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Mécanique du vol
Quelques domaines industriels particulièrement porteurs et innovants ont fait progresser les
sciences en général, et les sciences mécaniques en particulier. Ainsi en est-il de l’aéronautique,
de l’espace, de l’armement, du nucléaire, . . .
S’agissant de l’aéronautique, la demande scientifique et technique a été forte dès le départ :
en effet, si les hommes ont construit des bâteaux depuis la préhistoire (il est relativement facile
de faire flotter tant bien que mal une « coquille de noix » !), il a fallu passer un seuil tech-
nologique pour réussir à s’élever dans l’atmosphère, dans un appareil plus léger que l’air (les
montgolfières à la fin du 18e siècle) et à plus forte raison dans un appareil plus lourd que l’air
(les premiers avions au début du 20e siècle). Des considérations de prestige d’abord, relayées par
des considérations militaires et économiques ensuite, ont suscité recherche scientifique et progrès
technique. Les retombées de ces études ont ensuite fait progresser d’autres domaines industriels :
aérodynamique, moteurs, calcul des structures, radio-navigation, radio-communication, . . . Ce
n’est d’ailleurs pas fini, puisque par exemple les constructeurs aéronautiques se situent main-
tenant à la pointe de la simulation numérique, de la conception assistée par ordinateur, du
traitement d’images, . . .
C’est ainsi que l’aérodynamique est devenue une science très sophistiquée, dont nous allons
donner un petit aperçu, au travers de ce chapitre intitulé « Mécanique du vol » (d’après des
notes de cours de Daniel Euvrard, Université Pierre et Marie Curie (Paris 6) et ENSTA).
49
50 CHAPITRE 3. MÉCANIQUE DU VOL
aile
?
fuselage -
aile
bord de fuite
extrados
F
A
F
~air/avion
V A I
@
@ intrados
bord d’attaque H
Y
H
H profil
Fig. 3.3 – Allure d’une aile Fig. 3.4 – Profil d’une aile
Quelques définitions
On se place généralement dans un repère lié à l’avion. Autrement dit, l’avion et aussi l’aile
sont immobiles et l’écoulement de l’air se fait autour de l’avion. Notons que c’est la configu-
ration que l’on a dans les souffleries expérimentales lorsqu’on fait des essais pour étudier les
performances d’une aile.
Examinons la figure 3.4.
3.1. GÉNÉRALITÉS SUR LES PROFILS D’AILES 51
3.1.2 Vitesse propre de l’avion. Vitesse de l’avion par rapport au sol. Inci-
dence
Considérons l’avion en vol à la vitesse constante V ~avion/sol par rapport au sol et dans une
atmosphère en mouvement par rapport au sol (vent) avec une vitesse constante V ~air/sol . Ce qui
importe pour l’aérodynamique, c’est la vitesse de l’avion par rapport à l’air qui l’environne notée
~avion/air . Sur la figure 3.5, on a indiqué la vitesse de l’avion par rapport à l’air notée V
V ~avion/air .
Naturellement on a V ~air/avion = −V~avion/air .
On a :
~avion/air = V
V ~avion/sol − V
~air/sol
~avion/sol = V
V ~avion/air + V
~air/sol
~air/sol
V ~air/sol
V
~avion/air
V ~avion/air
V
~avion/sol
V ~avion/sol
V
sol sol
(a) (b)
En conclusion, pour la distance parcourue c’est V~avion/sol qui compte. Pour l’aérodynamique
~avion/air qui compte.
(comme on le verra dans la suite de ce cours), c’est V
52 CHAPITRE 3. MÉCANIQUE DU VOL
Notations
On pose :
~avion/air = V
V ~p (vitesse propre de l’avion).
~air/avion = V
V ~∞ (vitesse de l’air par rapport à l’avion).
~avion/sol = V
V ~S (vitesse de l’avion par rapport au sol).
Dans ce qui suit, l’écoulement de l’air arrivant sur le profil est supposé stationnaire (en
d’autres termes, la vitesse V ~p est indépendante du temps) et uniforme (c’est-à-dire que la vitesse
~p ne dépend pas de l’espace). Autrement dit, la vitesse V
V ~p est supposée constante. On dit que
~air/sol constante et si on revient au vol
l’écoulement est établi. Si de plus, on suppose la vitesse V
de l’avion par rapport au sol, ceci signifie que l’avion vole avec une vitesse V ~S constante.
V∞ A
F
(a) incidence nulle
F
A V∞
α V∞
α
A
F
(b) incidence positive (c) incidence négative
Plaçons nous dans un repère lié à l’avion (Fig. 3.6). Loin devant le profil, en amont, la vitesse
de l’air par rapport à l’avion est V~∞ : on parle du vent à l’infini. On a V
~∞ = V ~air/avion . Ce vecteur
~∞ fait un angle α avec la corde AF . Cet angle α est appelé angle d’incidence ou plus brièvement
V
incidence. Si V ~∞ est parallèle à la corde AF , l’incidence est nulle (Fig. 3.6a). Si V ~∞ pointe vers
~
l’intrados, l’incidence est dite positive (Fig. 3.6b). Enfin si V∞ pointe vers l’extrados, l’incidence
est dite négative (Fig. 3.6c).
La direction du vecteur V ~∞ indique la direction de la trajectoire de l’avion par rapport à
l’air. Il faut bien noter que la trajectoire n’est pas forcément horizontale (avion en montée ou en
descente par exemple). Remarquons enfin qu’en vol de croisière, la trajectoire est généralement
horizontale et l’angle d’incidence positif (ceci est représenté sur la figure 3.6b, si on suppose la
vitesse V ~∞ horizontale.
veine d’essai
p − p∞ < 0
V∞
A F
p∞
p − p∞ < 0
(a)
veine d’essai
p − p∞ < 0
V∞
A
p∞ F
(b) p − p∞ > 0
Fig. 3.7 – (a) Écoulement autour d’un profil symétrique sans incidence. (b) Écoulement autour
d’un profil symétrique avec une incidence positive
Explications
Dans tout ce cours, l’air est supposé de masse volumique ρ constante (on rappelle que la
masse volumique est la masse de l’unité de volume). De plus, l’écoulement autour de l’aile est
supposé stationnaire (on dit aussi permanent). Enfin l’air est supposé parfait, c’est-à-dire sans
viscosité : il n’y a pas de frottement visqueux (frottement dû à la viscosité) le long du profil. Deux
phénomènes physiques vont permettre d’expliquer l’origine de la surpression et de la dépression.
a) Conservation de la masse
Reprenons la soufflerie et la veine d’essai (Fig. 3.8). Les lignes de courant ou trajectoires des
particules fluides sont quasi-rectilignes loin du profil (c’est-à-dire près des parois de la veine).
Plaçons nous au-dessus du profil près du point d’attaque A : il y a une zone rétrécie entre ces
lignes de courant rectilignes et l’extrados. La conservation de la masse impose donc à la vitesse
d’être plus grande dans cette zone. En effet, la même quantité d’air doit s’écouler dans une zone
plus étroite.
54 CHAPITRE 3. MÉCANIQUE DU VOL
veine d’essai
zone rétrécie F
V∞ p∞ A
zone élargie
veine d’essai
zone rétrécie
A
V∞ p∞ F
zone élargie
b) Théorème de Bernoulli
Le mathématicien et physicien suisse Daniel Bernoulli a formulé en 1738 le « principe »
qui porte son nom. À une vitesse maximale correspond une pression minimale. De manière un
peu plus précise, on dit que pour un fluide de masse volumique ρ constante, en écoulement
stationnaire dans le champ de la pesanteur, on a :
1 ~2
ρ V + p + ρ g z = constante le long de chaque trajectoire
2
~ et p sont le vecteur vitesse et la pression au point considéré, g l’accélération de la pesanteur
où V
et z l’altitude du point considéré. Ce résultat est connu sous le nom de « théorème de Bernoulli ».
Ce théorème (non démontré dans ce cours) traduit la conservation de l’énergie par unité de
volume le long de la trajectoire (énergie cinétique, énergie interne exprimée en terme de pression,
énergie potentielle de la pesanteur).
Ces deux phénomènes (conservation de la masse et théorème de Bernoulli) expliquent la forte
dépression à l’extrados, et la surpression à l’intrados dans le cas d’une aile en incidence négative
ou positive comme sur la figure 3.8. En effet, maintenons l’altitude z constante. Nous venons
de voir, avec la conservation de la masse, que la vitesse augmente à l’extrados, donc d’après le
théorème de Bernoulli la pression diminue, d’où une dépression à l’extrados. De même, la vitesse
diminue à l’intrados, donc la pression augmente, d’où une surpression à l’intrados.
c) Quelques remarques
Jusqu’à présent, dans tous les raisonnements que nous avons faits, nous avons supposé que
l’écoulement de l’air suit la paroi du profil. C’est le fameux « effet Coanda » découvert par ha-
sard par l’ingénieur aérodynamicien Henri Coanda (1886–1972). L’effet Coanda, à proprement
parler, se présente de la manière suivante : lorsqu’un fluide (gaz ou liquide) sort d’un récipient
par un orifice ou un petit tube, une partie de ce fluide a tendance, au moment où il émerge,
à épouser le contour extérieur du récipient, même s’il lui faut pour cela, faire un « virage en
épingle à cheveux ». L’exemple le plus courant de l’effet Coanda est la façon malencontreuse
dont le thé s’écoule d’une théière lorsqu’on n’incline pas assez le bec verseur ; le thé sort bien de
3.1. GÉNÉRALITÉS SUR LES PROFILS D’AILES 55
la théière, mais le jet adhère à la paroi extérieure pour s’égoutter finalement ailleurs que dans
la tasse où il était censé arriver.
L’existence de ce phénomène dépend étroitement de quelques paramètres cruciaux, parmi
lesquels on peut citer la vitesse d’écoulement du jet, l’intensité de son débit et le profil exact de
l’ajutage de sortie. Autrement dit, lorsque l’effet Coanda se manifeste à la sortie d’une théière,
il suffit d’augmenter le débit du thé pour faire cesser le phénomène. L’effet Coanda peut avoir
des conséquences bénéfiques dans certaines circonstances, en particulier en aérodynamique, où
il peut donner lieu à des effets très importants en raison d’un phénomène d’entraı̂nement exercé
sur l’air environnant.
Mais il ne faut pas trop lui en demander : autant il est facile, pour le fluide, de suivre la paroi
du profil dans la zone rétrécie en amont du profil (près du bord d’attaque), autant à l’arrière de
l’extrados, il y a un risque de décollement (voir paragraphe 3.1.5) et on doit modérer la pente.
vitesse du fluide
?
zone de
fluide parfait
couche zone de
paroi limite fluide visqueux
(a) L’écoulement du
fluide suit le profil.
(b) Décollement de
la couche limite
(c) Le phénomène de
décrochage
Considérons l’écoulement autour du profil d’aile de la figure 3.11a. L’écoulement suit le profil
à l’extrados. Si nous augmentons l’angle d’incidence (Fig. 3.11b et 3.11c), la déflexion des lignes
de courant par le profil augmente : la surpression à l’intrados augmente et surtout la dépression
à l’extrados se creuse de sorte que la portance (voir le paragraphe 3.2 ci-après) augmente. Tout
ceci reste correct, tant que l’angle d’incidence ne dépasse pas une valeur voisine de 15◦ à 20◦
(Fig. 3.11a et 3.11b). Si on augmente encore l’incidence, tous ces phénomènes plafonnent et,
tout à coup, la dépression à l’extrados disparaı̂t et la portance s’annule (Fig. 3.11c). C’est ce
phénomène que l’on appelle décrochage aérodynamique.
Si on visualise les lignes de courant, on observe qu’au décrochage aérodynamique du profil
correspond un décollement de la couche limite à l’extrados avec apparition d’une zone dite de
« recirculation » tourbillonnaire (Fig. 3.11c). Il va de soi que le phénomène de décrochage ne
sera pas sans conséquence pour le pilotage d’un avion.
3.2. ANALYSE QUANTITATIVE : PORTANCE ET TRAÎNÉE 57
~ = T~ + P~
R
– une traı̂née T~ (ou résistance à l’avancement), qui s’oppose au mouvement du profil par
rapport à l’air et qui est donc nuisible. La traı̂née T~ est parallèle à la trajectoire de l’avion. Le
module de T~ est noté T . Rappelons qu’en vol stabilisé (stationnaire), la trajectoire est parallèle
à la vitesse de l’écoulement.
– une portance P~ perpendiculaire à la trajectoire et dirigée « vers le haut » ; cette portance
est évidemment utile. Le module de P~ est noté P .
Le rapport P/T s’appelle la finesse de l’aile. Elle vaut en général plusieurs unités.
Remarquons que la figure 3.12 est faite dans un repère lié à l’aile. La vitesse V est la vitesse
de l’air par rapport à l’avion.
portance résultante
portance
traction
V traı̂née
trajectoire
traı̂née
poids
Fig. 3.12 – Efforts aérodynamiques Fig. 3.13 – Efforts exercés sur l’avion
sur une aile complet en vol horizontal
portance (Fig. 3.19). Dépression, surpression et portance sont plus importantes que dans le cas
précédent représenté sur les figures 3.15 et 3.16.
Sur la figure 3.20, l’aile a une forte incidence et il y a le phénomène de décrochage. La
dépression est fortement diminuée, et la portance « chute » (Fig. 3.21 et Fig. 3.22).
portance
dépression
traı̂née
surpression
Fig. 3.14 – Aile sous faible Fig. 3.15 – Dépression et Fig. 3.16 – Portance et
incidence surpression traı̂née
portance
V
dépression
surpression traı̂née
Fig. 3.17 – Aile sous inci- Fig. 3.18 – Dépression et Fig. 3.19 – Portance et
dence moyenne surpression traı̂née
portance
dépression
traı̂née
V
surpression
Fig. 3.20 – Aile sous forte Fig. 3.21 – Dépression et Fig. 3.22 – Portance et
incidence surpression traı̂née
3.2. ANALYSE QUANTITATIVE : PORTANCE ET TRAÎNÉE 59
Théorème 3.1 (Théorème de Bernoulli) Pour un fluide parfait, de masse volumique cons-
tante ρ, en écoulement stationnaire et irrotationnel, et en négligeant les forces de pesanteur
au sein du fluide, on a : p(M ) + 21 ρ V 2 (M ) = constante le long de chaque trajectoire d’une
particule de fluide (et aussi le long de chaque ligne de courant), où M est le point courant sur
la trajectoire, où p(M ) est la pression au point M , et V (M ) le module de la vitesse en ce même
point M .
ligne de courant
M
V∞
~n
A
p∞
F
~∞ constante, on a :
Si à l’infini amont, la pression est p∞ constante et la vitesse V
1 1
p(M ) + ρ V 2 (M ) = p∞ + ρ V∞
2
(3.1)
2 2
où V∞ est le module de la vitesse V ~∞ à l’infini amont. Il est à noter que V ~∞ est la vitesse de
l’air par rapport à l’aile ou l’avion (Fig. 3.23).
Il est clair sur (3.1) que p(M ) et V (M ) varient en sens contraire (si p augmente alors V
diminue et vice versa).
Ceci peut être illustré par une expérience simple : en soufflant au-dessus d’une bande de
papier, on donne au fluide au dessus de la bande, une vitesse et on crée ainsi une dépression qui
fait s’élever la bande de papier. L’étudiant est engagé à faire cette expérience.
La forme d’une aile est dessinée de telle sorte que l’air y circule plus rapidement sur sa face
supérieure (extrados) que sur sa face inférieure (intrados). Comme conséquence, la pression au-
dessus de l’aile est plus faible que la pression en dessous (ceci est en accord avec les observations
faites (voir paragraphe 3.1.3). La différence de pression ainsi créée est à l’origine du phénomène
de portance.
La résultante aérodynamique R ~ s’obtient par intégration des efforts de pression sur le profil :
Z Z
~ =
R −p ~n ds = −(p − p∞ ) ~n ds
prof il prof il
60 CHAPITRE 3. MÉCANIQUE DU VOL
où ~n est le vecteur normal au profil, de norme unité et dirigé vers l’extérieur du profil (Fig. 3.23).
Dans l’expression ci-dessus, la seconde égalité est Rjustifiée : p∞ étant constante, on démontre en
effet, dans des cours plus avancés, que l’intégrale prof il p∞ ~n ds est nulle. Ce résultat est admis
ici.
D’après (3.1), et en utilisant convenablement la conservation de la masse, on peut établir
que p = p(M ) dépend de V∞ 2 . Ce résultat est admis et on écrira :
1 2
P = ρ Cz ` d V∞ (3.2)
2
1 2
T = ρ Cx ` d V∞ (3.3)
2
où P et T sont la portance et la traı̂née de l’aile pour une longueur d de génératrice perpendi-
culairement au plan du profil, et où ` est la longueur de la corde du profil. Le coefficient « 1/2 »
est purement traditionnel et rappelle l’équation de Bernoulli.
Les coefficients Cx et Cz dépendent de la forme du profil et de son incidence : ce sont des
coefficients sans dimensions (ils n’ont pas d’unité) appelés respectivement « coefficient de
traı̂née » et « coefficient de portance ».
Remarque 1
La forme des équations (3.2) et (3.3) peut a priori être prévue.
En effet, quelles sont les données du problème ?
Ce sont : la forme du profil et son incidence (données non dimensionnées c’est-à-dire sans
unités) ; la longueur ` de la corde du profil, dont la dimension est une longueur ; la longueur
d dont la dimension est aussi une longueur ; la vitesse à l’infini V∞ dont la dimension est une
vitesse et la masse volumique ρ de l’air.
Quelles sont les inconnues du problème ?
Ce sont : la portance P (respectivement la traı̂née T ). Les deux grandeurs P et T sont des
forces. Le principe d’invariance des lois de la physique et de la mécanique par rapport au système
d’unités choisi fait que la solution de notre problème doit relier des grandeurs sans dimensions,
c’est-à-dire sans unités. L’unité pour P et T est le Newton (1 N = 1 kg.m.s−2 ). Le produit
ρ ` d V∞2 s’exprime aussi en Newton ; rappelons que ρ s’exprime en kg.m−3 . Or, à un facteur près
P Cz
2
= = fonction (forme, incidence)
ρ ` d V∞ 2
T Cx
2
= = fonction (forme, incidence)
ρ ` d V∞ 2
Remarque 2
En fait, en donnant ces deux dernières formules, nous venons d’effectuer un « raisonnement
pas tout à fait correct ».
– En effet, en fluide parfait et en bidimensionnel, on peut montrer que la traı̂née est toujours
nulle. En fait la traı̂née provient essentiellement du frottement visqueux.
– Par ailleurs, la traı̂née de frottement ne varie pas vraiment comme le carré de la vitesse
(d’ailleurs, l’équation de Bernoulli n’est pas valable en fluide visqueux). En réalité, en ce qui
concerne surtout la traı̂née, la similitude géométrique ne suffit pas pour transposer les résultats
3.3. AVION COMPLET 61
d’une expérience à l’autre. On ne peut comparer que des écoulements correspondant au même
nombre de Reynolds Re défini par :
ρ 2
Re = V∞ `
µ
où µ est le coefficient de viscosité de cisaillement du fluide. Ce nombre de Reynolds mesure le
rapport des effets d’inertie aux effets visqueux.
Si la maquette de soufflerie est 10 fois plus petite que l’avion√ grandeur nature (c’est-à-dire
que ` est remplacé par `/10), il faut multiplier la vitesse par 10 pour √ conserver le même nombre
de Reynolds Re . Mais il paraı̂t difficile de multiplier la vitesse par 10 dans la soufflerie par
rapport à la réalité : en effet, la vitesse d’un avion est de l’ordre de 1000 km/h et il faudrait
« souffler » avec une vitesse de 3160 km/h !). Donc, sauf à changer de gaz, c’est-à-dire les valeurs
de ρ et µ, le nombre de Reynolds sera désespérément plus petit pour la maquette que pour
l’avion à l’échelle 1 ; les effets visqueux seront plus importants et les résultats ne seront pas
complètement transposables.
Outre la traı̂née de frottement, il existe en bidimensionnel une traı̂née de forme, correspon-
dant au décollement de la couche-limite avant le bord de fuite : à l’approche du décrochage, le
décollement remonte très vite vers l’amont et la traı̂née de forme augmente dramatiquement :
c’est ce qu’on va observer dans le paragraphe 3.2.3 suivant.
Retenons donc ceci : dans le cas d’un écoulement plan autour d’un profil, il y a deux sources
de traı̂née, le frottement (traı̂née de frottement) et le décollement (traı̂née de forme), liées toutes
deux (directement ou indirectement) à la viscosité de l’air.
~ = T~ + P~
R
où
• P~ est la portance perpendiculaire à la trajectoire de l’avion et dirigée « vers le
haut »,
• T~ est la traı̂née parallèle à la trajectoire de l’avion.
62 CHAPITRE 3. MÉCANIQUE DU VOL
CCz z
20°
Cz
0,15
15°
25°
12° 30°
8° 0,10
5°
0,05
2°
0°
Cx
-2° 0
0,1 0,2
Cxx
C
Fig. 3.24 – Polaire d’une aile Fig. 3.25 – Trois polaires pour trois profils
Cz = Cz (α) Cx = Cx (α)
D
Cz max
D
B
A
B
A
αA αB αD α αA αB αD α
(a) Coefficient de portance (b) Coefficient de traı̂née
Cz
D (Cz max)
3/2
E (Cx /Cz min) -
C (f = Cz /Cx max)
B (Cx min)
Cx
0 YH
H
A (Cz nul)
points A C E D
∞ XX 1
3/2
XXX
Cx /Cz XXX
z
XXX
X
3/2
Fig. 3.28 – Évolution de Cx /Cz le long de la polaire de l’avion
Il faut bien noter que la trajectoire peut être une droite horizontale (vol de croisière), une
droite ascendante (vol de montée) ou une droite descendante (atterrissage de l’avion).
W n = T Vp (3.6)
où Vp est la vitesse de l’avion. C’est la puissance qu’il faut avoir pour vaincre les efforts de
traı̂née.
La puissance disponible de l’avion est celle fournie par les paramètres de la motorisation
de l’avion (par exemple, un moteur et une hélice, ou deux moteurs et deux hélices).
La puissance utile de l’avion est notée Wu . C’est la puissance définie par le produit de
la traction par la vitesse propre de l’avion :
Wu = F Vp (3.7)
où F est la traction fournie par les moteurs pour faire voler l’avion à la vitesse Vp .
3.4. FACTEUR DE CHARGE 65
P~
trajectoire horizontale
T~ F~
m ~g
P~ + T~ + m ~g + F~ = ~0
P~ ire P~
j e cto
tra avion
l’
de T~
F~
T~ ire F~
j e cto
tra n
l ’ avio
γ de γ
γ γ
(a) m ~g (b) m ~g
F = m g sin(γ) + T ; P = m g cos(γ)
n = cos(γ) < 1
Pour un avion en montée, le facteur de charge est donc toujours inférieur à l’unité.
Pour un avion en descente à vitesse constante (Fig. 3.30b), on a, avec les notations précé-
dentes :
F = −m g sin(γ) + T ; P = m g cos(γ)
Pour un avion en descente, le facteur de charge est donc toujours inférieur à l’unité.
P~ + m ~g + F~c = 0
On a (voir la figure 3.31b) en projetant cette équation sur l’horizontale et sur la verticale :
P sin(ϕ) − Fc = 0 ; P cos(ϕ) − m g = 0
1
P = mg
cos(ϕ)
Le facteur de charge est :
1
n= >1
cos(ϕ)
3.5. LES EFFETS TRIDIMENSIONNELS 67
axe vertical
(Π) plan perpendiculaire Plan (Π)
à la trajectoire de l’avion P~
?
plan
horizontal horizontale
A F~c ϕ
A F~c
AU m ~g
K
A
(a) A trajectoire de l’avion (b)
tourbillon
tourbillon marginal
élémentaire
A
A
AAU
dépression
nappe
surpression
tourbillonnaire
Cette nappe tourbillonnaire s’étend très loin en aval de l’avion, car elle s’amortit très peu.
Il est dangereux de traverser le sillage d’un avion, surtout s’il est gros (un avion de tourisme,
passant dans le proche sillage d’un avion de transport, serait retourné comme une crêpe). C’est
ainsi que, sur les aéroports, on observe un décalage de temps minimal entre deux décollages
successifs. La « puissance gaspillée » à créer, et à maintenir ce sillage, se traduit par l’apparition
d’une nouvelle forme de traı̂née. Cette traı̂née s’ajoute à la traı̂née de frottement et à la traı̂née
de forme introduites à la fin du paragraphe 3.2.2.
3.6.2 L’hypersustentation
Sur les avions modernes, on essaie d’éviter un décrochage franc, soit à l’aide de profils
spécialement étudiés, soit en vrillant l’aile pour que la totalité de celle-ci ne décroche pas en
3.6. LE DÉCROCHAGE, L’HYPERSUSTENTATION 69
Cz
D
Cx
15◦
50◦
position décollage
position d’atterrissage
fente
même temps, soit en installant un « bec de bord d’attaque ». Ce « bec » est une sorte de
volet collé à l’avant de l’aile, qui sort tout seul à l’approche du décrochage, ménageant ainsi une
fente qui « souffle » la couche limite et l’empêche de décoller (voir Fig. 3.36).
Pour augmenter la portance, et donc diminuer la vitesse de décrochage (et par suite la
vitesse d’atterrissage et comme conséquence la longueur d’atterrissage), de nombreux dispositifs
de volets hypersustentateurs, avec ou sans fente ont été conçus.
La partie arrière des ailes des gros avions, lorsque ceux-ci s’apprêtent à atterrir ou à décoller,
est recourbée vers le bas. Le pilote utilise des volets hypersustentateurs constitués de plaques
métalliques qui glissent les unes sur les autres. Ils accroissent la surface de l’aile et augmentent
la portance (Fig. 3.37 et Fig. 3.38). Au sol et en vol stabilisé, ces volets rentrent dans l’aile.
70 CHAPITRE 3. MÉCANIQUE DU VOL
Corrigé
W n = T Vp (V1.1)
F =T (V1.3)
(m g)1/2 1
Vp = p (V1.7)
(1/2) ρ S Cz1/2
(m g)3/2 Cx
Wn = p (V1.8)
(1/2) ρ S Cz3/2
Remarques
Remarquons sur la formule (V1.7) que plus le coefficient de portance Cz est petit, plus la
vitesse Vp est grande. Remarquons aussi que plus l’altitude est élevée (ρ diminue avec l’altitude),
plus la vitesse Vp est grande.
Remarquons sur la formule (V1.8) que la puissance nécessaire pour le vol est d’autant plus
3/2
petite que Cx /Cz est plus petit. Elle est minimale au point E de la polaire (Fig. 3.27). On
rappelle que l’angle d’incidence correspondant au point E est l’angle de plafond.
-
α
point A B C E D
-XX
Cz 0
z
X
PP -
Cx PP
q
P
-
3/2
Wn ou Cx /Cz -
1/2 -
:
Vp ou 1/Cz
Wn A
D
Wn
E Vp
0 Vp
Corrigé
2-1 L’altitude étant fixée, ρ est alors fixé. Soit une incidence α donnée. Les courbes des deux
figures 3.26a et 3.26b donnent les valeurs de Cx et de Cz . On en déduit ensuite les valeurs de Vp
et de Wn par les formules (V1.7) et (V1.8). On place alors ce point dans le plan (Wn , Vp ) (Fig.
3.39).
Avant de dessiner la courbe représentative de Wn = Wn (Vp ), plaçons dans un tableau, les
variations des différentes grandeurs en fonction de α. Les variations de Cz et Cx sont obtenues
à partir de la lecture des figures 3.26a et 3.26b. D’après (V1.8), la variation de Wn est identique
3/2
à celle de Cx /Cz déjà vue dans le cours dans le tableau de la figure 3.28. Enfin la variation de
la vitesse Vp se déduit de celle de Cz en utilisant la formule (V1.7). Ces variations sont portées
sur le tableau dans la figure 3.39. Le tracé de la courbe Wn = Wn (Vp ) s’en déduit (Fig. 3.39) :
de A à E, Wn et Vp décroissent tous les deux, d’où le tracé de la courbe dans le plan (Vp , Wn ) ;
de E à D, Wn croı̂t mais Vp continue de décroı̂tre, d’où le tracé de la courbe.
On peut aussi dire que de D vers E, Wn décroı̂t et Vp croı̂t, et que de E vers A, Wn et Vp
croissent tous les deux et tendent vers l’infini (car Cz est nul au point A). Le point D correspond
au minimum de Vp et le point E au minimum de Wn .
2-2 D’après l’expression (V1.8) on a :
(m g)3/2 Cx
Wn (altitude z = 0) = p
(1/2) ρ0 S Cz3/2
(m g)3/2 Cx
Wn (altitude z) = p
(1/2) ρ S Cz3/2
d’où :
1/2
Wn (altitude z) ρ0
=
Wn (altitude z = 0) ρ
3.7. MÉCANIQUE DU VOL : EXERCICES AVEC CORRECTION 73
Wn
D
A
altitude z
E
altitude z = 0
Wn
Wn = Wn (Vp ) A
Wu D
2
@ 1
@
3/2
E(Cx /Cz min) R
@
s
)
Vp
u(
W
u =
W
0 V2 V1
Wn Wu altitude z1
Wu Wu altitude z2 > z1 A
D
*
?
Wn
?
s
3/2
E(Cx /Cz min)
0 Vp
Corrigé
3-1 Si V2 < Vp < V1 , alors Wu (Vp ) > Wn (Vp ). La puissance utile est supérieure à la puissance
nécessaire pour faire voler l’avion, donc la vitesse Vp va augmenter et s’approcher de V1 .
Si Vp > V1 , alors Wu (Vp ) < Wn (Vp ). La puissance utile est inférieure à la puissance nécessaire
pour faire voler l’avion, donc la vitesse Vp va diminuer et s’approcher de V1 .
Si Vp < V2 , alors Wu (Vp ) < Wn (Vp ). Pour les mêmes raisons que ci-dessus, la vitesse Vp va
diminuer. Donc on s’éloigne de V2 vers la gauche et l’avion perd sa vitesse et « chute ». C’est
cette situation que l’on utilise en phase d’atterrissage.
3-2 Le régime avec Vp = V1 est un régime stable et sain. Si la vitesse Vp est voisine de V1 , cette
vitesse Vp a toujours tendance à revenir vers V1 .
3.7. MÉCANIQUE DU VOL : EXERCICES AVEC CORRECTION 75
pesanteur
Vp
avion
γ horizontale
(a)
P~ P~
F~ T~
T~ F~
m ~g m ~g
γ γ
4-1 Écrire, pour l’avion, l’équilibre des forces qui lui sont appliquées : poids m ~g , traction de
l’hélice F~ , portance P~ et traı̂née T~ . Mettre sur une figure ces différentes forces.
4-2 On note Vz la vitesse de l’avion en projection sur la verticale (Vz = V~p · ~z, où ~z est le vecteur
unitaire vertical dirigé vers le haut). Exprimer Vz en fonction de Wn = Wn (Vp ), Wu = Wu (Vp )
et m g. Pour quelle incidence cette vitesse Vz est-elle maximale ?
4-3 On suppose que l’angle γ est petit. Donner pour γ (en radians) une expression en fonction
de F , m g et de la finesse f de l’avion (f = Cz /Cx = P/T ).
4-4 Considérer le même avion en descente à vitesse V ~p constante selon la même trajectoire
rectiligne. Reprendre les deux questions 4-1 et 4-2.
Corrigé
4-1 L’avion est soumis aux quatre forces listées dans l’énoncé. La portance est perpendiculaire
à la trajectoire. La traı̂née et la traction de l’hélice sont parallèles à la trajectoire (Fig. 3.43b).
76 CHAPITRE 3. MÉCANIQUE DU VOL
On projette ces quatre forces sur la trajectoire et sur la direction normale à la trajectoire. Il
vient :
−T − m g sin(γ) + F = 0 ; −m g cos(γ) + P = 0
soit :
P = m g cos(γ) ; F = m g sin(γ) + T
Les quatre forces sont représentées sur la figure 3.43b.
4-2 Par définition :
W n = T Vp ; W u = F Vp ; Vz = Vp sin(γ)
En utilisant les résultats de la question 4-1, il vient :
Wu = (m g sin(γ) + T ) Vp
Wu = m g Vz + Wn
Wu − Wn
Vz =
mg
Remarquons sur cette dernière formule, que Wu − Wn positif implique Vz positif.
La vitesse est maximale lorsque Wu − Wn est maximale, c’est-à-dire au point E de la figure
3/2
3.41 (voir exercice 3). La vitesse Vz est donc maximale pour l’incidence qui correspond à Cx /Cz
minimal.
4-3 D’après la question 4-1, on a :
P F −T
cos(γ) = ; sin(γ) =
mg mg
Si γ est petit, cos(γ) ∼
= 1 et sin(γ) ∼
= γ. On a alors :
P ∼
= mg ; F −T ∼
= mgγ
soit :
F T F 1
γ∼ = − ou γ∼
= −
mg P mg f
Cette dernière formule donne l’angle γ de la montée pour l’avion considéré. La montée n’est
possible que si la traction vérifie :
mg
F >
f
Plus le poids est grand, plus F doit être grande (ce qui est intuitif). Plus la finesse est grande,
plus F doit être petite (ce qui est aussi intuitif et très important pour les économies de kérosène).
4-4 Dans le cas d’un avion en descente, la portance et le poids sont inchangés par rapport au
cas de l’avion en montée. Par contre, la traı̂née et la traction sont changées en direction (Fig.
3.43c). Les réponses aux questions 4-1 et 4-2 sont alors :
T − m g sin(γ) − F = 0 ; −m g cos(γ) + P = 0
soit :
P = m g cos(γ) ; F = −m g sin(γ) + T
Par ailleurs :
W n = T Vp ; Wu = F Vp ; Vz = −Vp sin(γ)
(Vz est négatif en descente). Il vient :
Wu − Wn
Vz =
mg
Remarquons ici, que Wu − Wn est négatif afin que la vitesse Vz soit bien négative. On est sur la
portion Vp < V2 de la courbe Wu = Wu (Vp ) dessiné sur la figure 3.41.