Droit Maritime: Arnaud Montas
Droit Maritime: Arnaud Montas
Droit Maritime: Arnaud Montas
2e édition
Droit
maritime
Arnaud Montas
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À JOUR DE LA LOI
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DE 1 DÉCISION
JUILLET 2014
QPC
RELATIVE AUX
DU 22 JUIN 2012
ACTIVITÉS PRIVÉES
SUR LA LIBERTÉ
DE PROTECTION
DU MARIAGE
DES NAVIRES
Le navire
jet-skis1, surfs, planches à voile2, body-boards, pédalos, etc. Tel sera aussi le cas, dans
une optique plus massive, des « navions »3, des plate-formes de forage ou d’exploi-
tation du plateau continental, des usines flottantes, voire des ı̂les artificielles.
Plus qu’une question de qualification, il est aussi et surtout question du
corpus juridique applicable, la notion de navire déterminant l’application du droit
maritime même si son domaine s’étend désormais, selon les cas, aux autres
bâtiments de mer4.
De manière générale, le navire est donc un engin flottable principalement
affecté à la navigation maritime et apte à en affronter les périls (I). Tel ne sera pas
le cas des bateaux (II) ni des engins de plage (III).
I. La navigation maritime
A. Le navire et la navigation maritime
L’article L.5000-1 du Code des transports considère « maritime », « la navigation
de surface ou sous-marine pratiquée en mer, ainsi que celle pratiquée dans les estuaires et
cours d’eaux en aval du premier obstacle à la navigation des navires ». Toute navigation
qui n’entre pas dans ce cadre ne sera pas maritime.
L’objet du droit maritime se détermine par rapport au navire, lui-même ne
se déterminant que par rapport à la navigation maritime : il n’est de navire qui
n’exerce son activité habituelle dans les eaux maritimes. Dès lors, si le critère de
la navigation semble de ce point de vue indifférent aux caractéristiques phy-
siques de l’embarcation5, il implique cependant que le navire soit – a minima –
flottable6, c’est-à-dire qu’il soit apte à se déplacer à la surface des mers, car
naviguer consiste bien à se rendre d’un point à un autre de l’océan7.
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Le navire
Section 2
LA PROPRIÉTÉ DU NAVIRE
La propriété du navire est créée dans le cadre d’un contrat de construction navale
(I), puis transférée dans celui d’un contrat de vente navale (II). Elle fait l’objet
d’un certain nombre de formalités de publicité (III).
A. La formation du contrat
Soumis aux règles générales destinées à assurer la sécurité, la sûreté, l’hygiène et
l’habitabilité à bord des navires ainsi que la prévention de la pollution, le contrat
de construction navale pour le compte d’un client fait l’objet d’un contrat écrit
(C. transp., art. L.5113-2)2. S’agissant certainement d’une exigence ad probatio-
nem en ce sens que le contrat de construction ne porte pas directement sur la
propriété du navire et que le consensualisme règne sur le droit français des
contrats, toute modification du contrat doit donner lieu à un écrit à peine de
nullité. La règle, qui vise à protéger le futur armateur de toute hausse de prix
entre la conclusion du contrat et son exécution, est limpide : en l’absence d’écrit,
le contrat ne produit aucun effet3.
1. À propos d’un navire fabriqué d’avance et en série, voir Cass. com. 13 octobre 1998, DMF
1999, p. 535, rapp. J.-P. Rémery, obs. M. Ndendé.
2. L’article 5 du décret du 27 octobre 1967 impose aussi à toute personne qui construit pour
autrui un navire de plus de 10 tonneaux de jauge, une déclaration à l’administration compétente,
afin de permettre aux Affaires maritimes de vérifier si les conditions de sécurité de la construction
sont réunies.
3. Comp. C. civ., art. 1793 : « Lorsqu’un architecte ou un entrepreneur s’est chargé de la construction à
forfait d’un bâtiment, d’après un plan arrêté et convenu avec le propriétaire du sol, il ne peut demander aucune
augmentation de prix... si ces changements ou augmentations n’ont pas été autorisés par écrit, et le prix convenu
avec le propriétaire » ; CA Aix-en-Provence, 13 janvier 1959, Navire Bernina, DMF 1961, p. 17.
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La prévention du risque de mer
B. L’exécution du contrat
1) La délivrance
L’obligation de délivrance du navire considéré consiste à le livrer au jour convenu
et dans les conditions convenues2. Le navire n’est livré à l’armateur que lorsqu’il
est à flots et après essais : c’est ce qu’on appelle la recette du navire.
Il s’agit d’une règle supplétive de la volonté des parties (C. transp.,
art. L.5113-3) et la pratique offre souvent des clauses de transfert progressif
de la propriété vers l’armateur au fur et à mesure de l’achèvement du navire, ce
conformément au pouvoir accordé aux contractants de déterminer librement le
moment du transfert de la propriété.
1. JO 4 janvier 1967.
2. Cass. com., 19 juin 2012, no 11-17846, Rev. Scapel 2012, p. 220 ; DMF hors-série no 17, juin
2013, no 30, p. 32, obs. Ph. Delebecque ; Cass. com., 22 mai 2012, no 11-13.086, DMF, hors-
série no 16, juin 2012, no 41, p. 37, obs. Ph. Delebecque.
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Le navire
1. Cass. com. 16 mars 1982, DMF 1983, p. 18, note R. Achard ; Cass. crim. 20 mars 2001,
Navire Snekkar Artic, DMF 2002, p. 14, obs. P. Bonassies pour un cas d’engagement de la
responsabilité pénale du constructeur.
2. Cass. com. 24 janvier 2006, DMF 2006, p. 889, note Ph. Delebecque ; sur l’exécution du
contrat d’entreprise en droit commun, voir F. Collart-Dutilleul et Ph. Delebecque, Contrats civils et
commerciaux, 9e éd., coll. Précis, Dalloz, 2011, no 722 et s., pp. 662 et s.
3. Ord. no 2005-136 du 17 févr. 2005, art. L.211-12.
4. Cass. com. 6 juillet 1999, DMF 2000, p. 523, rapp. J.-P. Rémery ; CA Amiens, 10 décembre
2001, DMF 2003, hors-série, no 26, obs. P. Bonassies ; CAA Lyon, 3 avril 1997, DMF 1998,
p. 600, obs. M. Morin ; TGI La Rochelle, 23 avril 1996, DMF 1997, p. 1042, obs. C.-G. de
Lapparent ; Cass. com. 4 janvier 1997, DMF 1997, p. 141, rapp. J.-P. Rémery.
5. Cass. 3 avril 1990, DMF 1990, p. 686, note R. Achard ; Paris, 15 novembre 1988, JCP. G
1989.II.21251, note Ch. Larroumet. L’action en non-conformité pourra également être invoquée.
Cependant, ouverte pendant un délai de deux ans, cette action ne s’applique qu’aux relations entre
professionnel et consommateur ; en droit maritime, elle ne sera donc utile qu’à l’acquéreur d’un
navire de plaisance destiné à un usage privé.
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La prévention du risque de mer
3) La sous-traitance
Il est admis que l’acquéreur est en droit d’exercer un recours direct contre le
sous-traitant du constructeur naval1. De même, s’il a acquis son navire auprès
d’un revendeur, il sera fondé à agir contre ce dernier aussi bien que contre le
constructeur. L’action reposera sur un fondement contractuel2, « le chantier étant
censé avoir transmis son propre recours contre le sous-traitant avec le navire, et le revendeur
son recours contre le constructeur »3.
1. Cass. 3 décembre 1985, DMF 1987, p. 229, note M. de Juglart ; Cass. 17 février 1987, DMF
1988, p. 310, obs. P. Bonassies.
2. Cass. ass. plén. 7 février 1986, D. 1986, jurisp. p. 293, note A. Bénabent.
3. P. Bonassies et Ch. Scapel, Traité de droit maritime, op. cit., no 215, p. 163.
4. Cass. com. 27 novembre 1991, Cass. com. 27 novembre 1991, Bull. civ. IV, no 367.
5. Cass. 1 Cass. 1re civ. 4 octobre 1989, Bull. civ. I, no 304, D. 1990, somm. p. 266, obs. B. Audit.
6. Sur l’inapplicabilité de l’article 2279 C. civ. à l’acquisition de la propriété d’un navire, voir
A. Vialard, Droit maritime, op. cit., no 329, p. 282.
7. Paris, 12 juin 1998, DMF 1998, p. 1123, obs. Ph. Delebecque.
8. Règlement (CE) no 593/2008 du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contrac-
tuelles, JOUE L.177 du 4 juillet 2008.
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Le navire
l’âge du navire. L’acte de vente doit être présenté dans un délai d’un mois au
service des douanes du port d’attache du navire, lequel annote en conséquence
l’acte de francisation1.
De manière générale, les effets de la vente navale sont ceux du contrat de
vente en droit commun2. Notamment, si le vendeur est tenu à information3 et à
garantie4, il est également tenu de satisfaire à son obligation de conformité5 dans
des termes proches de ceux évoqués pour le contrat de construction navale.
A. La mutation en douanes
L’article 93 du décret du 27 octobre 19676 prévoit que tout acte relatif à la
propriété ou à tout autre droit réel sur le navire doit faire l’objet d’une publicité :
la mutation en douanes7. Cette formalité, très ancienne, a pour but de vérifier la
nationalité des acquéreurs en leur imposant l’inscription de leur nom sur la fiche
matricule du navire. La mutation en douanes nécessite la remise de l’acte de
vente au bureau des douanes et permet en outre de conférer une nouvelle
publicité du statut réel du navire ; elle s’accompagne du règlement des droits
fiscaux y relatifs ainsi que des droits de mutation et des droits de douane.
1. Sur l’application de la théorie du mandat apparent en matière de vente de navire, voir Cass.
com. 12 janvier 2010, DMF 2010, p. 214, obs. Ph. Delebecque.
2. Pour la responsabilité d’un vendeur de mauvaise foi, voir CA Aix-en-Provence, 6 janvier 2011,
Rev. dr. transp. 2011, comm. no 89, obs. M. Ndendé.
3. Aix-en-Provence, 20 décembre 2007, DMF 2008, p. 587, obs. 0. Jambu-Merlin.
4. Cass. 21 octobre 1997, Navire Cass. 21 octobre 1997, Navire Gaiwill, DMF 1997, p. 603, obs.
P. Bonassies.
5. Cass. 1re civ. 1erdécembre 2010, DMF 2011, p. 331, obs. O. Cachard ; D. 2011, jurisp. p. 423,
note X. Licari ; JCP. G 2011 II.140, obs. J. Juvénal.
6. Décret no 67-967 du 27 octobre 1967 relatif au statut des navires et autres bâtiments de mer,
JO 4 novembre 1967.
7. Sur la nature et les effets controversés de la mutation en douane, voir M. Rémond-Gouilloud,
Droit maritime, op. cit., no 117, p. 89 et les réf. ; Ph. Delebecque, Droit maritime, op. cit., no 177,
p. 129.
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La prévention du risque de mer
matricule est affectée à chacun des navires ». L’article 93 du même texte dispose à ce titre
qu’aucun acte relatif à la propriété du navire n’est opposable aux tiers avant son
inscription sur la fiche matricule, étant précisé que cette formalité est une condition
nécessaire mais suffisante de l’opposabilité aux tiers. Le fichier d’inscription est
public ; pour chaque navire, la fiche matricule mentionne les énonciations propres à
l’identifier, le nom du propriétaire ou des copropriétaires, enfin les mentions
relatives aux droits sur le navire (C. transp., art. L.5114-3 et L.5114-4 : cas, par
exemple, des contrats d’affrètement à temps ou coque-nue conclu pour une durée
supérieure à un an, des hypothèques, des procès-verbaux de saisie, etc.).
Section 3
L’IDENTIFICATION DU NAVIRE
Le droit maritime fait du navire un meuble fortement individualisé, ce qui lui
permet d’être immatriculé et de bénéficier de tous les effets liés à sa condition
juridique.
Aux termes de l’article L.5111-1 du Code des transports, « les éléments
d’individualisation des navires sont : le nom (I) ; le port d’attache (II) ; le tonnage
(III) ». Parce qu’elle détermine la teneur du lien entre le navire et un système
juridique étatique, une place particulière doit être réservée à sa nationalité (IV).
I. Le nom du navire
Astrolabe, Titanic, Recouvrance, Shamrock, Carnival Ecstasy, l’attribution d’un nom
au navire, obligatoire dès lors que le navire supporte une jauge supérieure à deux
unités, permet de le distinguer des autres bâtiments de mer. En principe, le
choix du nom relève de la liberté créative de l’armateur, mais un navire de plus
de 25 unités de jauge ne peut prendre un nom déjà adopté par un autre1.
La loi exigeant que des marques d’identification soient portées sur le navire
(C. transp., art. L.5111-1), son nom doit figurer en lettres de couleur claire à la
poupe et à l’avant du navire2. Il ne peut être changé sans l’accord de l’adminis-
tration (C. douanes, art. 229).
50
Table des matières
Introduction .............................................................................................................................................. 1
277
Droit maritime
Première partie
LE DROIT ET LE RISQUE DE MER
Titre I. La prévention du risque de mer
Chapitre 1. Le navire ..................................................................................................................... 39
278
Table des matières
279
Droit maritime
Deuxième partie
LE DROIT ET LES ACTIVITÉS MARITIMES
280
Table des matières
II. La convention sur le droit de la mer (Montego Bay, 1982) .... 248
281
Droit maritime
282
2e édition
Droit
maritime
Arnaud Montas, maître de conférences à l’UBO
ISBN : 978-2-311-40250-6