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Du même auteur

dans la même collection

Ce livre contient certaines révélations qui,


sans aucun doute, surprendront. Mais...
• Saviez-vous pourquoi, à partir de la
seconde moitié du XIII siècle, l'Ordre du
Temple imposa à s e s nouveaux affiliés le
rejet de la croyance en la divinité de Jésus
et revint au Dieu Unique ?
• Saviez-vous que les Cathares, bien avant
les Templiers, connurent le secret des ori-
gines réelles de Jésus de Nazareth, et que
ce fut, pour les uns et pour les autres, le
principal motif de leur destruction ?
• Saviez-vous que Jésus naquit en réalité
en 16 ou 17 avant notre ère, et qu'il fut
crucifié par les Romains en 33 ou 34, âgé
d'environ cinquante ans ?
• Saviez-vous qu'il était de lignée davidi-
que et royale, qu'il brigua la royauté
d'Israël et qu'il fut, à ce titre, après son
père, Juda de Gamala, et son aïeul Ezé-
chias, le chef de la résistance juive contre
les Romains ?
• Saviez-vous qu'il fut crucifié la tête en
haut, comme il en était alors pour les
esclaves rebelles et les malfaiteurs, et non
la tête en bas, comme d'usage pour les
rebelles politiques?
Robert Ambelain, au terme d'un long et
patient travail de recherche, fait surgir le
grand « secret de l'Egilse », celui dont la
découverte causa la perte des Chevaliers
du Temple. Jésus apparaît ici sous un visage
tout nouveau.

Document de couverture : Orphée crucifié (gemme


gnostique du musée de Berlin). L'orphisme fut une
religion à « mystères », antérieure au christianisme,
comme celle de Mithra (Arch. de l'auteur).
LES ÉNIGMES DE L'UNIVERS
Collection dirigée par Francis Mazière
DU MÊME A U T E U R
c h e z le m ê m e é d i t e u r :

J É S U S O U LE M O R T E L S E C R E T D E S T E M P L I E R S
LA V I E S E C R E T E D E S A I N T P A U L
ROBERT AMBELAIN

LES LOURDS SECRETS


DU GOLGOTHA

ÉDITIONS ROBERT LAFFONT


6, place Saint-Sulpice, 75006/Paris
Si v o u s d é s i r e z ê t r e t e n u a u c o u r a n t d e s p u b l i c a t i o n s d e l ' é d i t e u r
d e c e t o u v r a g e , il v o u s s u f f i t d ' a d r e s s e r v o t r e c a r t e d e v i s i t e a u x
E d i t i o n s R o b e r t L a f f o n t . S e r v i c e « B u l l e t i n », 6, p l a c e S a i n t - S u l p i c e ,
7 5 0 0 6 / P a r i s . V o u s recevrez r é g u l i è r e m e n t , et s a n s a u c u n e n g a g e m e n t de
v o t r e p a r t , l e u r b u l l e t i n i l l u s t r é , o ù , c h a q u e m o i s se t r o u v e n t p r é s e n -
tees t o u t e s les n o u v e a u t é s — r o m a n s f r a n ç a i s et é t r a n g e r s , d o c u m e n t s
et r é c i t s d ' h i s t o i r e , r é c i t s d e v o y a g e , b i o g r a p h i e s , e s s a i s — q u e v o u s
trouverez chez votre libraire.

© Éditions Robert Laffont, S.A., 1974


a ux morts de Massada
« On me reproche de ce qu'il m'arrive
d'avoir de légers entretiens avec
le Tasse, le Dante, et l'Arioste !
Mais ne sait-on pas que leur lecture
est le délicieux breuvage qui m'aide
à digérer la grossière substance des
stupides Docteurs de l'Église? Ne
sait-on pas que ces poètes me four-
nissent de brillantes couleurs à
l'aide desquelles je fais passer les
absurdités de la religion?... »
BENOIT XIV, pape,
réponse au R.P. Montfaucon .

1. Prosper Lambertini, d'abord archevêque de Bologne, puis


cardinal au Conclave de 1740, à la m o r t de Clément XII, puis
pape lui-même de 1740 à 1758, f u t le protecteur discret de
Voltaire. Ce Conclave s'éternisant, et lui-même n ' é t a n t pas
candidat, il déclara en p l a i s a n t a n t : « Voulez-vous un saint ?
Alors prenez Gotti ! Un politique ? Prenez Aldobrandi ! Un
bravecouilon? Prenez-moi... » Après quelques hésitations,
l'Esprit-Saint se décida et fit élire Prosper Lambertini par
ses pairs, sous le nom de Benoît XIV. Et ce fut un excellent
pape, homme d'étude et écrivain d'ailleurs, comme Léon X,
celui qui considérait le christianisme comme une fable (Cf. La
dsevcèerti saint Paul). Nous t i r o n s la boutade de Benoît XIV
de l'Histoire Papes, de Pierre de Luz, Paris, 1960, Albin
Michel éditeur, imprimatur, Paris, 1960.
« Un initié peut être l'instrument
d'une fatalité meurtrière dont le
dessein nous échappe... »
Maurice MAGRE :
Priscilla d'Alexandrie.

S u r le p a r v i s du T e m p l e réservé a u x h o m m e s , les
J u i f s p i e u x é t a i e n t d é j à r a s s e m b l é s , t o u r n é s v e r s l'est,
la tête c o u v e r t e d u taleth, les t h e p h i l i m en m a i n , afin
d ' ê t r e à m ê m e de p s a l m o d i e r la p r i è r e r i t u e l l e dès
que p a r a î t r a i t le soleil : « Sois loué, E t e r n e l , n o t r e
Dieu, Roi de l'univers, qui c r é a la l u m i è r e et c o n s e r v a
les ténèbres... Sois loué, E t e r n e l , n o t r e Dieu, Roi de
l'univers, qui d o n n a a u coq l'intelligence de d i s t i n g u e r
le j o u r de l'obscurité... »
D a n s la n u i t f r o i d e d u d e r n i e r j o u r de Nisan, le som-
bre v e l o u r s bleu d u ciel se p i q u e t a i t e n c o r e de mille
d i a m a n t s . A l'ouest, p l u s sombre, d é c l i n a i e n t les étoiles
d'Al K h u s , l' A r c h e r , alors q u ' a u levant, d é j à p l u s clair,
on voyait m o n t e r peu à p e u celles d'Ab M e n k h i r , la
Baleine. C'est alors q u e le g r a n d coq solitaire du T e m -
ple, le seul toléré d a n s la Cité sainte, et q u e n o u r r i s -
saient de blé fin les m a i n s frêles des filles des c o h a n i m ,
celui q u e l'on n o m m a i t l ' A v e r t i s s e u r , ce coq c h a n t a ,
a l e r t a n t ainsi les lévites de g a r d e d u lever d u j o u r .
Alors, de t o u t e la citadelle A n t o n i a , u n e i m m e n s e
c l a m e u r r y t h m é e s'éleva. F o r m é e en carrés, d e r r i è r e
son aigle et ses enseignes, et selon la c o u t u m e en Syrie,
la cohorte de la 1 légion saluait l ' a p p a r i t i o n du soleil,
et les vétérans, b r a s d r o i t levé, face à l ' a s t r e du j o u r ,
r é p é t a i t le t r i p l e s a l u t au « sol i n v i c t u s », au « soleil
invaincu ». N'était-ce pas lui en effet qui, sous le nom
de Mithra, marchait invisiblement à leur tête, assurant
ainsi en tous les combats la gloire de Rome ? 1
Safranée, orangée, amarante, la lumière montante
incendiait l'horizon en grandes nappes parallèles et
ascendantes, et Jérusalem, comme à l'appel du pro-
phète : « reprenait sa lumière... » 2 L'aube allait
bientôt paraître ; la fraîcheur nocturne s'évanouissait
progressivement, et mille odeurs diverses s'entremê-
laient au gré de la brise et de ses sautes d'humeur,
jouant comme un jeune chat au gré des ruelles et
des carrefours. A l'arôme des metzo, du férik, de la
rechta ou de la difna, mijotant depuis la veille dans les
fours des riches familles (car la disette éprouvait la
Judée), se joignait celui, un peu fauve, de l'intimité des
demeures enfin rouvertes, et aussi le parfum d'herbes
odorantes, venant des maquis tout proches. Sous
l'auvent des vieilles dépendances extérieures à la ville,
secouant de leur pelage poussiéreux la fraîcheur de
la nuit écoulée, les petits ânes gris s'ébrouaient aux
premiers rayons du soleil, libérant l'âcre fumet de leurs
litières. Et ici, dominant le tout, flottait cette odeur
puissante, faite de suint, de cuirs gras, d'armes huilées,
qui, partout, accompagne les soldats.
De la I Augusta en effet, les cavaliers étaient là,
pied à terre, au grand complet, silencieux, à la tête
de leurs montures alignées au long des fossés de
défense. Derrière eux, dans l'ombre rose et ocre des
murailles crénelées, béait grande ouverte la porte de
Damas, qu'ils n'avaient jamais franchie en troupe,
puisque l'entrée de la Ville sainte était interdite aux
chevaux, autant par respect des usages religieux judaï-
ques, que par leur inutilité en une ville aussi accidentée
que Jérusalem. Et l'ala légionnaire, campée tout près
de la cité, venait simplement à la rencontre du Tribun
de cavalerie, son chef, logé, lui, dans le palais du Procu-

1. T a c i t e : H i s t o i r e s , III. 24.
2. I s a ï e : LX, I.
rateur, comme préliminaire à un changement de garni-
son.
Les hommes et leurs chefs étaient équipés exactement
comme leurs camarades à pied. Un grand bouclier
oblong couvrait le flanc gauche du cheval, la longue
épée d'ordonnance pendait du même côté de la selle.
A sa droite, le légionnaire conservait le glaive court
et large. Mais en plus de la lance des légionnaires à
pied, il portait en bandoulière un carquois de cuir
bouilli, garni de trois javelots de jet, au fer tranchant
comme un rasoir.
A l'écart, près d'un groupe d'officiers silencieux, le
Tribun de Cavalerie allait et venait doucement, sem-
blant attendre quelque chose. Soudain, les pas d'une
petite troupe armée se firent entendre, butant contre
les pierres du chemin, et peu après, dans le demi-jour,
apparurent une trentaine d'hommes. C'était là le déta-
chement éclaireur que le Tribun avait tenu à envoyer
en avant-garde.
La cavalerie de la I Augusta devait en effet quitter
son cantonnement proche de Jérusalem, où elle était
de peu d'utilité en cas de troubles urbains, pour s'en
aller cantonner à Césarée Maritime, aux limites de la
plaine de Saron, devant la mer bleue. Et le Tribun
s'était réjoui de quitter Jérusalem, cette ville de fana-
tiques, pour retrouver la douceur des garnisons romai-
nes, et aussi les corps tièdes et souples des courtisanes
iduméennes. Car les cadres supérieurs de Rome
n'avaient point le droit de faire venir leurs épouses
dans les territoires d'outre-mer ; l'empire craignait en
effet avec juste raison, et l'influence du climat et le
caractère émollient des garnisons légionnaires, auxquels
les sensuelles romaines résistaient fort peu.
Toutefois, avant de s'engager, à l'aube, sur la route
sinueuse descendant à travers le vallon du Térébinthe
encore à demi obscur, et où cavaliers et chevaux consti-
tuaient des cibles idéales pour les archers de la dissi-
dence juive, le Tribun de Cavalerie avait fait reconnaî-
tre la route sur une certaine distance. Après, le soleil
levé, l'ala légionnaire chevaucherait en un terrain lar-
gement découvert, où elle serait à même de répondre
à toute embuscade, et de châtier sévèrement ses agres-
seurs éventuels.
Le centurion qui commandait les trois décuries de
batteurs d'estrade, fit réordonner les rangs, commanda
la halte, puis, raidi en son manteau écarlate, bras droit
levé, salua le magistrat militaire :
— Centurion, que dit la route ?...
— Paisible et sèche, Tribun...
En ces régions méditerranéennes assez basses en
latitude, aurores et crépuscules sont très courts. Et
dejà le soleil levant éclatait au-dessus de l'horizon,
la lumière nouvelle irradiait, embrasant de ses feux les
fauves murailles de l'ancienne cité d'Adoni Tsedek.
Tout en haut, dominant la Cité sainte, l'or et le
cuivre rouge du toit et des portes gigantesques du
nouveau Temple n'étaient plus supportables aux yeux
éblouis. Et sous la légère chaleur qui se faisait insi-
dieusement sentir, soudain la brise tomba, laissant venir
une odeur à la fois douceâtre et écœurante.
Humant le vent léger avec un rictus de dégoût, le
Tribun se dirigea lentement vers l'angle de l'enceinte
nouvelle, d'où l'on pouvait, au loin, distinguer les mas-
ses de la tour de Pséphinos. Entre celle-ci et la porte
de Damas, un monticule s'élevait, que les Juifs nom-
maient le Golgotha, d'un mot hébreu signifiant crâne.
C'était là que, selon une de leurs invraisemblables
légendes, reposait le corps incorruptible d'Adam, et le
crâne de celui-ci, justement, était revêtu de la terre de
cette colline stérile. Chauve comme un lieu maudit du
Ciel et des hommes, la colline avait, de jour comme
de nuit, un aspect sinistre. C'était là que le jour, pour
la pâture, s'abattaient le corbeau et le vautour. C'était
là que la nuit, pour la même raison, venaient rôder le
chacal et la hyène. Car tel est le destin des lieux d'exé-
cution, qui veut que la mort entretienne la vie.
Au sommet du mont chauve, se dressaient quelques
poteaux patibulaires, semblant en attente de la sinistre
traverse, et aussi deux croix complètes, se découpant
sur le ciel clair de Judée. Suivi de quelques officiers,
le T r i b u n de Cavalerie s ' a p p r o c h a l e n t e m e n t et, p a r -
venu à u n e courte distance, s ' a r r ê t a et r e g a r d a .
S u r les croix, é t a i e n t d e u x crucifiés. Ils é t a i e n t m o r t s .
P e u t - ê t r e l'étaient-ils d é j à de l'avant-veille. Mais le
t e m p s n ' é t a i t p l u s où Rome, en sa t o l é r a n c e religieuse,
p e r m e t t a i t a u x familles des c o n d a m n é s à m o r t n o n
esclaves, de d e s c e n d r e d u gibet i g n o m i n i e u x le c a d a v r e
de l ' ê t r e cher, a v a n t q u e le soleil n e se couche, et,
selon la loi juive, « p o u r n e p o i n t souiller la t e r r e
s a i n t e d ' I s r a ë l ».
C'est p o u r q u o i , a p p u y é s s u r l e u r lance, le nez m a s q u é
en l e u r m a n t e a u de b u r e b r u n e , q u e l q u e s g a r n i s a i r e s
de la I I I C y r e n a ï c a m o n t a i e n t , à l e u r c œ u r d é f e n d a n t ,
u n e garde m a l g r é t o u t vigilante d e v a n t le Golgotha.
D ' o r d r e de T i b e r i u s A l e x a n d e r , en effet, les c o r p s
d e m e u r e r a i e n t s u r les croix p a t i b u l a i r e s j u s q u ' à ce q u e
la p u t r é f a c t i o n et les r a p a c e s a i e n t a c c o m p l i l e u r œ u v r e
n a t u r e l l e . Ainsi donc, avait d é c l a r é le P r o c u r a t e u r , on
ne v e r r a i t p l u s r e n a î t r e cette a b s u r d e légende q u i avait
suivi l'exécution de J é s u s , le « roi des J u i f s », fils
aîné de J u d a le Galiléen, et m i s en croix q u a t o r z e a n n é e s
a u p a r a v a n t , a u t e m p s d u P r o c u r a t de P o n t i u s P i l a t u s .
Car ses p a r t i s a n s , les zélotes, c o r r o m p a n t ou e n i v r a n t
la milice d u T e m p l e c h a r g é e de s u r v e i l l e r son t o m b e a u ,
a v a i e n t réussi à desceller la p i e r r e qui l ' o b t u r a i t , r e p r i s
le cadavre, p r é a l a b l e m e n t enrobé de m y r r h e et d ' a l o è s
en ce but, et l ' a v a i e n t s e c r è t e m e n t e m p o r t é en S a m a r i e ,
où les J u i f s ne p o u v a i e n t p é n é t r e r et faire e n q u ê t e .
Là, ils l ' a v a i e n t s e c r è t e m e n t i n h u m é d a n s u n t o m b e a u ,
p r é t e n d u m e n t d é j à occupé p a r u n c e r t a i n I o a n n è s , q u e
les J u i f s a p p e l a i e n t le Baptiste. Et depuis, ses p a r t i s a n s
l ' a f f i r m a i e n t ressuscité.
Cette fois, les c r é a t e u r s de légendes en s e r a i e n t p o u r
l e u r s frais, c a r il y avait p e u de c h a n c e p o u r que,
d e v a n t les débris i m m o n d e s q u i d e m e u r e r a i e n t fixés
à c h a c u n des gibets, on p u i s s e é c h a f a u d e r de telles
sornettes.
C h a c u n e des croix portait, d e r r i è r e la tête du crucifié,

1. Deutéronome : XXI, 23.


une planchette sur laquelle on avait gravé au feu une
inscription trilingue ; sur celle de gauche, on pouvait
lire : « Simon-bar-Juda, meurtres et brigandages ».
Sur celle de droite, on avait gravé : « Jacob-bar-Juda,
chef zélote, idem ».
Aussi, complaisamment, le Tribun commenta pour
ceux des centurions ne sachant pas lire : « Celui de
gauche, c 'est le fameux Simon, dit encore « la pierre » ;
il était le frère de Jésus, le roi des Juifs, et il lui
avait d'abord succédé en tant que rival d'Hérode
Agrippa, comme prétendant au trône d'Israël. Celui de
droite, c 'est Jacob, son autre frère, qui lui avait finale-
ment été préféré par leurs bandes, et sa mort à lui
non plus ne résout rien, car il laisse un petit-fils
Ménahem... Tant que Rome n'aura pas anéanti cette
famille, nous n'aurons jamais la paix en ces contrées... »
Silencieux en leurs manteaux rouges, les centurions
contemplaient les corps des suppliciés, car l'ala légion-
naire, cantonnée à Béthanie, n'avait ni assisté ni par-
ticipé à l'exécution, tenue en réserve en cas de troubles
possibles. Autour des deux croix, souillées par l'urine
et les excréments des condamnés, des essaims de mou-
ches vrombissantes tourbillonnaient déjà. Et le Tribun
de Cavalerie, lui, revoyait la scène effroyable de cette
double crucifixion.

De bonne heure ce matin-là, la tuba de garde à la


citadelle Antonia avait lancé les notes du rassemble-
ment général, reprises par celles des autres cantonne-
ments divers. Peu après, les grilles de l' Antonia s'étaient
ouvertes en haut du double escalier de pierre, et en
rangs serrés, les manipules étaient apparus. Les hom-
mes étaient en tenue d'assaut, uniquement porteurs
du glaive court et du pilum ou de la lance, le bouclier
au bras gauche. Ils avaient pris la direction du Golgotha,
lieu inhabituel des exécutions, vers lequel convergeaient
également tous les autres détachements. Centurie après
centurie, leur piétinement rythmé avait rameuté dans
les ruelles et derrière les fenêtres la foule juive de tous
les quartiers proches, silencieuse et grave.
Formés en carré, les deux tiers de la cohorte des
vétérans avaient pris place autour de la funèbre colline,
lui tournant le dos, et faisant face à la foule, tenue à
distance respectueuse. De l'Antonia au Golgotha, les
troupes ordinaires se tenaient au coude à coude, serrant
les curieux contre les murailles, bloquant à triple rang
ceux, innombrables, venus se masser dans les ruelles
transversales. On avait attendu un assez long moment.
Dans l'intervalle, de la citadelle, était sortie une char-
rette tirée par un esclave, escortée de quelques légion-
naires légèrement armés. Dans la charrette, il y avait
deux braseros, des sacs de charbon de bois, des soufflets,
et une demi-douzaine de flagra, sorte de grands marti-
nets, dont le manche de bois, ferré vers le haut, por-
tait quatre chaînettes bouletées de bronze, aux anneaux
plats et oblongs. Et un long murmure apeuré avait
alors couru parmi la foule : « Les fouets de feu...
les fouets de feu... »
Parvenus au Golgotha, les soldats qui, selon l'usage
romain, devaient faire office de bourreaux, disposèrent
les braseros, les garnirent de charbon, les allumèrent,
et attisèrent le feu à l'aide des soufflets de cuir. Lorsque
le charbon ne fut plus que braises ardentes. Ils y
plongèrent les chaînettes des flagra, prenant soin que
le bois des manches ne soit pas à portée des flammè-
ches.
Brusquement la foule s'agita, et, se retournant, les
légionnaires la maintinrent et la repoussèrent à grands
coups de boucliers ou de manches de pilum. De
l'Antonia, un nouveau cortège venait en effet de sortir.
Précédés et encadrés par les hommes d'un manipule
au grand complet, deux hommes âgés cheminaient len-
tement, le torse nu. On avait rabattu leur robe sur leurs
reins, et ils avançaient, les bras étendus en croix, liés
à une poutre qui reposait, telle un joug, sur leurs épau-
les et leur nuque. Au cou de chacun, pendait une plan-
chette portant une inscription en latin, grec, et hébreu,
celle qui devait figurer derrière leur croix. Les visages
étaient maigres et blêmes, enfouis dans une chevelure
et une barbe hirsutes, les yeux brûlaient de fièvre, et
des flancs haletants, les côtes saillaient.
Dans un silence de mort, le court trajet de l'Antonia
au Golgotha se déroula, au pas lent des condamnés.
Pour donner plus de solennité à la double exécution,
Tiberius Alexander avait en effet interdit la suite habi-
tuelle des pleureuses. Au pied de la colline, le manipule
s 'arrêta sur un commandement bref, et seuls, quelques
soldats poussèrent de leurs piques les deux hommes
vers le sommet, à la rencontre des bourreaux.
Les condamnés furent d'abord totalement dénudés,
puis ils furent menés vers le poteau vertical de leur
future croix. Là, d'un croc-en-jambe, on les fit choir
à genoux, la face contre le bois. Une chaîne fut étroite-
ment bouclée autour de leur taille, une autre autour
de leur cou, les bras toujours liés à la poutre qu'ils
portaient. Deux couples de bourreaux tirèrent chacun
du feu d'un brasero un flagrum, et vinrent se placer
de chaque côté d'un condamné. Celui situé à senestre
devait frapper le premier, l'autre devait suivre. Ils
tournèrent la tête et attendirent ; le centurion exactor
mortis leva la main et l'abaissa. Les bourreaux situés
à senestre balancèrent leurs chaînes rougies à blanc,
et à toute volée en cinglèrent les flancs des deux
condamnés. Un hurlement horrible jaillit de la poitrine
des suppliciés, mais les bourreaux, après avoir marqué
un très court temps d'arrêt, arrachaient de la chair
vive les flagra, et déjà celles des seconds exécutants
s'abattaient à contresens, avec le même arrêt et le
même coup de poignet de dégagement. Et les souples
et lourdes volées de fer rouge allaient continuer de
s'abattre, en cadence dans les hurlements de souffrance
et dans une odeur de chair grillée, labourant les flancs
et les reins, les creusant de longs sillons noirâtres,
où suintaient, à minces larmes, et le sérum et le sang.
A intervalles réguliers, les bourreaux remettaient les
flagra au feu des braseros, et en reprenaient de nou-
veaux bien rouges.
La loi juive (qui n'utilisait en matière de châtiment
que le fouet de cuir) limitait à trente-neuf le nombre
des coups de fouet pouvant être reçus par un condamné.
Mais la loi romaine ne fixait aucune limite, dans le
cas d'une condamnation à mort. Toutefois, afin que
les deux suppliciés ne meurent pas sous les effrayants
flagra, et subissent intégralement la crucifixion qui
devait suivre, l'exactor mortis responsable de l'exécu-
tion, voyant l'un des deux hommes évanoui, ordonna
enfin : « Satis... » 1 Les bourreaux s'arrêtèrent mais
l'un d'eux, toutefois, cingla une dernière fois les reins
de sa victime. Le cep de vigne du centurion siffla
et vint le frapper en plein visage. « J'ai dit assez... »,
gronda-t-il. L'homme porta la main à sa face tuméfiée
et ne dit mot.
Déjà on détachait les condamnés, et on les écartait des
poteaux.
La suite s'était déroulée comme en toutes les cruci-
fixions. On avait fait boire aux deux hommes la bois-
son calmante offerte par les femmes d 'une confrérie
juive qui assistait les condamnés à mort. On les avait
ensuite, sans ménagements, plaqués le dos au sol ; et
le sable et les graviers souillés étaient entrés, sous le
poids du corps, dans les plaies suintantes, crevant les
boursouflures et les cloques, arrachant de longs gémis-
sements aux deux malheureux.
Au même instant, les bourreaux avaient enfoncé un
clou de charpente carré au creux de chaque paume, et
l'avaient ensuite rabattu de quelques coups de marteau,
faisant pénétrer la tête des clous dans la chair des
doigts. On avait ensuite soulevé l'homme, de façon
que la poutre sur laquelle il était ainsi cloué, vienne
se placer dans le creux ménagé à cet effet au sommet
du poteau carré patibulaire. On avait ligaturé le tout
en diagonale, et pour que le poids du corps ne déchire
pas la paume des mains, on avait enfoncé, toujours
à coups de marteau, sous les parties sexuelles de chaque
crucifié, une énorme broche qui en devait supporter
la charge. Et le tranchant de l'angle de cette béquille,

1. E n latin : assez.
blessant ainsi le périnée, ajoutait encore aux douleurs
physiques du supplicié. Enfin, on avait fixé les deux
pieds, chacun à l'aide d'un dernier clou, faisant craquer
les os, puis on avait délié les avant-bras des liens
anciens. Afin que les cadavres futurs soient aisément
attaqués par les charognards, les pieds étaient à moins
de deux palmes du sol.
Les membres inférieurs et supérieurs des deux rebel-
les n'avaient toutefois pas été préalablement brisés,
sans doute pour que les suppliciés demeurent plus long-
temps en vie. La soif, la chaleur, les mouches, avaient
ajouté aux douleurs physiques déjà effroyables par
elles-mêmes, car le sang et le sérum suintant sur le
dos avaient tendance à coller au bois rugueux de la
croix les plaies à vif. La fièvre avait suivi.
Vers le soir, on avait allumé devant eux un abondant
feu de bois, autant pour éclairer le Golgotha que pour
permettre aux légionnaires de la Légion syrienne 1 de
se chauffer durant la froideur des nuits de Nisan. De
plus, par prudence, deux torches brûlaient encore en
permanence derrière les croix, tout en haut de per-
ches plantées en terre. Et peu à peu, avec la nuit, les
mains des crucifiés s'étaient crispées autour des énor-
mes pointes, et les doigts déjà morts leur donnaient
l'aspect de quelque araignée recroquevillée sur elle-
même. Les têtes pendaient sur les poitrines, et en
zigzag, les corps affaissés donnaient l'impression d'un
suprême renoncement à la vie. Pour les deux moribonds
grelottant de fièvre, et que l'asphyxie gagnait peu à peu,
chaque heure avait valu une journée, chaque journée
une semaine.
Malgré cela, la mort pitoyable et douce leur avait
été refusée une seconde fois. Vers le midi du lende-
main, exécutant les consignes reçues, le manipulaire de

1. L a I A u g u s t a é t a i t de r e c r u t e m e n t s y r i e n , l a I I I C y r e n a ï c a
de r e c r u t e m e n t a l g é r i e n e t t u n i s i e n , l a I I I A u g u s t a de r e c r u t e -
m e n t ibère. Seule, la C o h o r s I I I t a l i c a C i v i u m R o m a n o r u m ,
à l a q u e l l e a u r a i t a p p a r t e n u le c e n t u r i o n C o r n e l i u s (Actes : X, 1),
é t a i t de r e c r u t e m e n t i t a l i e n . M a i s l e s c a d r e s s u f f i s a m m e n t p o l y -
glottes changeaient assez facilement d'unité parfois.
la patrouille de contrôle avait donné un ordre. Et un
légionnaire au visage tanné par l'âge et les campagnes
s'était approché des crucifiés immobiles. Faisant glisser
et descendre la pointe de son pilum sous l'aisselle
droite et en appuyant, le soldat avait peu à peu ren-
contré le relief des côtes. A hauteur de l'une d'elles,
il s'arrêta et, lentement, enfonça le fer : un peu de
sang coula doucement de la plaie. L'agonisant sursauta
légèrement et se reprit à respirer. Alors le légionnaire
se dirigea vers la seconde croix, et recommença.
Et ainsi le supplice dura plus longtemps.

Timidement, un centurion interrogea : « Tribun,


n'est-ce pas depuis la naissance de cette superstition
judaïque, touchant la pseudo-résurrection de ce Jésus,
que Tibère César a promulgué ce rescrit, frappant de
la peine capitale ceux qui déplacent la pierre des tom-
beaux pour en tirer les cadavres ?... »
Le Tribun réfléchit un instant. « Sans doute, dit-il,
c'est très probablement pour cela. Mais aussi pour éviter
que les sectatrices d'Hécate ne se procurent les débris
funèbres dont elles ont besoin pour leur goétie... »
Un silence suivit. Puis, accompagné de ses officiers,
le Tribun de Cavalerie retourna paisiblement vers la
Porte de Damas, où étaient venus l'attendre cavaliers
et chevaux, montés de leurs cantonnements de Beth-
phagé et Béthanie. Il fit un signe à un centurion, un
commandement bref retentit, tous se mirent en selle.
Un second commandement, et en silence, l'ala légion-
naire s'ébranla, au pas dans le matin clair et au seul
bruit du piétinement de ses montures ou du cliquetis
de ses javelots.
Le feu de la nuit achevait de mourir en ses braises
encore rougeoyantes, et des ultimes branchettes dont
on l'avait alimenté, s'élevait encore parfois un mince
filet de fumée odorante et bleue, symbole d'une douceur
étrangère à ce lieu, et qui n'arrivait pas à couvrir
l'écœurante odeur venue des croix patibulaires.
Perché à l'écart sur les poteaux inoccupés, un couple
de corbeaux croassa, puis lissa ses plumes, et invisible
mais joyeux, de son terrier minuscule, un grillon lança
son chant vers le soleil.
C'est alors qu'une vague d'ombre sembla descendre
devant la lumière. En un vol silencieux et souple,
soulevant la poussière jaune du Golgotha de leurs ailes
battantes, plusieurs oricous s'abattaient lourdement
devant les crucifiés. Les premiers arrivés lançaient
déjà vers l'abdomen, tel un fléau, leur long cou dénudé
que terminait un bec crochu et tranchant. Et avec des
grognements rageurs, les vautours fouillaient les cada-
vres, plongeant leur tête au cœur même des entrailles,
s'éclaboussant mutuellement des sanies viscérales, et
leur fauve plumage déjà souillé.
Placidement, les légionnaires syriens contemplaient
l'épouvantable spectacle, négligemment appuyés sur leur
pilum. Et l'un d'eux, après avoir bâillé de sommeil et
d'ennui, m u r m u r a le vieux proverbe araméen : « En
quelque lieu que soit la charogne, s'assembleront les
vautours... »
Un peu à l'écart, le décurion commandant le petit
poste de garde se détourna, méprisant, et mettant sa
main au-dessus de la visière de son casque, contempla
le ciel.
Très haut dans la nue, un vol de cigognes venait
d'apparaître. Formés en chevron, leurs ailes noires
battant à un rythme majestueux et régulier, les grands
oiseaux blancs fonçaient vers la mer. Ils venaient de
très loin, d'au delà des ruines de Babylone et de Persé-
polis, et avec la tiédeur des premiers beaux jours, ils
fuyaient le torride été de ces régions.
Silencieux et grave, le décurion les suivait des yeux.
C'était un Grec, un des derniers descendants des Bac-
triades, détrônés et dispersés jadis par l'invasion des
Sakas, descendus de la Haute-Asie, et il n'avait jamais
foulé le sol de la Grèce. Malgré lui, son cœur se serra.
Les cigognes allaient survoler sa véritable patrie ; elles
traverseraient peut-être le ciel de l'Hellade au-dessus de
Corinthe, ou, frôlant l'harmonie dorienne du Parthénon,
s'en iraient gîter au cœur de l'Acropole par le Pélar-
gikon aux neuf portes que, suprême honneur, les Athé-
niens avaient nommé le « Rempart aux Cigognes ».
Et le lendemain, reprenant leur essort, elles iraient
boire, assoiffées, aux eaux prophétiques du vallon de
Delphes.
Symboles vivants de la Piété et de la Bonté dans le
monde antique, elles connaîtraient, sans la comprendre
et sans l'apprécier, une paix que le décurion n'avait
encore jamais connue, dans une patrie que ne souillaient
encore ni les dogmatismes bornés ni les fanatismes san-
guinaires, et où la pensée du sage demeurait, libre,
immortelle.
Par fierté devant ses hommes, le Bactriade maîtrisa
les larmes qui montaient à ses yeux, et malgré lui ses
lèvres murmurèrent, à l'intention des beaux oiseaux
s'amenuisant dans l'espace, le salut et le souhait de
l'antique Achaïe : « Réjouissez-vous... »
Toutefois, tout à l'émotion de cet instant, il n'avait
pas pris garde au funeste présage. En effet, les cigognes
volaient de la dextre vers la senestre, et c'était l'annonce
du malheur pour la terre qu'elles venaient de survoler.

NOTES COMPLEMENTAIRES
A vrai dire, les chevaux n'étaient pas absolument interdits
dans la Cité Sainte, bien que le Deutéronome (XVIII, 16), pré-
cise : « Que le roi n'ait pas un grand nombre de chevaux ».
Toutefois, il semble bien que leur circulation ait été réglementée,
et surtout interdite dans les quartiers avoisinant le Temple ;
ceci à cause de leurs excréments, souillant les sandales des
fidèles montant au sanctuaire. C'est pourquoi les écuries de
Salomon, (si tant est qu'il s'agisse bien des écuries de ce roi,
et pas simplement de celles des Templiers, ce qui est par contre
certain), furent bâties à la limite de l'enceinte sud-est de la
ville, le plus loin possible du Temple, et limitrophes de la
Porte de la Fontaine, face au mont du Scandale (voir plan de
Jérusalem page 344).
PREMIÈRE P ARTIE

LES ZÉLOTES

« Tout est tiré de vos propres au-


teurs! Nous n'avons que faire d'autres
témoins, vous vous réfutez assez
vous-mêmes... »
CELSUS : Discours de vérité.
1

« Le Monde ne sera sauvé, s'il peut


l'être, que par des insoumis. »
ANDRÉ GIDE.

O n d o n n e le n o m de « disciples » à c e u x qui s o n t
s o u m i s à u n e discipline. Ce m o t vient d u l a t i n d i s c i p l i n a ,
s i g n i f i a n t règle, loi. Chez les j u i f s , cette discipline,
c'est la Loi, la T h o r a . E t n o u s s a v o n s m a i n t e n a n t q u e
les m e s s i a n i s t e s , les zélotes ou sicaires, s o n t des f a n a t i -
q u e s de la Loi. Ils v e u l e n t i n s t a u r e r en I s r a ë l u n e théo-
cratie d a n s laquelle il n ' y a u r a p l u s q u e Dieu q u i
sera roi, et p l u s de m a î t r e s , s i m p l e m e n t des j u g e s . Ils
r e j e t t e n t a b s o l u m e n t t o u t e p r e s t a t i o n de s e r m e n t . Reli-
sons d o n c les E v a n g i l e s :
« Mais vous, ne v o u s faites p a s a p p e l e r m a î t r e , c a r
u n seul est v o t r e Maître... » ( M a t h i e u : XXIII, 8).
« E t moi, je vous dis de n e j u r e r en a u c u n e façon...
Que v o t r e p a r o l e soit oui-oui, ou n o n - n o n . Ce q u ' o n y
a j o u t e v i e n t d u M a u v a i s » ( M a t h i e u : V, 34-37).
Or, p a r m i les m a n u s c r i t s d é c o u v e r t s p r è s de la m e r
Morte, d a n s les g r o t t e s d u K h i r b e t - Q o u m r â n , il se
t r o u v e u n « M a n u e l de discipline », sorte de r i t u e l
d ' u n e s t r a t é g i e m i l i t a i r e mêlée de rites occultes et
k a b a l i s t i q u e s . Le c o m b a t y est « o r d o n n é », c o m m e
une liturgie occulte, les étendards y portent des noms
d'anges, qui sont en même temps des noms de pouvoir
(comme en kabale), et ce rituel d'une bataille à la fois
occulte et militaire évoque invinciblement le siège de
Jéricho (Josué : VI, 5).
Si le dépôt de Qoumrân a eu lieu pour mettre les
manuscrits porteurs des Ecritures sacrées en lieu sûr,
c'est que des troubles importants menaçaient leur exis-
tence. Ces Ecritures sacrées, composées de manuscrits
de diverses époques avant notre ère, jouissent du privi-
lège de toutes les Saintes Ecritures chez les Juifs. Elles
expriment la Parole divine, ou celle des prophètes du
Seigneur. Elles sont transcrites sur des peaux d'ani-
maux purs, à l'aide d'une encre rituelle, par des scribes
spécialistes. Si ceux-ci commettent une erreur de trans-
cription, cette dernière est immédiatement arrêtée,
aucune rectification (ou grattage) ne saurait être effec-
tuée, on reléguera simplement ce texte interrompu et
imparfait en un abri spécial, nommé ginnza, avec ceux
qui l'ont précédé, et on recommencera ladite transcrip-
tion. Terminée, celle-ci sera l'objet d'une sorte de véné-
ration de la part des fidèles de la communauté israélite.
C'est avec un instrument spécial, la « main de Thora »,
que le lecteur suivra le texte, ligne par ligne, mot par
mot. La « main de Thora » est composée d'une tige
de bois précieux, terminée par une main minuscule en
bronze, argent ou or.
Lorsque le dépôt de Qoumrân sera effectué, les
Ecritures sacrées seront soigneusement enveloppées
dans une étoffe de lin, et déposées en des jarres de
terre cuite, au sein de la grotte. Compte tenu de ce
respect immense que les fidèles témoignent à ces Ecri-
tures sacrées, il est inimaginable de supposer que l'on
a pris n'importe quelles vieilles étoffes usagées pour
les abriter. Cela aurait constitué une véritable souillure
rituelle pour ces manuscrits, et ils eussent été inutili-
sables, ainsi profanés. Ce sont donc des pièces de lin
neuf, que l'on a utilisées pour envelopper ces textes.
C'est d'ailleurs en ce domaine un usage universel.
Or, en janvier 1951, à l'Institut d'Etudes Nucléaires
de l'Université de Chicago, on a procédé à une analyse
des éléments végétaux constitutifs de ces étoffes, à
l'aide du « carbone 14 ». Découvert par le docteur
W. Libby, déjà classique pour les recherches archéologi-
ques, son principe est le suivant. Tout être vivant, végé-
tal ou animal, absorbe en respirant du « carbone 14 »,
corps radioactif qui reste dans l'organisme même après
la mort du végétal ou de l'animal. Mais le degré de
radioactivité diminue de façon régulière, au fur et à
mesure que le temps s'écoule, et ce degré est mesurable.
En appréciant ainsi le résidu, on peut fixer avec une
précision importante la date à laquelle la matière orga-
nique (végétale ou animale) a cessé de vivre. Cette
méthode a été suffisamment contrôlée pour que sa
valeur ne soit plus mise en doute.
Et en ce qui concerne les étoffes neuves ayant servi
à envelopper les manuscrits de la mer Morte, lors de
leur mise en sûreté dans les grottes du Khirbet-Qoum-
rân, le « carbone 14 » permet d'affirmer que le lin
dont elles sont constituées fut récolté il y a environ
1917 ans avant l'expérience de Chicago. Déduisons
1917 de 1951, nous trouvons l'an 34 de notre ère, date
moyenne de la crucifixion de Jésus p a r les Romains. 1
Or il y a un écart possible d'un demi-siècle, avant ou
après cette date, avec le « carbone 14 » ; ainsi, l'enfouis-
sement de ces documents a pu avoir lieu de 15 avant
notre ère, à 85 de celle-ci. Notons-le.
Cela démontre néanmoins que cette mise à l'abri
fut effectuée en pleine période de troubles. Or les
Evangiles ne nous parlent ni de la sanglante révolte
du Recensement, lors de la prétendue naissance de
Jésus à Bethléem, ni d'une révolte coiffant la période
où il fut crucifié à Jérusalem par les Romains. Et en
place d'une époque bucolique, toute de douceur et de

1C
.alir est faux Jésus ait seulement eu deux ans
publiques, et saint Irénée a raison de le faire mourir
vers sa cinquantième année. L'épisode de la femme adultère
rappoértdansJean (VIII, 3 à 11) montre queelfaetiut
lieu avant dans puisque après cette date, les Juifs n'eurent
plus le droit de condamner à mort et d'exécuter.
paix, sur les bords du lac de Génésareth, nous nous
trouvons historiquement plongés dans l'une des innom-
brables et sanglantes révoltes juives. Le lecteur qui étu-
die l'histoire du christianisme dans les livres pieux
ignorera toujours que de l'an 68 avant notre ère, à
l'an 6 de celle-ci (la fameuse révolte du Recensement
dont on ne parle jamais), il y eut trente-six révoltes
juives, que ces révoltes représentent des milliers de
juifs messianistes mis en croix par Rome, des villes et
des villages incendiés et rasés plusieurs fois, des cam-
pagnes désolées, des troupeaux massacrés, et des fami-
nes sanglantes. Ce lecteur ignorera toujours que des
gouvernements juifs furent mis sur pied de façon offi-
cielle.
Entre 66 et 58 av. J.-C., soit en huit années, on compte
en Judée vingt-six mouvements insurrectionnels. Encore
les sources qui nous en parlent émanent-elles de Flavius
Josèphe, partisan de la collaboration avec Rome, et
ses manuscrits sont-ils perdus, remplacés par des copies
des IX et XII siècles de notre ère, effectuées au fond
des couvents par les fameux moines-copistes.
Des membres de la dynastie asmonéenne, chassés du
pouvoir par Pompée, entraînent le peuple à la révolte,
huit fois entre 58 et 27 av. J.-C. Des « maquis »
s'organisent, et tentent périodiquement des coups de
main. En l'an 43 av. J.-C., Ezéchias, père de Juda de
Gamala, de lignée royale et davidique, harcèle long-
temps les légions romaines. Il est finalement pris et
crucifié. Costobar (27 av. J.-C.), Bagoas (6 av. J.-C.),
Juda de Gamala et Matthiatas (5 av. J.-C.) continuent
la lutte contre Rome.
En 6 av. J.-C., un gouvernement fédéral juif est mis
sur pied, face à ceux établis par Rome, et qui groupaient
d'une part la Trachonitide, la Batanie et l'Auranitide,
d'autre part la Galilée et la Pérée, et enfin la Judée,
l'Idumée, et la Syrie. Ce gouvernement juif, c'est celui
de Siméon à Jéricho, du berger Athronge en Judée,
et de J u d a de Gamala, fils d'Ezéchias, à Séphoris.
Les légions romaines écrasent ce dernier mouvement,
et deux mille patriotes juifs sont mis en croix. Coponius,
futur procurateur, fait massacrer les combattants gali-
léens dans le Temple même, où ils s'étaient retranchés.
C'est au cours de ce combat que Zacharie, père du futur
Baptiste, sera tué « entre le Temple et l'Autel »,
(infra, page 52 et suivantes).
Au cours de cette terrible répression, Varus, légat
de Syrie, assiégera Sepphoris, quartier général de Juda
de Gamala, et lieu de naissance de Marie, son épouse,
(infra, page 64).
Finalement, la ville sera prise, incendiée, et ses habi-
tants déportés et vendus comme esclaves (Cf. Alphonse
Séché : Histoire de la nation juive). Sans doute, Marie,
ses fils et ses filles, échappèrent à ce sort par une
fuite organisée d'avance, puisque nous les retrouverons
plus tard, revenus en Galilée. Il n'en est pas moins
évident que lorsque l'empereur Julien déclarera plus
tard à saint Cyrille d'Alexandrie, son ancien condisciple,
en une lettre citée par ce dernier : « L'homme qui fut
crucifié par Ponce Pilate était sujet de César, et nous
l 'allons démontrer... » (Cf. Cyrille d'Alexandrie : Contre
Julien), il dut employer le terme servus, signifiant
esclave, ou obnoxius, signifiant la même chose, car le
terme sujet, au sens que nous lui donnons maintenant,
se traduirait par civis, citoyen. Et Jésus n'était évidem-
ment pas citoyen romain !
Par conséquent, les habitants de Sepphoris devinrent
tous « esclaves de César », soit serfs et serves de
l'Empire romain, comme tous les déportés d'ailleurs.
Il en fut ainsi pour tous les fugitifs qui furent
alors considérés comme esclaves contumaces. Cyrille
d 'Alexandrie a fait sauter la démonstration de l'empe-
reur Julien afin de ne pas révéler cette condition.
Elle impliquait en effet la crucifixion inévitable pour
Jésus et tous les siens, à plus forte raison lorsque le
cas se doublait de rébellion contre Rome. Or il fallait
à cette époque faire retomber la responsabilité de la
mort de Jésus sur les malheureux Juifs.
C 'est très probablement là une des raisons complé-
mentaires du remariage de Marie avec le mystérieux
Zébédée 1
Et cette condition d'esclave contumace, de déporté
devenu serf de l'Empire, elle nous est encore confirmée
par Commodien de Gaza, le plus ancien poète chrétien,
lequel vivait au III siècle, et nous déclare que Jésus
était d' « allure infime », appartenant à une classe
« abjecte » (le latin abjectus signifie rejeté, et s'appli-
que à une classe sociale, non à une catégorie morale),
précisant encore : « sorte d'esclave » (Cf. Commodien :
Carmen apologeticum).
Voilà qui est fort clair. Jésus était donc classé par
la police romaine dans la catégorie des rebelles contu-
maces, c'est-à-dire des « esclaves de César » en fuite,
parce qu'ayant échappé à la déportation de l'an 6.

Cette vie de maquisards hors la loi, eu égard aux


exigences de la vie, impliquait de la part des zélotes
des réquisitions, voire des pillages, de façon inéluctable.
C'est pourquoi Flavius Josèphe, en bon pharisien
aristocrate, les juge-t-il sévèrement :
« Lorsque Festus arriva en Judée, il la trouva mise
à mal par des brigands qui incendiaient et pillaient tous
les villages. Ceux que l'on nommait les sicaires —
c'étaient des brigands — devinrent alors très nombreux.
Ils se servaient de courts poignards, à peu près de la
même longueur que les acinaces perses, mais recourbés
comme ce que les Romains appellent sicae, avec lesquels
ces brigands tuaient beaucoup de gens, et d'où ils
tirèrent leur nom ». (Flavius Josèphe : Antiquités
judaïques, XX, VIII, 10).
Vient ensuite cette mystérieuse révolte que l'examen
des étoffes de la grotte du Khirbet-Qoumrân à l'aide
du « carbone 14 » nous fait découvrir providentielle-
ment, et dont le récit a curieusement disparu de toutes
les copies des auteprs anciens. Ces étoffes sont d'environ
32-34 de notre ère.

1. Cf. Jésus ou le mortel secret des Templiers, page 110.


Ici, o u v r o n s u n e p a r e n t h è s e . P a r m i l e s n o m b r e u x
d o c u m e n t s d i t s « d e l a m e r M o r t e », il e x i s t e d e s
r o u l e a u x d e c u i v r e , d o n t le t e x t e h é b r e u a p u ê t r e
d é c h i f f r é e n 1956, e n G r a n d e - B r e t a g n e , p a r W r i g h t
B a k e r , à l ' U n i v e r s i t é de M a n c h e s t e r . Ils s o n t d u p r e m i e r
siècle d e n o t r e ère. Ils s o n t r é d i g é s e n u n d i a l e c t e p a r l é ,
celui de la M i c h n a , p a r t i e la p l u s a n c i e n n e d u T a l m u d o
et n o n e n h é b r e u n é o - c l a s s i q u e .
O n sait ( D u p o n t - S o m m e r d i x i t en ses « M a n u s c r i t s
d e la m e r M o r t e » ) , q u e l e s z é l o t e s f u r e n t c o n s t i t u é s
p a r la fraction politique m i l i t a n t e des esséniens, d o n t
ils s e s é p a r è r e n t f i n a l e m e n t . P o u r C é c i l R o t h , l e s h o m -
m e s d e Q o u m r â n , le site o ù f u r e n t d é c o u v e r t s t o u s ces
m a n u s c r i t s , s o n t des zélotes. O r ces r o u l e a u x n o u s
parlent d'un trésor considérable, composé d'environ
d e u x c e n t s t o n n e s d'or, d ' a r g e n t , et a u t r e s m a t i è r e s
p r é c i e u s e s , d i s s i m u l é et e n f o u i e n s o i x a n t e p o i n t s
différents de la T e r r e sainte. O n conçoit q u e Néron,
qui répugnait malgré tout a u x exécutions inutiles, pré-
f é r a f a i r e p a y e r a u x c h e f s d e s r a n ç o n s , a b a n d o n n a n t les
m i l i t a n t s o r d i n a i r e s a u x lois r o m a i n e s et a u x t e r r i b l e s
usages qui en découlaient. L à encore, Flavius Josèphe
se m o n t r e e x c e l l e n t h i s t o r i e n , ses d i r e s s o n t prouvés
p a r les r o u l e a u x d e c u i v r e de Q o u m r â n , o n le v o i t .
Mais r e v e n o n s à la l u t t e zélote.
Q u a t o r z e a n s p l u s t a r d , la J u d é e et la Galilée s o n t
d é v a s t é e s p a r l a f a m i n e ; le c o n t r a i r e s e r a i t é t o n n a n t .
E t e n 47 d e n o t r e è r e , n o u v e l l e r é v o l t e i m p o r t a n t e ( i l
y en e u t d ' a u t r e s d a n s l ' i n t e r v a l l e , n o u s les r e t r o u v e -
rons). Et Tibère Alexandre, p r o c u r a t e u r de J u d é e , che-
v a l i e r r o m a i n , n e v e u de P h i l o n , fait c r u c i f i e r les c h e f s
d u m o u v e m e n t , à J é r u s a l e m . C o m m e n t se n o m m e n t - i l s ?
Ils se n o m m e n t Jacob (c'est-à-dire Jacques...), et
S i m o n , et ils s o n t t o u s d e u x , e u x a u s s i , « fils de J u d a
d e G a m a l a », n o u s d i t F l a v i u s J o s è p h e , et f r è r e s d e
J é s u s (Cf. M a r c : V I , III).
E t l a r é v o l t e d e 47 e s t l a s u i t e d e c e l l e d e l ' a n 34,
q u i é t a i t la suite de celle de l ' a n 6 ( r é v o l t e d u R e c e n s e -
m e n t ) , l a q u e l l e é t a i t la s u i t e des p r é c é d e n t e s .
On observera q u e J u d a de Gamala, en p r o c l a m a n t u n e
sorte de r é p u b l i q u e juive, en 6 a v a n t n o t r e ère, a v a i t
frappé des m o n n a i e s p o r t a n t en exergue cette qualifica-
tion. Un écho d i s c r e t d e m e u r e , au sein des E v a n g i l e s ,
de cet é p i s o d e :
« Ils e n v o y è r e n t a u p r è s d e J é s u s q u e l q u e s - u n s d e s
p h a r i s i e n s et des h é r o d i e n s , a f i n de le s u r p r e n d r e p a r
ses p r o p r e s d é c l a r a t i o n s . E t ils v i n r e n t lui d i r e : « M a î -
tre, n o u s s a v o n s q u e t u es v é r i d i q u e , e t q u e t u n e
tiens c o m p t e de p e r s o n n e , c a r tu n e r e g a r d e s pas à
l ' a p p a r e n c e des h o m m e s , et t u e n s e i g n e s la voie de
Dieu selon la vérité. Est-il, oui o u n o n , p e r m i s d e
p a y e r le t r i b u t à C é s a r ? D e v o n s - n o u s p a y e r , o u a u
c o n t r a i r e r e f u s e r de p a y e r ? » Jésus, c o n n a i s s a n t leur
hypocrisie, leur répondit : « P o u r q u o i m e tentez-vous ?
A p p o r t e z - m o i u n d e n i e r , a f i n q u e j e voie... » Ils en
apportèrent un. Et Jésus leur d e m a n d a : « De qui sont
cette effigie et cette i n s c r i p t i o n ? » Ils r é p o n d i r e n t :
« D e C é s a r . . . » A l o r s il l e u r d i t : « R e s t i t u e z à C é s a r
ce q u i e s t à C é s a r , e t à D i e u ce q u i e s t à D i e u . . . »
(Mathieu X X I I , 15 à 2 1 ) .
Il y a v a i t d o n c u n e m o n n a i e q u i é t a i t « o r t h o d o x e »
a u x y e u x de J é s u s , et u n e a u t r e q u i n e l ' é t a i t p a s

Cette filiation davidique, R o m e s'en m é f i e r a t o u j o u r s


p e u ou p r o u . T é m o i n ce p a s s a g e d ' E u s è b e de C é s a r é e :
« Il y a v a i t e n c o r e , d e l a r a c e d u S a u v e u r , l e s p e t i t s -
fils d e J u d e , q u i l u i - m ê m e é t a i t a p p e l é s o n f r è r e s e l o n
la c h a i r . O n l e s d é n o n c a c o m m e é t a n t a u s s i d e la r a c e
de D a v i d et l ' e v o c a t u s les t r a n s f é r a d e v a n t D o m i t i e n
César... » ( E u s è b e de C é s a r é e ; H i s t o i r e e c c l é s i a s t i q u e :
III, XX, I).

1. C e t t e m o n n a i e , n o u s en p o s s é d o n s d e s e x e m p l a i r e s , d é c o u -
v e r t s à M a s s a d a , e n d e s a b r i s s i t u é s s o u s le m u r de l a c a s e m a t e
d u s e c o n d p a l a i s , d i t « p a l a i s d e l ' o u e s t ». O n y a m i s a u j o u r
de n o m b r e u s e s p i è c e s de m o n n a i e , d o n t l a p l u p a r t d a t e n t de l a
s e c o n d e e t de l a t r o i s i è m e a n n é e de l a r é v o l t e j u i v e c o n t r e
H é r o d e , n o t a m m e n t t r o i s « s h e k e l s », t r è s r a r e s , d a t é s « A n 5 »,
et q u i f u r e n t les d e r n i e r s f r a p p é s d u r a n t c e t t e r é v o l t e . N o u s
r e l e v o n s ces r e n s e i g n e m e n t s d a n s le G u i d e B l e u « I s r a ë l »,
p a g e 480, é d i t i o n de 1966 ( H a c h e t t e é d i t e u r ) .
Jude, rappelons-le, était le véritable nom du taôma,
le frère jumeau de Jésus 1 comme nous le rapportent
Tatien et saint Ephrem.
Mais il est très difficile de démêler les véritables
personnalités de tout ce monde confus, ou que l'on a,
à dessein, rendu confus. Qu'on en juge :
« Après l'Ascension de Jésus, Jude, que l'on appelle
également Thomas, envoya à Abgar, roi d'Edesse, l'apô-
tre Thaddée, un des soixante-dix disciples... » (Eusèbe
de Césarée : Histoire ecclésiastique : III, xx, I).
On le voit, Eusèbe confirme Tatien et saint Ephrem
quant au véritable nom du jumeau de Jésus.
Ainsi, lorsque nous lisons un épisode évangélique
où il est question d'un certain Juda, il est possible qu'il
s'agisse de Thomas. Car il y avait deux personnages
de ce nom parmi les lieutenants de Jésus.
De même, lorsque nous rencontrons le nom d'Alphée,
père de Jacques le Mineur, nous ne faisons pas atten-
tion, bien souvent, au fait qu'il s'agit d'un surnom,
et d'un surnom en langue grecque. Car ce mot désigne
(alphos : dartre blanche) un homme atteint de psoria-
sis. Son véritable nom était peut-être Simon le Lépreux,
celui de Béthanie (Mathieu : XXVI, 6 — Marc : XIV,
3).
De même, lorsque nous rencontrerons un certain
Simon le Canaéen, (Marc : III, 18 — Luc : VI, 15 —
Actes : I, 13), nous n'établissons pas de rapports avec
Simon le Zélote, alias Simon le Sicaire. Or, en hébreu,
un Canaéen est celui qui est de Cana, et Cana, en
hébreu, signifie zèle, jalousie, fanatisme. Cana, ville
de Galilée où ont lieu les célèbres noces, Cana est
donc le centre où se réunissent les zélotes, les sicaires,
c'est le centre de l'intégrisme judaïque (du grec zélotès :
zélé, fanatique). Et Simon le Canaéen et Simon le
Zélote sont un seul et même personnage. Mieux encore,
ce personnage est un apôtre (Actes : I, 12 à 14), et
un frère du Seigneur » (Marc : VI, 3).

1. Cf. Jésus ou le mortel secret des Templiers, pages 79) à 90.


A Cana, on était en famille, le texte de Jean le
prouve :
« T r o i s j o u r s a p r è s , il y e u t d e s n o c e s à C a n a , e n
G a l i l é e . L a m è r e d e J é s u s é t a i t là, e t J é s u s f u t a u s s i
i n v i t é à ces n o c e s , a v e c ses disciples... » ( J e a n : II, 1-2).
L e s r a p p o r t s e n t r e G a l i l é e n s et zélotes s o n t é v i d e n t s ,
et m ê m e i n d i s c u t a b l e s . F l a v i u s J o s è p h e n o u s dit d ' e u x :
« E n s u i t e , les G a l i l é e n s , c e s s a n t l a g u e r r e c i v i l e ,
se c o n s a c r è r e n t a u x p r é p a r a t i f s c o n t r e les R o m a i n s . »
(Cf. F l a v i u s J o s è p h e : G u e r r e s d e J u d é e , m s . s l a v o n ,
II, XI) .
Car, n o u s dit-il p l u s loin : « Les Galiléens s o n t des
g u e r r i e r s . . . » (op. cit. : I I I , II).
D ' a i l l e u r s , à n o t r e é p o q u e , le c a r d i n a l J e a n D a n i é l o u
nous dit en son ouvrage Théologie d u judéo-christia-
n i s m e , q u e : « ... L e s G a l i l é e n s p a r a i s s e n t b i e n ê t r e
ici u n a u t r e n o m d e s zélotes... » (op. cit. : p a g e 84),
e t « ... L a G a l i l é e s e m b l e a v o i r é t é u n d e s p r i n c i p a u x
f o y e r s d u z é l o t i s m e . » (op. cit. : p a g e 84).
L'historien p r o t e s t a n t O s c a r C u l l m a n n observe égale-
m e n t e n s o n l i v r e D i e u e t C é s a r q u ' « il f a u t a s s i m i l e r
a u x zélotes, les G a l i l é e n s m e n t i o n n é s d a n s L u c , XIII,
1... »
Or, b i e n a v a n t ces a u t o r i t é s , l ' e m p e r e u r J u l i e n , a u
I V s i è c l e , u t i l i s a i t le t e r m e g a l i l é e n p o u r d é s i g n e r l e s
chrétiens.
Ainsi donc, zélotes, Galiléens, c h r é t i e n s , f u r e n t des
t e r m e s q u i d é s i g n è r e n t s u c c e s s i v e m e n t les p r e m i e r s
p a r t i s a n s de Jésus, a v a n t q u e l'hérésie p a u l i n i e n n e n ' a i t
é t e n d u s a c o n f u s i o n s u r les G e n t i l s e t s u r l e s J u i f s
de la D i a s p o r a .
Il n ' e s t p a s j u s q u ' a u v é r i t a b l e n o m du Baptiste qui
ne soit m a t i è r e à r e c h e r c h e s :
« Le domaine d'Archélaüs fut confié p a r César à u n
d e ses o f f i c i e r s n o m m é C o p o n i u s , a v e c p o u v o i r d e vie
e t d e m o r t s u r q u i il v o u d r a i t . E t il y e u t d e s o n t e m p s
u n h o m m e de Galilée, q u i r e p r o c h a i t a u x J u i f s , libre
d e s c e n d a n c e d ' A b r a h a m , de travailler m a i n t e n a n t p o u r
les R o m a i n s , d e l e u r p a y e r t r i b u t , e t d ' a v o i r a i n s i d e s
maîtres mortels, p o u r s'être privés du Maître immortel.
Voici enfin la suite, tant attendue, d e J é s u s ou le mortel
secret des Templiers.
Saviez-vous que Pilate était le petit-fils, par alliance, de
l'empereur Tibère ? Qu'il fut sanctifié et inscrit au mar-
tyrologe par les Eglises g r e c q u e et copte, et qu'il y eut
à Jérusalem, jusqu'au V I siècle, une église qui portait
son nom ? Et cela pour avoir facilité une évasion de
J é s u s ? Que cela lui coûta d'abord la déportation à
Vienne, puis la vie, d'ordre de Caligula ?
Que Tibère avait, en effet, de son vivant, fondé des
e s p é r a n c e s politiques sur Jésus, "fils de David", b a s e s
de s a stratégie contre les Parthes, en Asie Mineure ?
Qu'il y eut deux arrestations de Jésus, s é p a r é e s par un
procès en règle, une évasion et une fuite en Samarie,
suivies d'une dernière et fatale insurrection ?
Que J é s u s fut durant six a n s le neveu, par alliance, de
Hérode le Grand, la demi-sœur d e Marie, s a mère, ayant
é p o u s é c e roi dans les dernières a n n é e s d e sa vie ?
Et cela pour mieux soutenir une conspiration antihéro-
dienne ?
Que les frères et s œ u r s de J é s u s périrent tous en Pales-
tine, dans les combats zélotes et les représailles romai-
nes, à l'exception d e son oncle Mathieu, d e s e s frères
Philippe et Jude, alias Thomas, son jumeau, qui s e reti-
rèrent du mouvement ?...
Et que tout cela est fondé sur d e s documents inatta-
quables, que l'on a discrètement étouffés durant d e s
siècles ?
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