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Mai 2009 - volume 25 n°1

Cultiver la diversité
Adresse AGRIDAPE Administration : Edition chinoise
IED Afrique Maïmouna Dieng Lagnane CBIK, 3rd Floor, Building A
24, Sacré Coeur III – Dakar Zhonghuandasha, Yanjiadi, Kunming
BP : 5579 Dakar-Fann, Sénégal Traduction : Bougouma Mbaye Fall Yunnan. E-mail : renjian@cbik.sc.cn
Téléphone : +221 33 867 10 58
Fax : +221 33 867 10 59 Conception graphique - Impression : Édition espagnole
E-mail : agridape@orange.sn Imprimerie Graphi plus La revista de agro-ecologia
Site Web : www.iedafrique.org Tél. : +221 33 869 10 16 Association ETC Andes, AP.18-0745,
Agriculture durable à faibles apports externes
Lima 18, Pérou
VOL. 25.1 - Mai 2009 Coordonnatrice : Awa Faly Ba Mbow
AGRIDAPE est l’édition régionale
Edition Internationale E-mail : base-leisa@etcandes.com.pe
Afrique francophone des magazines Comité éditorial : Awa Faly Ba Mbow, LEISA Magazine
LEISA co-publiée par ILEIA et IED Afrique Safietou Sall Diop, Aïssatou Tounkara, ILEIA P.O. Box 2067, 3800 CB Amersfoort, Édition indienne
ISSN n°0851-7932 Bara Guèye, Mouhamadou Lamine The Netherlands LEISA India
Seck Tél. : +31 33 467 38 70 AME Foundation , PO Box 7836, Bangalore
Fax : +31 33 463 24 10 560 085, Inde
subscriptions@ileia.nl E-mail : amebang@giasbg01.vsnl.net.in

8 Diversité et efficacité : éléments-clés d'une

SOMMAIRE agriculture écologiquement intensive


Fernando Funes-Monzote, Santiago López-Ridaura et Pablo
Tittonell

4 Editorial : cultiver la diversité Les conclusions d’une étude menée à Cuba pendant six ans
indiquent qu’en augmentant la diversification d’une exploitation
6 Vive les petites exploitations diversifiées !
grâce, par exemple, à un système de polyculture/élevage, c’est
Coen Reijntjes la productivité globale qui s’en trouve améliorée. Il est également
important de relever la capacité des systèmes d’exploitation
8 Diversité et efficacité : éléments-clés d’une agriculture
mixtes à réduire les risques, surtout par rapport aux systèmes
écologiquement intensive simplifiés et homogènes. Ils s’inspirent beaucoup des idées et
Fernando Funes-Monzote, Santiago López-Ridaura et Pablo Tittonell enseignements de l’agriculture traditionnelle que l’on retrouve
10 dans plusieurs parties du monde.
La rotation des cultures, une méthode écologique et efficace
Mouhamed Gueye

12 Tirer le maximum des cultures sous-utilisées


Hannah Jaenicke et Nick Pasiecznik
DES INSTITUTIONS, UNE VISION !
ILEIA est le centre d’information sur l’agriculture durable à faibles
14 Arbres sous utilisés : l’espoir renaît chez les communautés tribales !
apports externes. Ce centre encourage l’adoption des technologies à
Abhay Gandhe et Arun Dolke faibles apports externes par le biais de sa revue trimestrielle LEISA
et ses autres publications. Il appuie, par ailleurs, la mise en place
16 Les petits exploitants tirent profit des cultures pérennes dans le
d’éditions régionales du magazine. ILEIA dispose également d’une
sud-ouest camerounais base de données spécialisée et d’un site Internet interactif qui permet
Isabelle Nkapnang Djossi d’accéder à de nombreuses informations sur le développement de
l’agriculture durable dans le monde (www.leisa.info).
18 Honduras : graines, connaissances et diversité au service des petits
exploitants - Faris Ahmed Innovations, Environnement et Développement en Afrique est
l’organisation autonome qui capitalise l’expérience du programme Sahel
20 Le centre Songhaï, modèle d’une exploitation diversifiée de l’Institut International pour l’Environnement et le Développement.
Léonce Sessou Sa mission reste de promouvoir un développement durable par la
promotion des approches participatives à travers la recherche-action,
22 Diversité dans les zones arides : planifier une vie durable l’analyse des politiques, la mise en réseau, la formation, la production
Aspen Edge et la diffusion d’informations en Afrique francophone. Dans ce cadre,
IED Afrique propose aux partenaires différents supports accessibles à
25 Préserver et améliorer les moyens de subsistance par le partage des travers son site internet (www.iedafrique.org ).
connaissances sur l’agriculture diversifiée AGRIDAPE, c’est l’agriculture durable à faibles apports externes. Cette
Luohui Liang et Harold Brookfield notion est axée sur l’ensemble des choix technologiques et sociaux à
la disposition des paysans soucieux d’articuler l’amélioration de leur
28 Réussir la préservation du patrimoine national au Japon productivité et la prise en compte des aspects environnementaux.
Kazumi Yamaoka AGRIDAPE est donc relative à l’utilisation optimale des ressources
locales, des procédés naturels mais aussi du maniement mesuré et
30 L’irrigation de crue : bonne pour les hommes, le bétail et les maîtrisé d’intrants en cas de besoin. Il s’agit en fait de développer
cultures ! les capacités des individus et des communautés qui s’efforcent de se
Frank van Steenbergen et Abraham Haile Mehari construire un avenir sur la base de leurs propres aptitudes, valeurs,
cultures et institutions.
32 Pour préserver les systèmes agricoles traditionnels : maux et remè-
Ainsi, AGRIDAPE tente de combiner les savoirs local et scientifique et
des paysans - Frank van Schoubroeck, Luohui Liang et Arend-Jan van Bodegom
d’influencer les formulations des politiques pour la création d’un cadre
favorable à leur développement. AGRIDAPE, c’est aussi un éventail de
34 Sites web
méthodologies participatives pour une agriculture viable, prenant en
Bibliographie compte les besoins différents et parfois divergents des divers acteurs
35 dans un contexte fluctuant.
37 AGRIDAPE INFOS AGRIDAPE, un concept, une approche, mais aussi un message
politique, une vision !
Édition indonésienne SALAM Abonnements Photo de couverture :
JL Letda Kajeng 22, AGRIDAPE est une revue gratuite, sur Awa Faly BA

Mai 2009 - volume 25 n°1


Den Pasar 80234 demande, pour les organisations et
Bali Indonésie personnes du sud. Pour les organisa- La rédaction a mis le plus grand soin à
E-mail : leisa@indo.net.id tions internationales, l’abonnement s’assurer que le contenu de la présente
est de 45 USD (45 euro) et pour les revue est aussi exact que possible. Mais,
Édition brésilienne Agriculturas, autres institutions du nord, le tarif est en dernier ressort, seuls les auteurs sont
experiencias em agroecologia de 25 USD (28 euro) par an. responsables du contenu de chaque
AS-PTA, Rio de Janero, RJ Brésil 20091-020 article.
E-mail : paulo@aspta.org.br Pour vous abonner, veuillez écrire à
agridape@orange.sn La rédaction encourage les lecteurs
Sites Web à photocopier et à faire circuler ces
http://www.leisa.info Financement AGRIDAPE articles. Vous voudrez bien cependant
http://www.iedafrique.org Ce numéro a été réalisé avec l’appui citer l’auteur et la source et nous envoyer
http://agridape.leisa.info de ILEIA, de ASDI et de DGSI un exemplaire de votre publication. Cultiver la diversité

16 Les petits exploitants tirent profit des


cultures pérennes dans le sud-ouest
camerounais
Isabelle Nkapnang Djossi

Pour échapper à l’influence très forte des plantations agro- industrielles,


les petits producteurs de la région du Sud-ouest du Cameroun dont le
rôle est important dans la sécurité alimentaire de l’Afrique Centrale
pratiquent des systèmes de culture plurispécifiques, très complexes mais
mal connus.
La compréhension de leurs choix et leurs logiques sur le long terme ne
sont pas toujours évidentes, d’où les difficultés pour caractériser et évaluer
ces systèmes de cultures. Entre 2006 et 2008, dans le cadre du projet
ATP caresys, le CARBAP avec ses partenariats (CIRAD, IRAD) ont suivi les
rendements des cultures dans les exploitations familiales localisées dans
huit villages afin d’en évaluer les performances économiques.

10 La rotation des cultures, une méthode


Chères lectrices, chers lecteurs,
écologique et efficace
Mohamed Gueye
A l’agriculture familiale, on associe très souvent des
Dans un village du Sénégal, un système ingénieux de gestion qualificatifs peu reluisants  : archaïque, improductive,
de l’eau, ainsi que la diversification des cultures, permettent aux arriérée, non compétitive etc. On l’oppose à la grande
paysans de conjurer les effets de la chute des prix de l’arachide, exploitation agricole moderne, entreprenante et
ainsi que de la hausse des prix des intrants agricoles. De plus, performante.
leurs terres sont mieux protégées et ont un rendement plus
important. Les agriculteurs ont vu leurs revenus croître grâce Ceux qui les distinguent, oublient souvent que les
à l’augmentation de leur production maraîchère et au recul de petites exploitations sont remarquablement durables
certaines maladies parasitaires. et contribuent fortement à la sécurité alimentaire, bien
qu'elles soient pénalisées par un accès limité à certains
facteurs de production et par la concurrence liée à la
mondialisation.
Nous avons essayé de le démontrer à travers ce premier
numéro du volume 25 de AGRIDAPE sur la diversité
des systèmes agricoles. Les auteurs vous montrent la
grande capacité des exploitations familiales à s’adapter
à des conditions climatiques, politiques, sociales et
environnementales très diverses.
Nous profitons de cette occasion pour remercier tous
les auteurs qui ont contribué à ce présent numéro,
spécialement ceux du Cameroun, du Bénin et du
Sénégal. Nous espérons, dans notre prochain numéro
sur l’entreprenariat rural, pouvoir compter sur vous pour
enrichir le magazine de vos expériences.

Bonne lecture
ÉDITORIAL
Cultiver la diversité

Photo: BBC World Service


4

Dans les petites exploitations familiales, comme ici à Brong-Ahafo au Ghana,


on gagne beaucoup à diversifier les cultures dans leur environnement naturel.

F
ace à la crise alimentaire mondiale, le alimentaire. Contrairement à l’agriculture de ressources, pratiquant les mêmes
débat est plus que jamais passionné dite conventionnelle qui promeut générale- modes de production, bénéficiant des
quant au type d’agriculture à promou- ment un système monocultural intensif et mêmes sources de subsistance et
voir. Deux modèles fondamentaux s’oppo- fortement dépendant des intrants externes, assujettis aux mêmes contraintes, pour
sent. L’un s’appuie sur l’exploitation agricole les petits exploitants ont recours à diver- lesquels des stratégies et interventions
familiale et promeut la souveraineté alimen- ses pratiques agricoles adaptées à leurs de développement similaires peuvent
taire des petits producteurs, l’autre, plus environnements et à leurs réalités socio- être élaborées  ». Cette étude a tenté
connu sous la dénomination d’agrobusiness, culturelles. Ainsi, en dépit des prévisions de regrouper les systèmes de production
est productiviste et orienté vers la recherche récurrentes de leur disparition, les petites selon les facteurs-clés suivants : (i) la
du profit. Cette dernière approche, qui s’ar- exploitations familiales s’avèrent remar- base agro-écologique disponible; (ii) les
ticule autour des principes de la modernisa- quablement résilientes et, malgré leurs activités agricoles et sources de subsistance
tion de l’agriculture, reproche aux praticiens « petites » tailles, contribuent à nourrir de prédominantes, et leurs relations par
de l’agriculture familiale d’être à l’origine de plus en plus de populations urbaines (Coen rapport au marché; et (iii) l’intensité
la faible compétitivité du secteur. En effet, Reijntes, p. 6). des activités de production. Plus de 200
une vision, assez stéréotypée et largement systèmes millénaires ont été identifiés à
véhiculée, associe (à tort) l’agriculture fami- Petites exploitations ; travers le monde. Leur caractère inventif,
liale à des caractérisations négatives met- leur contribution à l’équilibre écologique et
tant en exergue son archaïsme, sa faible grande diversité leur soutien à la préservation des modes
productivité et son manque d’innovations. Une étude réalisée par la FAO et la de vie des populations pauvres leur ont
Autant de qualificatifs qui sont plutôt im- Banque mondiale1 définit un système valu une reconnaissance comme systèmes
putables à l’ignorance (feinte ou pas) de agricole comme étant « un regroupement ingénieux du patrimoine agricole mondial.
la diversité et de l’efficience des systèmes de systèmes d’exploitation individuels En effet, fondées sur la culture et les sa-
agricoles basés sur l’exploitation familiale. disposant à peu près d’un même niveau voirs développés et enrichis de généra-
Pourtant, l’agriculture familiale est riche tion en génération, les pratiques agricoles
1 Etude réalisée en 2001 par John Dixon et Aidan
d’une diversité de pratiques agricoles en- familiales s’ancrent dans un écosystème
Gulliver, en collaboration avec David Gibbon. Elle
dogènes qui constituent des réservoirs porte sur le lien entre systèmes de production auquel elles s’adaptent et, dans bien des
d’alternatives pour lutter contre la crise agricole et pauvreté. cas, qu’elles contribuent à préserver. C’est
ainsi que les exploitations familiales favo-
risent la diversité des systèmes agricoles
tout en démontrant leur propre capacité
à s’adapter à des conditions climatiques,
politiques, sociales et environnementales
fluctuantes. Cela se traduit par une grande
diversité des modes de mise en valeur
des terres, tant au plan technique que so-
cial, et qui s’exprime, par ailleurs, à travers
des pratiques et des cultures différentes,
des niveaux technologiques distinctifs et
des paysages variés.
Dans les politiques agricoles, ces systèmes
sont souvent considérés comme des
originalités à faible potentiel de diffusion/
vulgarisation et sont perçus comme

Photo: Centre SonghaÏ


marginaux par rapport aux systèmes
dits modernes. Seules leurs valeurs
contemplatives, culturelles et écologiques
(dans une moindre mesure) sont mises en
avant pour justifier cette marginalisation.
Elles risquent ainsi de tomber en
désuétude du fait de l’orientation des
décideurs en faveur de modes de
productions jugés plus performants. C’est
Jardin songhaÏ
ainsi que les rizières en terrasse du Japon
ont été négligées pendant près de 40 ans
avant que des politiques nationales et déficit alimentaire. Le voandzou (Vigna de poisson (très coûteuse) utilisée dans
locales de développement ne prennent en subterranea), légume originellement l’alimentation de la volaille; le bissap
compte leur multifonctionnalité. (Kazumi cultivé en Afrique de l’Ouest et du Centre, (Hibiscus sabdariffa) a un grand potentiel
Yamaoka, p. 28). a une grande capacité de résistance à d’exportation comme colorant alimentaire
la sécheresse (Jaenicke et al, page 12). et les tiges de l'Andropogon gayanus sont
La diversité ; gage de Cela redonne une place aux espèces
sous-utilisées et permet de remobiliser
utilisées pour les toitures et les nattes.
Un enjeu majeur pour préserver et opti-
5
durabilité les connaissances locales autour de miser cette multitude de systèmes agrico-
La multifonctionnalité qui caractérise ces productions originales et rentables (Abhay les est celui de la connaissance et de son
systèmes  s’articule autour de la prise en Gandhe et al, p.14). partage. Leur valorisation doit s’appuyer
compte de diverses préoccupations éco- Dans les exploitations familiales, les petits sur une collaboration égalitaire entre les
logiques, économiques et sociales qui paysans ont une logique de rentabilisa- producteurs, détenteurs de savoirs éprou-
rendent les exploitations familiales com- tion de leurs ressources pour minimiser vés, et la recherche qui donne un cadre
plexes. Il faut donc en faire une lecture les risques et augmenter leurs revenus. méthodologique favorable à une analyse
approfondie pour bien les différencier de Leur stratégie peut alors reposer sur une collaborative des défis et des solutions
l’agrobusiness. diversification de leurs cultures. Plusieurs pertinentes (Frank Van Schoubroeck et al,
Les exploitations familiales cherchent à uti- options techniques sont alors possibles. p. 32). C'est ainsi que des recherches qui
liser, de manière optimale, les ressources Ils peuvent associer des cultures en ro- mobilisent les connaissances des différen-
naturelles disponibles en diversifiant les tation ou en combinaison pour tirer profit tes parties prenantes sont menées avec
espèces tout en veillant à la bonne ges- des cultures de rente et des autres cultures des résultats beaucoup plus opérationnels.
tion et à la conservation des sols. A Cuba, (Mohamed Guèye, p. 10). Ainsi, en ajoutant C'est le cas de la sélection participative
aujourd’hui, les systèmes agricoles mixtes à une culture à forte valeur marchande, des variétés au Honduras (Faris Ahmed,
sont présentés comme un pas effectif vers comme les céréales ou certains arbres p. 18). De plus, cette collaboration mul-
la mise en œuvre de pratiques durables fruitiers, d’autres espèces telles que les lé- ti-acteurs permet d’articuler les diverses
d’autant que les évaluations montrent une gumes, les herbes fibreuses, et les plantes pratiques agricoles aux problématiques
réelle amélioration de la productivité (Fer- médicinales, ils peuvent augmenter consi- globales comme celle des changements
nando Funes-Monzote et al, p. 8). dérablement leurs revenus. Au Cameroun, climatiques (Luohui Liang et al, p. 25).
les planteurs du sud-ouest pratiquent ce Enfin, un défi majeur est d’aller au-delà
De plus, certains systèmes agricoles type d’agriculture plurispécifique (Isabelle
contribuent de façon significative à d'un regard nostalgique et romancé sur ces
Nkapnang Djossi, page 16). Ce système systèmes et de s'appuyer sur les leçons ti-
stopper la perte de la biodiversité. A titre leur permet, outre la préservation de la
illustratif, 25 % des variétés de sorgho rées de ces expériences formidables pour
fertilité de leurs sols, d’augmenter le ren- innover et impulser de nouveaux modèles
ont disparu dans le nord du Mali à cause dement de leurs exploitations et de réduire
de l’augmentation de la sécheresse et de s'appuyant sur une exploitation rationnelle
leur vulnérabilité aux fluctuations des et intégrée des ressources tout en offrant
l’intensification des systèmes de culture marchés.
durant les vingt-cinq dernières années. des modes de vie durables (Aspen Edge,
Pour cette raison, beaucoup de paysans Les systèmes diversifiés contribuent aussi p. 22). C’est ce défi que le centre Songhaï,
sont retournés à certaines de leurs à une alimentation plus nutritive pour au Bénin, tente de relever (Léonce Ses-
pratiques traditionnelles. Au Kenya, une les ménages. Ils procurent également sou, p. 20) en expérimentant un système
étude récente a identifié 57 espèces de des opportunités de valorisation des intégré et diversifié qui accorde une place
fruits indigènes dans le district de Mwingi. sous-produits de valeur comme le bois de choix à la formation de nouvelles gé-
Elle a démontré que ces fruits peuvent de chauffe, la fibre et le fourrage. Par nérations d'agriculteurs.
être d’un grand apport pour les populations exemple, les graines d’Acacia colei
en zones rurales durant les périodes de peuvent partiellement remplacer la farine
Vive les petites exploitations diversifiées !
Coen Reijntjes

« Dans de nombreux pays en développe- En période de croissance économique,


ment, le sous-investissement dans le sec- cette situation peut être intéressante
teur agricole, le démantèlement des pro- pour les gouvernements. Mais est-ce
grammes de soutien public et les impacts la bonne approche en période de crise
de la libéralisation du commerce ont miné économique et écologique comme c’est le
le secteur des petites exploitations ainsi cas actuellement ?

Photo: Karen Hampson


que la capacité de production alimentaire
nationale, laissant ces pays encore plus Forces des petites exploita-
vulnérables à l’instabilité des prix. Les in-
vestissements dans le secteur agricole se tions agricoles
sont largement concentrés sur les cultures En période de crise économique, les popu-
d’exportation pour générer des devises, lations retournent généralement à l’agri-
obligeant ainsi les pays à compter sur les culture Ceci devrait nous inciter à soutenir
prix des denrées du marché international les petites exploitations agricoles, car elles
qui continuent d’être bas pour satisfaire contribuent à l’emploi et à la réduction
la demande intérieure. Cette stratégie a de la pauvreté. Elles parviennent aussi à
échoué. » (IAASTD 2009). nourrir une grande partie de la population
L’année dernière, la hausse des prix des urbaine. Par exemple, en Amérique latine,
denrées alimentaires et les émeutes qui elles produisent 51 % du maïs, 77 % des
s’en sont suivies ont clairement indiqué haricots et 61 % de la pomme de terre
que le secteur agricole est devenu une pour la consommation domestique (Altieri

6 priorité. Les chiffres (Hazell 2007, Banque


mondiale 2008) montrent que 2,5 milliards
2008).
Aussi permettent-elles aux travailleurs de De nombreux paysans, comme cet homme dans la
province de Yunnan, en Chine, tirent profit des res-
sur les 3 milliards des ruraux du monde rester avec leurs familles au lieu d’émigrer, sources naturelles environnantes.
en développement vivent de l’agriculture. contrairement aux grandes exploitations
Un milliard et demi d’entre eux tirent leur agricoles mécanisées et dépeuplées.
production de 404 millions de petites ex- est un argument important de nos jours
Pretty et Hine (2001) ont réalisé une où l’énergie fossile se fait de plus en
ploitations agricoles (moins de 2 ha) sou-
étude sur des projets auxquels 12,6 plus rare et où les variations climatiques
vent de rendement faible (moins de 1 ha).
millions d’agriculteurs participent dans 57 s’intensifient. L’influence de l’agriculture
Par contre, les pays en développement ne
pays. Les résultats montrent que, pour les classique sur les changements climatiques
comptent que 20 millions d’exploitations
286 projets agricoles durables étudiés, la est non seulement due à une grande
agricoles, plus grandes, mécanisées et
production agricole moyenne a augmenté utilisation de l’énergie fossile mais encore
axées sur le marché.
de 79% depuis la première moitié des à l’énorme perte de biomasse à la surface
En dépit des prévisions récurrentes qui années 1990. L’évaluation a également et à l’intérieur du sol. Avec la promotion de
annoncent leur disparition, les petites révélé que les augmentations relatives l’agriculture diversifiée, particulièrement
exploitations s’avèrent remarquablement de production sont plus importantes dans l’agroforesterie, d’importantes quantités
durables, et la superficie totale des terres les cultures pluviales à rendements plus de dioxyde de carbone peuvent être
arables qu’elles occupent ne cesse d’aug- faibles. Le maïs, le millet et le sorgho, la immobilisées dans la matière organique
menter. Cependant, les petits agriculteurs pomme de terre et les légumes ont vu du sol, la couche de paillis et les arbres. En
vivent dans une relative pauvreté ; la plu- leur rendement augmenter de 100 % outre, la recherche menée en Amérique
part d’entre eux gagnent moins de 2 dollars environ. centrale (Holt-Gimenez 2001) a montré
US par jour, et 400 millions d'entre eux sont que ces exploitations agricoles sont plus
En comptant plus sur la main d’oeuvre
constamment menacés par la famine. résistantes aux risques liés au climat tels
familiale, le recyclage et les procédés
Dans le débat d’orientation sur l’agriculture, écologiques que sur des apports externes que la sécheresse, les inondations et les
l’avenir des petites exploitations agricoles modernes, la mécanisation et l’énergie tempêtes. L’on peut donc en conclure que
est en cause. L’opinion conventionnelle fossile, les petites exploitations diversifiées soutenir l’agriculture familiale diversifiée
soutient que les petites exploitations réduisent de manière significative leurs permet de renforcer ses fonctions
agricoles sont arriérées et improductives. coûts et conservent plus de ressources que économiques, sociales et écologiques.
Pourquoi devrait-on les soutenir ? L’histoire les grandes exploitations. Par exemple,
montre que dans les économies en la production de maïs dans les systèmes Différentes catégories de
expansion, de nombreux agriculteurs, de culture traditionnels mexicains est petits exploitants
surtout les jeunes, se tournent vers d’environ 1950 kg à l’hectare. Avec
d’autres activités plus rémunératrices. l’utilisation de produits agrochimiques et la Les exploitants agricoles travaillent dans
Dans de nombreux endroits, la population mécanisation, le rendement peut atteindre des contextes agro-écologiques très diver-
agricole est vieillissante et la relève n’est 8000 kg à l’hectare mais, pour réaliser ce sifiés. 10 à 15 % d’entre eux sont des agri-
pas assurée. Une meilleure gestion de meilleur rendement, il faut disposer de culteurs traditionnels (Altieri et Koohafkan
ce processus de transition peut être une l’équivalent en énergie de 1 000 litres de 2008). Ils ont des visions différentes et
opportunité pour les ruraux de sortir de la carburant environ par hectare (Pimentel usent de pratiques traditionnelles pour
pauvreté et pour les grandes exploitations et al. 2007). Le rendement énergétique améliorer la productivité, la résistance et
agricoles de croître en taille et en revenu. l’adaptabilité.
De nombreux petits exploitants ont réussi à politique uniformisée marginalise les plus et des moyens de subsistance, compte
s’intégrer plus ou moins dans le marché en pauvres.». tenu de la crise écologique mondiale. Cette
tant que simples producteurs de denrées La Vía Campesina et l’IAASTD ont formulé étude a été résumé dans un rapport dis-
agricoles ou petits entrepreneurs. Ils ne se des recommandations sur la manière de ponible sur le site www.agassessment.org.
basent pas sur les mécanismes écologiques soutenir les petits exploitants agricoles. Pour améliorer la sécurité alimentaire, les
internes, mais tirent le maximum de profit 400 experts préconisent le renforcement
des avantages de la technologie moderne La vision d’une organisation du secteur de la petite exploitation agri-
basée sur l’énergie fossile. Sur le marché, paysanne cole. Le développement d’une agriculture
ils doivent faire concurrence à d’autres multifonctionnelle est considéré comme
agriculteurs en améliorant leur efficacité Le mouvement international des paysans
une stratégie-clé qui permet d’améliorer
ou en offrant une meilleure qualité de La Vía Campesina, qui dit représenter des
la durabilité. Le concept de multifonc-
produits. S’ils n’y parviennent pas, ils seront milliers de petits exploitants agricoles a
tionnalité reconnaît les fonctions sociales,
marginalisés. exprimé sa vision sur l'avenir de l'agri-
environnementales et économiques de
culture en 2002. La souveraineté alimen-
Un nombre sans cesse croissant d’agri- l’agriculture qui fournit non seulement les
taire est un thème central de sa vision.
culteurs qui produisent pour les marchés produits de base, mais encore des services
L'approche est aujourd’hui soutenue par
cherchent à tirer profit de la demande écologiques, et aide aussi à maintenir l’hé-
de nombreuses ONG et OSC (voir, entre
croissante de produits organiques et de ritage culturel. Pour ce faire, des approches
autres, www.viacampesina.org et www.
produits spécialisés. Autour et à l’intérieur intégrées sont nécessaires telles que l’agro-
foodsovereignty.org )
des villes, de nombreuses personnes trou- écologie, la gestion intégrée des ressources
vent un emploi dans l’agriculture basée sur Par souveraineté alimentaire, La Vía Cam- naturelles, l’agriculture écologique et l’agro-
le recyclage des déchets. pesina entend le droit de chaque pays de foresterie.
maintenir et de renforcer son autosuffisance
La majorité des petits «  paysans» cher-
chent aussi des revenus supplémentaires
alimentaire pour les produits de base tout Vents de changement : les
hors de l’exploitation agricole, pour répon-
en respectant la diversité culturelle et celle vraies solutions loin d’être
dre aux besoins de leur famille tout au long
de la production. Pour la Vía Campesina, trouvées
le fait de produire sur son propre territoire
de l’année. Beaucoup de gens n’apprécient Il semble y avoir d’importants points d’en-
est un droit pour les agriculteurs. La souve-
pas le terme «  paysan  » en raison de sa tente entre les paysans et les experts. Cela
raineté alimentaire est une condition préa-
connotation négative mais il est progres- signifie t-il l’adoption par tous de la petite
lable à une véritable sécurité alimentaire.
sivement revalorisé par le réseau de La agriculture diversifiée? Manifestement, les
Les paysans et les petits exploitants agrico-
Vía Campesina, entre autres. L’agriculture vents du changement soufflent. Toutefois,
les devraient également avoir un droit de
paysanne peut être de subsistance comme dans la vision de La Vía Campesina «  la
axée sur le marché ou combiner les deux
dans l’espace ou dans le temps. Dans de
regard dans la formulation des politiques
agricoles à tous les niveaux, disent-ils. Les
femmes rurales, en particulier, doivent être
principale entrave à la garantie de moyens
durables de production n’est ni dans le
7
nombreux endroits, la technologie mo- manque de technologies appropriées ni
autorisées à prendre des décisions de ma-
derne est non disponible, trop onéreuse ou dans le manque de connaissance des per-
nière directe et active en ce qui concerne
culturellement inacceptable pour les pay- sonnes qui travaillent la terre, mais plutôt
les questions alimentaires et rurales.
sans. La résistance et l’autonomie sont très dans la manière dont les politiques natio-
appréciées pour la réduction du risque et S’agissant des prix des produits alimen- nales et internationales ainsi que l’agro-in-
de la vulnérabilité face aux changements taires, sur les marchés nationaux et in- dustrie interviennent dans le système de
climatiques. Grâce aux stratégies flexibles, ternationaux, La Vía Campesina est d’avis production alimentaire. C’est ce qui oblige
le paysan peut bénéficier de l’économie de qu’ils doivent être régulés et refléter les les agriculteurs à adopter des méthodes de
marché en temps utile et se rabattre sur prix réels afin de garantir, aux familles des production insoutenables ».
la production de subsistance en temps de paysans et des agriculteurs, des revenus
suffisants. A la réunion internationale sur la Sécurité
crise.
alimentaire tenue les 26 et 27 janvier
La recherche agricole devrait être axée 2009 à Madrid, les délégués de La Vía
Nécessité d’une approche sur les ressources et non sur les appuis. Campesina ont remarqué que la rencontre
différenciée Elle doit être déterminée par l’agriculteur était dominée par la Banque mondiale,
Nonobstant tous les efforts de développe- et le consommateur et non imposée par le Fonds Monétaire International et
ment, l’on ne peut pas admettre que l’agri- l’industrie. Le système de production local l’Organisation Mondiale du Commerce
culture de subsistance, paysanne et tradi- doit être amélioré, et respecter les objec- ainsi que par des sociétés multinationales
tionnelle devienne obsolète. Comme l’ont tifs de ceux qui en dépendent. S’agissant comme Monsanto. De leur avis, la réunion
déjà déclaré (Madeley et al. 2007), une des programmes de formation et d’ensei- n’a pas suffisamment traité la question
approche différenciée est nécessaire pour gnement, La Vía Campesina a le sentiment essentielle des moyens de résolution de
soutenir les petits exploitants agricoles : qu’ils sont presque exclusivement axés sur la crise alimentaire. Les petits exploitants
« L’objectif visant à diminuer la pauvreté de la promotion de l’agriculture industrielle et ont eu un temps de parole très court
moitié d’ici à 2015 ne sera atteint que si les font fi des connaissances des agriculteurs. pour exprimer leur position. Au sortir de
besoins des populations qui connaissent la Souvent, l’enseignement n’appuie pas les cette réunion, les principales résolutions
faim sont reconnus et si elles reçoivent le efforts visant à maintenir ou à améliorer la ont été : « maintien du statu quo », plus
soutien nécessaire. Une nouvelle approche durabilité des modèles de production basés d’engrais, plus de semences hybrides et
globale est nécessaire pour lutter contre la sur l’exploitation familiale. plus de substances agrochimiques pour les
pauvreté et la faim, ce qui inclut l’agricultu- agriculteurs qui peuvent les acheter.
re de subsistance. Les études académiques La vision de 400 experts
et les politiques des donateurs en faveur L’année dernière, une étude parrainée par Coen Reijntjes a été rédacteur en chef de LEISA
des petits exploitants manquent souvent Magazine de 1984 à 2003, et de Compas, Magazine sur
les Nations Unies, la Banque Mondiale et le Développement endogène, de 2003 à 2008. Il travaille
de faire la différence entre les agriculteurs le Fonds pour l’Environnement Mondial a actuellement à l’élaboration de matériels didactiques sur
marginaux et ceux qui produisent réguliè- cherché à identifier le genre de sciences le concept AGRIDAPE (Agriculture durable à faible apport
rement pour le marché. Pourtant, il s’agit agricoles, de technologies et de politiques externe), dénommé « Questions d’agriculture ».
de deux groupes dont les modes de vie, nécessaires pour prendre en charge les pro- E-mail : coen.reijntjes@planet.nl.
les conditions et les besoins différent. Une blèmes de sécurité alimentaire, de pauvreté
Diversité et efficacité : éléments clés d'une
agriculture écologiquement intensive
Fernando Funes-Monzote, Santiago López-Ridaura et Pablo Tittonell

Q
u’il s’agisse d’exploitations à petite depuis presque deux décennies. La schéma de substitution des intrants privi-
ou grande échelle, la conception disparition soudaine des subventions légiant des pratiques industrielles à forts
d’un système agricole durable et après 1990 a provoqué ce changement. apports externes. Ces premières tentatives
équitable comporte toujours des défis. La crise énergétique qui a suivi a créé ont donc mené à une nouvelle approche,
Le modèle agricole le plus encouragé à les conditions d’une réflexion autour inspirée des systèmes observés au Mexi-
travers le monde, et qui est fondé sur des d’un nouveau modèle d’agriculture plus que et ailleurs, c’est-à-dire transformer les
systèmes simples et homogènes, a lamen- diversifiée. Ce nouveau modèle pourrait systèmes agricoles spécialisés (monocul-
tablement échoué quant à sa viabilité et contribuer à la conception de systèmes ture) en systèmes mixtes, diversifiés (et à
à son équité. Là où l’on n’a pas enregistré durables à travers le monde. petite échelle).
d’échec mais une augmentation de la pro- A l’évaluation, ces systèmes traditionnels Aujourd’hui, on présente les systèmes
duction, dans certains pays, ladite produc- présentent plusieurs avantages, particuliè- agricoles mixtes comme un pas effectif
tion a été subventionnée sous différentes rement par rapport aux systèmes «  sim- vers la mise en oeuvre de pratiques dura-
formes ; financements ou surexploitation plifiés ». Ils ne demandent que très peu bles à Cuba. Leur but est de maximaliser
des ressources. Parallèlement, certaines d’intrants externes (un peu d’engrais à la diversification des systèmes, d’insister
questions telles que la pollution de l’en- l’occasion et de main d’oeuvre pour des sur la gestion et la conservation de la fer-
vironnement, la dégradation des terres ou tâches spécifiques telles que la moisson tilité des sols, d’optimiser l’utilisation de
la pauvreté en milieu rural ne font l’objet du maïs). Bien que la production de maïs, l’énergie et des ressources disponibles
d’aucune considération. de lait, de viande et de bois s’avére lé- localement ; elles sont par ailleurs hau-

8 Ce modèle n’a donc pas réellement


profité aux petits exploitants agricoles. Les
tentatives d’amélioration de la productivité
gèrement plus faible que celle des ex-
ploitations spécialisées, l’utilisation des
ressources y est plus efficiente. Les cycles
tement résilientes. De manière générale,
elles reposent sur trois principes essen-
tiels : (a) la diversification, par l’inclusion
de l’agriculture familiale fondée sur des éléments nutritifs sont plus efficaces, des cultures, des arbres et des espèces
des systèmes simples, homogènes et ce qui permet leur capture et leur assimi- animales ; (b) l’intégration, vu l’échange
subventionnés ont souvent échoué du lation. Et tout aussi important, un système dynamique et le recyclage de l’énergie et
fait, entre autres raisons, de leur manque diversifié offre aux familles paysannes une des éléments nutritifs au sein des diffé-
d’ampleur. C’est ainsi que la petite variété de produits, soit pour la consom- rentes composantes de chaque système
agriculture intègre, encore aujourd’hui, mation, soit pour la vente, assurant ainsi et, enfin (c) l’autosuffisance alimentaire.
une variété de pratiques et de stratégies l’autosuffisance alimentaire et une source Durant six ans, une étude a suivi le
de gestion et de commercialisation qui de revenus durable. passage des systèmes «conventionnels»
garantissent une bonne utilisation des aux systèmes mixtes. Elle a démarré au
ressources naturelles et économiques. Vers la diversification Pastures and Forage Research Institute
L’on peut tirer beaucoup d’enseignements
agricole : l’option cubaine de la partie occidentale de la Havane
des systèmes de production à petite La crise économique qui a frappé Cuba où deux prototypes de champs mixtes
échelle, s’agissant surtout du rôle que dès 1990 a eu un impact considérable d’un hectare ont été créés au sein d’une
joue la diversification dans l’amélioration sur l’agriculture. Des solutions ont été ferme laitière de 15 ha ; 25 % et 50 %
de leur productivité (voir Encadré). Cuba proposées afin de s’attaquer aux difficul- de la superficie totale étaient consacrés
est en train de s’approprier certains de ces tés auxquelles la production agricole était aux cultures. L’étude a utilisé différents
enseignements ; dans ce pays, le secteur confrontée. Toutes cependant ont présenté indicateurs pour évaluer des aspects
agricole emprunte un chemin « différent » une caractéristique commune, à savoir un tels que la biodiversité, la productivité,
l’utilisation de l’énergie ou les finances.
Bien que toutes les mesures des variables
Des leçons venues d’ailleurs aient montré des résultats positifs, nous
avons cherché à vérifier s’il était possible
A l’instar de beaucoup d’autres pays, troupeau varié, y compris des chevaux, d’obtenir des résultats similaires ailleurs, en
les politiques et programmes de des poulets et des bovins. L’alimentation situation réelle. Ainsi, nous avons étudié
développement du Mexique et du du bétail provient en partie des résidus de 93 exploitations, différentes par leur taille,
Kenya ont encouragé la simplification cultures ; en retour, le fumier est utilisé par le pourcentage de la superficie affectée
des systèmes agricoles. Néanmoins, des dans les champs pour fertiliser le sol. aux cultures arables et par leur niveau de
systèmes agricoles diversifiés sont très L’exploitation agricole est divisée en deux « conversion » en agriculture mixte. Nous
avons trouvé ces exploitations dans cinq
courants et participent aux moyens de avec une jachère alternée. Dans le champ
provinces différentes représentant les
subsistance des populations rurales et à la en jachère, le bétail se nourrit de chaume
principales zones agroécologiques du
production agricole globale des pays. Ainsi, de maïs après la moisson lors de la saison
pays.
les Purhepecha, population des hauts sèche et, sur le champ emblavé, on fait
plateaux de Michoacan, au Mexique, ont pousser un mélange de variétés de maïs, Une évaluation approfondie a montré
survécu, pendant des milliers d’années, haricots et courges dans un système de que les exploitations mixtes enregistrant
grâce à des systèmes agro-sylvo-pastoraux culture mixte appelé milpa. une meilleure productivité sont plus éco-
diversifiés. Chaque foyer dispose d’un nomes en énergie et gèrent mieux les
éléments nutritifs que les exploitations
Fernando Funes-Monzote

Le passage du système d'exploitation spécialisé au système mixte a suivi trois principes : la diversification (par l'inclusion des cultures, des arbres et des espèces
animales), l'intégration (par l'échange dynamique et le recyclage de l'énergie et des éléments nutritifs au sein des différentes composantes de chaque système)
et la réalisation de l'autosuffisance alimentaire.

spécialisées. Il faut cependant noter les végétaux. Les contraintes du marché, les décisions complexe et dynamique. Une
nombreux écarts entre ces cas, surtout contrats de vente passés avec l’Etat, ainsi analyse approfondie de ces systèmes
selon le pourcentage de la superficie uti- que d’autres facteurs socio-économiques s’impose quant à leur potentiel d’offre
lisée pour la production d’une culture dans ont également joué un rôle dans la tran- de services tels que la séquestration
chaque exploitation. Les exploitations avec sition vers un système agricole diversifié.. du carbone ou la conservation de la
les pourcentages les plus élevés de terres Mais ceci demandait des compétences en biodiversité ou s’agissant de la préservation
emblavées ont une meilleure productivité conception et une prise de décision plus de notre patrimoine culturel. Les systèmes
en lait par superficie unitaire de fourrage, dynamique ; c’est ce qui a conduit à la res- d’exploitation agricole mixtes devraient
en rendement énergétique et en rende- ponsabilisation des agriculteurs. En outre, être la cible prioritaire en matière de
ment protéinique. Les exploitations ayant la meilleure répartition des aliments de protection et de subventions.

9
davantage de terres emblavées nécessi- bétail et de la main-d’oeuvre sur l’année Il faut cependant noter que les avantages
tent trois fois plus de main-d’œuvre , mais a permis d’améliorer l’efficacité des res- potentiels de la diversification agricole ne
le coût énergétique global de production sources. se limitent pas uniquement à la petite
protéinique y est plus bas et l’utilisation agriculture familiale traditionnelle. Les
intensive d’engrais organiques plus que Des leçons d’une pertinence enseignements tirés de la conversion de
jamais nécessaire. Cela s’explique essen- universelle l’agriculture cubaine sont une indication
tiellement par l’inclusion de cultures dans des opportunités qu’offre la diversification
Une utilisation optimale des ressources,
des systèmes antérieurement basés sur le dans la conception de systèmes agrico-
tant pour la production culturale qu’ani-
pâturage. les viables à une échelle beaucoup plus
malière, permet de réaliser l’autosuffi-
Par ailleurs, plus les superficies affectées sance alimentaire tout en contribuant à vaste. La position singulière du secteur
aux cultures de rente sont élevées, plus une production commercialisable qui par- agricole cubain, au niveau tant national
grandes sont aussi les valeurs pour les ticipe aux revenus du foyer sans dégrader qu’international, est une source d’ensei-
indicateurs de la diversification agricole. l’environnement. Au bout de quelques an- gnements hautement valables pour le
Dans les conditions où ces exploitations nées seulement, ces petites exploitations reste du monde. L’instabilité des prix du
fonctionnent, avec peu d’intrants et une hautement diversifiées, hétérogènes et pétrole, les changements climatiques, ou
grande incertitude, cette diversification complexes se montrent déjà nettement la hausse croissante des prix des denrées
accrue a permis de réduire les risques et plus productives et efficientes que les sys- alimentaires sur le marché international,
d’augmenter la productivité. Les ressources tèmes spécialisés agricoles ou d’élevage. combinés à la prise de conscience nationale
internes comme externes (plus rares) sont De nos jours, près de 65 % des aliments de la nécessité de consommer local, sont
utilisées de manière plus efficace dans les produits et vendus localement provien- autant de facteurs qui ouvrent de multi-
champs mixtes que dans les exploitations nent de petites exploitations. ples possibilités de diffusion des systèmes
spécialisées. alternatifs à l’échelle nationale. La diver-
Les différentes formes et échelles de la
Ces résultats ont montré qu’en comparant sification, la décentralisation et le mou-
diversification liées à l’agriculture familiale
différents systèmes, la question ne se pose vement vers l’autosuffisance alimentaire
jouent un rôle capital dans la sécurisation
pas seulement en termes de grandes ou sont la réponse que l’agriculture cubaine
des moyens de subsistance en milieu
de petites quantités d’intrants, de spé- oppose au contexte local, international et
rural. Un rapide tour d’horizon de ces
cialisation ou de diversification. Il s’agit mondial actuel fortement secoué par dif-
différents systèmes traditionnels montre
plutôt de voir comment les composantes férentes crises .
à quel point la diversification agricole
spécifiques de chaque système agricole est toujours essentielle et participe de Fernando Funes Monzote “Indio Hatuey” Research
s’intègrent et, surtout, comment les agri- manière considérable à leur viabilité. Elle Station, University of Matanzas, Central España
Republicana, Perico, Matanzas, Cuba.
culteurs eux-mêmes les gèrent. Lors de assure une utilisation plus rationnelle des E-mail : mgahonam@enet.cu
leur prise de décision sur le pourcentage ressources locales, réduit la dépendance Santiago López Ridaura. INRA, Agrocampus Rennes,
de la superficie de l’exploitation à affecter vis-à-vis des intrants externes tout en UMR 1069, Sol Agronomie Spatialisation, F-35000
aux cultures, par exemple, les agriculteurs conservant les ressources biologiques, et Rennes, France.
prennent en compte des facteurs tels que réduit enfin les risques. La diversification E-mail : ridaura@supagro.inra.fr
la disponibilité des terres, la capacité de agricole joue aussi un rôle important Pablo Tittonell. Centre de coopération internationale
charge et l’équilibre de l’alimentation du dans la préservation du savoir local et en recherche agronomique pour le développement,
bétail, d’une part, et, d’autre part, les ca- la responsabilisation des paysans car les CIRAD, Persyst, TA B 102/02, Avenue Agropolis,
ractéristiques du sol, la productivité des systèmes de polyculture sont basés sur 34398, Montpellier cedex - 5, France.
fourrages et la disponibilité des résidus la connaissance et appellent une prise de E-mail : ptittonell@gmail.com
La rotation des cultures, une méthode éco-
logique et efficace
Mohamed Gueye

Photo : Mohamed Gueye


10

Une exploitation agricole à Keur Yaba, dans la région de Thiès

A
Keur Yaba, village de la région de elles-mêmes suivies de la culture de égoutteur en caoutchouc par où passe
Thiès, situé au nord-est du Sénégal, l’arachide de contre-saison. Et de manière l’eau. La quantité prévue pour l’arrosage
à environ 115 km de Dakar, , courante, ajoute-t-il, les rangées de tomate du jour est remplie dans les fûts avant
l’agriculture nourrit son homme depuis ou d’oignon, sont bordées par des plants que l’on ouvre les robinets. Dès qu’une
près de quatre ans que les paysans ont de mil ou de bissap (fleur d’hibiscus). parcelle reçoit la quantité d’eau jugée
décidé de faire ce qu’ils ont appelé « une Ce système de cultures a été introduit suffisante, le robinet correspondant est
gestion écologique des ressources ». Grâce à Keur Yaba, il y a quatre ans, grâce au refermé. Cette technique d’arrosage par
à la maîtrise de techniques agricoles qui soutien de l’ONG Green Sénégal et à l’appui gravité permet d’irriguer toute la parcelle
associent durabilité et rentabilité. technique de l’ambassade d’Israël à Dakar. sans autre source d’énergie. Elle permet
La diversification des cultures est devenue La soixantaine de familles qui composent aussi de fournir exactement la même
le maître-mot des producteurs de Keur le village s’est organisée en association et quantité d’eau à toutes les plantes, ce qui
Yaba, en plus de la maîtrise de l’eau a adopté le nouveau système. L’association évite de les arroser inutilement, l’excès
grâce au système d’arrosage au goutte possède un champ de 3 ha, divisé en d’eau pouvant favoriser l’éclosion des
à goutte. Ceux qui exploitent un champ lopins de 500 m² par famille. Les lots parasites. «Ce système est plus efficace
communautaire n’utilisent presque plus restants sont cultivés pour le compte des que l’arrosage manuel ou par aspersion,
de pesticides depuis qu’ils ont adopté ce infrastructures communautaires : l’école, la puisqu’il permet des économies d’eau de
système, car les insectes qui s’en prenaient case de santé et le foyer. l’ordre de 50%», explique Alioune Diouf,
aux cultures ont quasiment disparu. Sur l’agronome sénégalais qui encadre les
L’eau d’arrosage de leurs plantes provient paysans, partisans de cette technologie.
un sol où, depuis quelques années, ne se d’un forage qui alimente des fûts placés
pratique plus la jachère, cette rentabilité à environ un mètre et demi au-dessus du
est le signe tangible de l’efficacité de sol. Une fois les robinets des fûts ouverts,
Gains importants
la rotation et de la diversification des l’eau s’écoule et arrose les légumes et les A Keur Yaba, le maraîchage a pris le pas sur
cultures, se félicite Abdou Yaba Diop, l’un tubercules en passant dans des tuyaux la culture sous pluie, principalement, pour
des responsables du champ. Il explique minces fixés à même le sol. Chaque tuyau des raisons économiques. Alioune Diouf
que souvent une campagne d’oignons est est percé, à intervalles réguliers, d’un explique que, maintenant, chaque famille
suivie de culture de haricots ou de maïs, petit trou sur lequel est placé un petit peut alterner trois cultures dans l’année.
Photo : Mohamed Gueye
Les paysans mettent eux l’accent sur les réduites. Quoi qu’il en soit, les paysans révèle que la pluviométrie est devenue
cultures de contre-saison. Ousmane Yade, considèrent qu’ils ont toutes les raisons de capricieuse depuis 2002 dans cette partie
producteur, explique qu’en mars dernier, se féliciter du système qui se pratique dans du département de Thiès. Cette année-là,
c’est la patate douce qui a été plantée. Ce leur champ. les paysans ont perdu de leurs cultures du
produit est venu juste après une bonne D’après les estimations d’Abdou Yaba fait d’une pause des pluies qui a duré plus
campagne de maïs dont les récoltes se d’un mois. Les semis ont séché dans le sol
11
Diop, qui est, incidemment, le fils du chef
retrouvent encore sur le marché. du village de Keur Yaba, le maraîchage sans pousser. L’année suivante, la région
L’intérêt de cette méthode culturale se rapporte par campagne agricole en a connu trois pluies trop fortes, dans des
trouve, selon les dirigeants du champ moyenne 400 000 à 600 000 F cfa de périodes trop courtes qui ont provoqué des
de Keur Yaba et leur encadrement, dans recette à chaque famille contre moins de inondations et ravagé les sols. Les deux
le fait qu’elle permet de régénérer le 100 000 Fcfa de dépenses. Soit un gain années qui ont suivi ont été meilleures,
sol et d’éviter la prolifération d’insectes trois à quatre fois plus élevé que les mais la situation a empiré en 2006 avec
nuisibles. montants investis. des niveaux de pluies très faibles et mal
réparties dans l’année. Ces problèmes sont
Alioune Diouf assure que le fait d’alterner La culture de l’arachide sous pluie n’avait venus s’ajouter à une forte mévente de
des légumineuses et des solanacées jamais procuré un tel niveau de revenus aux l’arachide, la principale spéculation dans
comme la tomate, les aubergines ou les paysans, les meilleures ventes annuelles la région. «Les paysans avaient besoin de
pommes de terre permet au sol de se étant inférieures d’au moins 25%. Cette technologies de substitution qui n’allaient
recharger en azote, d’une part, et empêche importante productivité n’est pas le fruit du pas demander beaucoup d’eau, du fait des
le développement de nématodes, d’autre hasard. Les paysans ont, en effet, appris caprices de la pluie, et qui n’exigeraient
part. Et s’il est nécessaire de recourir à grâce au concours de l’ingénieur agronome pas beaucoup d’argent pour leur
des méthodes plus radicales, l’agronome à combattre les nématodes en alternant pérennisation», explique Ibrahima Fall.
recommande la solarisation. les cultures dans leurs champs. «Dans
cette région, on n’a pas toujours besoin Les responsables de l’ONG Green ont
Il s’agit de recouvrir le sol à traiter d’un alors contacté l’ambassade d’Israël au
film plastique de 200 à 300 micron, d’utiliser de fortes quantités de pesticides
pour combattre les insectes nuisibles», se Sénégal, qui s’est montrée disposée à les
pendant une période allant d’une semaine faire bénéficier du savoir-faire de son pays
à un mois. «Comme nous sommes dans félicite Alioune Diouf. La raison, explique-
t-il, c’est que «parfois, planter en même dans ce domaine. Un spécialiste israélien
une zone très chaude, cette période est en culture en zones arides, le Dr. Dov
suffisante pour s’assurer que tous les temps des oignons et du piment, ou faire
suivre ces cultures par des patates, par Pasternak, a été dépêché dans la zone
insectes nocifs sont neutralisés», affirme pour aider les paysans à faire face à leurs
l’agronome. Il ajoute néanmoins qu’une exemple, peut beaucoup aider à enrayer
la prolifération des nématodes dans les problèmes agricoles. Cet expert a introduit
bonne alternance des cultures évite le plus le nouveau système cultural et a formé
souvent d’arriver à ce système radical. Il lui champs.»
l’assistant sénégalais, l’ingénieur agronome
trouve aussi des avantages par rapport à Alioune Diouf. Ce dernier accompagne les
l’épandage de pesticides. Réponse à l’inégalité des agriculteurs depuis le départ de l’expert
Pour lui, cela ne peut prospérer dans termes de l’échange israélien. Aujourd’hui, à Keur Yaba, comme
un système de culture intensive. Les à Tattaguine, dans la région de Fatick, les
«  L’introduction du nouveau système
pesticides ont un temps de rémanence de problèmes posés par la culture intensive,
d’irrigation et de maraîchage est une
21 à 42 jours. Pour les cultures de cycle qui avaient longtemps empoisonné la vie
réponse locale à la chute des revenus
court pratiquées dans un système de des paysans, deviennent de plus en plus
des paysans suite au problème de
maraîchage intensif, ce serait synonyme un lointain souvenir.
rareté de l’eau qui a pénalisé la culture
de les empoisonner. Par ailleurs, tous d’arachide et de mil dans cette région  »,
ces produits sont bien trop chers pour les Mohamed Gueye
nous précise Ibrahima Fall, chargé de Journaliste rural
paysans qui travaillent sur des surfaces programmes à l’ONG Green Sénégal. Il mohagueye@gmail.com
Tirer le maximum des cultures sous-utilisées

Hannah Jaenicke et Nick Pasiecznik

C
es dernières décennies ont été mar-
quées par l’intensification agricole. Le
maïs, le riz et le blé couvrent à eux
seuls plus de 50% des besoins de la popu-
lation mondiale en glucides et en protéines,
ceci, malgré l’accroissement global de la
production alimentaire. Cette situation a
déclenché une dépendance de plus en
plus grande des apports externes pour faire
face à la prolifération des ravageurs et aux
maladies. De la même façon, les variétés
améliorées nécessitent un surplus d’eau et

Photo: L. Englberger, IFCP


d’engrais. Ces problèmes sont aggravés par
12 le changement climatique, et ont des effets
importants sur les moyens de subsistance
des ruraux.
L’accroissement de la production, de l’uti-
lisation et de la commercialisation des
espèces sous-utilisées dans les exploita-
tions agricoles est un moyen de résister
davantage aux chocs et aux changements.
Les plantes indigènes à usage traditionnel
et culturellement liées à la population lo-
cale ont une importance particulière. La
diversification des systèmes agricoles, des
produits alimentaires, des plantes médici-
nales, des fibres, du fourrage etc. permet
de satisfaire les demandes concernant les
denrées importées, non disponibles ou non
abordables.
Les populations adoptent déjà un certain
nombre de stratégies d’adaptation pour at-
ténuer les périodes de soudure. Par exem-
ple, les agriculteurs pratiquent des cultu-
res qui sont plus tolérantes aux conditions
extrêmes, ils utilisent aussi une variété de
plantes pour équilibrer l’alimentation et
pour étendre le temps de récolte des plan-
tes et privilégient des espèces d’arbres qui
fournissent toute une gamme de produits.
Les trois stratégies résumées ici ont été pré-
sentées au cours d’un symposium interna-
tional organisé au début de l’année 2008.

Utiliser des espèces plus


tolérantes
Le voandzou (Vigna subterranea) est
un légume de l’Afrique de l’Ouest et du
Centre qui résiste à la sécheresse. Il était
abondamment cultivé en Afrique subsa-
Quelle délectation ce fruit du vacoa !
harienne comme complément nutritionnel plantes indigènes qui donnent des fruits. Soutenir l’expansion des
aux céréales avant que la culture de l’ara- Une étude récente a identifié 57 espèces de
espèces sous-utilisées
chide n’occupe les régions traditionnelles fruits indigènes dans le district de Mwingi et
de culture. Les rendements faibles et/ou montré que les fruits sauvages constituent Ces exemples montrent que nombreuses
incertains, la longue durée nécessaire pour un filet protecteur pour les populations en sont les personnes qui élaborent et usent
le traitement et la cuisson, et la perception zones rurales durant les périodes de déficit de différentes stratégies d’adaptation.
culturelle qui en faisait une « culture pour alimentaire. En particulier, les enfants en Elles utilisent plusieurs «paniers» pour
femme » expliquent en partie la baisse de consomment d’importantes quantités – transporter leurs « œufs » – ou leurs fruits
sa production et de son utilisation. Grâce beaucoup plus que les adultes. Des efforts et autres produits alimentaires. Puisque
à un partenariat muti-acteurs, une équipe sont à présent faits pour encourager les nous savons que dans l’avenir la faim va
dirigée par l’Université de Nottingham a familles à cultiver quelques unes de ces sévir plus souvent et avec plus d’intensité, il
utilisé une série d’approches pour tester espèces sauvages dans leurs jardins privés, nous faut, à présent, encourager l’utilisation
l’adaptabilité du voandzou à de nouveaux ce qui permettra d’accroître la disponibilité accrue de plus d’espèces «sous-utilisées  »
environnements. En outre, ils ont élaboré de fruits frais et d’améliorer la sécurité et la plantation d’espèces «sauvages»
un programme de sélection visant à déve- nutritionnelle de la famille. à l’intérieur ou à côté des exploitations
lopper des cultivars à rendement meilleur. agricoles. Il convient de mettre en place des
Les calendriers de culture montrent à quel
Le programme qui a démarré en 1988, fait systèmes d’approvisionnement en graines
moment les récoltes sont disponibles et à
des résultats. Le voandzou est de nouveau solides et des vergers d’arbres-mères. Il
quel moment un apport nutritionnel est
accepté en Afrique au Sud du Sahara. Il est faut également appuyer le développement
nécessaire. Au Népal, plus de 60 % des
également intégré dans les systèmes agri- de stratégies visant à accroître la durée de
fruits consommés sont produits dans des
coles des régions de l’Inde exposées à la conservation et donc la disponibilité des
jardins privés. Malgré la grande diversité de
sécheresse. produits durant les périodes de soudure. Le
ces systèmes qui disposent souvent de 30
succès de la commercialisation des cultures
Le fruit de l’arbre à pain (Artocarpus altilis) à 40 espèces, la production peut toujours
agricoles sous-utilisées exige également le
est une denrée alimentaire courante dans être insuffisante pendant quelques mois.

13
soutien et l’encadrement dans les pratiques
le Pacifique mais rarement consommé Toutefois, des « kits de diversité » ciblés ont
commerciales ainsi que la disponibilité de
ailleurs. Il est comparable au riz pour ses été mis à la disposition des agriculteurs. Ils
systèmes de crédit.
apports nutritifs allant du calcium à la vi- comprennent des semences, du matériel
tamine C. végétal et des informations sur les espèces Dans l’ensemble, les cultures sous-utilisées
complémentaires sélectionnées. Ces kits constituent une meilleure solution tampon
Dans les îles du Pacifique, les plantes ont
permettent de garantir la fourniture, par pour réduire la vulnérabilité nutritionnelle,
été adaptées aux sols calcaires minces et
les jardins privés, de suffisamment de fruits environnementale et financière et leur
doivent être tolérantes à l’exposition fré-
tout au long de l’année. utilisation doit être vulgarisée à grande
quente à l’embrun salé. Le fruit de l’arbre
échelle.
à pain est une ressource stratégique mais
des régimes de sécheresse et de salinité Exploiter les espèces Hannah Jaenicke et Nick Pasiecznik. International
accrue limitent sa productivité voire sa sur- d’arbres-clés Centre for Underutilised Crops (ICUC), P.O. Box 2075,
Colombo, Sri Lanka.
vie. Les plantes spécialement adaptées à
Les populations de Gruni, au Nord du Ghana, E-mail : h.jaenicke@cgiar.org ; n.pasiecznik@cgiar.org ;
de telles conditions sont le pandanus (Pan-
ont mis en place une stratégie autour du http://www.icuc-iwmi.org
danus tectorius), le taro géant des marais
baobab, (Adansonia digitata) pour faire
(Cyrtosperma merkusii) et la noix de coco
face au déficit alimentaire. De janvier à juin, Références
(Cocos nucifera). Les fruits du Pandanus ont
la disponibilité des cultures principales (sor-
de fortes teneurs en bêta carotène et une -Jaenicke H., J. Ganry, I. Höschle-Zeledon et R. Kahane
gho, millet et arachide) est limitée en rai- (eds.), 2009. Underutilized Plants for Food, Nutrition,
consommation normale, particulièrement
son des inondations et des cycles de séche- Income and Sustainable Development. Travaux du Sym-
des variétés à chair orange, peut satisfaire posium international tenu à Arusha, en Tanzanie, du 3
resse. Des cérémonies importantes ont dû
aux exigences d’une personne en vitamine au 7 mars 2008 . Acta Horticulturae 806. Internatio-
souvent être annulées à cause des pénuries nal Society for Horticultural Science. Leuven, Belgique.
A. Le taro géant des marais a une teneur en
de vivres. Les populations cherchent alors 739pp. Les études de cas présentées dans ce document
bêta carotène si élevée qu’une absorption sont tirées de documents élaborés par Englberger, L. et
du travail dans les villes ou profitent des
journalière normale de quatre tasses par A. Lorens; Gautam, R. et al.; Kranjac-Berisavljevich, G. et
baobabs sauvages. Ses feuilles, ses fleurs, al.; Mayes, S. et al.; Taylor, M. et al. and Simitu, P. et al.
jour fournit plus de la moitié des besoins
la pulpe et la graine de son fruit sont les
estimés en vitamine A. La teneur en Zinc et -Jaenicke H. and I. Höschle-Zeledon (eds.), 2006.
produits les plus importants utilisés d’abord Strategic Framework for Underutilised Plant Species
en calcium est assez élevée pour satisfaire
pour l’autoconsommation, mais également Research and Development with Special Reference
50 à 100 % of des absorptions journalières to Asia and the Pacific, and to Sub-Saharan Africa.
pour la vente et le troc.
de ces substances nutritives recomman- International Centre for Underutilised Crops, Rome, Italy.
dées. De plus, la teneur en fer est deux fois Les femmes jouent un grand rôle dans la 33pp.

plus élevée que celle de la banane ou du collecte et la transformation des produits


fruit de l’arbre à pain. du baobab. Elles considèrent la pulpe sè-
che, en particulier, comme une bonne sour-
Accroître la récolte ce alimentaire pour les familles. Toutefois,
les populations de Gruni ont enregistré une
Dans la zone rurale du Kenya, 60 à 80% baisse notoire du nombre de baobabs ces
de la population ne disposent pas de la 70 dernières années. Ils attribuent ce phé-
quantité de nourriture suffisante sur deux nomène à la surexploitation. Les popula-
à cinq mois dans l’année. Alors que les tions sont à présent encouragées à planter
experts recommandent une consommation des baobabs et à élaborer des méthodes de
journalière de 200g de fruits environ, au transformation visant à accroître l’efficacité
Kenya, elle n’est que de 20 g par jour, et à réduire le gaspillage.
même si le pays recèle de nombreuses
Arbres sous utilisés : l’espoir renaît chez les
communautés tribales !
Abhay Gandhe et Arun Dolke

Photo: Abhay Gandhe


14

Apprendre à cultiver et à récolter la gomme-laque : cette résine constitue une nouvelle opportunité de revenus
et un système agricole plus diversifié pour cette agricultrice tribale.

E
n Inde centrale, les deux principales ment, les agriculteurs en souffrent car ils éloignées, aux abords des forêts, et pra-
cultures sont le riz et le coton. Alors n’ont pas d’autres options. Cela est particu- tiquent l’agriculture de subsistance sur de
que les autres produits agricoles lièrement vrai pour les agriculteurs tribaux petites exploitations. Ils tirent une part im-
moins importants comme le millet, les lé- qui vivent dans des zones plus éloignées portante de leurs revenus de la collecte
gumineuses à grains et les oléagineux sont et peu fertiles. et de la vente de produits forestiers non
également cultivés, de nombreuses fermes La Fondation Recherche et Développement ligneux (PFNL). Toutefois, la pauvreté gé-
ont évolué et sont exploitées désormais (BAIF), à Pune, en Inde a mis en place un néralisée, la baisse de la productivité et
comme des monocultures. Les systèmes Centre de documentation pour le dévelop- le manque de valorisation des produits
agricoles deviennent moins diversifiés, les pement tribal (RCTD) chargé d’identifier et forestiers non ligneux mènent à leur su-
ressources en sols et en eau se raréfient, et de développer des actions en faveur des rexploitation. La diversification des cultures
la population croissante exerce des pres- communautés tribales. Les agriculteurs tri- a été identifiée comme la principale me-
sions sur les ressources foncières limitées. baux vivent généralement dans les zones sure pour contrecarrer les menaces que
Si une culture principale n’a pas de rende- posent ces systèmes agricoles. Cependant,
la BAIF et le RCTD ont compris qu’il existe c’est l’un des arbres PFNL les plus menacés tication de cet arbre sauvage permet de
des limites à cette transition dans les zones en Inde, du fait de sa surexploitation. Ré- générer des revenus annuels supplémen-
peu fertiles des régions tribales. En consé- cemment, plusieurs états indiens en ont taires de 15.000 INR, soit juste un peu plus
quence, une autre stratégie a été proposée : interdit le commerce, mais, ce faisant, ils de 300 $US.
la diversification des systèmes agricoles par privent les collecteurs de gomme tradi- Cet arbre est vraiment polyvalent : il pro-
l’intégration des produits forestiers non li- tionnels de leur moyen de subsistance. duit du bois de chauffe, du fumier, de la
gneux. Le côté novateur de cette approche La grande capacité de résistance de cet ar- gomme et de la laque commerciale. Le
réside dans l'insistance sur les arbres cham- bre peut être mise à profit par l’agriculteur. programme de plantation de Butea a
pêtres indigènes sous-utilisés présentant un Un arbre arrivé à maturité peut générer commencé par un essai en juillet 2007. En
potentiel économique. chaque année quelques 500 INR, soit 10$ juillet 2008, la plantation a augmenté pour
US environ, à dater de la dixième année atteindre 120.000 jeunes plants environ à
Des arbres prometteurs mais de récolte. Avec 25 Karaya à maturité par travers l’Inde centrale. En raison de sa fa-
sous-utilisés hectare dans son exploitation, un agricul- cilité de plantation, l’on s’attend à ce que
teur peut tirer des revenus additionnels le programme se développe et s’étende
Les arbres PFNL sous-utilisés sont domesti-
de 12.500 INR environ (près de 255 $US), rapidement.
qués par leur intégration dans les systèmes
subissant à peine l’influence d’un climat
agricoles existants. Ils sont bien implantés
et résistent parfaitement au stress avec
défavorable. BAIF a commencé par multi- L’arbre Bauhinia, Bauhinia
plier les arbres par des boutures de tiges, purpuria
un minimum de soins. La grande appro-
mais peu de grands arbres subsistent loca-
priation des arbres plantés dans la ferme On trouve quelquefois cet arbre dans les
lement. Ainsi, nous nous sommes tournés
par les agriculteurs devrait leur permettre zones urbaines d’Asie du Sud. Dans les
vers la reproduction par la semence. La
de les exploiter de manière durable, leur zones tribales éloignées, ses feuilles sont
semence fraîche, récoltée en avril, germe
assurant ainsi un revenu durable. Avec le un légume vert très prisé. Dans les forêts, il
bien et est prête pour l’ensemencement
temps, on devrait noter une évolution pro- se présente de manière éparse. Cependant,
direct. Pendant la saison de juillet 2008,
gressive vers la culture de PFN, entraînant par rapport à la demande en légumes, les
environ 75.000 semis de Karaya ont été
une réduction de la pression exercée sur arbres sont rares et surexploités. Au mois
plantés. Ce nombre augmentera en 2009.
les forêts. d’avril, les arbres ont des feuilles fraîches
Après 10 ans environ, les arbres privés se-
Les équipes de terrain de la BAIF et les ront exploités par le biais de méthodes qui sont cueillies pour servir de légumes. A
agriculteurs participants ont identifié en- adaptées pour garantir la viabilité de la trop effeuiller un arbre on finit par l’affaiblir.
semble des arbres prometteurs à domes-
tiquer. Une attention particulière est accor-
production. Chaque famille tribale est encouragée
à planter deux ou trois arbres Bauhinia
15
dée aux caractéristiques suivantes : La flamme de l’arbre forestier, dans son arrière-cour. Au cours du mois de
juillet 2008, 5.000 jeunes plants ont été
• forte tolérance à la sécheresse et aux Butea monosperma plantés dans des pépinières et distribués
températures élevées de l’été ;
Il s’agit d’un autre arbre extrêmement ré- à quelque 5.000 familles. Cette petite
• capacité à subsister sur des sols peu sistant qui pousse naturellement dans les initiative s’étendra en 2009 et l’on s’attend
fertiles ; forêts secondaires et les zones peu entre- à ce que les arbres nouvellement plantés
• adaptation à des techniques pour pépi- tenues. Sa taille massive et sa tolérance puissent servir de légumes au bout de cinq
nière simple ou de semis direct ; de l’émondage fréquent en font un arbre ans environ. Les arbres ont un rôle spécial
idéal pour l’agroforesterie. L’arbre se pro- à jouer dans la nutrition humaine, étant
• résistance au broutement par les chèvres
page mieux à travers un semis direct de donné que le légume vert est disponible
et le bétail en divagation ;
gousses uniques disponibles en abondance pendant la saison sèche estivale lorsque
• statut hautement menacé dans les fo- au mois d’avril. S’il est planté en une seule d’autres légumes cultivés ne sont pas
rêts naturelles du fait de la surexploi- ligne dense le long des diguettes agricoles, encore présents sur les marchés ruraux.
tation ; il est efficace en tant qu’arbre hôte pour la Ainsi, en même temps qu’elle génère des
• population locale rompue à l’utilisation culture d’insectes à laque d’Inde, Laccifer moyens de subsistance et renforce la résis-
des arbres en vue d’une adoption facile. lacca. La laque est la sécrétion résineuse tance dans les systèmes agricoles dégra-
d’un petit insecte qui vit dans divers arbres. dés, cette initiative de BAIF encourage la
Trois arbres ont été sélectionnés car consi-
La récolte de laque est une activité tradi- conservation ex situ de nombreuses espè-
dérés comme prioritaires pour la domes-
tionnelle de subsistance des communautés ces végétales d’Inde.
tication :
tribales; mais elle est maintenant surex-
ploitée et menacée. La culture de laque
Le gommier Karaya, ou Ster- requiert des compétences techniques mais Abhay Gandhe. Agronome conseiller, MITTRA- BAIF
culia urens simples.
Resource Centre for Tribal Development, Nagpur, Inde.
E-mail : gandheam@gmail.com
On trouve le gommier Karaya dans les forêts Le RCTD s’assure que les nouveaux cultiva-
Arun Dolke. Chargé de programme adjoint, MITTRA-
tropicales sèches à feuilles caduques de teurs ont ces compétences à travers des BAIF Resource Centre for Tribal Development, Nagpur,
l’Inde. Il préfère les habitats inhabituels et formations sur site. Cinq à six années après Inde.
E-mail : arundolke@gmail.com
sujets au stress, les sommets des collines, sa plantation, l’arbre est prêt pour l’inocu-
les fissures rocheuses ou les pentes éro- lation par des insectes à laque et nécessite
dées. Il a besoin de très peu d’eau et pous- très peu d’entretien jusqu’à la période de
se sur les sols pierreux les plus pauvres. Le gestation. Un arbre entretenu avec soin
Karaya produit de la gomme de qualité – la peut produire de la laque d’une valeur de
saignée de ces arbres constituait le princi- 50 INR (un dollar US environ) en un an. Le
pal moyen de subsistance des communau- BAIF propose la plantation de 300 arbres
tés tribales de l’Inde centrale. Aujourd’hui, sur les diguettes d’un hectare. La domes-
Les petits exploitants tirent profit des cultures
pérennes dans le Sud-ouest camerounais
Isabelle Nkapnang Djossi

P
our faire face à la pression foncière et cacaoyers ont justifié leur choix par la volonté pour subvenir aux besoins alimentaires de la
démographique, la majorité des petites de léguer leur patrimoine à leurs enfants, ce famille.
exploitations villageoises situées aux qui laisse croire qu’ils ont pour la plupart été Les autres raisons évoquées sont le désir d’ex-
environs des agro-industries de la région du élevés avec cette culture. Par contre, cette ploiter l’espace « libre » laissé entre les cultu-
sud-ouest du Cameroun pratiquent un système raison est moins accentuée chez les elaeicul- res pérennes, de procurer de l’ombrage à la
de cultures pluri-espèces à base de plantes teurs1. culture pérenne (surtout dans les cacaoyères),
pérennes. Le Centre Africain de Recherche Le planteur est influencé, dans sa prise de dé- de réduire le coût d’entretien de la parcelle
sur Bananiers et Plantains (CARBAP) avec cision sur le type de culture pérenne à mener, (sarclage, désherbage) et d’exploiter la ferti-
ses partenaires, le Centre de Coopération par son délai d’entrée en production, les po- lité de la parcelle.
Internationale en Recherche Agronomique tentialités de revenus (facilité d’écoulement
pour le Développement (CIRAD) et l’Institut de Le choix de la ou des cultures (s) à associer
du produit, régularité de revenus etc..), le aux pérennes obéit à un certain nombre de
Recherche Agricole pour le Développement coût d’implantation et la capacité d’investis-
(IRAD) ont tenté de comprendre le choix et la critères définis par les paysans :
sement.
logique de ces exploitations plurispécifiques. Ils • le régime alimentaire, car la recherche de
ont ainsi conduit une étude sur les perceptions la sécurité alimentaire est un déterminant
des paysans par rapport aux performances Pourquoi pratiquer des essentiel, la demande du marché, l’intérêt
de leurs parcelles dans huit villages de cette associations culturales dans économique,
région. En effet, malgré leur importance dans
la sécurité alimentaire du Cameroun et de la
les parcelles de cultures • le coût des semences et la durée du
sous-région d’Afrique centrale et de l’ouest, pérennes ? cycle de vie de la plante puisque certains

16 la caractérisation et l’évaluation de ce mode


de culture mixte n’ont jamais été évidentes à
Dans les systèmes plurispécifiques, une ving-
taine de cultures vivrières sont en association
veulent augmenter leurs revenus dans un
délai suffisamment court ;
cause de leur complexité. • la compatibilité de la plante avec le sol,
avec les trois plantes pérennes en étude no-
Réalisée dans le cadre du projet d’Action par exemple, car, malgré le fait que le riz
tamment  le macabo, le taro, l’arachide, le
Thématique Programmée sur la Caractérisa- soit assez consommé dans cette région, il
maïs, l’aubergine, le piment, l’igname, etc..
tion des systèmes (ATP caresys), l’étude a eu n’y pousse pas.
Les raisons pour lesquelles les paysans asso-
pour objectif de confirmer l’hypothèse selon • la complémentarité avec la culture péren-
cient les cultures s’articulent autour des be-
laquelle ce système permet de maintenir la ne comme dans le cas du bananier qui sert
soins alimentaires, de l’espace disponible, de
fertilité des sols tout en améliorant le revenu d’ombrage aux jeunes cacaoyers.
l’allégement des travaux d’entretien, et de la
des exploitants.
fertilité de la parcelle. Quelquefois, comme
le soulignent une partie des exploitants, il Quelles cultures sont
Pratique de la culture n’existe pas d’autres parcelles consacrées associées ?
pérenne ancestrale aux cultures vivrières. Ceci les pousse alors à
Dans les système de culture (Sdc) à base de
maximiser l’utilisation de l’espace disponible
La culture de plantes pérennes est une prati- d’autant que, dans ces conditions, il est néces- cacaoyers, les paysans associent principa-
que courante dans la région du sud-ouest du saire de diversifier la production sur la parcelle lement le cacaoyer avec le bananier, lequel
Cameroun. Les raisons à l’origine de la planta- joue un triple rôle : il procure l’ombrage pour
tion de ces cultures, classées par ordre impor- les jeunes cacaoyers, il est une source ma-
tance, sont  : l’accroissement des sources de 1 Producteur d’hévéa. L’Hevea brasiliensis est jeure de revenus pour le paysan et rentre
revenus, la sécurisation du terrain, l’héritage une espèce d’arbres, du genre Hevea, famille également dans l’alimentation du ménage.
et le prestige. Plus de 73 % des planteurs de des Euphorbiaceae. On en extrait un latex qui Les autres cultures sont beaucoup plus desti-
est transformé en caoutchouc.

Caractérisation des systèmes plurispécifiques à base des plantes pérennes


L’étude s’est appuyée sur les zones où une approche synchronique de l’évolution pérennes, notamment la phase végétative,
le CARPAB encadre les agriculteurs. En de la pérenne et de la parcelle. productive et de dégénérescence. Chaque
effet, toutes les exploitations agricoles stade induit des coûts ou des recettes
de la région produisent à des intensités * stade 1  : culture pérenne juvénile et supplémentaires permettant au producteur,
variées la banane plantain. La collecte des dominée (0-2 ans) chef d’exploitation de prendre des décisions
données a permis de faire ressortir les * stade 2  : culture pérenne immature et importantes quant au choix de la plante
critères suivants : (1) avoir des plantations dominante (3-5 ans) pérenne devant être introduite. Trente-cinq
de cultures pérennes telles que le cacao, le (35) producteurs pour un total de trente-
* stade 3  : culture pérenne mature et
palmier ou l’hévéa, (2) avoir des cultures huit (38) parcelles de référence illustrant
dominante (6-10 ans)
vivrières en son sein et/ou une présence les stades de développement de la culture
antérieure à la mise en place de la culture * stade 4  : culture pérenne sénescente pérenne et répondant à tous nos critères
pérenne principale, (3) être à des stades (plus de 10 ans) ont été interviewés.
d’évolution de la culture pérenne variés. Ces différents stades représentent les
Quatre stades ont été retenus ce qui permet étapes-clés de la croissance des plantes
nées à la subsistance. Dans les Sdc à base de
palmiers à huile, les paysans introduisent le
cacaoyer comme culture pérenne secondaire
dans l’objectif de maximiser, à long terme,
le revenu de la parcelle. Dans les Sdc à base
d’hévéa, les cultures pérennes secondaires

Photo : Isabelle Nkapnang Djossi


(cacaoyer, palmier, caféier) sont introduites
dans l’objectif de maximiser le revenu.
Certaines associations pratiquées par les
paysans sont considérées, par les chercheurs,
comme dangereuses car elles présentent
des risques de prolifération de maladies.
Il s’agit, en particulier, de  la combinaison
kolatier-cacaoyer, hévéa-cacaoyer, qui sont
de la même famille, et hévéa-manioc. Mais
les paysans affirment les maintenir pour des
Systèmes plurispécifiques à base de palmiers à huile : Stade 1
raisons socioéconomiques et le revenu qu’ils
tirent des ventes. Par exemple, le kolatier une
culture sacrée utilisée dans la majorité des femmes qui cultivent du vivrier pour leur Les systèmes de culture à base d’hévéa pré-
cérémonies traditionnelles. Chaque paysan propre compte. sentent, quant à eux, des coûts de production
considère qu’il est de son devoir de l’avoir Les petits producteurs, dans leurs stratégies élevés au stade 1 à cause de l’abondance des
dans son champ. agricoles, utilisent peu ou pas de fertilisants cultures vivrières. Les charges diminuent aux
chimiques. Néanmoins, ils gèrent la fertilité stades 2 et 3 à cause de la quantité de vivriers
qui est relativement faible. Le revenu au stade
La gestion de la fertilité des sols à travers l’utilisation des cendres is-
1 est généralement constitué par les produc-
sues des chaumes de maïs, les sous-produits
Avant la mise en place du cacaoyer, du palmier tirés des différentes cultures  (résidus de ca- tions des cultures vivrières. La valeur ajoutée
à huile et de l’hévéa, les différentes parcelles bosses de cacaoyer ; les rafles et les palmes brute est négative au stade 2 car l’hévéa
ne comportaient pas les mêmes plantes. Au du palmier à huile, les parches de café, les est improductif et les cultures vivrières sont
total, quatre types de précédents culturaux troncs de bananier) et la formation des billons presque absentes dans les parcelles mais les
sont rencontrés : culture vivrière, forêt, culture sur les résidus des cultures. paysans doivent dépenser de l’argent pour les
pérenne et jachère. activités d’entretien de la parcelle.
La faible représentativité de la jachère s’ex-
plique par le fait que les terres non occupées
Les performances écono-
miques des systèmes de
Perception des agriculteurs 17
par les cultures pérennes sont généralement des performances de leur
réservées aux cultures vivrières. culture
parcelle
Les successions culturales observées dans ces Dans le système de culture à base de ca-
systèmes montrent que dans les parcelles de caoyer,  la main d’œuvre et l’achat des intrants Selon les agriculteurs, l’utilisation des systè-
stade 1 et, à la première année de l’association, sont les principales dépenses. La variation ob- mes plurispécifiques permet de résoudre leurs
le bananier précède généralement le cacaoyer servée au niveau du coût des intrants s’expli- problèmes à court et long termes. En effet,
grâce à son rôle de plante d’ombrage. A partir que par l’origine du matériel végétal (certains en plus de la réduction de la main d’œuvre,
de la deuxième année, le cacaoyer devient paysans n’achètent pas les semences) et aussi cette pratique permet, à des stades différents,
fixe. En première année, le manioc vient par le respect ou non des doses adéquates de tirer des ressources des terres fertiles peu
toujours en dernière position parce que non des produits phytosanitaires. accessibles à la population vivant aux environs
seulement le sol est encore riche (cas des des agro-industries. En effet, l’indisponibilité
La valeur ajoutée brute de ce système se ré- de terre fertile est due à deux raisons dont
défriches-brûlis), mais aussi parce qu’il entrera
vèle positive quel que soit le stade. Les fac- la première est la présence des agro-indus-
en compétition avec les autres plantes pour
teurs imputables à ce succès sont la nature et tries notamment la compagnie fruitière Dolé
les éléments nutritifs s’il est planté avec la
la densité des cultures associées. A cet effet, communément appelée « plantation du Haut
même fréquence. Le paysan perçoit cette
le bananier est la culture vivrière qui, plantée Pendja » (PHP), la Cameroonian Development
compétition d’éléments par la grande quantité
à grande échelle dans une parcelle, permet au Corporation (CDC+ Delmonté), le Groupe SA-
d’eau qui sort du manioc après pressage et
producteur de rentrer dans ses frais dès la pre- PACI encore appelé Sociétés des Plantains
par sa capacité d’extension des racines et
mière année de mise en place de la pérenne. de Mbanga (SPM) qui occupe environ 7000
de régénération naturelle. Le manioc n’est
plus planté en deuxième année à cause de Le système de culture à base de palmier à ha de sol fertile. Deuxièmement, la présence
son effet dévastateur sur le sol. Au stade huile comporte des charges importantes. des agro-industries attire une multitude d’in-
2, d’une manière générale, les cultures qui L’abondance des cultures vivrières, le coût dividus travaillant pour leur compte. Cette
persistent avec le cacaoyer sont le bananier des semences du palmier, les activités affluence crée ainsi une pression démographi-
et le macabo/taro. additionnelles (récolte des régimes, élagage, que et foncière très importante.
nettoyage des ronds) et l’introduction d’une Ainsi, l’exploitant à faibles revenus peut opter
Plusieurs paramètres influencent donc le
autre culture pérenne justifient ces dépenses. pour un système plurispécifique nécessitant
déroulement des opérations culturales  : la
De plus, le palmier nécessite une main moins d’investissement. Il a la possibilité
disponibilité de la main d’œuvre, du capital,
d’œuvre importante, surtout au stade 3, à d’augmenter le rendement de son exploitation
du matériel végétal, des outils de travail et
cause des activités liées à la récolte et à la au fil du temps tout en prenant en compte
les conditions pédoclimatiques. Parmi ces
transformation des noix en huile. Le revenu ses besoins de subsistance immédiats et en
facteurs, la disponibilité de la main d’œuvre
des stades 1et 2 est généralement constitué préservant la fertilité des sols.
et du capital est le plus cité. La famille
par les productions des cultures vivrières. La
assure rarement la totalité des travaux sur
valeur ajoutée brute au stade 1 ne permet
les parcelles plurispécifiques. Le recours à la Isabelle Nkapnang Djossi
pas souvent au planteur de rentrer dans ses
main d’œuvre extérieure pour l’exécution de Agro-économiste (M.Sc)
coûts d’investissements surtout lorsque les Centre Africain de Recherches sur Bananiers et
certaines tâches est alors nécessaire. Cette
cultures associées ne sont pas abondantes sur Plantains (CARBAP)
dernière se compose de salariés temporaires
la parcelle. BP 832, Douala/ Cameroun
et permanents, de groupes d’entraides, des Email: nkapnang2001@yahoo.com ,
métayers et, sur certaines parcelles, des Site Web: www.carbapafrica.org
Honduras : graines, connaissances et diversité
au service des petits exploitants
Faris Ahmed

L
e Honduras est la «république bana- et de l’innovation, ainsi que d’autres ap-
nière» type. D’une grande diversité proches pour résoudre les problèmes agri-
écologique, ce pays situé en Amé- coles; de la confiance mutuelle et l’exis-
rique Centrale a connu plus d’un siècle tence de solides réseaux sociaux dans la

Photo: Faris Ahmed


d’agriculture industrielle. A partir de la communauté.
fin des années 1800, les sociétés fruitiè-
res transnationales ont pris le contrôle Equipes de recherche agricole
d’une grande partie des terres arables
du pays, produisant de l’ananas, des ba- Avec ces objectifs à l’esprit, la FIPAH
nanes et d’autres fruits destinés à l’ex- soutient ces communautés par le
portation. Même aujourd’hui, la partie la biais d’équipes locales de recherche
plus plate du pays est réservée à l’agri- agricole appelées comités locaux de
culture de plantation. Les exploitations recherche agricole (CIAL ). Ces équipes
agricoles commerciales approvisionnent de recherche comptent des femmes,
les sociétés transnationales en fruits pour des hommes et des jeunes dans tous les
l’exportation. Ces exploitations pratiquent aspects du travail. Fonctionnant comme
la monoculture intensive avec beaucoup des coopératives d’agriculteurs, elles
d’intrants chimiques tels que les engrais effectuent une variété d’activités : gestion

18 et les pesticides. Au Honduras, l’agriculture de banques communautaires de semences


est fortement tributaire des semences et de gènes, recherche et sélection
«  améliorées  » des sociétés, mettant en participatives, culture et vulgarisation
péril la résilience que les petits exploitants communautaires. Les résultats sont
ont développée à travers les connaissances impressionnants : l’accès des agriculteurs
locales et la biodiversité. Les grandes en- aux semences de qualité, diversifiées et
treprises contrôlent le marché, en grande localement adaptées s’est amélioré, les
partie non réglementé par le gouverne- ressources génétiques sont protégées,
ment. et les connaissances et l’expérience des
agriculteurs sur ces semences se sont
renforcées. La création de CIAL de jeunes
L’autre Honduras est particulièrement encouragée. Ils leur
C’est dans les régions montagneuses les donnent l’inspiration et les connaissances Les banques de semences, comme ici dans le district
moins accessibles du Honduras, abandon- nécessaires pour gérer leurs moyens de d'Otoro, sont gérées directement par les agriculteurs,
nées des plantations, des multinationales subsistance agricoles et endiguer la vague ce qui leur permet d'assurer le contrôle sur les se-
mences locales et autres ressources génétiques
et de l’Etat, que vit et pratique l’agriculture de migration vers les villes. Aujourd’hui,
une bonne partie des ruraux pauvres. Ces 60 CIAL et 11 CIAL de jeunes de 850 matières génétiques pour la préservation
agriculteurs voudraient être reconnus non membres au total sont fonctionnelles dans et la croissance de la biodiversité. Enfin,
pas comme des républicains bananiers, les cinq régions du Honduras. Ils touchent étant donné que ce sont les agriculteurs
mais comme des acteurs ayant une ap- directement 12.000 personnes environ eux-mêmes qui gèrent les banques de
proche différente. Pour des raisons liées issues de diverses communautés à travers semences, ils ont l’assurance que les se-
à leur propre survie, ces petits exploitants les échanges de semences et l’accès aux mences et les ressources génétiques res-
s’appuient sur leurs connaissances éprou- stocks de graines. teront entre leurs mains. Les membres
vées des cultures traditionnelles pour de CIAL se réunissent régulièrement pour
développer de solides systèmes d’appro- Gestion des banques de aborder les questions liées à l’échange et
visionnement en semences et en denrées à la sélection de semences, ainsi que cel-
alimentaires au niveau de leurs commu- semences et de gènes par
les relatives à l’entretien telles que la lutte
nautés. les agriculteurs contre les ravageurs et le stockage.
La Fondation pour la recherche participative Des banques communautaires de se-
avec les agriculteurs du Honduras (FIPAH) mences et de gènes servent de points Sélection participative
est une organisation non gouvernementale de collecte de semences sur le terrain,
qui appuie les efforts de ces petits exploi- ou encore de «  réserves  » de la biodi- Les petits exploitants ont été ignorés,
tants. Selon elle, les exploitations agrico- versité, des revenus et des denrées ali- pour la plupart, par le gouvernement
les sont considérées comme résilientes mentaires. Gérées par les agriculteurs, et les chercheurs agricoles. Ils ont dû
lorsqu’elles remplissent ces trois conditions : elles sont essentielles au maintien de la donc trouver eux-mêmes des solutions
une grande diversité biologique qui réduit capacité de la communauté à faire face aux problèmes qu’ils rencontrent. Par le
les risques sur les exploitations agricoles aux chocs pouvant conduire à des pertes biais des CIAL, les chercheurs agricoles
tout en offrant des options d’adaptation aux soudaines de semences ou de nourriture. testent des cultures en fonction de
changements ; des connaissances locales Elles constituent également une source de différents facteurs liés au rendement,
Photo: Omar Gallardo

Simeona Perez, une agricultrice de Santa Cruz, fait partie des spécialistes qui développent des variétés de maïs produites par les paysans.

au marché et aux conditions écologiques mais vulnérables au passage des vents protection des cultures et au stockage des
locales. Les agriculteurs expérimentent violents. semences dans les banques de semences.
les variétés locales, les adaptant en Avec la sélection participative, les agricul- Cet exemple montre que les agriculteurs
fonction de leurs besoins émergents. Ils teurs ont pu produire deux variétés amé- sont en mesure de gérer leurs ressources
procèdent à des sélections non seulement liorées – « Santa Cruz » et « Capulín Me- génétiques locales grâce à leurs propres
pour la productivité, mais aussi sur la connaissances et à la collaboration entre
base des qualités nutritionnelles et des
caractéristiques de stockage. La capacité
jorado »- plus courtes, avec un rendement
plus élevé tout en restant adaptées aux
conditions de haute altitude. Les agriculteurs
agriculteurs et chercheurs. Ces agriculteurs
ont renforcé la productivité du maïs local (de
19
de la plante à s’adapter aux conditions de ont recueilli des semences pour la banque 20 à 30 %) ainsi que des variétés de haricots,
croissance changeantes est également communautaire afin de s’assurer d’un appro- en les rendant plus résistantes et plus
prise en compte. Dans les équipes de visionnement en semences saines. Le lance- adaptables aux changements climatiques. En
recherche, les femmes jouent un rôle de ment de ce maïs a coïncidé avec l’une des raison de leurs connaissances profondes des
premier plan dans le choix des critères de saisons cycloniques les plus violentes ja- semences, la FIPAH soutient le renforcement
sélection, puisqu’elles sont les gardiennes mais enregistrées. Simeona Perez, l’une des du rôle des femmes dans les programmes
des semences et qu’elles possèdent agricultrices (voir photo), témoigne : « Cette de recherche.
des connaissances plus approfondies année, en raison de l’énorme quantité de Les 60 CIAL du Honduras travaillent en
sur les caractéristiques des plantes et pluie, de nombreuses personnes n’ont pra- collaboration pour élargir leur succès au-
leur comportement dans différentes tiquement rien à récolter et n’auront pas delà de leurs propres communautés. Les
conditions. grand chose à semer au mois de mai. Tou- associations régionales et nationales de
tefois, grâce à la qualité de nos semences CIAL travaillent de concert pour partager
Les agriculteurs améliorent associée aux pratiques de conservation, les connaissances, les recherches et les
les variétés de maïs nous avons été à peine touchés.  » Les semences, vulgarisant l’innovation et la
agriculteurs et les fonctionnaires du Hon- biodiversité à travers le pays. Les dirigeants
La nécessité de développer des variétés duras ont salué leur succès et ont reçu des communautaires, comme Luis Alonso
de maïs pouvant résister aux agressions semences « Capulín Mejorado » pour leurs Pacheco, ont partagé les expériences des
annuelles des pluies et vents violents a propres communautés. agriculteurs de Yoro avec les agronomes
engendré un programme de recherche lors de séminaires internationaux en
agricole réussi. Depuis l’ouragan Mitch en
1998 (qui a marqué le début des signes
Et renforcent leur capacité Ethiopie et en Allemagne. «Pour nous»,
affirme Pacheco, «la résilience signifie que
constants de changement climatique dans d’adaptation au changement nous renforçons la capacité d’adaptation
la région), les champs de maïs sont souvent Les agriculteurs de Yoro et d’Otoro des personnes et de leurs écosystèmes
dévastés par les tempêtes,. En octobre ont de bonnes raisons d’être fiers de pour faire face à l’incertitude et au
2006, l’équipe CIAL de Santa Cruz, dans la leurs réalisations, qui leur valent une changement».
région montagneuse de Yoro, a lancé deux reconnaissance nationale et internationale.
variétés de maïs qu’elle a développées. Leur succès a également permis de renforcer
Elle est partie d’une variété locale ou leur sécurité alimentaire et leurs moyens
Faris Ahmed. Directeur des Programmes Canadiens,
USC Canada, 56 Sparks Street, Ottawa K1P 5B1 Canada.
« population naturelle » produisant de gros de subsistance, basés sur les ressources E-mail : fahmed@usc-canada.org ;
épis, mais dont la hauteur est devenue un génétiques et écologiques locales. http://www.usc-canada.org
problème dans une région de plus en Avec la multiplication des phénomènes
plus vulnérable aux ouragans. Les gros USC soutient FIPAH par le biais de son programme
météorologiques extrêmes tels que les «Semences pour la survie».
épis sont génétiquement liés à la hauteur ouragans, les agriculteurs doivent s’adapter
des tiges qui devenaient de plus en plus et se préparer en permanence. Pour ce
grandes au fil du temps. Ces variétés sont faire, ils accordent plus d’attention à la
bénéfiques pour l’alimentation animale,
Le centre Songhaï, modèle d’une exploitation
diversifiée
Léonce Sessou

E
n Afrique, l’agriculture demeure encore
une agriculture de subsistance carac-
térisée par une faible productivité,
l’absence de technologies appropriées et
d’une diversification capable de créer une
véritable dynamique entrepreneuriale dans
le secteur.
Néanmoins, des opportunités de généra-
tion de revenus et de création d’emplois
existent dans le secteur agricole. Pour

Photo: Awa Faly Ba


traduire ces opportunités en réalité, une
nouvelle génération d’entreprises agri-
coles et de nouvelles compétences visant
le marché mondial s’avèrent indispensa-
bles. Une telle réforme nécessite un chan-
gement radical aussi bien dans la manière
de voir le secteur que dans les systèmes de
production.
Au Bénin, le centre Songhaï s’inscrit dans

20 cette dynamique. Le pays a de grands po-


tentiels agricoles et occupe une position
stratégique qui lui permet de s’ouvrir au Le modèle Songhaï
marché dans la sous région ouest-africaine.
67% de la population béninoise vivent de du Bénin; à Parakou dans le département Un système de production
l’agriculture qui reste marquée par la mo- du Borgou, dans le Nord; à Lokossa dans
no-culture du coton, principal produit d’ex- le département du Mono, au Sud Ouest,
intégré et durable
portation, la faible diversification et une à Kinwédji dans le Mono. Cette expansion Songhaï développe un système de
forte vulnérabilité aux chocs exogènes. géographique du mouvement Songhai a production agricole viable et peu coûteux
Songhaï est un centre de formation, de gagné progressivement les autres pays de basé sur l’agrobiologie et intégrant
production, de recherche et développement la sous-région ouest-africaine tels que le l’agriculture, l’élevage et la pisciculture
en agriculture durable qui repose sur un Nigéria. et valorisant les sous-produits agricoles
système intégré de production qui crée une Les ressources du centre proviennent, d’une d’origine animale, végétale et piscicole.
alliance entre l’homme, l’environnement part, de la production agricole et, d’autre Le centre pratique du maraîchage, des
et la technologie. Des sites de formation part, des subventions de différents parte- cultures vivrières (maïs, manioc, igname
et de production ont été implantés dans naires qui viennent donner un coup de pou- etc.) et des cultures pérennes (banane, pa-
quatre régions du pays suivant les grandes ce ponctuel à certains secteurs. L’objectif à payer, manguier etc.).
tendances agro écologiques. terme est d’atteindre 100% d’autonomie
Le centre fabrique lui-même son compost
financière.
avec des déchets végétaux et les déjec-
Songhaï : l’histoire Le centre Songhaï s’est consacré sur tous tions animales. Il élève aussi de la volaille
Du nom d’un prestigieux empire de l’Afri- ses sites à la formation, à la production, à (dindons, canards, pintades, cailles etc.)
que occidentale au XVe siècle, Songhaï est la recherche et au développement entre- ainsi que des lapins, des ovins, des caprins
une ONG de développement créée en 1985 prenarial axé sur l’agriculture intégrée. des porcs, des escargots.
par un prêtre dominicain d’origine africaine, Pour Songhaï, le souci de diversification de Concernant la pisciculture, le centre prati-
Godfrey Nzamujo, et un groupe d’africains l’agriculture doit tenir compte de l’iden- que trois types d’élevage : avec des cages
et d’amis de l’Afrique. Les expériences tification et du développement de filières flottantes sur le site de Parakou et dans
de Songhaï ont démarré sur  un hectare agricoles porteuses. Le centre associe la des étangs et bassins sur les sites de
de terre abandonné, octroyé par le gou- notion de diversification à un processus Kinwedji et de Porto-Novo.
vernement béninois dans la banlieue de intégré touchant l’industrie (secteur secon-
Porto-Novo situé dans le département de Pour réduire les coûts, environ 4 à 6 ton-
daire) et le commerce (secteur tertiaire).
l’Ouémé, sur la route de Ouando. Depuis, nes d’asticots (larves de mouches) sont
Cette agriculture concerne la production de
cette parcelle est devenue le siège du cen- produits par mois à partir des intestins des
vivres d’une manière efficiente mais aussi
tre ainsi que sa première « ferme-école ». animaux abattus pour la vente pour nourrir
la collecte, le stockage, la transformation,
Il s’étend sur 15 ha et est l’une des plus les poissons. La pisciculture bénéficie à la
l’emballage, le marketing, les finances.
productives de la région. fois de la production agricole et de l’éle-
vage, -les cossettes de manioc, le son de
Au fil des ans, le centre s’est développé et riz, la feuille de moringa entrent dans la
d’autres sites ont été implantés à Savalou composition de la provende et sont trans-
dans le département du Zou, dans le centre formés en granulés. La provende permet
Photo: Centre songhai
Production piscicole sur 46 hectares d'eau sur le site de Parakou

d’obtenir une eau riche pour l’arrosage des en aval, Songhaï a mis en place un réseau capable de soutenir les actions de dévelop-
cultures maraîchères. d’entrepreneurs agricoles et para-agricoles pement au plan national.
Le méthane, produit à partir des déjections qu’il accompagne dans leurs activités gé- Concrètement, les zones entrepreneuriales
animales et des déchets végétaux, est nératrices de revenus. La finalité de cette consistent en la mise en place d’un environ-
utilisé comme source d’énergie. Il alimente démarche est l’émergence de zones entre- nement d’intensification des échanges de
aujourd’hui les cuisines de la cantine des preneuriales et de pôles d’échanges d’ex- pratiques, technologiques et économiques
élèves fermiers et du restaurant du centre.  pertise et de produits. entre les producteurs grâce à la proximité
Avec cette approche, Songhaï a formé plus et à la réduction des coûts de transaction
S’impliquer et impliquer les de 1500 jeunes installés à travers le Bénin par le biais de l’utilisation des technologies
dont plus de 75% sont devenus de vérita- nouvelles.
vrais acteurs bles entrepreneurs gérant des fermes éco- Une matérialisation concrète de cette zone
Le système de production mis en place par nomiquement viables. Ces jeunes, par un entrepreneuriale est la plateforme entre-
Songhaï lui permet de participer à la créa-
tion de richesses communautaires. Il s’érige
en entreprise agricole mère développant
effet de boule de neige, forment et drai-
nent les autres producteurs de leurs com-
munautés.
preneuriale de Dassa. Elle vise à dévelop-
per une dynamique entrepreneuriale chez 21
les producteurs et les jeunes entrepreneurs
diverses activités en entretenant des rela- C’est d’ailleurs là le grand défi auquel le de la sous-région en leur offrant une op-
tions solides aussi bien avec les institutions centre est aujourd’hui confronté : mieux or- portunité d’accès au marché d’approvision-
de recherche qu’avec les producteurs. Ainsi, ganiser ces acteurs en un réseau formel et nement et aux échanges techniques. Son
caractère régional justifie le choix de la ville
de Dassa Zoumè, une ville carrefour située
Quelques exemples de pratiques agricoles du Songhai
au centre du Bénin qui relie le pays aux
autres voisins que sont le Niger, le Nigéria,
Songhaï a adopté un certain nombre de pratiques parmi lesquelles on peut noter : le Togo et le Burkina Faso.

1- la valorisation des larves des mouches domestiques et des sous-produits de la Elle offrira aux producteurs, en l’occurrence
brasserie pour la production des asticots à grande échelle et leur utilisation ceux du réseau d’entrepreneurs de Son-
dans l’alimentation animale (poissons, cailleteaux, dindonneaux…), ghai, des solutions pratiques pour lever les
contraintes qui limitent leur productivité.
2- la production et l’utilisation de l’azolla dans l’alimentation animale (poissons, Cette initiative en cours à Songhaï impli-
porcs, canards …) et la fertilisation des sols pauvres, quera dans les Etats concernés d’autres ins-
3- la valorisation de la jacinthe d’eau par son utilisation pour la fertilisation des titutions d’appui au développement aussi
sols pauvres et pour la production de biogaz, bien du secteur public que privé.
4- la multiplication des poissons-chats par la reproduction artificielle en pratiquant Pour Songhaï, les quatre milliards de per-
une insémination artificielle, sonnes des pays en développement consti-
tuent un marché énorme à desservir. Nous
5- l’utilisation de la verdure (amaranthe, moringa, feuilles de papayes, de ma-
disposons d’un marché local très riche
nioc…) pour une meilleure coloration du jaune de l’œuf,
et très diversifié pour lequel des produits
6- l’introduction de la lignée pure de la race porcine «Large White» à Songhaï, appropriés doivent être fournis. Il importe
7- l’introduction de nouvelles races de volailles inexistantes soit au Bénin, soit en donc d’amener les producteurs africains à
Afrique de l’Ouest, comme les poulets des races SUSSEX, Rhode Island Red , développer leur propre marché et à diver-
sifier leur production. Ce marché offrira des
8- l’introduction et la multiplication d’une variété de bananes plantain inexistante produits et services répondant aux exigen-
au Bénin, ces des consommateurs locaux et entraî-
9- la production de dindons locaux à grande échelle (1.200 à 1.600 par an), nera de grandes perspectives d’affaires qui
draineront les multinationaux, les banques,
10- l’utilisation de la technique de reproduction assistée lors du croisement entre
les opérateurs économiques….
les dindons locaux et les dindons de chair,
Léonce Sessou
11- la production des semences performantes, Communications-TIC-D, Centre SONGHAI
BP 597, Porto Novo, République du BENIN
12- l’utilisation des techniques d’irrigation goutte à goutte et par aspersion, lsessou@songhai.org
www.songhai.org
13 – la valorisation de l’énergie solaire pour l’éclairage, l’irrigation, la réfrigération.
Diversité dans les zones arides : planifier une
vie durable
Aspen Edge

A
vec mon mari et mon fils, je vis et • faible soutien social en raison de l’effon- • le relatif bien-fondé de l’actuel modèle
travaille à Semilla Besada, une ex- drement de l’agriculture familiale dans économique conventionnel ;
ploitation familiale de 12 hectares la région ;
• la nécessité de concevoir des modèles
implantée à 1300 m d’altitude dans la • difficultés causées par une mauvaise économiques durables ;
Sierra Nevada, dans la province de Gre- réglementation nationale de la produc-
nade, au sud de l’Espagne. Le paysage • la nécessité absolue de donner la prio-
tion alimentaire au niveau des petites
est caractérisé par des arbustes vivaces rité à la restauration et à la préservation
exploitations agricoles familiales.
ligneux d’une durée de vie courte et des des ressources naturelles ; et
chênes locaux. Les températures peuvent Nous avons acheté l’exploitation en 1999
• la nécessité d’une action individuelle,
tomber à -15oC et monter à 40oC, avec avec l’intention de rétablir sa tradition
plutôt que de compter sur les autorités
une moyenne de 540 mm de pluie par an. agricole familiale. Pendant de nombreu-
ou les organismes publics pour se lan-
Bien qu’il existe quatre saisons différentes, ses années, nous avions senti un désir de
cer dans l’action, en raison du caractère
l’humidité, tout au long de l’année, est fai- mener un mode de vie différent, une vie
urgent de la situation.
ble et la sécheresse estivale peut durer six qui garantirait un meilleur équilibre entre
mois. On qualifie cette zone de terre aride l’environnement et les besoins humains. Nous avons pensé qu’en achetant no-
ou fragile. La propriété a droit à 1 heure et Nous nous sommes rendu compte que tre propre terre, nous serions en bien
demie d’eau d’irrigation par semaine. même si l’Occident a connu un boom sans meilleure position pour relever ces défis.
précédent en termes de richesse, de biens Nous serions également en mesure de
Semilla Besada a nourri une famille de matériels et de choix, notre planète en a vivre une vie plus durable tout en res-
10 membres, puis est restée inexploitée
22 payé le prix fort. L’expérience que nous taurant et en protégeant les ressources
pendant 20 ans. Avec l’irrigation, la famille avons des entreprises et de l’environne- naturelles.
avait cultivé la vesce, la luzerne, le blé, ment nous a convaincus de plusieurs fac-
le seigle, les lentilles et les pois chiches, teurs importants :
ainsi qu’une grande variété de légumes.
Elle avait également trois moutons,
des poulets, deux porcs, des ruches et
une vache. Lorsque ma famille à repris
l’exploitation en 1999, elle ne produisait
plus rien. Les terrasses de pierres prévues
pour les cultures alimentaires s’étaient
effondrées. Le contrefort de la montagne,
qui hébergeait 50 familles, n’en comptait
désormais que trois, toutes des éleveurs
de chèvres. Les autres avaient abandonné
la zone pour aller travailler dans les villes
ou avaient rejoint le marché lucratif, mais
pas durable, du système de production
des légumes en serre sur la côte est.

Difficultés héritées
• Outre les difficultés climatiques, Semilla
Besada était confrontée aux problèmes
suivants :
• dégradation de plus en plus avancée de
la nature, accentuée par les subventions
agricoles qui ont provoqué un surappro-
visionnement ;
Photo: Aspen Edge

• productivité minimale des terres à cause


du manque de gestion et de la perte
de fertilité ;
• absence de sources de semences gérées
de façon durable ;
• manque de marchés locaux, en raison
de l’incapacité à faire face aux coûts de
production agricole et au manque de
Des volontaires viennent s'imprégner de la gestion des terres arides tout en nous apportant une aide précieuse
débouchés commerciaux; dans notre travail.
Les quatre premières
années : un échec riche en
leçons
Nous avons apporté avec nous toute l’ex-
périence relative à la production de no-
tre propre alimentation, ainsi que quatre
années d’expérience dans la conception
de permacultures, tant dans un climat
tempéré septentrional que dans un climat

Photo: Aspen Edge


tropical. Nous avons utilisé 40 % de notre
capital pour acheter la terre et réservé les
60 % à son développement. Nous avons
prévu la prise en charge de notre famille
de trois personnes pour une période de
10 ans, durée que nous avons estimé né-
cessaire pour développer un mode de vie
durable à partir de l’exploitation agricole.
Après une année d’observation pour
identifier les infrastructures agricoles La fragilité de l’écosystème terrestre présente plusieurs nouveaux défis pour nous dans la conception et la
sur place, les conditions climatiques, la gestion d'un système viable.
fertilité des sols et les paramètres de
conception, nous avons commencé à Planification, suivi et sous-tendaient le cadre de la gestion ho-
lancer le système classique de production listique :
de cultures alimentaires vivaces multi-
surveillance continus de
• étude de l’ensemble du système ;
strates auquel les concepteurs de la l’exploitation agricole
permaculture tiennent tant. Toutefois, • élimination des déchets ;
Nous avons élaboré un plan de gestion
après quatre ans, nous avons dû admettre • développement de la diversité ;
pour assurer à court, moyen et long terme
notre échec ! L’écosystème n’a pas
le développement durable de Semilla Be- • utilisation de solutions sensibles ;
répondu à nos attentes : il y avait moins
sada. Nous avons rédigé une déclaration
de diversité au niveau des plantes et le
sol était encore plus nu que lorsque nous
sommes arrivés. Il n’y avait donc pas de
relative à la qualité de vie que nous vou-
lions, à ce qu’il nous fallait faire pour y
• conception allant des grandes lignes
aux détails ; 23
arriver et pour maintenir cette qualité • utilisation de services et de ressources
moyens de subsistance durables. renouvelables ;
pour une durée indéterminée. Dans cette
C’est alors que nous sommes tombés déclaration, nous avons inclus les aspira- • intégration de la psychologie humaine.
sur le travail d’Allan Savory. Son oeuvre tions sociales, économiques et écologi-
nous a permis de nous rendre compte ques du projet dans son ensemble. Elle L’exploitation agricole a été repensée pour
qu’il nous manquait un élément capital, à a également été la base de l’élaboration s’appuyer sur des ressources internes, le
savoir la différence entre les environne- des politiques, stratégies et objectifs pour recyclage de toute l’eau pour l’irrigation,
ments fragiles et non fragiles et la ma- chaque année. Nous avons élaboré un l’utilisation de tous les déchets humains
nière dont cela affecte la conception et plan financier complet pour l’exploitation et animaux pour renforcer la fertilité du
la gestion de l’exploitation. J’ai entrepris détaillant les postes auxquels affecter les sol, l’installation de l’énergie solaire et
une formation en gestion holistique, nom ressources, veillant au plafonnement des éolienne pour approvisionner en énergie
donné au cadre qui est né du travail de dépenses, à la planification des bénéfices le matériel de bureau et électroménager,
Savory. J’ai constaté qu’il offrait bien plus et à la non contraction de dettes. l’installation de fours solaires pour limiter
que le cadre environnemental car David et l’utilisation du gaz en bouteille et le lan-
Après avoir exposé les paramètres de la cement d’un plan de plantation d’arbres
moi allions pouvoir prendre des décisions
gestion de l’exploitation, il était alors pos- pour fournir du bois de chauffe à l’avenir.
personnelles financières et relatives à la
sible de commencer à concevoir l’aména-
gestion des terres. Ces décisions allaient • La gestion holistique a fourni des outils
gement. Les enseignements de la gestion
avoir un impact positif sur la santé et la permettant de rester sur la bonne voie
holistique se sont avérés indispensables à
productivité des terres. Le cadre a égale- et de traiter les problèmes au bon mo-
ce niveau car ils ont permis de compren-
ment fourni les compétences nécessaires ment. Elle a également servi à mettre
dre pourquoi les environnements des zo-
pour élaborer des plans et des activités en place un système permettant de
nes arides se comportaient ainsi et dans
qui mèneraient systématiquement à des surveiller le terrain pour veiller à ce que
quelle mesure utiliser les animaux en
mécanismes sociaux, économiques et la santé de l’écosystème ne soit pas
pacage de façon durable. La conception
écologiques durables, ainsi qu’à des tech- compromise et, dans le cas contraire,
s’est appuyée sur les principes suivants
niques efficaces pour inverser le processus identifier la solution pour y remédier.
de la permaculture, en plus de ceux qui
de désertification dans la région. Dans ce type de gestion, chaque déci-
sion conduisait à la prise en compte du
développement durable sous ses trois
La gestion holistique est un cadre décisionnel permettant aux personnes de créer
aspects : social, économique et écolo-
la qualité de vie de leur choix, tout en garantissant une viabilité sociale, économique
gique (connu sous le nom de « triple-
et écologique. Elle a fait ses preuves sur trois continents en ce qui concerne l’utilisa-
bottom-line » ou « triple résultat »).
tion des animaux en pacage d’une manière qui, non seulement ne dégrade pas le
paysage, mais en réalité inverse la tendance à la désertification.
Résultats tangibles
Pour de plus amples informations sur la gestion holistique, voir :
• Au bout de 10 ans, nous avons développé
Holistic Management International, 1010 Tijeras Ave. NW, Albuquerque, NM 87102,
toute une exploitation comprenant des
États-Unis http://www.holisticmanagement.org
vignes et un mélange d’arbres fruitiers
et de noisetiers, 50 arbres fourragers, et la sauvegarde des semences du pa- • publier des documents mettant en
105 arbustes fruitiers, 200 plantes trimoine localement adaptées ; avant la possibilité de contrôler les ani-
fruitières, 90 légumes vivaces, 100 • nouer des contacts avec les organismes maux en pacage de façon à restaurer
plants de vignes, 100 arbres fruitiers de protection, notamment ceux qui tra- et améliorer les prairies vivaces, ce qui
et noisetiers greffés, six zones de vaillent déjà avec les animaux en paca- est d’une importance cruciale pour les
production de légumes, des ruches, une ge pour atténuer les risques de feux de éleveurs de chèvres ;
garenne de 20 lapins de races mixtes, brousse afin de favoriser la possibilité • développer les contacts avec les an-
une bande de 30 poules locales de de faire de Semilla Besada un site de ciennes familles d’agriculteurs pour
race rare du type «  Andalusian Blue  » recherche financé ; sauvegarder les connaissances et le
et neuf brebis laitières Awassi issues savoir-faire traditionnels ainsi que les
de croisements. L’exploitation prend en • développer les opportunités d’éducation
à la gestion holistique, à la conception semences du patrimoine ;
charge un groupe de quatre personnes :
David, mon mari, notre fils, Samuel, un et à la gestion des terres arides. Nous • créer un réseau de clients directs prêts
bénévole ou stagiaire d’un an, et moi- voulons également permettre un plus à appuyer le travail de Semilla Besada.
même. grand accès du public à Semilla Besada, Nous avons également lancé une ban-
pouvant voir en cette exploitation ce que de semences pour encourager
En outre, nous avons abordé les problèmes qu’il est possible de faire dans un envi- l’échange de semences du patrimoine
dont nous avons hérité en procédant comme ronnement de terre aride ; adaptées aux zones arides.
suit :
• développer le potentiel à venir pour A cela s’est ajoutée la production de moyens
• utiliser des moutons gérés de manière répondre aux marchés à créneaux de subsistance durables, composés de :
holistique  : cette stratégie a inversé la émergents. Cela passera par la création
dégradation des herbes vivaces existan- • 80% de la production de notre propre ali-
d’installations de séchage solaires pour mentation bio, d’une valeur marchande
tes dans un espace clos de 2 hectares, produire des fruits séchés, des herbes
contrairement à la zone non gérée au- de 2000 € ;
et des légumes bio, le développement
delà ; d’une race de brebis laitières pour pro- • 95% de la production de notre propre
• renforcer la sécurité alimentaire à tra- duire du yaourt et du fromage et d’une énergie, soit une valeur marchande de
vers l’amélioration de la fertilité et de la pépinière pour la production d’arbres, 2500 € ;
structure des sols, la culture de diverses d’arbustes, de plantes et de légumes • 97% de la production de nos propres
espèces d’arbres, d’arbustes, de plantes adaptés aux zones arides ; semences biologiques, soit une valeur
et de légumes adaptés aux terres arides marchande de 400 € ;

24 • 11% des revenus provenant directe-


ment des dons du public ;
• 57% des revenus provenant des sémi-
naires de formation ;
• 5% des revenus provenant des publica-
tions pédagogiques ;
• 25% des revenus provenant du tourisme
de randonnée (à abandonner progressi-
vement en 3 ans au profit de l’option
éducative plus durable).

Préserver l’avenir
• A cause de la promotion de l’agriculture
de production, et du fait que 90 % des
revenus de Grenade proviennent du
tourisme, la gestion de cette zone conti-
nue d’accentuer la dégradation de l’en-
vironnement. Les initiatives agricoles
familiales telles que celles de Semilla
Besada jouent un rôle essentiel dans la
construction d’un avenir qui améliore la
santé de l’environnement et garantit la
sécurité alimentaire et des moyens de
subsistance durables. Lorsque la priorité
est accordée à la viabilité, il est possible
de construire des infrastructures locales
Photo: Aspen Edge

stables qui ne sont pas à la merci de


l’évolution des différentes situations
dans le monde et qui peuvent soutenir
une famille pendant des générations.

Aspen Edge. Apto de Correos 19, 18420 Lanjarón,


Granada, Spain.
E-mail : aspen@holisticdecisions.com

On se met sérieusement au travail : les légumes participent à la diversification, à la viabilité et aux revenus !
Préserver et améliorer les moyens de subsistance par le
partage des connaissances sur l’agriculture diversifiée
Luohui Liang et Harold Brookfield

L
es systèmes sont menacés par des
pratiques monoculturales fortement
encouragées. Depuis des décennies,
des organisations comme LEISA Network
défendent l’agriculture diversifiée en
apportant leur soutien à quelques 1,6
milliards de petits exploitants agricoles
qui, menant des expérimentations à

Photo: L. Liang, PLEC


l’aide de leurs vieilles pratiques, tentent
de les entretenir. On ne saurait protéger
l’agriculture diversifiée en isolant une
zone en vue d’en exclure les méthodes
«modernes». Il s’agit plutôt d’encourager
les agriculteurs à poursuivre leurs pratiques
et à développer l’agriculture.
Selon, la «nouvelle écologie» des années
1980, la biodiversité peut être maintenue
dans les paysages agricoles. Peu d’écosys-
tèmes sont en équilibre et en les pertur-
25
bant un peu, l’on pourrait mieux promou-
voir la biodiversité. Le mode de gestion
des agriculteurs pourrait se présenter
comme une «  perturbation  » positive
susceptible de maintenir la biodiversité.
Le présent article explique comment un
réseau mondial de chercheurs a démontré
que l’agriculture à petite échelle, en plus
de fournir des moyens de subsistance aux
agriculteurs, «produit» aussi de la biodi-
versité. Le projet a tenté de trouver un
moyen de soutenir les agriculteurs en vue
de maintenir une telle diversité pendant
une bonne partie du 21ème siècle.

Agriculteurs et chercheurs
travaillent main dans la
main
Depuis le début des années 1990, le projet
de l’Université des Nations Unies (UNU) sur
les Populations, la Gestion des terres et le Quand l'agriculteur rencontre le chercheur. Des gens d'horizons divers ont appris à se connaître lors d'études sur
les cultures et connaissances locales spécialisées.
Changement climatique (PLEC) a élaboré
des modèles de protection de la biodiver-
sité dans les systèmes agricoles des pays
L’UNU et le Programme des Nations Unies communautés ou sous-communautés. Il
en développement. Le PLEC a fonctionné
pour l’Environnement (PNUE) ont conjoin- peut y avoir d’autres différences entre
grâce à un réseau mondial de groupes
tement exécuté le programme. les agriculteurs les plus qualifiés et les
en Afrique (Ghana, Guinée, Kenya, Tanza-
Malgré beaucoup de similitudes dans les agriculteurs ordinaires. L’agriculture diver-
nie, Ouganda), en Asie Pacifique (Chine,
pratiques des agriculteurs dans des zones sifiée peut donc ne jamais être comprise,
Thaïlande, Papouasie-Nouvelle-Guinée),
assez étendues, il existe toujours de pe- excepté au niveau local, à travers une lon-
et en Amérique latine (Brésil, Jamaïque,
tites différences. Elles concernent les gue observation des communautés agri-
Pérou, Mexique). Des chercheurs venus
pratiques des ménages les plus riches et coles et une bonne connaissance de ces
d’Australie, des Etats-Unis, de la Grande
les plus pauvres, les ménages d’âges et dernières. Pour mener des recherches sur
Bretagne et du Japon y ont également pris
de composition par sexe différents et, par- cette diversité, le PLEC a créé des grappes
part. Chaque groupe était multidiscipli-
fois même, les pratiques de l’ensemble des de chercheurs qui travaillent en étroite
naire, impliquant différentes institutions.
collaboration avec les agriculteurs de zo- ont eu du mal à former de véritables coali- En général, des enquêtes sont menées au
nes très réduites, généralement un ou tions avec des agriculteurs et d’autres par- niveau de tous les sites pour identifier les
deux villages. Ces chercheurs devaient se tenaires locaux sur le terrain. Sur certains différentes phases de l’utilisation des ter-
familiariser avec les systèmes agricoles et sites, ils ont tissé des liens plus étroits avec res, ainsi que les types de terrain et de
les variations qui s’opèrent en leur sein. Ils les agriculteurs ; ces sites sont devenus jachère. Les chercheurs ont alors procédé
ont identifié des «  experts-agriculteurs  », progressivement des centres névralgiques à un échantillonnage des ménages et des
ceux qui exploitaient le mieux leurs terres, d’échange entre chercheurs, agriculteurs, parcelles. Les agriculteurs ont montré des
faisaient le plus d’économies et réalisaient communautés locales et autres parties espèces végétales et des pratiques de
souvent plus de bénéfices que leurs voisins. intéressées. Des directives fondamentales gestion sur les parcelles échantillonnées
La sélection s’est faite sur la base de l’im- pour la collecte de données ont été élabo- et l’économie des ménages, toutes choses
portance de la biodiversité régionale, des rées dès 1998. que les chercheurs ont enregistrées à des
menaces à la biodiversité et aux écosystè- Tous les sites sélectionnés se trouvaient fins d’analyse. Fortes de ces informations,
mes, des exemples connus de biodiversité dans des zones agricoles d’une biodiversité les grappes des PLEC pouvaient comparer
agricole, des partenariats établis avec les considérable, souvent à proximité de parcs les différentes phases d’utilisation des ter-
communautés et la disponibilité d’infor- ou de réserves. En Chine, deux des trois res au niveau des ménages et des com-
mations historiques. Parmi les sites sélec- sites se trouvaient à côté de réserves na- munautés, faire la connaissance de spécia-
tionnés, figuraient ceux où des membres turelles domaniales. D’autres sites se trou- listes de l’agriculture et comprendre leur
du projet avaient auparavant travaillé. Ils vaient à côté de zones naturelles réservées expertise. La biodiversité a également été
étaient devenus des « sites de démonstra- selon les us et coutumes et non de droit. évaluée à ce stade. Le projet pouvait ainsi
tion » au niveau desquels des agriculteurs Le premier site exploité au Ghana a été démontrer que les agriculteurs ne sont
pouvaient montrer leurs compétences en créé sur invitation d’un chef qui cherchait à pas des destructeurs de la biodiversité
matière de gestion. se faire aider pour protéger un bois sacré. mais plutôt ses protecteurs. A Mazagão,
Vingt-sept sites de démonstration sont de- au Brésil, par exemple, les jachères gérées
Identification de sites de venus par la suite opérationnels dans des par les agriculteurs étaient plus diversi-
recherche sur l’agriculture zones dont l’importance de la biodiversité fiées que celles à l’abandon. Les équipes
diversifiée est internationale ou près de « centres né- du PLEC ont réussi à comprendre les pra-
Il a fallu un certain temps pour comprendre vralgiques de biodiversité  ». Ces sites de tiques et motivations qui ont mené à cet
comment mettre sur pied les sites de dé- démonstration pouvaient faire l’objet d’ob- accroissement de la diversité ; ils ont, par
monstration. Avant le début de l’année servation de populations venant de zones ailleurs, déterminé dans quelle mesure cet

26 1999, certains groupes ont effectué un tra-


vail de reconnaissance le long de grands
beaucoup plus vastes. Les groupes de re-
cherche les plus dynamiques ont organisé
enrichissement se traduirait en un accrois-
sement de la biodiversité aux niveaux des
transects qui s’étendent sur plusieurs ki- une campagne de publicité en faveur des écosystèmes terrestres et de la région.
lomètres et plusieurs zones agro écologi- sites et du travail qui s’y effectue.
ques. C’est pour cela que les chercheurs

Comment les agriculteurs du monde préservent


Un groupe d’agricultrices du Ghana a com- Sur un site planté d’ignames, le groupe de L’équipe du Brésil a encouragé des actions
paré les caractéristiques de 12 variétés lo- la Papouasie-Nouvelle-Guinée a orga- communautaires visant à créer des réserves
cales du riz africain, Oryza glaberrima. Les nisé une journée champêtre pour montrer forestières et lacustres avec une faune et
agriculteurs, par contre, avaient opté pour aux agriculteurs la richesse de la diversité une flore surexploitées ou rares, des oiseaux
le riz « amélioré » et avaient pratiquement de l’igname dont ils disposent. Plus de 30 et des espèces végétales. Les spécialistes de
oublié jusqu’aux noms des variétés locales. cultivars de D. esculenta et 20 cultivars de l’agriculture ont appris aux autres à enrichir
Les essais sur le terrain ont montré que deux D. alata ont été exposés. Un certain nombre les différentes phases de jachère. Ainsi, les
des variétés locales avaient un potentiel de de tubercules de D. esculenta ont été dispo- agriculteurs ont pratiqué de petites ouvertures
rendement élevé et tenaient bien la compa- sées dans un bac comme pour les échanges dans leur jachère pour planter des espèces
raison avec les variétés introduites. Certaines habituels. semi-vivaces comme la banane, et pour re-
variétés locales présentaient des propriétés Concernant la diversité inter-espèces, l’équi- piquer les plants des espèces utiles.
que les femmes préfèrent : elles font de pe de la Guinée a travaillé, en collaboration En Tanzanie, un spécialiste de l’agriculture a
bons aliments pour bébés, se préparent fa- avec les femmes du village, au renouveau conservé un terrain boisé avec la plus gran-
cilement et se conservent bien jusqu’au len- d’un vieux métier de teinture de tissus en co- de diversité d’arbres, d’arbustes et d’herbes
demain. Dans la mesure où le système nor- ton avec des plantes locales de la famille des de toute la communauté. La plupart des ar-
mal d’échange de semences ne fournit pas Fabaceae. Cette activité s’est avérée parti- bres sont naturels, mais certains d’entre eux
assez de variétés locales, le groupement de culièrement lucrative pour ces femmes. En provenaient d’autres localités où ils ont été
femmes a été encouragé à établir des par- raison de la pression accrue exercée sur les collectés pour enrichir les valeurs économi-
celles de plants communautaires. Ainsi, les arbres, l’aide au niveau de la plantation des ques et sociales du terrain boisé. Certaines
femmes pouvaient multiplier les semences principales espèces utilisées dans la teinture des espèces d’arbres supplémentaires fai-
des variétés locales qu’elles préfèraient. Elles est devenue partie intégrante des activités saient partie de celles considérées par les
ont aussi travaillé à l’amélioration des instal- de démonstration du PLEC et les femmes ont agriculteurs comme menacées en raison de
lations de stockage. commencé à cultiver le coton. l’usage abusif dont elles font l’objet. A tra-
vers les journées champêtres et les réunions
Partage des connaissances concepts, méthodologies et exemples Références
paysannes développés pendant la durée du projet
PLEC contribuent aux efforts fournis, au -Alcorn, J.B., 2003. Populations, Gestion des terres et
L’étape suivante a consisté à promouvoir Changement climatique, (PLEC) : Evaluation finale
plan mondial, pour la réalisation du double succincte. PNUE, Nairobi, Kenya
les technologies et les connaissances des objectif de la protection de la biodiversité -Almekinders, C.J.M., L.O. Fresco et P. Struik, 1995. The
spécialistes de l’agriculture. Grâce à des et de l’amélioration des moyens de need to study and manage variation in agro-ecosys-
échanges avec d’autres agriculteurs et à subsistance locaux. tems. Netherlands Journal of Agricultural Science 43
l’esprit d’observation, les agriculteurs ac- (2), 127-142.
quièrent souvent de nouvelles idées et -Brookfield, H., C. Padoch, H. Parsons et M. Stocking
(eds.), 2002. Cultivating biodiversity: Understanding,
de nouvelles technologies. Ils préfèrent Luohui Liang. Université des Nations analysing and using agricultural diversity. ITDG Pu-
obtenir des résultats concrets. Ainsi, les Unies, 53-70, Jingumae 5-chome, Shi- blishing, Londres, U.K.
spécialistes de l’agriculture ont fait une buya-ku, Tokyo 150-8925, Japon. E-mail : -Brookfield, H., H. Parsons et M. Brookfield (eds.),
démonstration de leurs pratiques auprès liang@hq.unu.edu 2003. Agrodiversity: Learning from farmers across
the world. UNU Press, Tokyo, Japon.
de leurs homologues et des agents de
Harold Brookfield. Université Nationale -Gyasi, E.A., G. Kranjac-Berisavljevic, E. T. Blay,
vulgarisation. Les volets de la gestion de
d’Australie, Canberra, ACT 0200, Australie. et W.Oduro (eds.), 2004. Managing agrodiversity
la diversité étaient vastes. Les agricul- the traditional way: Lessons from West Africa in
E-mail : harold.brookfield@anu.edu.au
teurs leur ont fourni des explications sur sustainable use of biodiversity and related natural
resources.. UNU Press, Tokyo, Japon.
la diversité au sein des espèces, entre les
espèces, au niveau des écosystèmes ter-
restres, sur la diversification y associée en
faveur de la fertilité du sol, de la pollinisa-
tion, de la lutte contre les ravageurs et de
l’intégration phyto-animale.

Amélioration de la biodiversité Visitez


Contrairement à l’idée généralement la page web
répandue selon laquelle l’agriculture
constitue une menace pour la diversité de AGRIDAPE
biologique, le PLEC a démontré, à l’échelle
mondiale, comment les agriculteurs
augmentent la protection de la biodiversité
http//agridape.leisa.info
27
locale. Ils y parviennent tout en essayant
de gagner leur vie et d’améliorer leurs
propres moyens de subsistance. Les

la diversité : quelques exemples


organisées, ce spécialiste a pu convaincre cer-
tains de ses voisins (notamment ceux qui ve-
naient dans ce terrain) de planter et de proté-
ger leurs propres terrains boisés. Le boisé sert
Photo: Stephen Buchan

également d’exemple à la communauté qui


peut ainsi préparer et faire pousser des plants
d’arbre sur des terres dégradées.
De nombreux groupes sont au courant de l’utilité
de la biodiversité dans la conservation des sols,
la pollinisation et la lutte contre les ravageurs.
Le PLEC du Ghana a facilité le renouveau de
l’oprowka, une pratique culturale traditionnelle
sans brûlis comprenant le paillage qui consiste
à laisser la végétation coupée se décomposer
in situ. Cette pratique permet de conserver la
fertilité du sol en gardant les microbes du sol
et en ajoutant de l’humus à travers la végéta-
tion en décomposition, mais aussi de protéger
les propagules des plants, notamment ceux du
sol, tout en évitant le feu. En Ouganda, un
spécialiste de l’agriculture a appris aux autres
à enrichir les vergers de bananes avec d’autres
espèces de plantes pour l’apiculture.
Réussir la préservation du patrimoine national
au Japon
Kazumi Yamaoka

Photo: Eisuke Imai


28

Les lignes de précipitation incurvées du sol et l'eau des rizières en terrasses se prêtent parfaitement aux sketches.
Ce groupe d'artistes apprécie la vue à Hata, dans la ville de Takashima, préfecture de Shiga.

L
a grandeur et la beauté des rizières en actives dans l’agriculture au Japon était de 64 cependant consommés par le public. En 2001,
terrasses japonaises sont souvent com- ans. L’âge moyen des personnes travaillant le Conseil des Sciences du Japon a estimé les
parées à celles des splendides pyramides dans les rizières en terrasses était encore plus valeurs annuelles des terres agricoles arables
d’Egypte. Elles continuent d’exister grâce aux avancé d’après les estimations ! du Japon à 3,499 milliards de yens (39 milliards
agriculteurs, aux cultures et aux rituels trans- Depuis les années 1960, le paysage rural a de $ US) représentant la compensation des
mis et évoluant de génération en génération. complètement changé. Par le regroupement dommages dus aux inondations et à 2,376
Elles ne sont pas une simple attraction touris- de petites rizières dans les plaines, des champs milliards de yens (26 milliards de $ US) pour
tique ou un dispositif de production de riz. Les plus vastes et d’une forme plus carrée ont été leurs fonctions de loisirs et de détente.
rizières en terrasses permettent aux japonais constitués. Ces grands domaines accessibles
de prendre conscience de leurs relations avec sont plus faciles à équiper d’infrastructures Appui multiforme
leurs ancêtres, leurs familles, leurs collègues agricoles modernes.
et la nature. Il y a eu, en 1970, un projet de développe-
Les rizières en terrasses, elles, n’ont pas bénéfi- ment en faveur des rizières en terrasses de
Malgré tout, des menaces pèsent sur la cié de cette vague de développement. Elles ne Shiro-yone sen-mai-da, près de la ville de
culture du riz en terrasses au Japon. En fait, se sont jamais remises de la baisse de leur pro- Wajima sur la péninsule de Noto face à la
le déclin a commencé à la fin des années ductivité. Pourtant, les changements rapides in- Mer du Japon. Mais, au lieu de le poursuivre,
1960. A cette époque, la production rizicole du tervenus dans les écosystèmes ruraux ont aug- les autorités locales ont décidé de verser des
Japon était excédentaire, ce qui s’est traduit menté leur valeur. Les rizières en terrasses sont subventions afin de soutenir l’agriculture dans
par une politique d’abandon des rizières. devenues des paysages et modèles uniques de les rizières en terrasses pour une période pro-
Le coût relativement élevé des rizières en l’environnement rural japonais. Dans les zones longée. C’est en 2001 que ces dernières ont
terrasses a rendu ce type d’agriculture difficile montagneuses, les rizières en terrasses for- été classées pour la beauté de leur panorama
en comparaison à la riziculture des plaines. ment de belles courbes, rappelant aux Japo- dans le cadre de la Loi sur la protection des
En conséquence, la génération suivante nais leur tradition. Elles constituent également biens culturels (Cultural Properties Protection
d’agriculteurs des terrasses a migré vers les des lieux d’expérimentation de l’éducation à Law). L’espace classée couvre une superficie
villes. Des enquêtes menées en 1993 et en l’alimentation, à la vie et à l’environnement. de 1,81 ha et est composée de 1004 parcelles de
2005 ont révélé que la zone de riziculture Il serait grave de les abandonner en raison de riz paddy. Les parcelles ont une taille moyenne
en terrasses est passée de 220 à 138 mille leurs fonctions liées à l’eau et à la biodiversité. de moins de 20 m2, ce qui signifie qu’il faut
hectares au cours de cette période. En 2007, Ce sont des «  produits  » non marchands et effectuer tous les travaux à la main. Les auto-
l’âge moyen des 3,12 millions de personnes
rités locales apprécient cette forme de rizi- Politiques nationales et gent dans des actions collectives. Ces actions
culture et la beauté du panorama, ressource visent notamment à prévenir l’abandon des
considérable pour le tourisme.
locales de développement terres arables, promouvoir l’agriculture mul-
Le soutien du public à la préservation des En 1992, le Ministère de l’agriculture, des tifonctionnelle ou collaborer avec les écoles
rizières en terrasses s’est renforcé depuis le forêts et de la pêche du Japon a mis en place, et encourager l’action communautaire. En
milieu des années 1990. Certains habitants pour la première fois, une politique agricole 2007, des agriculteurs exploitant près de 700
des zones urbaines ont lancé des programmes faisant référence à la multifonctionnalité mille hectares de terres agricoles dans plus
comme l’agriculture communautaire avec des de l’agriculture. En 1993, 1997 et 1998, il a d’un millier de municipalités ont pris part à
contrats annuels de location des rizières en approuvé des projets visant à préserver le ce système.
terrasses. Par exemple, des municipalités sol et l’eau, mais également à restaurer les En 1999, le Ministre de l’agriculture a autorisé
ont mis sur pied le Conseil national de terres arables abandonnées des rizières en le programme Meilleures zones de rizières
liaison des rizières en terrasses (National terrasses. en terrasses au Japon (The best rice terrace
Rice Terraces Liaison Council). Ce conseil a En 1998, pour la première fois également, le areas in Japan) et a classé 134 zones en
organisé la 14ème rencontre nationale au mot tanada a été mentionné dans le budget terrasses comme zones d’agriculture durable,
sommet des rizières en terrasses en 2008, national et un montant d’environ 600 millions multifonctionnelle et panoramique. Même si
près de la ville de Nagasaki. Plus de 2000 de dollars US a été fixé pour un projet d’une cette reconnaissance n’est pas accompagnée
hommes politiques, citoyens et agriculteurs durée de trois ans. Ce projet a appuyé les de subventions, ces zones sont considérées
ont assisté à l’événement, qui a été couvert agriculteurs dans la restauration des parcelles comme des sites touristiques dignes
par les médias. Parallèlement, des personnes de paddy abandonnées. Les autorités ont d’intérêt et adaptées à la production de riz
engagées ont organisé un «  réseau de également introduit un système foncier de bonne qualité. Cela a renforcé la fierté
Tanada  » qui lutte pour la préservation des pour les citoyens qui souhaitent y pratiquer des populations locales qui ont lancé de
rizières en terrasses. Parmi les activités, il faut l’agriculture, par exemple à Chikuma, dans la nombreuses initiatives pour la conservation
citer des écoles de rizières en terrasses pour préfecture de Nagano. des rizières en terrasses. En 1999, la loi de
l’apprentissage de l’agriculture pratique, la protection des propriétés culturelles a autorisé
En 1999, une nouvelle loi, la «Food, Agriculture
fourniture d’informations par le biais de sites la désignation de la localité d’Obasute dans
and Rural Village Basic Law», a été adoptée.
Web et de bulletins, ainsi que des programmes la ville de Koshoku comme le premier site
Elle comporte les quatre objectifs suivants  :
de collaboration avec les entreprises privées agricole pour la beauté de son panorama.
1) garantir la stabilité de l’approvisionnement
et les agriculteurs des rizières en terrasses. D’autres localités ont suivi. L’Agence des
en denrées alimentaires, 2) préserver les rô-
En 1999, L’association de Recherche sur les affaires culturelles a mis en place un système
les multifonctionnels de l’agriculture tradition-
Rizières en Terrasse ( Terrasses Rice Research de désignation des zones de préservation de
nelle, 3) mettre en place un développement
paysages culturels en 2004. Ce système a pris
Association) a été lancée pour promouvoir la
recherche dans les rizières en terrasses. Ses
membres sont de tous horizons : chercheurs,
durable de l’agriculture et 4) promouvoir les
villages ruraux. L’ancienne loi fondamentale
visait à réduire les écarts de revenus entre
en compte la Loi sur le panorama (Scenery
Law) pour réglementer l’utilisation des terres
29
artistes, responsables administratifs, paysans, et les activités économiques afin de préserver
l’agriculture et les autres secteurs ; la nouvelle
employés de bureau, femmes au foyer, les paysages des rizières en terrasses sur la
a pour objectif d’améliorer la vie des citoyens
mais aussi photographes et retraités. Elle base de l’accord entre les populations locales
et un développement sain de l’économie na-
organise des visites de terrain nationales et et les municipalités.
tionale. En 2000, le gouvernement a lancé
internationales (comme à Bali en Indonésie, un système de paiement direct des zones La survie des rizières en terrasses, au Japon
à Yunnan en Chine et à Nanhe en Corée) et montagneuses et intermédiaires (Mountai- et dans d’autres régions de mousson d’Asie,
procède à des enquêtes sur les rizières en nous and Intermediate Areas Direct Payment permettra aux populations de goûter aux
terrasses au besoin. System  ). Dans ce système, les agriculteurs avantages de la philosophie du «slow life »1
signent un accord communautaire et s’enga- et de se rendre compte de la valeur de l’hé-
ritage légué par leurs ancêtres. De tels sites
ont peut-être un rôle économique moindre
Rizières en terrasses dans le paysage japonais dans la société moderne, mais du point de
vue culturel et de l’environnement, ce rôle
Le Japon est un pays insulaire d’une enregistré en 1338, résultat de l’enquête va bien au-delà du nombre de graines qu’ils
population de 127 millions d’habitants. sur la zone et sur le rendement de ses produisent.
Il est formé par des centaines de rizières. Jusqu’à ce jour, les rizières en
volcans dont 108 sont toujours actifs. La terrasses constituent un élément naturel Kazumi Yamaoka. Professeur Associé, Department of
Biological and Environmental Engineering, Graduate School
topographie est de type escarpé. L’eau unique en son genre, un mélange of Agricultural and Life Sciences, The University of Tokyo,
de pluie s’écoule rapidement à travers complexe d’activités humaines, de la Japan. E-mail : ayamaoka@mail.ecc.u-tokyo.ac.jp
des cours d’eau étroits en direction société et de l’environnement naturel.
de la mer. Les Japonais consomment Elles sont considérées comme le foyer Références
traditionnellement du riz et des fruits de spirituel des populations. L’eau des
-Yamaoka, K., 2005. Multifunctionality of Paddy Field Irri-
mer. Au fil de l’histoire, ils ont construit rizières et le système d’irrigation et de gation for a Basin Scale Water Cycle and Bio-diversity in
et développé des rizières en terrasses drainage constituent un réseau de zones Japan. Travaux de l’Atelier international sur les rôles mul-
dans le paysage volcanique escarpé. Le humides et de cours d’eau représentant tiples et la diversité des eaux d’irrigation, Beijing, Chine,
soufre que contient la cendre volcanique un environnement naturel façonné par 4 septembre 2005, International Commission on Irrigation
and Drainage (ICID), pp.123-142.
rend le sol acide, ce qui est préjudiciable l’homme avec une flore et une faune
à de nombreuses cultures. Cependant, riches. Les oiseaux tels que les grues, -Senga, Y., 2006. Development process of policies and ac-
tivities supporting preservation of rice terraces since 1990,
grâce à l’irrigation, le riz pousse bien. les aigrettes et les cigognes blanches Journal of Rice Terraces Research Association, 7, pp.51-61.
La riziculture a commencé sur le continent chassent les insectes aquatiques, les
grenouilles et les poissons. En outre, le -Yamaoka, K., T. Tomosho, M. Mizoguchi et M. Sugiura,
(aujourd’hui devenu la Chine) il y a près 2008. Social capital accumulation through public policy
de 7000 ans et a été introduite au Japon réseau recharge les eaux souterraines, systems implementing paddy irrigation and rural deve-
il y a 2500 ans environ. En japonais, les réduit les débits de haute crue et offre lopment projects. Paddy and Water Environment, 6(1),
des zones de loisirs, tous ces aspects pp.115-128.
rizières en terrasses s’appèlent tanada.
Le mot tanada provient d’un cadastre étant importants pour les villes situées
en aval. 1 En référence au mouvement slow food qui s’op-
pose au concept de fast food
L’irrigation de crue : bonne pour les hommes,
le bétail et les cultures !
Frank van Steenbergen et Abraham Haile Mehari

L Production accrue pour moins


es systèmes de gestion des eaux de d’irrigation de crue ne prennent pas de
crue font partie des organisations risque dans le choix de leurs espèces.
sociales les plus spectaculaires
de produits chimiques Ils ne veulent pas perdre la totalité de
et les plus complexes qui existent. Les systèmes d’irrigation de crue entre- leur récolte, en cas de sécheresse, en
Pourtant l’irrigation de crue, malgré sa tiennent des systèmes agricoles, à faibles passant à des variétés au rendement
contribution à la réduction de la pauvreté intrants, très productifs à l'image des certes plus élevé mais plus exigeantes en
et à la sécurité alimentaire, est souvent plaines orientales de l’Erythrée où l’on eau, nécessitant des engrais et d’autres
négligée et oubliée dans les programmes obtient souvent des rendements de sorgho produits agrochimiques.
d’investissement agricoles. A l’échelle du de 3750kg/ha. Il arrive même que les
globe, les superficies totales irriguées par rendements atteignent 6000kg/ha grâce Zéro pâturage
les eaux de crue dépassent les 2,5 millions à un système de gestion de l’humidité. Le
d’hectares et environ 2,1 millions de secret ? Un système sophistiqué de gestion L’élevage est partie intégrante et essen-
ménages sont tributaires de ces systèmes. de l’eau dans lequel la terre est labourée tielle des moyens de subsistance des mé-
On retrouve l’irrigation de crue en Asie de avant la saison d’irrigation pour «ouvrir nages dans la plupart des zones irriguées
l’Ouest (Pakistan, Iran, Afghanistan), au le sol  ». Une fois les champs arrosés, ils aux eaux de crue. Le fourrage s’avère donc
Moyen-Orient (Yémen, Arabie Saoudite), sont soigneusement labourés et paillés. une ressource cruciale. Il provient principa-
en Afrique du Nord (Maroc, Algérie, Plus tôt ces opérations ont lieu après lement des résidus de culture pluviale et
Tunisie), dans la corne de l’Afrique l’irrigation, mieux l’humidité est stockée. des zones de pâturage. Le développement
(Ethiopie, Erythrée, Soudan, Somalie) et, Dans les basses plaines orientales, le sol de cultures fourragères irriguées par les
30 de façon plus sporadique, dans d’autres
parties de l’Afrique, de l’Amérique du Sud
du périmètre irrigué est aussi relativement
compact. Pour cette raison, il est possible
crues, telles que le sorgho (vert), a permis
d’en diversifier la fourniture. En Erythrée et
et de l’Asie centrale. Le Pakistan et l’Iran d’avoir deux ou même trois crues sur au Soudan, le sorgho de repousse consti-
occupent les plus grandes superficies. les terres et de stocker suffisamment tue également un aliment important pour
Dans la corne de l’Afrique, l’irrigation de d’humidité dans le sol afin qu’elle dure le bétail. Les mauvaises herbes coupées
crue est en progression. toute la saison. dans les champs et le long des canaux
en sont une autre, de même que les
Ce système de gestion de l’eau nécessite Dans la plupart des systèmes d’irrigation feuilles des arbres autour et à l’intérieur
la construction locale de digues et de de crue, les agriculteurs préfèrent utiliser des champs irrigués par les crues. Les mé-
canaux capables de résister aux crues des cultivars locaux car ils sont bien nages de la zone de Sheeb, en Erythrée,
soudaines. Ils doivent être conçus de adaptés aux conditions agroclimatiques par exemple, pratiquent le système « Zéro
manière à canaliser de grandes quantités locales. L’utilisation de produits chimiques pâturage » d’octobre à mai. Dans ce système,
d’eau sur de larges surfaces par le et d’engrais organiques y est faible car en les animaux sont nourris avec l’herbe cou-
ralentissement de leur force d’érosion. Les général les agriculteurs pensent que leurs pée dans les champs. Cela empêche le
digues de protection en terre utilisées au sols sont naturellement fertilisés par les bétail d’endommager les cultures sur pied
Pakistan et en Erythrée peuvent s’étendre sédiments déposés avec les crues. Il en est et permet d’économiser sur l’alimentation
sur plusieurs kilomètres. Leur construction de même des pesticides et insecticides. animale rare. Les agriculteurs de la partie
exige beaucoup d’ingéniosité. Les facteurs Les coûts élevés, la disponibilité limitée nord de l’Etat d’Amhara (Ethiopie) ont
à prendre en compte sont, entre autres, et l’aversion pour le risque sont d’autres également indiqué que l’irrigation de crue
l’emplacement de la digue selon l’angle facteurs qui ont restreint l’utilisation de a renforcé la disponibilité de l’alimentation
du lit de la rivière, la distance par rapport à produits agrochimiques. De manière du bétail avec l’augmentation significative
la nouvelle digue de dérivation, la qualité générale, les utilisateurs du système
de la terre à partir de laquelle elles sont
construites, le degré de compactage
et l’utilisation de renforts (mort-bois). Ça marche comment ?
La main d’œuvre collective nécessaire
pour la construction d’une digue est L’irrigation de crue est un type de gestion de l’eau exploitant l’eau des “crues” des
phénoménale. Cela exige une forte inondations de courte durée. Les crues, de quelques heures à quelques jours, sont
implication des populations locales et un détournées des lits des rivières normalement à sec et reversées lentement sur
accord sur la gestion d’un bien commun les terres agricoles. Une fois la terre inondée, les cultures sont semées, parfois
qui est aléatoire et inégalement réparti. immédiatement. Souvent, l’humidité est stockée dans le sol et utilisée plus tard.
Très souvent, la main d’œuvre nécessaire Les systèmes d’irrigation de crue appuient les cultures à faible valeur économique,
est tellement importante qu’il est de
généralement les céréales (sorgho, blé, orge), les oléagineux (moutarde, ricin,
l’intérêt des agriculteurs d’être tout à fait
colza), les légumineuses (pois chiches, guar -Cyamopsis tetragonoloba-), mais
honnêtes à l’endroit des utilisateurs des
également le coton, les cucurbitacées et même les légumes. Outre l’irrigation, les
terres. C’est la seule façon de mobiliser
crues contribuent à recharger les eaux souterraines (en particulier, dans le lit des
assez de personnes pour mener à bien les
rivières) ; elles remplissent les étangs (pour abreuver les bovins) et permettent de
travaux de réparation.
répandre l’eau sur les terres de pâturage ou sylvicoles dans certains endroits.
de la production de biomasse. L’améliora-
tion de la disponibilité de l’alimentation du
bétail a permis d’augmenter le revenu des
ménages tiré des produits de l’élevage.
Les systèmes d’irrigation de crue génèrent
des avantages importants. En premier
lieu, évidemment, l’irrigation de crue

Photo: Spate Irrigation Network


permet de faire pousser des cultures
dans des régions chaudes arides et semi-
arides, où l’évapotranspiration (perte
d’eau des sols et des plantes) dépasse
largement les précipitations annuelles.
En outre, les systèmes d’irrigation de
crue présentent, pour les ménages,
plusieurs des avantages suivants: un
accès amélioré à l’alimentation et à l’eau
pour les populations, une diversification Des infrastructures simples pour aider les populations dans la gestion des crues soudaines et l'épandage des
des produits forestiers et la recharge des eaux de crue sur les terres : c'est le mécanisme de fonctionnement de « l'irrigation de crue »
aquifères souterrains.
• L’amélioration de la gestion de l’eau et ainsi que de la transformation et de
Initiatives d’appui aux agri- de l’humidité du sol. Il est, en effet, la commercialisation des produits de
culteurs pratiquant l’irriga- possible d’améliorer les ouvrages de l’élevage.
champ à champ (avaloirs et déversoirs), • La promotion de l’agroforesterie locale,
tion de crue ce qui permet un captage et un notamment des arbres autochtones
En général, les services de vulgarisation écoulement plus réglementés lors des qui servent à stabiliser les zones en-
dans les zones éloignées irriguées par grandes périodes d’irrigation de crue. vironnantes et fournissent du combus-
crue est insuffisante. De plus, les services Une autre stratégie consiste à veiller à tible et du bois, des médicaments ou
proposés ne répondent pas souvent ce que la puissance de traction animale des aliments d’abeille. Parfois, cela doit
aux besoins et demandes spécifiques soit suffisante pour le labourage et le s’accompagner d’une amélioration de
des agriculteurs pratiquant l’irrigation paillage afin de conserver l’humidité la gestion de la sylviculture locale.

31
de crue. Le paquet technologique de du sol après irrigation. Enfin, une autre
technique consiste à envisager de • La lutte contre les espèces envahissan-
la révolution verte n’est pas applicable.
concentrer les débits vers un périmètre tes. Dans les zones de crue au Soudan
Pendant longtemps, l’attention portée à
irrigué, relativement compact, afin et au Yémen, une plante envahissante
l’irrigation de crue s’est plutôt focalisée
d’augmenter les possibilités d’irrigation a bloqué les lits des rivières et a pous-
sur les améliorations des travaux de
de la terre. C’est pourquoi il est sé le long des canaux. Des moyens no-
génie civil. Dans bien des cas, elles ont
moins risqué pour les agriculteurs de vateurs de réutilisation de cette plante
perturbé l’équilibre et la viabilité du
préparer leurs terres avant l’irrigation. (pour le charbon de bois, par exemple)
système. Généralement, l’on a remplacé
Les périmètres irrigués plus compacts pourraient transformer ce problème en
un système ingénieux multifonctionnel,
augmentent également les chances ressource.
capable de gérer les fortes crues et les
charges de sédiments élevées par des d’une deuxième et d’une troisième • L’amélioration des installations d’eau
mécanismes de captage en béton. C’est irrigation en éloignant les cultures de la potable dans les zones de crue. Cel-
le modèle suivi dans ce que l’on a appelé «zone de stress», comme en Erythrée. les-ci sont souvent insuffisantes et peu
l’ère de la modernisation au Yémen et au • L’introduction de nouvelles cultures fiables, à l’instar des étangs ouverts
Pakistan. Le résultat a été l’augmentation (légumes, cucurbitacées, légumineuses, non protégés. Une série de mesures
du périmètre irrigué, l’émergence de graines oléagineuses). Ce qui est institutionnelles et techniques sont en
conflits liés aux droits sur l’eau (puisque commun dans une zone n’est pas place pour améliorer l’approvisionne-
de nombreux systèmes indépendants ont forcément populaire ailleurs. ment en eau potable.
été remplacés par une seule prise d’eau) • Le développement d’utilisation com-
• La meilleure exploitation des ressources
ou l’interférence avec le débit souterrain plémentaire des eaux souterraines et
sauvages. Dans la plupart des zones
alimentant les aquifères locaux. Par de crue, notamment par la promotion
irriguées, il existe une grande variété
ailleurs, l’on s’est rendu compte, après coup, de la recharge avec de petits ouvrages
de légumes sauvages, de plantes
que l’attention accordée à l’amélioration et des règles spéciales de répartition
fourragères et de champignons (y
de la déviation de l’eau des rivières de ces de l’eau. La combinaison des eaux de
compris les truffes). En fait, les graines
systèmes «  modernisés  » ne se justifiait crue et des eaux souterraines peut en-
de ces plantes sont recueillies des
pas dans certaines zones, car l’essentiel de tretenir les systèmes de production, qui
cours d’eau et sont déversées durant
l’eau était de toute façon détournée des sont parmi les plus productifs partout.
les inondations dans des conditions
lits de rivières à sec.
d’humidité favorables à leur pousse.
Frank van Steenbergen et Abraham Haile Mehari.
Ces petits plus qui font la • L’investissement dans la technologie Spate Irrigation Network, Paardskerkhofweg 14, 5223
post-récolte (nettoyage des graines AJ, ‘s-Hertogenbosch, the Netherlands.
différence et amélioration du stockage) qui, au E-mail : fvansteenbergen@metameta.nl ; ahaile@
Pakistan, par exemple, a réduit les metameta.nl ; http://www.spate-irrigation.org
Au-delà des travaux de déviation, plusieurs
autres moyens d’améliorer l’irrigation de pertes de semences qui sont passées
crue existent  : ce sont de petits plus qui de 7 % à 0%.
font la différence. Ce sont des activités • L’amélioration de la productivité de
supplémentaires qui optimisent l’irrigation l’élevage. Il s’agit notamment de l’accès
de crue, entre autres, il s’agit de : amélioré à l’alimentation du bétail, aux
points d’eau et aux services vétérinaires
Pour préserver les systèmes agricoles
traditionnels : maux et remèdes paysans
Frank van Schoubroeck, Luohui Liang et Arend-Jan van Bodegom

L
e monde est plein de systèmes agricoles derniser pour survivre au 21ème siècle. Les mine ces questions brûlantes. En Chine, par
ingénieux dans des endroits inattendus. auteurs du présent article ont participé aux exemple, les agriculteurs ont commencé
Sur les versants abrupts des montagnes, travaux de planification de la conservation à vendre du poisson salé-séché, mais ils
des rizières en terrasses et des systèmes de certains systèmes agricoles traditionnels. n’ont pas pu satisfaire la demande. La niche
d’irrigation sont développés. Au Sahara, les Des expériences sur le terrain ont montré existe bel et bien, l’espace nécessaire pour
agriculteurs utilisent chaque goutte d’eau deux points importants : le développement de cette activité aussi.
pour cultiver des espèces rares de dattes et 1- Sur le terrain, les populations sont pas- Toutefois, les agriculteurs n’y avaient pas
d’abricots. Les agriculteurs latino-américains sionnées par la conservation et le déve- tellement accès.
cultivent plus d’une centaine de variétés loppement des systèmes traditionnels, de
de pommes de terre. Dans chaque pays, il nombreuses organisations ont commencé Des partenaires pour relever
existe des zones où des générations d’agri-
culteurs ont exploité les possibilités locales
à mener par leurs propres moyens des ac- les défis
tivités jugées pertinentes.
pour développer des systèmes agricoles du- Les agriculteurs peuvent rarement résoudre
rables. Ces écosystèmes agricoles ont tou- 2- Aucun outil de planification n’est dispo- ce genre de problèmes tous seuls. Il leur
jours émergé dans une perspective d’adap- nible pour aider les organisations à coor- faut un soutien tel que la reconnaissance,
tation au milieu avec le risque de disparaître donner ces initiatives  ; cela a conduit à le renforcement des capacités, des droits
ensuite face aux évolutions technologiques leur échec. Il est arrivé que les outils pro- accrus ou l’application de la loi. Les
et politiques. posés (tels que le cadre logique) créent la personnes de l’extérieur ne peuvent pas
confusion et refroidissent l’enthousiasme. dire aux agriculteurs ce qu’ils doivent faire ;
Des études internationales ont démontré les
Ainsi, malgré l’objectif largement partagé mais elles peuvent créer les conditions leur
32 menaces qui pèsent sur le développement
et l’existence de ces nombreux systèmes
traditionnels. D’une part, les politiques gou-
de la conservation des systèmes agricoles,
il n’est pas possible de lier les initiatives des
permettant de développer leurs systèmes.
En Chine par exemple, les agriculteurs
vernementales, orientées vers la fourniture différentes organisations afin de rationali- auraient pu créer le label “poisson élevé
des centres urbains en produits alimentaires ser les concepts, politiques, droits, services et fumé à la traditionnelle” – mais seuls,
bon marché avec des subventions et autres d’appui et activités économiques de déve- ils ne pouvaient pas mettre en oeuvre un
règlementations, constituent un frein. En ef- loppement. système garantissant aux clients un produit
fet, la dimension conservation du sol et de conforme à ce label. Pour cela, il leur fallait
la biodiversité, souvent prédominante dans Défis des systèmes agricoles une organisation extérieure. Les partenaires
les systèmes agricoles plus anciens, n’est ne peuvent pas en même temps rendre
Les agriculteurs ont souligné quelques diffi- visite à des agriculteurs sur le terrain pour
pas bien reconnue, encore moins rémuné-
cultés ou opportunités que nous qualifions constater le problème de leurs propres
rée. D’autre part, la recherche agricole est
«d’urgentes» ou d’actualité. Ce sont souvent yeux. A travers des ateliers, les agriculteurs
soutenue à plus de 90 % par des sociétés
des questions-clés qui se posent en plein peuvent définir les rôles des partenaires
commerciales dont l’objectif est de vendre
processus de production. Il faut y répondre et les mécanismes de coordination. Leurs
des produits agrochimiques et des semen-
pour accroître la performance de l’activité et points de vue peuvent être divergents mais
ces aux agriculteurs et aux gouvernements ;
parfois même, il y va de sa durabilité. Cela cependant ils peuvent travailler ensemble
même la recherche publique appuie souvent
inspire souvent des innovations locales. Ce autour d’une problématique qui présente un
cette position. Les agriculteurs se retrouvent
qui fait dire que le paysan innove souvent intérêt pour le système agricole.
ainsi face à de nombreuses difficultés pour tirer
lorsqu’il est dos au mur. Le contexte déter-
un revenu décent des systèmes tradition-
nels : leurs enfants migrent vers les villes où
ils n’ont pas de droits (fonciers surtout) leur
permettant de poursuivre le développement
de systèmes agricoles ingénieux.

Initiatives de conservation
Photo: Frank van Schoubroeck

des systèmes agricoles


Comment conserver ces systèmes agricoles ?
Certaines organisations mondiales insistent
sur l’importance de la conservation des sys-
tèmes agricoles traditionnels. L’UNESCO a
un programme de conservation du paysage
culturel et la FAO, suite au lancement de son
programme «  Systèmes ingénieux du Pa-
trimoine agricole mondial (SIPAM) », en a
répertorié 200 dans le monde. La FAO a dé-
veloppé l’idée d’une «  conservation dyna-
mique » des systèmes : ils doivent se mo- Le système traditionnel de l'oasis Gafsa comporte trois strates de cultures : des palmiers de 50 à 100 ans
d'âge, des arbres fruitiers de 5 à 10 ans d'âge et des cultures annuelles
La gouvernance
Groupe : Chercheurs internationaux Organisation : Ministère de l’Agriculture
Tâche : Définir le concept des Tâche : Politique de soutien au mode de faire-valoir
systèmes agricoles ingénieux des ouvriers agricoles

Organisation : FAO
Tâche : reconnaissance internationale des Organisation : Administration locale
systèmes agricoles ingénieux Tâche : Application des droits de tenure des ouvriers

Plateforme : Coordination entre administrations locale et nationale, ouvriers, propriétaires


Tâche : Coordonner les modes de faire-valoir

Organisation : Propriétaires vivant hors de la région


Tâche : Mettre au point les relations de travail avec les ouvriers

Question brûlante :
Sécuriser l'accès à la terre en faveur des ouvriers agricoles

Groupe : Ouvriers agricoles


Objectif : Utilisation et élaboration d'un système de culture à
strates multiples

But :
mise en place d’un système d'oasis viable et dynamique

Ce diagramme représente un mécanisme de gestion du défi que constitue « l'accès des ouvriers agricoles migrants à la terre ». Les conditions en rouge et
orange restent à remplir ; les conditions en vert sont bien en place. La plateforme au milieu doit être créée.

Par exemple, nous avons visité l’oasis de Gafsa effectuent des tâches qui constituent pour Les questions intéressant les personnes exté-
dans le centre-ouest de la Tunisie en notre d’autres des conditions préalables pour jouer rieures tournaient autour de la “réduction de
qualité de planificateurs de programme. pleinement leur rôle dans le système. Il faut la pauvreté”, de la “préservation de la biodi-
Nous y avons vu une parfaite illustration de noter que cette carte n’est jamais définitive. versité” ou du “développement des marchés
l’effondrement d’un système agricole tradi-
tionnel (voir Encadré).
Tout en travaillant sur la question, vous
trouverez que certaines conditions sont déjà
à créneaux”. Elles se chevauchaient en partie
avec des problématiques identifiées locale- 33
Cette visite des planificateurs de programme remplies (aussi, peuvent-elles être rayées de ment, mais, pour leur prise en charge, elles
à l’oasis et les entretiens avec les agriculteurs la carte), alors que d’autres sont nécessaires partaient de considérations très différentes.
et autorités ont révélé quelques questions (et doivent donc être ajoutées). La carte est Nous avons appelé cette méthode de
brûlantes : la nappe phréatique est en baisse, un outil permettant de réaliser la coopération planification le « cadre gestion-résultat » (ou
les ouvriers agricoles n’ont que des contrats entre des organisations pour un objectif « cadre GO »). Ce cadre peut être utile à la
saisonniers, les populations construisent illé- commun (dans ce cas ci le développement structuration des processus multilatéraux. On
galement des maisons, les déchets urbains de l’oasis). a fait appel à cet outil, entre autres, dans
sont entassés, l’oasis pourrait servir de parc la recherche-action au Cameroun et dans
à la ville, les produits de l’oasis peuvent être Utilisation du cadre GO l’évaluation du rôle des ONG militantes en
mieux commercialisés. Au sein même de Au cours d’un atelier tenu à Gafsa avec la Indonésie. Davantage d’expérimentation sera
l’oasis, certaines personnes ont fait pression participation de plusieurs organisations, nécessaire pour changer et adapter la méthode
sur nous : « veillez, s’il vous plait, à ce que les partenaires ont d’abord exprimé leur afin de s’assurer qu’elle aide effectivement les
les constructions illégales soient arrêtées ! » frustration eu égard à la dégradation de parties prenantes à souscrire en commun au
ou « nous ne pouvons rien améliorer si nous l’oasis. Il a fallu quelques efforts pour travail des agences gouvernementales et des
ne disposons pas d’une quantité d’eau plus renverser la tendance et examiner les défis ONG, ainsi qu’aux pratiques des agriculteurs.
importante ». Tout cela montre que ces ques- structurels à prendre en charge et réfléchir
tions sont, bien entendu, centrales et que le fait Frank Van Schoubroeck. Analyste Politique, ILEIA, P.O.
sur les mécanismes de leur gestion. Au bout Box 2067, 3800 CB Amersfoort, the Netherlands.
d’en régler quelques-unes aiderait à relancer le d’une journée environ, les parties prenantes E-mail : f.van.schoubroeck@ileia.nl
système. ont établi la liste des organisations clés et Luohui Liang. Chercheur, United Nations University,
Une des questions qui se posent aussi est les tâches qu’il leur fallait remplir pour 55370–53–70 Jingumae, Shibuya-ku, Tokyo 150-8925,
que les travailleurs migrants n’ont pas des permettre à d’autres partenaires d’entretenir Japan.
E-mail : luohui.liang@gmail.com
droits à long terme à la terre. Peu de mesures le système agricole. En ce qui concerne
Arend-Jan van Bodegom. Expert en gouvernance
incitatives les poussent en effet à s’investir certaines activités, aucune aide extérieure n’a
forestière, Wageningen International, P.O. Box 88, 6700 AB
dans les palmiers (dont le cycle est de 50 à été nécessaire : la plupart des organisations Wageningen, the Netherlands.
100 ans) et les arbres fruitiers (5 à 10 ans). avaient leurs propres mandat et budget. La E-mail : arendjan.vanbodegom@wur.nl
C’est pourquoi ils ne s’intéressent pas aux coordination entre organisations, par contre,
nécessitait des fonds supplémentaires. A la Références
arbres et plantent des cultures annuelles.
-Wageningen International, 2006. Portal for multi-stake-
Il était peu probable qu’un “programme de fin de l’atelier, certaines d’entre elles se sont
holder processes: http://portals.wi.wur.nl/msp
sensibilisation” émanant du Département donné la main pour commencer à nettoyer
-McIntyre, B., H. Herren, J. Wakhungu et R. Watson
de l’Agriculture puisse aider les ouvriers l’oasis et réaliser les émissions radio destinées (eds.), 2009. Agriculture at a crossroads: The global
agricoles à entretenir les arbres. Il leur fallait à la sensibilisation des populations. report. (L’Agriculture à la croisée des chemins : Rap-
plutôt un accès à long terme à la terre et les port mondial) International Assessment of Agricul-
Nous nous sommes rendu compte que les tural Knowledge, Science, and Technology (IAASTD).
propriétaires fonciers avaient peur de perdre organisations à la base qui élaborent un (Evaluation internationale des connaissances, de la
leurs droits fonciers. Le diagramme ci-dessous programme autour des défis structurels ont science et de la technologie agricoles) Island Press,
montre un mécanisme de gouvernance visant le même but mais visent des objectifs diffé-
1718 Connecticut Avenue, NW, Suite 300, Washington,
à régler la question. Différentes organisations DC 20009, U.S.A.
rents de ceux du donateur ou du ministère.
SITE S W EB
Diversification agricole, production et les agricultures du monde, et identifier dans la lutte contre la pauvreté. Les sa-
commercialisation d’autres cultures les questions prioritaires de recherche voirs-faire locaux endogènes liés au sys-
http://www.fao.org/docrep/004/ posées au Cirad et à l’Inra et, au-delà, à tème de production existent mais ne sont
x0530f/x0530f06.htm la recherche agronomique internationale pas encore rénovées. La production y est
tout entière. Le défi de l’alimentation né- diversifiée : les légumes-feuilles, les condi-
Après l’indépendance, les pays d’Afrique de cessite de comprendre et d’anticiper. Il ments, la floriculture et d’autres cultures
l’Ouest ont défini des politiques agricoles requiert d’engager la recherche à travers vivrières très appréciées par les citadins
orientées vers la promotion des filières d’ex- des priorités débattues. sont pratiquées dans ces milieux durant
portation (palmier à huile, café, cacao, coton, toute l’année.
arachide, etc.) mises en place à l’époque Intégration horticulture ‑ élevage dans
coloniale afin d’assurer au pays des rentrées les systèmes agricoles urbains de la Les pratiques agroforestières appli-
de devises. Dans un commerce libéralisé, il zone des Niayes (Sénégal) quées aux espèces de cactus en milieu
n’existe plus d’acheteurs officiels ou de sub- Safiétou Touré Fall, Abdou Salam Fall, Ibra- aride
ventions de l’État aux cultures vivrières. En re- hima Cissé, Aminata Badiane, Cheikh Alas- http://knowledge.cta.int/fr/Dossiers/
vanche, les cultures d’exportation continuent sane Fall et Maty Ba Diao CTA-et-S-T/Developpements/Les-pratiques-
à bénéficier d’un système de crédit et d’appro- agroforestieres-appliquees-aux-especes-de-
visionnement en intrants agricoles adéquat; http://apad.revues.org/docu- cactus-en-milieu-aride
en outre, les producteurs de coton, de café ment444.html
Les zones arides d’Éthiopie, qui consti-
ou de banane sont sûrs d’avoir toujours un Cet article décrit la diversité biologique et tuent environ 60 % de la superficie des
client grâce aux grands offices parapublics qui la pluralité du système de production des terres du pays, sont caractérisées par un
gèrent ces cultures d’exportation. Les paysans Niayes. Il y est noté que cette diversité couvert végétal dégradé, probablement
ont donc tendance à négliger, dans beaucoup biologique n’est pas mise à profit pour en raison de la culture intensive et du
de régions, les cultures vivrières au profit du améliorer les performances du système surpâturage. Ces zones présentent une
coton ou du café par exemple. Pour appré- de production, les acteurs n’intègrent pas évapotranspiration élevée qui excède
hender la notion de diversification agricole suffisamment les activités agricoles et les précipitations. Dans ce type d’envi-

34 au plan de l’économie nationale, il convient


de se situer au niveau de l’organisation des
filières des différents produits. En effet, cette
pastorales, peu de producteurs donnent
une égale importance à l’élevage com-
parativement à l’horticulture, les potenti-
ronnement, les moyens de subsistance
dépendent des capacités de résilience
pour faire face aux incertitudes liées aux
notion prend en compte tous les aspects as- alités qu’offre le recyclage des différents précipitations. Sachant que l’incapacité
sociés à l’organisation et au bon fonctionne- éléments nutritifs de l’horticulture vers d’identifier de telles cultures a souvent
ment d’une filière agricole, à savoir l’efficacité l’élevage justifient le développement de abouti à des pénuries alimentaires,
des systèmes de production, les conditions technologies dans ce sens. l’identification d’espèces végétales adap-
d’approvisionnement en intrants agricoles, la tées, susceptibles de proliférer, d’assurer
commercialisation et le financement. des productions et de contribuer à l’adop-
Slow Food et la FAO au chevet de tion de meilleures pratiques agricoles
Pourquoi une prospective Cirad-Inra
l’agriculture africaine viendrait renforcer cette résilience.
sur les systèmes agricoles et alimen-
taires mondiaux à l’horizon 2050 ? http://www.geo.fr/environnement/ Tematea
actualite-durable/slow-food-et-la-
www.inra.fr/content/ http://www.tematea.org/
fao-au-chevet-de-l-agriculture-africai-
download/13295/165010/ french/?q=node/1
ne-19380
version/1/file/Cirad-Inra-Agrimonde-
FR.pdf Le mouvement écogastronomique italien Ce site contient une série de modules
Slow Food a créé en 2003 sa fondation thématiques pour une application co-
Les récentes « émeutes de la faim » nous hérente des conventions sur la diversité
pour la protection de la biodiversité des
le rappellent de façon dramatique : l’ali- biologique.
cultures et des traditions alimentaires
mentation et l’agriculture sont un enjeu
dans le monde. L’accord de coopération Afrique de l’Ouest : les paysans, créateurs
majeur de ce siècle. Au-delà de l’urgence
avec Slow Food s’inscrit dans le cadre du de biodiversité agricole
actuelle, l’agriculture mondiale doit rele-
plan pour la sécurité alimentaire de la
ver un triple défi : celui de la croissance http://www.cirad.fr/fr/actualite/
FAO, financé par la Coopération italienne
démographique - nous serons 9 milliards communique.php?id=707
au développement pour un total d’environ
en 2050 - et de la sécurité alimentaire en
20 millions de dollars. Agriculture et Entretien avec Didier Bazile, chercheur au
quantité et qualité, celui de la protection
sécurité alimentaire seront les deux Cirad et organisateur du colloque interna-
de l’environnement et des ressources
priorités de l’Italie, qui doit prendre la tional, organisé par le Cirad, l’Icrisat, l’IER,
naturelles, et celui de la raréfaction des
présidence tournante du G8 en 2009. l’Inera et l’AOPP au Mali, du 15 au 18 mai
énergies fossiles. Dans cette perspective,
Mise en valeur des bas-fonds à Yaoundé: 2007 qui révèle le rôle joué par ces pay-
nous avons pris l’initiative, au début de
système de production, savoir-faire tradi- sans dans la conservation des ressources
l’année 2006, de développer une capaci-
tionnel et potentialités d’une agriculture génétiques des plantes alimentaires.
té d’analyse des équilibres possibles des
urbaine et périurbaine en développement
systèmes alimentaires et agricoles mon-
diaux à l’horizon 2050. Le présent docu- http://www.agricultures-urbaines.
ment résume quelques résultats de cette com/IMG/Nguegang.pdf
prospective « Agrimonde ». Notre objectif Cet article montre les enjeux et potentia-
est double : doter nos deux organismes, lités de l’agriculture urbaine et périurbaine
et plus généralement notre pays, d’un dans trois bas-fonds de la ville de Yaoundé
outil de réflexion sur les alimentations et
BIBLIOGRAPHIE
Exploitations agricoles familiales Typologies des exploitations de façon empirique par des villageois. En
en Afrique de l’Ouest et du Cen- agricoles dans les savanes d’Afri- effet, les tourteaux étaient jetés comme des
tre : enjeux, caractéristiques et que centrale : Un regard sur les ordures dans les alentours des villages. En
ayant constaté que les champs cultivés aux
éléments de gestion méthodes utilisées et leur utilité endroits portant ces « ordures » produisaient
Sous la coordination de Mohamed pour la recherche et le dévelop- mieux que les autres champs, des initiatives
Gafsi, Patrick Dugué,, Jean-Yves Jamin, pement timides d’utilisation de ces tourteaux comme
Jacques Brossier. Publié avec le soutien engrais ont été prises.
Emmanuel MBETID-BESSANE, Michel Les producteurs affirment que les rendements
du CTA. Édition : Quæ. Collection :
HAVARD, Patrice DJAMEN NANA, André des champs de maïs ou de coton obtenus
Synthèses. ISBN : 978-2-7592-0068-9
DJONNEWA, Koye DJONDANG, Jean avec le tchotchokpo sont parfois équivalents
2007. Prix TTC : 36 €
LEROY à ceux obtenus avec les engrais minéraux.
hal.archives-ouvertes.fr/ De plus, ils ont observé que certains
docs/00/14/08/23/PDF/T408Mbetid. organismes vivants du sol tels que les vers
pdf de terre, les mille pattes, les termites et
La prise en compte de la diversité des certaines fourmis sont plus présents sur
situations agricoles est primordiale pour la les sols qui ont reçu le tchotchokpo, que
réussite des opérations de recherche et de ceux qui ont reçu des engrais minéraux.
développement rural. En zone cotonnière du Le tchotchokpo contribue à une meilleure
Cameroun, du Tchad et de la Centrafrique, conservation des ressources biologiques du
l’intérêt croissant accordé par la recherche sol. Il est actuellement fortement sollicité
et le développement agricole aux typologies dans la culture du cotonnier et sa promotion
d’exploitations nécessite de porter un est assurée par l’Organisation Béninoise
regard analytique sur les approches pour la promotion de l’Agriculture Biologique
méthodologiques et la valorisation des (OBEPAB).

35
différentes typologies réalisées. Celles-ci
sont de deux ordres : i) les typologies de Nouvelle Approche de Développe-
structure, véritables photographies, elles ment Rural en Afrique Noire. La
ont pour objectif essentiel la caractérisation Gestion des Terroirs par les Com-
En un demi-siècle, les agricultures africai-
de la diversité des situations rencontrées, munautés Rurales au Togo.
nes ont évolué très rapidement, passant de
offrant ainsi un cadre pour des analyses
l’autosubsistance familiale à l’intégration aux http://recherche.univparis8.fr/media/
sur des ensembles homogènes ; ii) les
marchés. Les exploitations familiales d’Afri-
typologies de fonctionnement s’attachent à pdf/THES2548_RESUME%20DE%20
que subsaharienne, qui jouent un rôle essen-
l’étude des processus. Elles se veulent plus LA%20THESE%20DE%20DOCTORAT.rtf
tiel pour l’alimentation et les produits d’ex-
opérationnelles et servent d’outils d’analyse Dans la plupart des pays d’Afrique noire,
portation, sont pénalisées par l’accès limité
pour la définition et l’exécution des actions les systèmes agricoles ont connu une grave
à certains facteurs de production (intrants et
de recherche et de développement. Qu’elles crise ces dernières années: augmentation
équipement) et par la concurrence liée à la
soient empiriques ou construites, les de la population, systèmes économiques
mondialisation et aux politiques agricoles
démarches d’élaboration des typologies, perturbés au niveau national et international,
des pays du Nord. Néanmoins, la demande
une fois mieux maîtrisées, devraient changements climatiques. Ces difficultés
alimentaire des villes africaines constitue
permettre une utilisation plus pertinente ont accentué la nécessité de considérer la
une opportunité pour les agriculteurs et les
des typologies qui pourront ainsi garder gestion des terroirs comme un ensemble
éleveurs. Pour être en phase avec ces chan-
toute leur plénitude d’outil de connaissance, qui n’est pas limité à la seule production
gements, la recherche et le développement
d’aide à la décision et de développement. mais doit inclure les aspects socio-culturels
ont renouvelé leurs approches en termes
de compréhension et de conseil aux exploi- et la préservation des ressources naturelles.
tations agricoles. S’appuyant sur des expé- Depuis les grandes sécheresses qui ont
Cultivant la Diversité - Afrique de
riences récentes en Afrique de l’Ouest et perturbé les systèmes de production
l’Ouest : Pratiques agricoles tradi- traditionnels, les projets de développement
du Centre, cette synthèse pluridisciplinaire
propose un ensemble de méthodes d’ana-
tionnelles utilisables en agricul- rural classiques ont montré leurs limites
lyse des exploitations, ainsi que des démar- ture biologique en Afrique subsaharienne. Il a fallu trouver
ches de conseil ; des travaux théoriques et d’autres solutions, dont l’approche “ gestion
Organisation Béninoise pour la Promo-
méthodologiques alternent avec des études du terroir ‘’. L’approche gestion du terroir
tion de l’Agriculture biologique, OBE- telle que proposée privilégie des mesures,
de cas. Quatre thèmes sont traités : fonc- PAB Bénin, Village: Dan Setto / Région
tionnement de l’exploitation agricole fami- des actions, des initiatives, décidées par
d’Abomey, Département du Zou les villageois avec les conseils d’experts,
liale et son environnement ; évolution des
systèmes de production (diversité, méca- http://www.grain.org/gd/fr/related- afin d’améliorer le potentiel agricole et de
nismes) ; méthodes et pratiques de gestion docs.cfm diversifier les activités. Les décisions ne
(stratégie, production, ressources humaines La plupart des terres de Dan Setto ont cherchent pas seulement une intensification
et naturelles, trésorerie) ; appui aux produc- été épuisées après de longues années de la production, mais aussi et surtout la
teurs (innovation, recherche-action, conseil d’exploitation. Les producteurs de Gnizoumey durabilité des ressources. L’ensemble des
à l’exploitation). situent l’utilisation de tchotchokpo en mesures ne concerne plus un exploitant
agriculture au début des années 1980, sur ou un groupe d’exploitants, mais le `` terroir
le plateau de terre de barre d’Abomey. A ‘’ tout entier, c’est - à - dire le village et
cette période, l’utilisation du tchotchokpo l’ensemble des terres qui l’entourent et qui
comme engrais minéral a été découverte servent à nourrir les habitants.
BIBLIOGRAPHIE
La jachère en Afrique recyclage des déchets et effluents des villes du « Sud « ont continuellement modifié
dans l’agriculture urbaine. leurs systèmes de production agricole
tropicale, l’apport en sciences de façon à pouvoir mettre durablement à
sociales L’Afrique : un continent en réserve profit les caractéristiques propres de leurs
de développement environnements respectifs. Il en a presque
Jean-Pierre Guengant, Christian Sei-
gnobos, François Sodter ISBN : 2-296- Sylvie Brunel ; Editions Bréal, ISBN : toujours résulté des techniques et des savoir-
01568-9 • novembre 2006 • 160 pages 2-84291-866-5, décembre 2003 : Prix : faire adaptés à la diversité des écosystèmes.
11217 FCFA Loin d’être sans fondement, des pratiques
tels que l’association simultanée de
Cet ouvrage cou- L’Afrique est-elle en crise ou en faillite ? Quelles
sont les véritables causes de ses difficultés ? La
plusieurs cultures dans un même champ ;
vre la totalité des
traite, la colonisation, les politiques adoptées le nomadisme pastoral et le repiquage de
i n ve s t i g a t i o n s
par les pays africains eux-mêmes, la mondia- plantules en rizières, apparaissent finalement
scientifiques
lisation ? Le continent peut-il se développer bien rationnelles. Et l’erreur serait de croire
que la jachère
et à quelles conditions ? Telles sont les ques- que le développement de l’agriculture dans
en Afrique tro-
tions que traite cet ouvrage de synthèse sur les divers Tiers mondes devrait désormais
picale requiert
de la part des un continent trop souvent enfermé dans des suivre inévitablement la voie tracée
sciences sociales. clichés. jusqu’alors par les exploitants des pays du
L’agriculture «tra- Avec L’Afrique, conçu autant pour les étu- « Nord « : celle d’une chimisation et d’une
ditionnelle» afri- diants, les enseignants et futurs enseignants moto-mécanisation sans cesse accrues.
caine reste en- (programmes du CAPES et de l’agrégation) Mais le drame est que dans le contexte
core largement que pour répondre aux interrogations du actuel de la mondialisation croissante des
fondée sur les grand public, l’auteur dresse un bilan ma- échanges, les paysans du « Sud « dont
pratiques cultu- gistral des principales problématiques liées
l’outillage reste encore manuel ne peuvent
rales et culturelles issues de l’agriculture à l’Afrique, en soulignant les mutations pro-
aujourd’hui résister à la concurrence des
itinérante sur brûlis. Mais la modernisation fondes que traverse aujourd’hui ce continent,
exploitants agricoles des pays du « Nord
et la mondialisation contribuent à provoquer dans ses sociétés comme dans ses territoires.
« dont les systèmes de production sont
36 un changement des systèmes de production.
La jachère s’est révélée une entrée particu-
Confrontée à de multiples risques et montrant
pourtant de remarquables capacités d’adapta-
tion et de résilience, l’Afrique est aujourd’hui
hautement motorisés et tributaires de
l’emploi d’engrais chimiques. Les paysans
lièrement pertinente à l’étude des questions
un continent en réserve de développement. les moins compétitifs ne peuvent donc
agricoles et agraires, stratégiques pour l’Afri-
plus guère disposer de revenus suffisants
que au Sud du Sahara.
pour nourrir correctement leurs familles,
Agricultures Et Paysanneries Des équiper davantage leurs exploitations et
Développement durable de Tiers Mondes développer de nouveaux systèmes de
l’agriculture urbaine en Afrique Marc Dufumier, édition Karthala, Collec- culture et d’élevage, tout en renouvelant
francophone: enjeux, concepts et tion : Hommes et Sociétés, septembre durablement les potentialités productives de
2004 leurs environnements. Nombreux sont alors
méthode les paysans condamnés à l’exode rural ou
Contrairement aux départs clandestins vers l’étranger, sans
O. B. Smith, Paule Moustier, CIRAD (Or- à une idée trop
ganization), International Development que des emplois ne puissent néanmoins
souvent répan- leur être préalablement assurés.
Research Centre (Canada) Collaborateur due, les systè-
O. B. Smith Editions Quae, 2004, ISBN mes de culture
2876145510, 9782876145511, 176 Incidence des systèmes agricoles
et d’élevage
pages et du développement rural sur les
mis en œuvre
aujourd’hui par forêts du Nigeria
Après une présen- les paysanne- http://www.unu.edu/unupress/
tation des caracté- ries du « Sud unupbooks/80467f/80467F09.htm
ristiques de l’agri- « ne sont ni « L’agriculture reste le mode d’existence prédo-
culture urbaine, archaïques «, ni minant au Nigeria en dépit de la croissance
l’ouvrage analyse condamnés à rapide des zones urbaines et de l’élargisse-
ses fonctions, ses l’immobilisme. ment de l’écart entre villes et campagnes en
impacts et ses fac- Cet ouvrage vise précisément à présenter ce qui concerne les revenus et les services.
teurs d’évolution. et expliquer la diversité des conditions et Les différents types d’exploitations agricoles
Puis il s’intéresse modalités de transformation de l’agriculture traditionnelles sont commentés. Le proces-
à sa place dans dans les pays d’Afrique, d’Asie et d’Améri- sus d’intensification de l’agriculture, depuis la
la planification ur- que latine. Il s’attache à montrer comment culture itinérante jusqu’à l’agriculture séden-
baine en préconi- les différentes agricultures pratiquées de nos taire du sud-ouest du Nigeria, est décrit, l’ac-
sant des métho- jours sont chacune le produit d’une longue cent étant mis particulièrement sur les espè-
des participatives mieux à même d’intégrer histoire, au cours de laquelle les paysans ces ligneuses et pérennes des clos familiaux.
cette agriculture dans la stratégie de déve- ont fait montre d’une grande capacité de D’autres formes possibles telles que l’horticul-
loppement socio-économique local. Il traite création et d’innovation, dans des environ- ture spécialisée et l’élevage sont brièvement
ensuite des filières maraîchères et animales examinées du point de vue de leur incidence
nements écologiques et socio-économiques
pour lesquelles il propose des démarches de sur la forêt dense tropicale. Des recomman-
relativement hostiles.
diagnostic et d’intervention spécifiques. Enfin, dations sont ensuite formulées concernant le
il examine les modalités et les techniques de De génération en génération, les paysanneries cours futur du développement agricole.
infos
Interview
Ndiogou Fall
Le Réseau des organisations des producteurs et des paysans de l’Afrique de l’Ouest
(ROPPA) a été fondé en juillet 2000 lors d’une rencontre à Cotonou qui a rassemblé
une centaine de responsables paysans mandatés par leurs organisations. Il regroupe des
organisations ou «cadres de concertation» de 10 pays d’Afrique de l’Ouest (Bénin, Burkina
Faso, Côte d’Ivoire, Gambie, Guinée, Guinée-Bissau, Mali, Niger, Sénégal, Togo).

Propos recueillis par Mohamed Guèye

Quelle est la pertinence de parler être une des solutions de réduction de


aujourd’hui de suffisance alimen- la dépendance. Car, ce dont nous avons
taire, au lieu de l’autosuffisance été victimes, pour le résumer de la façon
alimentaire, qui a longtemps été la plus simple, c’était une dépendance
le discours dominant ?
C’est une question qui est au centre
alimentaire telle qu'on pouvait nous
affamer à tout moment. Donc, pour lutter
contre cette dépendance alimentaire, on
du continent dans son ensemble, pour
réduire la dépendance alimentaire.
37
des discussions de l’actualité mondiale
doit forcément valoriser tous les produits
et cela depuis que la crise a frappé Depuis l’année dernière, on a
alimentaires dont nous disposons. Le
durement presque toutes les régions lancé au Sénégal, un programme
mil, nos feuilles, nos racines, constituent
sous-développées du monde. Ce qui d’accroissement de la production
un potentiel alimentaire insuffisamment
est apparu, c’est que les politiques, qui alimentaire. Pensez-vous que les
exploité, et je pense qu’il reste un important
ont favorisé l’approvisionnement en politiques du Sénégal sont de
travail à faire à ce niveau. L’autre question
denrées alimentaires à partir des marchés nature à donner des bons résultats
est que l’autosuffisance alimentaire ne
mondiaux, ont démontré leurs limites. à long terme ?
doit pas être confondue avec l’autarcie
Parce que des spéculateurs ont manipulé
alimentaire. Le Sénégal, ni l’Afrique, Il faut reconnaître que l’initiative est bon-
le marché mondial, au point d’affamer des
d’ailleurs, aucune région du monde, ne ne. Nous avons toujours demandé des
communautés, et des peuples. Cela, bien
peut se limiter à ne consommer que les politiques de ce type. Cependant, assurer
entendu, a eu pour conséquence, que les
produits de son terroir. Nous voulons l’autosuffisance alimentaire ne peut pas
gens se disent qu’il est normal que l’on
tout simplement dire que nous avons toujours se faire uniquement à travers
revienne à des politiques d’autosuffisance
un important potentiel rizicole, millicole, une politique de production. Pour garantir
alimentaire, pour se prémunir contre
nos feuilles, nos racines qui, si nous les la réussite, il faut qu’on assure également,
des comportements de ce genre, parce
développons, nous permettra de couvrir une certaine interconnexion des politiques
que si la production mondiale a baissé
70 à 80% de nos besoins alimentaires  ; sectorielles. On ne peut envisager une
certes, la crise est due essentiellement
le reste, qui constitue des compléments bonne politique agricole, sans se pen-
à des spéculations. Pour une région
ou des préférences- on a envie de cher sur les politiques commerciales, sur
comme l’Afrique et pour des pays comme
manger des choses qui n’existent pas ici- les pratiques financières et de crédit, sur
le Sénégal, la pertinence est que nous
ce sont des choses qui vont continuer à les politiques d’aménagement d’infras-
avons un retard important, aussi bien en
exister, mais ne menacent pas l’équilibre tructures et de transport, etc. c’est là où
termes de surface qu’en termes de gap
intérieur. Un autre aspect pour montrer le programme sénégalais a des limites ;
de productivité. Ce retard est le fait d’un
que nous ne pouvons vivre en autarcie, si on veut vraiment arriver à l’autosuffi-
faible investissement dans le secteur mais
c’est que nous sommes dans une région, sance, il faut que l’on revoie et que l’on
nous avons le potentiel pour le rattraper
l’Afrique de l’Ouest, où, l’hypothèse corrige les dysfonctionnements dans tous
et créer les conditions pour assurer notre
d’une autosuffisance alimentaire ne peut les secteurs que je viens de citer, et dans
suffisance alimentaire.
s’envisager que dans le cadre de ce grand d’autres encore. Tout est lié. L’initiative est
ensemble. Il est préférable qu’on prenne bonne, mais en l’état actuel de son appli-
Il se pose aussi des questions de
les produits du Mali lorsque ce pays en a cation, elle ne peut nous mener bien loin,
modes d’alimentation. On nous
et nous en propose, et vice versa. On ne si l’on ne prend pas en charge les autres
reproche souvent de consommer
doit pas envisager la question en termes préoccupations.
des produits que nous ne parve-
d’un Sénégal renfermé, replié sur lui-
nons pas à produire et de négliger
même et pour assurer son autosuffisance
les produits du terroir…
alimentaire. Il faut profiter des complé-
La question de s’alimenter à partir de nos mentarités possibles avec les pays voisins
produits est importante. Cela me paraît de la région Afrique de l’Ouest, et même
AGENDA champs des riziculteurs tout en protégeant les services
environnementaux et en s’adaptant au changement
climatique. Le Congrès sera aussi l’occasion de discuter
des innovations institutionnelles, des politiques
et des investissements clés nécessaires en vue
d’accroître significativement la production rizicole en
Congrès du riz en Afrique 2010 : innovations et Afrique subsaharienne, de développer des filières riz
partenariats pour atteindre le potentiel rizicole compétitives et équitables, de réduire les importations
et d’améliorer le commerce régional. Le Congrès du
en Afrique, 22-26 mars 2010, Bamako, Mali riz en Afrique sera organisé par le Centre du riz pour
l’Afrique en collaboration avec l’Institut d’économie
http://www.warda.org/AfricaRiceCongress2010/
rurale du Mali et l’Institut international de recherche
indexfr.html
sur le riz (IRRI), sous le haut patronage des autorités
Le Congrès du riz en Afrique 2010 aura pour thème maliennes.
principal : Innovation et partenariats pour atteindre
le potentiel rizicole en Afrique. Le Congrès permettra Pour plus d’informations, vous pouvez contacter
de réunir les représentants de la recherche, de la
Rita Agboh-Noameshie
vulgarisation, des communautés paysannes, des
Coordinatrice, ARC2010
organisations de la société civile et ceux du secteur public
Centre du riz pour l’Afrique (ADRAO)
et du secteur privé engagés dans le développement
01 B.P. 2031, Cotonou, téléphone: (229) 21 350188,
du secteur rizicole en Afrique. Il permettra de faire le
Fax: (229) 21 350556
point des avancées de la science et de la technologie
E-mail: a.agboh-noameshie@cgiar.org
rizicoles qui visent à améliorer la productivité dans les

38

Suivi pour vous

Le Burkina Faso fête les paysans ! *

L
a Journée Nationale du Paysan s’est ont appris à apprécier les produits à base Le dernier jour, des échanges directs ont
tenue à Koudougou, les 12, 13 et de lait local. Notamment la femme du Pre- eu lieu entre les paysans et le Président
14 mars 2009, avec pour thème : « la mier Ministre qui est passée deux fois au du Faso. Dans son mot d’introduction, il a
diversification des productions agricoles ». stand. Elle a adoré le Gappal. insisté sur la nécessité de garantir la sou-
La foire agricole organisée pendant ces La foire a aussi donné aux paysans veraineté alimentaire du pays et d’assurer
trois jours a été un vrai succès. Les visi- l’occasion d’afficher leurs préoccupations. la sécurité alimentaire des populations.
teurs interrogés étaient unanimes pour Certains n’ont pas eu peur d’inventer un
dire « Les paysans burkinabè nous ont nouveau mot pour signaler que le manque * Ce texte est tiré d’un article de Maurice
montré qu’ils sont capables de produire de structures (notamment de chambre Oudet paru dans abc Burkina n°322, sous
tout ce dont nous avons besoin pour notre froide, de magasin de stockage) les oblige le titre « Les consommateurs urbains apprécient
de plus en plus les produits locaux ». Retrouvez
alimentation ! Si, en plus, on met en place trop souvent à « brader » leurs productions.
l’intégral de l’article sur le site http://www.
une bonne politique agricole, nous pour- La Confédération Paysanne du Faso a tenu, abcburkina.net
rons bientôt exporter ! ». elle, à présenter les messages suivants :
Le stand de « La laiterie du Boulkiemdé », « Pour garantir une sécurité et une
avec ses différents produits laitiers (Gappal souveraineté alimentaire au Burkina Faso,
– boisson à base de Yaourt et de farine de facilitons l’accès des producteurs aux
petit mil -, lait frais, yaourt, dégué, fromage intrants dans toutes les filières agricoles. »
frais et fromage frit) a eu beaucoup de succès. Ou encore « La Souveraineté alimentaire
Depuis la très forte augmentation du prix requiert l’accès des acteurs aux moyens de
de la poudre de lait, les consommateurs production. »
Suivi pour vous

Concertation pour une production et une


alimentation durables

39

L
a crise alimentaire qui affecte le monde d’Afrique. Il serait pour cela nécessaire, de portions inquiétantes. D’où un autre point
depuis environ deux ans, a servi de permettre aux petits paysans d’accéder à de convergence de tous les producteurs et
justification à une vidéoconférence la terre et aux financements. Tous considè- tous les acteurs : l’accès démocratique aux
au mois d’avril. Initiée par les députés du rent qu’une transformation industrielle ou ressources de la terre est non seulement
groupe des Verts du Parlement européen, semi-industrielle des produits alimentaires un droit, mais surtout une exigence.
elle a permis à des acteurs situés à du terroir est de nature à accroître la valeur La satisfaction de la demande des
Dakar, Bruxelles, Manille et Washington ajoutée de ces produits et de fournir des populations urbaines, en particulier les plus
d’échanger. revenus supplémentaires aux producteurs pauvres, pourrait facilement être réalisée
A Dakar, au siège de la Délégation de la locaux. Dans cette lutte pour la promotion en augmentant l’offre de l’agriculture
Commission européenne, étaient présents de l’agriculture familiale et des produits du familiale. Il a même été dit que les petites
le Conseil National de Coopération et terroir, les producteurs et les consomma- structures familiales de production agricole
de concertation des Ruraux (CNCR), les teurs africains ont reçu le soutien de leurs étaient plus à même de contribuer à la lutte
consommateurs représentés par l’Association collègues des pays du Nord. contre les changements climatiques en
des consommateurs du Sénégal (ASCOSEN), Le représentant de la Fédération Euro- facilitant la séquestration du carbone. Mais
la Société civile, représentée par le Réseau péenne des Producteurs de Lait a expliqué tout ceci se fait dans la reconnaissance du
Africain pour le Développement Intégré en quoi les petits producteurs d’Afrique et rôle de chacun. La nouvelle configuration
(RADI), le Réseau des Organisations de la d’Europe mènent le même combat pour mondiale demande plus de solidarité, née
Société civile pour la sécurité Alimentaire au leur survie. Selon lui, il existerait en Europe de la conscience que le sort de tous les
Sénégal (Rosa/Ifsn) et IED Afrique. Ndiogou un surplus de 5 à 10% de lait par rapport hommes, producteurs, consommateurs,
Fall du ROPPA a représenté les producteurs aux besoins. Cependant les aliments du décideurs, chercheurs,… est lié, quel
et paysans de l’Afrique de l’Ouest. bétail sont achetés dans les pays du Tiers- que soit leur continent. Et que permettre
Les partenaires ont réfléchi sur les marges monde à des prix très compétitifs. Ceci aux petits producteurs, en Afrique, en
de manœuvre dont disposent les acteurs permet de produire le lait à bon prix, mais Europe ou ailleurs dans le monde, de
pour la mise en place de ce que le leader implique aussi des prix catastrophiques vivre du fruit de leur travail, n’est pas une
paysan de l’Afrique de l’Ouest, M. Mamadou pour les producteurs. question de charité, mais de simple justice
Cissokho, qui participait aux débats, a ap- Les représentants des organisations amé- sociale. Il suffit que les règles et pratiques
pelé, «une agriculture dynamique, nour- ricaines présents à la vidéoconférence ont commerciales qui favorisent les grandes
ricière, respectueuse des écosystèmes, lâché un chiffre effarant  : 11% de la po- unités industrielles et les spéculateurs
créatrice d’emplois et de richesses». Néan- pulation des Etats-Unis d’Amérique vit en internationaux soient abolies.
moins, dans leurs réflexions, les participants situation d’insécurité alimentaire. Ce phé-
ont convenu que l’agriculture familiale est nomène a d’ailleurs fortement augmenté, Mohamed Guèye, journaliste rural
mohagueye@gmail.com
amplement capable de nourrir les pays ces dix derniers mois, atteignant des pro-
Suivi pour vous

Foire des produits biologiques et naturels


Du 8 au 12 avril 2009

Photo :FENAB
40

D
u 8 au 12 Avril, la Fédération Natio- Elle est ouverte à toutes les organisations avril. Cora Dankers de la FAO a présenté le
nale pour l’Agriculture Biologique de producteurs et organisations d’appui qui Projet d’Amélioration des Revenus et de la
(FENAB) a organisé à Thiès, au s’activent pour le développement de l’agri- Sécurité Alimentaire des Petits Producteurs
Sénégal, la quatrième édition de la Foire culture biologique au Sénégal. Sa mission par l’Exportation de Produits Tropicaux. Ce
des Produits Biologiques et Naturels. est de : projet est financé par le gouvernement
Financée par la FAO, cette foire est organisée yy Développer l’agriculture biologique tout allemand et mis en œuvre par la FAO.
chaque année. Elle vise à faire la promotion en défendant les intérêts des petits pro- Au Sénégal, il accompagne une initiative
des produits agricoles biologiques cultivés ducteurs ; d’exportation de la mangue biologique.
au Sénégal, leur transformation et leur Au Burkina Faso, le projet a appuyé la
yy Restaurer la fertilité des sols et l’équilibre certification commerce équitable de deux
commercialisation pour une émergence des écosystèmes ;
d’un véritable «Marché Bio». Elle est aussi groupements. Au Cameroun et au Ghana, il
l’occasion, pour la FENAB, de développer les yy Lutter contre la disparition de la biodiversité soutient l’exportation de l’ananas.
échanges d’expériences entre ses membres, et les dérèglements climatiques ; Ibrahima SECK, le Coordinateur du Comité
d’encourager la concertation, le dialogue et yy Préserver et améliorer la santé humaine, Ethique de la FENAB a donné des précisions
la solidarité Sud/Sud et Nord/Sud. animale et végétale ; sur le Cahier des Charges de l’Agriculture
La FENAB regroupe 18 organisations de base Biologique au Sénégal. Ce cahier a été
yy Promouvoir l’agriculture biologique
et des organisations d’appui telles qu’EN- élaboré suivant un processus participatif
comme système de production agricole
DA-PRONAT, AGRECOL, GREEN-SENEGAL etc. conduit un Comité Ethique. Son contenu est
alternatif capable de résoudre les pro-
axé sur les règles de l’IFOAM mais prend
blèmes alimentaires du pays ;
en compte les réalités sénégalaises. Ses
� Favoriser l’émergence des mé- objectifs sont de fixer les Normes de Base
tiers de l’agriculture biologique, de l’Agriculture Biologique au Sénégal
notamment chez les jeunes. et d’avoir un référentiel pour garantir la
Le premier jour de la foire a été qualité et la traçabilité des produits. La
marqué par l’ouverture officielle finalité est de voir ce cahier validé par l’Etat
des expositions de produits et être reconnu par l’Union Européenne et
(céréales, légumes, produits les Etats-Unis.
transformés, produits de la mer,
de la forêt, issus du commerce Pour plus d’informations sur la FENAB, vous
équitable, etc.). pouvez contacter :
En marge, des ateliers de Ibrahima Seck
fenabsen@yahoo.fr
réflexion se sont tenus les 9 et 10

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