne Shiro-yone sen-mai-da, près de la ville de
culture du riz en terrasses au Japon. En fait, se sont jamais remises de la baisse de leur pro- Wajima sur la péninsule de Noto face à la
le déclin a commencé à la fin des années ductivité. Pourtant, les changements rapides in- Mer du Japon. Mais, au lieu de le poursuivre,
1960. A cette époque, la production rizicole du tervenus dans les écosystèmes ruraux ont aug- les autorités locales ont décidé de verser des
Japon était excédentaire, ce qui s’est traduit menté leur valeur. Les rizières en terrasses sont subventions afin de soutenir l’agriculture dans
par une politique d’abandon des rizières. devenues des paysages et modèles uniques de les rizières en terrasses pour une période pro-
Le coût relativement élevé des rizières en l’environnement rural japonais. Dans les zones longée. C’est en 2001 que ces dernières ont
terrasses a rendu ce type d’agriculture difficile montagneuses, les rizières en terrasses for- été classées pour la beauté de leur panorama
en comparaison à la riziculture des plaines. ment de belles courbes, rappelant aux Japo- dans le cadre de la Loi sur la protection des
En conséquence, la génération suivante nais leur tradition. Elles constituent également biens culturels (Cultural Properties Protection
d’agriculteurs des terrasses a migré vers les des lieux d’expérimentation de l’éducation à Law). L’espace classée couvre une superficie
villes. Des enquêtes menées en 1993 et en l’alimentation, à la vie et à l’environnement. de 1,81 ha et est composée de 1004 parcelles de
2005 ont révélé que la zone de riziculture Il serait grave de les abandonner en raison de riz paddy. Les parcelles ont une taille moyenne
en terrasses est passée de 220 à 138 mille leurs fonctions liées à l’eau et à la biodiversité. de moins de 20 m2, ce qui signifie qu’il faut
hectares au cours de cette période. En 2007, Ce sont des « produits » non marchands et effectuer tous les travaux à la main. Les auto-
l’âge moyen des 3,12 millions de personnes
rités locales apprécient cette forme de rizi- Politiques nationales et gent dans des actions collectives. Ces actions
culture et la beauté du panorama, ressource visent notamment à prévenir l’abandon des
considérable pour le tourisme.
locales de développement terres arables, promouvoir l’agriculture mul-
Le soutien du public à la préservation des En 1992, le Ministère de l’agriculture, des tifonctionnelle ou collaborer avec les écoles
rizières en terrasses s’est renforcé depuis le forêts et de la pêche du Japon a mis en place, et encourager l’action communautaire. En
milieu des années 1990. Certains habitants pour la première fois, une politique agricole 2007, des agriculteurs exploitant près de 700
des zones urbaines ont lancé des programmes faisant référence à la multifonctionnalité mille hectares de terres agricoles dans plus
comme l’agriculture communautaire avec des de l’agriculture. En 1993, 1997 et 1998, il a d’un millier de municipalités ont pris part à
contrats annuels de location des rizières en approuvé des projets visant à préserver le ce système.
terrasses. Par exemple, des municipalités sol et l’eau, mais également à restaurer les En 1999, le Ministre de l’agriculture a autorisé
ont mis sur pied le Conseil national de terres arables abandonnées des rizières en le programme Meilleures zones de rizières
liaison des rizières en terrasses (National terrasses. en terrasses au Japon (The best rice terrace
Rice Terraces Liaison Council). Ce conseil a En 1998, pour la première fois également, le areas in Japan) et a classé 134 zones en
organisé la 14ème rencontre nationale au mot tanada a été mentionné dans le budget terrasses comme zones d’agriculture durable,
sommet des rizières en terrasses en 2008, national et un montant d’environ 600 millions multifonctionnelle et panoramique. Même si
près de la ville de Nagasaki. Plus de 2000 de dollars US a été fixé pour un projet d’une cette reconnaissance n’est pas accompagnée
hommes politiques, citoyens et agriculteurs durée de trois ans. Ce projet a appuyé les de subventions, ces zones sont considérées
ont assisté à l’événement, qui a été couvert agriculteurs dans la restauration des parcelles comme des sites touristiques dignes
par les médias. Parallèlement, des personnes de paddy abandonnées. Les autorités ont d’intérêt et adaptées à la production de riz
engagées ont organisé un « réseau de également introduit un système foncier de bonne qualité. Cela a renforcé la fierté
Tanada » qui lutte pour la préservation des pour les citoyens qui souhaitent y pratiquer des populations locales qui ont lancé de
rizières en terrasses. Parmi les activités, il faut l’agriculture, par exemple à Chikuma, dans la nombreuses initiatives pour la conservation
citer des écoles de rizières en terrasses pour préfecture de Nagano. des rizières en terrasses. En 1999, la loi de
l’apprentissage de l’agriculture pratique, la protection des propriétés culturelles a autorisé
En 1999, une nouvelle loi, la «Food, Agriculture
fourniture d’informations par le biais de sites la désignation de la localité d’Obasute dans
and Rural Village Basic Law», a été adoptée.
Web et de bulletins, ainsi que des programmes la ville de Koshoku comme le premier site
Elle comporte les quatre objectifs suivants :
de collaboration avec les entreprises privées agricole pour la beauté de son panorama.
1) garantir la stabilité de l’approvisionnement
et les agriculteurs des rizières en terrasses. D’autres localités ont suivi. L’Agence des
en denrées alimentaires, 2) préserver les rô-
En 1999, L’association de Recherche sur les affaires culturelles a mis en place un système
les multifonctionnels de l’agriculture tradition-
Rizières en Terrasse ( Terrasses Rice Research de désignation des zones de préservation de
nelle, 3) mettre en place un développement
paysages culturels en 2004. Ce système a pris
Association) a été lancée pour promouvoir la
recherche dans les rizières en terrasses. Ses
membres sont de tous horizons : chercheurs,
durable de l’agriculture et 4) promouvoir les
villages ruraux. L’ancienne loi fondamentale
visait à réduire les écarts de revenus entre
en compte la Loi sur le panorama (Scenery
Law) pour réglementer l’utilisation des terres
29
artistes, responsables administratifs, paysans, et les activités économiques afin de préserver
l’agriculture et les autres secteurs ; la nouvelle
employés de bureau, femmes au foyer, les paysages des rizières en terrasses sur la
a pour objectif d’améliorer la vie des citoyens
mais aussi photographes et retraités. Elle base de l’accord entre les populations locales
et un développement sain de l’économie na-
organise des visites de terrain nationales et et les municipalités.
tionale. En 2000, le gouvernement a lancé
internationales (comme à Bali en Indonésie, un système de paiement direct des zones La survie des rizières en terrasses, au Japon
à Yunnan en Chine et à Nanhe en Corée) et montagneuses et intermédiaires (Mountai- et dans d’autres régions de mousson d’Asie,
procède à des enquêtes sur les rizières en nous and Intermediate Areas Direct Payment permettra aux populations de goûter aux
terrasses au besoin. System ). Dans ce système, les agriculteurs avantages de la philosophie du «slow life »1
signent un accord communautaire et s’enga- et de se rendre compte de la valeur de l’hé-
ritage légué par leurs ancêtres. De tels sites
ont peut-être un rôle économique moindre
Rizières en terrasses dans le paysage japonais dans la société moderne, mais du point de
vue culturel et de l’environnement, ce rôle
Le Japon est un pays insulaire d’une enregistré en 1338, résultat de l’enquête va bien au-delà du nombre de graines qu’ils
population de 127 millions d’habitants. sur la zone et sur le rendement de ses produisent.
Il est formé par des centaines de rizières. Jusqu’à ce jour, les rizières en
volcans dont 108 sont toujours actifs. La terrasses constituent un élément naturel Kazumi Yamaoka. Professeur Associé, Department of
Biological and Environmental Engineering, Graduate School
topographie est de type escarpé. L’eau unique en son genre, un mélange of Agricultural and Life Sciences, The University of Tokyo,
de pluie s’écoule rapidement à travers complexe d’activités humaines, de la Japan. E-mail : ayamaoka@mail.ecc.u-tokyo.ac.jp
des cours d’eau étroits en direction société et de l’environnement naturel.
de la mer. Les Japonais consomment Elles sont considérées comme le foyer Références
traditionnellement du riz et des fruits de spirituel des populations. L’eau des
-Yamaoka, K., 2005. Multifunctionality of Paddy Field Irri-
mer. Au fil de l’histoire, ils ont construit rizières et le système d’irrigation et de gation for a Basin Scale Water Cycle and Bio-diversity in
et développé des rizières en terrasses drainage constituent un réseau de zones Japan. Travaux de l’Atelier international sur les rôles mul-
dans le paysage volcanique escarpé. Le humides et de cours d’eau représentant tiples et la diversité des eaux d’irrigation, Beijing, Chine,
soufre que contient la cendre volcanique un environnement naturel façonné par 4 septembre 2005, International Commission on Irrigation
and Drainage (ICID), pp.123-142.
rend le sol acide, ce qui est préjudiciable l’homme avec une flore et une faune
à de nombreuses cultures. Cependant, riches. Les oiseaux tels que les grues, -Senga, Y., 2006. Development process of policies and ac-
tivities supporting preservation of rice terraces since 1990,
grâce à l’irrigation, le riz pousse bien. les aigrettes et les cigognes blanches Journal of Rice Terraces Research Association, 7, pp.51-61.
La riziculture a commencé sur le continent chassent les insectes aquatiques, les
grenouilles et les poissons. En outre, le -Yamaoka, K., T. Tomosho, M. Mizoguchi et M. Sugiura,
(aujourd’hui devenu la Chine) il y a près 2008. Social capital accumulation through public policy
de 7000 ans et a été introduite au Japon réseau recharge les eaux souterraines, systems implementing paddy irrigation and rural deve-
il y a 2500 ans environ. En japonais, les réduit les débits de haute crue et offre lopment projects. Paddy and Water Environment, 6(1),
des zones de loisirs, tous ces aspects pp.115-128.
rizières en terrasses s’appèlent tanada.
Le mot tanada provient d’un cadastre étant importants pour les villes situées
en aval. 1 En référence au mouvement slow food qui s’op-
pose au concept de fast food
L’irrigation de crue : bonne pour les hommes,
le bétail et les cultures !
Frank van Steenbergen et Abraham Haile Mehari
31
de crue. Le paquet technologique de du sol après irrigation. Enfin, une autre
technique consiste à envisager de • La lutte contre les espèces envahissan-
la révolution verte n’est pas applicable.
concentrer les débits vers un périmètre tes. Dans les zones de crue au Soudan
Pendant longtemps, l’attention portée à
irrigué, relativement compact, afin et au Yémen, une plante envahissante
l’irrigation de crue s’est plutôt focalisée
d’augmenter les possibilités d’irrigation a bloqué les lits des rivières et a pous-
sur les améliorations des travaux de
de la terre. C’est pourquoi il est sé le long des canaux. Des moyens no-
génie civil. Dans bien des cas, elles ont
moins risqué pour les agriculteurs de vateurs de réutilisation de cette plante
perturbé l’équilibre et la viabilité du
préparer leurs terres avant l’irrigation. (pour le charbon de bois, par exemple)
système. Généralement, l’on a remplacé
Les périmètres irrigués plus compacts pourraient transformer ce problème en
un système ingénieux multifonctionnel,
augmentent également les chances ressource.
capable de gérer les fortes crues et les
charges de sédiments élevées par des d’une deuxième et d’une troisième • L’amélioration des installations d’eau
mécanismes de captage en béton. C’est irrigation en éloignant les cultures de la potable dans les zones de crue. Cel-
le modèle suivi dans ce que l’on a appelé «zone de stress», comme en Erythrée. les-ci sont souvent insuffisantes et peu
l’ère de la modernisation au Yémen et au • L’introduction de nouvelles cultures fiables, à l’instar des étangs ouverts
Pakistan. Le résultat a été l’augmentation (légumes, cucurbitacées, légumineuses, non protégés. Une série de mesures
du périmètre irrigué, l’émergence de graines oléagineuses). Ce qui est institutionnelles et techniques sont en
conflits liés aux droits sur l’eau (puisque commun dans une zone n’est pas place pour améliorer l’approvisionne-
de nombreux systèmes indépendants ont forcément populaire ailleurs. ment en eau potable.
été remplacés par une seule prise d’eau) • Le développement d’utilisation com-
• La meilleure exploitation des ressources
ou l’interférence avec le débit souterrain plémentaire des eaux souterraines et
sauvages. Dans la plupart des zones
alimentant les aquifères locaux. Par de crue, notamment par la promotion
irriguées, il existe une grande variété
ailleurs, l’on s’est rendu compte, après coup, de la recharge avec de petits ouvrages
de légumes sauvages, de plantes
que l’attention accordée à l’amélioration et des règles spéciales de répartition
fourragères et de champignons (y
de la déviation de l’eau des rivières de ces de l’eau. La combinaison des eaux de
compris les truffes). En fait, les graines
systèmes « modernisés » ne se justifiait crue et des eaux souterraines peut en-
de ces plantes sont recueillies des
pas dans certaines zones, car l’essentiel de tretenir les systèmes de production, qui
cours d’eau et sont déversées durant
l’eau était de toute façon détournée des sont parmi les plus productifs partout.
les inondations dans des conditions
lits de rivières à sec.
d’humidité favorables à leur pousse.
Frank van Steenbergen et Abraham Haile Mehari.
Ces petits plus qui font la • L’investissement dans la technologie Spate Irrigation Network, Paardskerkhofweg 14, 5223
post-récolte (nettoyage des graines AJ, ‘s-Hertogenbosch, the Netherlands.
différence et amélioration du stockage) qui, au E-mail : fvansteenbergen@metameta.nl ; ahaile@
Pakistan, par exemple, a réduit les metameta.nl ; http://www.spate-irrigation.org
Au-delà des travaux de déviation, plusieurs
autres moyens d’améliorer l’irrigation de pertes de semences qui sont passées
crue existent : ce sont de petits plus qui de 7 % à 0%.
font la différence. Ce sont des activités • L’amélioration de la productivité de
supplémentaires qui optimisent l’irrigation l’élevage. Il s’agit notamment de l’accès
de crue, entre autres, il s’agit de : amélioré à l’alimentation du bétail, aux
points d’eau et aux services vétérinaires
Pour préserver les systèmes agricoles
traditionnels : maux et remèdes paysans
Frank van Schoubroeck, Luohui Liang et Arend-Jan van Bodegom
L
e monde est plein de systèmes agricoles derniser pour survivre au 21ème siècle. Les mine ces questions brûlantes. En Chine, par
ingénieux dans des endroits inattendus. auteurs du présent article ont participé aux exemple, les agriculteurs ont commencé
Sur les versants abrupts des montagnes, travaux de planification de la conservation à vendre du poisson salé-séché, mais ils
des rizières en terrasses et des systèmes de certains systèmes agricoles traditionnels. n’ont pas pu satisfaire la demande. La niche
d’irrigation sont développés. Au Sahara, les Des expériences sur le terrain ont montré existe bel et bien, l’espace nécessaire pour
agriculteurs utilisent chaque goutte d’eau deux points importants : le développement de cette activité aussi.
pour cultiver des espèces rares de dattes et 1- Sur le terrain, les populations sont pas- Toutefois, les agriculteurs n’y avaient pas
d’abricots. Les agriculteurs latino-américains sionnées par la conservation et le déve- tellement accès.
cultivent plus d’une centaine de variétés loppement des systèmes traditionnels, de
de pommes de terre. Dans chaque pays, il nombreuses organisations ont commencé Des partenaires pour relever
existe des zones où des générations d’agri-
culteurs ont exploité les possibilités locales
à mener par leurs propres moyens des ac- les défis
tivités jugées pertinentes.
pour développer des systèmes agricoles du- Les agriculteurs peuvent rarement résoudre
rables. Ces écosystèmes agricoles ont tou- 2- Aucun outil de planification n’est dispo- ce genre de problèmes tous seuls. Il leur
jours émergé dans une perspective d’adap- nible pour aider les organisations à coor- faut un soutien tel que la reconnaissance,
tation au milieu avec le risque de disparaître donner ces initiatives ; cela a conduit à le renforcement des capacités, des droits
ensuite face aux évolutions technologiques leur échec. Il est arrivé que les outils pro- accrus ou l’application de la loi. Les
et politiques. posés (tels que le cadre logique) créent la personnes de l’extérieur ne peuvent pas
confusion et refroidissent l’enthousiasme. dire aux agriculteurs ce qu’ils doivent faire ;
Des études internationales ont démontré les
Ainsi, malgré l’objectif largement partagé mais elles peuvent créer les conditions leur
32 menaces qui pèsent sur le développement
et l’existence de ces nombreux systèmes
traditionnels. D’une part, les politiques gou-
de la conservation des systèmes agricoles,
il n’est pas possible de lier les initiatives des
permettant de développer leurs systèmes.
En Chine par exemple, les agriculteurs
vernementales, orientées vers la fourniture différentes organisations afin de rationali- auraient pu créer le label “poisson élevé
des centres urbains en produits alimentaires ser les concepts, politiques, droits, services et fumé à la traditionnelle” – mais seuls,
bon marché avec des subventions et autres d’appui et activités économiques de déve- ils ne pouvaient pas mettre en oeuvre un
règlementations, constituent un frein. En ef- loppement. système garantissant aux clients un produit
fet, la dimension conservation du sol et de conforme à ce label. Pour cela, il leur fallait
la biodiversité, souvent prédominante dans Défis des systèmes agricoles une organisation extérieure. Les partenaires
les systèmes agricoles plus anciens, n’est ne peuvent pas en même temps rendre
Les agriculteurs ont souligné quelques diffi- visite à des agriculteurs sur le terrain pour
pas bien reconnue, encore moins rémuné-
cultés ou opportunités que nous qualifions constater le problème de leurs propres
rée. D’autre part, la recherche agricole est
«d’urgentes» ou d’actualité. Ce sont souvent yeux. A travers des ateliers, les agriculteurs
soutenue à plus de 90 % par des sociétés
des questions-clés qui se posent en plein peuvent définir les rôles des partenaires
commerciales dont l’objectif est de vendre
processus de production. Il faut y répondre et les mécanismes de coordination. Leurs
des produits agrochimiques et des semen-
pour accroître la performance de l’activité et points de vue peuvent être divergents mais
ces aux agriculteurs et aux gouvernements ;
parfois même, il y va de sa durabilité. Cela cependant ils peuvent travailler ensemble
même la recherche publique appuie souvent
inspire souvent des innovations locales. Ce autour d’une problématique qui présente un
cette position. Les agriculteurs se retrouvent
qui fait dire que le paysan innove souvent intérêt pour le système agricole.
ainsi face à de nombreuses difficultés pour tirer
lorsqu’il est dos au mur. Le contexte déter-
un revenu décent des systèmes tradition-
nels : leurs enfants migrent vers les villes où
ils n’ont pas de droits (fonciers surtout) leur
permettant de poursuivre le développement
de systèmes agricoles ingénieux.
Initiatives de conservation
Photo: Frank van Schoubroeck
Organisation : FAO
Tâche : reconnaissance internationale des Organisation : Administration locale
systèmes agricoles ingénieux Tâche : Application des droits de tenure des ouvriers
Question brûlante :
Sécuriser l'accès à la terre en faveur des ouvriers agricoles
But :
mise en place d’un système d'oasis viable et dynamique
Ce diagramme représente un mécanisme de gestion du défi que constitue « l'accès des ouvriers agricoles migrants à la terre ». Les conditions en rouge et
orange restent à remplir ; les conditions en vert sont bien en place. La plateforme au milieu doit être créée.
Par exemple, nous avons visité l’oasis de Gafsa effectuent des tâches qui constituent pour Les questions intéressant les personnes exté-
dans le centre-ouest de la Tunisie en notre d’autres des conditions préalables pour jouer rieures tournaient autour de la “réduction de
qualité de planificateurs de programme. pleinement leur rôle dans le système. Il faut la pauvreté”, de la “préservation de la biodi-
Nous y avons vu une parfaite illustration de noter que cette carte n’est jamais définitive. versité” ou du “développement des marchés
l’effondrement d’un système agricole tradi-
tionnel (voir Encadré).
Tout en travaillant sur la question, vous
trouverez que certaines conditions sont déjà
à créneaux”. Elles se chevauchaient en partie
avec des problématiques identifiées locale- 33
Cette visite des planificateurs de programme remplies (aussi, peuvent-elles être rayées de ment, mais, pour leur prise en charge, elles
à l’oasis et les entretiens avec les agriculteurs la carte), alors que d’autres sont nécessaires partaient de considérations très différentes.
et autorités ont révélé quelques questions (et doivent donc être ajoutées). La carte est Nous avons appelé cette méthode de
brûlantes : la nappe phréatique est en baisse, un outil permettant de réaliser la coopération planification le « cadre gestion-résultat » (ou
les ouvriers agricoles n’ont que des contrats entre des organisations pour un objectif « cadre GO »). Ce cadre peut être utile à la
saisonniers, les populations construisent illé- commun (dans ce cas ci le développement structuration des processus multilatéraux. On
galement des maisons, les déchets urbains de l’oasis). a fait appel à cet outil, entre autres, dans
sont entassés, l’oasis pourrait servir de parc la recherche-action au Cameroun et dans
à la ville, les produits de l’oasis peuvent être Utilisation du cadre GO l’évaluation du rôle des ONG militantes en
mieux commercialisés. Au sein même de Au cours d’un atelier tenu à Gafsa avec la Indonésie. Davantage d’expérimentation sera
l’oasis, certaines personnes ont fait pression participation de plusieurs organisations, nécessaire pour changer et adapter la méthode
sur nous : « veillez, s’il vous plait, à ce que les partenaires ont d’abord exprimé leur afin de s’assurer qu’elle aide effectivement les
les constructions illégales soient arrêtées ! » frustration eu égard à la dégradation de parties prenantes à souscrire en commun au
ou « nous ne pouvons rien améliorer si nous l’oasis. Il a fallu quelques efforts pour travail des agences gouvernementales et des
ne disposons pas d’une quantité d’eau plus renverser la tendance et examiner les défis ONG, ainsi qu’aux pratiques des agriculteurs.
importante ». Tout cela montre que ces ques- structurels à prendre en charge et réfléchir
tions sont, bien entendu, centrales et que le fait Frank Van Schoubroeck. Analyste Politique, ILEIA, P.O.
sur les mécanismes de leur gestion. Au bout Box 2067, 3800 CB Amersfoort, the Netherlands.
d’en régler quelques-unes aiderait à relancer le d’une journée environ, les parties prenantes E-mail : f.van.schoubroeck@ileia.nl
système. ont établi la liste des organisations clés et Luohui Liang. Chercheur, United Nations University,
Une des questions qui se posent aussi est les tâches qu’il leur fallait remplir pour 55370–53–70 Jingumae, Shibuya-ku, Tokyo 150-8925,
que les travailleurs migrants n’ont pas des permettre à d’autres partenaires d’entretenir Japan.
E-mail : luohui.liang@gmail.com
droits à long terme à la terre. Peu de mesures le système agricole. En ce qui concerne
Arend-Jan van Bodegom. Expert en gouvernance
incitatives les poussent en effet à s’investir certaines activités, aucune aide extérieure n’a
forestière, Wageningen International, P.O. Box 88, 6700 AB
dans les palmiers (dont le cycle est de 50 à été nécessaire : la plupart des organisations Wageningen, the Netherlands.
100 ans) et les arbres fruitiers (5 à 10 ans). avaient leurs propres mandat et budget. La E-mail : arendjan.vanbodegom@wur.nl
C’est pourquoi ils ne s’intéressent pas aux coordination entre organisations, par contre,
nécessitait des fonds supplémentaires. A la Références
arbres et plantent des cultures annuelles.
-Wageningen International, 2006. Portal for multi-stake-
Il était peu probable qu’un “programme de fin de l’atelier, certaines d’entre elles se sont
holder processes: http://portals.wi.wur.nl/msp
sensibilisation” émanant du Département donné la main pour commencer à nettoyer
-McIntyre, B., H. Herren, J. Wakhungu et R. Watson
de l’Agriculture puisse aider les ouvriers l’oasis et réaliser les émissions radio destinées (eds.), 2009. Agriculture at a crossroads: The global
agricoles à entretenir les arbres. Il leur fallait à la sensibilisation des populations. report. (L’Agriculture à la croisée des chemins : Rap-
plutôt un accès à long terme à la terre et les port mondial) International Assessment of Agricul-
Nous nous sommes rendu compte que les tural Knowledge, Science, and Technology (IAASTD).
propriétaires fonciers avaient peur de perdre organisations à la base qui élaborent un (Evaluation internationale des connaissances, de la
leurs droits fonciers. Le diagramme ci-dessous programme autour des défis structurels ont science et de la technologie agricoles) Island Press,
montre un mécanisme de gouvernance visant le même but mais visent des objectifs diffé-
1718 Connecticut Avenue, NW, Suite 300, Washington,
à régler la question. Différentes organisations DC 20009, U.S.A.
rents de ceux du donateur ou du ministère.
SITE S W EB
Diversification agricole, production et les agricultures du monde, et identifier dans la lutte contre la pauvreté. Les sa-
commercialisation d’autres cultures les questions prioritaires de recherche voirs-faire locaux endogènes liés au sys-
http://www.fao.org/docrep/004/ posées au Cirad et à l’Inra et, au-delà, à tème de production existent mais ne sont
x0530f/x0530f06.htm la recherche agronomique internationale pas encore rénovées. La production y est
tout entière. Le défi de l’alimentation né- diversifiée : les légumes-feuilles, les condi-
Après l’indépendance, les pays d’Afrique de cessite de comprendre et d’anticiper. Il ments, la floriculture et d’autres cultures
l’Ouest ont défini des politiques agricoles requiert d’engager la recherche à travers vivrières très appréciées par les citadins
orientées vers la promotion des filières d’ex- des priorités débattues. sont pratiquées dans ces milieux durant
portation (palmier à huile, café, cacao, coton, toute l’année.
arachide, etc.) mises en place à l’époque Intégration horticulture ‑ élevage dans
coloniale afin d’assurer au pays des rentrées les systèmes agricoles urbains de la Les pratiques agroforestières appli-
de devises. Dans un commerce libéralisé, il zone des Niayes (Sénégal) quées aux espèces de cactus en milieu
n’existe plus d’acheteurs officiels ou de sub- Safiétou Touré Fall, Abdou Salam Fall, Ibra- aride
ventions de l’État aux cultures vivrières. En re- hima Cissé, Aminata Badiane, Cheikh Alas- http://knowledge.cta.int/fr/Dossiers/
vanche, les cultures d’exportation continuent sane Fall et Maty Ba Diao CTA-et-S-T/Developpements/Les-pratiques-
à bénéficier d’un système de crédit et d’appro- agroforestieres-appliquees-aux-especes-de-
visionnement en intrants agricoles adéquat; http://apad.revues.org/docu- cactus-en-milieu-aride
en outre, les producteurs de coton, de café ment444.html
Les zones arides d’Éthiopie, qui consti-
ou de banane sont sûrs d’avoir toujours un Cet article décrit la diversité biologique et tuent environ 60 % de la superficie des
client grâce aux grands offices parapublics qui la pluralité du système de production des terres du pays, sont caractérisées par un
gèrent ces cultures d’exportation. Les paysans Niayes. Il y est noté que cette diversité couvert végétal dégradé, probablement
ont donc tendance à négliger, dans beaucoup biologique n’est pas mise à profit pour en raison de la culture intensive et du
de régions, les cultures vivrières au profit du améliorer les performances du système surpâturage. Ces zones présentent une
coton ou du café par exemple. Pour appré- de production, les acteurs n’intègrent pas évapotranspiration élevée qui excède
hender la notion de diversification agricole suffisamment les activités agricoles et les précipitations. Dans ce type d’envi-
35
différentes typologies réalisées. Celles-ci
sont de deux ordres : i) les typologies de Nouvelle Approche de Développe-
structure, véritables photographies, elles ment Rural en Afrique Noire. La
ont pour objectif essentiel la caractérisation Gestion des Terroirs par les Com-
En un demi-siècle, les agricultures africai-
de la diversité des situations rencontrées, munautés Rurales au Togo.
nes ont évolué très rapidement, passant de
offrant ainsi un cadre pour des analyses
l’autosubsistance familiale à l’intégration aux http://recherche.univparis8.fr/media/
sur des ensembles homogènes ; ii) les
marchés. Les exploitations familiales d’Afri-
typologies de fonctionnement s’attachent à pdf/THES2548_RESUME%20DE%20
que subsaharienne, qui jouent un rôle essen-
l’étude des processus. Elles se veulent plus LA%20THESE%20DE%20DOCTORAT.rtf
tiel pour l’alimentation et les produits d’ex-
opérationnelles et servent d’outils d’analyse Dans la plupart des pays d’Afrique noire,
portation, sont pénalisées par l’accès limité
pour la définition et l’exécution des actions les systèmes agricoles ont connu une grave
à certains facteurs de production (intrants et
de recherche et de développement. Qu’elles crise ces dernières années: augmentation
équipement) et par la concurrence liée à la
soient empiriques ou construites, les de la population, systèmes économiques
mondialisation et aux politiques agricoles
démarches d’élaboration des typologies, perturbés au niveau national et international,
des pays du Nord. Néanmoins, la demande
une fois mieux maîtrisées, devraient changements climatiques. Ces difficultés
alimentaire des villes africaines constitue
permettre une utilisation plus pertinente ont accentué la nécessité de considérer la
une opportunité pour les agriculteurs et les
des typologies qui pourront ainsi garder gestion des terroirs comme un ensemble
éleveurs. Pour être en phase avec ces chan-
toute leur plénitude d’outil de connaissance, qui n’est pas limité à la seule production
gements, la recherche et le développement
d’aide à la décision et de développement. mais doit inclure les aspects socio-culturels
ont renouvelé leurs approches en termes
de compréhension et de conseil aux exploi- et la préservation des ressources naturelles.
tations agricoles. S’appuyant sur des expé- Depuis les grandes sécheresses qui ont
Cultivant la Diversité - Afrique de
riences récentes en Afrique de l’Ouest et perturbé les systèmes de production
l’Ouest : Pratiques agricoles tradi- traditionnels, les projets de développement
du Centre, cette synthèse pluridisciplinaire
propose un ensemble de méthodes d’ana-
tionnelles utilisables en agricul- rural classiques ont montré leurs limites
lyse des exploitations, ainsi que des démar- ture biologique en Afrique subsaharienne. Il a fallu trouver
ches de conseil ; des travaux théoriques et d’autres solutions, dont l’approche “ gestion
Organisation Béninoise pour la Promo-
méthodologiques alternent avec des études du terroir ‘’. L’approche gestion du terroir
tion de l’Agriculture biologique, OBE- telle que proposée privilégie des mesures,
de cas. Quatre thèmes sont traités : fonc- PAB Bénin, Village: Dan Setto / Région
tionnement de l’exploitation agricole fami- des actions, des initiatives, décidées par
d’Abomey, Département du Zou les villageois avec les conseils d’experts,
liale et son environnement ; évolution des
systèmes de production (diversité, méca- http://www.grain.org/gd/fr/related- afin d’améliorer le potentiel agricole et de
nismes) ; méthodes et pratiques de gestion docs.cfm diversifier les activités. Les décisions ne
(stratégie, production, ressources humaines La plupart des terres de Dan Setto ont cherchent pas seulement une intensification
et naturelles, trésorerie) ; appui aux produc- été épuisées après de longues années de la production, mais aussi et surtout la
teurs (innovation, recherche-action, conseil d’exploitation. Les producteurs de Gnizoumey durabilité des ressources. L’ensemble des
à l’exploitation). situent l’utilisation de tchotchokpo en mesures ne concerne plus un exploitant
agriculture au début des années 1980, sur ou un groupe d’exploitants, mais le `` terroir
le plateau de terre de barre d’Abomey. A ‘’ tout entier, c’est - à - dire le village et
cette période, l’utilisation du tchotchokpo l’ensemble des terres qui l’entourent et qui
comme engrais minéral a été découverte servent à nourrir les habitants.
BIBLIOGRAPHIE
La jachère en Afrique recyclage des déchets et effluents des villes du « Sud « ont continuellement modifié
dans l’agriculture urbaine. leurs systèmes de production agricole
tropicale, l’apport en sciences de façon à pouvoir mettre durablement à
sociales L’Afrique : un continent en réserve profit les caractéristiques propres de leurs
de développement environnements respectifs. Il en a presque
Jean-Pierre Guengant, Christian Sei-
gnobos, François Sodter ISBN : 2-296- Sylvie Brunel ; Editions Bréal, ISBN : toujours résulté des techniques et des savoir-
01568-9 • novembre 2006 • 160 pages 2-84291-866-5, décembre 2003 : Prix : faire adaptés à la diversité des écosystèmes.
11217 FCFA Loin d’être sans fondement, des pratiques
tels que l’association simultanée de
Cet ouvrage cou- L’Afrique est-elle en crise ou en faillite ? Quelles
sont les véritables causes de ses difficultés ? La
plusieurs cultures dans un même champ ;
vre la totalité des
traite, la colonisation, les politiques adoptées le nomadisme pastoral et le repiquage de
i n ve s t i g a t i o n s
par les pays africains eux-mêmes, la mondia- plantules en rizières, apparaissent finalement
scientifiques
lisation ? Le continent peut-il se développer bien rationnelles. Et l’erreur serait de croire
que la jachère
et à quelles conditions ? Telles sont les ques- que le développement de l’agriculture dans
en Afrique tro-
tions que traite cet ouvrage de synthèse sur les divers Tiers mondes devrait désormais
picale requiert
de la part des un continent trop souvent enfermé dans des suivre inévitablement la voie tracée
sciences sociales. clichés. jusqu’alors par les exploitants des pays du
L’agriculture «tra- Avec L’Afrique, conçu autant pour les étu- « Nord « : celle d’une chimisation et d’une
ditionnelle» afri- diants, les enseignants et futurs enseignants moto-mécanisation sans cesse accrues.
caine reste en- (programmes du CAPES et de l’agrégation) Mais le drame est que dans le contexte
core largement que pour répondre aux interrogations du actuel de la mondialisation croissante des
fondée sur les grand public, l’auteur dresse un bilan ma- échanges, les paysans du « Sud « dont
pratiques cultu- gistral des principales problématiques liées
l’outillage reste encore manuel ne peuvent
rales et culturelles issues de l’agriculture à l’Afrique, en soulignant les mutations pro-
aujourd’hui résister à la concurrence des
itinérante sur brûlis. Mais la modernisation fondes que traverse aujourd’hui ce continent,
exploitants agricoles des pays du « Nord
et la mondialisation contribuent à provoquer dans ses sociétés comme dans ses territoires.
« dont les systèmes de production sont
36 un changement des systèmes de production.
La jachère s’est révélée une entrée particu-
Confrontée à de multiples risques et montrant
pourtant de remarquables capacités d’adapta-
tion et de résilience, l’Afrique est aujourd’hui
hautement motorisés et tributaires de
l’emploi d’engrais chimiques. Les paysans
lièrement pertinente à l’étude des questions
un continent en réserve de développement. les moins compétitifs ne peuvent donc
agricoles et agraires, stratégiques pour l’Afri-
plus guère disposer de revenus suffisants
que au Sud du Sahara.
pour nourrir correctement leurs familles,
Agricultures Et Paysanneries Des équiper davantage leurs exploitations et
Développement durable de Tiers Mondes développer de nouveaux systèmes de
l’agriculture urbaine en Afrique Marc Dufumier, édition Karthala, Collec- culture et d’élevage, tout en renouvelant
francophone: enjeux, concepts et tion : Hommes et Sociétés, septembre durablement les potentialités productives de
2004 leurs environnements. Nombreux sont alors
méthode les paysans condamnés à l’exode rural ou
Contrairement aux départs clandestins vers l’étranger, sans
O. B. Smith, Paule Moustier, CIRAD (Or- à une idée trop
ganization), International Development que des emplois ne puissent néanmoins
souvent répan- leur être préalablement assurés.
Research Centre (Canada) Collaborateur due, les systè-
O. B. Smith Editions Quae, 2004, ISBN mes de culture
2876145510, 9782876145511, 176 Incidence des systèmes agricoles
et d’élevage
pages et du développement rural sur les
mis en œuvre
aujourd’hui par forêts du Nigeria
Après une présen- les paysanne- http://www.unu.edu/unupress/
tation des caracté- ries du « Sud unupbooks/80467f/80467F09.htm
ristiques de l’agri- « ne sont ni « L’agriculture reste le mode d’existence prédo-
culture urbaine, archaïques «, ni minant au Nigeria en dépit de la croissance
l’ouvrage analyse condamnés à rapide des zones urbaines et de l’élargisse-
ses fonctions, ses l’immobilisme. ment de l’écart entre villes et campagnes en
impacts et ses fac- Cet ouvrage vise précisément à présenter ce qui concerne les revenus et les services.
teurs d’évolution. et expliquer la diversité des conditions et Les différents types d’exploitations agricoles
Puis il s’intéresse modalités de transformation de l’agriculture traditionnelles sont commentés. Le proces-
à sa place dans dans les pays d’Afrique, d’Asie et d’Améri- sus d’intensification de l’agriculture, depuis la
la planification ur- que latine. Il s’attache à montrer comment culture itinérante jusqu’à l’agriculture séden-
baine en préconi- les différentes agricultures pratiquées de nos taire du sud-ouest du Nigeria, est décrit, l’ac-
sant des métho- jours sont chacune le produit d’une longue cent étant mis particulièrement sur les espè-
des participatives mieux à même d’intégrer histoire, au cours de laquelle les paysans ces ligneuses et pérennes des clos familiaux.
cette agriculture dans la stratégie de déve- ont fait montre d’une grande capacité de D’autres formes possibles telles que l’horticul-
loppement socio-économique local. Il traite création et d’innovation, dans des environ- ture spécialisée et l’élevage sont brièvement
ensuite des filières maraîchères et animales examinées du point de vue de leur incidence
nements écologiques et socio-économiques
pour lesquelles il propose des démarches de sur la forêt dense tropicale. Des recomman-
relativement hostiles.
diagnostic et d’intervention spécifiques. Enfin, dations sont ensuite formulées concernant le
il examine les modalités et les techniques de De génération en génération, les paysanneries cours futur du développement agricole.
infos
Interview
Ndiogou Fall
Le Réseau des organisations des producteurs et des paysans de l’Afrique de l’Ouest
(ROPPA) a été fondé en juillet 2000 lors d’une rencontre à Cotonou qui a rassemblé
une centaine de responsables paysans mandatés par leurs organisations. Il regroupe des
organisations ou «cadres de concertation» de 10 pays d’Afrique de l’Ouest (Bénin, Burkina
Faso, Côte d’Ivoire, Gambie, Guinée, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal, Togo).
38
L
a Journée Nationale du Paysan s’est ont appris à apprécier les produits à base Le dernier jour, des échanges directs ont
tenue à Koudougou, les 12, 13 et de lait local. Notamment la femme du Pre- eu lieu entre les paysans et le Président
14 mars 2009, avec pour thème : « la mier Ministre qui est passée deux fois au du Faso. Dans son mot d’introduction, il a
diversification des productions agricoles ». stand. Elle a adoré le Gappal. insisté sur la nécessité de garantir la sou-
La foire agricole organisée pendant ces La foire a aussi donné aux paysans veraineté alimentaire du pays et d’assurer
trois jours a été un vrai succès. Les visi- l’occasion d’afficher leurs préoccupations. la sécurité alimentaire des populations.
teurs interrogés étaient unanimes pour Certains n’ont pas eu peur d’inventer un
dire « Les paysans burkinabè nous ont nouveau mot pour signaler que le manque * Ce texte est tiré d’un article de Maurice
montré qu’ils sont capables de produire de structures (notamment de chambre Oudet paru dans abc Burkina n°322, sous
tout ce dont nous avons besoin pour notre froide, de magasin de stockage) les oblige le titre « Les consommateurs urbains apprécient
de plus en plus les produits locaux ». Retrouvez
alimentation ! Si, en plus, on met en place trop souvent à « brader » leurs productions.
l’intégral de l’article sur le site http://www.
une bonne politique agricole, nous pour- La Confédération Paysanne du Faso a tenu, abcburkina.net
rons bientôt exporter ! ». elle, à présenter les messages suivants :
Le stand de « La laiterie du Boulkiemdé », « Pour garantir une sécurité et une
avec ses différents produits laitiers (Gappal souveraineté alimentaire au Burkina Faso,
– boisson à base de Yaourt et de farine de facilitons l’accès des producteurs aux
petit mil -, lait frais, yaourt, dégué, fromage intrants dans toutes les filières agricoles. »
frais et fromage frit) a eu beaucoup de succès. Ou encore « La Souveraineté alimentaire
Depuis la très forte augmentation du prix requiert l’accès des acteurs aux moyens de
de la poudre de lait, les consommateurs production. »
Suivi pour vous
39
L
a crise alimentaire qui affecte le monde d’Afrique. Il serait pour cela nécessaire, de portions inquiétantes. D’où un autre point
depuis environ deux ans, a servi de permettre aux petits paysans d’accéder à de convergence de tous les producteurs et
justification à une vidéoconférence la terre et aux financements. Tous considè- tous les acteurs : l’accès démocratique aux
au mois d’avril. Initiée par les députés du rent qu’une transformation industrielle ou ressources de la terre est non seulement
groupe des Verts du Parlement européen, semi-industrielle des produits alimentaires un droit, mais surtout une exigence.
elle a permis à des acteurs situés à du terroir est de nature à accroître la valeur La satisfaction de la demande des
Dakar, Bruxelles, Manille et Washington ajoutée de ces produits et de fournir des populations urbaines, en particulier les plus
d’échanger. revenus supplémentaires aux producteurs pauvres, pourrait facilement être réalisée
A Dakar, au siège de la Délégation de la locaux. Dans cette lutte pour la promotion en augmentant l’offre de l’agriculture
Commission européenne, étaient présents de l’agriculture familiale et des produits du familiale. Il a même été dit que les petites
le Conseil National de Coopération et terroir, les producteurs et les consomma- structures familiales de production agricole
de concertation des Ruraux (CNCR), les teurs africains ont reçu le soutien de leurs étaient plus à même de contribuer à la lutte
consommateurs représentés par l’Association collègues des pays du Nord. contre les changements climatiques en
des consommateurs du Sénégal (ASCOSEN), Le représentant de la Fédération Euro- facilitant la séquestration du carbone. Mais
la Société civile, représentée par le Réseau péenne des Producteurs de Lait a expliqué tout ceci se fait dans la reconnaissance du
Africain pour le Développement Intégré en quoi les petits producteurs d’Afrique et rôle de chacun. La nouvelle configuration
(RADI), le Réseau des Organisations de la d’Europe mènent le même combat pour mondiale demande plus de solidarité, née
Société civile pour la sécurité Alimentaire au leur survie. Selon lui, il existerait en Europe de la conscience que le sort de tous les
Sénégal (Rosa/Ifsn) et IED Afrique. Ndiogou un surplus de 5 à 10% de lait par rapport hommes, producteurs, consommateurs,
Fall du ROPPA a représenté les producteurs aux besoins. Cependant les aliments du décideurs, chercheurs,… est lié, quel
et paysans de l’Afrique de l’Ouest. bétail sont achetés dans les pays du Tiers- que soit leur continent. Et que permettre
Les partenaires ont réfléchi sur les marges monde à des prix très compétitifs. Ceci aux petits producteurs, en Afrique, en
de manœuvre dont disposent les acteurs permet de produire le lait à bon prix, mais Europe ou ailleurs dans le monde, de
pour la mise en place de ce que le leader implique aussi des prix catastrophiques vivre du fruit de leur travail, n’est pas une
paysan de l’Afrique de l’Ouest, M. Mamadou pour les producteurs. question de charité, mais de simple justice
Cissokho, qui participait aux débats, a ap- Les représentants des organisations amé- sociale. Il suffit que les règles et pratiques
pelé, «une agriculture dynamique, nour- ricaines présents à la vidéoconférence ont commerciales qui favorisent les grandes
ricière, respectueuse des écosystèmes, lâché un chiffre effarant : 11% de la po- unités industrielles et les spéculateurs
créatrice d’emplois et de richesses». Néan- pulation des Etats-Unis d’Amérique vit en internationaux soient abolies.
moins, dans leurs réflexions, les participants situation d’insécurité alimentaire. Ce phé-
ont convenu que l’agriculture familiale est nomène a d’ailleurs fortement augmenté, Mohamed Guèye, journaliste rural
mohagueye@gmail.com
amplement capable de nourrir les pays ces dix derniers mois, atteignant des pro-
Suivi pour vous
Photo :FENAB
40
D
u 8 au 12 Avril, la Fédération Natio- Elle est ouverte à toutes les organisations avril. Cora Dankers de la FAO a présenté le
nale pour l’Agriculture Biologique de producteurs et organisations d’appui qui Projet d’Amélioration des Revenus et de la
(FENAB) a organisé à Thiès, au s’activent pour le développement de l’agri- Sécurité Alimentaire des Petits Producteurs
Sénégal, la quatrième édition de la Foire culture biologique au Sénégal. Sa mission par l’Exportation de Produits Tropicaux. Ce
des Produits Biologiques et Naturels. est de : projet est financé par le gouvernement
Financée par la FAO, cette foire est organisée yy Développer l’agriculture biologique tout allemand et mis en œuvre par la FAO.
chaque année. Elle vise à faire la promotion en défendant les intérêts des petits pro- Au Sénégal, il accompagne une initiative
des produits agricoles biologiques cultivés ducteurs ; d’exportation de la mangue biologique.
au Sénégal, leur transformation et leur Au Burkina Faso, le projet a appuyé la
yy Restaurer la fertilité des sols et l’équilibre certification commerce équitable de deux
commercialisation pour une émergence des écosystèmes ;
d’un véritable «Marché Bio». Elle est aussi groupements. Au Cameroun et au Ghana, il
l’occasion, pour la FENAB, de développer les yy Lutter contre la disparition de la biodiversité soutient l’exportation de l’ananas.
échanges d’expériences entre ses membres, et les dérèglements climatiques ; Ibrahima SECK, le Coordinateur du Comité
d’encourager la concertation, le dialogue et yy Préserver et améliorer la santé humaine, Ethique de la FENAB a donné des précisions
la solidarité Sud/Sud et Nord/Sud. animale et végétale ; sur le Cahier des Charges de l’Agriculture
La FENAB regroupe 18 organisations de base Biologique au Sénégal. Ce cahier a été
yy Promouvoir l’agriculture biologique
et des organisations d’appui telles qu’EN- élaboré suivant un processus participatif
comme système de production agricole
DA-PRONAT, AGRECOL, GREEN-SENEGAL etc. conduit un Comité Ethique. Son contenu est
alternatif capable de résoudre les pro-
axé sur les règles de l’IFOAM mais prend
blèmes alimentaires du pays ;
en compte les réalités sénégalaises. Ses
� Favoriser l’émergence des mé- objectifs sont de fixer les Normes de Base
tiers de l’agriculture biologique, de l’Agriculture Biologique au Sénégal
notamment chez les jeunes. et d’avoir un référentiel pour garantir la
Le premier jour de la foire a été qualité et la traçabilité des produits. La
marqué par l’ouverture officielle finalité est de voir ce cahier validé par l’Etat
des expositions de produits et être reconnu par l’Union Européenne et
(céréales, légumes, produits les Etats-Unis.
transformés, produits de la mer,
de la forêt, issus du commerce Pour plus d’informations sur la FENAB, vous
équitable, etc.). pouvez contacter :
En marge, des ateliers de Ibrahima Seck
fenabsen@yahoo.fr
réflexion se sont tenus les 9 et 10