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2018 Reix Extraits

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Robert REIX, un fondateur de la discipline SI en France

par Bernard Fallery , Florence Rodhain


Introduction

Les nombreuses citations des publications de R. Reix dans les revues scientifiques françaises
donnent une première idée de l'impact de sa contribution à la discipline des systèmes d'information
(SI) :

- pour le numéro spécial de ses 40 ans, la Revue Française de Gestion a classé vingt articles comme
ayant été les plus cités dans la littérature en management depuis 1975, dont celui de R. Reix (1990)
« L’impact organisationnel des nouvelles technologies de l’information » ;

- pour le numéro spécial des ses 20 ans, la revue Systèmes d'Information et Management a
intégralement re-publié les cinq articles qui ont été les plus cités depuis 1996, dont celui co-écrit par
R. Reix « 25 ans de recherche en Systèmes d’Information » (Desq et al. 2002) ;

- l'analyse bibliométrique des articles de la revue SIM sur 1996-2016 classe R. Reix en tête de la
liste des auteurs cités ; 59 % des chercheurs qui ont répondu une enquête en 2017, proposée en
cours de conférence AIM pour identifier les grands auteurs de la discipline, ont cité Robert Reix
comme un auteur important.

Ayant relu l'ensemble de ses publications pour rédiger ce chapitre, il nous semble que cet impact est
n'est pas étranger à deux volontés qui ont toujours animé R. Reix dans son travail :

- d'abord sa volonté de définir une problématique générale pour le management des systèmes
d'information (MSI), laquelle doit toujours relier les pratiques (information, décision,
connaissances, communication) aux formes d'organisation (dans une équipe, dans l'entreprise, dans
un réseau). Pour ses travaux de recherche, on verra plus loin que l'on pourrait résumer ainsi sa
propre problématique : quelles sont les formes d'organisation qui peuvent favoriser la capacité à
décider, la capacité à s'informer, la capacité à réagir ?

- ensuite sa volonté de revenir constamment sur la définition des concepts importants de la


discipline. Les dix-neuf ouvrages et les plus de quarante articles qu'il a publiés ont certes contribué
à former toute une génération, mais ils ont aussi transmis une exigence de réflexivité sur les
pratiques de chercheurs : sans compter les sept éditions de son ouvrage principal, on verra que six
de ses travaux publiés sont consacrés à l'analyse historique et conceptuelle du champ de recherche
en SI.

En guise d’introduction à cette œuvre, nous présentons d'abord les fondements du cadre d'analyse

1
général proposé par R. Reix pour les systèmes d'information, articulant les Besoins/Ressources en
capacités d'organisation, (I) puis ses trois contributions majeures : sur la capacité d'organisation, sur
la flexibilité et sur les concepts de la discipline S.I. (II). Nous discutons ensuite les prolongements
conceptuels et méthodologiques déjà acquis (III) et les approfondissements encore possibles (IV),
avec en exemple les concepts d'agilité et d'urbanisation des S.I.

Notice biographique

Passé par l'Ecole Normale d'instituteurs puis par l'ENS de Cachan, Robert Reix sort major en I965
de la nouvelle agrégation de l’enseignement secondaire en Sciences Economiques et Gestion. Ce
«hussard noir de la République», surnom donné aux instituteurs sous la IIIe République et qu'il
affectionnait particulièrement, est d'abord nommé à Saint-Etienne, il intègre ensuite le nouvel IUT
de Montpellier, dont il dirigera le département d'informatique. Il soutient sa thèse d'Etat puis sa
thèse complémentaire et il est reçu à la nouvelle agrégation du supérieur en 1976. Nommé
professeur des universités, il transforme alors le diplôme de l'IPA (Institut de Préparation aux
Affaires) pour créer l'IAE de Montpellier, dont il assurera la direction et le développement pendant
plus de dix années.

Robert Reix aura marqué la discipline des S.I., dont il a été en France un des pionniers. Dès 1976 il
crée l'équipe de recherche du CREGO qu'il développera pendant quinze ans. Il a dirigé vingt-huit
thèses et parrainé dix HDR. Il a publié les manuels incontournables de la discipline. Il est un des
fondateurs de l'association scientifique AIM en 1991 et de la revue SIM Systèmes d'Information et
Management en 1996. Il a soutenu la création de l'option Systèmes d'information à l'agrégation du
supérieur, concours dont il assurera la présidence en 1999.

Robert Reix nous a quittés prématurément en 2006.

Partie 1. Le fondement des travaux de Robert Reix : le modèle des Besoins/Ressources en


capacités d'organisation

Quelles sont les formes d'organisation qui peuvent favoriser la capacité à décider, à s'informer et à
réagir ? R. Reix a développé cette problématique générale à de multiples niveaux (depuis la
planification stratégique... jusqu'à la construction d'un site de e-commerce) et pour mesurer la
pertinence de ce questionnement sur l'articulation Capacités/Formes structurelles, il suffit de penser
aux problématiques actuelles sur le développement de l'analyse des Big Data (nouvelles capacités à
décider/nouvelles formes d'intermédiation), sur l'extension du Cloud computing (nouvelles
capacités à gérer les données/nouvelles formes d'externalisation) ou sur les impacts du Web Social

2
(nouvelles capacités à réagir/nouvelles formes de coordination).

L'approche de départ de R. Reix repose clairement sur les bases de l'analyse systémique (Ashby,
1956), à partir desquelles il a pu intégrer les problématiques d'organisation issues de ce qu'on
appelait alors la théorie de la firme (Marchesnay, 1973).

La première référence intellectuelle importante est le « principe de variété requise » énoncé par W.
Ashby (1956) dans le cadre de la cybernétique, la science des systèmes commandés : la commande
d’un système exige que les variables de commande du pilote (par exemple les dates et les quantités
de commandes pour un gestionnaire de stock) permettent une plus grande variété de comportements
que celle des états du système commandé (ici le niveau du stock) : il y aurait perte de contrôle si la
variété du système commandé (ici la qualité des marchandises) dépassait celle du centre de
commande. Bien adaptée à l’étude des automates, la cybernétique ne semble pas a priori appropriée
pour une organisation, système complexe, ouvert sur l'environnement, et où l’on ne communique
pas uniquement pour commander (Dupuy 2007). Pourtant, et même si le titre de sa thèse (La
capacité de commande de la firme, 1975) pourrait sembler proche des systèmes commandés, on
verra que le travail conceptuel de R. Reix a justement été de traduire la question de la cybernétique
« quelles sont les variables de commande nécessaires pour assurer la régulation d'un système
commandé ? » sous la forme (résumée ici par nous-mêmes) « quelles sont les capacités nécessaires
dans une organisation pour assurer une gestion interne et une adaptation à l'environnement ?». En
traduisant par exemple le concept systémique central de feed-back, on permet une compréhension
des communications nécessaires entre les différents niveaux hiérarchiques dans une organisation
(par le reporting et/ou la transparence) ou entre les différents sous-systèmes de l’organisation (par
l’intégration et/ou la différenciation). En traduisant, autre exemple, le principe systémique de
décomposition en sous-systèmes, on permet la compréhension dans une organisation de la
subsidiarité nécessaire (en laissant le contrôle local à ceux qui ont la meilleure connaissance des
environnements d'action et la meilleure perception de ce qu'il convient de faire).

La deuxième référence importante pour R. Reix est le champ académique des structures
organisationnelles et dans ses premiers travaux il cite notamment Chandler (1972), Alchian et
Demsetz (1972), Marchesnay (1973). Il retient de W. Chandler que « l'analyse historique de
l'évolution des grandes entreprises montre que l'organisation (au sens d'une structure d'information
et de décision) est fonction de la politique retenue ». Pour A. Alchian et H. Demsetz « la firme est
un marché privé, à l’intérieur duquel existe une compétition entre facteurs de production (capital,
travail, finance), l’intérêt d'un facteur quelconque y est alors évalué par sa contribution à un certain
flux de services potentiels ». Pour M. Marchesnay « une analyse des capacités n'est pas une analyse
des facteurs (ressources matérielles, humaines, financières), mais plus proprement des flux de
3
services nécessaires pour assurer la combinaison des facteurs au sein des cellules de
l'organisation ».

R. Reix (1973, page 37) explique alors que « la question principale devient la suivante : étant donné
un e politique (caractérisée, comme le souligne A. Chandler, par une planification et une mise
exécution des plans d'expansion), quelle doit être la forme d'organisation qui permet de la réaliser ?
Ce qui, transposé au plan de l'analyse en capacités, veut dire : quels sont les besoins en capacité
d'organisation rendus nécessaires par la programmation des objectifs constitutifs de la politique
choisie » ?

Après avoir beaucoup travaillé sur la théorie des équipes (Marschak, 1960) et la théorie des
systèmes hiérarchisés dans les processus industriels (Mesarovic, 1970), R. Reix reconnaît que les
tentatives de formaliser et d'optimiser mathématiquement cette articulation capacités/formes
structurelles se heurte à un problème de définition des fonctions-objectifs et des coûts
d'information. En effet « un message n'est pas une information, laquelle dépend de l'utilité ; la
valeur d'un message dépend non seulement des objectifs, mais aussi de l'ensemble des informations
reçues » (Reix, 1973, page 40). Il propose alors « de rechercher d'une part quelles sont les variables
motrices des besoins en capacités d'organisation, d'autre part quels sont les comportements des
entreprises en ce qui concerne le développement de leurs ressources en capacités d'organisation » ;
« Cette double analyse Besoins/Ressources peut être l'amorce d'un modèle explicatif dans un
domaine où il apparaît particulièrement nécessaire ». On imagine alors sa satisfaction quand il aura
confirmation de l’intérêt de cette proposition à travers les modèles Besoins/Ressources proposés par
J. Galbraith (1977) puis par M. Tushman et D. Nadler (1978).

Ce modèle Besoins/Ressources sera aussi utilisé par exemple par R. Daft et R. Lengel R. (1986)
dans l'étude de la richesse des médias, ou par M. Bensaou et N. Venkatraman (1996) dans l'étude
des relations inter-organisationnelles (figure 1).

4
Figure 1. Le modèle Besoins/Ressources (in Bensaou et Venkatraman, 1996, page 88)

Partie 2. Les trois contributions majeures de Robert Reix

Cette volonté d'articuler les différentes formes de capacités nécessaires (capacité à décider, à
s'informer, à réagir...) avec les différentes formes d'organisations possibles (organisation des flux
informations/connaissances/décisions dans une équipe, une entreprise ou un réseau) amènera
d'abord R. Reix à définir le concept de capacité d'organisation (1) puis à redéfinir le concept de
flexibilité (2). Mais cette problématique l’amènera aussi, tout au long de sa carrière, à revisiter un
nombre impressionnant de concepts qui ont jalonné trente ans de recherche en systèmes
d'information (3).

2.1. LA DEFINITION DU CONCEPT DE CAPACITÉ D'ORGANISATION

Définie par R. Reix en 1973, la capacité d'organisation n'est ni une ressource tangible ou intangible
au sens d'un facteur de production, ni une compétence organisationnelle au sens d'un savoir-faire
spécifique, c'est une aptitude de l’organisation (ability, capability) que l'on pourrait décrire comme
étant à la fois un pouvoir-faire, un pouvoir-fournir et un pouvoir-organiser :

- dans sa dimension pilotage, la capacité d'organisation est un pouvoir-faire, une aptitude à générer
ou diriger une séquence d’actions. C'est une capacité de commande, une capacité requise, aussi bien
au niveau opérationnel (Paché et Paraporanis, 2006) qu'au niveau le plus stratégique (M.
Marchesnay et al., 2006) ;

- dans sa dimension processus, la capacité d'organisation est un pouvoir-fournir, une aptitude à


assurer des flux de services nécessaires à l'organisation. (Reix 1973, page 48) : « Les capacités,

5
caractérisées par la nature des flux de services assurés, permettent d'évaluer le potentiel de la firme,
son aptitude à fournir ces flux de services à un niveau donné, pour se conduire et s'adapter dans un
environnement évolutif » ; « La sous-capacité de décision correspond aux services fournis par les
responsables de tous niveaux. La sous-capacité d'information correspond en externe aux capacités
de veille/diffusion et en interne aux capacités de coordination et d'innovation » ;

- dans sa dimension structurelle, la capacité d'organisation est un pouvoir-organiser, une aptitude à


gérer les relations information/décision/communication. (Reix 1973, page 50) : « Les capacités sont
insérées dans une structure statique de règles de communication et dans une structure dynamique de
processus d'action. Les modèles de décision définissent par exemple des relations d'autorité ou
d'influence, caractéristiques de la structure ».

On retrouvera par exemple ces trois dimensions de la capacité d'organisation dans le travail de
Kusunoki et al. (1998) : les capacités locales, les capacités procédurales et les capacités
architecturales.

La capacité d'organisation est ainsi un concept à la fois précurseur et complémentaire de différents


concepts de capacité développés ultérieurement dans la littérature en sciences de gestion :

- on appelle « capacités organisationnelles » (Prahalad et Hamel, 1990), celles qui sont fondées sur
un savoir-agir : la combinaison spécifique de Ressources/Compétences à travers différents
processus de création de valeur (Renard et St Amant, 2003 ; Loufrani-Fedida 2006) ;

- on appelle « capacités dynamiques » (Teece et al., 1997), celles qui sont fondées sur un savoir-
s'adapter : la gestion par apprentissage pour s'adapter à l'environnement (Renard et Soparnot,
2010) ;

- on appelle « capacités d'absorption » (Cohen et Levinthal 1990), celles qui sont fondées sur un
savoir-apprendre : les routines et processus qui permettent de tirer parti d'une connaissance et
développer une innovation (Noblet et Simon 2010) ;

- quant à la « capacité d'organisation » définie par R. Reix dès 1973, on a vu qu'elle est fondée sur
u n pouvoir-agir : pouvoir-faire (besoin en variables de commande), pouvoir-fournir (habilité à
servir les flux nécessaires à différents processus) et pouvoir-organiser (capacité en combinaison des
ressources).

La capacité d'organisation est alors un facteur explicatif à différents niveaux de la performance :


capacité d'organisation stratégique (Reix, 1987), capacité d'organisation des utilisateurs (Reix,
1995) ou capacité d'organisation des T.I. (Reix, 2006). Par exemple : «La capacité TI est délivrée
par une infrastructure technologique (serveurs, réseaux) et immatérielle (compétences techniques et

6
managériales) correspond à un ensemble de services demandés et partageables : gestion des
réseaux, fourniture des puissances de traitement nécessaires, possibilités d’utilisation des bases de
données, gestion des logiciels et des standards, méthodologies de conception et de développement,
veille technologique dans le domaine des TI... » (Reix 2006, page 1472). Si l'on peut reconnaître
dans cette capacité TI une des bases des référentiels de bonnes pratiques de type CMMI (Capability
Maturity Model Integration (Cigref, 2009), R. Reix ajoute : « La capacité TI effective (et non
seulement potentielle) repose sur la combinaison adéquate de trois ensembles de ressources :
l’infrastructure technologique, le portefeuille d’applications, les compétences des utilisateurs issues
d'apprentissages individuels et collectifs » (page 1473).

2.2 LA REDEFINITION DU CONCEPT DE FLEXIBILITE : CAPACITÉ À REAGIR,


CAPACITÉ À S'ADAPTER

On ne comprendrait pas l'originalité de la redéfinition de la flexibilité par R. Reix, si on ne la voyait


pas comme l'application de son concept général de capacité d'organisation :

« 1) la flexibilité est un moyen de faire face à l’incertitude; 2) elle traduit l’aptitude de l’entreprise
à répondre à des conditions nouvelles, à développer une capacité d’apprentissage en utilisant
l’information additionnelle; 3) elle peut s’exprimer en termes d’étendue du champ potentiel des
décisions possibles ou en termes de facilité de changement d’un état; 4) sa valeur est assimilable à
une valeur d’option » (Reix 1977, page 104).

La flexibilité est bien ici une capacité d'organisation, au sens d'une variété possible des variables de
commande permettant à la fois (voir figure 2) :

- l'action sur les aptitudes organisationnelles requises pour réduire les temps et les coûts
d’ajustement (comportements, capacité à s’informer, capacité à réagir dans les temps par feed-back,
alerte ou anticipation) ;

- et l'action sur les ressources organisationnelles requises pour saisir des opportunités, en pouvant
recombiner l'état de ces ressources (slack, réaffectations, polyvalence, externalisation...) : « un état
présente un degré de flexibilité d'autant plus grand, qu'il est plus facile de le rapprocher d'un autre
état représentant un point d'une trajectoire optimale »;

Enfin l’objectif étant de limiter l'incertitude, la « valeur » de la flexibilité augmente en préservant


des options décisionnelles, en limitant les actions irréversibles : « une décision est d'autant plus
flexible, qu'elle autorise davantage de décisions ultérieures » (Reix 1977, page 106).

7
Figure 2. Les composantes d'une politique de flexibilité (Reix, 1977, page 107)

C'est cette conception duale de la flexibilité (d'une part des besoins en capacités d’organisation
favorisant l'information/décision/Communication et d'autre part des ressources en capacités
d’organisation permettant la contrôlabilité) qui permet alors de justifier les propositions de R. Reix
qui ont souvent été reprises dans la littérature académique et professionnelle :

- il faut prendre en compte deux niveaux de flexibilité, en attirant l'attention sur les difficultés de
leur articulation : la flexibilité opérationnelle correspond à des possibilités d’ajustement des tâches
en élargissant les modes de régulation, la flexibilité stratégique correspond à des possibilités de
modification d'activités en développant par apprentissage un potentiel d'aptitudes ;

- il faut faire la différence entre flexibilité visée (objectif délibéré) et flexibilité effective (résultat
dans le temps), en attirant l'attention sur le fait que la flexibilité tient certes à l'adéquation du design
organisationnel (ressources, règles, comportements) mais aussi aux comportements des clients et
des partenaires ;

- il faut considérer le rôle des TIC dans la flexibilité, en attirant l'attention sur le fait que ce rôle
consiste souvent à assurer des mécanismes de compensation entre structures formelles et
informelles (Reix, 1999). L'externalisation est par exemple un « évitement de capacité » qui garantit
une certaine flexibilité mais qui exige, en contrepartie, une évaluation sérieuse des possibilités
d’évolution offertes par les prestataires de services (outsourcing, facilities management, cloud
computing…).

Si l'on cherche un approfondissement de cette conception duale de la flexibilité dans la littérature

8
anglophone, on peut citer par exemple De Leeuw et Volberda (1996, page 131) : « Flexibilité, une
double perspective de contrôle... La flexibilité d'une organisation se mesure à la variété des
procédures réelles et potentielles, et à la rapidité avec laquelle elle peut mettre en œuvre ces
procédures, afin d'accroître la capacité de contrôle de l'encadrement et d'améliorer la contrôlabilité
de l'organisation et de l'environnement » ». La complémentarité des travaux de R. Reix et H.
Valberto a été bien analysée par M. Ahmed-Belbachir (2011).

2.3. LA RESTRUCTURATION DES CONCEPTS DE LA DISCIPLINE S.I.

On peut dater la naissance de la discipline académique des SI dans les années 70 : le premier
numéro de la revue MISQ (Management Information Systems Quaterly) paraît en 1977 et le premier
colloque ICIS (International Conference on Information Systems) se réunit trois ans plus tard. Les
contributions de R. Reix sur la capacité d'organisation et sur la flexibilité, fortement ancrées dans
les apports de l'analyse systémique, ont joué un rôle important en France en contribuant à faire
évoluer la problématique très ingénierique de départ (la conception et le développement de « bons »
systèmes) vers les problématiques plus contingentes de la stratégie (quelle création de valeur?) et du
contrôle des SI (quelle utilisation?).

Dans les années 80, deux programmes de recherche se différencient en France : celui de
l'informatique de gestion (le premier congrès INFORSID se réunit en 1976 avec les spécialistes de
la modélisation et de l'analyse-conception) et celui du MSI, le management des systèmes
d'information (en 1984, aux Journées des IAE, apparait une session réunissant les spécialistes du
contrôle et des usages des S.I.). A cette époque charnière, R. Reix a joué un rôle de premier plan car
ses nombreux ouvrages ont formé toute une génération à l'informatique appliquée à la gestion,
associant les dimensions nécessairement très techniques avec les dimensions complexes des
organisations humaines : Traitement des informations, 1980 ; Informatique appliquée à la
comptabilité et à la gestion, 1980 et 1985 ; Traitement des données, 1984 ; Bureautique et
télématique, 1986 ; L'entreprise et son informatique, 1990 et 1992 ; Analyse conceptuelle, 1995.

C'est en 1995 que paraît la première édition de « Systèmes d'information et Management », qui
deviendra l'ouvrage principal de R. Reix, ouvrage déjà réédité sept fois et qui continuera à être la
référence du domaine puisque B. Fallery, M. Kalika et F. Rowe (Reix et al. 2011, 2016) en assurent
aujourd'hui la mise à jour. Dans cet ouvrage comme dans ses articles scientifiques, R. Reix a
continuellement revisité et restructuré les concepts principaux de la discipline des SI :

- la problématique de la gestion stratégique des SI : depuis la stratégie générale jusqu'à la


performance de l'entreprise, en passant par la planification (Reix, 1986, 1987, 1990, 1992, 2002,
2006) ;

9
- la problématique de la conception des SI : depuis les méthodes de développement d'applications
jusqu'aux systèmes d'aide à la décision, en passant la gestion des savoirs tacites et formalisés (Reix,
1985, 1991, 1995, 1997, 1998) ;

- la problématique du contrôle et de l'animation des SI : depuis l'évaluation des systèmes


d'information jusqu'au choix des médias, en passant par les processus d'audit (Reix, 1987, 1997,
2002, 2003).

Partie 3. Le prolongement des contributions de Robert Reix

Il semble bien que ce serait aujourd'hui « politiquement incorrect » de ne pas passer sous les
fourches caudines de la bibliométrie pour apprécier le prolongement des contributions d'un
chercheur, et ceci malgré les dérives dont tout le monde semble maintenant conscient. Même le
quotidien Le Monde, septembre 2017, affichait en première page « Publier ou périr, une
malédiction pour la recherche » (Larousserie, 2017). Mais passons donc sous les fourches, au moins
celles de Scholar.google sinon celles du H-Index, pour constater qu'on a pu y recenser (uniquement
dans les articles scientifiques accessibles sur Internet, et donc sans compter de nombreux ouvrages
et de nombreuses thèses) un total de 603 citations de l'ouvrage « Systèmes d'information et
Management », 182 citations de l'article Reix (1995) « Savoir tacite et savoir formalisé dans
l'entreprise », 170 citations de trois contributions de R. Reix sur la flexibilité (1979, 1997, 1999),
etc...

La bibliométrie nous apprend donc au moins une chose : il apparaitrait presque incongru à un
chercheur francophone de réfléchir aux différentes dimensions du SI, au management des
connaissances ou aux problématiques de flexibilité, sans faire appel aux apports de R. Reix. On en
donnera un seul exemple : dans leur article « Flexibilité organisationnelle, complexité et profusion
conceptuelles », A. El Akremi, J. Igalens et C. Vicens (2004) sont amenés à citer treize fois ses
différents développements.

Au-delà de ces chiffres, et pour qualifier le contenu des prolongements du travail de R. Reix, on
peut sans doute mettre deux choses en avant : d’une part son appel à une redéfinition continuelle de
la notion de système d'information et d'autre part son appel à une complémentarité entre
déterminisme technologique et déterminisme organisationnel.

3.1. POUR UNE REDEFINITION CONTINUELLE DU CONCEPT DE SYSTÈME


D'INFORMATION

L'effort intellectuel pour redéfinir continuellement le concept de système d'information est un des
héritages transmis par R. Reix, lui-même nourri des principes de l'analyse systémique. L’analyse
systémique est certes une modélisation puissante, qui définit d’abord une frontière utile à la
10
modélisation puis décrit ensuite des interactions bouclées entre les éléments et avec l’extérieur.
Mais personne ne « verra » jamais un système digestif, un système économique... ou un système
d'information. Beaucoup de réalités existent sans avoir de substance concrète (aussi bien des
représentations, que d'ailleurs des réalités physiques ; Léonard de Vinci prenait l’exemple de la
surface de l’eau : elle existe bien, pourtant ce n’est pas une chose). Un système d’information existe
donc bien, même s’il n’est pas une « chose », et on peut (on doit) le modéliser suivant ses
différentes dimensions : informationnelle (données/représentations/décisions), organisationnelle
(processus/comportements/design) et technologique (structures/ingénierie/stratégies) (Reix et al.,
2011, 2016). C'est pourquoi constater plus de 600 citations de son ouvrage principal n'aurait pas
d’intérêt, si on oubliait que R. Reix a en fait constamment retravaillé cette définition du système
d'information :

 un SI est un objet à gérer, c'est « un ensemble organisé de ressources : matériel, logiciel,


personnel, données, procédures... permettant d’acquérir, de traiter, de stocker, de
communiquer des informations dans des organisations » (Reix, 1983) ; la problématique est
ici celle de l’efficience/efficacité ;

 un SI est un outil au service d'objectifs, c'est « un outil lié à la prise de décision, que ce soit
au niveau des opérations, à celui du pilotage ou à celui de la stratégie. Cet outil est utilisé
par des individus, géré dans des organisations, et il transforme la société » (Reix, 1995) ; la
problématique est ici celle des usages/impacts ;

 un SI est une arme stratégique, c'est « une arme au service d’une stratégie d’affaires
prédéfinie ou comme déterminant de stratégies originales, totalement nouvelles » (Reix
2006) ; la problématique est ici celle des stratégies/innovations ;

 un SI est un langage de représentations individuelles et collectives, c'est « un ensemble


d’acteurs sociaux qui mémorisent et transforment des représentations via des technologies
de l’information et des modes opératoires » (Reix et Rowe, 2002) ; la problématique est ici
celle des interactions/structurations.

Tout ce travail conceptuel s'est en plus enrichi d'une exigence constante de réflexivité sur la
discipline, puisqu'on peut compter pas moins de six travaux de R. Reix sur l'analyse historique et
conceptuelle du champ de recherche en systèmes d'information :

- Les systèmes d'information, lisibilité et pertinence d'un domaine de recherche, R. Reix,


Annales du management, 1992.

11
- Systèmes d'information: problématiques et paradigmes, R. Reix et B. Fallery, Actes de
la Journée de la Recherche en Gestion, Fnege, 1996.

- Système d'information: 1980-2000 le parcours d'un champ de recherche, S. Desq, B.


Fallery, R. Reix, F. Rodhain, Journées des IAE, Biarritz 2000.

- La recherche en systèmes d'information: de l'histoire au concept, R. Reix et F. Rowe,


Faire de la recherche en système d'information, Vuibert 2002.

- 25 ans de recherche en systèmes d'information, S. Desq, B. Fallery, R. Reix, F.


Rodhain, Systèmes d'information et Management, 2003.

- La spécificité de la recherche francophone en systèmes d'information , S. Desq, B.


Fallery R. Reix, F. Rodhain, Revue française de gestion, 2007.

Tableau 1. Les contributions de R. Reix à l'analyse du champ de recherche en S.I.

De ce point de vue, les prolongements se font (par exemple Rodhain et al., 2010) et ils continueront
à se faire en suivant une des leçons données : dans la « jeune » discipline des systèmes
d'information, l'effort de redéfinition continuelle des concepts est un travail qui doit allier à la fois la
rigueur scientifique et la pertinence nécessaire au vu des évolutions technologiques (Reix et Rowe
2002).

3.2. POUR UNE COMPLEMENTARITÉ ENTRE DÉTERMINISME TECHNOLOGIQUE ET


DÉTERMINISME ORGANISATIONNEL

Le prolongement des contributions de R. Reix s'est aussi fait, bien sûr, à travers toutes les thèses ou
HDR qu'il a dirigées et chaque année depuis 2001 le prix de thèse FNEGE-AIM ROBERT REIX
récompense chaque année la meilleure thèse en Systèmes d’Information. On dira ici qu'un des
héritages transmis est une exigence de réfléchir, pour tout travail de recherche en S.I., à notre
conception des relations Technologie/Organisation : dans une perspective du déterminisme
technologique et/ou dans celle du déterminisme organisationnel. « Soit la technologie est une force
exogène qui contraint l'organisation, c'est la logique de l'impact ; soit à l'inverse on suppose que
l'organisation est capable de choix, c'est la logique de l'utilisation et de l’adoption d'une technologie
en vue d'un objectif » Reix (1985, page 10).

Au niveau de l'ensemble de la discipline SI, Reix plaide clairement pour une complémentarité de
ces deux approches, car c'est le moyen d'améliorer l'aspect cumulatif de nos connaissances, lequel
est aujourd'hui beaucoup trop faible (Reix et Fallery 1996). Mais pour une recherche particulière
une réflexion doit toujours s'imposer à un chercheur ; il n'y a pas de réponse unique, mais « il est
toujours nécessaire d'observer très soigneusement les contextes des problèmes avant de choisir ou
12
de combiner les deux types de déterminismes » (Reix, 1985, page 15) :

- « le choix d'un des deux déterminismes peut s'imposer pour l'étude de certaines problématiques » ;

- « un déterminisme technologique aménagé est possible, pour tenir compte des caractéristiques de
la technologie mais en considérant que les contraintes et les ressources qu'elle apporte sont le
résultat d'un processus de construction spécifique à l'acteur » ;

- « il est possible d'intégrer les deux déterminismes dans une perspective d’« émergence », au cours
de laquelle des interactions sociales complexes donnent un résultat qui n'était pas prévisible ».

Une telle réflexion, sur le contexte et sur le sens des relations Technologie/Organisation, amène
ensuite des questions méthodologiques : analyse statique ou temporelle ? Théorie de la variance ou
théorie processuelle ? (Raymond 2002). Pour R. Reix (2003) « La question fondamentale qui est
alors posée est la suivante : peut-on espérer obtenir des modèles explicatifs pertinents d'un
processus, en utilisant des théories de la variance ? ». Sa réponse est négative, tout en reconnaissant
que pour les théories processuelles « nous sommes bien conscients des difficultés spécifiques à ce
type de démarche » et il renvoyait alors souvent au travail d'A. Langley (1999) : Strategies for
theorizing, from data process.

Partie 4. Les limites et approfondissements nécessaires

Même s'il pourrait paraître prétentieux de parler de limites à propos des contributions d'un grand
auteur, on peut se justifier en employant la formule consacrée qui clôt toutes les thèses en disant que
« ces limites apparaissent comme autant de perspectives ». Nous proposons de discuter les
perspectives du concept d'agilité et du concept d'urbanisation des S.I.

4.1. DE LA CAPACITÉ DE FLEXIBILITÉ À LA CAPACITÉ D'AGILITÉ ?

C'est par analogie avec des situations physiques qu'on emploie les termes de flexibilité ou d'agilité
pour des organisations, mais il faut se souvenir qu'on ne parle pas de l'agilité d'un élastique, ni de la
flexibilité d'un violoniste. Employer le terme agilité fait clairement référence à l'aptitude et à
l'objectif, alors qu'employer le terme de flexibilité fait plutôt une référence aux possibilités de
changement d'état. Or on a vu que l'apport de R. Reix a justement été d'associer ces deux
dimensions dans l'organisation : à la fois besoin de capacités (variété requise des variables de
commande) et ressources de capacités (pour assurer la contrôlabilité).

Aujourd'hui, et à l'inverse, le terme de flexibilité a été largement « pris en otage » dans les débats de
politiques économiques entre une vision idyllique des syndicats patronaux (dimension variété
requise totale : la flexibilité, c'est la condition de notre pouvoir d'action) et une vision
cauchemardesque des syndicats de salariés (dimension contrôlabilité totale : la flexibilité, c'est la

13
gestion de la ressource humaine par la précarisation).

Alors agilité et/ou flexibilité ? Est-il pertinent de conserver ces deux concepts, ou bien disent-ils la
même chose ? D'un point de vue académique, on dira :

- que les bases du concept de flexibilité organisationnelle sont d'abord théoriques. C'est un concept
multidimensionnel, ce qui a ses avantages et aussi ses inconvénients. Ainsi El Akremi et al. (2004,
page 24) font la revue des différentes définitions de la flexibilité : « … ce qui permet de mettre
I'accent sur l’ambiguïté du concept... De plus, le lien paradoxal entre le changement et la stabilité,
conditions nécessaires et inhérentes à la dynamique de la flexibilité, rend le concept
particulièrement complexe » . A l'opposé Maggi (2006, page 46) plaide pour une nouvelle approche
qui serait fondée par la variabilité : « La signification théorique de la flexibilité pose des problèmes
à l’étendue et à la clarté de la notion : son application à plusieurs domaines différents n’apparaît
possible qu’au travers des nombreuses qualifications ajoutées. Les opérationnalisations sont
plurielles, et semblent découler moins de la signification théorique la flexibilité que des différentes
mesures des formes et des temps du changement ».

- que les bases du concept d'agilité organisationnelle sont d'abord opérationnelles, ce qui a aussi ses
avantages et aussi ses inconvénients. Si aujourd'hui la revendication d'agilité est devenue
incontournable dans les supports de communication des grandes ou petites d'entreprises, c'est à
partir des années 90 que l'agilité a été promue comme un instrument de compétitivité aux USA par
l’AMEF (Agile Manufacturing Enterprise Forum) puis par l'Alliance agile (pour le développement
de logiciels). D'un point de vue théorique en revanche, A. Charbonnier-Voirin (2011), qui définit un
instrument de mesure de l’agilité, constate que : « L’engouement managérial dont bénéficie l’agilité
organisationnelle s’accompagne néanmoins d’une littérature relativement restreinte et fragmentée.
Certains auteurs déplorent l’insuffisante conceptualisation dont souffre le construit, source
d’ambiguïté quant à sa définition et ses composantes ». On peut voir, par exemple, les difficultés à
définir une agilité stratégique dans la thèse de H. Sqalli (2013).

R. Reix finit d'ailleurs lui-même par employer l'un ou l'autre terme, flexibilité ou agilité, mais à
condition, selon lui, d'en conserver toujours les deux dimensions (besoins en compétences,
ressources pour assurer la contrôlabilité), puisqu'il écrit « L’agilité traduit la capacité de détecter
puis de saisir les opportunités, en assemblant à la fois les actifs nécessaires, les connaissances et les
relations requises dans des délais limités » (Reix 2006). La capacité d'agilité, définie ainsi par R.
Reix comme une capacité à se reconfigurer pour gérer les opportunités, explique comment peuvent
se concilier les visions en termes de compétences distinctives ou d'avantages concurrentiels :
« Parce qu’elles constituent la base de compétences spécifiques sans cesse actualisées (processus
réassemblables sous des formes variées ; partage des expériences acquises), les TI sont une source
14
d’options stratégiques, qui confèrent ainsi à l’entreprise la possibilité de saisir et d’exploiter, dans le
futur, un plus grand nombre d’opportunités que ses concurrents » (Reix, 2006).

4.2. DE LA CAPACITÉ T.I. À L'URBANISATION DES S.I. ?

R. Reix a beaucoup travaillé la question de la planification des systèmes d'information, en séparant


deux grandes questions (Reix et al. 2016) :

- le Pourquoi, ou les objectifs du SI : le déroulement par étapes successives, depuis la définition


d’objectifs stratégiques et la construction d'un schéma directeur (horizon à 5ans) puis le portefeuille
de projets et le développement d'applications (horizon annuel) ;

- le Comment, ou les moyens du SI : la capacité TI, dans sa dimension d'architecture (infrastructure


matérielle et logicielle) et sa dimension de capacité humaine (climat général, formation, créativité).

Mais l'articulation entre les objectifs et les moyens est alors souvent reportée aux problèmes
« reconnus difficiles » (Reix, 2006) de cohérence et de gestion de co-alignements. Or dans la
pratique de la planification, ceci pose en fait deux types de problèmes :

- d'une part, comment assurer une déclinaison effective et valide entre le niveau du schéma
directeur adopté (un document d'une quinzaine de pages) et le niveau du portefeuille pluriannuel de
projets et d'applications (des documents détaillés de plusieurs centaines de pages) ?

- d'autre part, et à chaque niveau de la démarche de planification, comment assurer le lien par des
langages communs entre la direction, la maîtrise d'ouvrage, la maîtrise d'œuvre et les utilisateurs ?

C'est bien le concept d’urbanisation des S.I. (Longépé, 2009) qui apporte aujourd’hui de nouvelles
réponses pratiques à ces deux problèmes. Un peu comme dans une ville, les réorganisations du SI
sont permanentes mais on ne peut pas faire table rase, il faut évoluer en suivant des règles
d'urbanisme qui permettent de conserver le patrimoine : définir, par des modélisations à différents
niveaux, des blocs modulaires fortement cohérents mais qui soient à la fois faiblement couplés entre
eux. Pour modéliser ainsi le SI, il faut alors disposer de langages communs entre les acteurs
concernés et ceci passe essentiellement par l'usage de différentes modélisations cartographiques :
cartographie des métiers, des fonctions, des applications, des techniques. Ce sont ces différentes
outils de maquettage sont au coeur des ateliers d'urbanisation proposés sur le marché (Mega,
Aris...), dans lesquels les déclinaisons entre les différents niveaux sont alors bien spécifiées.

Or, et bien que R. Reix ait toujours insisté (1985, 1986) sur les concepts d'architecture d'information
et notamment sur l'idée de maquette organisationnelle (concepts développés par exemple dans la
thèse de J. Thévenot, 1985), il n'a pas eu l'occasion de participer à l'élaboration du concept
d'urbanisation qui est pourtant un prolongement pratique de ses apports sur la planification. Ce

15
prolongement vers l'urbanisation est d'ailleurs aujourd'hui assuré par les docteurs de la « troisième
génération », comme le montre la thèse de N. Dieudonné (2008). En considérant la définition
donnée par C. Longépé (2009, page 80) « La problématique [de l'urbanisation] consiste à rendre son
système d'information le plus réactif possible (c'est-à-dire capable d'évoluer rapidement pour
répondre aux nouvelles demandes) tout en préservant le patrimoine informationnel de l'entreprise »,
on voit bien les prolongements théoriques et pratiques qui sont encore à venir en croisant ce concept
d'urbanisation avec les concepts de capacité TI et de capacité d'agilité développés par Reix (2006
(page 1472) « La capacité TI effective (et non seulement potentielle) repose sur la combinaison
adéquate de trois ensembles de ressources : l’infrastructure technologique, le portefeuille
d’applications, les compétences spécifiques des utilisateurs issues du processus d’appropriation » et
« L’agilité traduit la capacité de détecter puis de saisir les opportunités, en assemblant à la fois les
actifs nécessaires, les connaissances et les relations requises dans des délais limités ».

Conclusion

Nous avons essayé, en quelques pages, de montrer pourquoi R. Reix est considéré par la
communauté francophone comme un « grand auteur » en SI, mais pour ceux qui l’ont connu à
Montpellier il a été aussi un « grand directeur ».

Il est toujours difficile, pour des anciens doctorants et collègues de Robert Reix, de l’évoquer sans
émotion, tant sa disparition subite qui date pourtant du 22 février 2006 semble encore fraîche. Il
exerçait alors encore une activité de recherche soutenue, malgré son départ à la retraite. Robert Reix
était exemplaire dans sa fonction de professeur émérite, il était entièrement disponible pour les
jeunes chercheurs, qui appréciaient ses conseils éclairés par une longue carrière et le recul qui
l’accompagne. Cette grande disponibilité était associée à la discrétion. Après avoir « exercé le
pouvoir » pendant de longs mandats, Robert Reix a su céder sa place en toute sérénité. Cette
sagesse dans la reconversion a marqué les esprits, et explique, entre autres, le désarroi qu’a causé sa
perte. Sa présence nous manque toujours aujourd’hui.

Ses doctorants ont beaucoup appris à son contact. Robert Reix était exigent, être son élève n’était
pas de tout repos, mais lorsque l’on parvenait à obtenir sa reconnaissance, alors son soutien de
« bon père protecteur » était définitivement acquis. Le modèle de la recherche a bien sûr beaucoup
changé depuis la disparition de Robert Reix. La publication à tout prix n’était pas recherchée
comme aujourd'hui et lors de la direction de thèse, par exemple, il ne voyait pas d'un très bon œil
que ses doctorants participent à des conférences ou cherchent à publier. Il n’était pas question de
présenter une recherche en cours, encore approximative. Cela reflète l’importance qu’il attribuait à
la rigueur intellectuelle, mais aussi à la soutenance de thèse, véritable rite de passage après lequel
seulement il nous incitait à passer au tutoiement. A sa façon, Robert Reix était un mandarin, qui
16
imposait le respect, non pas par un pouvoir personnel excessif, mais par le pouvoir de la
connaissance et le respect de la connaissance.

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Robert Reix, articles et chapitres cités


(on trouvera la plupart de ces articles sur le site SietManagement.fr)

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