Théâtre Classique
Théâtre Classique
Théâtre Classique
1
remettent en cause la suprématie du discours. L’intérêt apporté à la
représentation met en relief le rôle du metteur en scène, qui apparait comme le
maitre d’œuvre des nouvelles créations théâtrales.
2
• Une fonction didactique : instruire et transmettre des idées, une
philosophie de la vie, etc….
• Une fonction « cathartique » : purifier, par l’intermédiaire des émotions
ressenties, le spectateur de ces tensions et de ces mauvaises passions.
3
des Actes sans paroles qui ne comportent plus que des didascalies. Ainsi le rôle
prépondérant dans le théâtre du XIXe siècle est accordé aux objets et aux corps.
La double énonciation
Le texte théâtral se caractérise par la double énonciation à travers les
échanges entre les personnages, l’auteur s’adresse aussi au spectateur. La double
énonciation s’applique également au quiproquo (malentendu comique, le
spectateur connaissent ce qu’ignore le personnage). Au l’ironie tragique (la
méprise tragique), (le héros tragique ne connait pas la menace qui pèse sur lui
et dont le spectateur est informé).
4
Les phrases de l’action dramatique
5. La représentation théâtrale
L’illusion théâtrale (l’illusion du réel) :
L’illusion théâtrale repose sur des conventions admises par tous les
partenaires contribuant à faire réussir la pièce théâtrale de sa présentation.
L’œuvre théâtrale est une création collective et incarné parce qu’elle nécessite la
collaboration à la fois de l’auteur, du metteur en scène, des acteurs et du public.
Tous concurrent à authentifier un fait fictif, purement illusoire.
Certaines formes de l’échange théâtral telles, le récit, la tirade, le monologue,
l’aparté sont également des conventions : on ne parle pas ainsi dans la vie réelle,
5
le dénouement, lui aussi, peut faire appel à divers artifices (factices) comme le
procédé deux ex machina.
Des éléments visuels et sonores contribuent à accentuer ou à déjeuner
l’illusion théâtrale.
Les éléments visuels :
Lors de la présentation, en plus des répliques, le lieu scénique, le décor, les
accessoires, les costumes, les gestes et les
Le lieu scénique : peut-être une scène ouverte visant le rapprochement des
acteurs, des spectateurs au moment où le théâtre à l’italienne laissé par en
séparant la scène de la salle par un rideau et une rampe lumineuse favorisant
ainsi l’illusion théâtrale.
❖ Au théâtre, l’espace est double. L’espace scénique (l’espace réel) et
l’espace dramatique (l’espace fictif).
❖ Les décors, les accessoires et les costumes créent une atmosphère et ont
souvent une valeur symbolique.
❖ Les gestes, les mimiques, les déplacements des personnages constituent
un langage visuel qui confirme, nuance ou contredit les paroles échangées
6
rampe à gaz modifient les conditions et des représentations. C’est aussi à cette
époque qui développe la mise en scène. Au XIX e siècle, le décor, les objets, les
corps, prennent une importance nouvelle dans la représentation théâtrale, en
raison de la mise en question du langage.
7
L’histoire littéraire situe le classicisme dans la seconde moitié du XVII
siècle. Le classicisme qui nait de la période baroque doit il garde des traces
correspond au règne du roi Louis XIV (1661-1715). Les règles esthétiques qui se
mettent en place dès les années 1630, sous louis XIII et Richelieu entretiennent
un lien étroit avec les changements politiques et sociaux de l’époque,
centralisation du pouvoir royal, émergence d’une classe bourgeoise qui met en
question le pouvoir de l’Aristocratie.
La puissance monarchique se construit elle-même comme un spectacle
permettant qui doit donner avoir le rayonnement de la figue « roi de soleil ».
Le théâtre, genre jusqu’à lors peut estimer, devient le lieu privilégié ou se ment
en place l’esthétique classique.
L’idéal classique tel qu’il révèle dans les œuvres et dans les théories
comporte deux éléments : l’ordre et la raison qui définissent des codifications
précises. La raison, synonyme de bon sens, est à la base de cette conception.
L’œuvre ne doit pas s’écarter de ce qui est raisonnable et vraisemblable.
Cette vraisemblance, en fonction de laquelle on représente ce que les choses
« doivent être » plus que ce qu’ils sont, primes sur le vrai, comme le souligne
Boileau dans son Art poétique.
Pour l’écrivain classique, l’écriture, fruit d’un travail constant, révèle une
étroite adéquation entre la clarté de la pensée et celle de l’expression et évite
tout excès.
Le classicisme désigne une forme de pensée ou d’art sobre et rigoureux et
toute forme de référence culturelle susceptible et demeure au-delà de son époque
historique.
L’art classique refuse les effets gratuits, l’abondance verbale,
l’accumulation des figures, il se veut simple, claire, naturel, mais le naturel
résulte d’un choix raisonné qui ne retient du réel que ce qui est à la fois crédible
et exemplaire.
8
Le classicisme, c’est la triomphe de la raison, de la modération de
l’harmonie, de la rigueur. Tous les esprits créateurs ont en commun le gout pour
une littérature tempérée, équilibrée, reposant sur des règles prises de
construction. Chez les classiques, on célèbre un solide bon sens, un esprit
critique assuré des vues d’ensemble sur l’univers et dans l’âme humaine et le
sens du devoir qui débouille les sentiments en contient les manifestations.
L’idéal classique est incarné par « l’honnête homme ». Homme du monde
et homme de cours, il possède d’abord des qualités sociales. Dans son
comportement avec autrui, c’est le naturel, la simplicité, la mesure et la volonté
de plaire qui le guide. Au nom de la nature, l’honnête homme refuse tout excès,
suivant en cela les lois de la raison. Capable de dominer des émotions, l’honnête
homme c’es s’adapter à son entourage où qu’il se trouve.
Ainsi, cultivé sans être prudent, élégant sans être précieux, social sans être
servile. Toujours le cid tolèrent, et généreux, l’honnête homme invite à rester
soimême dans une société de plus en plus étouffante.
Quoique partageant une même vision désenchantée de la nature humaine,
les écrivains classiques loin de désespérer forgent ainsi l’idéal de l’honnête
homme qui imprègne (imbiber) l’ensemble des œuvres d’à l’époque.
La tragédie classique notamment est à l’image d’une société régie par des
conventions et dont l’idéal est « l’honnête homme ».
Le classicisme recherche ce qui est permanant et universel, et peint la
nature humaine, non la diversité des hommes.
9
fait de la scène classique l’espace privilégié d’expression des enjeux et des
conflits moraux ou religieux de la période.
C’est principalement après « la querelle » du Cid qui opposa partisans
d’un théâtre normalisé codifié et tenants d’une création en liberté, qui s’est
constitué un corps de règles, des doctrines et de recommandation. Celles-ci se
sont peu à peu imposé à ce qu’on appelle le théâtre classique et en particulier à
la tragédie qui on était la forme la plus en plus élevé pour mettre au point cette
codification, les doctes de l’époque se sont souvent inspirés des modèles et des
œuvres antique (tragédie grecque, comédie latine) ou de traités théoriques
comme la poétique d’Aristote.
De nombreuses préfaces de tragédie de Corneille et de Racine ont
contribué de leurs parts à compléter les textes de référence en la matière.
La structure de la tragédie, les règles d’unités (action, lieu, temps)
renforcées par l’unité de ton qui découle de la volonté de séparation des genres
(tragédie d’un côté, comédie de l’autre) et qui impose à chacun d’eux à la
différence de la tragi-comédie), sa spécificité en matière de sujet, de héros et de
niveaux de langue, de bienséances (interne, externe) renforcées par les
bienséances linguistique [ qui interdisent au langage lui-même (dialogue, récit)
de prendre de manière trop réaliste le relais de ce qui n’est pas jouer et monter
sur la scène] sont autant de convention qu’il faut respecter pour ne pas se heurter
à la critique des doctes.
10
L’unité d’action est commandée par une exigence de concentration. Ainsi, la
pièce doit être unifiée autour d’un sujet principal. Si des sujets secondaires
apparaissent, ils doivent être étroitement liés au sujet central.
L’unité de temps qui vise une limitation de la durée de la fiction et tributaire
aussi du fait de concentration. Peu d’événements nécessitent peu de temps. Un
souci de vraisemblance exige un véritable rapport de coïncidence et
d’équivalence entre le temps de la fiction et le temps de la représentation.
L’unité de lieu : stipule la représentation d’un seul lieu fictif sur une seule scène
dotée d’un seul décor.
L’unité de ton : caractérise nettement la tonalité de la pièce qui peut être soit
tragique, soit comique.
Le mélange des genres est proscrit par les classiques qui ne reconnaissent que
deux genres.
D’un côté, la tragédie au déroulement tendu et à la fin malheureuse, de
l’autre, la comédie marquée par un développement dépourvu de tension et un
dénouement heureux.
La tragi-comédie, à l’action tendue et à la fin heureuse se voit vouée à la
disparition progressive.
Le théâtre classique exige impérativement le respect de bienséance et de
vraisemblance et se proclame nécessairement un théâtre de la mesure, de la
modération et du juste milieu. Il n’y a pas de place pour le rebondissement
romanesque, et le règne des apparences trompeuses s’y trouve exclu.
Les pièces classiques développent une situation de crise qui transparaît déjà à
travers les données fournies dans l’exposition les contraintes imposées par le
lieu le temps font qu’une partie de l’action se déroule en dehors du public hors
scène :
le récit prend en charge la narration de ces évènements.
11
3. La tragédie au XVIIe siècle
* Thèmes et personnages
12
D’après la doctrine classique, la tragédie doit créer l’illusion du vraie (c’est la
vraisemblance) en faisant le plus possible coïncider le temps de la fiction et la
durée de la représentation. D’où la règle de trois unités.
De cette notion de vraisemblance découlent les bienséances :
- le héros doit être vertueux (sans être parfait), agir et parler conformément à son
rang, à son âge à son sexe (la bienséance interne).
- la tragédie ne doit pas choquer le public par la représentation de la sexualité et
de la violence (spectacles sanglants, batailles, duels et meurtres sont évoqués
par des récits).
* Les thèmes
13
La tragédie classique est à l’image d’une société régie par des conventions
et dans l’idéal est « l’honnête homme ».
4. La comédie au XVIIe siècle
* Sujets et personnages
14
La comédie a un visé esthétique, plaire : « Je voudrais bien savoir si la
grande règle de toutes les règles n'est pas de plaire (Molière, Critique de l’école
des femmes).
Son but est aussi moral et didactique (qui vise à instruire) :
« Castigat ridendo mores » : la comédie « corrige les mœurs par le rire ». Elle
insiste les hommes à se corriger de leurs imperfections.
15
Athalie (1691). Courtisan avertit, il est comblé de richesses et d’honneurs et de
réconcilier avec ces anciens maitres du Port Royal des Champs où il fut enterré.
De ces œuvres, on cite :
ANDREMARQUE (1667) ; BRITANNICUS (1669) ; BERENICE (1670),
BAJAZET (1672) ; MITHRIDATE (1673) ; IPHIGENIE (1674) ; PHEDRE
(1677).
2. L’œuvre de Racine
▪ Les tragédies classiques et l’effacement des thèmes politiques
Composés à partir des récits historiques, BRITANNICUS (1669) ;
BERENICE (1670), MITHRIDATE (1673) ou contemporaines, BAJAZET
(1672), ces 4 tragédies évoquent des conflits d’ordre politique. Mais
contrairement à Corneille qui place la réflexion politique au cœur de spectacle
tragique, Racine se serre des relations politiques pour exacerber les conflits
moraux et passionnels. C’est la nature même du désir humain et de ses
contradictions qui constituent le tragique Racinien. Cela va de soi lorsqu’on sait
que c’est avant tout la nature des liens entre les personnages et la nature de
l’émotion tragique telles quelle et de nature apparaissent chez les tragiques
grecques que Racine prend pour model
16
Les deux dernières tragédies de Racine, Esther (1689), Athalie (1691) ont
été tirées de l’écriture sainte.
Dans ces œuvres qui célèbrent la puissance du dieu, on retrouve la hantise
d’une humanité disgraciée, abandonnée ou mal.
17
Ainsi, profondément influencé par la vision janséniste de l’homme qui voit
dans l’être humain un être perdu, aveuglé par son amour-propre impuissant
devant le mal qu’il découvre avec honneur en lui, mais aussi inspiré par
l’expérience d’une société de cour qui exacerbe les jalousies, le théâtre racinien
est hanté par l’angoisse de la disgrâce. Racine peint un monde ou le mal
triomphe : les êtres les lus innocent
Hippolyte, Jinnie, Bajazet, y sont la proie de tyrans ou de monstre dévoré par
leur passions, Phèdre, Néron, Roxane. L’amour qu’on désire comme salut y est
ou interdit ou impossible. Lové dans les replis de l’amour propre ou du désir le
plus possessif, il est l’expérience d’une douleur essentielle : celle de n’être pas
aimé. La tragédie racinienne montre de héros qui se déchirent parce qu’ils
aiment sans être aimé.
La lucidité qui vient éclairer certains personnages ne sait que rassurer la
conscience douloureuse de leurs impuissances comme Pascal, comme La
Rochefoucauld, Racine montre la mise de l’être humain ainsi de l’ensemble de
ses œuvres se dégage l’idée d’une fatalité des passions. Une fatalité qui entraine
une aliénation irrévocable, un sentiment amer de l’inutilité de l’action, du
désœuvrement meurtri.
Le personnage racinien est déterminé par le destein.il n’a pas la liberté du
choix et perd ainsi la maitrise de son existence.
Contrairement aux héros cornéliens, il doit accepter la vie que la fatalité lui
assigne. Sa lutte serait vaine et inutile. Conscient de sa perte et de la catastrophe
qui l’attend, il court lucidement promptement au désastre, à la mort, sans
pouvoir les éviter. Il ne peut rien faire, non plus pour arrêter les monstres qu’ils
lui collent à la peau et qui accélèrent sa déchéance et le précipitent dans les
enfers.
La tragédie de Racine est une tragédie de la passion, elle subordonne le
drame politique à l’amour et situe l’action au niveau du cœur.
18
L’action chez lui et une grande simplicité parce qu’elle est entièrement
dépendante de l’amour qui est essentiellement une aventure intérieure. L’action
repose donc sur le heurt des désirs des personnages.
Les héros raciniens sont conscients que la passion est une force qui les
dépasse et les aliène. Chez racine comme chez les tragiques grecs, la fatalité, qui
est une force dramatique se situe principalement sur le plan intérieur. Tous
l’effort de la création comme de l’action consiste dans l’intériorisation du drame
passionnel et partant de toute la fatalité inhibitrice et annihilant. En fait, tous les
tragiques de l’action, chez racine résident dans la force de l’aveu au point de dire
que sa véritable mise en scène cible immédiatement : le cas de Phèdre_ les
situations d’aveux qui déclenchent les rouages de la fiction et ses
enchevêtrements.
Chez racine l’héroïsme ne peut conduire qu’à la mort dénuée de toutes
significations positives (que cette mort soit réelle comme celle de Britannicus ou
symbolique comme celle de Bérénice).
L’influence du janséniste est le déclin des valeurs aristocratiques ne
permettent plus à l’Ideal de l’emporter.
L’action chez Racine est dépouillée, simple et « vraisemblable », resserrée
sur le drame des consciences, se conforment aisément aux règles classiques les
plus contraignantes qui exacerbent davantage l’intensité tragique de la crise
creuset dans son art dramaturgique.
En effet, « la règle des unités » dans la tragédie racinienne impose une
structure formelle propre à faire ressortir la violence des passions et la force de
destin. Pour mettre en scène la passion, la construction des pièces raciniennes est
d’une grande rigueur, pure transposition de la rigueur, de la fatalité.
Les unités de lieu, de temps, d’actions et de ton, sont resserrés et concentrés au
point qui permet de dégager l’essence tragique.
19
Par un profond souci de clarté et de simplicité, racine privilégie dans son
écriture une langue « épurée » et une rhétorique sobre. Son style est mû par une
élégie secrète et ce qui pèse sur lui c’est qu’il se trouve quelque fois en proie à la
menace du silence.
À l ‘époque de racine le registre galant est à la mode, la rhétorique
amoureuse s’est enrichie et développée, donnant une place de plus en plus
grande à une sensualité implicite. La passion amoureuse et les sentiments
s’expriment par des mouvements du corps et de l’âme. Dans Phèdre (1677) les
personnages sont en proie à de violentes passions, incontrôlable parfois, et
révèlent leurs sentiments dans une langue épurée, apparemment plus naturelle et
plus simple que celle de
Corneille (la notion de naturel s’est imposée au début des années 1660).
Racine propose un univers tragique singulier dans lequel se manifeste non
seulement son génie propre, mais aussi l’évolution du goût lors des années 1660.
La diversité thématique lui permettait de faire profiter la crise tragique sur des
horizons multiples, politiques, historiques, éthiques, mythiques, pour aborder les
questions majeures qui n’ont pas cessées de la tourmenter (fragilité, inconstance
et précarité de l’homme, inéluctabilité du destin, cruauté et violence
insurmontable, etc…).
20
Dans la pièce, Phèdre, seconde épouse de thèse, roi d’Athènes, brûle d’amour
pour leur fils se son mari né d’un précédent mariage, le jeune Hippolyte, patient
qui l’emplit de hante et de remords.
Quand une fausse rumeur fait l’état de la mort du roi, Phèdre, malgré la
répulsion qu’il éprouve pour cette passion interdite, déclare son amour au jeune
homme qui, horrifiait, la repousse avec indignation et mepris.au retour de
Thésée,
Phèdre, ressentant l’ampleur et la gravité de sa faute, accuse son beau-fils
d’avoir voulu la séduire. Thésée fou de rage, maudit son fils et appel sur lui la
vengeance de Neptune, le dieu de la mer. Cette passion fatale engendra la mort
d’Hippolyte et le suicide de Phèdre. C’était à Trézène ville de Péloponnèse que
l’histoire a eu lieu.
21
l’innocente soumise injustement réprimée ; Phèdre, la maudite et la victime
d’une erreur qui n’est pas sienne.
Et si racine use d’un personnage éponyme féminin, c’est que nul ne peut
traduire mieux la complexité de la nature humaine qu‘un personnage féminin.
▪ Thésée
Fils d’Égée, roi d’Athènes et de Trézène. Grand héros célèbre par ses
exploits héroïques et ses conquêtes amoureuses. Son influence, présent ou
absent est grande. Son poids se fait senti contraignant. En son absence, les
nœuds et les langues se délitent, les aveux se succèdent quoique dans les
difficultés. Son aura incontournable et sa personne sacralisée impose l’ordre et
l’équilibre. Il incarne le héros tragique qui révolu le temps de l’héroïsme lucide,
et passible à l’heure qu’il est, des pires faiblesses et erreurs. Aveuglé, abusé,
saut, crédule, irréfléchi, il condamne à tort son fils. Son intrépidité et sa témérité
d’antan l’induisent en erreurs. Il n’est plus que le jouet d’un destin hideux qui
22
fait de lui un homicide volontaire et borné. Vers la fin, il se rectifia et expia sa
faute par l’adoption d’Aricie.
▪ Hippolyte
Fils de Thésée et d’Antiope, il est chaste, pure, bon et de principes nobles. Il
éprouve face à son père un complexe d’infériorité et rêve de devenir un jour
comme lui. Il admire ses exploits guerriers mais réprouve ses infidélités
amoureuses. Il aime Aricie d’un amour qu’il occulte à son père par crainte de lui
désobéir. Telle Phèdre, sa passion est vécue comme une faute, une transgression
source de son déchirement intérieur. Ecartelé entre un père tant admiré et le
scrupule (sentiment du culpabilité, peur de violer l’interdit, du scandale),
Hippolyte est dans une situation d’incertitude, d’inquiétude et d’indécision. Face
à son père, il hésite à parle, à se justifier, à s’expliquer. Son complexe vis-à-vis
de lui l’inhibe. C’est l’une des raisons qui accéléra sa mort. Le manque de
transparence entre les deux [le fils et le père] eut des conséquences funestes. La
figure et la stature omnipuissante du père se transmuent en complexe chez
Hippolyte qui se manifeste clairement dans les situations de hautes tensions.
▪ Phèdre
C’est la seconde épouse de Thésée, fille de Minos (roi de Crète) et la
Pasiphaé (descendante de soleil), qui eut deux enfants avec lui (Acamas,
Démophon) ce qui l’on échappa de tomber éperdument amoureuse de son beau-
fils Hippolyte. C’est un amour interdit qui relève tant de « l’inceste » que de «
adultère ».
23
exaltations. Elle en vint à déclarer sa flamme à Hippolyte. Son ambivalence fait
qu’elle désire et rejette ce désir au même temps.
Personnage complexe dans ces rapports avec sa passion, avec l’objet de son
amour. Phèdre est le canevas sur lequel vient éclater toutes les contradictions qui
minent la race humaine : démesure, orgueil, passion, jalousie, sadisme,
masochisme, hallucination, obsession, bonne et mauvaise foi, pulsions
contradictoires, clairvoyance, opacité…la confusion atteint chez elle le
paroxysme tour à tour, elle est coupable et victime, lucide et sournoise,
clairvoyante et hallucinée…
▪ Oenone
Nourrice et confidente dévouée de Phèdre, elle représente une figure simple.
Elle incarne la mauvaise conscience de la compromission qui conduit à la
dissolution morale. Par excès de zèle pour sa maitresse, elle conditionne le mal,
cause et accélère le désastre.
▪ Théramène
Gouverneur et confident fidèle d’Hippolyte, il fait figure de modération et de
raison qui nourrit la conscience du jeune homme.
C’est alter ego conciliant et plein de bonté. Loyale et dévoué jusqu’à la fin, il
se présente comme un personnage simple et sans épaisseur.
24
▪ Aricie
Princesse descendante de la famille royale d’Athènes, elle fait partie des
pallantides qu’élimina Thésée. Elle est la seule vivante et tenue soumise par
Thésée qui lui interdit à vie son droit au trône et au mariage. Un amour
réciproque puissant n’acquit entre elle et Hippolyte qui profita de l’absence de
son père pour lui déclarer sa flamme. L’amour est partagée mais frappé
d’interdit. Dans un ton héroïco-galant, les deux amants se sont fait des
déclarations réciproques. Son caractère s’affirme au fur et à mesure que la pièce
évolue. Captive, elle n’accepte de suivre Hippolyte que sous la condition du
mariage.
▪ Ismène
Personnage simple qui fait figure de confidente loyale d’Aricie
▪ Panope
Elle est la femme de la suite de Phèdre qui annonce la nouvelle de la mort de
Thésée qui va ébranler profondément l’équilibre initiale de la situation. Plus
tard, faisant toujours figure du héraut, elle annonce la mort d’Oenone et de
Phèdre qui doit instaurer un nouvel équilibre.
25
Résumé des actes et des scènes De
Phèdre
Acte I
Scène 1 :
Scène 2 :
Hippolyte part sans faire ses adieux à Phèdre, car, après s’être convaincue
un moment d’aller remplir son devoir auprès d’elle, voilà, Oenone qui vient lui
raconter l’état lamentable de sa maitresse, ce qui le pousse à renoncer à sa vie.
Scène 3 :
26
Sombrée dans un abattement physique sans bornes, Phèdre fait sa
première apparition sur scène. Obstinée, acharnée jusque bout à taire sans secret,
Oenone, dévouée corps et âme parvient à lui arracher le mal qui lui l’anéantissait
: elle est éperdument amoureuse d’Hippolyte. Devant cette révélation
foudroyante, Oenone demeure interdite tandis que Phèdre dans une longue tirade
raconte son malheur et son remords. Elle ressent le déshonneur et l’opprobre
face à cette amour.
Scène 4 :
Scène 5 :
Acte II
Scène 1 :
Scène 2 :
27
Avant de partir pour Athènes, Hippolyte s’entretient avec Aricie sur les
problèmes de la succession auxquels il donna déjà solutions (à lui Trézène, à
Aricie Athènes, à Acamas la Crète). Et trouve l’occasion pour lui avouer sa
flamme. Elle s’agit d’une scène d’aveu qui vient se faire sans grand difficulté si
ce n’est pas la souffrance, la hante et le trouble qu’exprime Hippolyte novice,
obnubilé par un sentiment jamais connu jusqu’ici.
28
Scène
3 et 4 :
Scène 5 :
Scène 6 :
29
Scène
2:
Phèdre, dans son monologue, adresse une prière à venus : elle essaie de la
convaincre de porter son coup prochain contre Hippolyte. Elle tente de la
détourner d’elle, d’en faire une complice et l’appelle à attaquer un ennemi
rebelle à son dard. Elle doit amener Hippolyte à aimer.
Scène 3 :
30
Scène
6:
Acte IV
Scène 1 :
31
Scene5 :
Scène 4 :
32
Seul, Thésée, tourmente par le soupçon rappelle Oenone par l’éclairer.
Scène 5 :
Panope annonce à Thésée la mort/ le suicide d’Oenone et l’état moribond
de Phèdre et Thésée de se tirer d’illusion : il saisit l’ampleur de sa faute fatale.
Scène 6 :
Devant Thésée réclamant la présence de son ils, Théramène fait
douloureusement le récit de la mort d’Hippolyte, du malheur d’Aricie, s’acquitte
de charge et abandonne Thésée à la douleur et au remords éternel.
Le spectacle d’horreur dans le récit s’accompagne d’un discours épique (un sort
d’oraison funèbre) fait à la gloire dans héros Hippolyte.
Scène 7 :
Sombré dans une profonde douleur et torturé par le sentiment de
culpabilité, Thésée stigmatise Phèdre qui, agonisant pour avoir pris un poison,
révèle toute la vérité tragique de son forfait.
Inconsolable, Thésée adopte, pour apaiser l’âme de son fils, son amant Aricie.
33
Il s’agit d’une œuvre qui se confirme strictement aux exigences de l’esthétique
classique. Elle parle de la légende de Phèdre ; de Thésée, roi d’Athènes et son
fils ; d’Aricie, princesse de son royal. L’action se fonde sur le déroulement et la
marche inéluctable d’une fatalité envoyée par les Dieux et exacerbée
tragiquement par les personnages de la pièce. Il en découle est victime de Vénus,
et Hippolyte est victime de Neptune sollicité par Thésée, abusé et trompé par son
épouse Phèdre. La pièce se compose de 5 actes. L’action est simple et le décor
révélant le lieu unique. L’unité du temps est respectée et la durée de 12 heures
était suffisante pour les scènes d’aveux, le retour de Thésée, le rôle d’Oenone, la
jalousie de Phèdre) l’égard d’Aricie et la fin tragique de l’histoire. La « catharsis
» est provoquée par une forte émotion ressentie vis-à-vis d’un spectacle mu tout
à tout par la terreur et la pitié ; par l’amour passion, par l’espoir et le désespoir,
par la lamentation et l’imprécation ; par la violence extrême et la mort. De ce
fait, l’effet purificateur d’un spectacle émouvant, terrifiant et extrême est
indéniable. La construction dramatique se fonde sur une structure en progression
et en symétrie ; exposition dans le premier acte ; aveux (Phèdre envers
Hippolyte et Hippolyte envers Aricie) dans le second acte ; retour de Thésée
dans le troisième acte ; angoisse et jalousie de Phèdre dans le 4 ème acte,
dénouement et double mort dans le 5ème acte.
34
amour interdit pour Aricie à Thésée qui le transmettra) Phèdre ; imploration des
Dieux pour châtier son fils, etc.)
35
la mort de Phèdre, achève le jeu et les enjeux des correspondances qui tel un fil
conducteur, ont créé toute la dynamique de la pièce dramatique.
Un évident parallélisme range donc, de part et d'autre, les grandes scènes de la
pièce :
- Déclaration/confidence d'Hippolyte à Théramène(I,1).
- Déclaration/confidence de Phèdre à Hippolyte (I,3).
- Aveu d'Hippolyte à Oenone (II,2).
- Aveu de Phèdre à Hippolyte(II,5) - Conflit d'Hippolyte et de Thésée
(IV,3).
- Conflit de Phèdre avec elle-même(IV,6).
- Monologue angoissé de Phèdre (IV,5).
- Monologue angoissé de Thésée(V,4).
Le même parallélisme fait que c'est Théramène (personnage secondaire) qui
empêche Hippolyte de partir pour qu'il finisse par avouer le véritable mobile de
son départ, et que c'est Oenone (personnage secondaire) qui en le rappellent à la
vie, amène Phèdre à révéler son secret.
La symétrie qui structure constamment l'œuvre de Racine se fonde
principalement sur les contrastes qui révèlent clairement Les rapports de forces
entre les divers actants :
1. Phèdre, l'amoureuse déchaînée et déraisonnable contraste avec Aricie,
l'amoureuse douce et raisonnable.
2. Hippolyte : l'honnête et idéaliste jeune homme contraste avec Thésée, le
héros veillement et mystifié.
3. Théramène : le confident loyal et honnête contraste avec Oenone, la
confidente dévouée, malicieuse, malveillante et nuisible.
4. Le couple harmonieux (Hippolyte/Aricie) ; contraste avec les couples
brisés (Phèdre/ Thésée ; Phèdre/Hippolyte).
36
Il en résulte des affrontements entre des forces agissantes interdépendantes, mais
contraires. Cependant, deux héros, deux forces agissantes semblent tenir les
ficelles du jeu : il s'agit de Phèdre qui tire les ficelles d'Hippolyte (à travers le
remords qu'elle éprouve à son égard) ; d’Aricie (à partir de la jalousie qu'elle lui
témoigne) ; et de Thésée qui est le centre premier d'où émanent les autres et
l'astre autour duquel gravite le reste : Phèdre est son épouse ; Hippolyte est son
fils ; Aricie est sa captive, et tout le reste est pris dans cette mouvance.
Ces deux héros ont besoin de deux mobiles puissants pour engager une action
soutenue jusqu'à la fin : c'est le cas de deux forces agissantes la passion et la
jalousie, elles effacent la volonté et la raison des personnages pour n'en faire que
des serviteurs/esclaves apte à servir leurs penchants nocifs, et leurs forces
destructrices.
Mû par une passion et une jalousie dégénérée, chacun de son côté, les héros
Phèdre et Thésée n'étaient que des instruments manipulés par deux puissances
inhumaines. Les deux malheureux n'étaient que des pures incarnations de ces
deux passions dévastatrices. Ce qui prouve le caractère faible et l'impéritie de
l'homme. Chez Racine le conflit tragique nait à l'intérieur de l'homme lui-même
qui sous pression cède et s'estompe laissant croitre démesurément ses passions
qui finissent par le détruire. Sur la base d'une symétrie constante, Racine
s'applique à démontrer la barbarie des passions déployés sous tous leurs aspects.
Les ravages sont inéluctables et se présentent tantôt directement (mort pour
Phèdre) tantôt indirectement (remords et désespérance éternel pour Thésée).
L'homme chez Racine est constamment exposé à deux confrontations, deux
conflits qui structure qui minent sa vie jusqu'à la mort : une confrontation interne
(avec soi-même et ses démons), et une confrontation externe (avec les autres et
le monde extérieur).
Les personnages principaux de la pièce luttent autant contre eux-mêmes que
contre les puissances humaines et surhumaines. Le conflit est à la base de la
37
puissance de volonté. La contradiction qui surgit entre les diverses volontés sera
éternellement la source du tragique. Pour conclure, l'action est simplifiée au
point de la schématisée ainsi : dans l'exposition deux passions amoureuses (celle
de Phèdre et celle d’Hippolyte) gémissent sous le poids écrasant de Thésée, père
et époux, qui les interdit. Le nœud est évoqué par l'annonce de la pseudo-mort
de Thésée qui permet aux amoureux de faire des aveux de part et d’autre. Le
retour de Thésée, péripétie inattendue et intempestive, bouleverse la donne et la
mort guette. Le dénouement signe la mort de Phèdre et d'Hippolyte, fléchie le
cœur de Thésée qui adopte Aricie et ramène l'ordre et un nouvel équilibre.
C'est donc Thésée qui détermine la marche des événements. Il est le noyau de
l'intrigue qui s'organise autour de lui. Phèdre, elle, assure l'action psychologique
et détermine sa progression. Cette action psychologique a pour objectif la
révélation et la connaissance exhaustive des âmes, des mentalités, des moralités,
des caractères notamment lors des épreuves. Si Phèdre est la pierre angulaire
dans cette vaste machine psychologique, il n'empêche qu'elle cible
impérativement le dévoilement des psychologies des autres personnages. Les
évènements se succèdent et démasquent Phèdre et sa véritable personnalité. Tour
à tour, les images de l'amoureuse mourante exaltée, furieuse, angoissée,
repentante, férocement jalouse, s'infligent de son crime, fixent la personnalité de
Phèdre. Toute la profondeur de son psychisme est mise à nu par l'évolution de sa
folie(fureur) amoureuse qui constitue le propre de la crise tragique. C'est cette
fureur qui chasse toutes les invraisemblances et confère à l'ensemble de la pièce
logique, rythme et cohérence.
38
Vraisemblance et bienséance dans Phèdre
La vraisemblance est scrupuleusement respectée et mise en évidence par Racine.
Les évènements sont alignés sur un rythme progressif et rapide (pas de retour en
arrière) et se resserrent dans une course effrénée vers la fin. Ceci restreint la
notion de temps plus qu'ik n'en est d'usage. La succession, l'enchaînement
logique et la fluidité des faits rend phénomène de l'illusion plus que
vraisemblable.
La logique commande que la nature des événements nécessite des espaces bien
restreints : la cour de Thésée à Trézène, ville portuaire et maritime. Dans la
palais, l'endroit est une antichambre où se succèdent les évènements de la pièce.
La cour est près du rivage où Hippolyte fut réputé pour des courses de chars, (v.
130) et de forets où se multiplient à grand succès les chasses du jeune prince (v.
133). Les portes de la ville (v. 1498) avoisinent un temple sacré (v. 1526), des
tombeaux antique (v. 1553). L'espace vacille entre l'intérieur du palais et
l'extérieur, et l'espace extérieur insiste à fuir, à échapper au destin. Des
accessoires et décors, Racine nous présente les voûtes du palais la chaise sur
laquelle s'affala Phèdre (v.
157) prostrée et l’épée (v. 704-716).
L'épée est l'instrument de la tragédie : Phèdre désire périr par l'épée d'Hippolyte
qu'elle lui arrache (v. 711) et qui lui servira plus tard comme pièce à conviction
pour accuser Hippolyte d'une tentative de viol. On le retrouve plus loin (v. 1634)
lorsque Phèdre pense au suicide.
L'unité de l'action est justifiée par une seule intrigue principale qui est la passion
de Phèdre. Amour d'Hippolyte à Aricie......politique de la succession constituent
des faits primordiaux dans la mesure où ce sont eux qui vont nourrir l'action
principale et la faire progresser.(les tragédies de Racine montrent des héros qui
39
aiment sans être aimés); sa pureté met en valeur le caractère monstrueux et
coupable de la passion de la marâtre; leur sérénité et leur béatitude dans l'amour
qui les unis contrastent avec l'état de déchirement et de folie qui sous-tend
l'amour morbide de Phèdre; bref le propre de Racine et de montrer constamment
la confrontation entre les forces du Mal et les forces du Bien.
L'action, respectant toujours la vraisemblance, est presque entièrement
représentée sauf le récit de Théramène (v. De 1498 à 1570), le plus long du
théâtre classique. Le récit, longtemps critiqué, trouve sa justification dans le
respect de la bienséance (les scènes de violence et de mort sont rapportées dans
des récits et jamais représentées sur scène). Il est d'autant plus scellé à l'action
car, outre sa valeur informative, il révèle l'héroïsme et l'exemplarité d'Hippolyte
mort. C'est un fragment qui doit nécessairement être incorporé à l'action pour
combler un vide qui se fait sentir poignant. De là, l'action sera complétée et
achevée.
Toujours soucieux de parachever son travail, l’action dans la tragédie de Racine
s’est soldée par un dénouement nécessaire (ni hasard ni événement inutile), et
rapide (accélération de l’action). La catastrophe finale est liée à une double
causalité : responsabilité des hommes, fatalité des Dieux. La tragédie qui s’est
achevée sur la victoire de la mort illustre autant l’intervention des passions
humaines que l’intervention divine.
Les indications scéniques sur l’attitude dramatique des acteurs sont incluses dans
le texte lui-même (l’ensemble des propos et des échanges). Les jeux de scène
foisonnent et structurent la pièce de bout en bout.
Pour assouplir davantage la représentation et le spectacle, les protagonistes
associent aux langage verbale (parlé), le langage corporel et physionomique.
Racine note constamment à travers les paroles émises que le héros, malaisés,
embrassés, incapable de se tenir comme il faut, tremblent hésitent, palissent,
rougissent, titubent, fuient, souffrent, etc.
40
La dramaturgie de la passion, elle aussi est implicite dans le texte. Elle se
manifeste à travers le texte parlé. Le jeu scénique, dans Phèdre, fait que le texte
contraint souvent les personnages à prendre des attitudes :
« Pour vos faibles genoux que je tiens embrassé) (Vers 244) ou « est- ce Phèdre
qui fait, ou plutôt qu’on entraine ? » (V.71).
Par ailleurs, le dramaturge classique observe beaucoup de sobriété et de retenue
quant à l’effusion aux moments des retrouvailles : (V. 913,914 : « arrêtée,
Thésée »). Ainsi, sans didascalies (sauf une seule au vers 157), et avec le
minimum possible de moyens, Racine est parvenu à organiser la mise en scène
de sa pièce.
L’austérité de Racine se manifeste encore plus dans le langage et la bienséance.
Fuyant les excès et atténuant la cruauté trop brutale d’un drame funeste, Racine
s’est servit d’un langage parfait où se conjugue à merveille les résonnances du
parlé de la Cour et celle de la galanterie.
Gardant leurs lucidités et leurs maitrises de soi dans les états extrêmes, le
personnage de Phèdre respectant leur rang social et leurs descendants. Ils ne se
démarquent jamais de leurs majestés (prince, princesse, roi, reine, madame,
seigneur) et restent jusqu’au bout cohérents avec eux même et conforment à
leurs constantes. Leur langage est sillonné de formules nobles, sublimes. Lors
des aveux leur façon de s’exprimer est fortement imagée, nuancée, pleine
d’allusion, de subjections, d’insinuation….
Furent-ils en proie à de fortes émotions, à d’invincibles passion, ils excellent
dans l’art de l’atténuation, et de l’euphémisme) travers l’emploi savant de la
litote. Ainsi révèlent-ils leurs faiblesses. Les images et les figures de style
abondant dans ce sens et les substantifs par le biais de l’analogie revêtent des
sens éclatants : « Feux » ;« flamme » ; « ardeur » ; « bruler » pour « aimer » et
pour « amour » ; « joug », « fers », « captif », « liens » pour celui qui vient de
perdre sa liberté, son orgueil, sa dignité et sa fierté parce qu’atteint par le dard de
41
l’amour, etc. La « fureur » traduit une passion démesurée déchainée. La
périphrase a tendance à conférer une aura de noblesse et de grandeur aux
passions les plus ordinaires. De ce fait, à Thésée, on préfère le « successeur
d’alcide » ; à Athènes « les superbes remparts que Minerve a bâtis » ; à
l’équitation « l’art de Neptune inventé ».
Tout le langage est parcouru d’une galanterie splendide. Dans la tragédie, la
noblesse est requise dans le moindre acte de parole, de geste ou d’agissement.
La valeur poétique et symbolique du langage (notamment d’amour) utilisée par
Racine auréole de grandeur et de mystère toute la pièce.
L’usage dans la tragédie est de proscrire tout ce qui peut choquer, provoquer,
scandaliser…Respectant scrupuleusement tous types de bienséances (interne,
linguistique, externe). Racine présente d’abord avec beaucoup d’ingéniosité et
d’habileté un thème délicat dans un temps délicat, exigent et discret. La force du
génie artistique racinienne a su adapter subtilement un sujet « choquant et
provocateur » au gout d’un public susceptible et sensible à la moindre
transgression de la vertu. De là, le fardeau est d’autant plus pesant qu’il fallait
renforcer d’avantage les bienséances et s’astreindre rigoureusement à tout ce qui
banni du spectacle toute grossièreté, toute brutalité, toute volupté et sensualité.
L’enjeu fondamental était d’éviter à tout moment de heurter la pudeur, de forcer
la décence, d’enfreindre les lors de la bonne morale.
Sur un fond scandaleux et entaché de souillures morales, Racine bâti un édifice
nimber d’une auréole de vertu, de gloire, de grandeur et de majesté.
Tout concourait à adoucir la brutalité et l’obscénité d’un spectacle rétif et
rebelle. Les personnages, en pleine crise, ou sujets à des débordements
incontrôlables, restent impassibles et imperturbable. Tout se plie au code de la
vertu qui préconise discrétion, retenu et décence. Phèdre, malgré son désarroi et
sa désespérance, ne s’est jamais départie de son rang élevé et sublime de reine.
C’est la raison par laquelle Racine imputait à Oenone toutes les sales besognes,
42
notamment, calomnie Hippolyte. Il disait dans sa préface à l’œuvre que la
calomnie avait quelque chose de trop bas et de trop noir pour la mettre dans la
bouche d’une princesse, qui a d’ailleurs des sentiments si nobles et si vertueux.
Il ajoutait que cette bassesse paraissait plus convenable à une nourrice, qui
pouvait avoir des inclinations plus serviles.
De même, Phèdre agit conformément à son statut et à son rôle dans la tragédie.
Elle fait figure de « héros tragique » qui devrait subir et assumer toute la
puissance de la fatalité, et toute l’intensité de la crise tragique : selon toute
vraisemblance encore, Phèdre rongée par le remords, se présente constellent en
héroïne mi- coupable, mi- victime. Ce fait est tout à fait conforme aux postulats
d’Aristote où, dans des situations pareilles, le héros tragique « n’est tout à fait
coupable, ni tout à fait innocent ».
Pour ce qui est du personnage d’Hippolyte, il fait bien preuve de descendant
d’un sang royal. Dans toutes les situations, il ne manque pas d’afficher une
grande élévation morale, une vraie générosité d’esprit, et une grandeur d’âme
qui l’amène, au risque de sa vie, à épargner l’honneur et la vie de Phèdre. C’est
la sage figure qui s’est déjouée tout complot contre la bienséance et la
vraisemblance.
Les actions où sévissent la violence et la mort se sont jamais montrées sur scène
et sont, par conséquent, rapportées dans des récits tels celui qui retrace la mort
d’Hippolyte, celui qui revivifie l’événement de la disparition de Thésée, celui
qui relate le suicide d’Oenone.
En fait, hormis Oenone, figure hideuse et maléfique (satanique) qui outrage et
entache la vertu par ses excès, l’ensemble la pièce offre une véritable
authenticité à l’action tragique et procure un sentiment intense de pathétique et
d’horreur. Le spectateur assiste de toute évidence à la révélation de deux amours
(un homme et deux femmes) et éprouve le sentiment de vivre un drame unique
43
dont l’unité est scellée par le sentiment destructeur de la jalousie. La machine
tragique, est conçue de façon à pousser implacablement Phèdre au suicide.
44
corps et l'âme comme une douleur lancinante (V.273-276 ; V.306) : « je le vis, je
rougis, je pâlis à sa vue ; un trouble s'éleva dans son âme éperdue ; »
« C’est Venus tout entière à sa proie attachée » consciente du mal, elle dû lutter
pour le conjurer, mais, hélas ! Elle finit toujours par s'empêtrer dans ses filets.
Comme Phèdre, Hippolyte s'enflamme pour Aricie qu'elle fuit en vain. La
passion devient une obsession morbide et une force aveuglante et inhibitrice.
Du surcroit, elle tend à maintenir ses victimes dans un état de servitude, de
sujétion et de dépendance.
Fatalité et culpabilité :
Victime de la vengeance de Venus qui persécute et anéantie toutes les
descendantes du soleil, a commencé par Pasiphaé pus Ariane pour finir avec
Phèdre, l'héroïne de la pièce éprouve de la puissance face à une fatalité qui la
dépasse.
Eloignant d'elle l'objet de son désir, elle finit par retrouver un équilibre précaire
qui se dissipa dès qu'elle renvoie l'élu de son cœur à Trézène. Ses aveux ne se
firent que sous l'impulsion d'un trouble démesuré de l'âme. Déclarée coupable ou
45
non coupable est tributaire à la fois de la volonté divine et de la volonté humaine
(la propre volonté de l'héroïne incluse).
Innocente dans la mesure où l'être humain est constamment guetté par la faute
fatale comme inéluctable destin. Coupable pour avoir céder à la pression sa
passion ; pour avoir donner libre cours à la parole coupable.
Hippolyte, lui aussi, vécu sa passion sous le sceau de la culpabilité. Il se sent
coupable pour avoir transgresser l'interdit de son père, et pour avoir céder à la
volonté de Venus.
C'est une marque de faiblesse qui n'aurai pas dû intercepter sa marche vers
l'héroïsme et la gloire.
46
Au terme de son forfait, Phèdre, mi-coupable, mi-innocente, s'inflige une
pénitence en s'administrant un poison. Pour elle, seule la mort est capable de la
purifier et delà disculper au près des Dieux. Par cette pénitence capitale, elle se
racheta et racheta les péchés de ceux qui contribuèrent à son désastre : Oenone,
Thésée et Hippolyte. Elle crut ainsi se détester de son fardeau (faix) de retrouver
la pureté d'antan tant regrettée.
Fatalité :
La fatalité met en échec la puissance de la liberté humaine écrasée par le poids
des évènements inévitables. C'est l'hérédité qui appelle la fatalité sur les
personnages tragiques de Phèdre. Impitoyable, la fatalité marque le trouble de
l'homme face à ce qui le dépasse.
Démesure :
Il s'agit de l’« hybris » chez les grecs qui croient que « Jupiter rend fous ceux
qu'il veut perdre ». Dans phèdre un souffle de démesure plane sur l'ensemble de
la pièce.
Chez Racine, elle part des formes les plus atténuées jusqu'à atteindre le
paroxysme. Le point culminant de la démesure se manifeste à travers les
attitudes et les sentiments de Phèdre. Elle devient chez elle « fureur » sous
l'impulsion de la passion coupable et de la jalousie. Celle d'Hippolyte transparait
47
dans son désir accablant d'être à l'image de son père ou dans la transgression de
l'interdit politique décrété par lui. Thésée, lui, traduit sa démesure par son
orgueil excessif, puisant dans l'extrême bravoure et se ressourçant de ses
exploits. Son aveuglement n'est que le résultat d'une confiance en soi
outrancière. Oenone, elle, est pervertie par l'excès de zèle qu'elle éprouve pour
sa maitresse.
Recevoir à la mythologie reste l'une des formes littéraires les plus propices à
l'expression de la démesure. La mythologie est le domaine de l’excès, de la
violence par excellence.
Destin :
Il est au cœur de toutes tragédies (la mise en scène du destin). C'est le centre de
granité et l'axe de rotation autour desquels tout gravite.
48
Reste d'un sang fatal conjuré contre nous » ; « de l'obstacle éternel qui nous a
séparé ? » V.104). C'est souvent la fatalité de l'hérédité qui sépare les
personnages de la pièce.
Dans phèdre, Racine a sans doute offert la plus violente expression de la fatalité
amoureuse.
La mise en scène du destin dans la pièce se veut encore une pure représentation
ou incarnation de fatalisme selon lequel on ne peut, quoiqu'on fasse modifier le
cours des évènements fixés par le destin. Le destin est joué, montré, vécu instant
par instant par l'ensemble des personnages. Le destin est comme un fauteur de
troubles qui sème les dissensions pour recadetter le désastre. Les personnages
ignorants la menace qui pèse sur eux donnent l'image de créatures candides
jusqu'à la crétinerie. Ils renforcent les traits de la comédie humaine face à la
tragédie de la condition humaine et à la tragédie de l’entière l'existence.
Dieux :
Dans phèdre, Racine dote la divinité de caractère tantôt païens (les Dieux grecs,
vengeurs ou protecteurs, qui déclenchent et participent au drame humain), tantôt
49
chrétiens/ jansénistes (un Dieu « caché », amorphe, mystérieux et sourd, avoir de
grâce et de pardon, qui abandonne l'homme à son sort absurde). L'image qu'il
nous offre de Dieu est donc négative. La tragédie, qui est une mise en scène du
destin, tente d'intenter un procès aux Dieux qui disputent les malheurs et qui
adoptent la posture des spectateurs sans jamais vouer de leurs pouvoir pour
sauver leurs créatures. C'est une accusation des Dieux tous azimuts. Condamner
les hommes puis s'en prendre à eux par la suite ne peut relever que l'absurde et
de la folie.
Les dieux dans phèdre sont omniprésents. Chaque personnage a un Dieu qu'il
évoque (comme Diane par Hippolyte) ou qu'il sollicite (comme
Neptune(imploré) par Thésée) ou qu'il redoute (comme Venus par Phèdre) ....
50
Les puissances invisibles se font sentir partout, sur terre, dans le ciel, au fond des
êtres. Elles sont incontournables.
Si proches parfois, les Dieux et les humains sont tour à tour des familiers, des
ennemies, des sources purs s'enorgueillir, etc.
Folie/ Fureur
Les personnages raciniens souffrent de pathologie, notamment psychologiques,
qui nécessitent de véritables thérapies cliniques. Phèdre offre l'image d'une entité
complexe qui libère à chaque fois un aspect de sa personnalité jusqu'à atteindre
la dernière incarnation de sa personne qui s'épuise finalement et se désintègre.
L'évolution de l'héroïne ponctue de ses multiples facettes (figures, images) les
progressions de l'ensemble de la pièce.
51
Phèdre en proie à une passion obsessionnelle observe des moments
d'introspection d'analyse de soi poussée jusqu'au sado-masochisme. Tant ses
pulsions contradictoires, ses hallucinations morbides dénaturent sa clairvoyance
morale et démolissent ses tentatives de rectifications de soi.
Dans phèdre, la folie associe à la maladie d'amour fait objet d'une analyse
clinique sombre qui montre, au travers des grossissement des amplifications, des
hyperboles, l'être humain dans toute sa misère et sa déchéance. Le spectateur
devant un tel drame ne peut ressentir que "l'horreur" mêlée à du pathétique et,
paradoxalement, à de la fascination. C'est l'enjeu de ces puissances obscures
internes qui suscitent à l'intérieur du spectateur un sentiment ambivalent fait à la
fois d'attirance et de répulsion.
Jalousie :
La jalousie est une notion essentielle qui détermine et identifie l'amour vécu non
comme une harmonie, un partage de sentiment le plus noble, mais comme une
frustration et une angoisse.
52
C'est la jalousie qui permet de révéler les deux faces contradictoires de la
passion, l'amour et la haine, et qui justifie que l'on peut facilement passer d'un
état à l'autre. Elle garantit en quelque sorte leurs unité en un seul être. Sous
l'effet de ce facteur puissant, la voile se lève sur le fond complexe et ambivalent
de l'homme. Susceptible de renfermer les antagonismes les plus effrayants,
l'homme jaloux se libère complétement du contrôle de la raison et donne libre
cours à l'arbitraire. La jalousie traduit l'image de l'amour propre, blessé, offensé
qui réclame justice et renseigne sur la potentialité du mal qui git au fond de
l'homme.
Elle illustre l'instinct de possession propre à la nature humaine, et révèle cette
part d'animation que rescellent les hommes.
Aveuglé par la passion de son épouse, et outragé par la trahison de son fils.
53
il s'agit d'un amour morbide, compliqué, aveugle, insensé et surtout égoïste. Il a
pour objectif la possession de l'objet quel que soit le prix à payer (calomnie,
agresser, brutaliser, harceler...). Paroxystique, extrême rien n’apaise l’amour que
la mort (le meurtre et sa forme suprême).
Amour et mort :
L'amour et la mort, " Éros et Thanatos", le désir et le sang forment bien
l'emblème de toute tragédie. Engagement à fond son génie prodigieux, Racine,
par un coup de maître, transforma toute l'atrocité de la mythologie grecque
"imbu de sang en des fresques d'une splendeur incomparable qui peignent
l'homme et sa condition. L'homme, biface et créature double (bonté et rectitude
voilant un fond cruel et cynique) nous est présenté par le dramaturge dans une
langue voilée, codifiée où l'on perse toute l'ignominie du genre humain
(mensonge, calomnie, égoïsme, démesure, etc.).
Produits de son génie et de son époque, les écrits de Racine, en dépit de tous les
déguisements, transmettent la réalité d'une société en mutation où l’idéal de
54
l'héroïsme cesse de scintiller et cède la place au thème de l'homme face aux
puissances qui le dépassent (néant, volonté divine, destin, fatalité, mort...)
Dans la pièce, la mort est omniprésente et omnipuissante. C'est elle qui orchestre
toute cette tragédie et c'est à elle que revient la victoire finale. La mort et l'amour
entretiennent des rapports étroits et profonds.
Aricie et Hippolyte étaient déjà au sommet de leur passion lorsque la mort les
séparer. Phèdre entrepris une passion porteuse de germes de la mort dès le
55
etc.). Entre ces deux impossibilités et incompatibilités la tension monte et
engendre la crise tragique. Hippolyte est obsédé continuellement par la fuite. Du
début à sa fin. Il ne pense qu'à s'évader comme s'il s'agit d'un prisonnier. Phèdre,
elle, traduit sa crise par le contraste constant : la lumière et la nuit. Quand elle
respire la vie et cherche à rester, elle sort de sa cachette pour être baignée de la
lumière ; mais lorsqu'elle refuse de vivre, elle se retire, s’isole et fuit la lumière,
symbole de la vie. Pour Thésée, les deux moments majeurs de sa vie, la
disparition puis l'apparition illustrent en quelque sorte la fuite et le retour. Si les
personnages conçoivent chaqu'un à " sa façon " un mode de fuite ou de
demeurer, les espaces, eux , renferment en eux-mêmes ces notions : la forêt
évoque une fuite momentanée dans la nature sauvage hors des murailles qui
enferment; la mer rappelle le voyage, l'éloignement, la libération, la recherche
d'une autre vie; franchir remparts de Trézène implique la délivrance, la fuite vers
l'inconnu, et pour le personnage (notamment Hippolyte) une reconnaissance, une
nouvelle vie pleine d'exploits et de hauts fait;
56
En fait, vouloir fuir est un thème littéraire récurant. La création et l'écriture sont
en soi des possibles évasions. L'homme qui rêve constamment de quitter les
lieux obscure, désir en réalité fuir le temps qui l'assujettit à ses lois implacables.
C'est le temps qui enferme l'homme dans une durée limitée de laquelle celui-ci
cherche à se libérer.
Lumière / nuit :
Etymologiquement, le nom de phèdre signifie la « brillante » en grec. Elle
évoque alors la lumière d'autant plus qu'elle descend du soleil. Son amour ne
saurait être que « flamme et feux ». Cependant, la flamme de sa passion est «
noire » (V,310) et coupable (V,1645). C’est pourquoi Phèdre désire fuir la
lumière, le soleil et mourir loin d'eux dans des espaces clos et sombre (V,172)
accomplissant par là sa parfaite descente aux enfers.
Elle envie tout ce qui est béni par la lumière. Un abîme de noirceur sépare sa
passion de celle d’Hippolyte et Aricie.
La sienne est-elle des enfers alors que celle d’Hippolyte est illuminée et «
normale » (V.1238-1240) (V.1112). La lumière la blesse parce qu'elle lui
rappelle tout ce qu’il avait perdu. Avec l'éclipse de la lumière, la nostalgie pour
elle est dévorante et le regret
La pureté perdue ne trouvera jamais chemin vers son cœur. Son suicide est une
quête de la lumière et de la pureté (V.1644).
Parole/silence
Le thème de la parole coupable et de silence des innocents est en vogue aux
XIIIème siècle.
57
Racine, dans sa conception tragique conçoit, la parole comme la source de tout
drame. C'est le moyen qui joue le rôle de médiateur et d'intercesseur. C'est la
parole criminelle de Phèdre qui cause la mort d’Hippolyte. C’est la parole
amoureuse confiée à Aricie qui déclenche toute la fureur de Phèdre. La parole
est munie d'un pouvoir incontournable. Lorsqu’elle use de son pouvoir trompeur
et diffamatoire, elle devient calomnie. Elle peut aussi cultiver et maintenir
l'illusion, comme l'effet de la parole flatteuse d’Oenone sur la faible Phèdre.la
parole est aveuglante et broie les crédules comme Thésée.
Tout passe par la parole qui devient une arme à double tranchants. Elle a l'effet
d'un boomerang. Cependant, la parole est bénéfique sur plus d'un plan et la
parole qui se fait peut entraîner la mort.
L'absence de la parole est une menace dirigée contre soi au contre l'autre. Le
silence d’Hippolyte cause sa mort et la catastrophe finale. La règle d'or est de
savoir quand et comment le faire. Ni phèdre ni Hippolyte n'avaient ce savoir-
faire, par conséquent, Phèdre et Hippolyte succombent à leurs tentations :
Tentation de la parole et tentation du silence.
La solitude :
58
Dans toute tragédie, particulièrement dans phèdre, le personnage tragique est
solitaire. Il vit seul, soufre seul, meurt seul. Ses rapports avec les autres, ses
rencontres, ses manigances n'aboutissent qu'à de l’esseulement et au
retranchement de la communauté. Les événements évoluent et le personnage
régresse et s’enlise dans le mutisme. Phèdre représente avec tant de grandeur et
de sens tragique l'héroïne solitaire. Écartelée, désemparée décontenancé,
désaxée, désarçonné. Phèdre est une plaie qui saigne et qui ne trouve point de
mains tendres pour la penser, la guérir. En détresse, elle cherche la consolation,
le réconfort, le soulagement et ne trouve qu’aridité et rudesse. Sa solitude la
pousse à s'intérioriser, à se tourner vers le moi profond dans une tentative de
l’analyse, de le corriger. Esseulée, elle se juge sévèrement et se condamne. La
solitude éclate son être en mille voix et personnes : tour à tour, elle est bourreau
(d’elle-même), juge, sage figure de la pondération, victime, lâche, pauvre,
volonté brisée ...
Son isolement est le résultat d'une dépossession de soi, Son moi opaque et
résistant aux changements l'empêche de s’épanouir et par conséquent d’être
parmi la communauté. Elle signale un état d'aliénation dans lequel elle se trouve
otage et victime de son hérédité qui l'effrite.
Monstre :
Terme à double fonction, le monstre désigne les manifestations les plus
insensées de la psychologie humaine ou de la morale ; et évoque les créatures
imaginaires monstrueuses tel le minotaure, le monstre sorti de la mer.
59
Les personnages de la tragédie n'échappent pas à cette notion de monstre. Phèdre
verse par son comportement et sa passion dans le monstrueux : son instinct
amoureux et monstrueux et sa fureur en fixe les traits. Sur les pas de la
généalogie, l’héroïne est la demi-sœur du Minotaure, le monstrueux dévoile les
pulsions primitives et bestiales de l'être humain.
Politique :
Le fait politique s'avère moins important chez Racine que chez Corneille. Racine
conçoit le conflit politique comme un moyen susceptible d'exacerber les
passions.
60
colère) et rechigne (par le compte d’Aricie) au moment où Phèdre décide de lui
soumettre et la couronne et son fils. Avec l'apparition de Thésée, le vrai sens de
la politique s'annonce : une affaire de famille minée par des déchirements et de
toute sortes causées essentiellement par des pulsions de désir (Phèdre) ou de
rejet (Hippolyte, Thésée face à Hippolyte), mais jamais par l'intérêt politique.
La politique masque ainsi le jeu des désirs et des sentiments. Sous le prétexte de
la succession politique, les personnages dans phèdre règlent des conflits
amoureux pressants.
La violence :
De toute évidence, c'est le théâtre classique qui offre la violence à notre
fascination. De l'Antiquité à nos jours, meurtres, dénouement dans le sang,
cruauté extrême, violence en tous genres ont constamment hanté les fictions du
théâtre occidental. Le spectacle de la violence tragique engendre la fascination,
et permet la prise de conscience plus profonde. Associée à un contexte tragique.
La violence réside dans l’excès, l’outrance et la démesure. C'est une
manifestation déréglée et dévoyée de l’exercice de la force. C’est un exercice
illégitime de celle-ci.
La violence peut prendre plusieurs formes : mythique, physique, et
psychologique. Objet d’une malédiction, ancestrale, Phèdre se voit engouffrer
dans le labyrinthe de la violence qui ne s’apaise que dans la mort.
La violence criminelle sous-tende les mythes et les interdits qui s’y rattachent au
mythe. La violence sanglante primitive du mythe est pourvue d’un pouvoir quasi
hypnotique. La violence furieuse dans la pièce de Racine est susceptible du
même pouvoir. Hypnotisé, les personnages de phèdre sont attirés par l’odeur de
61
la mort. Au théâtre, la violence physique se manifeste aux yeux des spectateurs
comme l'extériorisation et la concrétisation de la violence, passion obscure et
impulsive, tapie ou tréfonds de l'homme.
Lorsque Phèdre, cède à la tentation de la vengeance, elle ignorait que c'était le
monstre de la violence qu'elle faisait réveiller en elle et qui, pour se lénifier, a
besoin de sa repaitre de sang.
De violence en violence, le spectateur se trouve confronter à une violence
psychologique mise en scène par le biais des morts et des sentiments.
La violence verbale marque les esprits et traduit la souffrance des personnages.
La violence peut être aussi mental et vient à jamais altérer les esprits en proie
aux délires et aux hallucinations.
Multiforme, la violence fait éruption sur la scène, envahi les actes et les mots et
tend à s'intérioriser quand la tragédie est projetée sur le plan intérieur des
personnages.
Tout concourt à bâtir une véritable esthétique de l'horreur. La poétisation de la
violence conjuguée aux efforts fournis par la mise en scène parvienne à arracher
le spectateur à son confort, tiraillé entre la fascination et l'horreur, entre
l'appréciation/ le dégoût corollaire des deux pulsions fondamentales de l'homme,
le spectateur/l'homme se purifie de ses démons intérieurs, fait une savante prise
conscience et professe une réflexion morale, historique et philosophique. Le
spectacle de la violence nous invite à une réflexion la tyrannie, le totalitarisme et
nous met en garde contre un monde où chacun se laisse aveugler et conditionner
par divers systèmes. Il n'est plus question alors d'identification mais plutôt de
distanciation critique. Encore faut-il privilégier la question philosophique qui
dans phèdre nous amène à nous interroger sur la transcendance ? Est-elle
arbitraire, injuste, insensible et indifférente ? Phèdre est-elle une âme damnée
pour avoir manquée de grâce divine ?
62