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Résolution pratique des équations aux dérivées

partielles

David Manceau
2
TABLE DES MATIÈRES 3

Table des matières

Introduction 7

1 Exemples classiques d’e.d.p. 9


1.1 Modélisation, mise en équation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
1.1.1 Équation de la chaleur . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
1.1.2 Mouvement d’un fluide irrotationnel et incompressible . . . . . . . . 11
1.1.3 Trafic routier . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
1.1.4 Équation des ondes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
1.2 Classification des e.d.p. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13

I Méthode des différences finies 17


2 Problèmes elliptiques 19
2.1 Problèmes elliptiques 1d, approche formelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
2.2 Justification des calculs : consistance, stabilité et convergence . . . . . . . 22
2.3 Problèmes elliptiques en dimension supérieure à 1 . . . . . . . . . . . . . . 27

3 Problèmes hyperboliques 31
3.1 Définitions et solution explicite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31
3.2 Méthode numérique : approche formelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32
3.3 Consistance, stabilité et convergence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33
3.4 Étude de la stabilité par analyse de Fourier . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34
3.5 Exemples de schémas . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
3.5.1 Le schéma explicite centré . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
3.5.2 Les schémas explicites décentrés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
3.5.3 Le schéma de Lax . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38
3.5.4 Le schéma implicite centré . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39
3.5.5 Le schéma de Lax-Wendroff . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 40

4 Problèmes paraboliques 41
4.1 Propriétés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41
4.2 Exemples de schémas . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42
4.2.1 Le schéma explicite centré . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42
4.2.2 Le schéma implicite centré . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43
4.2.3 Le θ-schéma et le schéma de Crank-Nicholson . . . . . . . . . . . . 44
4 TABLE DES MATIÈRES

5 Bilan sur les différences finies et exercices 47


5.1 Problèmes elliptiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47
5.2 Problèmes hyperboliques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48
5.3 Problèmes paraboliques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 51

II Méthode des éléments finis 53


6 Introduction à la notion de formulation variationnelle 55
6.1 Bref rappel sur les distributions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55
6.2 Les formules de Green . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 57
6.3 Applications à l’équation de Laplace . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58
6.4 Un première formulation variationnelle du problème de Dirichlet homogène 60

7 Espaces de Sobolev 63
7.1 Définitions et propriétés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63
7.2 L’espace H01 (Ω) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 66
7.3 Traces et formules de Green . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 68
7.4 Théorème de compacité de Rellich et applications . . . . . . . . . . . . . . 70
7.5 Dualité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 72

8 Analyse variationnelle des problèmes elliptiques 75


8.1 Théorie abstraite . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75
8.2 Problème de Dirichlet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77
8.3 Équation de Laplace avec conditions aux limites de Neumann . . . . . . . 81
8.4 Problèmes elliptiques sous forme divergence . . . . . . . . . . . . . . . . . 84

9 Approximation variationnelle 87
9.1 Approximation interne et système matriciel équivalent . . . . . . . . . . . . 87
9.2 Convergence de la méthode . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 88

10 Méthode des éléments finis en dimension 1 91


10.1 Éléments finis P1 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 91
10.2 Convergence et estimation d’erreur pour la méthode P1 . . . . . . . . . . . 95
10.3 Cas d’une condition de Neumann . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 98
10.4 Méthode des éléments finis P2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 100

11 Méthode des éléments finis en dimension d ≥ 2 103


11.1 Maillages triangulaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 103
11.2 Éléments finis Pk en dimension d ≥ 2 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 106
11.3 Calcul du second membre et assemblage de la matrice de rigidité . . . . . . 111
11.3.1 Calcul du second membre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 111
11.3.2 Assemblage de la matrice de rigidité . . . . . . . . . . . . . . . . . 112
11.4 Remarques sur le cas Ω non polyédrique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 113
11.5 Maillages rectangulaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 114
TABLE DES MATIÈRES 5

12 Théorie spectrale 117


12.1 Rappels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 118
12.2 Application au cadre variationnel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 119
12.3 Analyse numérique spectrale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 121

13 Problèmes paraboliques 125


13.1 Formulation variationnelle . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 125
13.2 Résolution numérique par éléments finis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 128

Bibliographie 131
6 TABLE DES MATIÈRES
TABLE DES MATIÈRES 7

Introduction

L’objectif de ce cours est de présenter la résolution numérique de certaines e.d.p.


(équations aux dérivées partielles) linéaires d’ordre 2 (i.e. contenant des dérivées d’ordre
au plus 2) à travers des exemples classiques intervenant dans la modélisation de nombreux
problèmes de physique, biologie, économie, . . . etc.
Pour donner un aperçu général succinct de ce qu’est la résolution numérique d’une
e.d.p., considérons une e.d.p. écrite sous la forme générale

Au = f dans Ω, (1)

où Ω est un ouvert de Rn , f représente les données du problème, A est un opérateur


(représentant les dérivées) et u est la solution du problème.
Résoudre numériquement l’e.d.p. (1) consiste à calculer une approximation de la so-
lution u sous forme d’un vecteur U ∈ RN , N ∈ N. Pour calculer cette approximation,
on utilise une méthode numérique dont l’objectif est de déterminer une matrice carrée A
d’ordre N (on notera A ∈ RN ×N ) et un vecteur b ∈ RN tels que U soit solution du système
linéaire
AU = b. (2)
Un exemple simple consiste à prendre pour vecteur U une approximation du vecteur
(u(x1 ), . . . , u(xN ))T , où x1 , . . . , xN sont N points distincts de Ω (maillage de Ω). C’est
le choix de la méthode numérique employée qui détermine A et b, dans le sens où deux
méthodes numériques différentes peuvent amener à des choix de A et b différents. Le
système (2) représente alors une discrétisation de l’e.d.p. (1).
Dans le cadre de ce cours, on présente deux familles de méthodes numériques : la
méthode des différences finies (la plus simple à mettre en place mais limitée, notamment, à
des domaines Ω simples), et la méthode des éléments finis. Ces deux méthodes comportent
chacune une idée clé :
1. Différences finies : utilisation du développement de Taylor pour approcher les déri-
vées.
2. Élements finis : utilisation de la formulation variationnelle de l’e.d.p. puis approxi-
mation de l’espace des solutions par des espaces vectoriels de dimension finie.
Lorsque l’on a obtenu le système (2), il faut s’assurer que celui-ci admet une solution
unique et que celle-ci est une “bonne” approximation de u. Ensuite, on résout le sys-
tème AU = b.
En TP, on travaillera avec le logiciel de calcul Scilab qui possède une fonction dédiée
à la résolution des systèmes linéaires. Ainsi, le travail le plus important consistera à
8 TABLE DES MATIÈRES

calculer A et b. Dans le cas de problèmes complexes (domaine Ω, fonction f “compliqués”),


il peut s’avérer nécessaire de considérer un maillage très fin (nombre N très grand). Dans
ce cas, le calcul de la solution du système linéaire par la fonction préprogrammée de Scilab
peut devenir très long. Pour mener à bien ce calcul, il faut alors étudier plus précisément la
matrice A du système et utiliser une méthode de résolution de problème matriciel adaptée
à la matrice A. Cet aspect de la résolution numérique des e.d.p. ne sera pas étudié dans
ce cours (sur ce sujet, on pourra notamment consulter l’annexe de [1] et l’ouvrage [2]).
La première partie de ce cours est consacrée à la méthode des différences finies et son
contenu s’inspire de [1, 3, 6, 7] et [9]. La seconde partie concerne la méthode des éléments
finis et est très largement inspirée de [1] et [12].
9

Chapitre 1

Exemples classiques d’e.d.p.

1.1 Modélisation, mise en équation


Dans cette première partie, on décrit certains phénomènes aboutissant aux équations
qui seront étudiées par la suite.

1.1.1 Équation de la chaleur


Soit Ω un domaine de Rd , d ≥ 1. On suppose le domaine Ω occupé par un matériau
homogène, isotrope et conducteur de la chaleur (plaque de métal par exemple). On note x
la variable d’espace (un point de Ω) et t la variable de temps. Les sources de chaleur à
l’instant t ≥ 0 et au point x ∈ Ω sont notées f (t, x) et la température u(t, x), toutes deux
exprimées en Kelvin K.
La quantité de chaleur est c u où c est la chaleur spécifique (constante dépendant du
matériau) en J.kg−1 .K−1 (J=Joules). D’après la loi de conservation de l’énergie, pour tout
volume élémentaire V , la variation en temps de la quantité de chaleur est le bilan de ce
qui est produit par les sources ou rentre à travers les parois. Autrement dit, on a
d
Z  Z Z
c u dx = f dx − q · ν dσ, (1.1.1)
dt V V ∂V

où ∂V est le bord de V , ν la normale extérieure unitaire au bord ∂V , q le vecteur flux de


chaleur et · désigne le produit scalaire de Rd . D’après le théorème de Gauss (ou théorème
de la divergence, ou formule de Green), on a
Z Z
q · ν dσ = div(q) dx, (1.1.2)
∂V Ω

où la divergence de la fonction vectorielle q = (q1 , . . . , qd )T est donnée par


n
X ∂qi
div(q) := .
i=1 ∂xi

D’après (1.1.1) et (1.1.2), on obtient

c ∂t u = f − div(q).
10 Chapitre 1 : Exemples classiques d’e.d.p.

De plus, d’après la loi de Fourier, on a


q = −k ∇u,
où k est la conductivité thermique du matériau (constante) en W.m−1 .K−1 (m=mètres,
W=Watt) et le gradient de la fonction scalaire u est défini par
∇u := (∂x1 u, . . . , ∂xd u)T .
On en déduit
c ∂t u − div(k∇u) = f.
L’opérateur laplacien est défini par ∆ := ∂x21 + · · · + ∂x2n . Alors, puisque k est constante
et div(∇·) = ∆, on obtient l’équation de la chaleur
c ∂t u − k∆u = f. (1.1.3)
Il est nécessaire d’ajouter à cette équation des conditions aux limites (i.e. portant sur
le comportement de la solution au bord du domaine Ω). On donne ci-dessous les deux
exemples les plus classiques de conditions aux limites (d’autres conditions existent).
1. Condition de Dirichlet.
Si le bord est un conducteur thermique idéal (les échanges de chaleur se font de
manière instantanée), on a
∀ x ∈ ∂Ω, ∀t > 0, u(t, x) = g(t, x),
où g est la température ambiante. En général, g est constante. Dans le cas g = 0,
la condition de Dirichlet est dite homogène.
2. Condition de Neumann.
Si le bord est un mauvais conducteur (par exemple l’air), en négligeant les effets de
radiation, on a
∂u
= 0 sur R+ × ∂Ω,
∂ν
où ∂u∂ν
= ∇u · ν est la dérivée normale de u.
Enfin, il faut ajouter une condition initiale
∀ x ∈ Ω, u(t = 0, x) = u0 (x),
où u0 est la température initiale du domaine Ω.
Alors, dans le cas d’un condition de Dirichlet homogène l’équation complète s’écrit




c ∂t u(t, x) − k∆u(t, x) = f (t, x) dans R+
∗ × Ω,
+
u(t, x) = 0 dans R∗ × ∂Ω, (1.1.4)



u(t = 0, x) = u0 (x) dans Ω.
Remarque 1.1.1. Si le terme source f ne dépend pas du temps, pour t suffisamment
grand, u devient aussi indépendant du temps. On dit alors que u est à l’état d’équilibre.
Dans ce cas, u(t, x) = u(x) d’où ∂t u = 0 et u est solution de l’équation de Poisson
∆u = f 0 , dans Ω, (1.1.5)
où f 0 := k −1 f .
1.1 Modélisation, mise en équation 11

1.1.2 Mouvement d’un fluide irrotationnel et incompressible


On suppose Ω ⊂ Rd occupé par un fluide irrotationnel, incompressible à l’équilibre
(i.e. qui ne varie pas en fonction du temps). Alors, la vitesse locale u : Ω → Rd du fluide
vérifie
rot(u) = 0 et div(u) = 0,
où rot(u) est le rotationnel de u défini comme étant la matrice carrée d’ordre d de
coefficients
∂ui ∂uj
rot(u)ij := − , ∀ i, j = 1, . . . , d.
∂xj ∂xi
On suppose de plus l’ouvert Ω simplement connexe. Alors, rot(u) = 0 entraîne qu’il existe
une fonction ϕ : Ω → R appelée fonction potentiel telle que

u = ∇ϕ.

Remarque 1.1.2. L’égalité rot(∇·) = 0 a toujours lieu. Par contre, la réciproque nécessite
de se placer dans un ouvert simplement connexe.
Puisque div(u) = 0 et u = ∇ϕ, on en déduit que ϕ vérifie l’équation de Laplace

∆ϕ = 0, dans Ω,

à laquelle il faut ensuite ajouter des conditions aux limites.

1.1.3 Trafic routier


Dans le cas d’une route à une seule voie, on note u le nombre de voitures par unité de
longueur de la route (on parle de densité). On se place sur un tronçon de route Ω := [0, 1]
en supposant qu’il n’y a pas d’arrêts ni de sorties. La quantité M (t) de voitures sur le
tronçon Ω à l’instant t est donnée par
Z 1
M (t) := u(t, x) dx.
0

Soit F le flux de voitures par unité de temps qui passent à l’instant t au point x, i.e.
moyenne du nombre de voitures passant en x. Par conservation de la masse, la variation
en temps de la masse totale est égale au flux rentrant moins le flux sortant, i.e.
Z 1
∂t M (t) = F (t, 0) − F (t, 1) = − ∂x F (t, y) dy.
0
R1
Puisque ∂t M (t) = 0 ∂t u(t, x) dx, on en déduit (formellement) l’équation de conserva-
tion
∂t u + ∂x F = 0 dans [0, 1].
Or Le flux F est une fonction de la densité u : F (t, x) = f (u(t, x)). En supposant que
chaque voiture roule à une vitesse moyenne constante v, on a F (t, x) = v u(x) et l’on
obtient l’équation de transport (ou d’advection) de vitesse v :

∂t u + v ∂x u = 0 dans R+ × [0, 1]. (1.1.6)


12 Chapitre 1 : Exemples classiques d’e.d.p.

1.1.4 Équation des ondes


On considère une corde tendue fixée à ses deux extrémités, représentée par l’inter-
valle [0, L], L > 0. Sous l’action d’une force normale d’amplitude f = f (t, x), la corde
se déforme (ou vibre). On suppose la masse m de la corde répartie uniformément et la
corde entièrement élastique. On cherche alors à déterminer les vibrations (déplacements)
de la corde en tout point x et temps t, soit l’inconnue u = u(t, x). Pour tout x ∈ [0, L], on

0 1

f (t, x) u(t, x)

Figure 1.1 – Corde soumise à une force normale f .

note w(t, x) la position (dans R2 ) de x à l’instant t. On a alors w(t, x) = x e1 + u(t, x) e2 ,


où (e1 , e2 ) est la base canonique de R2 . On désigne par T (t, x) l’action (tension) en w(t, x)
de la partie droite de la corde sur la partie gauche. En tout point, la tension est tangente
à la corde et donc il existe T1 tel que
T (t, x) = T1 (t, x) ∂x w(t, x).
On suppose dans la suite T1 constante. Soit ∆x > 0 petit. Alors, la section de la
corde [x, x + ∆x] est soumise à la force
T (t, x + ∆x) − T (t, x) + ∆x f (t, x) e2 = T1 (∂x w(t, x + ∆x) − ∂x w(t, x)) + ∆x f (t, x) e2 .
La densité linéaire de la corde est le réel ρ := m/L. Celle-ci permet de déterminer la
masse de la corde dans la section [x, x + ∆x] qui est alors donnée par ρ∆x. En appliquant
la loi de Newton, on obtient ainsi
T1 (∂x w(t, x + ∆x) − ∂x w(t, x)) + ∆x f (t, x) e2 = ρ ∆x ∂t2 w(t, x).
En divisant par ∆x puis en faisant ∆x → 0, on aboutit à T1 ∂x2 w − ρ∂t2 w = −f e2 . En
projetant cette équation dans la direction e2 , on obtient que u est solution de l’équation
des ondes
∂t2 u − c2 ∂x2 u = g, dans R+∗ × [0, L], (1.1.7)
où c2 := ρ/T1 et g := f /T1 . La corde étant fixée au bord, on a la condition aux limites de
Dirichlet homogène
u(t, 0) = u(t, L) = 0, pour t ∈ R+ . (1.1.8)
1.2 Classification des e.d.p. 13

L’équation étant de degré 2 en temps, il est nécessaire d’ajouter deux conditions initiales :

 u(t = 0, x) = u0 (x) pour x ∈ [0, L],
(1.1.9)
 ∂t u(t = 0, x) = u1 (x) pour x ∈ [0, L].

1.2 Classification des e.d.p.


Avant de donner une classification des e.d.p. linéaires du second ordre, on définit la
notion de problème bien posé due à Hadamard. Celle-ci est de grande importance dans
la résolution numérique des e.d.p. pour s’assurer que la solution approchée calculée est
effectivement proche de la solution exacte du problème considéré.
Pour énoncer cette définition, il est nécessaire de donner une formulation générale des
e.d.p. étudiées. Pour cela, on note f les données du problèmes (second membre, données
initiales, etc.), u la solution du problème et A une application qui agit sur u. Le problème
consiste alors à trouver u solution de

A(u) = f. (1.2.1)

Lorsque A est une application linéaire (ce qui sera toujours le cas dans ce cours) l’e.d.p.
sera dite linéaire (et non linéaire le cas échéant).
Définition 1.2.1. Le problème (1.2.1) est dit bien posé si pour toute donnée f il existe
une solution unique u, et si cette solution dépend continûment de f .
Remarque 1.2.2. Cette définition contient trois conditions dont on donne ici l’impor-
tance pour la résolution numérique.
1. Existence d’une solution, sans quoi l’élaboration d’une méthode numérique n’aurait
pas d’intérêt.
2. L’unicité de la solution, assure que si la méthode numérique converge alors celle-ci
converge vers la “bonne” solution.
3. La continuité de la solution par rapport aux données. Cette dernière condition est
très importante numériquement puisque dans le cadre d’une méthode numérique les
données du problèmes sont elles même approchées. Ainsi, si la solution du problème
n’est pas continue par rapport aux données, le fait d’approcher ces données peut
amener à fortement perturber la solution à calculer. La continuité assure qu’une
légère perturbation des données n’entraînera qu’une faible perturbation de la solu-
tion.
Définition 1.2.3. On appelle ordre d’une équation aux dérivées partielles l’ordre de la
plus grande dérivée apparaissant dans l’équation.
On donne ci-dessous une classification des e.d.p. linéaires du second ordre portant sur
des fonctions de deux variables réelles u(x, y). Une telle équation s’écrit

a ∂x2 u + b ∂xy
2
u + c ∂y2 u + d ∂x u + e ∂y u + f u = g, (1.2.2)

où, pour simplifier, a, b, c, d, e, f, g sont supposés constants.


14 Chapitre 1 : Exemples classiques d’e.d.p.

Définition 1.2.4. L’équation (1.2.2) est dite


1. elliptique si b2 − 4ac < 0,
2. parabolique si b2 − 4ac = 0,
3. hyperbolique si b2 − 4ac > 0.
Ci-dessous, on donne les exemples classiques d’e.d.p. linéaires du second ordre corres-
pondant aux trois classifications (elliptique, parabolique, hyperbolique). Dans la suite du
cours, ce sont ces exemples que l’on étudiera numériquement.
1. Problèmes elliptiques.
L’équation elliptique modèle est l’équation de Poisson donnée par (1.1.5). Comme
vu précédemment celle-ci modélise, entre autres, la répartition de la chaleur à l’état
d’équilibre ou encore le potentiel lié à la vitesse d’un fluide irrotationnel, incompres-
sible en équilibre.
2. Problèmes paraboliques
L’exemple modèle est celui de la conduction de la chaleur instationnaire donnée
par (1.1.3). Un autre modèle amenant à une e.d.p. parabolique est le modèle de
Black et Scholes (issu de la finance).
On note u(t, x) la valeur d’une option au temps t > 0 pour un actif x ∈ R. Si on
note σ la volatilité (degré de dépendance d’un titre par rapport aux fluctuations du
marché) de l’action et r le taux d’intérêt, alors u vérifie
σ 2 x2 2
∂t u(t, x) + r x ∂x u(t, x) + ∂x u(t, x) = r u(t, x), (t, x) ∈ (0, T ) × R.
2
La condition initiale est une condition finale, i.e. on fixe la valeur de l’option au
temps T :
u(t = T, x) = max(x − k, 0).
Ce modèle permet de déterminer la valeur initiale (au temps t = 0) à donner à
l’option pour que celle-ci atteigne la valeur k au bout d’un temps T . On peut
montrer au prix de changements de variables que la résolution de l’équation de
Black et Scholes se ramène à celle de l’équation de la chaleur.
3. Problèmes hyperboliques
L’exemple modèle est celui de l’équation des ondes donnée par (1.1.7). Cette équa-
tion peut se ramener à une équation du type (1.1.6). Pour cela, on pose v := ∂t u
et w := ∂x u. Alors, on a ∂t v = f + c2 ∂x w et ∂x v = ∂t w. En notant U := (v, w)T , on
obtient ! !
f c2 ∂x w
∂t U = +
0 ∂x u
! !
f 0 c2
= + ∂x U.
0 1 0
! !
0 c2 f
En posant A := et F := , on en déduit que U vérifie l’équation
1 0 0
d’advection vectorielle
∂t U − A ∂x U = F.
1.2 Classification des e.d.p. 15

Ainsi, il est plus commode de considérer comme modèle hyperbolique l’équation


(plus simple) d’advection donnée par (1.1.6).
16 Chapitre 1 : Exemples classiques d’e.d.p.
17

Première partie

Méthode des différences finies


19

Chapitre 2

Problèmes elliptiques

2.1 Problèmes elliptiques 1d, approche formelle


On considère une barre électrique chauffée par une source de chaleur f dont les ex-
trémités sont plongées dans la glace. Soit u(x) la température au point x de la barre. On
modélise la barre par l’intervalle [0, 1]. Alors, dans le cas stationnaire, u est solution de

 −u00 (x) = f (x), x ∈]0, 1[,
(2.1.1)
 u(0) = u(1) = 0.

On va étudier la résolution numérique de l’e.d.p. (2.1.1) en supposant la solution u régu-


lière (autrement dit u ∈ C 2 (0, 1)). On admettra dans cette partie le caractère bien posé
de cette e.d.p. qui sera démontré plus loin.
Remarque 2.1.1. Pour que la solution u de (2.1.1) soit régulière, il est nécessaire que f
soit continue. Dans ce cas, il est alors assez simple de déterminer u. L’intérêt de développer
une méthode numérique pour résoudre l’équation (2.1.1) réside dans le fait que cette
méthode s’adapte ensuite à tout problème elliptique et s’écrit simplement dans le cas de
l’équation (2.1.1).
On décrit la méthode en trois parties : choix du maillage, choix du schéma numérique
et détermination du problème discret.

1ère étape : Choix de la discrétisation, maillage.


On considère une subdivision

0 = x0 < x1 < · · · < xN < xN +1 = 1,

de l’intervalle [0, 1], où N ∈ N. Pour i = 0, . . . , N , on pose hi := xi+1 − xi . Le pas du


maillage est défini par
h := max hi .
i=0,...,N

Pour la méthode des différences finies, on considère un pas de maillage constant, i.e.

h = hi , ∀ i = 0, . . . , N.
20 Chapitre 2 : Problèmes elliptiques

On a alors xi+1 = xi + h pour tout i = 0, . . . , N . La première étape de discrétisation


consiste à remplacer le problème (2.1.1) par

 −u00 (xi ) = f (xi ), ∀ i = 1, . . . , N,
(2.1.2)
 u(x0 ) = u(xN +1 ) = 0.

2ème étape : Construction d’un schéma numérique.


On suppose u ∈ C 2 (0, 1). Alors u admet un développement limité sous la forme

u(xi+1 ) = u(xi + h)
h2 00
= u(xi ) + h u0 (xi ) + u (xi ) + O(h3 ),
2
et
u(xi−1 ) = u(xi − h)
h2 00
= u(xi ) − h u0 (xi ) +
u (xi ) + O(h3 ),
2
où |O(h3 )| ≤ c h3 où c est une constante indépendante de h. En additionnant les deux
égalités précédentes, on obtient l’expression suivante pour u00 (xi ) :

u(xi+1 ) − 2 u(xi ) + u(xi−1 )


u00 (xi ) = + O(h). (2.1.3)
h2
Autrement dit, l’expression

u(xi+1 ) − 2 u(xi ) + u(xi−1 )


,
h2
est une approximation de u00 (xi ) pour h suffisamment petit. Pour i = 0, . . . , N + 1, on
note ui une approximation de u(xi ), d’où u0 = uN +1 = 0 (prise en compte des conditions
aux limites). Alors, à priori (cela sera justifié dans la section suivante), l’expression
ui+1 − 2 ui + ui−1
, (2.1.4)
h2
est une approximation de u00 (xi ).

Remarque 2.1.2. Ce choix d’approximation n’est pas unique, il est celui qui détermine
le schéma numérique considéré. Dans notre cas le schéma sera dit centré car il fait
intervenir i − 1 et i + 1, d’où une symétrie par rapport à l’indice i.

Avec ce choix d’approximation, on peut approcher le problème (2.1.2) par le problème


discret suivant : trouver u1 , . . . , uN ∈ R tels que
ui+1 − 2 ui + ui−1


 − = f (xi ), ∀ i = 1, . . . , N,
h2 (2.1.5)


u0 = uN +1 = 0.

3ème étape : Passage au problème matriciel.


2.1 Problèmes elliptiques 1d, approche formelle 21

On va écrire (2.1.5) sous forme d’un système matriciel. On pose Uh = (u1 , . . . , uN )T .


Il faut tout d’abord prendre en compte les conditions aux limites u0 = uN +1 = 0 (celles-ci
n’interviennent que à ce niveau). Pour i = 1, puisque u0 = 0, le problème se simplifie
u2 − 2 u1
− = f (x1 ).
h2
De même, pour i = N , on a
−2 uN + uN −1
− = f (xN ).
h2
Ainsi, (2.1.5) s’écrit
 f (x1 )
  

−2 1 0 ... 0 u1
1 −2 1 . . . 0  ..   .. 
. .

    
1  .. . . . . . ..    
− 2

. . .  .. 
=
 .. 
.
h 

 . 


 . 
.. .. ..  ..   .. 
. . . 1

 . .
   
   
0 . . . . . . 1 −2 uN f (xN )
Autrement dit, le vecteur Uh est solution du système matriciel
Ah Uh = bh , (2.1.6)
où Ah ∈ RN ×N et bh ∈ RN sont donnés par
f (x1 )
 
−2 1 0 ... 0
 

1 −2 1 . . . 0
 .. 
.
   
 
1  .. . . . . . ..
 
..

.
 
Ah = − 2 . . 
 et bh = 
. . (2.1.7)
h  .. ... ...
 
 ..


. 1
 
.
   
 
0 . . . . . . 1 −2 f (xN )
Ainsi, on a la méthode suivante pour obtenir une approximation numérique de la solution u
de (2.1.1) :
1. On choisit un pas de maillage h > 0 petit (détermine la subdivision (xi )i=0,...,N +1 ).
2. On détermine une approximation de u00 (xi ) par les développements de Taylor,
3. On en déduit un système matriciel Ah Uh = bh dont la solution Uh = (u1 , . . . , uN )T
approche le vecteur (u(x1 ), . . . , u(xN ))T .
4. On résout le système Ah Uh = bh .
Exemple 2.1.3. On donne dans la figure 2.1 les graphes obtenus pour f = 2 suivant le
nombre de points de discrétisation choisi, ainsi que le graphe de la solution exacte.
Remarque 2.1.4. Le choix du pas de maillage h détermine le nombre N + 2 de points
de discrétisation. Ainsi, si h est très petit, le nombre N + 2 de points considérés est très
grand et l’approximation Uh est une meilleure représentation de la solution u. Dans la
pratique, un pas de maillage h trop petit peut entraîner un coût de calcul prohibitif et
il est donc nécessaire de déterminer un pas de maillage suffisamment petit pour obtenir
une bonne approximation sans que le temps de calcul soit trop long.
22 Chapitre 2 : Problèmes elliptiques

Figure 2.1 – À gauche, approximation de la solution de (2.1.1), avec f = 2, pour N + 2


points de discrétisation avec N = 2, 7 et 20. À droite, la solution exacte.

Il reste certains points à vérifier :


1. que le système matriciel Ah Uh = bh admet une solution unique,
2. que Uh est continue par rapport aux données bh (autrement dit qu’une légère varia-
tion de bh n’entraîne qu’une légère variation de Uh ),
3. que, pour h → 0, le vecteur Uh solution de Ah Uh = bh converge bien vers (u(x1 ), . . . , u(xN ))T
(autrement dit, que c’est effectivement une bonne approximation de u).

Remarque 2.1.5. Les deux premiers points forment une version discrète de la notion de
problème bien posé d’Hadamard. Le premier point est logique du fait que l’on cherche à
déterminer Uh , d’où la nécessité d’existence. L’unicité est utile pour obtenir le Uh cherché
(et non une autre solution). Le deuxième point est particulièrement important car en
pratique le vecteur bh est obtenu en calculant des valeurs approchées des f (xi ), ainsi on
commet une légère erreur sur bh . La continuité de Uh par rapport à bh permet de s’assurer
que la légère erreur commise sur bh n’entraîne qu’une légère erreur sur Uh .

2.2 Justification des calculs : consistance, stabilité et


convergence
Pour justifier l’approche formelle de la section précédente, on introduit trois notions
que l’on définira rigoureusement plus loin :
2.2 Justification des calculs : consistance, stabilité et convergence 23

1. consistance, signifie que le système matriciel Ah Uh = bh est une approximation de


l’e.d.p. (2.1.1),
2. stabilité, signifie que la solution Uh est continue par rapport au données bh ,
3. convergence, signifie que Uh converge (dans un sens à préciser) lorsque h → 0 vers
la solution u de (2.1.1).
On fera appel au résultat suivant :

Proposition 2.2.1 (Principe du maximum discret). Soit b ∈ RN tel que bi ≥ 0 pour


tout i = 1, . . . , N . Si U ∈ RN vérifie Ah U = b, où Ah est donnée par (2.1.7), alors Ui ≥ 0
pour tout i = 1, . . . , N .

Démonstration. Soit k le plus petit entier tel que

Uk = min Ui .
i=1,...,N

On suppose Uk < 0. Trois cas sont possibles : k = 1, 1 < k < N et k = N .


Pour k = 1, (Ah U )1 = b1 ≥ 0 entraîne

U2 − 2 U1
− ≥ 0,
h2
d’où
U2 ≤ 2 U1 .
Or U1 = min Ui ≤ U2 donc 2 U1 ≤ U2 + U1 < U2 car U1 < 0. Finalement U2 < U2 :
impossible. Pour k = N on procède de la même manière. Pour 1 < k < N , (AU )k = bk ≥ 0
entraîne
Uk+1 − 2 Uk + Uk−1
− ≥ 0,
h2
d’où
(Uk+1 − Uk ) + (Uk−1 − Uk ) ≤ 0.
Or Uk+1 − Uk ≥ 0 et Uk−1 − Uk ≥ 0 donc (Uk+1 − Uk ) + (Uk−1 − Uk ) = 0. Alors Uk =
Uk−1 = Uk+1 , en réitérant le même raisonnement sur k − 1 on aboutit au cas k = 1 vu
précédemment. L’hypothèse Uk < 0 est donc fausse, d’où Uk ≥ 0. Alors 0 ≤ Uk ≤ Ui pour
tout i = 1, . . . , N .

On peut maintenant montrer le résultat suivant :

Proposition 2.2.2. Le système matriciel (2.1.6) admet une unique solution.

Remarque 2.2.3. Le principe du maximum discret est l’ingrédient clé pour la démonstra-
tion de la Proposition 2.2.2. C’est une méthode classique pour les schémas numériques des
e.d.p. elliptiques de démontrer un principe du maximum discret et d’en déduire l’existence
et unicité du problème discret.
24 Chapitre 2 : Problèmes elliptiques

Démonstration. Supposons que le système (2.1.6) admet deux solutions U et V . Alors


W := U − V est solution de Ah W = 0 donc Ah W ≥ 0 et Ah W ≤ 0. Par le principe
du maximum discret, on en déduit W ≥ 0 et W ≤ 0 d’où W = 0 donc U = V . En
particulier on en déduit que l’application linéaire associée à la matrice Ah est injective or,
en dimension finie, toute application linéaire injective est bijective donc le matrice Ah est
inversible et le système (2.1.6) admet une unique solution.

Remarque 2.2.4. Une autre preuve consiste à montrer que Ah est symétrique définie po-
sitive. Cette propriété permet de plus d’utiliser la méthode de Cholesky pour la résolution
numérique du système Ah Uh = bh .

Définition 2.2.5. (Erreur de consistance) On appelle erreur de consistance R d’un


schéma numérique la quantité obtenue en remplaçant, dans le schéma numérique, l’incon-
nue par la solution exacte u. En particulier, pour le schéma (2.1.6), on a R = Ah U − bh
où U = (u(x1 ), . . . , u(xN ))T .

Dans le cadre du schéma numérique (2.1.6), l’erreur de consistance ri au point xi (ième


coordonnée de R) est donnée par
1
ri = − (u(xi+1 ) − 2u(xi ) + u(xi−1 )) − f (xi ). (2.2.1)
h2
Définition 2.2.6. (Ordre d’un schéma) On dit qu’un schéma numérique à N points de
discrétisation est d’ordre p ∈ N s’il existe une constante C ∈ R indépendante de la
solution exacte telle que l’erreur de consistance vérifie

max |ri | ≤ C hp .
i=1,...,N

De plus, on dit que le schéma est consistant si

lim max |ri | = 0.


h→0 i=1,...,N

Dans le cadre du schéma (2.1.6), on a le

Lemme 2.2.7. Si la solution exacte u de (2.1.1) vérifie u ∈ C 4 (0, 1) alors le schéma (2.1.6)
est consistant d’ordre 2. Précisément, on a

h2
|ri | ≤ max |u(4) (x)|, ∀ i = 1, . . . , N. (2.2.2)
12 x∈[0,1]

Démonstration. Puisque u ∈ C 4 (0, 1) on a le développement de Taylor à l’ordre 4 :

h2 00 h3 000 h4 (4)
u(xi+1 ) = u(xi ) + h u0 (xi ) + u (xi ) + u (xi ) + u (ξi ),
2 6 24
h4
où ξi ∈ [0, 1]. Le dernier terme 24
u(4) (ξi ) est le reste de la formule de Taylor. De même,
on a
h2 00 h3 000 h4 (4)
u(xi−1 ) = u(xi ) − h u0 (xi ) + u (xi ) − u (xi ) + u (νi ),
2 6 24
2.2 Justification des calculs : consistance, stabilité et convergence 25

où νi ∈ [0, 1]. On en déduit


1
ri = − (u(xi+1 ) − 2u(xi ) + u(xi−1 )) − f (xi )
h2
1 h4 (4) h4 (4)
= − 2 (h2 u00 (xi ) + u (ξi ) + u (νi )) − f (xi )
h 24 24
h2
= −u00 (xi ) − f (xi ) + (u(4) (ξi ) + u(4) (νi )).
24
Or, comme u est la solution exacte de (2.1.1) on a −u00 (xi ) = f (xi ) donc
h2 (4)
ri = (u (ξi ) + u(4) (νi )).
24
On en déduit (2.2.2).
Remarque 2.2.8. On peut remarquer que si, de plus, u vérifie u(4) = 0 alors ri = 0
donc ui = u(xi ).
Définition 2.2.9. Un schéma numérique est dit stable pour la norme || · || si sa solution
(quand elle existe) est continue pour la norme ||·|| par rapport aux données. En particulier,
pour le schéma Ah Uh = bh , cela signifie qu’il existe une constante C > 0 indépendante
de h et bh telle que ||Uh || ≤ C ||bh ||.
Remarque 2.2.10. On rappelle que pour toute norme vectorielle k · k sur RN , on peut
définir une norme matricielle associée (norme subordonnée), encore notée k · k, définie
sur RN ×N par
∀ A ∈ RN ×N , kAk := max{kAU k, kU k = 1}.
En particulier pour la norme vectorielle || · ||∞ définie par ||U ||∞ = max{|Ui | | i =
1, . . . , N }, on a
N
∀ A := (aij )1≤i,j≤N ∈ RN ×N ,
X
kAk∞ = max |aij |.
1≤i≤N
j=1

Proposition 2.2.11. Le schéma numérique (2.1.6) est stable pour la norme || · ||∞ . En
particulier, on a kA−1
h k∞ ≤ 1/8.

Démonstration. Soit Uh la solution de (2.1.6) alors on a Uh = A−1


h bh et donc

||Uh ||∞ = ||A−1 −1


h bh ||∞ ≤ ||Ah ||∞ ||bh ||∞ .

Il suffit donc de montrer qu’il existe une constante C indépendante de h telle que ||A−1
h ||∞ ≤ C.
T N −1 N ×N
On note e = (1, . . . , 1) ∈ R et A = (bij ) ∈ R , on a
N
−1
X
kA ek∞ = max |(Be)i | = max | bij |.
1≤i≤N 1≤i≤N
j=1

Soit v ∈ RN avec vi ≥ 0 pour tout i. Comme Ah est inversible, il existe un unique w ∈ RN


tel que v = Ah w. Par le principe du maximum discret, on a wi ≥ 0 et donc (A−1 h v)i ≥ 0.
26 Chapitre 2 : Problèmes elliptiques

Si on choisit v = ej le j-ème vecteur de la base canonique de RN on a (A−1 −1


h v)i = (Ah )ij
−1
d’où (Ah )ij ≥ 0. On en déduit
N N
||A−1 bij = ||A−1
X X
h e||∞ = max | bij | = max h ||∞ .
1≤i≤N 1≤i≤N
j=1 j=1

On pose d = A−1 h e. Alors e = Ah d, autrement dit d est la solution du schéma numérique


associé à l’équation (2.1.1) avec f = 1, à savoir
(
−w00 (x) = 1 dans ]0, 1[,
w(0) = w(1) = 0.
2
Or w00 (x) = −1 entraîne w(x) = − x2 + αx + β et w(0) = w(1) = 0 donne β = 0 et α = 12 .
Donc w(x) = − x2 (x − 1). En particulier, on a w(4) (x) = 0. D’après la Remarque 2.2.8, on
en déduit w(xi ) = di d’où di = − x2i (xi − 1). Alors, on obtient
1 1 1
kA−1 −1
h ||∞ = ||Ah e||∞ = ||d||∞ = max |di | = max |xi (xi −1)| ≤ max |x(x−1)| = .
i=1,...,N 2 i=1,...,N 2 x∈[0,1] 8

Remarque 2.2.12. le schéma (2.1.6) est dit inconditionnellement stable car il n’est
pas nécessaire de fixer une condition sur le pas h pour avoir la stabilité.
Définition 2.2.13. Pour un schéma numérique Ah Uh = bh de l’équation (2.1.1), on ap-
pelle erreur de discrétisation (ou de convergence) le vecteur e ∈ RN dont les coefficients
sont
ei := u(xi ) − ui , ∀ i = 1, . . . , N,
où u est la solution exacte de (2.1.1). De plus, on dit que le schéma numérique converge
en norme || · || si l’erreur de discrétisation tend vers 0 en norme || · || lorsque le pas h tend
vers 0.
Exemple 2.2.14. Sur la figure 2.2 on a tracé kek∞ suivant le nombre de points de
discrétisations N + 2 (ici N + 2 varie de 2 à 50) pour f (x) := π sin(πx).
Théorème 2.2.15. Soit u la solution exacte de (2.1.1) et Uh la solution du schéma
numérique (2.1.6). On suppose u ∈ C 4 (0, 1). Alors, l’erreur de discrétisation vérifie
h2 (4)
||u ||∞ .
||e||∞ ≤
96
Donc le schéma numérique (2.1.6) converge en norme || · ||∞ et est d’ordre 2.
Démonstration. On pose U := (u(x1 ), . . . , u(xN ))T . Alors, ||e||∞ = ||U − Uh ||∞ . Par
définition de l’erreur de consistance R, on a
R = Ah U − bh = Ah (U − Uh ) car Ah Uh = bh .
Donc U − Uh = A−1
h R. Alors, d’après le Lemme 2.2.7 et la Proposition 2.2.11, on obtient

h2 (4)
||e||∞ = ||A−1 −1
h R||∞ ≤ ||Ah ||∞ ||R||∞ = ||u ||∞
96
2.3 Problèmes elliptiques en dimension supérieure à 1 27

Figure 2.2 – Graphe de kek∞ en fonction de N pour f (x) = π sin(πx).

Remarque 2.2.16.
1. La stratégie employée est classique : on étudie la consistance puis la stabilité du
schéma et cela permet d’en déduire la convergence.
2. L’ordre de convergence du schéma est important pour comparer différents schémas.
Le pas h étant petit (donc inférieur à 1), la quantité hp est d’autant plus petite
que p est grand. Ainsi l’ordre de convergence d’un schéma détermine sa vitesse de
convergence.
3. La constante de stabilité permet de déterminer l’erreur commise en approchant le
second membre.
En effet, supposons que l’on ne puisse pas calculer explicitement f (xi ) mais en obtenir
une valeur approchée. Alors on obtient un second membre

(ch )i = f (xi ) + εi ,

où εi est l’erreur commise en approchant f (xi ) et ε := (ε1 , . . . , εN )T . On va alors résoudre


le problème Ah Ũh = ch au lieu de Ah Uh = bh . L’erreur commise en calculant Ũh est donc

||Ũh − Uh ||∞ = ||A−1 −1 −1


h (ch − bh )||∞ = ||Ah ε||∞ ≤ ||Ah ||∞ ||ε||∞

Ainsi, connaissant une borne sur ||A−1


h ||∞ et l’erreur commise sur les données ||ε||∞ , on
détermine l’erreur commise dans le calcul de Ũh .

2.3 Problèmes elliptiques en dimension supérieure à 1


Le principe est exactement le même que celui de la dimension 1, la seule différence ré-
side dans l’écriture. On va étudier seulement le cas de la dimension 2, le cas de dimensions
supérieures étant complètement analogue.
28 Chapitre 2 : Problèmes elliptiques

On cherche à résoudre numériquement le problème


(
−∆u = f dans Ω =]0, 1[2 ,
(2.3.1)
u = 0 sur ∂Ω,

où u = u(x, y), ∆ = ∂x2 + ∂y2 et ∂Ω est le bord de Ω.


On commence par définir un maillage de Ω. On pose

xi := i h et yj := j h,

où 0 ≤ i, j ≤ N + 1, h := 1/(N + 1) et N ∈ N.
Remarque 2.3.1. La méthode des différences finies nécessite de considérer un domaine Ω
rectangulaire du fait du type de maillage considéré (pour des extensions à des domaines
non rectangulaires voir, par exemple, [3] page 242).
On va déterminer ui,j qui approche u(xi , yj ). Par le développement de Taylor, on a
u(xi+1 , yj ) − 2u(xi , yj ) + u(xi−1 , yj )
∂x2 u(xi , yj ) = 2
+ O(h3 ),
h
et
u(xi , yj+1 ) − 2u(xi , yj ) + u(xi , yj−1 )
∂y2 u(xi , yj ) = + O(h3 ).
h2
Un schéma numérique possible est alors de considérer l’approximation suivante de ∆u(xi , xj )
−4ui,j + ui+1,j + ui−1,j + ui,j+1 + ui,j−1
∆h ui,j = .
h2
Avec cette notation, le problème discrétisé est : trouver ui,j tels que
(
−∆h ui,j = f (xi , yj ) pour 1 ≤ i, j ≤ N,
(2.3.2)
u0,j = uN +1,j = ui,0 = ui,N +1 = 0 pour 1 ≤ i, j ≤ N,

Pour écrire (2.3.2) sous forme matricielle, on pose

Uh = (u11 , . . . , u1N , u21 , . . . , u2N , . . . , uN N )T .

Alors le problème (2.3.2) s’écrit


Ah Uh = bh ,
N 2 ×N 2 N2
où Ah ∈ R et bh ∈ R sont donnés par
B C 0 ... 0
 

 C B C ... 0 

1  .. . . . . . . .
. ..

Ah = − 2 . . . ,

h  .. .. ..

. . . C
 
 
0 ... ... C B
et
bh = (f (x1 , y1 ), . . . , f (x1 , yN ), f (x2 , y1 ), . . . , f (xN , yN ))T ,
2.3 Problèmes elliptiques en dimension supérieure à 1 29

avec
−4 1 0 ... 0
 

 1 −4 1 . . . 0 

.. . . . . . . .
. ..
 
B= . . . ∈ RN ×N et C = IN ∈ RN ×N .
 
 

.. .. ..

. . . 1
 
 
0 . . . . . . 1 −4
Tout les résultats de consistance, stabilité et convergence du cas de la dimension 1
s’adaptent sans modification majeur.

Exemple 2.3.2. Soit u(x, y) := −x(x − 1)y(y − 1) exp(xy) et f = −∆u, de sorte que u
est solution de (2.3.1). Sur la figure 2.3, on a tracé les isovaleurs de l’approximation de u
donnée par (2.3.2) pour un pas d’espace h = 0.02 que l’on compare à la solution exacte u.

Figure 2.3 – Comparaison entre solution approchée et solution exacte pour le problème
de Dirichlet en dimension 2

Remarque 2.3.3. On peut choisir un pas h en x et k en y différents. Dans ce cas


Ah ∈ RN M ×N M , où h := 1/(N + 1) et k := 1/(M + 1).
30 Chapitre 2 : Problèmes elliptiques
31

Chapitre 3

Problèmes hyperboliques

Dans ce chapitre, on étudie la résolution numérique par différences finies de l’équation


d’advection

 ∂t u(t, x) + a(t, x)∂x u(t, x) = 0, (t, x) ∈ R+
∗ × R,
(3.0.1)
 u(t = 0, x) = u0 (x), x ∈ R,

où la vitesse de transport a et la donnée initiale u0 sont données.

3.1 Définitions et solution explicite


Définition 3.1.1. On appelle solution classique de (3.0.1) toute fonction u ∈ C 1 (R∗+ × R)
qui vérifie (3.0.1).

Définition 3.1.2. On appelle courbe caractéristique de (3.0.1) la solution X = X(t, y)


de 
 ∂t X(t, y) = a (t, X(t, y)) , (t, y) ∈ R∗+ × R,
(3.1.1)
 X(t = 0, y) = y, y ∈ R.

Dans la suite, pour simplifier, on suppose a constant. La solution de (3.1.1) est alors
donnée par X(t, y) = at + y.

Proposition 3.1.3. On suppose u0 ∈ C 1 (R). Alors, les solutions classiques de (3.0.1)


sont constantes (par rapport à la variable t) sur les courbes caractéristiques, i.e. si u est
solution classique de (3.0.1), on a

u (t, X(t, y)) = u0 (X(0, y)) = u0 (y), ∀ (t, y) ∈ R+


∗ × R. (3.1.2)

Réciproquement, si u vérifie (3.1.2) alors u est solution classique de (3.0.1).

On sait que X(t, y) = at + y. Alors, sous les conditions de la Proposition 3.1.3, si u est
solution classique de (3.0.1), on a u(t, at + y) = u0 (y). On en déduit u(t, y) = u0 (y − at).
Ainsi, on obtient le résultat suivant :
32 Chapitre 3 : Problèmes hyperboliques

Corollaire 3.1.4. Si u0 ∈ C 1 (R), il existe une unique solution classique u de (3.0.1)


donnée par
u(t, y) = u0 (y − at) pour (t, x) ∈ R∗+ × R.
Remarque 3.1.5. La condition u0 ∈ C 1 (R) est nécessaire pour que u ∈ C 1 (R∗+ × R).
Démonstration de la Proposition 3.1.3. On suppose que u est solution classique de (3.0.1)
et on calcule
∂h i
u(t, X(t, y)) = ∂t u(t, X(t, y)) + ∂t X(t, y)∂x u(t, X(t, y))
∂t
= ∂t u(t, X(t, y)) + a ∂x u(t, X(t, y)) = 0,
d’où
u(t, X(t, y)) = u(0, X(0, y)) = u0 (y).
Réciproquement, soit u telle que u(t, X(t, y)) = u0 (y). Alors ∂t [u(t, X(t, y))] = 0, d’où
(d’après le calcul ci-dessus)
∂t u(t, X(t, y)) + ∂t X(t, y)∂x u(t, X(t, y)) = 0,
ce qui donne le résultat puisque la droite X(t, y) est une bijection de R.

3.2 Méthode numérique : approche formelle


Comme dans le cas des problèmes elliptiques, on commence par discrétiser l’espace de
définition de l’e.d.p. (3.0.1). On note ∆x et ∆t les pas d’espace et de temps, supposés
positifs et petits. On se place sur un intervalle de temps borné [0, T ], où T = N ∆t
avec N ∈ N. On pose (
xj = j∆x, j ∈ Z,
tn = n∆t, n ∈ {0, . . . , N }.
Alors, on cherche une approximation uni de u(tn , xj ). Les développements de Taylor
donnent
u(tn+1 , xj ) = u(tn , xj ) + ∆t ∂t u(tn , xj ) + O(∆t2 ),
et
u(tn , xj+1 ) = u(tn , xj ) + ∆x ∂x u(tn , xj ) + O(∆x2 ),
u(tn , xj−1 ) = u(tn , xj ) − ∆x ∂x u(tn , xj ) + O(∆x2 ).
Donc on a
u(tn+1 , xj ) − u(tn , xj )

∂t u(tn , xj ) = + O(∆t),




∆t

 u(tn , xj+1 ) − u(tn , xj−1 )
 ∂x u(tn , xj ) =

+ O(∆x).
2∆x
Un premier choix simple de schéma numérique pour l’e.d.p. (3.0.1) est alors

un+1
j − unj un − unj−1
+ a j+1

= 0,


∆t 2∆x (3.2.1)

u0j = u0 (xj ).


3.3 Consistance, stabilité et convergence 33

Ce schéma peut encore s’écrire sous la forme (en laissant de coté la condition initiale)

∆t
un+1
j = unj + a (un − unj−1 ). (3.2.2)
2∆x j+1
Il est dit explicite en temps (le terme en n + 1 est donné en fonction de n) et centré en
espace.

3.3 Consistance, stabilité et convergence


Pour unj une approximation de u(tn , xj ), on note un = (unj )j∈Z ∈ RZ . Les schémas que
l’on va considérer sont les schémas qui s’écrivent sous la forme

un+1 = E∆ un , ∀ n ∈ {0, . . . , N }, (3.3.1)

où E∆ est une application linéaire sur RZ . On parle de schéma à deux niveaux.

Remarque 3.3.1. L’approximation un de u à l’instant tn est ici un élément de RZ parce


qu’aucune condition aux limites n’a été spécifiée. Dans la pratique, lorsque l’on ajoute
une condition aux limites, un est un vecteur et E∆ une matrice.

Définition 3.3.2. Pour un schéma numérique du type un+1 = E∆ un de l’e.d.p. (3.0.1),


on définit l’erreur de consistance rn au temps tn avec n ≥ 1 par
1 n
rn := (ũ − E∆ ũn−1 ),
∆t
où ũn := (u(tn , xj ))j∈Z avec u la solution exacte de (3.0.1).

Remarque 3.3.3. Par exemple, pour le schéma (3.2.1), à partir de l’expression (3.2.2)
on a (au point xj )
1 n
rjn = (ũ − (E∆ ũn−1 )j )
∆t j
u(tn , xj ) − u(tn−1 , xj ) u(tn−1 , xj+1 ) − u(tn−1 , xj−1 )
= +a .
∆t 2∆x
Autrement dit, on obtient que rjn est l’erreur commise en remplaçant unj par u(tn , xj ), ce
qui est conforme à la définition donnée dans le chapitre précédent.

Soit n ∈ {0, . . . , N }. Avec ces notations, on a

ũn − un = ũn − E∆ un−1 = E∆ (ũn−1 − un−1 ) + ũn − E∆ ũn−1


= E∆ (ũn−1 − un−1 ) + rn ∆t.

Si n = 0, puisque ũ0 = u0 , on a

ũ0 − u0
r0 = = 0,
∆t
34 Chapitre 3 : Problèmes hyperboliques

alors on obtient n
n n n−k k
X
ũ − u = ∆t E∆ r .
k=1

On en déduit pour toute norme || · || sur R : Z

n
n−k k n−k k
||ũn − un || ≤ ∆t
X
||E∆ r || ≤ n∆t max ||E∆ r ||
1≤k≤n
k=1
n−k k
≤ T max ||E∆ r ||.
1≤k≤n

Si le schéma est stable pour la norme || · ||, alors il existe une constante c indépendante
n 0
de n, ∆t et ∆x telle que pour toute condition initiale u0 , on a ||E∆ u || ≤ c ||u0 ||. En
particulier, on obtient
n−k k
||E∆ r || ≤ c ||rk ||.
Si le schéma est consistant d’ordre p pour la norme || · || alors on a ||rn || ≤ c |∆x|p où c
est une constante indépendante de n, ∆t et ∆x.
Finalement, on obtient que, si le schéma est consistant d’ordre p et stable pour la
norme || · ||, alors
||ũn − un || ≤ c T |∆x|p .
On a donc le résultat suivant :

Théorème 3.3.4 (Théorème de Lax). Si le schéma (3.3.1) est consistant d’ordre p


et stable alors il est convergent et l’erreur de discrétisation tend vers 0 comme ∆xp
lorsque ∆x → 0 et ∆t → 0.

On va voir dans la suite comment déterminer si un schéma du type (3.3.1) est stable
pour la norme l2 (Z).

3.4 Étude de la stabilité par analyse de Fourier


Un schéma a deux niveaux un+1 = E∆ un peut encore s’écrire
k k
cm un+1 dm unj+m ,
X X
j+m = (3.4.1)
m=−k m=−k

où k ∈ N et cm , dm ∈ R pour tout m ∈ {−k, . . . , k}. On suppose un ∈ l2 (Z), i.e.


n 2
j∈Z |uj | < ∞.
P

On définit la fonction v n : R → R par

v n (x) = unj si x ∈ [(j − 1/2)∆x, (j + 1/2)∆x]. (3.4.2)

Alors, v n ∈ L2 (R) et sa transformée de Fourier est définie par


1 Z n
n
Fv (ξ) = √ v (x)e−ixξ dx.
2π R
3.4 Étude de la stabilité par analyse de Fourier 35

D’après le théorème de Plancherel, on a


 1
Z 1 2
2
||Fv n ||L2 (R) = ||v n ||L2 (R) = |v n |2 dx ∆x |unj |2 
X
=
R j∈Z

= ∆x ||un ||l2 (Z) ,

donc étudier la stabilité l2 de un revient à étudier la continuité de l’application v 0 7→ Fv n


dans L2 (R). De plus, on a v n (x + m∆x) = unj+m pour x ∈ [(j − 21 )∆x, (j + 21 )∆x].

Or F[v n (x+m∆x)](ξ) = eim∆xξ Fv n (ξ). Ainsi, par transformée de Fourier, le schéma (3.4.1)
s’écrit
k k
cm Fv n+1 (ξ)eim∆xξ = dm Fv n (ξ)eim∆xξ .
X X

m=−k m=−k

On en déduit
Fv n+1 (ξ) = g(ξ; ∆x, ∆t)Fv n (ξ),
où le coefficient d’amplification g(ξ; ∆x, ∆t) est donné par
k
dm eim∆xξ
X

m=−k
g(ξ; ∆x, ∆t) = k
.
im∆xξ
X
cm e
m=−k

On a alors le résultat suivant sur la stabilité l2 des schémas à deux niveaux :


Théorème 3.4.1 (Critère de Von Neumann). Le schéma à deux niveaux (3.4.1) est stable
en norme l2 (Z) si et seulement si

sup |g(ξ; ∆x, ∆t)| ≤ 1 + M ∆t, (3.4.3)


ξ∈R

où la constante M est indépendante de ∆t et ∆x.


Démonstration. On a
1
||un ||l2 (Z) = √ ||Fv n ||L2 (R)
∆x
et
||Fv n (ξ)||L2 (R) ≤ sup |g(ξ; ∆x, ∆t)| ||Fv n−1 (ξ)||L2 (R)
ξ∈R
!n
≤ sup |g(ξ; ∆x, ∆t)| ||Fv 0 (ξ)||L2 (R) ,
ξ∈R

d’où !n
n
||u ||l2 (Z) ≤ sup |g(ξ; ∆x, ∆t)| ||u0 ||l2 (Z) .
ξ∈R

Alors, si (3.4.3) est vérifiée, on obtient

||un ||l2 (Z) ≤ (1 + M ∆t)n ||u0 ||l2 (Z) , ∀ n ∈ {0, . . . , N }.


36 Chapitre 3 : Problèmes hyperboliques

Or, puisque 1 + M ∆t > 1, on a


(1 + M ∆t)n ≤ (1 + M ∆t)N ≤ eM N ∆t = eM T .
Donc
||un ||l2 (Z) ≤ eM T ||u0 ||l2 (Z) , ∀ n ∈ {0, . . . , N },
la constante eM T étant indépendante de n, ∆t et ∆x, le schéma est stable.
Réciproquement, si le schéma est stable alors on a
||un ||l2 (Z) ≤ c ||u0 ||l2 (Z) , ∀ n ∈ {0, . . . , N },
d’où
||un ||l2 (Z)
sup ≤ c.
u0 ∈l2 (Z)\{0} ||u ||l2 (Z)
0

On admettra le résultat suivant


Lemme 3.4.2. Soit f : R → R une fonction continue et bornée et P ∈ L(L2 (R)) l’opé-
rateur défini par F(Pu)(ξ) = f (ξ)Fu(ξ). Alors ||P||L(L2 (R)) = ||f ||∞ , i.e.
||Pu||L2 (R)
sup = ||f ||∞ .
u∈L2 (R)\{0} ||u||L2 (R)

On applique le lemme pour l’opérateur P défini par F(Pv 0 ) = Fv n = g(ξ; ∆x, ∆t)n Fv 0 .
On en déduit
||v n ||L2 (R) ||un ||l2 (Z)
sup |g(ξ; ∆x, ∆t)|n = sup = sup ≤ c.
v 0 ∈L2 (R)\{0} ||v ||L2 (R) u0 ∈l2 (Z)\{0} ||u ||l2 (Z)
0 0
ξ∈R

T
Alors, |g(ξ; ∆x, ∆t)|n ≤ c et donc, pour n = N = ∆t
, on a
∆t
|g(ξ; ∆x, ∆t)| ≤ c T ≤ 1 + M ∆t,
pour tout ξ ∈ R.
Remarque 3.4.3. Le critère de Von Neumann est une condition nécessaire et suffisante
donc celle-ci permet de montrer la stabilité d’un schéma numérique mais aussi son insta-
bilité.
Proposition 3.4.4. Le schéma à deux niveaux (3.2.2) est inconditionnellement instable
en norme l2 (Z) (et donc, à fortiori, en norme l∞ (Z)).
Démonstration. On a
∆t n
v n+1 (x) = v n (x) − a (v (x + ∆x) − v n (x − ∆x)),
2∆x
ce qui entraîne
λ
Fv n+1 (ξ) = (1 − (eiξ∆x − e−iξ∆x ))Fv n (ξ) = (1 − iλ sin(ξ∆x))Fv n (ξ).
2
∆t
où λ := a ∆x . On a donc pour coefficient d’amplification g(ξ; ∆t, ∆x) = 1 − iλ sin(ξ∆x).
On obtient
|g(ξ; ∆t, ∆x)|2 = 1 + λ2 sin2 (ξ∆x),
donc supξ∈R |g(ξ; ∆t, ∆x)| > 1 pour tout ∆x, ∆t > 0.
3.5 Exemples de schémas 37

3.5 Exemples de schémas


∆t
Pour toute la suite, on pose λ := a ∆x . On note u la solution exacte de (3.0.1), que
l’on supposera de classe C 2 , et on pose ũnj := u(tn , xj ).

3.5.1 Le schéma explicite centré


Il est défini par
λ
un+1
j = unj − (unj+1 − unj−1 ).
2
C’est le schéma (3.2.2) vu précédemment. Il est explicite en temps (un+1 est donné en
fonction de un ) et centré en espace (dû à l’expression unj+1 − unj−1 ). Ce schéma n’étant pas
stable, il est inutilisable en pratique.

3.5.2 Les schémas explicites décentrés


Il y a le schéma explicite décentré à droite (ou décentré aval)

un+1
j = unj − λ(unj+1 − unj ), pour a < 0,

et le schéma explicite décentré à gauche (ou décentré amont)

un+1
j = unj − λ(unj − unj−1 ), pour a > 0.

Consistance. On va montrer la consistance du schéma explicite décentré à gauche (le cas


décentré à droite se traite de la même manière). On a

∆t2 2 n
ũn+1
j = ũnj + ∆t ∂t ũnj + ∂ ũ + O(∆t3 ),
2 t j
et
∆x2 2 n
ũnj−1 = ũnj − ∆x ∂x ũnj + ∂x ũj + O(∆x3 ).
2
L’erreur de consistance au temps tn+1 et au point xj est donc

1 ∆t2 2 n

rjn+1 = ũnj + ∆t ∂t ũnj + ∂ ũ − ũnj + O(∆t3 )
∆t 2 t j
∆x2 2 n

+ λ(ũnj − ũnj + ∆x ∂x ũnj − ∂x ũj ) + O(∆x3 )
2
!
n ∆t 2 n 2 λ∆x n ∆x 2 n ∆x3
= ∂t ũj + ∂ ũ + O(∆t ) + (∂x ũj − ∂ ũ ) + O
2 t j ∆t 2 x j ∆t
!
∆t 2 n a∆x 2 n ∆x3
= ∂t ũnj + n
∂ ũ + a ∂x ũj − 2
∂ ũ + O ∆t +
2 t j 2 x j ∆t
!
a2 ∆t 2 n a∆x 2 n 2 ∆x3
= ∂x ũj − ∂ ũ + O ∆t + ,
2 2 x j ∆t
38 Chapitre 3 : Problèmes hyperboliques

car ∂t u + a∂x u = 0 et ∂t2 u − a2 ∂x2 u = 0 (s’obtient en dérivant ∂t u + a∂x u = 0 en temps


d’une part et en espace d’autre part). Alors, en supposant le rapport ∆x ∆t
constant, on
obtient
a∆x
rn+1 = (λ − 1)∂x2 ũnj + O(∆t2 + ∆x2 )
2
Ainsi, le schéma est consistant d’ordre 2 en temps et 1 en espace si λ 6= 1 et d’ordre au
moins 2 en temps et en espace si λ = 1.
Stabilité. Étudions maintenant la stabilité. Par transformée de Fourier, le schéma explicite
décentré à gauche s’écrit

Fv n+1 (ξ) = (1 − λ(1 − e−i∆xξ ))Fv n (ξ).

Le coefficient d’amplification est donc g(ξ; ∆x, ∆t) = (1 − λ(1 − cos(ξ∆x)) − iλ sin(ξ∆x)).
On a
|g(ξ; ∆x, ∆t)|2 = (1 − λ(1 − cos(ξ∆x)))2 + λ2 sin(ξ∆x)2
= 1 + 2λ + 2λ2 − 2λ(λ − 1) cos(ξ∆x)
= 1 − 2λ(1 − λ)(1 − cos(ξ∆x)).
Comme 1 − cos(ξ∆x) ≥ 0, en étudiant le signe de λ(1 − λ) et le fait que λ > 0 (car a > 0),
on obtient 
 1 si λ ≤ 1,
max |g(ξ; ∆x, ∆t)| = q
ξ∈R  1 − 2λ(1 − λ) si λ > 1.
On en déduit que le schéma explicite décentré à gauche est stable en norme l2 (Z) sous la
condition dite C.F.L. (Courant-Friedrichs-Levy) :
∆t
λ=a ≤ 1.
∆x

3.5.3 Le schéma de Lax


C’est le schéma explicite donné par
1 λ
un+1
j = (unj−1 + unj+1 ) − (unj+1 − unj−1 ).
2 2
Consistance. On a
∆t2 2 n
ũn+1
j = ũnj + ∆t ∂t ũnj + ∂ ũ + O(∆t3 ),
2 t j
pour la variable en temps, et
∆x2 2 n ∆x2 2 n
ũnj−1 + ũnj+1 = ũnj − ∆x ∂x ũnj + ∂x ũj + ũnj + ∆x ∂x ũnj + ∂ ũ + O(∆x3 )
2 2 x j
= 2ũnj + ∆x2 ∂x2 ũnj + O(∆x3 ),
avec
∆x2 2 n ∆x2 2 n
ũnj+1 − ũnj−1 = ũnj + ∆x ∂x ũnj + ∂x ũj − ũnj + ∆x ∂x ũnj − ∂ ũ + O(∆x3 )
2 2 x j
= 2∆x ∂x ũnj + O(∆x3 ),
3.5 Exemples de schémas 39

pour la variable d’espace. Donc l’erreur de consistance au temps tn+1 et au point xj est
!
j 1 ∆t2 2 n ∆x2 2 n
rn+1 = ũnj + ∆t ∂t ũnj + ∂t ũj + O(∆t3 ) − ũnj − ∂ ũ + λ∆x ∂x ũnj + O(∆x3 ).
∆t 2 2 x j
!
∆t 2 n ∆x2 2 n ∆x3
= ∂t ũnj + a ∂x ũnj + ∂t ũj − ∂x ũj + O ∆t2 + .
2 2∆t ∆t
∆x
Or ∂t2 ũnj = a2 ∂x2 ũnj . Ainsi, en supposant le rapport ∆t
constant, on obtient
!
j a2 ∆t ∆x2
rn+1 = − ∂ 2 ũn + O(∆t2 + ∆x2 )
2 2∆t x j
!
a ∆x2
= a∆t − ∂ 2 ũn + O(∆t2 + ∆x2 )
2 a∆t x j
a 1
 
= λ− ∆x ∂x2 ũnj + O(∆t2 + ∆x2 )
2 λ

On en déduit que le schéma est d’ordre 1 en temps et 2 en espace si λ 6= 1 et d’ordre 2 en


temps et en espace si λ = 1.
Stabilité. Par transformée de Fourier, on obtient

Fv n+1 (ξ) = (cos(ξ∆x) − iλ sin(ξ∆x))Fv n (ξ).

Le coefficient d’amplification est donc g(ξ; ∆x, δt) = cos(ξ∆x) − iλ sin(ξ∆x), d’où

|g(ξ; ∆x, δt)|2 = cos2 (ξ∆x) + λ2 sin2 (ξ∆x).

On en déduit immédiatement que le schéma de Lax est stable en norme l2 (Z) si et seule-
ment si la condition C.F.L. λ ≤ 1 est vérifiée.

3.5.4 Le schéma implicite centré


C’est le schéma implicite (i.e. un est donné en fonction de un+1 ) donné par

un+1
j − unj un+1 n+1
j+1 − uj−1
+a = 0.
∆t 2∆x
Celui-ci peut se réécrire
λ
unj = un+1
j + (un+1 − un+1
j−1 ),
2 j+1
soit encore un = A∆ un+1 où A∆ est un opérateur sur RZ . Ainsi, en inversant A∆ , on
retrouve bien un schéma a deux niveaux.
Consistance. On a
ũn+1 − ũnj
! !
j 1 ∆t2 2 n+1
= ũn+1 − ũ n+1
− ∆t ∂t ũn+1
+ ∂ ũ + O(∆t3 )
∆t ∆t j j j
2 t j
∆t 2 n+1
= ∂t ũn+1
j − ∂ ũ + O(∆t2 ),
2 t j
40 Chapitre 3 : Problèmes hyperboliques

et
ũn+1 n+1
j+1 − ũj−1
= ∂x ũn+1
j + O(∆x2 ).
2∆x
Donc l’erreur de consistance au temps tn+1 et au point xj est

∆t 2 n+1
rjn+1 = − ∂ ũ + O(∆x2 + ∆t2 ).
2 t j
Le schéma implicite est donc consistant d’ordre 1 en temps et 2 en espace.
Stabilité. Par transformée de Fourier, on obtient

Fv n (ξ) = (1 + iλ sin(ξ∆x)) Fv n+1 (ξ),

donc le coefficient d’amplification est


1
g(ξ; ∆x, ∆t) = .
1 + iλ sin(ξ∆x)

Alors, on a
1
|g(ξ; ∆x, ∆t)|2 = ≤ 1.
1+ λ2 sin2 (ξ∆x)
Le schéma implicite centré est donc inconditionnellement stable en norme l2 (Z).

3.5.5 Le schéma de Lax-Wendroff


C’est le schéma explicite donné par

λ n λ2
un+1
j = unj − (uj+1 − unj−1 ) + (unj+1 − 2unj + unj−1 ).
2 2
Consistance. Par les mêmes calcul que précédemment, on obtient facilement que le schéma
est consistant d’ordre 2 en temps et en espace sous l’hypothèse ∆x ∆t
constant.
Stabilité. Par transformée de Fourier, on obtient le coefficient d’amplification
g(ξ; ∆x, ∆t) = 1 − iλ sin(∆xξ) + λ2 (cos(ξ∆x) − 1). On a alors

|g(ξ; ∆x, ∆t)| = 1 + λ2 (λ2 − 1)(ξ cos(∆x) − 1)2 .

Donc (
1 + 4λ2 (λ2 − 1) si λ > 1
max |g(ξ; ∆x, ∆t)| =
ξ∈R 1 si λ ≤ 1.
D’après le critère de Von-Neumann, le schéma est donc stable en norme l2 (Z) sous la
condition C.F.L. λ ≤ 1.
41

Chapitre 4

Problèmes paraboliques

4.1 Propriétés
Dans ce chapitre, on étudie la résolution numérique par différences finies de l’équation
de la chaleur
∂t u − ∂x2 u = 0,




(t, x) ∈]0, T [×]0, 1[,

u(t = 0, x) = u0 (x), x ∈]0, 1[, (4.1.1)


u(t, 0) = u(t, 1) = 0, t ∈]0, T [,

où la condition initiale u0 est donnée.


On admettra ici le résultat d’existence et unicité suivant (voir par exemple [1]) :
Théorème 4.1.1. Si u0 ∈ C 1 (]0, 1[), alors il existe une unique solution
u ∈ C 2 (]0, T [×]0, 1[) ∩ C 1 ([0, T ] × [0, 1]),
de (4.1.1).
Remarque 4.1.2. On peut montrer qu’en réalité, on a u ∈ C ∞ ([0, T ] × [0, 1]) alors que
la condition initiale est seulement C 1 . On parle de propriété de lissage de l’équation de la
chaleur ou encore de régularisation.
On verra plus loin que pour les schémas numériques de l’équation de la chaleur on
peut obtenir (comme dans le cas elliptique) de la stabilité en norme l∞ . Ceci est dû au
fait que l’équation de la chaleur vérifie un principe du maximum (voir [1]).
Proposition 4.1.3 (Principe du maximum). On note K := [0, T ]×[0, 1]. Soient u0 ∈ C 1 (]0, 1[)
et u ∈ C 2 (]0, T [×]0, 1[) ∩ C 1 ([0, T ] × [0, 1]) la solution de (4.1.1). Si u0 ≥ 0 dans ]0, 1[,
alors u ≥ 0 dans ]0, 1[.
Dans la suite, on va étudier quelques schémas numériques pour l’équation de la chaleur.
On utilisera les notations suivantes :
• tn := n∆t et xj := j∆x avec n ∈ {0, . . . , N }, où N ∆t = T et j ∈ {0, . . . , J + 1}
où (J + 1)∆x = 1, N, J ∈ N.
• L’approximation de u(tn , xj ) est notée unj et v n est la fonction définie par (3.4.2)
associée au vecteur un = (unj )1≤j≤J .
• Si u est la solution exacte de (4.1.1), on note ũnj := u(tn , xj ).
42 Chapitre 4 : Problèmes paraboliques

4.2 Exemples de schémas


4.2.1 Le schéma explicite centré
On le définit par

un+1 − unj un − 2unj + unj−1



j
− j+1


 = 0, 1 ≤ n ≤ N, 1 ≤ j ≤ J,
∆x2


 ∆t
(4.2.1)



u0j = u0 (xj ), 1 ≤ j ≤ J,

un0 = unJ+1 = 0,


0 ≤ n ≤ N.

Remarque 4.2.1. Pour tout les schémas numériques, les conditions initiales et aux limites
sont toujours les mêmes. On ne les rappellera plus pour les schémas suivants.

Ce schéma peut encore s’écrire sous la forme

∆t
un+1
j = unj + λ(unj+1 − 2unj + unj−1 ), où λ := .
∆x2
Il s’agit donc d’un schéma à deux niveaux : un+1 = Aun où A ∈ RJ×J est donnée par

1 − 2λ λ 0 ... 0
 

 λ 1 − 2λ λ . . . 0 

 .. .. .. .. .. 
A :=

 . . . . . .


.. .. ..

. . . λ
 
 
0 ... . . . λ 1 − 2λ

Contrairement au problème d’advection, A n’est plus un opérateur sur RZ mais une ma-
trice car on s’est placé dans l’intervalle borné [0, 1]. En pratique, pour résoudre numé-
riquement l’équation de la chaleur (4.1.1) il suffit de calculer pour n ∈ {1, . . . , N } les
itérées un = An u0 connaissant u0 = (u0 (xj ))1≤j≤J .
Consistance. Dans le cas des problèmes elliptiques on a montré que l’on a
1
2
(ũnj+1 − 2ũnj + ũnj−1 ) = ∂x2 ũnj + O(∆x).
∆x
L’erreur de consistance au temps tn+1 et au point xj est donc

∆t 2 n
rjn+1 = ∂t ũnj + ∂ ũ − ∂x2 ũnj + O(∆t2 + ∆x2 )
2 t j
∆t 2 n
= ∂ ũ + O(∆t2 + ∆x2 ).
2 t j
Le schéma est donc consistant d’ordre 1 en temps et 2 en espace.
Stabilité. On va étudier la stabilité l∞ du schéma. On a

un+1
j = unj + λ(unj+1 − 2unj + unj−1 ) = (1 − 2λ)unj + λunj+1 + λunj−1 .
4.2 Exemples de schémas 43

On pose M (n) = max1≤j≤J unj . Si λ ≤ 21 , (1 − 2λ) ≥ 0 donc (puisque λ > 0)

un+1
j ≤ (1 − 2λ)M (n) + λM (n) + λM (n) = M (n) .

On en déduit
max un+1
j ≤ max unj .
1≤j≤J 1≤j≤J

On obtient donc
max unj ≤ max u0j .
1≤j≤J 1≤j≤J

De même, on a
min unj ≤ min u0j ,
1≤j≤J 1≤j≤J
n 0
d’où ||u ||∞ ≤ ||u ||∞ (principe du maximum discret). Autrement dit, le schéma explicite
centré est stable l∞ sous la condition λ ≤ 21 .

4.2.2 Le schéma implicite centré


Il est défini par
un+1
j − unj un+1 n+1
j+1 − 2uj + un+1
j−1
− 2
= 0, (4.2.2)
∆t ∆x
que l’on peut aussi écrire

unj = un+1
j − λ(un+1 n+1
j+1 − 2uj + un+1
j−1 ),

∆t
avec λ := ∆x 2 comme précédemment.

Le schéma est consistant d’ordre 1 en temps et 2 en espace (calcul identique à celui


du schéma explicite).
Stabilité. Les schémas explicite et implicite sont tout deux du même ordre mais le schéma
implicite est plus compliqué à mettre en place puisqu’il faut inverser la matrice A telle
que un = Aun+1 pour pouvoir l’utiliser. L’avantage du schéma implicite est que celui-ci,
comme on va le montrer ci-dessous, est inconditionnellement stable en norme l∞ .
On a
unj = (1 + 2λ)un+1
j − λun+1 n+1
j−1 − λuj+1 .

Soit j0 ∈ {1, . . . , J} tel que


un+1
j0 = max un+1
j .
1≤j≤J

Alors, puisque un+1


j0 ≥ un+1
j , on obtient

un+1
j0 = (1 + 2λ)un+1
j0 − λun+1 n+1 n+1
j0 −1 − λuj0 +1 ≥ (1 + 2λ)uj0 − λun+1
j0 − λun+1
j0 = un+1
j0 ,

d’où max unj ≥ un+1


j0 = max un+1
j . On en déduit
1≤j≤J 1≤j≤J

max u0j ≥ max unj , ∀ n = 1, . . . , N.


1≤j≤J 1≤j≤J

On en déduit le principe du maximum discret et donc le schéma implicite centré est


inconditionnellement stable en norme l∞ .
44 Chapitre 4 : Problèmes paraboliques

4.2.3 Le θ-schéma et le schéma de Crank-Nicholson


Il s’agit d’une combinaison convexe du schéma explicite et du schéma implicite suivant
un paramètre θ ∈ [0, 1]. Autrement dit, celui-ci est donné par

un+1
j − unj un+1 − 2un+1 + un+1 unj−1 − 2unj + unj+1
− θ j−1 j j+1
− (1 − θ) =0 (4.2.3)
∆t ∆x2 ∆x2
Pour θ = 0, on obtient le schéma explicite et, pour θ = 1, on obtient le schéma implicite.

Proposition 4.2.2. Le θ-schéma (4.2.3) est consistant :


1. d’ordre 1 en temps et 2 en espace si θ 6= 12 ,
2. d’ordre 2 en temps et en espace si θ = 21 , dans ce cas le θ-schéma est appelé schéma
de Crank-Nicholson.

Démonstration. Partant des développements limités obtenus pour les schémas précédents,
l’erreur de consistance au temps tn+1 et au point xj est donnée par

∆t 2 n
rjn+1 = ∂t ũnj + ∂ ũ − θ∂x2 ũn+1 − (1 − θ)∂x2 ũnj + O(∆t2 + ∆x2 )
2 t j j

∆t 2 n
= ∂t ũnj − ∂x2 ũnj + ∂ ũ − θ(∂x2 ũn+1 − ∂x2 ũnj ) + O(∆t2 + ∆x2 )
2 t j j

∆t 2 n
= ∂t ũj − θ(∂x2 ũn+1
j − ∂x2 ũnj ) + O(∆t2 + ∆x2 ).
2
Or on a
∂x2 ũjn+1 = ∂x2 ũnj + ∆t ∂t ∂x2 ũnj + O(∆t2 ),
d’où
∆t 2 n
rjn+1 = ∂ ũ − θ∆t ∂t ∂x2 ũnj + O(∆t2 + ∆x2 )
2 t j
∆t  n 
= ∂t ∂t ũj − 2θ∂x2 ũnj + O(∆t2 + ∆x2 ).
2
Le terme ∂t ũnj −2θ∂x2 ũnj ne s’annulant (indépendamment de n et j) que si θ = 12 , on obtient
le résultat cherché.

Étant donné qu’établir un principe du maximum pour le θ-schéma peut s’avérer com-
plexe (dû à la dépendance suivant le paramètre θ), on va étudier la stabilité l2 du schéma.
On a le résultat suivant :
∆t
Proposition 4.2.3. Soit λ := ∆x2
. Le θ-schéma (4.2.3) est :
1. inconditionnellement stable en norme l2 si θ ≥ 21 ,
1
2. stable en norme l2 sous la condition λ ≤ 2(1−2θ)
si θ < 12 .

Démonstration. Par transformée de Fourier, on obtient

Fv n+1 (ξ) − Fv n (ξ) − 2θλ(cos(ξ∆x) − 1)Fv n+1 (ξ) − 2(1 − θ)λ(cos(ξ∆x) − 1)Fv n (ξ) = 0,
4.2 Exemples de schémas 45

d’où

(1 − 2θλ(cos(ξ∆x) − 1))Fv n+1 (ξ) = (1 + 2(1 − θ)λ(cos(ξ∆x) − 1))Fv n (ξ).

On obtient donc pour coefficient d’amplification

1 + 2(1 − θ)λ(cos(ξ∆x) − 1) 1 − 4(1 − θ)λ sin2 ( ξ∆x


2
)
g(ξ; ∆x, ∆t) = = ξ∆x
.
1 − 2θλ(cos(ξ∆x) − 1) 2
1 + 4θλ sin ( 2 )

En particulier,
|1 − 4(1 − θ)λ sin2 ( ξ∆x
2
)|
|g(ξ; ∆x, ∆t)| = 2 ξ∆x
.
1 + 4θλ sin ( 2 )
Si θ ≥ 12 , alors 1 − θ ≤ θ donc

ξ∆x ξ∆x ξ∆x


|1 − 4(1 − θ)λ sin2 ( )| ≤ 1 + 4(1 − θ)λ sin2 ( ) ≤ 1 + 4θλ sin2 ( ),
2 2 2
et comme 1 + 4θλ sin2 ( ξ∆x
2
) ≥ 1 on obtient |g(ξ; ∆x, ∆t)| ≤ 1 pour tout λ.
1
Si θ < 2 , |g(ξ; ∆x, ∆t)| ≤ 1 si et seulement si
! !
2 ξ∆x 2 ξ∆x
1 − 4(1 − θ)λ sin ≤ 1 + 4θλ sin ,
2 2

et ! !
2 ξ∆x ξ∆x
4(1 − θ)λ sin − 1 ≤ 1 + 4θλ sin2 .
2 2
La première inégalité a toujours lieu, et, pour la seconde, on montre aisément que celle-ci
1
équivaut à la condition λ ≤ 2(1−2θ) .
46 Chapitre 4 : Problèmes paraboliques
47

Chapitre 5

Bilan sur les différences finies et


exercices

5.1 Problèmes elliptiques


On a considéré le problème modèle

 −∆u = f dans Ω,
(5.1.1)
 u = 0 sur ∂Ω,

où Ω :=]0, 1[d avec d := 1 ou 2.


Pour le cas d = 1, on a étudié la discrétisation donnée par

 − h12 (ui+1 − 2ui + ui−1 ) = f (xi ) pour i = 1, . . . , N,
 u0 = uN +1 = 0,

qui est équivalente au système matriciel Ah Uh = bh où Uh := (u1 , . . . , uN )T , bh := (f (x1 ), . . . , f (xN ))T


et Ah ∈ RN ×N est donnée par
−2 1 0 ... 0
 

 1 −2 1 . . . 0 

1  .. . . .. .
. ..

Ah := − 2

. . .

h  .. .. ..

. . . 1
 
 
0 . . . . . . 1 −2
Exercice 5.1.1. La condition aux limites de Fourier est une situation intermédiaire
entre condition de Dirichlet et condition de Neumann, celle-ci s’écrit (en dimension n
quelconque) ∂u
∂ν
+ α u = β sur ∂Ω où α > 0, β ∈ R.
On considère le problème unidimensionnel, sujet a une condition aux limites de Fourier,
suivant
−u00 (x) + c u(x) = f (x) dans ]0, 1[,



 
u0 (0) − α(u − β) = 0, (5.1.2)


u0 (1) + α(u − β) = 0,


48 Chapitre 5 : Bilan sur les différences finies et exercices

où f ∈ C([0, 1]), c ≥ 0, α > 0 et β ∈ R. On admet l’existence d’une solution


Déterminer une discrétisation de (5.1.2) par différences finies.
Exercice 5.1.2. On considère le problème
−u00 (x) + c(x) u(x) = 0




dans ]0, 1[,

u(0) = α, (5.1.3)




u(1) = β,

où c ∈ C([0, 1]), c ≥ 0 et α, β ∈ R. On admet l’existence et l’unicité d’une solution


u ∈ C 2 (]0, 1[) ∩ C 1 ([0, 1]) de (5.1.3). Déterminer une discrétisation de (5.1.3) par diffé-
rences finies et étudier celle-ci (consistance, stabilité et convergence).
Pour le cas d = 2, on a étudié la discrétisation de (5.1.1) par le schéma à cinq points
donné par −∆h ui,j = f (xi , yj ) où ∆h ui,j est défini par
−4ui,j + ui+1,j + ui−1,j + ui,j+1 + ui,j−1
∆h ui,j = .
h2
Une autre discrétisation possible est le schéma à 9 points, dans ce cas on a −∆i,j ui,j = bi,j ,
où on a posé
ui−1,j−1 + ui+1,j−1 + ui−1,j+1 + ui+1,j+1 + 4ui−1,j + 4ui,j−1 + 4ui+1,j + 4ui,j+1 − 20ui,j
∆i,j u := ,
6h2
et
f (xi , yj−1 ) + f (xi−1 , yj ) − 4f (xi , xj ) + f (xi+1 , yj ) + f (xi , yj+1 )
bi,j := f (xi , yj ) + .
12
Exercice 5.1.3. Montrer que le schéma à 9 points est d’ordre 4.

5.2 Problèmes hyperboliques


On a considéré le problème modèle de l’équation d’advection

 ∂t u + a ∂x u = 0, (t, x) ∈ R+
∗ × R,
(5.2.1)
 u(t = 0, x) = u0 (x), x ∈ R,

où la vitesse de transport a et la donnée initiale u0 sont données. Dans le tableau 5.1, on


∆t
rappelle les résultats obtenus pour les différents schémas étudiés (avec λ := a ∆x ).
Remarque 5.2.1.
1. Dans la pratique, il est nécessaire de se placer dans un domaine borné (en temps et en
espace). Dans ce cas, on prend (t, x) ∈ [0, T ] × [a, b] et il faut rajouter des conditions
aux limites en espace (à juger suivant le problème étudié). On obtient, pour le cas
des schémas à deux niveaux, l’égalité U n+1 = AU n . Alors, pour calculer U n , il
suffit d’implémenter U 0 à partir de la donnée initiale u0 et de calculer U n par la
formule U n = An U 0 .
5.2 Problèmes hyperboliques 49

Schéma Ordre Stabilité

Explicite centré O(∆t + ∆x2 ) si λ 6= 1


λ O(∆t2 + ∆x2 ) si λ = 1 instable l∞ et l2
un+1
j = unj − (unj+1 − unj−1 ) ∆t
2 ∆x
constant

O(∆t + ∆x2 ) si λ 6= 1
Explicite décentré aval (a < 0)
O(∆t2 + ∆x2 ) si λ = 1 stable l2 si λ ≤ 1
un+1
j = unj − λ(unj+1 − unj ) ∆t
∆x
constant

O(∆t + ∆x2 ) si λ 6= 1
Explicite décentré amont (a > 0)
O(∆t2 + ∆x2 ) si λ = 1 stable l2 si λ ≤ 1
un+1
j = unj − λ(unj − unj−1 ) ∆t
∆x
constant

Lax O(∆t + ∆x2 ) si λ 6= 1


1 λ O(∆t2 + ∆x2 ) si λ = 1 stable l2 si λ ≤ 1
un+1
j = (unj−1 + unj+1 ) − (unj+1 − unj ) ∆t
2 2 ∆x
constant

Implicite centré
λ O(∆t + ∆x2 ) stable l2
unj = un+1
j + (un+1 − un+1
j−1 )
2 j+1

Lax-Wendroff
O(∆t2 + ∆x2 )
un+1
j = unj − λ2 (unj+1 − unj−1 ) ∆t stable l2 si λ ≤ 1
∆x
constant
λ2
+ 2
(unj+1 − 2unj + unj+1 )

Figure 5.1 – Exemples de différents schémas pour l’équation d’advection


50 Chapitre 5 : Bilan sur les différences finies et exercices

2. Comme pour le problème de Poisson, on peut se ramener à un système matriciel.


En effet, pour le problème de Dirichlet on est passé du problème continu −∆u = f
dans Ω, u = 0 sur ∂Ω, au problème discret Ah Uh = bh où Ah est la discrétisation
de −∆. Pour l’équation de transport (5.2.1) avec conditions aux limites de Dirichlet
homogènes le problème discret s’écrit T U + a XU = B où le vecteur U contient
les un,j pour tout n et j, T est la discrétisation de ∂t alors que X est la discrétisation
de ∂x et la donnée B est obtenue à partir de u0 . En suivant cette méthode, il est
alors nécessaire, comme dans le cas du problème de Poisson, de montrer que la
matrice T + a X est inversible.

Exercice 5.2.2. En considérant des conditions aux limites de Dirichlet, déterminer, pour
chacun des schémas du tableau 5.1, la matrice A.
Dans le cas du schéma implicite, on a U n = BU n+1 . Il faut alors vérifier que B est
inversible pour obtenir A telle que U n+1 = AU n .

Exercice 5.2.3. Étudier la consistance et la stabilité du schéma de Lax-Friedrich :


2un+1
j − unj+1 − unj−1 un − unj−1
+ a j+1 = 0. (5.2.2)
2∆t 2∆x
Exercice 5.2.4. Montrer que les schémas décentré amont et de Lax-Friedrich sont stables
en norme l∞ (on pourra s’inspirer de ce qui a été fait pour les problèmes paraboliques).

Exercice 5.2.5. On considère le schéma suivant :

un+1
j = α unj + β unj+1 + γ unj−1 ,

où α, β et γ dépendent de λ, ∆x, ∆t. Déterminer α, β et γ de sorte que le schéma soit


d’ordre 2. Quel schéma vu précédemment retrouve t-on ?

Exercice 5.2.6. On considère l’équation des ondes :

∂t2 u − ∂x2 u = f


 dans ]0, T [×]0, 1[,


u(t, 0) = u(t, 1) = 0 pour t ∈]0, T [






 u(t = 0) = u0 dans [0, 1],


∂t u(t = 0) = u1 dans [0, 1].

Pour cette équation, on peut obtenir un θ-schéma analogue à celui de l’équation de la


chaleur en discrétisant la dérivée seconde en temps par un schéma centré (voir [1] page 60).
Une autre méthode consiste à écrire l’équation des ondes comme une équation d’advection
en dimension 2 comme vu dans la section 1.1.4. Alors, U = (∂t u, ∂x u)T , est solution de

∂t U − A ∂x U = F, (5.2.3)
! !
0 1 f
où A = et F = . Déterminer pour l’équation (5.2.3) un schéma du type
1 0 0
Lax-Wendroff et montrer que celui-ci est d’ordre 2 en temps et en espace, et stable l2 .
5.3 Problèmes paraboliques 51

Schéma Ordre Stabilité

Explicite centré
O(∆t + ∆x2 ) stable l∞ si λ ≤ 1
2
un+1
j = unj + λ(unj+1 − 2unj + unj−1 )

Implicite centré
O(∆t + ∆x2 ) stable l∞
unj = un+1
j − λ(un+1 n+1
j+1 − 2uj + un+1
j−1 )

θ-schéma 1 • stable l2 pour θ ≤ 1


O(∆t + ∆x2 ) si θ 6= 2
2
un+1
j = unj + θλ(un+1 n+1
j+1 − 2uj + un+1
j−1 ) • stable l2 si λ ≤ 1
O(∆t2 + ∆x2 ) si θ = 21 2(1−θ)
+ (1 − θ)λ(unj+1 − 2unj + unj−1 ) pour θ > 12

Figure 5.2 – Exemples de différents schémas pour l’équation de la chaleur

5.3 Problèmes paraboliques


On a considéré le problème modèle de l’équation de la chaleur

∂t u − ∂x2 u = 0,




(t, x) ∈]0, T [×]0, 1[,

u(t = 0, x) = u0 (x), x ∈]0, 1[, (5.3.1)


u(t, 0) = u(t, 1) = 0, t ∈]0, T [,

où la condition initiale u0 est donnée. Dans le tableau 5.2, on rappelle les résultats obtenus
∆t
pour les différents schémas étudiés (où on a posé λ := ∆x 2 ).

Remarque 5.3.1. Les remarques faites sur l’utilisation pratique des schémas des pro-
blèmes hyperboliques sont tout aussi valables pour le cas parabolique.

Exercice 5.3.2. Pour chacun des schémas du tableau 5.2, déterminer leur équivalent en
dimension 2 d’espace (se placer, par exemple, dans le cas x ∈ [0, 1]2 ). Dans le cas du
schéma implicite, un est donné en fonction de un+1 il faut donc inverser la matrice A telle
que un = Aun+1 . Déterminer cette matrice A en dimension 2 d’espace.

Exercice 5.3.3. Montrer que le schéma de Crank-Nicholson est stable l∞ si λ ≤ 1.


52 Chapitre 5 : Bilan sur les différences finies et exercices
53

Deuxième partie

Méthode des éléments finis


55

Chapitre 6

Introduction à la notion de
formulation variationnelle

6.1 Bref rappel sur les distributions


Exemple 6.1.1. Considérons l’équation de transport

 ∂t u − a ∂x u = 0 dans R+
∗ × R,
(6.1.1)
 u(t = 0, x) = u0 (x) dans R.

Alors, u est le “transport” de u0 en fonction du temps t. En particulier, si u0 n’est pas


continue, on peut s’attendre à ce que u ne le soit pas non plus et donc ne vérifie pas (6.1.1)
au sens classique. Dans ce cas, il est nécessaire de pouvoir donner un sens “faible” à la no-
tion de solution de (6.1.1) de sorte qu’une solution faible puisse ne pas être nécessairement
continue.
Soit ϕ ∈ Cc1 (R+∗ × R). On multiplie l’équation de transport (6.1.1) par ϕ et on intègre
sur R+∗ × R. Par intégration par parties, on obtient
Z
u(t, x)∂t ϕ(t, x) − a u(t, x)∂x ϕ(t, x) dtdx
R+
∗ ×R
Z Z
= [u(t, x)ϕ(t, x)]∞
0 dx + [a u(t, x)ϕ(t, x)]∞
−∞ dt.
R R+

Le terme de droite est nul car ϕ est à support compact dans R+


∗ × R donc s’annule au
bord, on en déduit
Z
u(t, x)∂t ϕ(t, x) − a u(t, x)∂x ϕ(t, x) dtdx = 0. (6.1.2)
R+
∗ ×R

Une fonction u vérifiant (6.1.2), pour toute ϕ ∈ Cc1 (R+ ∗ × R), est dite solution faible de
l’équation de transport (6.1.1).
Comme ϕ ∈ Cc1 (R+ ∗ × R), ϕ est bornée et donc pour que l’égalité (6.1.2) ait un sens il
suffit que u soit intégrable sur le support de ϕ. Ainsi, l’égalité (6.1.2) a un sens pour toute
fonction ϕ ∈ Cc1 (R+ 1 +
∗ × R) si u est intégrable sur tout compact, i.e. u ∈ Lloc (R∗ × R). La
56 Chapitre 6 : Introduction à la notion de formulation variationnelle

forme linéaire Tu définie sur Cc1 (R+


∗ × R) par
Z
< Tu , ϕ > := u(t, x)ϕ(t, x) dtdx,
R+
∗ ×R

est appelée distribution associée à u. On définit ∂t Tu et ∂x Tu comme étant les formes


linéaires continues définies sur Cc1 (R+
∗ × R) par

< ∂t Tu , ϕ > := − < Tu , ∂t ϕ > et < ∂x Tu , ϕ > := − < Tu , ∂x ϕ > .


L’égalité (6.1.2) est alors équivalente à
∀ ϕ ∈ Cc1 (R+
∗ × R), < ∂t Tu + a ∂x Tu , ϕ >= 0. (6.1.3)
Si u est une solution faible de l’équation de transport (6.1.1), on dit encore que u est
solution de (6.1.1) au sens des distributions (au sens où Tu est solution de (6.1.3)).
Définition 6.1.2. Soit Ω un ouvert de Rd , d ≥ 1. Une distribution sur Ω est une forme
linéaire continue sur Cc∞ (Ω) muni de la topologie induite. On note D0 (Ω) l’espace vectoriel
réel des distributions sur Ω.
Remarque 6.1.3. La définition des distributions et la notation D0 (Ω) sont dus à Laurent
Schwartz. La notation D0 (Ω) vient du fait que Schwartz note D(Ω) l’ensemble Cc∞ (Ω)
et que, pour un espace vectoriel E, l’espace dual (espace vectoriel des formes linéaires
continues sur E) est noté E 0 .
Exemple 6.1.4. Reprenant l’argumentation de l’Exemple 6.1.1, pour toute fonction
f ∈ L1loc (Ω), on définit une distribution associée Tf par
Z
∀ ϕ ∈ Cc∞ (Ω), < Tf , ϕ > := f (x)ϕ(x) dx.

En général, on écrit f au lieu de Tf tant qu’il n’y a pas de confusion possible entre la
distribution et la fonction.
Définition 6.1.5.
1. Un multi-indice α est un k-uplet (α1 , . . . , αk ), avec k ≤ d, sa longueur est
|α| = α1 + · · · + αk et on note Dα l’opérateur différentiel défini par Dα = ∂xα11 ∂xα22 . . . ∂xαkk .
2. Soit Ω un ouvert de Rd et T ∈ D0 (Ω). Pour tout multi-indice α, Dα T désigne la
distribution définie par
∀ ϕ ∈ Cc∞ (Ω), < Dα T, ϕ > := (−1)|α| < T, Dα ϕ > . (6.1.4)
On dit que Dα T est la dérivée d’exposant α de T .
Exercice 6.1.6. Si f ∈ L1loc (R), la dérivée f 0 de f au sens des distributions est donnée
par
< f 0 , ϕ >= − < f, ϕ0 >, ∀ ϕ ∈ Cc∞ (R).
On a vu dans l’Exemple 6.1.1 que la formule d’intégration par parties est la base de
la définition d’une distribution sur R. Dans le cas de problèmes de dimension supérieure,
il est alors naturel de faire appel à une formule d’intégration par parties dans Rd , d > 1.
Ce qui est l’objet de la section suivante.
6.2 Les formules de Green 57

6.2 Les formules de Green


Définition 6.2.1. Un ouvert Ω de Rd , d > 1, est dit régulier de classe C 1 si son
bord ∂Ω est une hypersurface (variété de dimension d − 1) régulière et si Ω est situé d’un
seul coté de sa frontière.
Dans toute la suite, ν désigne la normale extérieure au bord ∂Ω de Ω, i.e. ν(x) est
perpendiculaire au plan tangent à ∂Ω au point x ∈ ∂Ω, pointe vers l’extérieur de Ω et est
de norme 1.
On rappelle la formule de Green (voir, par exemple, [4]) :
Théorème 6.2.2 (Formule de Green). Soit Ω un ouvert de Rd régulier de classe C 1 .
Alors, pour toute fonction w ∈ C 1 (Ω)d à support borné dans Ω, on a
Z Z
div(w)(x) dx = w(x) · ν(x) dσx , (6.2.1)
Ω ∂Ω

où dσx désigne la mesure surfacique sur ∂Ω (mesure de Lebesgue en dimension d − 1),


· est le produit scalaire usuel de Rd et div(w) := ∂x1 w1 + · · · + ∂xd wd est la divergence
de w := (w1 , . . . , wd ).
En prenant w(x) := u(x) v(x), où u ∈ C 1 (Ω)d et v ∈ C 1 (Ω), on obtient

div(w) = ∇v · u + v div(u).

On en déduit le résultat suivant :


Corollaire 6.2.3 (Formule d’intégration par parties). Soit Ω un ouvert de Rd régulier de
classe C 1 . Soient u ∈ C 1 (Ω)d et v ∈ C 1 (Ω) à support borné dans Ω. Alors, on a
Z Z Z
∇v · u dx = − v div(u) dx + v u · ν dσx . (6.2.2)
Ω Ω ∂Ω

Remarque 6.2.4. En dimension d = 1, avec Ω =]a, b[ on a ν(a) = −1, ν(b) = 1 et la


formule (6.2.2) devient alors
Z b Z b
u0 v dx = − uv 0 dx + (u(b)v(b) − u(a)v(a)).
a a

Autrement dit, on retrouve bien la formule d’intégration par parties classique.


On donne une troisième formulation de la formule de Green qui sera très utile pour
déterminer une formulation variationnelle pour les problèmes elliptiques.
Corollaire 6.2.5. Soit Ω un ouvert de Rd régulier de classe C 1 . Soient u ∈ C 2 (Ω) et
v ∈ C 1 (Ω) à support borné dans Ω. Alors, on a
Z Z Z
∂u
∆uv dx = − ∇u · ∇v dx + v dσx , (6.2.3)
Ω Ω ∂Ω ∂ν
∂u
où ∂ν
:= ∇u · ν est la dérivée normale de u sur ∂Ω.
Démonstration. Il suffit dans (6.2.2) de remplacer u par ∇u.
58 Chapitre 6 : Introduction à la notion de formulation variationnelle

6.3 Applications à l’équation de Laplace


Dans cette section, on déduit des formules de Green des propriétés importantes de
l’équation de Laplace. Dans toute la suite Ω désigne un ouvert borné de Rd , régulier de
classe C 1 .
Proposition 6.3.1 (Formule de la moyenne sphérique). Soit u ∈ C 2 (Ω) une fonction
harmonique dans Ω (i.e. ∆u = 0 dans Ω). Alors, pour toute boule BR (y) de centre y ∈ Ω
et de rayon R > 0 tel que BR (y) ⊂ Ω, on a
1 Z
u(y) = u(x) dσx , (6.3.1)
ωd Rd−1 ∂BR (y)
d Z
u(y) = u(x) dx, (6.3.2)
ωd Rd BR (y)
où ωd = |∂B1 (0)| est la mesure de Lebesgue de la sphère unité de Rd .
Remarque 6.3.2. La formule (6.3.1) est bien une moyenne puisque |∂BR (y)| = ωd Rd−1 .
Démonstration. Soit 0 < ρ ≤ R. En prenant v = 1 dans la formule de Green (6.2.3)
avec Ω = Bρ (y), on obtient
Z Z
∂u
0= ∆u dx = dσx . (6.3.3)
Bρ (y) ∂Bρ (y) ∂ν
On va reformuler l’intégrale du second membre à l’aide d’un changement de variable.
Si x ∈ Bρ (y), alors x = y + ρ ω, où ω ∈ ∂B1 (0) et ν(x) = w.
On note v(ω) = u(y + ρω) = u(x) pour ω ∈ ∂B1 (0) et x ∈ ∂Bρ (y). On a
∂v ∂u
(ω) = ω · ∇u(y + ρω) = (x).
∂ρ ∂ν
On en déduit par changement de variable x = y + ρω (car dσx = ρd−1 dσω )
Z
∂u Z
∂v
dσx = (ω)ρd−1 dσω
∂Bρ (y) ∂ν ∂B1 (0) ∂ρ

d−1 ∂
Z
=ρ v(ω)dσω
∂ρ ∂B1 (0)
∂ Z
= ρd−1 u(y + ρω) dσω .
∂ρ ∂B1 (0)
Par le second changement de variable ω = (x − y)/ρ, on obtient
" #
Z
∂u d−1 ∂ 1−d
Z
dσx = ρ ρ u(x) dσx .
∂Bρ (y) ∂ν ∂ρ ∂Bρ (y)

D’après l’égalité (6.3.3), on a alors


" #
∂ 1−d
Z
ρ u(x) dσx = 0
∂ρ ∂Bρ (y)
6.3 Applications à l’équation de Laplace 59

Donc l’application ρ 7→ ρ1−d


R
∂Bρ (y) u(x) dσx est constante, en particulier on en déduit
pour tout 0 < ρ ≤ R
Z Z
ρ1−d u(x) dσx = R1−d u(x) dσx . (6.3.4)
∂Bρ (y) ∂BR (y)

Comme u ∈ C 2 (Ω), u(y + ρω) = u(y) + O(ρ) d’où


Z Z
lim ρ1−d u(x) dσx = lim ρ1−d u(y) + O(ρ) dσx
ρ→0 ∂Bρ (y) ρ→0 ∂Bρ (y)

= lim ρ1−d |∂Bρ (y)| u(y) = ωd u(y).


ρ→0

D’après (6.3.4) obtient u(y) = ωd−1 R1−d ∂BR (y) u(x) dσx , qui donne l’égalité (6.3.1). Pour
R

l’égalité (6.3.2), il suffit d’appliquer l’égalité (6.3.1) pour R = ρ et ensuite d’intégrer la


variable ρ sur ]0, R[.
La formule de la moyenne sphérique permet de montrer que toute fonction harmonique
vérifie un principe du maximum.
Proposition 6.3.3 (Principe du maximum). Soit u ∈ C 2 (Ω) une fonction harmonique
dans Ω supposé connexe. Alors, on a

min u(x) = min u(x) et max u(x) = max u(x).


x∈∂Ω x∈Ω x∈∂Ω x∈Ω

Démonstration. On montre maxx∈∂Ω u(x) = maxx∈Ω u(x) (l’autre égalité s’en déduit en
considérant −u).
Supposons : il existe y ∈ Ω tel que maxx∈Ω u(x) = u(y) = M . On pose

ΩM := {x ∈ Ω | u(x) = M }.

Puisque y ∈ ΩM , Ω 6= ∅. De plus, ΩM = u−1 ({M }) et u est continue donc ΩM est


fermé dans Ω. Soit z ∈ ΩM . On applique la formule de la moyenne (6.3.2) a la fonction
harmonique u − M dans la boule BR (z) :
n Z
0 = u(z) − M = u(x) − M dx.
ωd Rd BR (z)
Alors, BR (z) u(x)−M dx = 0. Or u−M est continue et u−M ≤ 0 dans BR (z) donc u = M
R

dans BR (z). On en déduit BR (z) ⊂ ΩM donc ΩM est ouvert dans Ω. Finalement, ΩM est
un ouvert fermé non vide de Ω connexe donc ΩM = Ω, d’où u = M dans Ω. En conclusion,
on en déduit soit maxx∈∂Ω u(x) = maxx∈Ω u(x) soit u est constante.
On en déduit l’unicité d’une solution régulière du problème de Dirichlet :
Théorème 6.3.4. Si Ω est connexe et u ∈ C 2 (Ω) est solution de
(
−∆u = f dans Ω,
(6.3.5)
u = g sur ∂Ω,

alors u est l’unique solution dans C 2 (Ω) de (6.3.5).


60 Chapitre 6 : Introduction à la notion de formulation variationnelle

Démonstration. Soit v ∈ C 2 (Ω) une autre solution de (6.3.5). On note w := v − u, alors


w ∈ C 2 (Ω) vérifie ∆w = 0 dans Ω et w = 0 sur ∂Ω. D’après le principe du maximum, on
a
0 = min w = min w ≤ w ≤ max w = max w = 0 dans Ω,
∂Ω Ω Ω ∂Ω

d’où w = 0 dans Ω.

6.4 Un première formulation variationnelle du pro-


blème de Dirichlet homogène
On considère le problème de Dirichlet homogène
(
−∆u = f dans Ω,
(6.4.1)
u = 0 sur ∂Ω.

On suppose que u ∈ C 2 (Ω) est la solution de (6.4.1). Soit ϕ ∈ Cc∞ (Ω), en multipliant
l’équation (6.4.1) par ϕ et en intégrant sur Ω, on obtient :
Z Z
− ∆u ϕ dx = f ϕ dx.
Ω Ω

D’après la formule d’intégration par parties (6.2.3), on a


Z Z
∂u Z
∇u · ∇ϕ dx − ϕ dσx = f ϕ dx.
Ω ∂Ω ∂ν Ω
R ∂u
Comme ϕ est à support compact dans Ω, le terme de bord est nul : ∂Ω ∂ν ϕ dσx = 0. On
en déduit que u vérifie Z Z
∇u · ∇ϕ dx = f ϕ dx.
Ω Ω

Proposition 6.4.1. Soit u ∈ C 2 (Ω). On pose

X := {ϕ ∈ C 1 (Ω) | ϕ = 0 sur ∂Ω}.

Alors, u est solution de (6.4.1) si et seulement si u ∈ X et vérifie


Z Z
∇u · ∇ϕ dx = f ϕ dx, ∀ ϕ ∈ X. (6.4.2)
Ω Ω

Remarque 6.4.2.
1. La formulation (6.4.2) a l’avantage de ne nécessiter que de la régularité C 1 et est
équivalente à (6.4.1) si et seulement u ∈ C 2 (Ω). Ainsi la formulation (6.4.2) est
une formulation faible du problème (6.4.1) dite formulation variationnelle. Les
fonctions ϕ ∈ X en sont les fonctions tests.
2. Celle-ci a un sens en mécanique : il s’agit du principe des travaux virtuels. De ce
fait, chercher u en tant que solution de (6.4.2) plutôt que (6.4.1) a davantage de
sens du point de vue de la mécanique.
6.4 Un première formulation variationnelle du problème de Dirichlet homogène 61

Pour démontrer la Proposition 6.4.1, on fera appel au résultat suivant dont on donne
la démonstration plus loin :
Lemme 6.4.3. Soit g ∈ C(Ω). Si pour toute φ ∈ Cc (Ω), on a
Z
g φ dx = 0,

alors g = 0 dans Ω.
Démonstration de la Proposition 6.4.1. Il suffit de montrer que si u est solution de (6.4.2),
alors u est solution de (6.4.1). En intégrant par parties la formulation variationnelle (6.4.2),
on obtient Z
(∆u + f )ϕ dx = 0, ∀ ϕ ∈ X.

D’après le Lemme 6.4.3, on a ∆u + f = 0 dans Ω car ∆u + f ∈ C(Ω). De plus, u ∈ X
donc u = 0 sur ∂Ω.
Démonstration du Lemme 6.4.3. Supposons qu’il existe x0 ∈ Ω tel que g(x0 ) 6= 0, par
exemple g(x0 ) > 0. Comme g est continue dans Ω, il existe un voisinage ω ⊂ Ω de x0 tel
que g > 0 dans ω. Soit ϕ ∈ Cc (Ω) telle que supp(ϕ) ⊂ ω, ϕ 6= 0 sur ω et ϕ ≥ 0 alors
Z Z
0= g ϕ dx = g ϕ dx.
Ω ω

Comme g ϕ est positive ou nulle sur ω et continue, on en déduit g ϕ = 0 sur ω. Or g > 0


sur ω et ϕ 6= 0 dans ω, on aboutit donc à une contradiction.
La formulation faible (6.4.2) nécessite une régularité C 1 , on va voir comment détermi-
ner un espace E contenant l’espace X (faisant donc appel à moins de régularité) tel que
pour u ∈ E la formulation variationnelle (6.4.2) a un sens pour des fonctions tests ϕ ∈ E.
Remarquons tout d’abord que l’égalité (6.4.2) a un sens si l’on suppose seulement ∇u ∈
L2 (Ω)d . De plus, en mécanique, l’énergie associée au problème (6.4.1) est donnée par
1Z Z
E(u) = |∇u|2 dx − u f dx < ∞.
2 Ω Ω

En particulier si on considère un terme source f = 0, le fait que l’énergie soit finie


entraîne ∇u ∈ L2 (Ω)d . Ainsi, il est naturel de considérer une distribution u dont le
gradient au sens des distributions est une distribution associée à une fonction de L2 (Ω)d
notée ∇u. Enfin, en supposant f ∈ L2 (Ω), il suffit que u ∈ L2 (Ω) pour que la deuxième
intégrale de l’énergie soit finie, en effet d’après l’inégalité de Cauchy-Schwarz on a
Z
u f dx ≤ ||u||L2 (Ω) ||f ||L2 (Ω) < ∞.

Finalement, pour u ∈ L2 (Ω), ∇u ∈ L2 (Ω)d avec u = 0 sur ∂Ω, la formulation variation-


nelle (6.4.2) a un sens et la propriété d’énergie finie est vérifiée (au sens des distributions).
On est alors amené à chercher une solution u de la formulation variationnelle (6.4.2) dans
l’espace
H 1 (Ω) := {u ∈ L2 (Ω) | ∇u ∈ L2 (Ω)d , u = 0 sur ∂Ω}.
Cet espace fait partie des espaces de Sobolev que l’on va étudier dans le chapitre suivant.
62 Chapitre 6 : Introduction à la notion de formulation variationnelle
63

Chapitre 7

Espaces de Sobolev

7.1 Définitions et propriétés


Définition 7.1.1. Soit Ω un ouvert de Rd . L’espace de Sobolev W m,p (Ω), où m, p ∈ N∗
est défini par
W m,p (Ω) := {u ∈ Lp (Ω) | ∀ α multi-indice, |α| ≤ m, Dα u ∈ Lp (Ω)}, (7.1.1)
où Dα u est la dérivée d’exposant α au sens des distributions de u. Dans le cas particu-
lier p = 2, on note W m,2 (Ω) = H m (Ω).
Remarque 7.1.2.
1. L’espace H 1 (Ω) donné par la Définition 7.1.1 est bien le même espace que celui
défini à la fin du chapitre précédent. En effet, ∇u ∈ L2 (Ω)d si et seulement si, pour
tout i = 1, . . . , d, ∂xi u ∈ L2 (Ω), ce qui est encore équivalent à Dα u ∈ L2 (Ω) pour
tout multi-indice α tel que |α| = 1.
2. La Définition 7.1.1 a encore un sens pour p = +∞. En particulier, en dimension 1
on peut montrer que W 1,∞ (I) est l’ensemble des fonctions Lipschitziennes sur l’in-
tervalle I.
3. Il existe une classe plus générale d’espaces de Sobolev (qui ne seront pas étudiés
dans ce cours). Ce sont les espaces W s,p (Ω) où s ∈ R. Par exemple, dans le cas
p = 2, s ≥ 0 et Ω = Rd , on définit l’espace de Sobolev H s (Rd ) par
s
H s (Rd ) := {u ∈ L2 (Rd ) | ξ 7→ (1 + |ξ|2 ) 2 Fu(ξ) ∈ L2 (Rd )},
où F est la transformée de Fourier.
Pour les besoins de ce cours, on étudiera seulement les espaces de Sobolev H m (Ω).
La notation H pour ces espaces vient de la propriété suivante (dont la démonstration est
laissée au lecteur) :
Proposition 7.1.3. L’espace de Sobolev H m (Ω) est un espace de Hilbert muni du produit
scalaire (·, ·) défini par
X Z
(u, v) := Dα u Dα v dx. (7.1.2)

|α|≤m
64 Chapitre 7 : Espaces de Sobolev

Exemple 7.1.4. Pour m = 1, le produit scalaire (7.1.2) s’écrit simplement


Z Z
(u, v) = ∇u · ∇v dx + u v dx,
Ω Ω

et la norme associée est donnée par


Z Z
2 2
||u|| = u dx + |∇u|2 dx = ||u||2L2 (Ω) + ||∇u||2L2 (Ω) ,
Ω Ω

où | · | désigne la norme euclidienne de Rd .


On a le résultat d’injection suivant :
Théorème 7.1.5. Si Ω est un ouvert borné régulier de classe C 1 et si m > d2 alors H m (Ω)
est un sous-espace de C(Ω). En particulier, en dimension d = 1 on a H m (Ω) ⊂ C(Ω) pour
tout m ∈ N∗ .
Remarque 7.1.6.
1. Si m > 1 et u ∈ H m (Ω) alors Dα u ∈ H m−1 (Ω) pour tout multi-indice α tel que
|α| = 1. Donc si m − 1 > d2 , Dα u ∈ C(Ω) d’où u ∈ C 1 (Ω). Ainsi, si m est très grand
devant d alors les fonctions de H m (Ω) sont des fonctions régulières.
2. Les fonctions de H m (Ω) sont des fonctions qui ne sont définies que presque par-
tout contrairement aux fonctions de C(Ω), ainsi l’inclusion H m (Ω) ⊂ C(Ω) peut
paraître étrange. En fait, il faut comprendre dans cette inclusion que toute fonction
u ∈ H m (Ω) admet un représentant ũ ∈ C(Ω).
Démonstration. On donne le résultat dans le cas d = 1 (voir [5] pour le cas général). On
considère Ω :=]0, 1[ pour simplifier. On fera appel au résultat suivant dont on donne la
démonstration plus bas.
Lemme 7.1.7. Si u ∈ H 1 (0, 1) est telle que u0 = 0 sur ]0, 1[ alors u est constante p.p.
sur ]0, 1[.
Soit u ∈ H 1 (0, 1). Si x ∈]0, 1[, alors, par l’inégalité de Cauchy-Schwarz, on a
Z x Z x 1/2

u0 (s) ku0 kL2 (0,x) = x ku0 kL2 (0,1) < ∞.


ds ≤ ds
0 0

Ainsi, on peut définir sur ]0, 1[ la fonction v par


Z x
v(x) := u0 (s) ds, ∀ x ∈]0, 1[. (7.1.3)
0

De même, pour x, y ∈]0, 1[, on a


Z y q
u0 (s) |x − y| ku0 kL2 (0,1) ,

|v(x) − v(y)| =
ds ≤
x

d’où v est continue sur [0, 1]. Soit ϕ ∈ Cc∞ (0, 1). D’après le théorème de Fubini, on a
Z 1 Z 1Z x Z 1 Z 1 Z 1
v(x)ϕ0 (x) dx = u0 (s)ϕ0 (x) ds dx = u0 (s) ϕ0 (x) dx ds = − u0 (s)ϕ(s) ds.
0 0 0 0 s 0
0 0
On en déduit que la dérivée au sens des distributions v de v est u donc, d’après le
Lemme 7.1.7, il existe une constante c telle que u = v + c p.p. dans ]0, 1[, donc u admet
un représentant ũ qui est continu sur [0, 1].
7.1 Définitions et propriétés 65

Remarque 7.1.8. La démonstration précédente montre de plus, d’après (7.1.3), que


l’on a Z y
ũ(x) = ũ(y) + u0 (s) ds, ∀ x, y ∈]0, 1[.
x

Démonstration du Lemme 7.1.7. Soit u ∈ H 1 (0, 1) telle que u0 = 0 sur ]0, 1[. Alors, pour
toute ϕ ∈ Cc1 (0, 1), on a Z 1
< u0 , ϕ >= − u ϕ0 dx = 0.
0
 Z 1 
Soit ψ ∈ Cc (0, 1). Pour toute w ∈ Cc (0, 1), la fonction w− w ds ψ est continue,
0
à support compact dans (0, 1) et à moyenne nulle sur (0, 1) donc celle-ci admet une
primitive ϕ ∈ Cc1 (Ω). Alors, on obtient
Z 1  Z 1 
0
0 =< u , ϕ >= − u(x) w(x) − w(s) ds ψ(x) dx.
0 0

D’après le théorème de Fubini, on en déduit


Z 1 Z 1 
u− uψ dx w ds = 0, ∀ w ∈ Cc (0, 1).
0 0
Z 1
Alors, on a u = u ψ dx p.p. dans ]0, 1[.
0

Notation 7.1.9. Pour x = (x1 , . . . , xd ) ∈ Rd , on note x0 := (x1 , . . . , xd−1 ), de sorte


que x = (x0 , xd ). On désigne par Rd+ l’ouvert de Rd défini par
Rd+ := {x = (x0 , xd ) ∈ Rd | xd > 0}. (7.1.4)
Théorème 7.1.10. Soit m ∈ N∗ .
1. L’espace Ccm (Rd ) est dense dans H m (Rd ).
2. Si Ω est un ouvert borné régulier de classe C m , m > 0, ou si Ω = Rd+ , alors Ccm (Ω)
est dense dans H m (Ω).
Remarque 7.1.11. Il faut prendre garde de ne pas confondre Ccm (Ω) et Ccm (Ω), on
a seulement l’inclusion stricte Ccm (Ω) ( Ccm (Ω). En effet, les fonctions de Ccm (Ω) sont
nécessairement nulles sur ∂Ω contrairement aux fonctions de Ccm (Ω).
Schéma de preuve. La démonstration de ce résultat est assez technique. On décrit seule-
ment les principales étapes de la démonstration.
1) Pour u ∈ H m (Rd ), on construit (procédé de régularisation) une suite (un )n≥0 de C m (Rd )
en posant un := u ? ϕn , où (ϕn )n≥0 est une suite de fonctions régulière et ? désigne le
produit de convolution. Alors la suite (un )n≥0 converge dans H m (Rd ) vers u. Ensuite, on
construit (procédé de troncature) une suite (vn )n≥0 de Ccm (Rd ) en posant vn := un ψn
où (ψn )n≥0 est une suite de fonctions régulières ayant pour support la boule unité de
rayon 2n. Enfin, on montre que la suite (vn )n≥0 converge vers u dans H m (Rd ).
2) Le résultat obtenu dans le cas de Rd se généralise au cas de Rd+ en montrant qu’il existe
un opérateur de prolongement continu de Rd+ dans Rd . On obtient finalement le résultat
pour tout ouvert Ω borné régulier de classe C m en passant de Ω à Rd+ par cartes locales.
C’est ce dernier point qui justifie de considérer des ouverts situés d’un seul côté de leur
bord (cela vient du fait que Rd+ vérifie cette propriété).
66 Chapitre 7 : Espaces de Sobolev

7.2 L’espace H01(Ω)


Définition 7.2.1. Soit Ω un ouvert de Rd . L’espace H01 (Ω) est défini comme étant l’adhé-
rence de Cc∞ (Ω) dans H 1 (Ω).

Remarque 7.2.2.
1. La Définition 7.2.1 signifie que u ∈ H01 (Ω) si et seulement si il existe une suite un
de Cc∞ (Ω) telle que lim ||un − u||H 1 (Ω) = 0.
n→+∞

2. On peut montrer que l’adhérence dans H 1 (Ω) de Cc1 (Ω) et Cc∞ (Ω) coïncident, au-
trement dit H01 (Ω) est aussi l’adhérence dans H 1 (Ω) de Cc1 (Ω).
3. D’après le Théorème 7.1.10, on a H01 (Rd ) = H 1 (Rd ). Pour Ω = Rd+ ou Ω un ou-
vert borné régulier de classe C 1 , l’espace Cc1 (Ω) est un sous-espace strict de Cc1 (Ω)
donc H01 (Ω) est un sous-espace strict de H 1 (Ω).

Par définition, l’espace H01 (Ω) est un sous-espace fermé de H 1 (Ω), on en déduit donc
le résultat suivant

Proposition 7.2.3. L’espace H01 (Ω) est un espace de Hilbert pour le produit scalaire
de H 1 (Ω).

Une propriété importante de l’espace H01 (Ω) est que ses éléments vérifient l’inégalité
de Poincaré.

Proposition 7.2.4 (Inégalité de Poincaré). Soit Ω un ouvert de Rd borné dans une


direction d’espace (ou plus). Alors, il existe une constante c > 0 telle que
Z Z
∀v∈ H01 (Ω), 2
|v| dx ≤ c |∇v|2 dx. (7.2.1)
Ω Ω

Démonstration. Puisque Ω est borné dans une direction, il existe k ∈ {1, . . . , d}, m ≤ M
tels que si x ∈ Ω alors m ≤ xk ≤ M . Pour simplifier et sans perdre en généralité, on peut
supposer k = d. Pour x ∈ Ω, on note x = (x0 , xd ). Soit ϕ ∈ Cc∞ (Ω), alors, puisque ϕ est
nulle au bord de Ω, on a
Z xd
∂ϕ 0
ϕ(x) = (x , t) dt.
m ∂xd

Par l’inégalité de Cauchy-Schwarz, on obtient


Z 2
xd ∂ϕ 0
2
|ϕ(x)| =
(x , t) dt
m ∂xd
Z xd Z xd 2
∂ϕ 0

≤ dt (x , t) dt
m m ∂xd
Z xd 2
∂ϕ 0

≤ (M − m) (x , t) dt.
m ∂xd
7.2 L’espace H01 (Ω) 67

On en déduit par le théorème de Fubini


Z Z xd 2
∂ϕ 0
Z
|ϕ(x)|2 dx ≤ (M − m) (x , t) dt dx
Ω Ω m ∂xd
Z M Z 2
∂ϕ

≤ (M − m) (x) dx dt


m Ω ∂x d

Z
≤ (M − m)2 |∇ϕ|2 dx,

ce qui donne le résultat pour toute fonction ϕ de Cc∞ (Ω). Si v ∈ H01 (Ω), il existe une
suite ϕn de Cc∞ (Ω) telle que lim ||v − ϕn ||H 1 (Ω) = 0. Autrement dit, on a
n→+∞
Z Z
2
lim |v − ϕn | dx = lim |∇v − ∇ϕn |2 dx = 0.
n→+∞ Ω n→+∞ Ω

On obtient
kvkL2 (Ω) ≤ kv − ϕn kL2 (Ω) + kϕn kL2 (Ω)
≤ kv − ϕn kL2 (Ω) + (M − m)k∇ϕn kL2 (Ω)d
≤ kv − ϕn kL2 (Ω) + (M − m)k∇ϕn − ∇vkL2 (Ω)d + (M − m)k∇vkL2 (Ωd ) .
En passant à la limite, quand n → +∞, on déduit (7.2.1).
Remarque 7.2.5. L’inégalité de Poincaré est fausse dans H 1 (Ω). En effet, les fonctions
constantes sont dans H 1 (Ω) et si u est constante alors ∇u = 0 p.p. dans Ω. Si l’inégalité
de Poincaré avait lieu dans H 1 (Ω) on aurait alors u = 0 p.p. dans Ω. En particulier,
l’inégalité de Poincaré est vraie dans H01 (Ω) notamment car la seule fonction constante
de H01 (Ω) est la fonction identiquement nulle.
Corollaire 7.2.6. Soit Ω un ouvert de Rd connexe et borné dans une direction d’espace
(ou plus). Alors, la semi norme définie par
||v||H01 (Ω) := ||∇v||L2 (Ω) , (7.2.2)

est une norme sur H01 (Ω) équivalente à la norme induite par celle de H 1 (Ω).
Démonstration. Si ||v||H01 (Ω) = 0 alors ∇v = 0 p.p. dans Ω. Comme Ω est connexe,
on en déduit que v est constante p.p. dans Ω. La seule constante de H01 (Ω) étant la
fonction identiquement nulle, on en déduit v = 0 p.p. dans Ω. Ainsi, || · ||H01 (Ω) est bien
une norme sur H01 (Ω). Pour montrer l’équivalence, il suffit de montrer qu’il existe deux
constantes c1 > 0 et c2 > 0 telles que pour toute v ∈ H01 (Ω), on a
c1 ||v||H 1 (Ω) ≤ ||v||H01 (Ω) ≤ c2 ||v||H 1 (Ω) .
La deuxième inégalité est évidente avec c2 = 1. Pour la première, il suffit d’appliquer
l’inégalité de Poincaré, on obtient
||v||2H 1 (Ω) = ||v||2L2 (Ω) + ||∇v||2L2 (Ω) ≤ (1 + c) ||∇v||2L2 (Ω) ,

ce qui donne le résultat en prenant c1 = (1 + c)−1/2 .


68 Chapitre 7 : Espaces de Sobolev

7.3 Traces et formules de Green


En dimension d ≥ 2, les fonctions de H 1 (Ω) peuvent ne pas être continues. En parti-
culier, on sait que celles-ci sont seulement définies presque partout sur Ω. Or le bord ∂Ω
d’un ouvert Ω de Rd est un ensemble de mesure nulle, il n’est donc pas clair de pouvoir
définir la valeur d’une fonction de H 1 (Ω) sur ∂Ω. Pour cela, on introduit l’application
trace.

Définition 7.3.1. Soit Ω un ouvert borné de Rd . L’application trace γ0 est l’application


linéaire définie de H 1 (Ω) ∩ C(Ω) dans L2 (∂Ω) ∩ C(∂Ω) par γ0 v := v|∂Ω .

Remarque 7.3.2. L’application trace considérée est définie sur H 1 (Ω) ∩ C(Ω) car on va
chercher à étendre cette application à H 1 (Ω) tout entier. Considérer l’application trace
sur C(Ω) ne serait pas suffisant car il ne s’agit pas d’un sous-espace de H 1 (Ω).

Théorème 7.3.3. Soit Ω un ouvert borné régulier de classe C 1 ou Ω = Rd+ . Alors, l’ap-
plication γ0 se prolonge en une application linéaire continue de H 1 (Ω) dans L2 (∂Ω) notée
encore γ0 . En particulier, il existe une constante c > 0 telle que, pour toute u ∈ H 1 (Ω),
on a
||γ0 u||L2 (∂Ω) ≤ c ||u||H 1 (Ω) . (7.3.1)
On note u|∂Ω := γ0 u.

Remarque 7.3.4. Le résultat est faux si l’on se place seulement dans L2 (Ω) ou si l’ou-
vert Ω n’est pas régulier.

Démonstration. On montre le résultat pour le cas Ω = Rd+ , le cas général étant plus
technique. Pour cela, il suffit de montrer que l’inégalité (7.3.1) a lieu pour des fonctions
régulières, le résultat s’en déduit ensuite par densité. Soit v ∈ Cc∞ (Rd+ ). Alors, la restriction
de v au bord ∂Rd+ est γ0 v(x0 ) = v(x0 , 0), où x0 ∈ Rd−1 , et vérifie
Z ∞

0
|v(x , 0)| 2
=− (v(x0 , xd )2 ) dxd
0 ∂xd
Z ∞
∂v 0
= −2 v(x0 , xd ) (x , xd ) dxd .
0 ∂xd

De l’inégalité −2ab ≤ a2 + b2 , on déduit


Z ∞ Z ∞ 2
∂v

0 2 0 2 0
|v(x , 0)| ≤ v(x , xd ) dxd + (x , xd ) dxd .
0 0 ∂xd

En intégrant en x0 , on obtient
2
Z Z Z ∂v
0 2 0 0 2 0
|v(x , 0)| dx ≤ v(x , xd ) dxd + (x , xd ) dxd ≤ ||v||2H 1 (Rd ) ,


Rd−1 Rd+ R+ ∂xd
d +

d’où ||γ0 v||L2 (∂Rd+ ) ≤ ||v||H 1 (Rd+ ) . Par densité de Cc1 (Rd+ ) dans H 1 (Rd+ ), on obtient le résultat
(dans Rd+ ).
7.3 Traces et formules de Green 69

Un conséquence très importante du théorème de trace est que celui-ci permet de donner
une caractérisation de H01 (Ω) qui s’avérera très utile dans le chapitre suivant. On admettra
le résultat et on renvoie à [5, 10, 12] pour plus de détails.
Corollaire 7.3.5 (Admis). Soit Ω un ouvert borné régulier de classe C 1 . Alors, H01 (Ω)
est donné par
H01 (Ω) = {v ∈ H 1 (Ω) | v|∂Ω = 0 sur ∂Ω}, (7.3.2)
où on a utilisé la notation v|∂Ω := γ0 v.
Remarque 7.3.6.
1. L’égalité (7.3.2) se justifie du fait que toute fonction de H01 (Ω) est limite d’une
suite de fonctions de Cc1 (Ω) qui sont nécessairement nulles sur ∂Ω. Néanmoins cette
rapide explication ne suffit pas à montrer l’égalité (7.3.2).
2. Cette caractérisation de H01 (Ω) peut encore s’écrire H01 (Ω) = Ker(γ0 ) où γ0 dé-
signe l’application trace définie de H 1 (Ω) dans L2 (∂Ω). On peut montrer que l’on a
1 1
Im(γ0 ) ( L2 (∂Ω). On note H 2 (∂Ω) := Im(γ0 ). On peut aussi montrer que H 2 (∂Ω)
est un sous-espace dense de L2 (∂Ω) (voir [10] pour plus de détails).
Une autre application importante du théorème de trace est la généralisation de la
formule de Green à H 1 (Ω).
Corollaire 7.3.7 (Formule de Green dans H 1 (Ω)). Soit Ω un ouvert borné régulier de
classe C 1 . Soient u ∈ H 1 (Ω)d et v ∈ H 1 (Ω), alors on a
Z Z Z
u · ∇v dx = − v div(u) dx + γ0 v γ0 u · ν dσx . (7.3.3)
Ω Ω ∂Ω

Démonstration. Le résultat a déjà été vu dans le cas de fonctions dans C 1 (Ω). La géné-
ralisation à H 1 (Ω) s’obtient par densité grâce à la continuité de l’application trace γ0 .
Comme C 1 (Ω) est dense dans H 1 (Ω), il existe deux suites (un )n de C 1 (Ω)d et (vn )n
de C 1 (Ω) qui convergent dans H 1 (Ω)d et H 1 (Ω) vers u et v. Pour tout n, d’après le
Corollaire 6.2.3, on a
Z Z Z
un · ∇vn dx = − vn div(un ) dx + vn un · ν dσx . (7.3.4)
Ω Ω ∂Ω

Comme (un )n converge vers u dans H 1 (Ω), (un )n converge vers u dans L2 (Ω)d et (div(un ))n
converge vers div(u) dans L2 (Ω). De même, (vn )n converge vers v dans L2 (Ω) et (∇vn )n
converge vers ∇v dans L2 (Ω)d . On obtient alors en passant à la limite dans (7.3.4)
Z Z Z
u · ∇v dx = − v div(u) dx + lim vn un · ν dσx .
Ω Ω n→+∞ ∂Ω

Pour passer à la limite dans la dernière intégrale, on utilise le théorème de trace. Comme
l’application γ0 est continue de H 1 (Ω) dans L2 (∂Ω), on obtient que (γ0 un )n converge
vers γ0 u dans L2 (∂Ω)d et (γ0 vn )n converge vers γ0 v dans L2 (∂Ω). La normale ν étant
continue, on en déduit
Z Z Z
vn un · ν dσx = γ0 vn γ0 un · ν dσx −→ γ0 v γ0 u · ν dσx ,
∂Ω ∂Ω n→+∞ ∂Ω

ce qui donne le résultat.


70 Chapitre 7 : Espaces de Sobolev

On peut donner d’autres résultats de trace pour les espace H m (Ω) avec m > 1 (par
exemple définir une dérivée sur le bord). On va donner ci-dessous un résultat dans le
cas m = 2.

Définition 7.3.8. Soit Ω un ouvert borné de Rd . L’application trace γ1 est l’application


∂v
linéaire définie de C 1 (Ω) ∩ H 2 (Ω) dans C(∂Ω) ∩ L2 (∂Ω) par γ1 v := ∂ν |∂Ω
.

Théorème 7.3.9. Soit Ω un ouvert borné régulier de classe C 1 . Alors, l’application


trace γ1 se prolonge en une application linéaire continue de H 2 (Ω) dans L2 (∂Ω), encore
notée γ1 . En particulier, il existe c > 0 telle que, pour toute v ∈ H 2 (Ω), on a

||γ1 v||L2 (∂Ω) ≤ c ||v||H 2 (Ω) . (7.3.5)


∂v
On note ∂ν |∂Ω
:= γ1 v.

Démonstration. Si v ∈ H 2 (Ω), ∇v ∈ H 1 (Ω)d . D’après le théorème de trace dans H 1 (Ω),


on a
||γ0 (∇v)||L2 (∂Ω) ≤ c ||∇v||H 1 (Ω) ≤ c ||v||H 2 (Ω) .
La normale ν étant continue sur ∂Ω, on déduit ||γ0 (∇v) · ν||L2 (∂Ω) ≤ c ||v||H 2 (Ω) , d’où le
résultat.
Comme dans le cas du théorème de trace dans H 1 (Ω), on en déduit une généralisation
de la formule de Green.

Corollaire 7.3.10. Soit Ω un ouvert borné régulier de classe C 2 . Si u ∈ H 2 (Ω) et


v ∈ H 1 (Ω), on a
Z Z Z
∆u v dx = − ∇u · ∇v dx + γ1 u γ0 v dσx .
Ω Ω ∂Ω

Remarque 7.3.11. La démonstration est analogue à celle de la formule de Green dans H 1 (Ω).
Néanmoins, il est nécessaire ici de supposer que l’ouvert Ω est de classe C 2 pour avoir le
résultat de densité des fonctions de C 2 (Ω) dans H 2 (Ω).

7.4 Théorème de compacité de Rellich et applica-


tions
Théorème 7.4.1 (Rellich). Soit Ω un ouvert borné de Rd . De toute suite bornée de H01 (Ω)
on peut extraire une sous-suite convergente dans L2 (Ω). Autrement dit, l’injection de H01 (Ω)
dans L2 (Ω) est compacte.
De plus, si Ω est régulier de classe C 1 , alors l’injection de H 1 (Ω) dans L2 (Ω) est aussi
compacte.

Remarque 7.4.2.
1. Pour le cas de l’injection de H 1 (Ω) dans L2 (Ω), on renvoie à [5] pour une démons-
tration.
7.4 Théorème de compacité de Rellich et applications 71

2. La définition d’opérateur compact est rappelée dans le chapitre 12 (Définition 12.1.2).


3. Le résultat peut être faux dans H 1 (Ω) si l’on ne suppose pas l’ouvert régulier.
4. Il faut prendre garde que le résultat est une convergence dans L2 (Ω) et non dans H 1 (Ω).
En particulier, on n’a pas, à priori, la convergence des gradients dans L2 (Ω)d fort.
5. Il existe une version plus générale de ce résultat, appelée théorème de Rellich-
Kondrachov et qui s’énonce dans les espaces de Sobolev W 1,p (Ω) (voir [5]).
Démonstration. La démonstration que l’on donne ci-après provient de [13], page 85, et se-
rait due à Lars Hörmander (voir aussi [12], page 29). Soit (un )n une suite bornée de H01 (Ω).
Comme L2 (Ω) est séparable, d’après le théorème de Banach-Alaoglu, il existe u ∈ L2 (Ω)
et une sous-suite (unj )j qui converge dans L2 (Ω) faible vers u. On pose vj := unj − u et
donc on veut montrer qu’il existe une sous-suite de (vn )n qui converge vers 0 dans L2 (Ω)
fort. On étend chaque vn par 0 en dehors de Ω. On peut alors montrer (voir [5] page 173)
que vn ∈ H 1 (Rd ) et que les normes de vn dans H 1 (Rd ) et H01 (Ω) sont les mêmes. C’est
cette propriété qui rend fondamental le fait de se placer dans H01 (Ω). On a
1 Z 1
Fvn (ξ) = √ vn (x) e−ix·ξ dx = √ hvn , fξ iL2 (Ω) ,
2π Ω 2π
où fξ (x) := eix·ξ ∈ L2 (Ω) (car fξ ∈ L∞ (Ω) ⊂ L2 (Ω), puisque |Ω| < ∞). Alors, comme (vn )n
converge vers 0 dans L2 (Ω) faible, on en déduit que Fvn (ξ) converge vers 0 dans R. De
plus, puisque (vn )n est bornée dans H01 (Ω), on a
|Fvn (ξ)| ≤ kvn kL2 (Ω) kfξ kL2 (Ω) ≤ kvn kH01 (Ω) ≤ c.
Pour tout ρ > 0, la constante c est intégrable sur la boule |ξ| ≤ ρ. Alors, d’après le
théorème de convergence dominée de Lebesgue, on a
Z
|Fvn (ξ)|2 dξ −→ 0, ∀ ρ > 0. (7.4.1)
|ξ|≤ρ n→+∞

Puisque la suite (vn )n est bornée dans H01 (Ω), il existe c > 0 telle que k∇vn kL2 (Ω)d ≤ c.
Par le théorème de Plancherel, obtient alors
kξ Fvn kL2 (Rd )d = kF(∇vn )kL2 (Rd )d = k∇vn kL2 (Rd )d = k∇vn kL2 (Ω)d ≤ c,
Z
d’où |ξ|2 |Fvn |2 dξ ≤ c. On en déduit
Rd
Z
1 Z
2 c
|Fvn | dξ = 2 ρ2 |Fvn |2 dξ ≤ 2 , ∀ ρ > 0. (7.4.2)
|ξ|>ρ ρ |ξ|>ρ ρ
Pour tout ρ > 0, on a
Z Z
kvn k2L2 (Ω) = kF(vn )k2L2 (Rd ) = 2
|Fvn | dξ + |Fvn |2 dξ.
|ξ|≤ρ |ξ|>ρ

Alors, (7.4.1) et (7.4.2) entraînent


Z Z
c
lim sup kvn k2L2 (Ω) ≤ lim sup 2
|Fvn | dξ + lim sup |Fvn |2 dξ ≤ , ∀ ρ > 0.
n n |ξ|≤ρ n |ξ|>ρ ρ2
On en déduit, en faisant tendre ρ vers l’infini, limn kvn k2L2 (Ω) = 0. Donc la suite (vn )n
converge dans L2 (Ω) fort vers 0.
72 Chapitre 7 : Espaces de Sobolev

En application de ce résultat de compacité, on va donner une nouvelle démonstration


de l’inégalité de Poincaré, dans un cadre plus restrictif que celui vu précédemment mais
qui a l’avantage de s’adapter pour d’autres inégalités du même type (voir l’inégalité de
Poincaré-Wirtinger plus bas).
Proposition 7.4.3 (Inégalité de Poincaré bis). Soit Ω un ouvert borné connexe de Rd .
Alors, il existe c > 0 telle que, pour toute v ∈ H01 (Ω), on a

||v||L2 (Ω) ≤ c ||∇v||L2 (Ω) .

Démonstration. On raisonne par l’absurde. Supposons : il existe une suite (un )n de H01 (Ω)
telle que pour tout n, on a

||un ||L2 (Ω) > n ||∇un ||L2 (Ω) .

On pose vn := un /||un ||L2 (Ω) . Alors, on obtient

1 = ||vn ||L2 (Ω) > n ||∇vn ||L2 (Ω) . (7.4.3)

On en déduit que vn et ∇vn sont bornées dans L2 (Ω) donc vn est bornée dans H 1 (Ω).
D’après le théorème de Rellich, il existe une sous-suite (vnk )k qui converge dans L2 (Ω)
vers v ∈ H01 (Ω). D’après (7.4.3), on a ∇v = 0 p.p. dans Ω connexe donc v est constante p.p.
dans Ω. Puisque v ∈ H01 (Ω), on en déduit v = 0 p.p. dans Ω. Or ||v||L2 (Ω) = limk ||vnk ||L2 (Ω) = 1,
d’où une contradiction.
Proposition 7.4.4 (Inégalité de Poincaré-Wirtinger). Soit Ω un ouvert connexe et borné
1 R
régulier de classe C 1 . Pour u ∈ H 1 (Ω), on note u := |Ω| Ω u dx, où |Ω| désigne la mesure
de Lebesgue de Ω. Alors, il existe une constante c > 0 telle que

∀ u ∈ H 1 (Ω), ||u − u||L2 (Ω) ≤ c ||∇u||L2 (Ω) .

Démonstration. Laissée en exercice.

7.5 Dualité
On rappelle que pour un espace de Banach E, on note E 0 son dual, i.e. l’ensemble des
formes linéaires continues sur E. De plus, pour L ∈ E 0 et v ∈ E, on note hL, vi := Lv.
L’application h·, ·i est appelée crochet de dualité. Celle-ci permet de mettre en avant le
fait que Lv peut être vu comme un produit scalaire d’après les théorèmes de représentation
de Riesz et Riesz-Fréchet (voir [5]) que l’on rappelle ci-dessous :
Théorème 7.5.1 (Théorème de représentation de Riesz). Soient Ω un ouvert de Rd ,
0
1 < p < ∞ et L ∈ (Lp (Ω))0 . Alors, il existe un unique f ∈ Lp (Ω), où p1 + p10 = 1, tel que
Z
∀ u ∈ Lp (Ω), hL, ui = f (x) u(x) dx.

De plus, on a
||f ||Lp0 (Ω) = ||L||(Lp (Ω))0 .
7.5 Dualité 73

Théorème 7.5.2 (Théorème de représentation de Riesz-Fréchet). Soient (H, (·, ·)H ) un


espace de Hilbert sur K := R ou C et T ∈ H 0 . Alors, il existe un unique v ∈ H tel que

∀ u ∈ H, hT, ui = (v, u)H .

De plus, on a
||T ||H 0 = ||v||H .

Remarque 7.5.3.
1. Le théorème de Riesz exprime que toute forme linéaire L ∈ (Lp (Ω))0 peut être
0
représentée par une fonction f ∈ Lp . L’application L 7→ f est un opérateur linéaire
0
isométrique et surjectif qui permet d’identifier le dual de Lp (Ω) avec Lp (Ω), i.e.
(Lp (Ω))0 = Lp (Ω).
0

2. Le théorème de Riesz-Fréchet exprime que tout espace de Hilbert peut être iden-
tifié avec son dual. Autrement dit, toute forme linéaire continue sur H peut être
considérée comme un élément de H, i.e. H 0 = H.
3. Pour H = L2 (Ω), les deux résultats coïncident.

Définition 7.5.4. Le dual de l’espace de Sobolev H01 (Ω) est noté H −1 (Ω) et le crochet
de dualité correspondant est noté h·, ·iH −1 ,H 1 .
0

Remarque 7.5.5. D’après le théorème de représentation de Riesz-Fréchet, on peut iden-


tifier H01 (Ω) et H −1 (Ω) mais dans la pratique on ne fait jamais cette identification. Par
contre on identifie L2 (Ω) avec son dual. La raison de ce choix est justifié par le Corol-
laire 7.5.7 ci-dessous.

Proposition 7.5.6. L’espace H −1 (Ω) admet la caractérisation suivante :


 
d
∂gj
 
H −1 (Ω) = f ∈ D0 (Ω) , où g0 , . . . , gd ∈ L2 (Ω) .
X
f = g0 + (7.5.1)
j=1 ∂xj
 

Démonstration. On définit l’opérateur T de H01 (Ω) dans L2 (Ω)d+1 par


!
∂u ∂u
T u = u, ,..., .
∂x1 ∂xd

Pour toute u ∈ H01 (Ω), on a

kT ukL2 (Ω)d+1 = kukH 1 (Ω) .

Puisque H01 (Ω) est fermé dans H 1 (Ω), on en déduit aisément que Im(T ) est fermé dans L2 (Ω)d+1 .
De plus, on obtient immédiatement que T est injective et continue donc est bicontinue
(i.e. d’inverse continu) de H01 (Ω) sur Im(T ). Soit L une forme linéaire continue sur H01 (Ω).
Alors LT −1 est linéaire continue sur Im(T ). Puisque Im(T ) est fermé dans L2 (Ω)d+1 ,
d’après le théorème de Hahn-Banach, LT −1 se prolonge en une forme linéaire continue
74 Chapitre 7 : Espaces de Sobolev

sur L2 (Ω)d+1 . Alors, d’après le théorème de représentation de Riesz, il existe g0 , . . . , gd ∈ L2 (Ω)


telles que
Z d Z
LT −1 u = ∀ u ∈ L2 (Ω)d+1 .
X
u0 g0 dx + ui gi dx,
Ω i=1 Ω

Pour u ∈ H01 (Ω), on obtient


d
−1
Z X ∂u
Lu = LT Tu = u g0 dx + gi dx.
Ω i=1 ∂xi

d
X ∂gi
Donc, au sens des distributions, on a L = g0 − .
i=1 ∂xi

Corollaire 7.5.7. On a les inclusions suivantes :

H01 (Ω) ⊂ L2 (Ω) ⊂ H −1 (Ω). (7.5.2)


75

Chapitre 8

Analyse variationnelle des problèmes


elliptiques

8.1 Théorie abstraite


Dans cette section, on se place dans le cadre abstrait des espaces de Hilbert. On
rappelle le théorème de Lax-Milgram d’existence et unicité pour des formulations varia-
tionnelles dans les espaces de Hilbert. De plus, on rappelle aussi la version du théorème
de Lax-Milgram en tant que minimisation d’énergie.
On note V un espace de Hilbert réel muni du produit scalaire (·, ·)V et de la norme
induite || · ||V .

Définition 8.1.1. Soit a : V × V → R une forme bilinéaire sur V .


1. On dit que a(·, ·) est continue s’il existe une constante M > 0 telle que

∀ u, v ∈ V, |a(u, v)| ≤ M ||u||V ||v||V .

2. On dit que a(·, ·) est coercive s’il existe une constante m > 0 telle que

∀ u ∈ V, a(u, u) ≥ m ||u||2V .

Pour L ∈ V 0 et a(·, ·) une forme bilinéaire sur V . On considère la formulation varia-


tionnelle 
 Trouver u ∈ V telle que :
(8.1.1)
 ∀ v ∈ V, a(u, v) = hL, vi .

Théorème 8.1.2 (Lax-Milgram). Soit L ∈ V 0 et a(·, ·) une forme bilinéaire sur V conti-
nue et coercive. Alors, la formulation variationnelle (8.1.1) admet une solution unique.

Démonstration. Puisque L ∈ V 0 , d’après le théorème de Riesz-Frécher 7.5.2, il existe


un unique f ∈ V tel que, pour tout v ∈ V , on a hL, vi = (f, v)V . De même, pour
u ∈ V fixé, l’application v 7→ a(u, v) est une forme linéaire continue sur V car a(·, ·) est
continue. Ainsi, pour u ∈ V fixé, il existe un unique Au ∈ V tel que a(u, v) = (Au, v)V .
L’application A ainsi définie est linéaire de V dans V et continue car a(·, ·) est continue. Le
76 Chapitre 8 : Analyse variationnelle des problèmes elliptiques

problème (8.1.1) s’écrit alors : trouver u ∈ V tel que (Au, v)V = (f, v)V pour tout v ∈ V .
Soit encore : trouver u ∈ V tel que Au = f . Autrement dit, montrer l’existence et l’unicité
d’une solution de (8.1.1) est équivalent à montrer que l’opérateur A est bijectif.
Pour montrer l’injectivité, il suffit de montrer que Au = 0 entraîne u = 0. D’après la
coercivité de a(·, ·), on a (Au, u)V ≥ m ||u||2V dont on déduit immédiatement l’injectivité.
Pour montrer la surjectivité, on montre que l’image Im(A) de A est fermée et que
Im(A)⊥ = {0}. Soit (vn )n une suite de Im(A) qui converge dans V vers v.
Alors vn = Aun , où (un )n est une suite de V . On a

kAun − Aum kV kun − um kV ≥ (Aun − Aum , un − um )V ≥ m ||un − um ||2V ,

donc ||Aun − Aum ||V ≥ m ||un − um ||V . La suite (Aun )n étant de Cauchy, on en déduit
que la suite (un )n est de Cauchy dans V qui est complet donc (un )n converge vers u ∈ V .
Comme A est continue, on en déduit v = Au ∈ Im(A) donc Im(A) est fermée. Soit
v ∈ Im(A)⊥ = {v ∈ V | (u, v) = 0, ∀u ∈ Im(A)}. Alors on a 0 = (Av, v)V ≥ m ||v||V
donc v = 0, d’où Im(A)⊥ = {0}. On en déduit

Im(A) = Im(A) = (Im(A)⊥ )⊥ = {0}⊥ = V,

d’où A est surjective.


Lorsque la forme bilinéaire a(·, ·) est de plus symétrique, i.e. a(u, v) = a(v, u), il existe
une autre formulation du théorème de Lax-Milgram comme minimisation d’une énergie.

Proposition 8.1.3. On se place sous les hypothèses du théorème 8.1.2 de Lax-Milgram.


On note J(v) l’énergie définie pour v ∈ V par
1
J(v) := a(v, v) − hL, vi . (8.1.2)
2
Si a(·, ·) est symétrique, alors l’unique solution u ∈ V de la formulation variation-
nelle (8.1.1) vérifie
J(u) = min J(v). (8.1.3)
v∈V

Réciproquement, si u réalise le minimum de J sur V (i.e. u vérifie (8.1.3)), alors u est


l’unique solution de (8.1.1).

Remarque 8.1.4. On dit que la formulation variationnelle (8.1.1) est l’équation d’Eu-
ler associée au problème de minimisation (8.1.3).

Démonstration. Si u ∈ V est la solution de la formulation variationnelle (8.1.1), puisque a(·, ·)


est symétrique, on a pour tout v ∈ V
1
J(u + v) = a(u + v, u + v) − hL, u + vi
2
1
= (a(u, u) + 2 a(u, v) + a(v, v)) − hL, ui − hL, vi
2
1
= J(u) + a(v, v) ≥ J(u).
2
8.2 Problème de Dirichlet 77

Donc pour tout v ∈ V , J(v) ≥ J(u) d’où u vérifie (8.1.3).


Réciproquement, si u ∈ V vérifie (8.1.3). Soit v ∈ V fixé, on définie j : R → R par
j(t) := J(u + t v). Alors j(t) ≥ j(0) pour tout t ∈ R et on a

t2
j(t) = a(u, v) + t(a(u, v) − hL, vi) + J(u).
2
On en déduit que j est dérivable et, comme 0 est le minimum de j, j 0 (0) = 0. Alors
on obtient a(u, v) − hL, vi = j 0 (0) = 0 donc u est solution de la formulation variation-
nelle (8.1.1).

8.2 Problème de Dirichlet


Soit Ω un ouvert borné de Rd . Dans un premier temps, on considère le problème de
Dirichlet homogène (
−∆u = f dans Ω,
(8.2.1)
u = 0 sur ∂Ω,
où f ∈ L2 (Ω). On a vu à la fin du chapitre 3 qu’une formulation variationnelle du problème
de Dirichlet est : trouver u ∈ H 1 (Ω) avec u = 0 sur ∂Ω telle que pour toute v ∈ H 1 (Ω)
avec v = 0 sur ∂Ω on a Z Z
∇u · ∇v dx = f v dx.
Ω Ω

On suppose que Ω est régulier de classe C . Alors, H01 (Ω) = {u ∈ H 1 (Ω) | u = 0 sur ∂Ω}.
1

On obtient ainsi la formulation variationnelle suivante pour le problème de Dirichlet ho-


mogène 
 Trouver u ∈ H01 (Ω) telle que
(8.2.2)
Z Z
1
 ∀ v ∈ H0 (Ω), ∇u · ∇v dx = f v dx.
Ω Ω

Proposition 8.2.1. Soient Ω un ouvert borné régulier de classe C 1 de Rd et f ∈ C(Ω).


Si u ∈ C 2 (Ω) est solution classique de (8.2.1) alors u est solution de (8.2.2). Réciproque-
ment, si u est solution de (8.2.2) et u ∈ C 2 (Ω) alors u est solution classique de (8.2.1).
Remarque 8.2.2.
1. La Proposition 8.2.1 montre que la formulation variationnelle (8.2.2) définit bien
une notion de solution faible de l’équation (8.2.1).
2. On peut montrer le résultat plus précis suivant (voir [1]) : si f ∈ L2 (Ω) et u est
solution de la formulation variationnelle (8.2.2) alors u est solution de (8.2.1) au sens
où −∆u = f p.p. dans Ω et u = 0 p.p. sur ∂Ω (en particulier, la distributions ∆u
est dans L2 (Ω)).
Démonstration. Par “construction” de la formulation variationnelle, il est clair que si u
est solution classique de (8.2.1) alors u est solution de la formulation variationnelle (8.2.2).
Réciproquement, soit u ∈ C 2 (Ω) ∩ H01 (Ω) telle que
Z Z
∀ v ∈ H01 (Ω), ∇u · ∇v dx = f v dx.
Ω Ω
78 Chapitre 8 : Analyse variationnelle des problèmes elliptiques

Soit v ∈ Cc1 (Ω) ⊂ H01 (Ω). Par application de la formule de Green, on obtient
Z Z
∂u
(∆u + f ) v dx = v dσx = 0.
Ω ∂Ω ∂ν

D’après le Lemme 6.4.3, on en déduit ∆u(x) + f (x) = 0 pour tout x ∈ Ω. De plus,


comme u ∈ H01 (Ω), u = 0 sur ∂Ω

On pose : Z
∀ u, v ∈ H01 (Ω), a(u, v) := ∇u · ∇v dx, (8.2.3)

et Z
∀ v ∈ H01 (Ω), hL, vi := f v dx. (8.2.4)

Proposition 8.2.3. Soit Ω est un ouvert borné régulier de classe C 1 .


1. La forme bilinéaire a(·, ·) définie sur H01 (Ω) par (8.2.3) est coercive et continue.
2. La forme linéaire L définie sur H01 (Ω) par (8.2.4) est continue (i.e. L ∈ H −1 (Ω)).

Démonstration.
1. D’après l’inégalité de Cauchy-Schwarz et le Corollaire 7.2.6, on a

|a(u, v)| ≤ ||∇u||L2 (Ω)d ||∇v||L2 (Ω)d = ||u||H01 (Ω) ||v||H01 (Ω) , ∀ u, v ∈ H01 (Ω),

donc a(·, ·) est continue sur H01 (Ω). De plus, on a


Z
a(u, u) = |∇u|2 dx = ||u||2H01 (Ω) , ∀ u ∈ H01 (Ω),

donc a(·, ·) est coercive sur H01 (Ω).


2. En appliquant l’inégalité de Cauchy-Schwarz puis l’inégalité de Poincaré, on obtient
qu’il existe une constante c > 0 telle que
Z
∀ v ∈ H01 (Ω),

| hL, vi | =
fv dx ≤ ||f ||L2 (Ω) ||v||L2 (Ω) ≤ c ||f ||L2 (Ω) ||v||H01 (Ω) ,

donc L est continue sur H01 (Ω).

De la Proposition 8.2.3, du théorème de Lax-Milgram 8.1.2 et de la Proposition 8.1.3,


on déduit le résultat suivant :

Corollaire 8.2.4. Soit Ω est un ouvert borné régulier de classe C 1 . Alors, la formulation
variationnelle (8.2.2) admet une unique solution u ∈ H01 (Ω). De plus, u réalise le minimum
dans H01 (Ω) de l’énergie J définie par

1Z Z
J(v) := ∇v · ∇v dx − f v dx. (8.2.5)
2 Ω Ω
8.2 Problème de Dirichlet 79

Remarque 8.2.5. On rappelle que le second membre f considéré est, par hypothèse,
dans L2 (Ω). Néanmoins, le Corollaire 8.2.4 est encore vrai en supposant seulement f ∈ H −1 (Ω)
puisque, par définition, f est alors une forme linéaire continue sur H01 (Ω). Par contre, dans
ce cas, la formulation variationnelle (8.2.2) s’écrit

 Trouver u ∈ H01 (Ω) telle que
(8.2.6)
Z
 ∀ v ∈ H01 (Ω), ∇u · ∇v dx = hf, viH −1 ,H 1 .
Ω 0

Corollaire 8.2.6. L’application linéaire qui à f ∈ H −1 (Ω) fait correspondre l’unique


solution u ∈ H01 (Ω) de la formulation variationnelle (8.2.6) est continue. En particulier,
on a l’inégalité
∀ f ∈ H −1 (Ω), ||u||H01 (Ω) ≤ ||f ||H −1 (Ω) . (8.2.7)
Démonstration. On note T l’opérateur qui à f ∈ H −1 (Ω) fait correspondre l’unique so-
lution u ∈ H01 (Ω) de la formulation variationnelle (8.2.6). Alors, en prenant u comme
fonction test dans (8.2.6), on obtient
Z
||T f ||2H01 (Ω) = ||u||2H01 (Ω) = ∇u · ∇u dx = hf, uiH −1 ,H 1 ≤ ||f ||H −1 (Ω) ||u||H01 (Ω) ,
Ω 0

ce qui entraîne l’inégalité (8.2.7) et la continuité de T .


Remarque 8.2.7.
1. On a vu dans la démonstration précédente que l’inégalité (8.2.7) s’obtient en pre-
nant u comme fonction test dans la formulation variationnelle (8.2.6). Une inégalité
obtenue suivant cette méthode es appelée estimation à priori ou encore esti-
mation d’énergie. Ce type d’inégalités est fréquemment utilisé dans l’analyse des
e.d.p..
2. D’apres les Corollaires 8.2.4 et 8.2.6, on en déduit que le problème variationnel (8.2.6)
est bien posé au sens d’Hadamard.
On a vu dans le chapitre 3 que le problème de Dirichlet vérifie un principe du maximum
s’il admet une solution u régulière. Ci-dessous on montre que cela est encore le cas pour
une solution faible.
Théorème 8.2.8 (Principe du maximum). Soient Ω un ouvert borné régulier de classe C 1 ,
f ∈ L2 (Ω) et u ∈ H01 (Ω) la solution de (8.2.1). Si f ≥ 0 p.p. dans Ω, alors u ≥ 0 p.p.
dans Ω.
Démonstration. On admet le résultat suivant (voir par exemple [1] ou [5]).
Lemme 8.2.9. Si v ∈ H01 (Ω) alors v − := min(v, 0) ∈ H01 (Ω) et ∇v − = χv<0 ∇v p.p.
dans Ω, où χv<0 désigne la fonction caractéristique de {x ∈ Ω | v(x) < 0}.
On prend v = u− comme fonction test dans la formulation variationnelle (8.2.2). On
obtient
Z Z Z Z
f u− dx = ∇u · ∇u− dx = χu<0 |∇u|2 dx = |∇u− |2 dx ≥ 0.
Ω Ω Ω Ω

Or u− ≤ 0 et f ≥ 0 p.p. dans Ω, donc le membre de gauche de l’égalité précédente est


négatif ou nul. On en déduit ||u− ||H01 (Ω) = 0 donc u− = 0 p.p. dans Ω car u− ∈ H01 (Ω)
et || · ||H01 (Ω) est une norme sur H01 (Ω). Par définition de u− on obtient le résultat.
80 Chapitre 8 : Analyse variationnelle des problèmes elliptiques

Une propriété remarquable et très importante des équations elliptiques est que si les
données (terme source et terme de bord) sont suffisamment régulières alors la solution
faible gagne elle-même en régularité, c’est ce qu’on appelle la régularité elliptique.
Théorème 8.2.10 (Régularité elliptique). Soit m ∈ N∗ , Ω un ouvert borné de Rd de
classe C m+2 et f ∈ H m (Ω). Alors, l’unique solution u ∈ H01 (Ω) de (8.2.1) appartient
à H m+2 (Ω). De plus, l’application qui à f associe u est linéaire continue de H m (Ω)
dans H m+2 (Ω).
Remarque 8.2.11.
1. On admet ici ce résultat dont la démonstration dépasse de loin le cadre de ce cours.
Celle-ci se fait en trois étapes en considérant tout d’abord le cas Ω = Rd puis
le cas Ω = Rd+ et enfin le cas Ω de classe C m+2 pour lequel on applique les deux
précédentes étapes via des cartes locales. La méthode employée est due à Niremberg,
on renvoie à [1] et [5] pour plus de détails.
2. En dimension 1, le résultat est évident. En effet, le problème s’écrit alors −u00 = f
dans ]0, 1[ (par exemple), u(0) = u(1) = 0. Si f ∈ H 1 (Ω), la solution u ∈ H01 (0, 1)
vérifie u00 = −f ∈ H 1 (Ω) donc u ∈ H 3 (0, 1). En dimension supérieure, le même
raisonnement permet seulement d’obtenir ∆u ∈ L2 (Ω) ce qui n’entraîne pas à
priori u ∈ H 3 (Ω).
On rappelle que, d’après le Théorème 7.1.5, H m (Ω) est un sous-espace de C(Ω) dès
que m > d2 . En corollaire de ce résultat et de la régularité elliptique on obtient
Corollaire 8.2.12. Soient m ∈ N∗ , Ω un ouvert borné de Rd de classe C m+2 et f ∈ H m (Ω).
Si m > d2 , la solution faible u ∈ H01 (Ω) de (8.2.1) est solution forte de (8.2.1) car
u ∈ C 2 (Ω). En particulier, si Ω est de classe C ∞ et f ∈ C ∞ (Ω) alors u ∈ C ∞ (Ω).
Considérons maintenant le problème de Dirichlet non-homogène (où Ω est un ouvert
borné régulier de classe C 1 )
(
−∆u = f dans Ω,
(8.2.8)
u = g sur ∂Ω,

où f ∈ H −1 (Ω). Pour qu’il existe une solution u ∈ H 1 (Ω) au problème (8.2.8), il faut que
la donnée au bord g soit la trace sur ∂Ω d’une fonction de H 1 (Ω) d’après le théorème
1
de trace (7.3.3), i.e. g = γ0 h où h ∈ H 1 (Ω). Autrement dit g ∈ H 2 (∂Ω). On dit que
l’application h est un relèvement de la condition aux limites.
Pour obtenir une formulation variationnelle de (8.2.8) et en déduire, notamment, un
résultat d’existence et d’unicité on pose ũ := u − h. De sorte que la solution de (8.2.8)
(au sens des distributions) est donnée par u = ũ + h. On obtient alors que ũ vérifie le
problème de Dirichlet homogène

−∆ũ = f˜ dans Ω,
(
(8.2.9)
ũ = 0 sur ∂Ω,

où f˜ := f + ∆h. Or h ∈ H 1 (Ω) donc ses dérivées sont des éléments de L2 (Ω), on en déduit
que ∆h s’écrit comme une somme de dérivées (au sens des distributions) de fonctions
8.3 Équation de Laplace avec conditions aux limites de Neumann 81

de L2 (Ω). D’après la caractérisation (7.5.1), on a alors ∆h ∈ H −1 (Ω). Donc f˜ ∈ H −1 (Ω),


et, d’après le Corollaire 8.2.4, ũ ∈ H01 (Ω) est l’unique solution du problème variationnel

Trouver ũ ∈ H01 (Ω)



 telle que
(8.2.10)
Z D E
 ∀ v ∈ H01 (Ω), ∇ũ · ∇v dx = f˜, v .
Ω H −1 ,H01

Autrement dit, on a montré le résultat suivant :

Théorème 8.2.13. Soient Ω un ouvert borné régulier de classe C 1 de Rd , f ∈ H −1 (Ω)


1
et g ∈ H 2 (∂Ω). Alors, il existe une unique solution faible u ∈ H 1 (Ω) au problème (8.2.8)
(i.e. solution au sens des distributions). De plus, u = ũ+h où h ∈ H 1 (Ω) est un relèvement
de g et ũ est l’unique solution de la formulation variationnelle (8.2.10).

Remarque 8.2.14.
1. Le relèvement h n’est pas unique. En effet, si on note h1 et h2 les solutions de (8.2.8)
pour deux termes sources différents f1 et f2 alors h1 et h2 sont tout deux des
relèvements de g.
2. L’unicité de la solution faible u ∈ H 1 (Ω) du problème (8.2.8) n’est pas immédiate
puisque le choix du relèvement h n’est pas unique. Celle-ci a tout de même bien
lieu car le choix de h conditionne le choix de ũ. Pour montrer l’unicité, il suffit de
choisir deux solutions faibles u1 et u2 de (8.2.8). On obtient alors que u1 − u2 est
solution faible de (8.2.1) avec f = 0. Or l’unique solution de ce problème est u = 0
donc u1 = u2 p.p. dans Ω.

8.3 Équation de Laplace avec conditions aux limites


de Neumann
Dans un premier temps, on considère le problème suivant :

−∆u + u = f dans Ω,



∂u (8.3.1)

 = g sur ∂Ω,
∂ν
où Ω est un ouvert borné régulier de classe C 1 , f ∈ L2 (Ω) et g ∈ L2 (∂Ω).

Remarque 8.3.1. D’après le théorème de trace 7.3.9, il serait naturel de considérer


g ∈ L2 (∂Ω) telle que g = γ1 h, où h ∈ H 2 (Ω). En fait, on va justifier ci-dessous qu’il suffit
d’avoir g ∈ L2 (∂Ω) pour obtenir une formulation variationnelle de (8.3.1).

On reprend la méthode employée dans le cas du problème de Dirichlet qui consiste


à considérer qu’il existe une solution u ∈ C 2 (Ω) de (8.3.1). Soit ϕ ∈ C 1 (Ω). En multi-
pliant (8.3.1) par ϕ et on intégrant par parties, on obtient
Z Z
∂u Z Z
∇u · ∇ϕ dx − ϕ dσx + u ϕ dx = f ϕ dx,
Ω ∂Ω ∂ν Ω Ω
82 Chapitre 8 : Analyse variationnelle des problèmes elliptiques

d’où Z Z Z Z
∇u · ∇ϕ dx + u ϕ dx = f ϕ dx + g ϕ dσx .
Ω Ω Ω ∂Ω
On en déduit la formulation variationnelle suivante :

 Trouver u ∈ H 1 (Ω) telle que
(8.3.2)
Z Z Z
 ∀ v ∈ H 1 (Ω), ∇u · ∇v + u v dx = f v dx + g v dσx .
Ω Ω ∂Ω

Remarque 8.3.2.
1. Dans l’intégrale de bord, v est la trace γ0 v sur ∂Ω (qui est bien définie car v ∈ H 1 (Ω)).
De plus, cette intégrale a bien un sens pour g ∈ L2 (∂Ω) sans nécessairement que g
soit la trace γ1 d’une fonction de H 2 (Ω).
2. La formulation variationnelle (8.3.2) ne fait pas intervenir la dérivée normale de u.
C’est ce qui justifie de chercher u seulement dans H 1 (Ω) et non dans H 2 (Ω). La
grande différence (au sens variationnel) entre condition de Dirichlet et condition de
Neumann réside dans le fait que la condition de Dirichlet est contenue dans l’espace
des fonctions test considérées alors que la condition de Neumann est contenue dans
la formulation variationnelle. On dit que la condition de Dirichlet est essentielle (ou
explicite) alors que la condition de Neumann est dite naturelle (ou implicite).
Comme dans le cas du problème de Dirichlet, il faut s’assurer qu’une solution de la
formulation variationnelle (8.3.2) définie bien une solution faible de l’équation (8.3.1).
Proposition 8.3.3. Soient Ω un ouvert borné régulier de classe C 1 de Rd , f ∈ C(Ω) et
g ∈ C(∂Ω). Si u ∈ C 2 (Ω) est solution classique de (8.3.1), alors u est solution de (8.3.2).
Réciproquement, si u est solution de (8.3.2) et u ∈ C 2 (Ω) alors u est solution classique
de (8.3.1).
Démonstration. Il suffit de montrer la réciproque. Soit u ∈ C 2 (Ω) solution de (8.3.2). On
prend v ∈ C 1 (Ω) comme fonction test. Par intégration par parties, on obtient
!
Z Z
∂u
(−∆u + u − f )v dx = g− v dσx .
Ω ∂Ω ∂ν
Z
En particulier, on a pour toute v ∈ Cc1 (Ω), (−∆u + u − f )v dx = 0. Alors, d’après

le Lemme 6.4.3, −∆u + u − f = 0 dans Ω. On en déduit
!
1
Z
∂u
∀ v ∈ C (Ω), g− v dσx = 0.
∂Ω ∂ν
∂u
De même qu’avec le Lemme 6.4.3, on en déduit g − ∂ν
= 0.
Théorème 8.3.4. Soient Ω un ouvert borné régulier de classe C 1 , f ∈ L2 (Ω) et g ∈ L2 (∂Ω).
Alors, la formulation variationnelle (8.3.2) admet une unique solution u ∈ H 1 (Ω). De
plus, u réalise le minimum dans H 1 (Ω) de l’énergie J définie par
1Z 2 2
Z Z
J(v) := |∇v| + |v| dx − f v dx − g v dσx . (8.3.3)
2 Ω Ω ∂Ω
8.3 Équation de Laplace avec conditions aux limites de Neumann 83

Démonstration. Il suffit d’appliquer le théorème de Lax-Milgram. Pour cela on définit


l’application bilinéaire a(·, ·) sur H 1 (Ω) par
Z
a(u, v) := ∇u · ∇v + u v dx,

et la forme linéaire L sur H 1 (Ω) par


Z Z
hL, vi := f v dx + g v dσx .
Ω ∂Ω

Alors a(u, u) = ||u||2H 1 (Ω) donc a(·, ·) est bien coercive. Par l’inégalité de Cauchy-Schwarz,
on a

|a(u, v)| ≤ ||∇u||L2 (Ω) ||∇v||L2 (Ω) + ||u||L2 (Ω) ||v||L2 (Ω) ≤ 2||u||H 1 (Ω) ||v||H 1 (Ω) ,

donc a(·, ·) est continue. Pour v ∈ H 1 (Ω), d’après l’inégalité de Cauchy-Schwarz et le


théorème de trace 7.3.3, on obtient qu’il existe une constante c > 0 indépendante de v
telle que
| hL, vi | ≤ ||f ||L2 (Ω) ||v||L2 (Ω) + ||g||L2 (∂Ω) ||v||L2 (∂Ω)
≤ ||f ||L2 (Ω) ||v||H 1 (Ω) + c ||g||L2 (∂Ω) ||v||H 1 (Ω) ,
donc L est continue sur H 1 (Ω).
On considère maintenant l’équation de Laplace avec la condition aux limites de Neu-
mann
 −∆u = f dans Ω,


∂u (8.3.4)

 = g sur ∂Ω,
∂ν
où Ω est un ouvert borné régulier de classe C 1 , f ∈ L2 (Ω) et g ∈ L2 (∂Ω). La difficulté
supplémentaire par rapport au problème (8.3.1) vient du fait que l’équivalent de la forme
bilinéaire a(·, ·) ne contiendra plus de terme en u et donc celle-ci n’est plus coercive
sur H 1 (Ω).
Il faut remarquer que le problème (8.3.4) est, pour l’instant, mal posé. Il est nécessaire
d’ajouter une condition dite de compatibilité reliant f et g. En effet, supposons que u est
une solution régulière de (8.3.4), alors on obtient
Z Z Z
∂u Z
f dx = − ∆u dx = − dσx = − g dσx .
Ω Ω ∂Ω ∂ν ∂Ω

Il faut donc ajouter la condition de compatibilité


Z Z
f dx + g dσx = 0. (8.3.5)
Ω ∂Ω

De plus, le problème (8.3.4) ne fait intervenir que les dérivées de u et donc la solution
est définie, si l’ouvert Ω est supposé connexe, à une constante additive près (i.e. si u est
solution alors u + c est solution pour toute constante c). Pour avoir unicité de la solution,
on peut, par exemple, fixer la moyenne de u sur Ω :
Z
u dx = 0. (8.3.6)

84 Chapitre 8 : Analyse variationnelle des problèmes elliptiques

L’espace fonctionnel naturel à considérer est alors


 Z 
V (Ω) := v ∈ H 1 (Ω) | v dx = 0 , (8.3.7)

qui est un espace de Hilbert pour le norme de H 1 (car fermé). Par les mêmes arguments
que pour le problème précédent, on aboutit à la formulation variationnelle

 Trouver u ∈ V (Ω) telle que
(8.3.8)
Z Z Z
 ∀ v ∈ V (Ω), ∇u · ∇v dx = f v dx + g v dσx .
Ω Ω ∂Ω

Par le même raisonnement que précédemment on obtient le résultat suivant


Proposition 8.3.5. Soient Ω un ouvert borné connexe régulier de classe C 1 de Rd ,
f ∈ C(Ω) et g ∈ C(∂Ω) tels que la relation de compatibilité (8.3.5) est vérifiée. Si u ∈ C 2 (Ω)
est solution classique de (8.3.4) alors u est solution de (8.3.8). Réciproquement, si u est
solution de (8.3.8) et u ∈ C 2 (Ω) alors u est solution classique de (8.3.4).
Théorème 8.3.6. Soient Ω un ouvert borné connexe régulier de classe C 1 de Rd , f ∈ L2 (Ω)
et g ∈ L2 (∂Ω) tels que la relation de compatibilité (8.3.5) est vérifiée. Alors, il existe une
unique solution u ∈ V (Ω) de (8.3.8). De plus, u réalise le minimum dans V (Ω) de l’éner-
gie J définie par
1Z Z Z
J(v) := ∇v · ∇v dx − f v dx − g v dσx .
2 Ω Ω ∂Ω

Remarque 8.3.7. Comme dans le cas du problème de Dirichlet, on a des résultats de


régularité elliptique (voir [5]).
Exercice 8.3.8. Montrer le Théorème 8.3.6 en utilisant l’inégalité de Poincaré-Wirtinger
(Proposition 7.4.4).

8.4 Problèmes elliptiques sous forme divergence


Les problèmes elliptiques sous forme divergence sont une généralisation de l’équation
de Laplace. Par exemple, l’équation de Laplace permet de modéliser le problème station-
naire de diffusion de la chaleur dans un matériau homogène isotrope. Dès lors qu’on ne
suppose plus le matériau isotrope ou homogène le problème ne peut plus s’écrire sous
forme d’un Laplacien.
Dans le cas d’un matériau anisotrope (autrement dit la chaleur se diffuse suivant des
directions privilégiées) et homogène le problème s’écrit

−div(A∇u) = f,

où A ∈ Rd×d . Par exemple, en dimension 2, si on suppose que la chaleur se diffuse deux


fois plus vite dans la direction x2 par rapport à la direction x1 alors A est de la forme
!
1 0
A=α ,
0 2
8.4 Problèmes elliptiques sous forme divergence 85

où α est le conductivité dans la direction x1 . Si le matériau n’est plus homogène alors


A = A(x), autrement dit la conductivité dépend du point x considéré. Alors la forme
générale d’un problème elliptique (avec condition de Dirichlet homogène) sous forme di-
vergente est la suivante 
 −div(A∇u) = f dans Ω,
(8.4.1)
 u = 0 sur ∂Ω,
où Ω est un ouvert borné de Rd , f ∈ H −1 (Ω) et A : Ω → Rd×d .
Pour avoir existence et unicité d’une solution faible de (8.4.1), on suppose que la
fonction A vérifie :
1. A est coercive, i.e. il existe α > 0 telle que pour tout ξ ∈ Rd ,

A(x)ξ · ξ ≥ α|ξ|2 p.p. dans Ω, (8.4.2)

2. A est bornée, i.e. il existe β > 0 telle que pour tout ξ ∈ Rd ,

|A(x)ξ| ≤ β|ξ| p.p. dans Ω. (8.4.3)

Par application du théorème de Lax-Milgram, on a


Théorème 8.4.1. Soient Ω un ouvert borné de Rd de classe C 1 , f ∈ L2 (Ω) et A : Ω →
Rd×d coercive et bornée. Alors, il existe une unique solution faible u ∈ H01 (Ω) de (8.4.1),
i.e. une solution de la formulation variationnelle

 Trouver u ∈ H01 (Ω) telle que
(8.4.4)
Z Z
 ∀ v ∈ H01 (Ω), A∇u · ∇v dx = f v dx.
Ω Ω

Exercice 8.4.2. Montrer le Théorème 8.4.1.


Un cas particulier intéressant est celui où A s’écrit A(x) = α(x) Id avec α(x) prenant
deux valeurs distinctes. On considère Ω1 et Ω2 deux sous-domaines de Ω (i.e Ω1 et Ω2
sont deux ouverts bornés et connexe) formant une partition de Ω, donc Ω = Ω1 ∪ Ω2 . On
suppose que α est constante dans Ω1 et Ω2 prenant deux valeurs différentes :
(
a dans Ω1 ,
α(x) = (8.4.5)
b dans Ω2 ,

où a, b > 0. Dans ce cas, le problème (8.4.1) s’écrit



 −div(α(x)∇u) = f dans Ω,
(8.4.6)
 u = 0 sur ∂Ω,

où on a écrit α(x) au lieu de α pour préciser la dépendance en la variable d’espace. Le


problème (8.4.6) modélise, par exemple, la répartition de la chaleur pour un milieu Ω
composé de deux matériaux homogènes et isotropes Ω1 et Ω2 de conductivité a et b. Si α
était constant le problème se réduirait simplement au problème de Dirichlet classique, le
fait que α prenne des valeurs différentes dans Ω1 et Ω2 entraîne le résultat suivant :
86 Chapitre 8 : Analyse variationnelle des problèmes elliptiques

Ω2

Ω1

Figure 8.1 – Décomposition de Ω en Ω1 et Ω2

Proposition 8.4.3. Soient Ω un ouvert borné connexe de Rd de classe C 1 et f ∈ L2 (Ω).


Soient Ω2 un ouvert borné connexe régulier de classe C 1 de Ω, Ω1 := Ω \ Ω2 et Γ := ∂Ω2 .
Soit α donnée par (8.4.5). Alors, le problème (8.4.6) est équivalent au problème de
transmission 



−a∆u1 = f dans Ω1 ,


−b∆u2 = f dans Ω2 ,






u1 = u2 sur Γ, (8.4.7)


a∇u1 · ν = b∇u2 · ν sur Γ,







u1 = 0 sur ∂Ω,

où ui est la restriction de la solution u à Ωi . Les conditions sur Γ sont appelées conditions


aux limites de transmission à l’interface Γ.

Remarque 8.4.4.
1. En pratique, en modélisation, on obtient plutôt le problème (8.4.7). Le point im-
portant de la Proposition 8.4.3 est l’équivalence entre celui-ci et le problème (8.4.6)
qui est plus simple à traiter et dont on a montré (Théorème 8.4.1) qu’il admet une
solution faible unique.
2. On peut aussi considérer des conditions aux limites d’un autre type sur ∂Ω (Dirichlet
non-homogène, Neumann, mixte. . . etc).
3. Les résultats de régularité elliptique sont encore vrais pour les problèmes elliptiques
sous forme divergente (voir [8]) en supposant une certaine régularité de la fonction A.

Exercice 8.4.5. Montrer la Proposition 8.4.3.


87

Chapitre 9

Approximation variationnelle

Dans ce (court) chapitre, on décrit la méthode générale d’approximation d’une formu-


lation variationnelle définie dans un espace de Hilbert qui servira de base pour l’élabora-
tion de la méthode des éléments finis.

9.1 Approximation interne et système matriciel équi-


valent
Soit V un espace de Hilbert réel muni du produit scalaire (·, ·)V et de la norme as-
sociée || · ||V . Soient a(·, ·) une forme bilinéaire continue et coercive sur V et f ∈ V . On
considère la formulation variationnelle générale
(
Trouver u ∈ V tel que :
(9.1.1)
∀ v ∈ V, a(u, v) = (f, v)V .

L’existence et l’unicité de la solution u ∈ V de (9.1.1) est assurée par le théorème de


Lax-Milgram. Dans cette section, on cherche à déterminer une suite (uh )h de V telle
que ||u − uh ||V tend vers 0 quand h tend vers 0.
L’approximation interne consiste à considérer une suite Vh de sous-espaces fermés
de V de dimension finie (qui sont des espaces de Hilbert car fermés dans V ). On s’intéresse
alors aux problèmes approchés :
(
Trouver uh ∈ Vh tel que :
(9.1.2)
∀ vh ∈ Vh , a(uh , vh ) = (f, vh )V .

La forme bilinéaire a(·, ·) étant encore coercive et continue sur les sous-espaces Vh , par
le théorème de Lax-Milgram, on a existence et unicité de la solution uh ∈ Vh de (9.1.2).
Soit {φ1 , . . . , φN } une base de Vh . Alors, il existe uh1 , . . . , uhN ∈ R tels que la solution
uh ∈ Vh de (9.1.2) s’écrit
N
uhj φj .
X
uh =
j=1

Pour que l’égalité a(uh , vh ) = (f, vh )V ait lieu pour tout vh ∈ Vh , il faut et il suffit qu’elle
ait lieu pour tous les vecteurs de base φ1 , . . . , φN . En utilisant la bilinéarité de a(·, ·), le
88 Chapitre 9 : Approximation variationnelle

problème (9.1.2) s’écrit alors

Trouver uh1 , . . . , uhN ∈ R tels que :






N
uhj a(φj , φi ) = (f, φi )V .
X



∀ i = 1, . . . , N,
j=1

En posant Uh := (uh1 , . . . , uhN )T ∈ RN , on obtient que le problème (9.1.2) est équivalent


au problème matriciel Kh Uh = bh , où Kh ∈ RN ×N et bh ∈ RN sont définis par

Kh := (a(φj , φi ))1≤i,j≤N et bh := ((f, φi )V )1≤i≤N . (9.1.3)

Notation 9.1.1. Pour la suite, on note m et M les constantes de coercivité et de conti-


nuité de a(·, ·), i.e.
∀ u ∈ V, a(u, u) ≥ m ||u||2V , (9.1.4)
et
∀ u, v ∈ V, |a(u, v)| ≤ M ||u||V ||v||V . (9.1.5)

Proposition 9.1.2. On suppose de plus que a(·, ·) est symétrique. Alors, la matrice Kh
définie par (9.1.3) est définie positive. En particulier, Kh est inversible et donc le système
Kh Uh = bh admet une solution unique Uh ∈ RN .

Démonstration. Par définition de Kh , il est clair que si a(·, ·) est symétrique alors Kh
aussi. Soit ξ ∈ RN \ {0}, ξ := (ξ1 , . . . , ξN )T . On pose ξ˜: = ξ1 φ1 + · · · + ξN φN ∈ Vh .
Puisque a(·, ·) est bilinéaire et coercive, on a
N N
˜ ξ)
˜ ≥ m ||ξ||
˜ 2 > 0,
X X
Kh ξ · ξ = a(φi , φj )ξi ξj = a(ξi φi , ξj φj ) = a(ξ, V
i,j=1 i,j=1

donc Kh est définie positive.

9.2 Convergence de la méthode


Il reste à montrer que la solution uh ∈ Vh de (9.1.2) est bien une approximation de u.
Pour cela, on utilise le résultat suivant :

Lemme 9.2.1 (Lemme de Céa). Soit u ∈ V la solution de (9.1.1) et uh ∈ Vh la solution


de (9.1.2), alors on a
M
||u − uh ||V ≤ inf ||u − vh ||V ,
m vh ∈Vh
où m et M sont données par (9.1.4) et (9.1.5).

Démonstration. Si wh ∈ Vh , en prenant wh comme fonction test dans (9.1.1) et (9.1.2),


on obtient
a(u, wh ) = (f, wh )V = a(uh , wh ),
9.2 Convergence de la méthode 89

d’où, par bilinéarité de a(·, ·), a(u − uh , wh ) = 0. Soit vh ∈ Vh , alors wh := vh − uh ∈ Vh


donc a(u − uh , vh − uh ) = 0. On en déduit
m ||u − uh ||2V ≤ a(u − uh , u − uh ) = a(u − uh , u − vh ) + a(u − uh , vh − uh )
= a(u − uh , u − vh ) ≤ M ||u − uh ||V ||u − vh ||V ,
donc on a
M
∀ vh ∈ Vh , ||u − uh ||V ≤ ||u − vh ||V ,
m
ce qui donne le résultat.
Théorème 9.2.2 (Théorème de convergence). On suppose qu’il existe un sous-espace V
de V dense dans V tel qu’il existe une application linéaire rh de V dans Vh vérifiant
∀ v ∈ V, lim ||v − rh v||V = 0. (9.2.1)
h→0

L’application rh est appelée opérateur d’interpolation de V sur Vh . Alors, la solu-


tion uh ∈ Vh de (9.1.2) converge vers la solution u ∈ V de (9.1.1), au sens où on a
lim ||u − uh ||V = 0 (9.2.2)
h→0

Remarque 9.2.3. Le point important du Théorème de convergence est l’existence d’un


opérateur d’interpolation. Celle-ci n’est pas immédiate et suivant le problème considéré,
en particulier suivant les espaces de Hilbert V et Vh considérés, il est nécessaire de montrer
l’existence de cet opérateur. On appellera les résultats de ce type des lemmes d’interpo-
lation. Le théorème de convergence est l’analogue du théorème de Lax pour la méthode
des différences finies. Ici la notion de stabilité correspond à la coercivité de a(·, ·) et la
notion de consistance correspond au lemme d’interpolation.
Démonstration. Soit ε > 0. Puisque V est dense, il existe v ∈ V tel que ||u − v||V ≤ ε. De
plus, l’existence de l’opérateur d’interpolation vérifiant (9.2.1) entraîne qu’il existe h0 > 0
tel que si h ≤ h0 alors ||v − rh v||V ≤ ε. Puisque rh vh ∈ Vh , on a d’après le lemme de Céa :
M M
||u − uh ||V ≤ inf ||u − vh ||V ≤ ||u − rh v||V
m vh ∈Vh m
M M 2M
≤ ||u − v||V + ||v − rh v||V ≤ ε,
m m m
ce qui donne le résultat
En résumé l’approximation variationnelle consiste à construire des sous-espace Vh de V
dont on détermine une base {φ1 , . . . , φN } pour aboutir au système matriciel Kh Uh = bh .
Pour avoir convergence de la méthode et aboutir à un système matriciel simple, il faut
que l’espace Vh vérifie
1. qu’il existe un sous-espace dense V sur lequel est défini un opérateur d’interpola-
tion rh vérifiant (9.2.1),
2. qu’il existe une base {φ1 , . . . , φN } telle que la résolution du système matriciel Kh Uh = bh
soit économique (typiquement que la matrice Kh soit creuse).
La méthode des éléments finis repose sur le choix d’espaces Vh constitués de fonctions
continues localement polynomiales et qui vérifient les deux points précédents.
90 Chapitre 9 : Approximation variationnelle
91

Chapitre 10

Méthode des éléments finis en


dimension 1

Dans ce chapitre, on décrit la méthode des éléments finis en dimension 1 pour le


problème modèle de Dirichlet homogène :
(
−u00 = f dans ]0, 1[,
(10.0.1)
u(0) = u(1) = 0,

où f ∈ L2 (0, 1). La première étape de discrétisation consiste à choisir un maillage de [0, 1] :


soit (xj )j=0,...,N +1 une subdivision de [0, 1] telle que

x0 = 0 < x1 < · · · < xN < xN +1 = 1.


1
Pour simplifier, on suppose le pas d’espace uniforme donné par h := N +1
= xj+1 − xj ,
où j = 1, . . . , N . La formulation variationnelle de (10.0.1) est

Trouver u ∈ H01 (0, 1) telle que :





Z 1 Z 1 (10.0.2)

 ∀ v ∈ H01 (0, 1), u0 v 0 dx = f v dx.
0 0

Notation 10.0.4. On note Pk l’espace des polynômes sur R à coefficients réels de degré
inférieur ou égal à k.

La méthode des éléments finis consiste à définir comme espace d’approximation de H 1 (0, 1) :

Vh := {v ∈ C(0, 1) | v|[xj ,xj+1 ] ∈ Pk , ∀j = 0, . . . , N }.

Suivant le choix de k ∈ N∗ , on parle de méthode des éléments finis Pk .

10.1 Éléments finis P1


On pose
Vh := {v ∈ C(0, 1) | v|[xj ,xj+1 ] ∈ P1 , ∀j = 0, . . . , N }, (10.1.1)
92 Chapitre 10 : Méthode des éléments finis en dimension 1

et
V0h := {v ∈ Vh | v(0) = v(1) = 0}. (10.1.2)
1
L’espace Vh est l’espace d’approximation de H (0, 1) par la méthode des éléments
finis P1 tandis que V0h est l’espace d’approximation de H01 (0, 1). D’après le chapitre précé-
dent, il faut montrer que ces sont des sous-espaces de, respectivement, H 1 (0, 1) et H01 (0, 1),
en déterminer une base et montrer l’existence d’un opérateur d’interpolation défini sur
un sous-espace dense de, respectivement, H 1 (0, 1) et H01 (0, 1), et à valeurs dans, respecti-
vement, Vh et V0h .
On pose (
1 − |x| si |x| ≤ 1,
φ(x) := (10.1.3)
0 sinon.
Puis on définit, pour j = 0, . . . , N + 1, les fonctions φj par
x − xj
 
φj (x) := φ . (10.1.4)
h
Les fonctions φj sont des fonctions “chapeau” (voir Figure 10.1), elles vérifient φj (xi ) = δij
et φj ∈ Vh .

φj

xj−1 xj xj+1

Figure 10.1 – Graphe de la fonction φj

De plus, supp(φj ) =]xj−1 , xj+1 [ et on peut encore écrire φj sur son support par
x − xj−1


 si x ∈ [xj−1 , xj ],
h

φj (x) =
x −x
 j+1

si x ∈ [xj , xj+1 ].

h
Remarque 10.1.1. Une définition équivalente des fonctions φi est que ce sont les seules
fonctions de Vh telles que φi (xj ) = δij , pour tout i, j = 0, . . . , N .
Proposition 10.1.2. L’espace vectoriel Vh défini par (10.1.1) est un sous-espace de H 1 (0, 1)
de dimension N + 2 et la famille {φ0 , . . . , φN +1 } en est une base. En particulier, pour
toute v ∈ Vh , on a
N
X +1
∀ x ∈ [0, 1], v(x) = v(xj )φj (x). (10.1.5)
j=0
10.1 Éléments finis P1 93

De même, l’espace vectoriel V0h défini par (10.1.2) est un sous-espace de H01 (0, 1) de
dimension N et la famille {φ1 , . . . , φN } en est une base. En particulier, pour toute v ∈ V0h ,
on a
N
X
∀ x ∈ [0, 1], v(x) = v(xj )φj (x). (10.1.6)
j=1

Remarque 10.1.3. On obtient en particulier que toute fonction de Vh et V0h est définie
de façon unique par ses valeurs aux noeuds xj .
Démonstration. On montre d’abord que Vh est un sous-espace de H 1 (0, 1). Si v ∈ Vh
alors v ∈ C([0, 1]) ⊂ L2 (0, 1), il suffit donc de montrer que v 0 ∈ L2 (0, 1). Soit ϕ ∈ Cc∞ (0, 1),
on a
Z 1 N Z xj+1
0 0
v|[xj ,xj+1 ] ϕ0 dx
X
< v , ϕ >= − v ϕ dx = −
0 j=0 xj

Or v|[xj ,xj+1 ] ∈ P1 ⊂ C([0, 1]) donc, d’après la formule de Green, on obtient


N Z xj+1 N
< v 0 , ϕ >= 0
X X
v|[x j ,xj+1 ]
ϕ dx − (v(xj )ϕ(xj ) − v(xj+1 )ϕ(xj+1 )).
j=0 xj j=0

D’autre part, on a
N
X N
X N
X
(v(xj )ϕ(xj ) − v(xj+1 )ϕ(xj+1 )) = v(xj )ϕ(xj ) − v(xj+1 )ϕ(xj+1 )
j=0 j=0 j=0
N
X N
X +1
= v(xj )ϕ(xj ) − v(xj+1 )ϕ(xj+1 )
j=0 j=1

= v(x0 )ϕ(x0 ) − v(xN +1 )ϕ(xN +1 ) = 0,


car ϕ(1) = ϕ(0) = 0. On en déduit
N Z xj+1
< v 0 , ϕ >= 0
X
v|[x j ,xj+1 ]
ϕ dx,
j=0 xj

N +1
d’où v 0 = 0
∈ L2 (0, 1).
X
v|[x χ
j ,xj+1 ] [xj ,xj+1 ]
j=0
Il reste à montrer que Vh a pour base {φ0 , . . . , φN +1 } et l’égalité (10.1.5). Soit j ∈ {0, . . . , N + 1},
alors supp(φj )∩ supp(φj+1 ) = [xj , xj+1 ]. De plus, {φj , φj+1 } est une base de P1 sur [xj , xj+1 ].
En effet, P1 est de dimension 2 et si α, β ∈ R vérifient αφj (x) + βφj+1 (x) = 0 pour
x ∈ [xj , xj+1 ], en prenant x = xj on obtient α = 0 et avec x = xj+1 on obtient β = 0.
Soit v ∈ Vh , alors pour tout j = 0, . . . , N +1, v|[xj ,xj+1 ] ∈ P1 . Donc v|[xj ,xj+1 ] = αφj (x) + β φj+1 (x).
En prenant x = xj puis x = xj+1 on obtient v|[xj ,xj+1 ] = v(xj )φj (x) + v(xj+1 ) φj+1 (x).
D’autre part, pour x ∈ [xj , xj+1 ], φi (x) = 0 si i 6= j et j + 1, donc
N
X +1
∀ x ∈ [xj , xj+1 ], v(xi )φi (x) = v(xj )φj (x) + v(xj+1 ) φj+1 (x) = v|[xj ,xj+1 ] ,
i=0

d’où le résultat.
94 Chapitre 10 : Méthode des éléments finis en dimension 1

L’approximation de la formulation variationnelle (10.0.2) est

Trouver uh ∈ V0h telle que :





Z 1 Z 1 (10.1.7)

 ∀ vh ∈ V0h , u0h vh0 dx = f vh dx.
0 0

Alors uh = uh (x1 )φ1 + · · · + uh (xN )φN et (10.1.7) s’écrit






Trouver uh (x1 ), . . . , uh (xN ) ∈ R tels que :

N Z 1 Z 1
φ0i φ0j
X


 ∀ i = 1, . . . , N, uh (xj ) dx = f φi dx.

j=1 0 0

En posant Uh := (uh (x1 ), . . . , uh (xN ))T ∈ RN , on obtient Kh Uh = bh , où Kh ∈ RN ×N


et bh ∈ RN sont donnés par
Z 1  Z 1 
Kh := φ0i φ0j dx et bh := f φi dx. .
0 1≤i,j≤N 0 1≤i≤N

La matrice Kh est appelée matrice de rigidité du système. Puisque supp(φi )∩ supp(φj ) = ∅


si |i − j| > 1, la matrice Kh est creuse. En particulier, on a (Kh )ij = 0 si |i − j| > 1 et
pour |i − j| ≤ 1, on a
Z xi+1 Z xi
1 Z xi+1
1 2
(Kh )ii = φ0i φ0i dx = dx + dx = ,
xi−1 xi−1 h2 xi h2 h
et Z xi+1 Z xi+1 
1 1 1

(Kh )ii+1 = φ0i φ0i+1 dx = dx = − = (Kh )ii−1 . −
xi xi h h h
Autrement dit, Kh est la matrice tridiagonale suivante

2 −1 0 . . . 0
 

 −1 2 −1 . . . 0 

1  .. . . . . . .. 
Kh = 
 . . . ,

h 
.. ... ...

. −1
 
 
0 . . . . . . −1 2

qui est la matrice de discrétisation du Laplacien (au coefficient h−1 près) obtenue par la
méthode des différences finies du schéma à 5 points (cela est dû au choix d’un pas de
maillage uniforme).
Pour calculer le second membre bh , lorsque la fonction f est compliquée, il faut utiliser
une formule de quadrature (appelée aussi intégration numérique) dont on donne quelques
exemples :
– Formule du rectangle
Z b
ψ(x) dx ' (b − a)ψ(a) ' (b − a)ψ(b).
a
10.2 Convergence et estimation d’erreur pour la méthode P1 95

– Formule du point milieu


Z b !
a+b
ψ(x) dx ' (b − a)ψ .
a 2
– Formule du trapèze
Z b
1
ψ(x) dx ' (b − a)(ψ(a) + ψ(b)).
a 2
– Formule de Simpson
Z b " ! #
1 a+b
ψ(x) dx ' (b − a) ψ(a) + ψ + ψ(b) .
a 6 2
Les deux premières formules sont exactes pour les fonctions ψ affines, et la troisième est
exacte pour les polynômes de second degré. Pour les fonctions régulières, ces formules sont
approchées avec un reste d’ordre O(h), O(h2 ) et O(h3 ) respectivement
Remarque 10.1.4. Par hypothèse on sait seulement que f ∈ L2 (0, 1) donc f n’est défini
que presque partout. Mais, dans la pratique, f est une donnée donc connue en tout point,
ce qui justifie l’emploi des formules de quadrature ci-dessus.

10.2 Convergence et estimation d’erreur pour la mé-


thode P1
D’après le Théorème 9.2.2, pour obtenir la convergence de la méthode P1 , il suffit qu’il
existe un sous-espace dense V de H01 (0, 1) sur lequel est défini un opérateur d’interpolation
à valeur dans Vh . En dimension 1, le fait que H 1 (0, 1) est un sous-espace de C(0, 1) permet
de prendre pour V l’espace H01 (0, 1) tout entier.
Définition 10.2.1. L’opérateur d’interpolation P1 est l’application rh définie de H 1 (0, 1)
dans Vh par :
N +1
∀ v ∈ H 1 (0, 1),
X
rh v(x) := v(xj )φj (x).
j=0

où les fonctions φj sont données par (10.1.3)-(10.1.4). En particulier, sur H01 (0, 1) l’opé-
rateur rh vérifie
N
∀ v ∈ H01 (0, 1),
X
rh v(x) = v(xj )φj (x).
j=1

Remarque 10.2.2.
1. D’après la Proposition 10.1.2, il est clair que rh v ∈ Vh et, si v ∈ Vh , alors rh v = v.
2. La définition a un sens car H 1 (0, 1) est un sous-espace de C(0, 1) et donc toute
fonction de H 1 (0, 1) est définie en tout point de ]0, 1[. En dimension supérieure,
les fonctions H 1 ne sont pas nécessairement continues et donc définies seulement
presque partout et la définition précédente n’a plus de sens. Pour définir un opérateur
d’interpolation, il sera nécessaire de considérer un sous-espace V dense dans H 1 et
constitué de fonctions régulières.
96 Chapitre 10 : Méthode des éléments finis en dimension 1

Lemme 10.2.3 (Lemme d’interpolation P1 ).


1. Pour toute v ∈ H 2 (0, 1), il existe une constante c > 0 indépendante de h telle que

||v − rh v||H 1 (0,1) ≤ c h ||v 00 ||L2 (0,1) . (10.2.1)

2. Pour toute v ∈ H 1 (0, 1), on a

lim ||v − rh v||H 1 (0,1) = 0. (10.2.2)


h→0

Démonstration.
1) On montre (10.2.1) pour v ∈ C 2 ([0, 1]), par densité on en déduit (10.2.1) pour v ∈ H 2 (0, 1).
Il faut estimer ||v − rh v||L2 (0,1) et ||v 0 − (rh v)0 ||L2 (0,1) en fonction de h. Soit x ∈ [xj , xj+1 ].
Comme rh v ∈ Vh , on a rh v(x) = αx + β. De plus, rh v(xj ) = v(xj ) et rh v(xj+1 ) = v(xj+1 )
donc
v(xj+1 ) − v(xj )
rh v(x) = v(xj ) + (x − xj ).
h
On obtient
v(xj+1 ) − v(xj )
v(x) − rh v(x) = v(x) − v(xj ) − (x − xj )
h
Z x
0 x − xj Z xj+1 0
= v (t) dt − v (t) dt.
xj h xj

D’après le théorème des accroissements finis, il existe y ∈ [xj , x] et z ∈ [xj , xj+1 ] tels que
Z y
v(x) − rh v(x) = (x − xj )v 0 (y) − (x − xj )v 0 (z) = (x − xj ) v 00 (t) dt.
z

Alors, d’après l’inégalité de Cauchy-Schwarz, on a


Z y 2 Z xj+1 !2
2 2 00 2 00
|v(x) − rh v(x)| ≤h v (t) dt ≤h |v (t)| dt
z xj

Z xj+1 !1/2 Z xj+1 !1/2 2
≤ h2  dt |v 00 (t)|2 dt 
xj xj
Z xj+1
≤ h3 |v 00 (t)|2 dt.
xj

On intègre x sur [xj , xj+1 ]


Z xj+1 Z xj+1
|v(x) − rh v(x)| dx ≤ h 2 4
|v 00 (t)|2 dt.
xj xj

En sommant sur j = 0, . . . , N , on obtient

||v − rh v||L2 (0,1) ≤ h2 ||v 00 ||L2 (0,1) .


10.2 Convergence et estimation d’erreur pour la méthode P1 97

Il reste à obtenir une estimation sur les dérivées. Pour x ∈ [xj , xj+1 ], on a
v(xj+1 ) − v(xj ) 1 Z xj+1 0
v 0 (x) − (rh v)0 (x) = v 0 (x) − = v 0 (x) − v (t) dt
h h xj
1 Z xj+1 0 0 1 Z xj+1 Z x 00
= v (x) − v (t) dt = v (y) dy dt.
h xj h xj t

Par l’inégalité de Cauchy-Schwarz, on obtient donc


!2 !2
0 0 2 1 Z xj+1 Z x 00 1 Z xj+1 Z xj+1 00
|v (x) − (rh v) (x)| ≤ 2 v (y) dy dt ≤ 2 |v (y)| dy dt
h xj t h xj xj
Z xj+1
≤h |v 00 (y)|2 dy.
xj

En intégrant x sur [xj , xj+1 ], on a


Z xj+1 Z xj+1
|v 0 (x) − (rh v)0 (x)|2 dx ≤ h2 |v 00 (y)|2 dy.
xj xj

On en déduit ||v 0 − (rh v)0 ||L2 (0,1) ≤ h ||v 00 ||L2 (0,1) , d’où
||v − rh v||2H 1 (0,1) = ||v − rh v||2L2 (0,1) + ||v 0 − (rh v)0 ||2L2 (0,1)
≤ h4 ||v 00 ||2L2 (0,1) + h2 ||v 00 ||2L2 (0,1) ≤ 2h2 ||v 00 ||2L2 (0,1) ,
pour h < 1, ce qui donne (10.2.1).
2) On montre (10.2.2) pour v ∈ C 1 ([0, 1]). Le raisonnement est le même que pour 1). On
montre tout d’abord que ||v − rh v||L2 (0,1) converge vers 0. Soit x ∈ [xj , xj+1 ], on a
Z x
0 x − xj Z xj+1 0
v(x) − rh v(x) = v (t) dt − v (t) dt,
xj h xj

d’où Z xj+1 Z xj+1 Z xj+1


0 0
|v(x) − rh v(x)| ≤ |v (t)| dt + |v (t)| dt = 2 |v 0 (t)| dt.
xj xj xj

D’après l’inégalité de Cauchy-Schwarz, on obtient


Z xj+1 Z xj+1
|v(x) − rh v(x)|2 dx ≤ 2h2 |v 0 (t)|2 dt,
xj xj

donc ||v − rh v||L2 (0,1) ≤ 2 h ||v 0 ||L2 (0,1) −→ 0.
h→0
Il reste à montrer que ||v 0 − (rh v)0 ||L2 (0,1) −→ 0. Soit ε > 0. Puisque C 2 ([0, 1]) est
h→0
dense dans C 1 ([0, 1]), il existe φ ∈ C 2 ([0, 1]) telle que
||v 0 − φ0 ||L2 (0,1) ≤ ε.
Pour u ∈ C 1 ([0, 1]), on a
Z xj+1 !2
0 1 1 Z xj+1
0
|(rh u) (x)| dx = (u(xj+1 ) − u(xj ))2 =
2
u (t) dt
xj h h xj
Z xj+1
≤ |u0 (t)|2 dt,
xj
98 Chapitre 10 : Méthode des éléments finis en dimension 1

donc ||(rh u)0 ||L2 (0,1) ≤ ||u0 ||L2 (0,1) . Alors, on en déduit

||(rh v)0 − (rh φ)0 ||L2 (0,1) = ||(rh (v − φ))0 ||L2 (0,1) ≤ ||v 0 − φ0 ||L2 (0,1) ≤ ε.

En appliquant l’inégalité (10.2.1) à φ, on obtient

||φ0 − (rh φ)0 ||L2 (0,1) ≤ c h ||φ00 ||L2 (0,1) ≤ ε,

pour h suffisamment petit, d’où

||v 0 − (rh v)0 ||L2 (0,1) ≤ ||v 0 − φ0 ||L2 (0,1) + ||φ0 − (rh φ)0 ||L2 (0,1) + ||(rh φ)0 − (rh v)0 ||L2 (0,1)
≤ c ε −→ 0,
ε→0

ce qui donne le résultat.

Théorème 10.2.4 (Convergence de la méthode P1 ). Soient u ∈ H01 (0, 1) la solution


de (10.0.2) et uh ∈ Vh la solution de (10.1.7). Alors, on a

lim ||u − uh ||H 1 (0,1) = 0. (10.2.3)


h→0

Autrement dit, la méthodes des éléments finis P1 converge. De plus, si u ∈ H 2 (0, 1) alors
il existe une constante c > 0 telle que

||u − uh ||H 1 (0,1) ≤ c h ||f ||L2 (0,1) . (10.2.4)

On dit que la convergence est linéaire.

Démonstration. La convergence (10.2.3) est la conséquence du Lemme 10.2.3 et du Théo-


rème 9.2.2. L’estimation (10.2.4) s’obtient à partir du lemme de Céa et de (10.2.1) :

||u − uh ||H 1 (0,1) ≤ c inf ||u − vh ||H 1 (0,1) ≤ c ||u − rh u||H 1 (0,1)
vh ∈Vh

≤ c h ||u00 ||L2 (0,1) = c h ||f ||L2 (0,1) ,

car −u00 = f p.p. dans ]0, 1[.

10.3 Cas d’une condition de Neumann


Dans cette section, on étudie la méthode des éléments finis P1 pour le problème de
Neumann : (
−u00 + u = f dans ]0, 1[,
0 0 (10.3.1)
u (0) = α, u (1) = β,
où f ∈ L2 (0, 1). La formulation variationnelle de (10.3.1) est

Trouver u ∈ H 1 (0, 1) telle que :





Z 1 Z 1 (10.3.2)

 ∀ v ∈ H 1 (0, 1), u0 v 0 + u v dx = f v dx + β v(1) − α v(0).
0 0
10.3 Cas d’une condition de Neumann 99

Avec les notations de la section précédente, le problème approché est alors


Trouver uh ∈ Vh telle que :



Z 1 Z 1 (10.3.3)

 ∀ vh ∈ Vh , u0h vh0 + uh vh dx = f vh dx + β vh (1) − α vh (0),
0 0
qui est équivalent à




Trouver uh (x0 ), . . . , uh (xN +1 ) ∈ R tels que :

N +1 Z 1 Z 1
φ0i φ0j + φi φj dx =
X


 ∀ i = 0, . . . , N + 1, uh (xj ) f φi dx + β φi (1) − α φi (0).

j=0 0 0

On remarque que l’on a


(
1 si i = N + 1,
φi (1) = φi (xN +1 ) =
0 sinon,
et (
1 si i = 0,
φi (0) = φi (x0 ) =
0 sinon.
Alors, on définit bh ∈ RN +2 par :
 Z xi+1


 f φi dx si 1 ≤ i ≤ N,
xi−1




 Z x1

(bh )i :=  f φ0 dx − α si i = 0,
  0

 Z xN +1



 f φN +1 dx + β si i = N + 1.
xN

Ainsi, si on pose Uh := (uh (x0 ), . . . , uh (xN +1 ))T ∈ RN +2 , on obtient que Uh est solution
de Kh Uh = bh , où la matrice de rigidité Kh ∈ R(N +2)×(N +2) est définie par
Z 1 
Kh := φ0i φ0j + φi φj dx .
0 0≤i,j≤N +1

Exercice 10.3.1. En reprenant les calculs de la section précédente, calculer explicite-


ment Kh .
Remarque 10.3.2.
1. Le théorème de convergence de la méthode P1 reste vrai pour la condition de Neu-
mann.
2. Si l’on considère un problème plus général du type
(
−(ν(x)u0 (x))0 + c(x) u = f (x) dans ]0, 1[,
0 0
u (0) = α, u (1) = β,
l’approximation par la méthode P1 aboutit encore à un système Kh Uh = bh . Mais, dans
ce cas, Kh est donnée par
Z 1 
Kh := ν(x) φ0i (x) φ0j (x) + c(x) φi (x) φj (x) dx .
0 0≤i,j≤N +1

Pour calculer Kh on peut avoir besoin d’utiliser des formules de quadrature.


100 Chapitre 10 : Méthode des éléments finis en dimension 1

10.4 Méthode des éléments finis P2


On termine ce chapitre par un second exemple de méthode Pk (en dimension d = 2
ou 3, on traitera le cas général). Les espaces d’approximation considérés sont

Vh := {v ∈ C(0, 1) | v|[xj ,xj+1 ] ∈ P2 , ∀ j = 0, . . . , N }, (10.4.1)

et
V0h := {v ∈ Vh | v(0) = v(1) = 0}. (10.4.2)
Comme dans le cas de la méthode P1 , il faut déterminer une base de Vh et un opérateur
d’interpolation.
Dans la méthode des éléments finis P1 , toute fonction v de Vh était linéaire sur [xj , xj+1 ],
il suffisait donc de connaître les valeurs de v en xj et xj+1 pour déterminer v sur [xj , xj+1 ].
Pour la méthode des éléments finis P2 , il est nécessaire de connaître les valeurs de v en
trois points de [xj , xj+1 ]. Pour cela, on définit le point milieu :

h
xj+1/2 := xj + , ∀ j = 0, . . . , N.
2
Par analogie avec la méthode P1 , on va prendre pour fonctions de base les fonctions ψj
et ψj+1/2 appartenant à Vh telles que

ψj (xi ) = δij et ψj+1/2 (xi+1/2 ) = δij .

Remarque 10.4.1. Ce choix de fonctions de base qui est analogue à celui fait pour la
méthode P1 n’est pas unique. On parle d’éléments de Lagrange pour le choix d’une
base telle que ψk (xl ) = δkl . D’autres choix sont possibles tels que les éléments de Hermite,
où on considère en plus les valeurs de la fonction dérivée (voir [1] page 172).

On peut montrer que les fonctions ψj et ψj+1/2 sont données par

x − xj
  


 ψj (x) = φ où 0 ≤ j ≤ N + 1,

h
(10.4.3)
x − xj+1/2
 

 ψj+1/2 (x) = ψ où 0 ≤ j ≤ N,


h
avec 



(1 + x)(1 + 2x) si − 1 ≤ x ≤ 0,

φ(x) := (1 − x)(1 − 2x) si 0 ≤ x ≤ 1, (10.4.4)




0 sinon,
et
1

(1 − 4x2 )(1 + 2x) si |x| ≤ ,


ψ(x) :=  2 (10.4.5)

0 sinon.

Comme dans le cas des éléments finis P1 , on obtient le résultat suivant :


10.4 Méthode des éléments finis P2 101

1
ψj ψj+1/2

xj−1 xj−1/2 xj xj+1/2 xj+1

Figure 10.2 – Graphes des fonctions ψj et ψj+1/2

Proposition 10.4.2. L’espace Vh défini par (10.4.1) est un sous-espace de H 1 (0, 1) de


dimension 2N + 3 et pour toute vh ∈ Vh , on a
N
X +1 N
X
vh = vh (xj )ψj + vh (xj+1/2 )ψj+1/2
j=0 j=0
2N
X +2
= vh (xj/2 )ψj/2 .
j=0

De même, l’espace V0h défini par (10.4.2) est un sous-espace de H01 (0, 1) de dimen-
sion 2N + 1 et pour toute vh ∈ V0h , on a
N
X N
X
vh = vh (xj )ψj + vh (xj+1/2 )ψj+1/2
j=1 j=0
2N
X +1
= vh (xj/2 )ψj/2 .
j=1

De même que pour la méthode des éléments finis P1 , on en déduit la définition suivante
d’opérateur d’interpolation :
Définition 10.4.3. L’opérateur d’interpolation P2 est l’application rh définie de H 1 (0, 1)
dans Vh par :
2N +2
∀ v ∈ H 1 (0, 1),
X
rh v := vh (xj/2 )ψj/2 .
j=0

où les fonctions ψj sont données par (10.4.3)-(10.4.4)-(10.4.5).


102 Chapitre 10 : Méthode des éléments finis en dimension 1

Le problème approché par la méthode des éléments finis P2 du problème de Diri-


chlet (10.0.2) est
 Trouver uh ∈ V0h telle que :


Z 1 Z 1 (10.4.6)
 ∀ vh ∈ V0h , 0 0
 uh vh dx = f vh dx,
0 0
qui est équivalent à




Trouver uh (xj/2 ) ∈ R, j = 1, . . . , 2N + 1 tels que :

2N +1 Z 1 Z 1
0 0
X


 ∀ i = 1, . . . , 2N + 1, uh (xj ) ψi/2 ψj/2 dx = f ψi/2 dx.

j=1 0 0

On pose Uh := (uh (x1/2 ), uh (x1 ), . . . , uh (xN ), uh (xN +1/2 ))T ∈ R2N +1 . Alors, Uh est solution
de Kh Uh = bh , où Kh ∈ R(2N +1)×(2N +1) et bh ∈ R2N +1 sont donnés par
Z 1  Z 1 
0 0
Kh := ψi/2 ψj/2 dx et bh := f ψi/2 dx .
0 1≤i,j≤2N +1 0 1≤i≤2N +1

Exercice 10.4.4. Vérifier que l’on a


 
16/3 −8/3 0
−8/3 14/3 −8/3 1/3 0
 
 
 

 0 −8/3 16/3 −8/3 0 

1

 0 1/3 −8/3 14/3 −8/3 1/3 0 

Kh = 
... ... ... ... ... . (10.4.7)
h 



 

 0 −8/3 16/3 −8/3 0 


 0 1/3 −8/3 14/3 −8/3 

0 0 0 −8/3 16/3
En adaptant les arguments de la méthode P1 , on peut montrer le résultat de conver-
gence suivant :
Théorème 10.4.5 (Convergence de la méthode P2 ). Soit u ∈ H01 (0, 1) la solution de (10.0.2)
et uh ∈ Vh la solution de (10.4.6). Alors, on a
lim ||u − uh ||H 1 (0,1) = 0. (10.4.8)
h→0

Autrement dit, la méthode des éléments finis P2 converge. De plus, si u ∈ H 3 (0, 1) alors
il existe une constante c > 0 indépendante de h telle que
||u − uh ||H 1 (0,1) ≤ c h2 ||u000 ||L2 (0,1) . (10.4.9)
On dit que la convergence est quadratique.
Remarque 10.4.6. D’après le théorème de convergence, on voit que l’avantage de la
méthode P2 est une accélération de la convergence (quadratique au lieu de linéaire) lorsque
la solution est régulière (u ∈ H 3 (0, 1)). Le désavantage est que le système Kh Uh = bh est
plus couteux à résoudre car la matrice Kh n’est plus tridiagonale mais pentadiagonale.
En particulier, on remarque que si u ∈ / H 3 (0, 1), il n’y a aucun intérêt à employer la
méthode P2 .
103

Chapitre 11

Méthode des éléments finis en


dimension d ≥ 2

11.1 Maillages triangulaires


En dimension 2 (resp. dimension 3) une triangulation d’un domaine Ω est une sub-
division de Ω en triangles (resp. tétraèdre). Dans ce cas, le maillage ne peut remplir
entièrement Ω que si Ω est une réunion finie de polyèdres, on dit que Ω est polyédrique.
On donnera à la fin de ce chapitre une rapide description de la méthode lorsque le do-
maine Ω n’est pas polyédrique.
Dans la suite, on supposera toujours que Ω est un domaine polyédrique de Rd , d = 2, 3.
Afin d’énoncer les résultats en dimension quelconque d = 2 ou 3, on introduit la notion
de d-simplexe non dégénéré qui correspond à un triangle en dimension 2 et à un tétraèdre
en dimension 3 (non dégénérés au sens non vides).

Définition 11.1.1. Soient d + 1 points aj := (aij )di=1 , 1 ≤ j ≤ d + 1, non situés dans un


même hyperplan de Rd , c’est à dire tels que la matrice d’ordre d + 1
 
a11 a12 ... ... a1 d+1
a21 a22 ... ... a2 d+1
 
 
.. .. ..
 
A := 
 . . ... ... .

 (11.1.1)
 

 ad1 ad2 ... ... ad d+1 

1 1 ... ... 1

est inversible. On appelle d-simplexe non dégénéré K de sommets (aj )1≤j≤d+1 l’enveloppe
convexe des points aj , 1 ≤ j ≤ d + 1.

Définition 11.1.2. Une triangulation admissible de Ω est une famille Th := {Ki }1≤i≤N
constituée de d-simplexes non dégénérés tels que
1. Ki ⊂ Ω et Ω = ∪N
i=1 Ki ,

2. l’intersection Ki ∩ Kj est soit vide, soit un m-simplexe, avec 0 ≤ m ≤ d − 1, dont


les sommets sont des sommets de Ki et Kj
104 Chapitre 11 : Méthode des éléments finis en dimension d ≥ 2

Le paramètre h est défini par


h := max diam(Ki ), où diam(Ki ) := sup{|x − y| | x, y ∈ Ki },
1≤i≤N

où | · | désigne la norme euclidienne. Les sommets ou nœuds de la triangulation Th sont


les sommets des d-simplexes Ki .
Remarque 11.1.3. Précisons la signification du deuxième point de la définition dans les
cas d = 2 et d = 3 :
1. En dimension 2, 2. signifie que l’intersection de deux triangles non égaux est soit
vide, soit réduite à un sommet commun, soit une arête commune entière.
2. En dimension 3, 2. signifie que l’intersection de deux tétraèdres non égaux est soit
vide, soit réduite à un sommet commun, soit une arête commune entière, soit une
face commune entière.

Figure 11.1 – Exemples de maillages non admissible à gauche et admissible à droite, en


dimension 2

Définition 11.1.4. Soient K un d-simplexe non dégénéré de Rd de sommets (aj )1≤j≤d+1


et x ∈ Rd . Alors, x est caractérisé par ses coordonnées barycentriques λK j (x) ∈ R,
où 1 ≤ j ≤ d + 1, par rapport à K, définies comme solutions du système linéaire
d+1 d+1
λK λK
X X
j (x) = 1 et x = j (x) aj . (11.1.2)
j=1 j=1

Remarque 11.1.5. Le système défini par (11.1.2) s’écrit encore Aλ = X, où λ ∈ Rd+1


a pour coefficients les λK T
j (x), X = (1, x1 , . . . , xd ) ∈ R
d+1
et A est donnée par (11.1.1).
L’inversibilité de A assure l’existence et l’unicité de λ donc des coordonnées barycen-
triques λK
j (x).

Les coordonnées barycentriques permettent de donner une caractérisation simple du


d-simplexe K :
K = {x ∈ Rd | 0 ≤ λK
i (x) ≤ 1, ∀ i = 1, . . . , d + 1}. (11.1.3)
De plus, on remarque l’on a λK
i (aj ) = δij .
11.1 Maillages triangulaires 105

Définition 11.1.6. Soit K un d-simplexe non dégénéré de Rd de coordonnées barycen-



triques associées λK
j ∈ R, où 1 ≤ j ≤ d + 1. On appelle treillis d’ordre k ∈ N de K
l’ensemble
( ( ) )
1 k−1


Σk := x ∈ K λj (x) ∈ 0, , . . . ,
, 1 , ∀ j = 1, . . . , d − 1 . (11.1.4)

k k

Remarque 11.1.7. La définition de treillis permet de définir l’équivalent en dimen-


sion d ≥ 1 de la notion de point milieu d’un intervalle. Comme vu dans le cas de la di-
mension 1, celle-ci sera nécessaire dans l’étude la méthode des éléments finis Pk pour k > 1.
On peut aussi définir Σ0 comme étant le singleton réduit au barycentre de K.

Exemple 11.1.8.
1. Pour k = 1, on a
 

Σ1 := x ∈ K λj (x) ∈ {0, 1} , ∀ j = 1, . . . , d − 1 ,

donc Σ1 est composé des sommets de K.


2. Pour k = 2, Σ2 est l’ensemble des sommets et des points milieux (i.e. les centres des
arêtes).

Figure 11.2 – Treillis d’ordre 2 pour un triangle à gauche et pour un tétraèdre à droite

Notation 11.1.9. On note Pk , l’espace des polynômes à coefficients réels de Rd de degré


inférieur ou égal à k, i.e. tout polynôme p de Pk est de la forme

∀ x ∈ Rd , αi1 ,...,id xi11 . . . xidd ,


X
p(x) = (11.1.5)
i1 ≥0,...,id ≥0
i1 +···+id ≤k

où αi1 ,...,id ∈ R.

Remarque 11.1.10. On peut montrer que l’on a

Card(Σk ) = dim(Pk ).
106 Chapitre 11 : Méthode des éléments finis en dimension d ≥ 2

Lemme 11.1.11 (admis, voir [1] page 177). Soient K un d-simplexe non dégénéré de Rd
et, pour k ∈ N∗ , Σk le treillis d’ordre k de K. On désigne par (σj )1≤j≤Nk les points
de Σk . Alors, tout polynôme de Pk est déterminé de manière unique par ses valeurs aux
points (σj )1≤j≤Nk . Plus précisément, il existe une base (ψj )1≤j≤Nk de Pk telle que
ψj (σi ) = δij pour tout 1 ≤ i, j ≤ Nk . (11.1.6)
Dans la suite, ce lemme a essentiellement deux applications importantes. Tout d’abord,
celui-ci permettra de construire une base de l’espace d’approximation. Ensuite, celui-ci
permet de montrer le résultat suivant :
Lemme 11.1.12. Soient K et K 0 deux d-simplexes non dégénérés de Rd ayant une face
commune Γ := ∂K ∩ ∂K 0 . Soit un entier k ≥ 1. Alors, leurs treillis d’ordre k, Σk et Σ0k
coïncident sur cette face Γ. De plus, étant donné pK et pK 0 deux polynômes de Pk , la
fonction v définie par (
pK (x) si x ∈ K,
v(x) :=
pK 0 (x) si x ∈ K 0 ,
est continue sur K ∪ K 0 si et seulement si les valeurs de pK et pK 0 coïncident aux points
des treillis sur la face commune Γ.
Remarque 11.1.13. Soit {σ1 , . . . , σN } = Γ ∩ Σk . On note (ψjK )1≤j≤Nk la base de Pk
0
associée à K et (ψjK )1≤j≤Nk celle associée à K 0 , définies par (11.1.6). Pour j ∈ {1, . . . , N }
fixé, si on définit pK et pK 0 par
0
pK = ψjK et pK 0 = ψjK ,
alors la fonction v du Lemme 11.1.12 est continue sur K∪K 0 puisque pour tout i ∈ {1, . . . , N },
on a pK (σi ) = δij = pK 0 (σi ).
Démonstration. Si v est continue sur K ∪ K 0 alors pK = pK 0 sur Γ. Réciproquement, sup-
posons que pK et pK 0 coïncident aux points des treillis sur Γ. D’après le Lemme 11.1.11, pK
et pK 0 sont uniquement déterminés sur Γ par leurs valeurs sur Σk ∩ Γ donc, si celles-ci
coïncident, on a nécessairement pK = pK 0 sur Γ donc v est continue sur K ∪ K 0 .

11.2 Éléments finis Pk en dimension d ≥ 2


Dans toute la suite Ω est un domaine polyédrique. On donne tout d’abord la définition
des espaces d’approximation de H 1 (Ω) et H01 (Ω) associés à une triangulation Th de Ω.
Définition 11.2.1. Soit Th une triangulation de Ω.
1. La méthode des éléments finis triangulaire de Lagrange d’ordre k ∈ N∗
est définie comme étant la méthode pour laquelle l’espace H 1 (Ω) est approché par
l’espace
Vh := {v ∈ C(Ω) | v|K ∈ Pk , ∀ K ∈ Th }. (11.2.1)
2. Les nœuds de degrés de liberté sont les points σi , 1 ≤ i ≤ Ndl , des treillis
d’ordre k de chaque K de Th . Le nombre de degrés de liberté Ndl ne compte qu’une
fois les points communs de deux treillis.
11.2 Éléments finis Pk en dimension d ≥ 2 107

3. Les degrés de liberté d’une fonction v ∈ Vh sont les la valeurs v(σi ) de v aux
points σi .
4. L’espace H01 (Ω) est approché par l’espace

V0h := {v ∈ Vh | v = 0 sur ∂Ω}. (11.2.2)

Notation 11.2.2. Dans la suite, on note Nbord le nombre de nœuds de degrés de liberté
appartenant à ∂Ω et N := Ndl − Nbord . De plus, on suppose les nœuds σi , 1 ≤ i ≤ Ndl ,
rangés de sorte que les σi , pour i = 1, . . . , N , sont des points intérieurs de Ω tandis que
les σi pour i = N + 1, . . . , Ndl , sont sur ∂Ω.

Proposition 11.2.3. L’espace Vh défini par (11.2.1) est un sous-espace de H 1 (Ω) de


dimension finie Ndl . De plus, il existe une base (φi )1≤i≤Ndl de Vh définie par

φi (σj ) = δij pour tout 1 ≤ i, j ≤ Ndl , (11.2.3)

où les σj sont les nœuds de degrés de liberté, et pour toute v ∈ Vh , on a


Ndl
X
v= v(σi ) φi . (11.2.4)
i=1

De même, l’espace V0h défini par (11.2.2) est un sous-espace de H01 (Ω) de dimension
finie N = Ndl − Nbord , où Nbord est le nombre nœuds sur ∂Ω. De plus, pour toute v ∈ V0h ,
on a
N
X
v= v(σi ) φi . (11.2.5)
i=1

Remarque 11.2.4. L’égalité (11.2.5) est une conséquence directe de l’égalité (11.2.4) et
de la Notation 11.2.2.

Démonstration. Soit vh ∈ Vh . Comme vh est continue sur Ω borné, vh ∈ L2 (Ω). Ainsi, pour
montrer que vh ∈ H 1 (Ω), il suffit de montrer que, pour tout i = 1, . . . , d, ∂xi vh ∈ L2 (Ω).
Soient i ∈ {1, . . . , d} et ϕ ∈ Cc∞ (Ω). On a
Z
∂ϕ X Z ∂ϕ
h∂xi vh , ϕi = − vh dx = − vh|K dx.
Ω ∂xi K∈Th K ∂xi

Puisque vh ∈ Vh , vh|K ∈ P1 pour tout K ∈ Th , d’après la formule de Green on en déduit


X Z ∂vh|K X Z
h∂xi vh , ϕi = ϕ dx − vh|K ϕ νiK dx, (11.2.6)
K∈Th K ∂xi K∈Th ∂K

où ν K := (ν1K , . . . , νdK )T est la normale extérieure unitaire de ∂K. Or, si Km , Kn ∈ Th


sont tels que Γ := ∂Km ∩ ∂Kn est une face commune alors ν Kn = −ν Km sur Γ. Ainsi,
comme vh et ϕ sont continues dans Ω, on obtient
Z Z
vh|K ϕ νiKn dx + vh|K ϕ νiKm dx = 0.
∂Kn ∂Km
108 Chapitre 11 : Méthode des éléments finis en dimension d ≥ 2

On en déduit que la somme des intégrales de bord de (11.2.6) se réduit à une intégrale
sur le bord de Ω qui s’annule car ϕ ∈ Cc∞ (Ω). Finalement, on a

X Z ∂vh|K
h∂xi vh , ϕi = ϕ dx,
K∈Th K ∂xi

d’où ∂xi vh = K∈Th ∂xi vh|K ∈ L2 (Ω), donc vh ∈ H 1 (Ω).


P

Le Lemme 11.1.12 et la Remarque 11.1.13 montrent que les éléments de Vh sont obtenus
localement sur chaque K ∈ Th par des polynômes qui coïncident sur les degrés de liberté
des faces. La base de Vh est obtenue en assemblant les bases (ψjK )1≤j≤Nk définies dans
le Lemme 11.1.11 de chaque K ∈ Th (voir l’exemple ci-dessous sur l’assemblage des ψjK ).

Exemple 11.2.5. On se place en dimension 2, on prend un maillage simple T = {K1 , K2 },


où K1 et K2 ont une arête commune et on considère le cas k = 2. Alors, les treillis de K1
et K2 sont formés de 6 points et ont 3 points en commun, il y a donc 2 ∗ 6 − 3 = 9
nœuds de degré de liberté. Soient σ1 , . . . , σ9 les nœuds du maillage répartis dans le sens
trigonométrique (voir figure 11.3). Les nœuds communs à K1 et K2 sont alors σ1 , σ3
et σ9 . On note {ψji }j∈Ji la base de P2 associée à Ki , avec J1 = {1, 3, 4, 5, 8, 9} et J2 =
{1, 2, 3, 6, 7, 9}. On va assembler les fonctions ψji pour obtenir la base {φk }1≤k≤9 de Vh de

σ2
σ6
σ1

K2
σ5
σ9 σ7
K1

σ4
σ8
σ3

Figure 11.3 – Représentation des triangles K1 , K2 et des treillis d’ordre 2 associés.

la façon suivante :
Si k ∈ {1, 3, 9}, on pose :
(
ψk1 dans K1 ,
φk =
ψk2 dans K2 .
11.2 Éléments finis Pk en dimension d ≥ 2 109

Si k ∈ {4, 5, 8} ⊂ J1 , on pose :
(
ψk1 dans K1 ,
φk =
0 dans K2 .

Enfin si k ∈ {2, 6, 7} ⊂ J2 , on pose :


(
0 dans K1 ,
φk =
ψk2 dans K2 .

D’après la Remarque 11.1.13, les fonctions φk sont bien continues sur K1 ∪ K2 .


Considérons maintenant la formulation variationnelle du problème de Dirichlet homo-
gène sur Ω :
1

 Trouver u ∈ H0 (Ω) telle que

Z Z (11.2.7)
 ∀ v ∈ H01 (Ω),
 ∇u · ∇v dx = f v dx.
Ω Ω
2
où f ∈ L (Ω). On approche (11.2.7) par la formulation variationnelle




Trouver uh (σ1 ), . . . , uh (σN ) ∈ R tels que

N
X Z Z (11.2.8)


 ∀ i = 1, . . . , N, uh (σj ) ∇φi · ∇φj dx = f φi dx,

j=1 Ω Ω

où les σj sont les nœuds de degrés de liberté intérieurs (i.e. non sur le bord ∂Ω), N est le
nombre de nœuds intérieurs et φi est donnée par (11.2.3).
En posant Uh := (uh (σ1 ), . . . , uh (σN ))T ∈ RN , la formulation variationnelle (11.2.8)
s’écrit encore Kh Uh = bh avec Kh ∈ RN ×N et bh ∈ RN donnés par
Z 
Kh := ∇φi · ∇φj dx , (11.2.9)
Ω 1≤i,j≤N

et Z 
bh := f φi dx . (11.2.10)
Ω 1≤i≤N

Dans la section suivante, on verra comment calculer explicitement la matrice de rigi-


dité Kh et le second membre bh . On termine tout d’abord cette section par une étude de
la convergence de la méthode Pk .

Définition 11.2.6. Pour tout d-simplexe non dégénéré K de Rd , on note

diam(K) := max |x − y| et ρ(K) := sup (2r),


x,y∈K Br ⊂K

en particulier la rondeur ρ(K) désigne le diamètre du plus grand disque contenu dans K.
Soit (Th )h>0 une suite de maillages admissibles de Ω. On dit qu’il s’agit d’une suite de
maillages réguliers si :
1. la suite h := maxK∈Th diam(K) tend vers 0,
110 Chapitre 11 : Méthode des éléments finis en dimension d ≥ 2

2. il existe une constante c > 0 telle que, pour tout h > 0 et tout K ∈ Th , on a
diam(K)
≤ c. (11.2.11)
ρ(K)
Remarque 11.2.7. La condition (11.2.11) signifie que les angles des d-simplexes K de Th
ne sont pas trop aplatis.
Définition 11.2.8. On définit rh l’opérateur d’interpolation Pk de C(Ω) dans Vh par :
Ndl
X
rh v := v(σi ) φi , (11.2.12)
j=1

où Ndl est le nombre de degrés de liberté et les φi sont les fonctions de base de Vh données
par la Proposition 11.2.3.
Proposition 11.2.9 (Interpolation Pk ). Soit (Th )h une suite de maillages réguliers de Ω.
On suppose k + 1 > d2 . Alors, pour toute v ∈ H k+1 (Ω), l’interpolée rh v est bien définie et
il existe c > 0, indépendante de h et v, telle que
||v − rh v||H 1 (Ω) ≤ c hk ||v||H k+1 (Ω) . (11.2.13)
Remarque 11.2.10. Si k + 1 > d2 , alors H k+1 (Ω) ⊂ C(Ω) donc les fonctions de H k+1 (Ω)
sont bien définies en tout point de Ω et rh v est bien définie.
Démonstration. La démonstration donnée ici a essentiellement pour but de justifier la né-
cessité de considérer des maillages réguliers et, en particulier, la majoration uniforme (11.2.11).
On admettra le résultat technique donné plus bas (voir [1] et [12]) et essentiel pour la
suite. On définit tout d’abord un opérateur d’interpolation local sur chaque d-simplexe
du maillage. Soient K un d-simplexe, k ∈ N∗ et Σk le treillis d’ordre k de K. On définit
l’opérateur d’interpolation rK , pour toute fonction continue v, par
rK v := p ∈ Pk où p(x) = v(x), ∀ x ∈ Σk . (11.2.14)
Lemme 11.2.11 (admis, voir [12]). On suppose que k + 1 > d/2 et que diam(K) ≤ 1.
Alors, il existe une constante c > 0 indépendante de K telle que, pour toute v ∈ H k+1 (K),
on a
(diam(K))k+1
||v − rK v||H 1 (K) ≤ c |v|H k+1 (K) , (11.2.15)
ρ(K)
où | · |H k+1 (K) est la semi-norme sur H k+1 (K) définie par
|v|2H k+1 (K) := ||v||2H k+1 (K) − ||v||2H k (K) .
Si v ∈ H k+1 (Ω), son interpolée rh v restreinte au d-simplexe K est rK v. On en déduit
||v − rh v||2H 1 (Ω) = ||v − rK v||2H 1 (K) .
X

K∈Th

Pour h > 0 suffisamment petit, on peut supposer diam(K) ≤ 1 pour tout K ∈ Th . Alors,
d’après le Lemme 11.2.11 et la majoration (11.2.11), on obtient
||v − rh v||2H 1 (Ω) ≤ c h2k |v|2H k+1 (K) ≤ c h2k ||v||2H k+1 (Ω) ,
X

K∈Th

d’où le résultat.
11.3 Calcul du second membre et assemblage de la matrice de rigidité 111

Théorème 11.2.12. Soit (Th )h>0 une suite de maillages réguliers de Ω. Soient u ∈ H01 (Ω)
la solution de (11.2.7) et uh ∈ V0h la solution de (11.2.8). Alors, la méthode des éléments
finis Pk converge :
lim ||u − uh ||H 1 (Ω) = 0. (11.2.16)
h→0
k+1 d
De plus, si u ∈ H (Ω) et si k + 1 > 2
alors il existe c > 0 telle que
||u − uh ||H 1 (Ω) ≤ c hk ||u||H k+1 (Ω) . (11.2.17)
Démonstration. On applique le Théorème 9.2.2 avec V = Cc∞ (Ω) qui est dense dans H01 (Ω).
Comme Cc∞ (Ω) ⊂ H k+1 (Ω), l’estimation (11.2.13) entraîne que les hypothèses du Théo-
rème 9.2.2 sont vérifiées, ce qui donne (11.2.16).
L’estimation d’erreur (11.2.17) s’obtient à partir du Lemme de Céa
||u − uh ||H 1 (Ω) ≤ c inf ||u − vh ||H 1 (Ω) ≤ c ||u − rh u||H 1 (Ω) .
vh ∈V0h

En appliquant ensuite l’estimation (11.2.13), on obtient le résultat.

11.3 Calcul du second membre et assemblage de la


matrice de rigidité
Dans cette section, on présente sur l’exemple du problème de Dirichlet homogène, le
calcul pratique des coefficients du système matriciel obtenu par la méthode des éléments
finis P1 en dimension d ≥ 2.

11.3.1 Calcul du second membre


D’après (11.2.10), le second membre est le vecteur bh ∈ RN de coefficients
Z X Z
(bh )i := f φi dx = f φi dx, ∀ i = 1, . . . , N,
Ω K∈Th K

où f ∈ L2 (Ω) est le terme source et les φi sont les fonctions de base de Vh . Comme dans
le cas 1d, bh se calcule par des formules de quadratures sur chaque K ∈ Th . On donne
ci-dessous l’équivalent des formules en dimension 1 du point milieu et du trapèze.
d+1
−1
X
Soit K un d-simplexe de sommets ai , i = 1, . . . , d + 1. On note a0 := (1 + d) ai
i=1
le barycentre de K. Alors, pour toute fonction ψ intégrable, on a
Z
ψ(x) dx ' |K| ψ(a0 ), (11.3.1)
K
et
Z
|K| d+1
X
ψ(x) dx ' ψ(ai ). (11.3.2)
K d + 1 i=1
Ces deux formules sont exactes pour ψ ∈ P1 . En particulier, on peut montrer alors qu’elles
sont approchées à l’ordre 2 en h pour des fonctions régulières.
Remarque 11.3.1. On peut montrer que le résultat de convergence reste vrai en rempla-
çant le second membre bh par son approximation via une formule de quadrature (voir [12]).
112 Chapitre 11 : Méthode des éléments finis en dimension d ≥ 2

11.3.2 Assemblage de la matrice de rigidité


D’après (11.2.9), la matrice de rigidité Kh ∈ RN ×N a pour coefficients
Z
(Kh )ij := ∇φi · ∇φj dx, ∀ i, j = 1, . . . , N.

Pour calculer ces coefficients, il est nécessaire de pouvoir déterminer les fonctions de
base φi . Celles-ci dépendant du maillage considéré. Ci-dessous, on étudie un cas simple.
On suppose Ω := [−1, 1]2 et Th le maillage donné dans la figure 11.4, où les numéros sont
ceux des nœuds du maillages (par exemple σ1 := (−1, 1) et σ7 := (0, −1)).

1 5 2
K1

K2 9
8 6

4 7 3

Figure 11.4 – Maillage de [−1, 1]2 avec numérotation des nœuds.

En utilisant les propriétés de symétrie on va voir que le calcul de K se ramène sim-


plement au calcul de quelques coefficients. Considérons d’abord les termes diagonaux.
Si i 6= 9, le nœud σi n’est commun qu’à deux mailles et ∇φi est constant sur ces deux
mailles. De plus, on a

φ1 (x, y) = φ2 (−x, y) = φ3 (−x, −y) = φ4 (x, −y),

dont on déduit
(Kh )11 = (Kh )22 = (Kh )33 = (Kh )44 .
Déterminons (Kh )11 . Comme sup(φ1 ) ⊂ K1 ∪ K2 , on a
Z Z
(Kh )11 = |∇φ1 |2 dx + |∇φ1 |2 dx
K1 K2

Sur K1 , φ1 ∈ P1 , φ1 (−1, 1) = 1, φ1 (0, 1) = 0 et φ1 (0, 0) = 0 donc φ1 (x, y) = −x. Sur K2 ,


on obtient de même φ1 (x, y) = y. Alors, on a (Kh )11 = |K1 | + |K2 | = 1.
De même, on montre facilement que (Kh )55 = (Kh )77 = 2 et (Kh )66 = (Kh )88 = 2. Pour
le dernier coefficient de la diagonale, on remarque que le calcul se ramène simplement à
un calcul sur K1 ∪ K2 . En effet, on a
9 Z Z Z 
|∇φ9 |2 dx = 4 |∇φ9 |2 dx + |∇φ9 |2 dx .
X
(Kh )99 =
i=1 Ki K1 K2
11.4 Remarques sur le cas Ω non polyédrique 113

En procédant comme pour le calcul de φ1 , on obtient alors (Kh )99 = 4.


Il reste à calculer les termes non diagonaux. Comme supp(φ1 ) ⊂ K1 ∪ K2 , on a
(Kh )12 = (Kh )13 = (Kh )14 = (Kh )16 = (Kh )17 = 0. De plus,
Z
1
(Kh )15 = ∇φ1 · ∇φ5 dx = (∇φ1 · ∇φ5 ) ,
K1 2
puisque ∇φ1 et ∇φ5 sont constants sur K1 . Sur K1 , φ5 (x, y) = α + βx + γy et φ5 (0, 0) = 0,
φ5 (0, 1) = 1 et φ5 (−1, 1) = 0 d’où φ5 (x, y) = x + y. On en déduit (Kh )15 = −1/2. De
même, on obtient (Kh )18 = 1/2 et (Kh )19 = 0. Le seul terme restant à calculer est (Kh )59
et, comme précédemment, on obtient (Kh )59 = −1. En utilisant les propriétés de symétrie,
on en déduit les autres coefficients de Kh . Finalement, on obtient

1 0 0 0 −1/2 0 0 −1/2 0
 

 0 1 0 0 −1/2 −1/2 0 0 0 

0 0 1 0 0 −1/2 −1/2 0 0 
 

 

 0 0 0 1 0 0 −1/2 −1/2 0 
Kh =

 −1/2 −1/2 0 0 2 0 0 0 −1 
.
−1/2 −1/2 −1 
 

 0 0 0 2 0 0 

 0 0 −1/2 −1/2 0 0 2 0 −1 

−1/2 0 0 −1/2 0 0 0 2 −1 
 

0 0 0 0 −1 −1 −1 −1 4

Exercice 11.3.2. Calculer la matrice de rigidité Kh dans le cas du maillage de la fi-


gure 11.5.

1 2 3

5
4 6

7 8 9

Figure 11.5 – Autre maillage de [−1, 1]2 avec numérotation des nœuds.

11.4 Remarques sur le cas Ω non polyédrique


Si Ω n’est pas polyédrique, alors on approche Ω par un ouvert polyédrique Ωh dont
les sommets sont sur la frontière de Ω. Ensuite, on maille Ωh par une triangulation Th .
114 Chapitre 11 : Méthode des éléments finis en dimension d ≥ 2

L’ouvert Ωh peut, par exemple, être choisi tel qu’il existe une constante c > 0 vérifiant

dist(∂Ω, ∂Ωh ) ≤ c h2 .

On obtient alors, sous de bonnes conditions (voir [12]), le même résultat de convergence
pour la méthode P1 . Pour la méthode Pk avec k ≥ 2, la convergence de la solution
approchée vers la solution exacte est d’ordre moins élevé que dans le cas d’une ouvert Ω
polyédrique.
Pour obtenir une convergence plus rapide, i.e. d’ordre plus élevé, on peut faire appel à
des éléments finis isoparamétriques. Il s’agit de mailler la partie de Ω près du bord par des
mailles à bords courbes obtenus par déformation de d-simplexes. Pour des compléments
sur ces différents points, on renvoie à [12].

11.5 Maillages rectangulaires


On termine ce chapitre par une rapide présentation du cas d’un maillage de Ω par
des rectangles. Dans cette section on suppose l’ouvert Ω rectangulaire. On définit un
d-rectangle K de Rd comme étant le pavé (non dégénéré) Πdi=1 [li , Li ] où 0 < li < Li < +∞.
On note (aj )1≤j≤2d les sommets de K.

Définition 11.5.1. Un maillage rectangulaire de Ω est un ensemble Th de d-rectangles


(non dégénérés) (Ki )1≤i≤n qui vérifient
1. Ki ⊂ Ω et Ω = ∪ni=1 Ki ,
2. l’intersection Ki ∩Kj de deux d-rectangles distincts est m-rectangle, avec 0 ≤ m ≤ d − 1,
dont tous les sommets sont aussi des sommets de Ki et Kj .
Le paramètre h est défini par

h := max diam(Ki ), où diam(Ki ) := sup{|x − y| | x, y ∈ Ki },


1≤i≤n

où | · | désigne la norme euclidienne. Les sommets (ou nœuds) du maillage Th sont les
sommets des d-rectangles Ki .

Notation 11.5.2. On note Qk , l’espace des polynômes à coefficients réels de Rd de degré


inférieur ou égal à k par rapport à chaque variable, i.e. tout polynôme p de Qk est de la
forme
∀ x ∈ Rd , p(x) = αi1 ,...,id xi11 . . . xidd ,
X
(11.5.1)
0≤i1 ≤k,...,0≤id ≤k

où αi1 ,...,id ∈ R.

Définition 11.5.3. Soit K un d-rectangle non dégénéré de Rd . On appelle treillis


d’ordre k ∈ N∗ de K l’ensemble
( ( ) )
xj − lj 1 k−1


Σk := x∈K ∈ 0, , . . . , , 1 , ∀ j = 1, . . . , d . (11.5.2)

Lj − lj k k
11.5 Maillages rectangulaires 115

Définition 11.5.4. Soit Th un maillage rectangulaire de Ω. La méthode des éléments


finis Qk est définie comme étant la méthode pour laquelle l’espace H 1 (Ω) est approché
par l’espace
Vh := {v ∈ C(Ω) | vK ∈ Qk , ∀ K ∈ Th }. (11.5.3)

Avec ses définitions, on obtient les mêmes résultats que dans le cas des maillages
triangulaires.
116 Chapitre 11 : Méthode des éléments finis en dimension d ≥ 2
117

Chapitre 12

Théorie spectrale : analyse théorique


et numérique

Ce chapitre rappelle certains résultats de théorie spectrale (voir le cours de mas-


ter 1, [11]) et servira de transition entre problèmes stationnaires et problèmes instation-
naires. On donne tout d’abord deux exemples précisant comment la théorie spectrale
intervient dans la résolution de problèmes instationnaires.
Exemple 12.0.5. (Système différentiel en dimension finie) Considérons le problème sui-
vant : trouver u ∈ C 1 (R+ ; Rd ) solution de
(
∂t u + Au = 0, ∀ t > 0,
(12.0.1)
u(0) = u0 ,
où A ∈ Rd×d et u0 ∈ Rd sont fixés. Si A est symétrique définie positive, on sait que le pro-
blème (12.0.1) admet une unique solution u ∈ C 1 (R+ ; Rd ). Plus précisément, soient λ1 , . . . , λd
les valeurs propres de A (qui est diagonalisable puisque symétrique définie positive)
et v1 , . . . , vd une base de vecteurs propres associés. Alors, on a
d d
u0k vk , u0k e−λk t vk .
X X
u0 = et u(t) =
k=1 k=1

Autrement dit, la résolution du problème d’évolution (12.0.1) passe par la diagonalisation


de la matrice A.
Exemple 12.0.6. (Équation de la chaleur) On rappelle que l’équation de la chaleur est
donnée (sans condition initiale ni condition aux limites) par : ∂t u − ∆u = 0 où t ∈ R+ ∗
et x ∈ Ω. Comparant avec le problème (12.0.1), on peut voir que l’on a “échangé” la
matrice A par l’opérateur −∆. Autrement dit, on est passé d’un problème en dimension
finie (A représente une application linéaire sur un espace vectoriel de dimension finie) à un
problème en dimension infinie (−∆ est une application linéaire en dimension infinie). Par
analogie avec le problème (12.0.1), on détermine une solution de l’équation de la chaleur
en diagonalisant l’opérateur −∆.
On peut retrouver ce raisonnement en cherchant une solution de l’équation de la
chaleur à variables séparables. Supposons donc u(t, x) = φ(t)v(x). Alors, on obtient
φ0 (t)v(x) − φ(t)∆v(x) = 0,
118 Chapitre 12 : Théorie spectrale

d’où
φ0 (t) ∆v(x)
= .
φ(t) v(x)
Dans l’égalité précédente, le terme de gauche ne dépend que de la variable t et celui de
droite ne dépend que de la variable x donc les deux sont constants. On en déduit
φ0 (t) ∆v(x)
= = −λ,
φ(t) v(x)
où λ ∈ R. Finalement, on obtient
φ(t) = c e−λt et − ∆v = λ v,
donc λ est une valeur propre de ∆.

12.1 Rappels
Dans cette section, on rappelle (sans démonstrations) les résultats de théorie spectrale
pour les opérateurs auto-adjoints compacts et on renvoie à [11] pour plus de détails. Dans
toute la suite, (V, (·, ·)V ) est un espace de Hilbert réel.
Définition 12.1.1. Soit T ∈ L(V ).
1. Un réel λ ∈ R est appelé valeur propre de T s’il existe u ∈ V non nul tel que
Au = λ u. On dit que u est un vecteur propre de T associé à la valeur propre λ.
2. On appelle adjoint de T l’unique T ∗ ∈ L(V ) tel que
(T x, y)V = (x, T ∗ y)V , ∀ x, y ∈ V.
De plus, on dit que T est auto-adjoint si T = T ∗ .
3. On dit que T est défini positif si
(T x, x)V > 0, ∀ x ∈ V \ {0}.

On rappelle aussi la notion d’opérateur compact.


Définition 12.1.2. Soient E, F deux espaces de Banach sur K := R ou C et T ∈ L(E, F ).
On dit que T est compact si l’image par T de la boule unité fermée de E est relativement
compacte dans F . On note K(E, F ) l’espace des opérateurs compacts de E dans F .
Remarque 12.1.3.
1. On rappelle qu’une partie K de F est relativement compacte si son adhérence
est compacte dans F . Autrement dit, K est relativement compacte dans F si et
seulement si de toute suite de K on peut en extraire une sous-suite convergente
dans F .
2. Le théorème de Riesz affirme que la boule unité d’un espace vectoriel normé E est
relativement compacte si et seulement si E est de dimension finie. On en déduit en
particulier que l’opérateur identité sur E est un opérateur compact si et seulement
si E est de dimension finie.
12.2 Application au cadre variationnel 119

Théorème 12.1.4 (Théorème spectral des opérateurs auto-ajoints compacts). Soient (V, (·, ·)V )
un espace de Hilbert réel de dimension infinie et T ∈ K(V ) défini positif et auto-adjoint.
Alors, les valeurs propres de T forment une suite (λk )k≥1 de R∗+ qui tend vers 0 et il existe
une base hilbertienne (uk )k≥1 de V formée de vecteur propres, i.e. qui vérifient

uk ∈ V et T uk = λk uk , ∀ k ≥ 1.

Remarque 12.1.5. On rappelle qu’une base hilbertienne (en )n≥1 de V est une famille
dénombrable orthonormale de V engendrant un sous-espace vectoriel dense dans V . De
plus, si (uk )k≥1 est une base hilbertienne de V , on a alors

et ||v||2 = |(v, uk )V |2 ,
X X
v= (v, uk )V uk ∀ v ∈ V.
k≥1 k≥1

12.2 Application au cadre variationnel


On va appliquer le théorème spectral des opérateurs compact au cadre variationnel.
Soient (V, (·, ·)V ) et (H, (·, ·)H ) deux espaces de Hilbert réels tels que
(
V ⊂ H avec injection compacte,
(12.2.1)
V est dense dans H.

Soit a(·, ·) une forme bilinéaire symétrique, continue et coercive sur V . On considère le
problème spectral variationnel suivant :

 Trouver λ ∈ R et u ∈ V \ {0} tels que
(12.2.2)
 a(u, v) = λ (u, v)H , ∀ v ∈ V.

Définition 12.2.1. Si λ ∈ R et u ∈ V \ {0} vérifient (12.2.2), on dit que λ est une valeur
propre de la formulation variationnelle (12.2.2) et que u est un vecteur propre associé.

Théorème 12.2.2. Les valeurs propres de (12.2.2) forment une suite croissante (λk )k≥1
de réels positifs et il existe une base hilbertienne de H formée de vecteur propres (uk )k≥1 ,
i.e. qui vérifient

uk ∈ V \ {0} et a(uk , v) = λk (uk , v)H , ∀ v ∈ V.



De plus, (uk / λk )k≥1 est une base hilbertienne de V pour le produit scalaire a(·, ·).

Démonstration. Pour f ∈ H, on considère le problème :


(
Trouver u ∈ V tel que
(12.2.3)
a(u, v) = (f, v)H , ∀ v ∈ V.

D’après le théorème de Lax-Milgram, le problème (12.2.3) admet une solution unique


u ∈ V . On définit l’opérateur A de H dans V par Af := u. Autrement dit, A est l’opé-
rateur qui à f ∈ H associe la solution u ∈ V de (12.2.3). L’injection I de V dans H est
120 Chapitre 12 : Théorie spectrale

continue donc ||v||H ≤ c ||v||V pour tout v ∈ V . En prenant v = Af comme fonction test
dans (12.2.3), on obtient

m ||Af ||2V ≤ a(Af, Af ) = (f, Af )H ≤ ||f ||H ||Af ||H ≤ c ||f ||H ||Af ||V

On en déduit A ∈ L(H, V ). On pose T := IA ∈ L(H). Un produit d’opérateur est


compact si l’un des deux opérateurs est compact, or l’injection I de V dans H est compacte
donc T ∈ K(H). Soient f, g ∈ H. En prenant v = Ag comme fonction test dans (12.2.3),
on obtient

(f, T g)H = (f, Ag)H = a(Af, Ag) = a(Ag, Af ) = (g, Af )H = (g, T f )H ,

donc T est auto-adjoint et, de plus, défini positif dans H car a(·, ·) est coercive. Le
théorème spectral appliqué à T entraîne qu’il existe une suite décroissante (µk )k≥1 de
réels positifs qui tend vers 0 et une base hilbertienne (uk )k≥1 de H formée de vecteurs
propres de T , i.e.
uk ∈ V et T uk = µk uk , ∀ k ≥ 1.
Le problème (12.2.2) s’écrit encore

a(u, v) = λ (u, v)H = λ a(Au, v), ∀ v ∈ V.

Ce qui équivaut à a(u − λ Au, v) = 0 pour tout v ∈ V . Comme a(·, ·) est un produit
scalaire sur V , on en déduit u = λ Au = λ T u. Ainsi, les valeurs propres de (12.2.2) sont
les inverses des valeurs propres de T et les vecteurs propres sont les mêmes. Pour k ≥ 1,
on pose
1 uk
λk := et vk := √ .
µk λk
Il reste à vérifier que (vk )k≥1 est une base hilbertienne de V pour le produit scalaire a(·, ·).
Pour k, j ≥ 1, on a
a(uk , uj ) (uk , uj )H
a(vk , vj ) = q = λk q = δkj ,
λk λj λk λj

car (uk )k≥1 est une base hilbertienne de H. Enfin, on a le résultat en remarquant que
l’orthogonal de (vk )k≥1 dans V est contenu dans l’orthogonal de (uk )k≥1 dans H qui est
réduit à {0}.
On va appliquer le résultat précédent pour l’opérateur laplacien. La formulation faible
du problème −∆u = λ u dans Ω avec u = 0 sur ∂Ω est donnée par
Trouver u ∈ H01 (Ω) tel que



Z Z

 ∇u · ∇v dx = λ u v dx, ∀ v ∈ H01 (Ω).
Ω Ω

On obtient bien un problème du type (12.2.2) avec H := L2 (Ω), V := H01 (Ω) et a(·, ·) la
forme bilinéaire symétrique définie sur V par
Z
a(u, v) := ∇u · ∇v dx

12.3 Analyse numérique spectrale 121

L’injection de V dans H est compacte d’après le théorème de Rellich. De plus l’es-


pace Cc∞ (Ω) étant dense dans L2 (Ω) et H01 (Ω), H01 (Ω) est dense dans L2 (Ω). On est
donc bien dans les conditions du Théorème 12.2.2 et on en déduit le résultat suivant :

Corollaire 12.2.3. Soit Ω un ouvert borné régulier de classe C 1 de Rd . Alors, il existe


une suite croissante (λk )k≥1 de réels positifs et une base hilbertienne (uk )k≥1 de L2 (Ω)
telle que
uk ∈ H01 (Ω) et − ∆uk = λk uk p.p. dans Ω. (12.2.4)

On termine cette section par un résultat de régularité des fonctions propres du lapla-
cien.

Proposition 12.2.4. Soit Ω un ouvert borné régulier de classe C ∞ . Alors, les fonctions
propres du laplacien vérifiant (12.2.4) appartiennent à C ∞ (Ω).

Démonstration. Si uk ∈ H01 (Ω) vérifie (12.2.4), en particulier on a λk uk ∈ H 1 (Ω). D’après


le théorème de régularité elliptique, on en déduit uk ∈ H 3 (Ω). Alors, λk uk ∈ H 3 (Ω) et,
par régularité elliptique, uk ∈ H 5 (Ω). Ainsi, par récurrence on déduit uk ∈ H m (Ω), pour
tout m ∈ N∗ . Enfin, puisque Ω est C ∞ , d’après le Théorème 7.1.5 on a uk ∈ C ∞ (Ω).

12.3 Analyse numérique spectrale


Comme dans le cadre de la méthode des éléments finis des problèmes elliptiques, on
donne tout d’abord un résultat général dans le cadre des espaces de Hilbert puis son
application pour le laplacien.
Soient (V, (·, ·)V ), (H, (·, ·)H ) deux espaces de Hilbert vérifiant (12.2.1) et Vh un sous-
espace vectoriel de V de dimension finie. Soit a(·, ·) une forme bilinéaire symétrique,
continue et coercive sur V . On considère le problème spectral variationnel suivant :

 Trouver λh ∈ R et uh ∈ Vh \ {0} tels que
(12.3.1)
 a(uh , vh ) = λh (uh , vh )H , ∀ vh ∈ V h .

Proposition 12.3.1. Les valeurs propres de (12.3.1) forment une suite croissante finie :

0 < λ1 ≤ λ2 ≤ · · · ≤ λNdl , où Ndl := dim(Vh ),

et il existe une base de Vh , orthonormale dans H, (uk,h )1≤k≤Ndl de vecteurs propres asso-
ciés, i.e. qui vérifient

uk,h ∈ Vh et a(uh,k , vh ) = λk (uh,k , vh )H , ∀ vh ∈ Vh .

Démonstration. Soit {φi }i=1,...,Ndl une base de Vh . Alors, si uh ∈ Vh , on a

Ndl
Ujh φj , où Ujh ∈ R, ∀ j = 1, . . . , Ndl .
X
uh =
j=1
122 Chapitre 12 : Théorie spectrale

Pour que le couple (λh , uh ) soit solution de (12.3.1), il suffit qu’il vérifie (12.3.1) pour tout
v = φi , i = 1, . . . , Ndl , et donc (12.3.1) est équivalent à




Trouver λh ∈ R et U1h , . . . , UNh dl ∈ R tels que

Ndl Ndl
Ujh a(φj , φi ) = λh Ujh (φj , φi )H ,
X X



 ∀ i = 1, . . . , Ndl .
j=1 j=1

On définit la matrice de masse Mh ∈ RNdl ×Ndl par

(Mh )ij := (φi , φj )H ,

et la matrice de rigidité Kh ∈ RNdl ×Ndl par

(Kh )ij := a(φi , φj ).

Alors, le problème (12.3.1) est équivalent à

Kh Uh = λh Mh Uh ,

où Uh := (U1h , . . . , UNh dl ). De plus, les matrices Kh et Mh sont symétriques définies posi-


tives. Alors, en appliquant le théorème de réduction simultanée (théorème 2.3.6 de [2]),
on obtient qu’il existe Ph ∈ RNdl ×Ndl inversible telle que

Mh = Ph PhT et Kh = Ph DPhT ,

où D := diag(λ1 , . . . , λNdl ) et les λi sont les valeurs propres de Kh . Alors, le problème (12.3.1)
s’écrit encore
DŨh = λh Ũh , où Ũh := PhT Uh .
Autrement dit, les valeurs propres de (12.3.1) sont les valeurs propres de Kh et les vecteurs
propres associés sont les uh,k donnés par
Ndl
Ujh φj où Uh,k = (PhT )−1 Ũh,k = (PhT )−1 ek ,
X
uh,k =
j=1

(D étant diagonale, ses vecteurs propres sont les vecteurs de base ek ). On en déduit que
la famille de vecteur propres {uh,k }k=1,...,Ndl forme bien une base de Vh .
Remarque 12.3.2. En pratique, on résout le problème Kh Uh = λh Mh Uh pour calculer
l’approximation uh . Cette résolution passe par la réduction simultanée de Kh et Uh pour
laquelle des algorithmes existent (voir [2]).
Dans le cas du problème de Dirichlet, il suffit d’appliquer le résultat précédent au cas
du problème (12.2.4) en prenant pour V0h le sous-espace de H01 (Ω) défini par la méthode
des éléments finis Pk . On donne ci-dessous un exemple en dimension 1 avec la méthode P1 .
On considère le problème de Dirichlet homogène sur l’intervalle [0, 1] :

 −u00k = λk uk dans ]0, 1[,
 uk (0) = uk (1) = 0.
12.3 Analyse numérique spectrale 123

Soit x0 = 0 < x1 < · · · < xN < xN +1 = 1 une discrétisation uniforme de l’intervalle [0, 1]
de pas h > 0. On pose
V0h := {v ∈ C([0, 1]) | v|]xi ,xi+1 [ ∈ P1 , ∀ i = 0, . . . , N, et v(0) = v(1) = 0}.
On a vu que Kh ∈ RN ×N est donnée par
2 −1 0 . . . 0
 

 −1 2 −1 . . . 0 

1 .. . . .. .
. ..
 
Kh =

 . . .

h 
.. .. ..

. . . −1
 
 
0 . . . . . . −1 2
On se propose de calculer la matrice de masse Mh correspondante. Soient {φ1 , . . . , φN }
la base de V0h . Alors, on a
x − xi


 si x ∈ [xi−1 , xi ],
h





∀ i = 1, . . . , N, φi (x) =  xi+1 − x si x ∈ [x , x ],
i i+1



 h


0 sinon.
La matrice de masse Mh ∈ RN ×N a pour coefficients
(Mh )ij = (φi , φj )L2 (0,1) .
D’une part, puisque supp(φ) ⊂ [xi−1 , xi+1 ], on a
(Mh )ij = 0 si |i − j| > 1.
D’autre part, on a
Z xi
(x − xi )2 Z xi+1
(xi+1 − x)2 h3 h3 2h
(Mh )ii = ||φi ||2L2 (0,1) = 2
dx + 2
dx = 2
+ 2
= ,
xi−1 h xi h 3h 3h 3
et, par changement de variable,
Z xi+1
(xi+1 − x)(x − xi ) 1 Zh h
(Mh )i(i+1) = 2
dx = 2 (h − y)y dx = = (Mh )i(i−1) .
xi h h 0 6
Finalement, la matrice de masse Mh ∈ RN ×N est donnée par
2/3 1/6 0 . . . 0
 

 1/6 2/3 1/6 . . . 0 

 .. .. .. .. 
Mh = h

. . . . .


.. .. ..

. . . 1/6
 
 
0 . . . . . . 1/6 2/3
On donne ci-dessous un résultat de convergence de la méthode. Il faut prendre garde
que seules les premières valeurs propres λk,h sont de bonnes approximations des valeurs
propres exactes. Pour obtenir un plus grand nombre d’approximations correctes, il est
nécessaire de raffiner le maillage considéré.
124 Chapitre 12 : Théorie spectrale

Théorème 12.3.3. Soient Ω un ouvert polyédrique de Rd et (Th )h>0 une suite de maillages
triangulaires réguliers de Ω. Soit V0h le sous-espace vectoriel de H01 (Ω) défini par la mé-
thode des éléments finis Pk , de dimension N . Soient (λi , ui ) ∈ R∗+ × H01 (Ω), i ≥ 1, les
valeurs propres et vecteurs propres (orthogonaux dans L2 (Ω)) du problème de Dirichlet
rangées par ordre croissant

0 < λ1 ≤ λ2 ≤ · · · ≤ λi ≤ · · · ≤ · · · .

Soient les valeurs propres

0 < λ1,h ≤ λ2,h ≤ · · · ≤ λN,h ,

de l’approximation variationnelle (12.3.1) pour V0h . Alors, pour tout i ≥ 1, on a

lim |λi − λi,h | = 0,


h→0

et il existe une famille de vecteurs propres (ui,h )1≤i≤N de (12.3.1) dans V0h telle que

lim ||ui − ui,h ||H 1 (Ω) = 0.


h→0

De plus, si Vect{u1 , . . . , ui } ⊂ H k+1 (Ω) et k + 1 > d/2, on a

|λi − λi,h | ≤ Ci h2k ,

où Ci ne dépend pas de h et

||ui − ui,h ||H 1 (Ω) ≤ Ci hk .

Remarque 12.3.4. la constante Ci tend vers +∞ lorsque i tend vers +∞. Il n’y a donc
aucune garantie que l’approximation soit correcte pour les grandes valeurs propres.
125

Chapitre 13

Problèmes paraboliques

13.1 Formulation variationnelle


Dans tout ce chapitre on va considérer la résolution numérique de l’équation de la
chaleur
dans R∗+ × Ω,




∂t u − ∆u = f

u =0 sur R∗+ × ∂Ω, (13.1.1)




u(t = 0, x) = u0 (x) dans Ω,
où f (t, ·) ∈ L2 (Ω) est le terme source et u0 ∈ H01 (Ω) la donnée initiale.
Soit v ∈ Cc∞ (Ω). On multiplie (13.1.1) par v puis on intègre sur Ω. En effectuant une
intégration par parties, on aboutit à
d Z Z Z
u(t, x)v(x) dx + ∇u(t, x) · ∇v(x) dx = f (t, x)v(x) dx,
dt Ω Ω Ω

qui a un sens pour toute fonction test v ∈ H01 (Ω). On note u(t) := u(t, x) de sorte que u
est une fonction définie sur R+ à valeurs dans H01 (Ω). Avec cette notation, on obtient la
formulation variationnelle suivante pour (13.1.1).



 Trouver u : t ∈ R+ → H01 (Ω) telle que


 d
(u(t), v)L2 (Ω) + a(u(t), v) = (f (t), v)L2 (Ω) , ∀ t ∈ R∗+ , ∀ v ∈ H01 (Ω),




dt
u(t = 0) = u0 ,


(13.1.2)
où a(·, ·) est la forme bilinéaire définie sur H 1 (Ω) par
Z
a(u, v) := ∇u · ∇v dx.

Il est nécessaire de préciser la régularité de la solution en temps, pour cela on introduit


des espaces de solutions prenant en compte la variable de temps et la variable d’espace.
Notation 13.1.1. Pour (X, || · k) un espace de Banach on note C k ([0, T ]; X) l’espace des
fonctions k-fois continûment dérivables de [0, T ] à valeurs dans X. L’espace C k ([0, T ]; X)
126 Chapitre 13 : Problèmes paraboliques

est un espace de Banach muni de la norme


k
!
X di v
kvkC k ([0,T ];X) := sup i (t) .

i=0 0≤t≤T dt X

On note L2 ([0, T ]; X) l’espace des fonctions v telles que l’application t 7→ kv(t)kX est de
carré intégrable sur [0, T ], i.e.
Z T !1/2
kvkL2 ([0,T ];X) := kv(t)k2X dt < ∞.
0

Muni de la norme k·kL2 ([0,T ];X) ainsi définie, l’espace L2 ([0, T ]; X) est un espace de Banach.
De plus, si (X, (·, ·)X ) est un espace de Hilbert, alors L2 ([0, T ]; X) est un espace de Hilbert
muni du produit scalaire
Z T
(u, v)L2 ([0,T ];X) := (u(t), v(t))X dt.
0

En particulier, si X = L2 (Ω) on a l’identification L2 ([0, T ]; L2 (Ω)) = L2 ([0, T ] × Ω).


Comme dans le cas des problèmes elliptiques, on va considérer un problème variation-
nel plus général que (13.1.2). Pour cela, soient (V, (·, ·)V ) et (H, (·, ·)H ) deux espaces de
Hilbert réel tels que V ⊂ H. Soient a(·, ·) une forme bilinéaire sur V , T > 0, u0 ∈ H et
f ∈ L2 (]0, T [; H). Alors, on considère la formulation variationnelle



 Trouver u : t ∈ R+ → V telle que


 d
(u(t), v)H + a(u(t), v) = (f (t), v)H , ∀ t ∈]0, T [, ∀ v ∈ V, (13.1.3)




dt
u(t = 0) = u0 .

Théorème 13.1.2 (Existence et unicité). Soient (V, (·, ·)V ) et (H, (·, ·)H ) deux espaces
de Hilbert réels tels que
(
V ⊂ H avec injection compacte,
V est dense dans H.

Soit a(·, ·) une forme bilinéaire continue, coercive et symétrique sur V . Soient T > 0,
u0 ∈ H et f ∈ L2 (]0, T [; H). Alors, la formulation variationnelle (13.1.3) admet une
unique solution u ∈ L2 (]0, T [; V ) ∩ C([0, T ]; H). De plus, il existe une constante c > 0
telle que  
kukL2 (]0,T [;V ) + kukC([0,T ];H) ≤ c ku0 kH + kf kL2 (]0,T [;H) .
Autrement dit, le problème (13.1.3) est bien posé au sens d’Hadamard.
Démonstration. On donne seulement une idée de la démonstration, pour une démonstra-
tion complète on renvoie à [1].
D’après le Théorème 12.2.2, il existe une base hilbertienne (uk )k≥1 de H telle que,
pour tout k ≥ 1,
uk ∈ V et a(uk , v) = λk (uk , v)H , ∀ v ∈ V. (13.1.4)
13.1 Formulation variationnelle 127

Pour tout k ≥ 1, on pose


αk (t) := (u(t), uk )H ∈ C([0, T ]), αk0 = (u0 , uk )H , (13.1.5)
et
βk (t) := (f (t), uk )H ∈ L2 (]0, T [). (13.1.6)
D’après la Remarque 12.1.5 et la notation (13.1.5), si u(t) ∈ H pour tout t ∈ [0, T ],
alors u(t) admet pour décomposition
X
∀ t ∈ [0, T ] , u(t) = αk (t) uk . (13.1.7)
k≥1

Supposons que u est solution de (13.1.3). On prend pour fonction test v = uk , où k ≥ 1.


Alors, on obtient
d
(u(t), uk )H + a(u(t), uk ) = (f (t), uk )H .
dt
D’après (13.1.5) et (13.1.6), on en déduit
αk0 (t) + λk αk (t) = βk (t).
De plus, la condition initiale de (13.1.3) et la notation (13.1.5) entraînent
αk (t = 0) = αk0 .
Autrement dit, chaque αk est solution d’une e.d.o. du premier ordre. On en déduit l’ex-
pression exacte de αk :
Z t
∀ t ∈ [0, T ], αk (t) = αk0 e−λk t + βk (s)e−λk (t−s) ds. (13.1.8)
0
Ainsi, si u est solution de (13.1.3) alors u est donnée par (13.1.7) avec αk donné par (13.1.8)
donc, en particulier, est unique. La démonstration complète consiste à justifier que la
série (13.1.7) converge.
En appliquant le Théorème 13.1.2 avec H := L2 (Ω), V := H01 (Ω) et a(·, ·) la forme
bilinéaire définie sur V par
Z
a(u, v) := ∇u · ∇v dx,

on obtient le résultat d’existence et d’unicité d’une solution faible pour l’équation de la
chaleur :
Théorème 13.1.3. Soient Ω un ouvert borné régulier de classe C 1 de Rd . Soient T > 0,
u0 ∈ L2 (Ω) et f ∈ L2 (]0, T [; L2 (Ω)). Alors, l’équation de la chaleur (13.1.1) admet
une unique solution faible u ∈ L2 (]0, T [; H01 (Ω)) ∩ C([0, T ]; L2 (Ω)). De plus, il existe une
constante c > 0 telle que
Z Z tZ Z Z tZ 
2 2 2 2
|u(t, x)| dx + |∇u(s, x)| dxds ≤ c |u0 (x)| dx + |f (s, x)| dxds .
Ω 0 Ω Ω 0 Ω
On donne, sans démonstration, un résultat qualitatif sur la régularité de la solution
de l’équation de la chaleur (voir [1]).
Proposition 13.1.4 (Effet régularisant). Soit Ω un ouvert borné régulier de classe C ∞
de Rd . Soient T > 0, u0 ∈ L2 (Ω) et f = 0. Alors, pour tout ε > 0„ l’unique solution faible
de (13.1.1) est de classe C ∞ en temps et en espace dans [ε, T ] × Ω.
128 Chapitre 13 : Problèmes paraboliques

13.2 Résolution numérique par éléments finis


La résolution numérique des problèmes paraboliques sous la forme (13.1.3) se fait
en deux étapes. On effectue d’abord une discrétisation par éléments finis en la variable
d’espace. On aboutit ainsi à une e.d.o. en temps que l’on discrétise par différences finies.
Avec les notations de la section précédente, soit Vh un sous-espace de dimension finie N
de V . On s’intéresse à la discrétisation du problème variationnel (13.1.3), i.e.



 Trouver u : t ∈ R+ → V telle que


 d
(u(t), v)H + a(u(t), v) = (f (t), v)H , ∀ t ∈]0, T [, ∀ v ∈ V,




dt
u(t = 0) = u0 .

En considérant l’espace discret Vh , on obtient le problème variationnel discret suivant :





 Trouver uh : t ∈ R+ → Vh telle que


 d
(uh (t), vh )H + a(uh (t), vh ) = (f (t), vh )H , ∀ t ∈]0, T [, ∀ vh ∈ Vh ,




dt
uh (t = 0) = u0,h ,


(13.2.1)
où u0,h ∈ Vh est une approximation de u0 . Soit {φi }i=1,...,N une base de Vh . Alors, pour
tout t ∈]0, T [, uh (t) et u0,h admettent pour développements
N N
Uhj (t) φj j
X X
uh (t) = et u0,h = U0,h φj , (13.2.2)
j=1 j=1

avec Uhj (t), U0,h


j
∈ R pour tout j = 1, . . . , N . Avec ces développements, (13.2.1) s’écrit
j
Uhj : t ∈ R+ → R et U0,h


 Trouver ∈ R, j = 1, . . . , N tels que


N
dUhj N


 X
a(φj , φi )Uhj (t) = (f (t), φi )H ,
X
(φj , φi )H (t) + ∀ t ∈]0, T [, ∀ i = 1, . . . , N,


 j=1 dt j=1



 i i
Uh (t = 0) = U0,h , ∀ i = 1, . . . , N.
(13.2.3)
On pose Uh (t) := (Uh1 (t), . . . , UhN (t))T ∈ RN et U0,h := (U0,h
1 N T
, . . . , U0,h ) ∈ RN . Alors (13.2.3)
est équivalent au système d’e.d.o.

 Mh Uh0 (t) + Kh Uh (t) = bh (t), ∀ t ∈]0, T [,
(13.2.4)
 Uh (t = 0) = U0,h ,
où Mh , Kh ∈ RN ×N et bh ∈ RN sont donnés par
(Mh )ij := (φi , φj )H , (Kh )ij := a(φi , φj ) et (bh (t))i := (f (t), φi )H .
Autrement dit, Kh et Mh correspondent aux matrices de rigidité et de masse rencontrées
dans la résolution numérique des problèmes elliptiques dans le cadre général et dans le
cadre spectral. On obtient un premier résultat de convergence pour la semi-discrétisation
en espace de l’équation de la chaleur (13.1.1) :
13.2 Résolution numérique par éléments finis 129

Proposition 13.2.1. Soient Ω un ouvert polyédrique de Rd et (Th )h>0 une suite de


maillages triangulaires réguliers de Ω. Soit V0h l’espace de discrétisation de H01 (Ω) défini
par la méthode des éléments finis Pk , k ≥ 1, de dimension N . Soient f ∈ L2 (]0, 1[; L2 (Ω)),
u0 ∈ H01 (Ω) et u ∈ L2 (]0, T [; H01 (Ω)) ∩ C([0, T ]; L2 (Ω)) l’unique solution faible de (13.1.1).
Soit uh donné par (13.2.2) avec Uh la solution de (13.2.4). On suppose
lim ku0,h − u0 kL2 (Ω) = 0,
h→0

alors on a
lim ku − uh kL2 (]0,T [;H01 (Ω)) = lim ku − uh kC([0,T ];L2 (Ω)) = 0.
h→0 h→0

Il reste maintenant à discrétiser (13.2.4) pour la variable en temps par un schéma aux
différences finies. On suppose dans la suite bh ∈ C([0, T ]). Soient NT ∈ N et ∆t := T /NT .
On pose
∀ n ∈ {0, . . . , NT }, tn := n∆t.
On considère l’approximation Uhn de Uh (tn ) définie par le θ-schéma :
Uhn+1 − Uhn  
Mh + Kh θUhn+1 + (1 − θ)Uhn = θb(tn+1 ) + (1 − θ)b(tn ),
∆t
ce qui donne
(Mh + θ ∆t Kh ) Uhn+1 = (Mh − (1 − θ) ∆t Kh ) Uhn + ∆t(θb(tn+1 ) + (1 − θ)b(tn )). (13.2.5)
Définition 13.2.2. Un schéma aux différences finies de (13.2.4) est dit stable s’il existe
une constante c > 0 indépendante de ∆t et h telle que
∀ n ∈ {0, . . . , NT }, Mh Uhn · Uhn ≤ c.
Lemme 13.2.3 (Stabilité du schéma). Si 1/2 ≤ θ ≤ 1, le θ-schéma (13.2.5) est incondi-
tionnellement stable. Si 0 ≤ θ < 1/2, le θ-schéma (13.2.5) est stable sous la condition CF L
2
max (λi ∆t) ≤ , (13.2.6)
1≤i≤N 1 − 2θ
où les λi , 1 ≤ i ≤ N , sont les valeurs propres de KU = λMU .
Démonstration. Voir [1].
On a alors le résultat de convergence suivant (voir [12]) :
Théorème 13.2.4. Soient Ω un ouvert polyédrique de Rd et (Th )h>0 une suite de maillages
triangulaires réguliers de Ω. Soit V0h l’espace de discrétisation de H01 (Ω) défini par la
méthode des éléments finis Pk , k ≥ 1, de dimension N . Soient T > 0, f ∈ L2 (]0, 1[; L2 (Ω)),
u0 ∈ H01 (Ω) et u l’unique solution faible de (13.1.1) supposée “suffisamment régulière”.
Soit uh la solution de (13.2.5). On suppose
lim ku0,h − u0 kL2 (Ω) = 0,
h→0

et que h et ∆t tendent vers 0 en vérifiant (13.2.6) si 0 ≤ θ < 1/2. Alors, on a


lim max ku(tn ) − unh kL2 (Ω) = 0.
h→0,∆t→0 0≤n≤NT
130 Chapitre 13 : Problèmes paraboliques
BIBLIOGRAPHIE 131

Bibliographie

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