Handicap L'éthique Dans Les Pratiques Cliniques
Handicap L'éthique Dans Les Pratiques Cliniques
Handicap L'éthique Dans Les Pratiques Cliniques
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CONNAISSANCES DE LA DIVERSITÉ
Comprendre – Comparer
Accompagner – Soigner
Éduquer – Enseigner – Former
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sexuelle ; éducation scolaire ; vie professionnelle ; art et culture ; sport et loisirs ; situa-
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tions de grande dépendance. Visant un savoir incarné, partagé, utile, elle entrecroise
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concrètes.
Dans une démarche jamais achevée et inachevable, elle donne ainsi toute leur
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Pierre Ancet
Anne Brun
Jacques Cabassut
Albert Ciccone
Véronique Cohier Rahban
Jean-Pierre Durif-Varembont
Emmanuel Hirsch
Simone Korff-Sausse
Chantal Lheureux-Davidse
Sylvain Missonnier
Silvia Pagani
Régine Scelles
Elio Tesio
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Denis Vaginay
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Sous la direction de
Régine Scelles
avec
Albert Ciccone, Simone Korff-Sausse,
Sylvain Missonnier et Roger Salbreux
Handicap : l’éthique
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cliniques
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CONNAISSANCES DE LA DIVERSITÉ
Plus de Livres sur La page Psychologie-Psychiatrie DZ
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Conception de la couverture :
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Anne Hébert
ISBN : 978-2-7492-0955-5
CF – 1000
© Éditions érès 2008
11, rue des Alouettes, 31520 Ramonville Saint-Agne
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Introduction
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La réflexion éthique n’est pas pour ceux qui s’expriment dans ce livre
un plus, un thème particulier qui s’ajouterait à d’autres thématiques mais
elle est au fondement même de la relation à l’autre et de la conception
du travail avec lui. Mis à part Emmanuel Hirsch qui a accepté de faire la
postface de cet ouvrage et qui est un spécialiste connu et reconnu de
l’éthique, aucun des auteurs n’est spécialiste de ce champ d’étude. En
revanche, tous, dans leur pratique de chercheurs, de praticiens ont été,
en quelque sorte, contraints de se confronter à des questions éthiques
qui naissent et se déploient dans les spécificités des liens qui se nouent
avec la personne handicapée dans le contexte sociétal, culturel et insti-
tutionnel de leurs rencontres.
Le handicap soulève de manière inéluctable la question de l’origine,
de la vie ou de la mort (avec, notamment, le diagnostic prénatal), de la
procréation et de la filiation (le droit à la sexualité et à la parentalité des
personnes handicapées), mais aussi celle de la valeur et du sens de l’au-
tonomie physique et psychique.
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toires ou antagonistes.
Les auteurs montrent que les problèmes éthiques ne concernent pas
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INTRODUCTION 9
nourrir d’un lien avec un sujet encore pas né, imaginé, fantasmé.
Dans la seconde partie, à partir de situations cliniques particulières
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Régine Scelles
Éthique et idéologie :
clinique du risque et de la prudence
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ÉTHIQUE ET ALTÉRITÉ
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« J’ai souffert par elle, car elle a mis le doigt sur ma vulnérabilité, mon
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12. Ibid.
13. P.-C. Racamier, Le génie des origines. Psychanalyse et psychoses, Paris, Payot, 1992.
14. J.-L. Louis, La nuit apprivoisée, Presse de la Renaissance, 2000, p. 169.
15. A. Van Gennep, 1909, Les rites de passage. Études systématiques des rites, Paris, Éd.
A. et J. Picard (1981).
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position éthique qui soit aidante et bientraitante pour tous les acteurs de
la situation, enfants, parents et professionnels.
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mant que les crises et ses effets ne pouvaient pas vraiment être compris
par cette mère. Chacun était alors renvoyé à une douloureuse solitude
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évoluer à ce contact.
Ce n’était pas seulement d’explications scientifiques dont cette mère
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avait besoin mais bien qu’on l’aide à expliciter la façon dont elle perce-
vait son enfant, dont elle parvenait à être sa mère et qu’elle espérait la
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faire grandir.
À travers cet exemple, on voit combien la construction d’une position
éthique est complexe et concerne toujours un sujet singulier et une
équipe singulière, mais sans jamais oublier le « nous » qui dépasse le
colloque singulier « je-tu » évoqué par Ricœur.
Dans un tel cas de figure, le psychologue doit composer avec la légi-
timité des différentes postures adoptées par chacun, tout en faisant
travailler sa propre position. En l’espèce, je pensais qu’on ne pouvait bien
soigner ce bébé sans prendre également soin de sa mère et qu’il était
impératif de composer avec cette femme.
La mère et les professionnels qui l’entouraient percevaient certes la
même chose – à savoir les convulsions – mais ne l’interprétaient pas de
la même manière. C’est la souffrance exprimée par la mère – peur de
perdre son enfant et culpabilité de n’avoir pas écouté les professionnels –
qui l’a rapprochée des soignants. En retour, ceux-ci ont été touchés par
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le soignant.
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Une mère raconte dans un film 16 que depuis la naissance de son fils
IMC, elle ne peut être sereine que lorsqu’il dort parce que, dit-elle,
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notre psyché, leur étrangeté fait écho à la nôtre, en nous rendant étran-
gers à nous-mêmes. Il y a parfois un douloureux écart entre ce que le
professionnel « sait qu’il faut penser » pour être en accord avec ses
missions et sa déontologie professionnelle, ce qu’il « voudrait penser »
pour être en accord avec ses propres idéaux d’origine familiale, culturelle,
sociale et ce qu’il « pense vraiment » face aux situations auxquelles il est
confronté, dans sa pratique. Pour que ces écarts ne génèrent pas trop de
souffrance, y compris pour les patients, parfois rendus responsables du
malaise, les professionnels doivent pouvoir parler sans redouter un juge-
ment, un blâme ou une disqualification. Ce « penser en groupe 17 » offre
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sionnel. C’est à ce prix qu’il peut accepter de se sentir touché par l’en-
fant handicapé et par ses proches, sans risque pour lui ni pour l’autre.
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certains détails d’une scène ou, encore, lorsqu’il ne comprend pas pour-
quoi il agit comme il le fait aide le soignant à prendre conscience de ses
mouvements de projection et d’identification et le soutient dans ses
capacités à saisir ce qui le lie et le sépare de ceux dont il prend soin ;
vécus comme étranges, ces moments sont des indicateurs de la manière
dont la subjectivité et l’implication produisent des effets dans la relation.
S’appuyant sur cette réflexion, il peut alors prendre une distance, sans
pour cela se couper de ses émotions 19.
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CRÉATIVITÉ ET CROYANCES
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21. J.-P. Gaillard, L’éducateur spécialisé, l’enfant handicapé et sa famille, Paris, ESF, 1999.
22. R. Scelles, « Les frères et les sœurs et la non-annonce du handicap », Pratiques psycho-
logiques, 2, 1998, p. 83-91 ; L. Onnis, « Quand le temps est suspendu : individu et famille
dans l’anorexie mentale », Thérapie familiale, Genève, 21, 3, 2000, p. 289-303.
23. R. Kaës, Le groupe et le sujet du groupe, Paris, Dunod, 1993.
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duelles. »
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NARRATIVE
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CONCLUSION
Pour cela, il doit se voir proposer des conditions de travail qui lui offrent
la possibilité d’expliciter les fondements de ses propres positions. Le
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travail d’équipe peut l’aider à avoir une pensée réflexive sur ses
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Pierre Ancet
L’ombre du corps
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pratique, sans avoir vocation à être réalisés (dans sa nature même, l’idéal
a une fonction régulatrice 1 : il permet de s’orienter, mais reste inattei-
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corps radicalement différent permet de mieux les identifier dans des cas
moins rares (qui ne sont pas toujours des cas plus simples à accepter).
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L’OMBRE DU CORPS 31
de mettre chacun face aux limites de sa propre tolérance face aux varia-
tions du corps humain.
La monstruosité n’appartient donc pas en soi à un individu, mais
renvoie aux réactions de l’observateur. Dire ou penser « c’est un
monstre » est un jugement de type réfléchissant, qui nous renseigne plus
sur l’observateur que sur l’objet désigné 4. « Monstre » est un terme
utilisé faute de mieux, lié au manque de catégorie disponible pour
nommer ce qui apparaît et ce qui est ressenti. Il faudra nous confronter
à ce qui, en nous-mêmes, peut nous conduire à employer ce terme, en
exacerbant la gêne ressentie qu’une forme de mauvaise foi essaye de
masquer. L’intérêt est alors de rentrer en soi-même pour y découvrir les
traces d’altérité qui empêchent la reconnaissance de l’autre.
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de ce vécu étant à entendre d’un point de vue final comme partie inté-
grante du respect qu’on lui porte.
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L’OMBRE DU CORPS 33
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chissable empêche toute relation avec cette main qui n'est qu'une pince
de chair ou un moignon.
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Il faut dire les choses ainsi : ce n'est pas avec l'autre que la relation
semble devoir avoir lieu, mais uniquement avec la partie dérangeante qui
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7. B. Saint-Girons, Fiat Lux. Une philosophie du sublime, Quai Voltaire, 1993, p. 116.
8. P. Ancet, Phénoménologie des corps monstrueux, Paris, Presses universitaires de France,
2006 ; J.-J. Courtine, « Le corps anormal. Monstruosités, handicaps, différences », dans
A. Corbin, J.-J. Courtine, G. Vigarello (sous la direction de), Histoire du corps, vol. 3, Paris,
Le Seuil, 2006.
9. S. Sausse, « La peur de la différence », dans Naître différent, Toulouse, érès, 1997,
p. 12-13.
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et l'on peut voir dès lors à travers le corps. Celui-ci devient le support ou
la base de la relation, il agit comme la base neutre d'un parfum. Les indi-
cations ne sont plus lues sur le corps, il n'est plus un signe, mais elles
sont lues à travers lui. Le corps handicapé s'absente alors comme les
lettres et les mots d'un texte s'absentent au profit du sens pendant la
lecture. L'illisibilité de surface a disparu par la grâce du contact humain,
par la découverte d’une culture et d'un langage communs (phénomène
qui est évidemment rendu plus délicat par les troubles du comportement,
l’absence de langage parlé, ou le polyhandicap).
Cette disparition du stigmate physique n'est jamais définitive. Au
détour d'un silence ou d'un moment d'inattention, il peut repasser brus-
quement au premier plan, à nouveau trop visible et dérangeant. Avec ce
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L’OMBRE DU CORPS 35
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sion »). Le trouble ne s'installe pas toujours d’emblée, mais peut venir de
l'échec d'une représentation antérieure beaucoup plus rassurante, voire
ludique, qui n'apparaît à terme que comme une réaction de défense.
C'est précisément quand tombe cette illusion d'artifice que reparaît
avec force l'ombre du corps. Victor Hugo excelle dans la description de
cette disparition de l'attitude irréalisante. Il en est ainsi dans Notre-Dame
de Paris, lorsque le vainqueur du concours de grimaces se montre hors
de la fenêtre de bois, et que la foule hébétée s'aperçoit que « la grimace
était son visage ». Le visage de Quasimodo fait d'abord rire, il se donne
comme un effort de déformation. Mais les sourires se figent en un instant
lorsqu'il apparaît que cette grimace n'en est pas une. Car le masque
tombe. Et il n’y avait pas de masque.
Tous les visages difformes héritent malgré eux d’une expression invo-
lontaire, figée comme un masque, exagérée comme une caricature. Le
visage n’y est plus la marque d’une autre personne, mais un objet que
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L’OMBRE DU CORPS 37
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13. M. Sami-Ali, « Corps et espace. L'espace de l'inquiétante étrangeté », dans Corps réel.
Corps imaginaire. Pour une épistémologie du somatique, Paris, Dunod, 1998, p. 31-32.
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XIXe siècle ou les sœurs Hensel aujourd’hui. La fusion est telle que la
notion familière et rassurante d’individualité corporelle se perd. La
perception du corps double prolongerait une expérience angoissante d'in-
distinction entre soi et autrui qui remonte à la prime enfance, la consti-
tution du corps propre se faisant contre cette indistinction où se mêlent
l'intérieur et l'extérieur, où les frontières entre mon corps et celui de
l'autre n'existent pas encore 14 . Lorsqu'il n'y a plus de repère net d'orga-
nisation corporelle, plus de séparation entre l'intérieur et l'extérieur, entre
son corps et le corps de l'autre, l’observateur retrouve un état d'indis-
tinction appartenant aux premiers moments de l'élaboration perceptive
qui le confronte à sa négation 15. Avec le monstre double profondément
fusionné, quelque chose dans le monde réel fait écho au sentiment de
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14. Ibid..
15. « Sont aux prises, ici, l'expérience primordiale de l'espace en tant que structure imagi-
naire où le corps propre est l'origine tant de la forme que du contenu de la représentation,
et sa transposition partielle en ce cadre de référence qui coïncide avec la réalité du
monde », ibid., p. 34.
16. S. Freud, 1919, « L’inquiétante étrangeté », dans L'inquiétante étrangeté et autres
essais, Paris, Gallimard, (rééd.) 1985, p. 215.
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L’OMBRE DU CORPS 39
MISES EN SCÈNES
indirectement par contraste avec le cadre dans lequel il prenait place 17.
Un instant inaperçue, la monstruosité sautait ensuite aux yeux, semblant
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ou plus valorisants pour ceux que l'on nommait freaks. Ils ne servaient
pas à les montrer comme tout le monde en famille. Quels que soient le
décor, la pose, les vêtements, un monstre ne peut vivre comme tout le
monde. Le monstre fait réapparaître dans l'espace bien connu du foyer
une angoisse mettant en doute son rôle protecteur. L’intimité de la famille
cède ici à une extimité forcée. Le foyer n'est plus ce qui éloigne les étran-
gers ou l'étrangeté en général. Cette apparition vient révéler quelque
chose de dérangeant en son sein même.
Le portrait de famille où apparaissaient avec le phénomène humain
un conjoint attentionné et des enfants posait indirectement la question
de la sexualité des monstres, de leur descendance et du désir possible
17. R. Bogdan, Freak Show. Presenting Human Oddities for Amusement and Profit, The
University of Chicago Press, 1988.
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notre sexualité, qu’elle soit partie prenante de notre désir, voilà qui est
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L’OMBRE DU CORPS 41
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Nous avons tenté de faire sentir la spécificité du rapport au corps
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jugé monstrueux à travers la notion d’ombre du corps. Notre but était
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Albert Ciccone
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bout des points de vue différents donnera une vision totale, omnisciente
de la situation. La toute-puissance démentie de chacun s’est réfugiée
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TECHNICITÉ DU SOIN
peut dire, depuis déjà longtemps, mais prolifèrent d’une manière tout à
fait redoutable actuellement. Le monde soignant est menacé par les
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dispense du soin).
Ces logiques correspondent également à une demande sociale, où le
penseur est convoqué pour donner des réponses et non pas pour poser
des questions. Donner des réponses, c’est-à-dire empêcher de penser.
On empêche de penser, on n’interdit pas, comme le souligne bien
Christophe Dejours 2. La différence est essentielle : entre interdire et
empêcher, il y a la même différence que celle qui sépare la dictature du
néolibéralisme, précise Dejours. Et, comme chacun en fait quotidienne-
ment l’expérience, le système néolibéral de conduite des entreprises,
avec ses objectifs de gestion et de rentabilité, a jeté son dévolu sur les
hôpitaux, les centres de soin et les universités. Ce système n’interdit pas
de penser, il empêche de penser.
La violence provient aussi du fait que l’autre n’est pas toujours consi-
déré comme un sujet. Et cela non seulement du fait des pressions
sociales et politiques que je viens d’évoquer, mais du fait des aléas du
rapport intime que tout soignant entretient avec la pathologie ou le
handicap.
Tout le monde s’accorde à dire, par exemple, qu’il convient de parler
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sujet ne peut pas aussi parfois, paradoxalement, lui faire violence. L’im-
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est ainsi, par exemple, de l’exigence louable qu’on peut avoir de n’ap-
porter une aide que si l’autre a une demande. On pourrait évoquer aussi
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ne peuvent pas réaliser ce qui est attendu – ce qui ne signifie pas qu’ils
ne peuvent rien réaliser. Mais les institutions et les praticiens ont d’abord
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possède une double face : il est d’une part un savoir ésotérique (fermé,
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car ce savoir est bien réel, mais « il est mythique en ce que ce qui fait sa
vertu sociale est la croyance dont il est l’objet » (p. 204). C’est ce savoir
mythique qui autorise le maintien du déviant dans l’espace social. « Il y
a quelque part quelqu’un qui sait », c’est cela qui est essentiel. Et cela
traduit, encore une fois, la fonction symbolique de toutes les institutions :
il y a quelque part des experts qui savent.
Ces pratiques exotériques sont adossées à un discours savant, et
produisent du discours savant, qui bien sûr doit être paré des stigmates
de la scientificité pour remplir sa fonction symbolique – ce qui est le cas
du discours psychologique et psychanalytique ainsi utilisé. On voit bien à
l’Université, par exemple, comment un tel discours tente de se parer des
stigmates de la scientificité.
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D
ORGANISATION INSTITUTIONNELLE
ok
Bo
soignantes.
Je me référerai d’abord, pour préciser cette idée, à Donald Meltzer 4
M
qui décrit très bien comment les institutions, lorsqu’elles sont organisées
par la hiérarchie (ce qui est quasiment toujours le cas), fonctionnent
toujours selon un système de tyrannie-et-soumission (il parlait des insti-
tutions qu’il connaissait le mieux : les institutions psychanalytiques –
mais on peut dire cela de toutes les institutions). Les groupes, les insti-
tutions, chaque fois qu’ils sont structurés par la hiérarchie, tendent à s’or-
ganiser selon les « mentalités de groupe » au sens que donnait Bion 5 à
ce terme, ou selon les logiques du « claustrum » tel que le décrit Melt-
zer 6. Le claustrum définit une zone de la réalité psychique dans laquelle
se déploient en particulier le sadomasochisme et la tyrannie-et-soumis-
patient, telle famille, tel groupe. Autrement dit, il n’y a pas de prescrip-
tion ou d’indication de soin en soi indépendante du soignant censé
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vrai aussi, même si à des degrés divers, pour tout type de soin soma-
tique, rééducatif, fonctionnel, instrumental, tel que peut l’exiger le handi-
M
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des affects de haine. Et cela est le cas dans le soin au handicap, qui
confronte à l’impuissance, au désespoir, ce qui peut conduire les
ed
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soignant – d’oser penser et sentir ce qu’il pense et ce qu’il sent, quel que
soit l’avis de sa société, de ses collègues, et quel que soit son propre avis
M
à lui sur ce que lui-même pense. Et il faut pouvoir garder ces pensées un
temps suffisamment long pour pouvoir ensuite être en mesure d’énoncer
ce qu’elles sont.
Toujours dans cette idée de la fétichisation de la pensée, Bion disait
aussi que lorsque nous formulons une idée ou que nous élaborons une
théorie nous produisons simultanément de la matière calcaire, nous nous
calcifions. On peut dire que lorsque les pensées sont systématisées, elles
deviennent une prison plus qu’une force libératrice.
C’est pourquoi Bion prônait une attitude qu’il définissait comme
« sans désir et sans mémoire ». Il faut pouvoir rencontrer chaque fois le
Dans le premier cas la règle est intégrée, mais pas la loi humaine du
respect de la vie, contrairement au deuxième cas. Mais pour intégrer
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cette loi, et ne pas masquer ce manque d’intégration par des agis qui ne
ok
Sylvain Missonnier
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D
serait quitte une fois pour toutes, dire la vérité, c’est aussi
Bo
évaluer les effets que son dire produit dans une situation
donnée pour des sujets nécessairement singuliers.
ed
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D
d’élation mais aussi souvent de fortes irritations. Dans cet imbroglio, une
ok
tion, manifestement avec tous les risques de l’arbre qui cache la forêt.
Comme la lettre volée de la nouvelle d’Edgar Poe, sa constante exposi-
tion est finalement la meilleure garantie de mise au secret de son
précieux contenu.
2. On peut évoquer les successives versions du Code de déontologie médicale (1947 [...]
1995), la création du Comité consultatif national d’éthique en 1983, la Charte du patient
hospitalisé (1995), les lois n° 94-653 du 29 juillet 1994, relative au respect du corps
humain, n° 88-1138 du 20 décembre 1988 sur la protection des personnes qui se prêtent
à des recherches biomédicales, dite loi Huriet (révisée, 25 juillet 1994), et n°2002-303 du
4 mars 2002, relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé. À l’échelle
internationale : les successives Déclarations d’Helsinki (1964 [...] 2000), la Convention
européenne sur les droits de l'homme et la biomédecine (1997), le Pacte international pour
les droits civils et politiques adopté par les Nations unies en 1966 et ratifié par la France en
1981, la Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine signée à Oviédo en 1997,
la Déclaration universelle sur le génome humain et les droits de l’homme en 1997…
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3. « Consentement éclairé et information des personnes qui se prêtent à des actes de soin
ou de recherche », n° 58, 12 juin 1998.
4. Code de la santé publique, loi n° 2002-303 du 4 mars 2002.
01 Intérieur Scelles 25/07/08 10:09 Page 58
Aussi, les quelques réflexions que je vais esquisser ici sont d’abord à
envisager comme un voyage intérieur où le sujet éthiquement correct
n’est qu’un soi en jachère et l’autre, respecté, un projet vulnérable.
Pour cheminer, je vais suivre le plan suivant. Je vais d’abord poser un
postulat méthodologique. J’aborderai ensuite le paternalisme médical
puis l’évolution de la rencontre de la déontologie et de la législation. Vien-
dra ensuite l’abord psychologique proprement dit du consentement
éclairé à partir d’une notion que je crois prometteuse, l’anticipation. Sur
cette base, quelques hypothèses psychanalytiques seront envisagées
avant de conclure.
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fonction de sa totalité ;
– le système est homéostatique : les informations extérieures déclen-
chent par rétroaction des modifications du système qui ont pour but le
retour à l’équilibre antérieur ;
– la causalité interne et externe du système n’est pas linéaire mais circu-
laire, inter et rétroactive.
La théorie générale des systèmes de Von Bertalanffy a ouvert vérita-
blement la problématique systémique en omettant, toutefois, d’appro-
fondir ses propres fondements. C’est E. Morin qui, finalement, a dégagé
le concept de « système complexe » en prenant en compte la récursivité
de l’organisation, à la fois organisée et organisante, intégrant ainsi la
5. L. Von Bertalanffy, 1968, Théorie générale des systèmes, Paris, Dunod, 1993.
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6. Depuis les premiers travaux des grands pionniers, la théorie des systèmes a donné lieu
à de multiples développements. Les débats entre R. Thom, E. Morin, H. Atlan, I. Prigogine
et J.-L. Le Moigne illustrent la vivacité de la mouvance francophone.
7. Depuis cette proposition inaugurale, une critique salvatrice du postulat du « retour à
l’équilibre » a été formulée grâce à l’étude de Prigogine de systèmes « loin de l’équilibre ».
En rompant avec la réversibilité constante des processus structurés par des lois sources de
prévisibilité, la dimension temporelle est réintroduite et le non-équibre pourvoyeur de bifur-
cations irréversibles. La discontinuité événementielle y est reconnue à sa juste place ; elle
n’est plus un accident de l’homéostase mais une composante intrinsèque essentielle.
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Ce n’est que tardivement 8 que les modernes que nous sommes vont
ok
PATERNALISME ET « PATERNALISTHME 9 »
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le droit des individus à choisir leur propre “bien” et à participer aux déci-
ok
elle est un “choix de société”, elle va avec le choix de vivre dans une
société plus démocratique 10. »
ed
père face à ses enfants ou d’un chef d’entreprise face à ses employés.
Est-il pour autant un médecin littéralement despote à l’égard du patient,
comme le père grec qui disposait d’un pouvoir absolu envers femme,
enfant et esclave ?
Assurément, ces excès ont existé et persistent encore quotidienne-
ment 12. Aujourd’hui, le scientisme technologique et l’impérialisme du
paradigme probabiliste sont des alliés potentiels de cette infantilisation
du patient condamné à la culpabilité et à la faute face à une maîtrise
médicale parentale prompte à relayer la directivité d’une instance
surmoïque.
Toutefois, sans remettre en cause les mutations historiques de la
corporation médicale, je crois qu’il y a autant de naïveté dans la descrip-
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d’indifférence, peuvent faire perdre des chances dans la prise d’une déci-
sion relative à des choix de traitements 14. » Mais cette inversion a sur le
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Z
Les réflexions théorico-cliniques sur le deuil périnatal, le diagnostic
D
anténatal et l’annonce d’une anomalie, d’un handicap 17, la prématurité
oc
ainsi que les débats sur l’arrêt Perruche 18 concourent chacun à leur façon
à une contextualisation spécifique de ce débat sur le consentement
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éclairé.
ok
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D
ok
en périnatalité et en pédiatrie.
Une anticipation tempérée adaptative ne correspond pas à l’illusion
d’une prévision exacte du futur mais bien à une inscription dans un
processus de symbolisation de la complexité des scénarios possibles. Une
des grandes vertus de l’approche systémique contemporaine est de
mettre en exergue la récursivité des processus humains : un moyen pour
atteindre une fin transforme cette fin – et, ce faisant, suggère déjà, irré-
versiblement, quelque nouveau moyen. Tout acte engageant engendrera
toujours des effets non anticipés. « C’est à pouvoir rencontrer l’imprévu
21. M. Grassin, Le nouveau-né entre la vie et la mort. Éthique et réanimation, Paris, Desclée
de Brouwer, 2001.
22. P. Gonod, 2000, « Penser l’incertitude », document d'atelier du site de l’Association pour
la pensée complexe, <http://www.mcxapc.org>.
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qu’il faut être préparé et non à tout prévoir », écrit G. Favez 23. La santé
de l’anticipation, c’est son ouverture à l’imprévisible.
Prenons l’exemple concret de l’incertitude parentale face à un nour-
risson malade. Cette incertitude comporte au moins cinq facettes reliées
entre elles :
– l’incertitude face au tempérament et au style interactif du bébé telle
qu’elle existe dans toute naissance ;
– l’incertitude face à l’environnement médical, à son langage et à ses
coutumes complexes ;
– l’incertitude à l’égard de la maladie ;
– l’incertitude face aux soignants et à la qualité de leurs soins ;
– l’incertitude sociale, c’est-à-dire celle du couple, de la fratrie, de la
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D
guïté de l’imprévisibilité, selon les cas, elle nous guide ou nous perd.
L’anticipation est une variable individuelle, familiale, institutionnelle et
sociétale.
Secrétée par l’angoissante vulnérabilité du sujet, l’anticipation tempé-
rée se démarque de la toute-puissante prédiction de l’augure. L’oracle
légitime son pouvoir de prae dicere (dire à l’avance), par une ésotérique
connivence avec le divin au prix d’une expatriation de son terroir humain.
La prédiction, horizon tentateur de l’anticipation, en exprime la virtualité
aliénante. Ici l’anticipation et son discours informatif du « tout dire »
éblouissent et condamnent à l’action urgente et décousue.
28. G.E. Vaillant, Ego Mechanisms of Defense. A Guide for Clinicians and Researchers,
Washington, American Psychiatric Press Inc., 1992.
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psychanalytique approfondie.
Dans le meilleur des cas, en périnatalité et en pédiatrie, l’anticipation
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D
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D
être tendre, méticuleuse et attentive comme une mère avec son bébé,
mais aussi « concubine » (concubina, qui couche avec) : c’est ce que
M
34. M.-J. Del Volgo, L’instant de dire. Le mythe individuel du malade dans la médecine
moderne, Toulouse, érès, 1997.
35. P. Denis, Emprise et satisfaction. Les deux formants de la pulsion, Paris, PUF, 1997.
36. A. Rey, Dictionnaire historique de la langue française, op. cit.
37. P. Denis, article « Emprise », dans A. Mijolla (sous la direction de), Dictionnaire inter-
national de la psychanalyse, Paris, Calmann-Lévy, 2002.
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D
38. S. Freud, 1905, Trois essais sur la théorie de la sexualité, Paris, Gallimard, coll. « Folio
Essais », 1985.
39. L’expression est de Luc Gourand.
01 Intérieur Scelles 25/07/08 10:09 Page 74
pation est à mon sens une boussole efficiente pour accueillir et penser ce
« reste » chez le soignant et chez l’usager. Cela se confirme dans la rela-
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D
institutionnel.
In fine, à ce jour, les procédures dites de consentement éclairé
ed
s’obtient pas une fois pour toutes, mais se conquiert, se négocie dans le
colloque entre soignés et soignants, entre sauvagerie et courtoisie. Les
principes de contextualité, de non-systématicité et de collégialité en sont
les fondations 41.
C’est ce que tentent de montrer nos travaux sur le diagnostic anté-
natal42 où le travail soignants-soignés de négociation du consentement
40. R. Gori, M.-J. Del Volgo, « L’éthique : un renouveau de la clinique dans les pratiques de
la santé », art. cité, 2002.
41. M. Grassin, Le nouveau-né entre la vie et la mort, éthique et réanimation, op. cit.
42. S. Missonnier, La consultation thérapeutique périnatale, op. cit. ; « Le diagnostic anté-
natal », dans A. Ciccone, S. Korff-Sausse, S. Missonnier, R. Scelles (sous la direction de),
Cliniques du sujet handicapé. Actualité des pratiques et des recherches, Toulouse, érès,
2007.
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ok
Bo
ed
M
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Simone Korff-Sausse
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point de vue des autres, mais pas du point de vue de la personne handi-
capée elle-même. Souvent, trop souvent, on développe les positions
ed
Elles sont énoncées par des experts et non pas issues du terrain où les
cliniciens se confrontent, au quotidien, à des situations complexes, qui
posent plus de questions qu’ils n’offrent de réponses. Or, comme le dit
Emmanuel Hirsch, « l’éthique, ça se discute ». En effet. Par exemple, le
droit à la sexualité et à la procréation pose dans les institutions pour
personnes atteintes d’un handicap mental des problèmes concrets qui
méritent réflexion et discussion. Les équipes s’interrogent sur les impé-
ratifs éthiques qui se dégagent de ces situations cliniques fort complexes
et qui véhiculent, souvent à notre insu, des positions idéologiques bien
intentionnées et politiquement correctes. Cependant, notre orientation
psychanalytique ne nous permet pas d’ignorer que derrière les discours
manifestes se camouflent des fantasmes beaucoup moins bienveillants,
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D
fait exception, elle qui a réalisé des entretiens avec des adultes handica-
pés mentaux, vivant dans des institutions qui ne leur donnent guère la
ed
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D
l’autre un choc émotionnel qui peut être ressenti comme une forme de
Bo
de cela que le sujet handicapé, sans le vouloir et bien malgré lui, est
responsable.
M
sure : celle du handicap dont il subit les conséquences dans son corps et
dans son esprit, mais également la blessure qu’il a infligée à ses
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D
Puis survient une jeune fille, l’une de celles qui doivent être livrées au
Bo
monstre afin d’être dévorées par lui, que le Minotaure accueille avec joie.
« … Il comprit – pour autant qu’on puisse parler de comprendre dans le
ed
9. Pour une étude plus approfondie de cette figure du Minotaure en rapport avec le handi-
cap, je renvoie le lecteur au chapitre « Qui a tué le Minotaure », dans S. Korff-Sausse
(2000), D’Œdipe à Frankenstein. Figures du handicap, Paris, Desclée de Brouwer.
10. Il faut lire la première phrase de ce texte admirable : « La créature que mit au monde
la fille du dieu du soleil, Pasiphaé, après que, enfermée selon son désir dans un simulacre
de vache, elle eut été saillie par un taureau blanc consacré à Poséidon, se retrouva, traînée
de main en main le long des files que dans leur peur de se perdre avaient formées les servi-
teurs de Minos, après de longues années d’un sommeil confus pendant lesquelles elle gran-
dit dans une étable parmi les vaches, à même le sol du labyrinthe construit par Dédale pour
protéger les hommes de la créature et la créature des hommes, un ouvrage dont personne
ne pouvait ressortir une fois qu’il avait pénétré dans l’enchevêtrement de ses innombrables
parois de verre, en sorte que la créature ne voyait pas devant elle que sa seule image, mais
encore les images de ses images. » Une seule phrase, mais toute la problématique est là :
la créature monstrueuse, le dédale, la peur, les images, le miroir.
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le sol roulé sur lui-même comme il l’avait été dans le ventre de Pasiphaé,
le Minotaure rêva qu’il était un homme ».
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11. Que l’on songe à la série des dessins de Picasso sur le Minotaure, où l’artiste s’identi-
fie à cette figure hybride, monstrueuse, mi-homme mi-bête.
12. À la fin du récit de Dürrenmatt, Thésée se déguise en Minotaure pour le tuer (tout
comme sa mère Pasiphaé s'était fait passer pour une génisse afin de séduire son père).
Voyant venir à sa rencontre un autre, le Minotaure, loin de se défendre, se jette dans ses
bras. Heureux, parce qu’il « n’était plus condamné à la solitude, exclu et enfermé à la fois,
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c’est parce qu’elle met à mal les adultes. Maintenant je propose de faire
ok
gênant pour les autres parce que ses dires dérangent les présupposés
habituels et les attentes, toujours contradictoires, ambivalentes, à son
M
égard.
La réflexion éthique propre au sujet handicapé implique qu’il puisse
opérer une distanciation avec lui-même, porter un regard sur soi et
l’autre, avoir un point de vue en articulation avec le point de vue de
l’autre. L’échange va s’inscrire dans le modèle de la réflexivité issu de
W. R. Bion (1965) et développé par René Roussillon. Le soi et l’autre se
qu’il y avait un second minotaure, non seulement un je, mais un tu. […] Le Minotaure
commença de danser. […] Il dansa son bonheur, il dansa le partage de son être, il dansa
sa délivrance, il dansa la fin du labyrinthe, l’engloutissement retentissant de ses parois et
de ses miroirs, il dansa l’amitié entre les minotaures, les animaux, les hommes et les
dieux… ». Mais voici que Thésée tire de son déguisement de taureau un poignard « et
lorsque le Minotaure se précipita dans les bras ouverts de l’autre, assuré d’avoir trouvé un
ami, une créature pareille à lui, et que ses images se précipitèrent dans les bras des images
de l’autre, l’autre frappa… [Alors] Thésée retira le masque de taureau qui recouvrait son
visage » et les miroirs ne reflétèrent plus que « le sombre cadavre du Minotaure ».
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imposées par Dieu : enfanter dans la douleur, gagner son pain à la sueur
ok
Ève n'enfantera pas. Elle restera stérile. Tous deux resteront pareils
l'un à l'autre : par conséquent, pas de différence, pas de domination. Et
l'homme ne travaillera pas. Ni labeur, ni peine, ni sueur, ni fruits de son
travail. Il restera éternellement dépendant. Ils ne sauront pas d'où ils
viennent, ni où ils retourneront. Ignorants de leurs origines et de leur
destin mortel. Leurrés par l'illusion de leur immortalité ; vivant une
temporalité sans début ni fin, s'étirant éternellement, empêchant tout
projet, car dénué de toute échéance. Ainsi restèrent-ils au jardin d'Éden
dans la soumission de Dieu, dans l'ignorance de leur condition, dans l'im-
mobilité du temps. Sans passé, ni devenir. On les appela les bienheureux,
les demeurés, les simples d'esprit, les débiles, ou, selon une dénomina-
tion plus récente, les personnes atteintes d'un déficit mental. Quant au
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D
ok
Bo
ed
M
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Georges Saulus
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D
et théorique.
La problématique rencontre, qui va être brièvement rappelée, d’Éli-
sabeth Smerdiachtchaïa avec Fiodor Pavlovitch servira d’illustration de ce
phénomène et de base à notre tentative d’élucidation.
« Élisabeth était une fille de très petite taille [...]. Sa face de 20 ans, […],
était parfaitement idiote ; son regard était fixe et désagréable. Hiver comme
été, elle allait toujours nu-pieds et vêtue seulement d’une chemise de
chanvre. […] Elle ne savait même pas articuler un mot ; par moments seule-
ment elle remuait la langue et mugissait. Nombre de gens compatissants
avaient plus d’une fois tenté d’habiller Élisabeth plus décemment que d’une
simple chemise, et à l’approche de l’hiver, on la revêtait toujours d’une
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1. Citation d’après F.M. Dostoïevski, Les frères Karamazov, première partie, livre III,
chap. 2, Paris, Gallimard, coll. « Folio », trad. H. Mongault.
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2. B. Bettelheim, 1960, The Informed Heart, New York, The Free Press, traduction fran-
çaise : Le cœur conscient, Paris, Robert Laffont, 1972.
3. Parmi lesquelles : R. Antelme, L’espèce humaine, Paris, La cité nouvelle, 1947 ; M. Blan-
chot, L’entretien infini, Paris, Gallimard, NRF, 1969 ; J. Rolland, Dostoïevski. La question de
l’autre, Lagrasse, Verdier, coll. « La nuit surveillée », 1983 ; L. Allain, Dostoïevski et l’autre,
Paris, Presses universitaires de Lille-Institut d’études slaves, 1984 ; S. Leclaire, Le pays de
l’autre, Paris, Le Seuil, 1991.
4. Dénuement et vulnérabilité subis, et non pas volontaires.
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5. En pédagogie, méthode heuristique (du grec heuriskein, trouver), désigne une méthode
consistant à faire découvrir à l’élève ce que l’on veut lui enseigner.
6. Il s’agit d’une tendance et non d’une stricte nécessité. Voir plus loin.
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mène de diffraction éthique joue un rôle, qui peut être central, dans une
certaine dynamique contre-transférentielle propre à notre activité auprès
de personnes en situation de handicap extrême.
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éthique.
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En effet :
1. On voit d’abord que sa situation extrême place Élisabeth dans un
rapport d’asymétrie extrême avec Fiodor Pavlovitch.
Ce rapport d’asymétrie extrême est évident et il est évidemment lié
à ce qui fait la situation extrême d’Élisabeth : sa pauvreté, sa dépendance
et sa vulnérabilité extrêmes. À la pauvreté d’Élisabeth répondent très
asymétriquement les privilèges de tous ordres que l’on devine chez
Fiodor Pavlovitch : privilèges physiques et psychologiques (il a, sur ces
deux plans-là, une santé suffisamment bonne pour être parfaitement
autonome), privilèges économiques, privilèges sociaux, etc… À la dépen-
dance d’Élisabeth vis-à-vis de Fiodor Pavlovitch répond aussi très asymé-
triquement la pleine indépendance et la toute-puissance de celui-ci à son
égard : elle est à sa merci… Enfin, à la vulnérabilité d’Élisabeth répond
très asymétriquement la force, physique et psychologique, d’affirmation
de soi de Fiodor Pavlovitch.
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diffraction éthique.
Le viol d’Élisabeth n’est en effet le symbole que d’une seule des deux
déviations possibles vers une voie extrême du mouvement éthique habi-
tuel d’un acteur relatif à un autre acteur en situation extrême.
Dans le cas qui nous occupe, la déviation consiste, contrairement à
l’habitude, à détourner complètement son regard du visage (au sens lévi-
nassien) de l’autre ; dans d’autres cas, il peut s’agir d’une déviation qui
consiste, contrairement aussi à l’habitude, à reconnaître dans le visage
du plus faible un commandement à le servir. Mais, dans un cas comme
dans l’autre, il s’agit toujours de la déviation du mouvement relatif à
autrui depuis sa voie moyenne habituelle vers une voie extrême, dévia-
tion caractéristique du phénomène de diffraction éthique.
On sait aussi qu’il arrive que, malgré l’induction active de la situation
extrême par l’un des acteurs, le mouvement habituel de l’autre acteur
01 Intérieur Scelles 25/07/08 10:09 Page 93
relativement à autrui ne soit pas dévié vers une de ses deux bornes
extrêmes. C’est qu’il y a eu travail de résistance à ce qui n’est habituel-
lement qu’une tendance à la déviation, et non une stricte contrainte.
Cette résistance, qui doit être accompagnée, s’impose à tout profession-
nel travaillant en situation extrême.
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tif dans le récit de la rencontre de deux humains, dont l’un est en situa-
tion extrême et sur lequel l’autre à un rapport d’emprise ; mais cette
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ment à le servir.
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phénomènes contre-transférentiels.
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psychologiques ».
Peut-être le concept de diffraction éthique est-il à même d’accueillir
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Roger Salbreux
Intervention précoce
chez les très jeunes enfants
à risque de handicap :
perspectives historiques et éthiques
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nécessité d’agir tôt n’est pas une nouveauté en médecine. Mais dans le
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autour de l’idée que les enfants dont les progrès de la médecine permet-
ok
un essor prodigieux. Cela dit, dans les années 1960, le dispositif d’ac-
cueil, de diagnostic et d’orientation était peu développé, surtout basé sur
M
INTERVENTION PRÉCOCE CHEZ LES TRÈS JEUNES ENFANTS À RISQUE DE HANDICAP 103
« médical » qui se rendait dans les villages éloignés au fond des vallées.
Cette expédition bernoise a permis de prendre conscience d’une autre
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2. Sur les champs de courses, handicaper un cheval signifie l’alléger ou l'alourdir, ou encore
lui donner une distance plus ou moins grande à parcourir, afin que tous les concurrents
aient des chances égales d'arriver en tête au poteau, comme si l'on avait tiré leur numéro
d'un chapeau (hand in cap).
3. Mmes M. Hyon-Jomier † et J. Lévy †, MM. P. Le Cœur † et R. Salbreux.
4. R. Salbreux, « Action préventive et développement », dans S. Lebovici, F. Weil-Halpern
(sous la direction de), Psychopathologie du bébé, Paris, PUF, 1989a. p. 771-781.
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Dans les années 1960, le seul statut possible pour les « chroniques »
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INTERVENTION PRÉCOCE CHEZ LES TRÈS JEUNES ENFANTS À RISQUE DE HANDICAP 105
à risque de handicap.
Beaucoup d'entre nous se souviennent de la levée de boucliers provo-
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quée par la promulgation de cette loi, non pas en raison de son article 1,
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VIGNETTE CLINIQUE
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ok
sociation nationale des IMC 13. Un couple effondré se présente pour obte-
nir des renseignements, en fait en quête d’orientation. La naissance a été
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11. Dans ce cadre, « origine » ne signifie pas cause ou étiologie, mais se réfère au régime
d’indemnisation : blessés de guerre, infirmes civils, etc.
12. F. Chapireau, « Le handicap impossible : analyse de la notion de handicap dans la loi
d'orientation du 30 juin 1975 », 1re et 2e parties, Annales médico-psychologiques, 146,
nos sp. 7 et 8, 1988, p. 609-631 et p. 691-706.
13. Infirmes moteurs cérébraux : association récemment créée pour faire écho aux efforts
de prise en charge initiés par le Pr Guy Tardieu (voir références 1954-1966).
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INTERVENTION PRÉCOCE CHEZ LES TRÈS JEUNES ENFANTS À RISQUE DE HANDICAP 107
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Le décret 76-389 du 15 avril 1976 et la circulaire du 29 novembre
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1985 confient aux CAMSP des missions très particulières de dépistage et
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D
son handicap potentiel, lequel peut tout aussi bien concerner l'aspect
ok
physique que relationnel, tant sont intriquées, lors de leur émergence, les
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15. Décret n° 56-284 du 9 mars 1956 complétant le décret n° 46-1834 du 20 août 1946
modifié, fixant les conditions d'autorisation des établissements privés de cure et de préven-
tion pour les soins aux assurés sociaux.
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de 6 ans, pouvant présenter des déficits sensoriels, moteurs ou mentaux
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(le handicap psychique n’a été introduit dans les usages, puis dans la
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ayant présidé à la demande de création des CAMSP et qui ont été rappe-
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21. R. Salbreux, « Introduction à une réflexion sur les CAMSP ». « Enquête sur le fonction-
nement des CAMSP » ; Discussion : « Les centres d'action médico-sociale précoce », séance
du Club international de pédiatrie sociale, Paris-CIE, Guigoz, 1982, 90 p.
22. M. Butlen, Y. Chautard, M. Davigo, A.-M. Lafay de Micheaux, J. Lévy, S. Mille,
R. Salbreux, M. Titran, Rapport du groupe de travail sur les centres d'action médico-sociale
précoce (septembre 1985-décembre 1986), reprographie, Direction générale de la Santé,
bureau 2b, 1987, 40 p.
23. R. Salbreux, « Enquête sur le fonctionnement des CAMSP », Réadaptation, 435, 1996,
p. 12-18.
24. Surhandicap : terme actuellement peu usité, employé il y a quelques années pour dési-
gner l'effet aggravant des réactions familiales à l'existence d'un handicap, réactions habi-
tuellement inévitables, dont le degré peut en effet faire largement varier le pronostic
(Circulaire n° 86-13 du 6 mars 1986).
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C’est bien ce qu’avait compris Janine Lévy 26, initiatrice de l’un des deux
premiers CAMSP qui ont vu le jour dans les années 1970, bien avant la
ed
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peut rien faire sans eux. Il importe en effet que l'enfant et sa famille
Bo
d'elle, pour l'aider à conserver son rôle d'acteur principal auprès de son
enfant.
IMPLICATIONS ÉTHIQUES
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D
– l’importance de la prévention ;
ok
de l’enfant dans son milieu naturel aussi longtemps que ses besoins et ceux
de sa famille le requièrent et la mise en place de relais à l’issue de la prise
en charge ;
– la transdisciplinarité déclinée en interne par un travail d’équipe coordonné,
comme en externe avec le travail en réseau ;
– la promotion de pratiques de qualité régulièrement réévaluées.
L’ANECAMSP a le souci de garantir une éthique dans les pratiques des profes-
sionnels qui :
– favorise l’échange d’expériences dans l’exercice de leur travail ;
– fournisse l’ancrage indispensable à leur engagement ;
– encourage l’initiative, l’interrogation constante sur leurs pratiques et la
formation ;
– permette la confrontation des différentes approches dans le respect des
idées de chacun dans tous les champs du handicap et de l’humain. »
INTERVENTION PRÉCOCE CHEZ LES TRÈS JEUNES ENFANTS À RISQUE DE HANDICAP 115
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D
gement assez radical des pratiques dans un sens infiniment plus respec-
Bo
31. H.-J. STIKER, « L’évolution et l’évaluation des idées sur le handicap en France depuis
1945 », dans IXe Congrès de l'Association internationale de recherche scientifique en faveur
des personnes handicapées mentales (AIRHM), Rimouski (Québec), 17-20 août 2004. Défi-
cience intellectuelle : savoirs et perspectives d’action. T. 2, Formation, interventions, adap-
tation et soutien social, Presses universitaires du Québec, 2006.
32. P. Fougeyrollas, G. Saint-Michel, H. Bergeron, R. Cloutier, « Le processus de production
des handicaps : analyse de la documentation », Réseau international CIDIH/icidh, 4, 1991,
p. 1-20.
33. P. Fougeyrollas, « Les applications du concept de handicap, désavantage de la CIH et
de sa nomenclature », Strasbourg, Conseil de l’Europe, 1993. – « Les déterminants envi-
ronnementaux de la participation sociale des personnes ayant des incapacités : le défi
socio-politique de la révision de la CIDIH », Canadian Journal of Rehabilitation, 10,1, 1997,
p. 147-160. – « La classification québécoise du processus de production du handicap et la
révision de la CIDIH », Les cahiers du CTNERHI, 1998, p. 79-80, 85-90.
34. Classification internationale du fonctionnement, du handicap et de la santé (OMS, 2004).
35. Maison départementale des personnes handicapées.
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INTERVENTION PRÉCOCE CHEZ LES TRÈS JEUNES ENFANTS À RISQUE DE HANDICAP 117
CONCLUSION
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D
Silvia Pagani
Elio Tesio
De la culpabilité à la responsabilité,
pour une éthique de la relation
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D
Nous proposons dans cet article certaines réflexions sur deux thèmes
intimement et éthiquement liés entre eux : la culpabilité et la responsa-
bilité dans le domaine du handicap.
Le handicap, en effet, peut devenir le « lieu de la culpabilité 1 » et de
l’indifférence, un lieu où peuvent dominer la non-différence, entendue
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D
contact même ténu avec les aspects les plus profonds de lui-même, au
prix toutefois de la régression ou de l’inhibition plus ou moins grave de
ed
5. Une « tendance freinante », dans la théorie des systèmes complexes, est représentée
par la rétroaction négative. Elle est un processus de ralentissement du taux de flux d’un
élément a.
6. P. Fonagy, M. Target, Attaccamento e funzione riflessiva, Milano, Cortina, 2001. Les expé-
riences traumatiques, en particulier de type prolongé, peuvent marquer une régression ou
une détérioration, non seulement de certaines fonctions mentales, par exemple de l’atten-
tion, de la mémoire, de l’imagination, des associations, de la capacité à résoudre les
problèmes ou d’échafauder des plans… mais aussi d’une fonction mentale comme la « fonc-
tion réflexive ». Fonagy et Target, dans une série d’études recueillies dans Attaccamento e
funzione riflessiva (2001), définissent cette aptitude comme la « conscience du sujet rela-
tive aux états mentaux de ses objets d’attachement et à la clarté de ses représentations
relatives à ses propres états mentaux dans le passé et dans le présent. Celle-ci évolue en
fonction de l’apport de différentes influences qui interagissent entre elles de manière dyna-
mique : les émotions de la personne, les interactions sociales, les relations familiales et avec
l’entourage, les réactions du monde social au sens large ». Or, la fonction réflexive est une
procédure « qui donne forme et cohérence à l’organisation du soi qui est au-delà de la
conscience ». Les expériences traumatiques vécues par les parents peuvent donc produire
une régression, si ce n’est une détérioration ou un appauvrissement de certaines capacités
cognitives et affectives, en particulier de la possibilité de comprendre leur propre esprit,
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tinction est plus contrôlable que la clarté, elle peut être remplie de conte-
nus ad hoc, utiles du point de vue des besoins du moment.
Le sentiment de culpabilité maintient de force le sujet dans une
logique réductrice, adaptative et rassurante quoique temporaire, mais
inadéquate quand il s’agit d’aborder une réalité interne et externe aussi
complexe. De fait les parents, de même que les personnes qui ont subi
un traumatisme répété et continu, utilisent souvent des schémas cogni-
tifs-émotifs simplifiés, rigides, répétitifs et contrôlables. Par exemple, la
concrétisation de la pensée, l’éternisation du temps dans la dimension du
présent-existant, la bidimensionnalité de la pensée et l’annulation de
l’ambivalence des sentiments, l’anesthésie émotive et créative, la
recherche de la cause unique – le coupable – qui donne un sens univoque
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D
leurs propres comportements et sentiments et ceux des autres, d’attribuer une signification
à leur propre réalité interne comme à la réalité extérieure ; mais l’absence d’une significa-
tion entraîne l'impossibilité de consoler l’enfant et soi-même. Il faut souligner que la perte
ou la suspension de la capacité réflexive chez les parents d’enfants handicapés, afin de
prévenir la douleur de leur propre horreur, est temporairement adaptative, si elle est limi-
tée dans le temps, mais elle peut produire de grandes difficultés dans le contexte extra-
familial ou intrafamilial, si elle est adoptée de manière stable ou qu’elle se maintient pour
une période relativement longue.
7. P.C. Racamier, « Una comunità di cura psicoterapeutica. Riflessioni a partire da un’espe-
rienza di vent’anni », Psychomedia, 12 gennaio 2001.
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CULPABILITÉ ÉTERNELLE
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9. A.H. Modell, Other Times, Other Realities. Toward a Theory of Psychoanalytic Treatment,
1990, tr. it. Per una teoria del trattamento psicoanalitico, Milano, Cortina, 1994. Comme a
montré Modell (1965, p. 89), souvent dans le cas d'événements hautement traumatisants,
« le passé domine et tronque le temps présent », en annulant l’écoulement du temps, ou
la négation de souvenirs douloureux, en particulier de la perte, exclut l’individu « des
souvenirs du passé et des centres d’intérêt du futur ». Il est ainsi enfermé dans le monde
« de l’éternel présent ». Ou bien s’impose une forme encore plus radicale de négation, celle
du temps lui-même. « La suspension du temps, le fait de se placer hors du temps, est
évidemment un moyen pour nier les dangers du monde réel : l’inévitabilité du vieillisse-
ment, de la maladie et de la mort. »
10. E. Tesio (sous la direction de), L'uovo fuori dal cesto, Torino, Utet, 2000, p. 37.
11. S.A. Mitchell, « Devi soffrire se vuoi cantare il blues », Gli Argonauti, 89, 2001, p. 114.
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parents du contact intime, aussi bien avec eux-mêmes, par peur de leur
Bo
12. W.R.D. Fairbain (1952), « Psychological Study of the Personality », dans Studi psicoa-
nalitici sulla personalità, Torino, Boringhieri, 1970, p. 93.
13. S.A. Mitchell, « Devi soffire se vuoi cantare il blues », art. cit.
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mais implique tout le monde 14, elle appelle et crée une injustice encore
plus importante : le sacrifice des autres. Qui s’autopunit punit aussi ses
proches, lesquels le méritent encore moins.
En bloquant l’émergence des pensées et des sentiments non accep-
tés, l’immersion et même la submersion dans le sentiment de culpabilité
empêchent également qu’il soit perçu intuitivement, compris, pensé et
pour finir digéré. Ainsi les parents risquent-ils, d’une part de perdre la
possibilité de donner une signification à ce qu’intimement ils sentent et
pensent, et, d’autre part, de ne pas pouvoir créer un facteur de protec-
tion indispensable afin de préserver leur existence, et celle des enfants
valides ou déficients du couple. Outre ce qui est arrivé et arrive en
dehors, ils risquent de rendre également absurde ce qui se passe au-
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D
14. Ibid.
15. M. Buber, 1929, Ich und Du, tr. fr. Je et tu, Paris, Auber, 1969. – 1936, « La domanda
rivolta al singolo », dans Il principio dialogico, Cinisello Balsamo, Edizioni San Paolo, 1993,
p. 229-278. L'expression « toujours-à-nouveau » est utilisée par Buber à propos de la
responsabilité et elle s’oppose à « une-fois-pour-toutes ». Pour Buber, l’individu, c’est-à-dire
celui qui vit de manière responsable, a la liberté de la décision autonome et du choix, mais
aussi la préoccupation de devoir répondre, chaque fois et à nouveau, de chaque choix. Celui
qui se désengage moralement, au contraire, « s’efforce par tous les moyens d’échapper à
l’exigeant “toujours-à-nouveau” qu’un tel devoir de responsabilité impose par la fuite dans
un rassurant “une-fois-pour-toutes” » (Buber, 1936, p. 262).
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dans une marche circulaire, et la vie en une répétition qui fait d’eux des
esclaves.
Giuliano raconte une vie quotidienne infernale, dont nous citons
seulement un bref extrait :
« Si vous saviez le sacrifice que nous faisons, bon maintenant ce soir ils le
gardent au centre [d’accueil], le sacrifice que nous faisons pour garder notre
enfant... pour venir ici [au groupe], c’est grave.
Bien sûr, puisque je travaille aux champs, le matin je me lève, je fais une
heure et demie, deux heures selon les saisons, puis je vais à la maison, je
me change et je viens au centre, il faut deux heures. Elle n’a pas le permis,
il y a seulement sept kilomètres, mais il faut deux heures pour tout régler,
puis je vais à la maison, je travaille encore deux heures, si j’ai le temps, puis
il faut aussi préparer le repas, une heure et demie, puis je recommence
jusqu’à quatre heures et je me change une autre fois, je viens le chercher et
après je m’occupe de lui. Si je peux l’attirer dans le champ pour qu’il fasse
quelque chose, de temps en temps il va cueillir les pommes, après on les
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jette parce qu’il les abîme toutes. D’autres fois, il fait quelque chose d’autre
et puis quoi qu’il fasse de toute façon tu dois te changer une autre fois, je
me change trois fois. Elle [sa femme], elle a dit un jour à sa mère : “Il use
ses pieds rien qu’à les laver.” Le soir je dois encore me laver, à la campagne
on se salit. Et puis avant d’aller dormir, à nouveau, j’use mes pieds. La vie
que nous menons, si vous voyiez, il n’y a personne qui se l’imagine, mais moi
non plus, je ne me serais jamais imaginé devoir vivre ce que nous vivons
aujourd’hui. Quand il a été à Cuneo, qu’il n’avait que deux jours, il est resté
là-haut quarante jours, le docteur l’a dit : “Mesdames et Messieurs le calvaire
a commencé aujourd’hui”, le calvaire, mais il n’a pas dit que nous aurions dû
mener la vie que nous menons [...]. Une torture ! [...] On ne vit pas dans
notre maison, à cause de ça. Quand il est à la maison, le samedi ou le
dimanche... des radios il en a déjà fait disparaître beaucoup parce qu’il les
garder sa tête après ça et s’il n’a pas sa radio c’est encore pire, il te fait deve-
nir fou [...]. »
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« C’est dur, comme c’est tous les soirs avec Michele, parce que quand il
Bo
rentre du centre à la maison, c’est encore un travail, ces heures qu’il faut
attendre pour que la nuit arrive. C’est dur le soir de dire : “Aujourd’hui c’est
ed
fait, demain qui sait.” C’est dur pour une personne de dire toujours comme
M
ça, parce que c’est un tunnel sans issue, il n’y a pas de lumière dehors, c’est
la nuit... Et pourtant c’est comme ça [...]. Le dimanche quand il y a congé on
va sur la place, on est habitués au village à aller au bar, bavarder un peu, on
reste un moment et puis on rentre à la maison. Je vais à la maison et je sais
déjà ce que je trouve. Elle est en colère : “Je ne sais plus quoi en faire.” J’ar-
rive, lui il descend, puis il commence à tourner une demi-heure, une heure
ou peut-être une heure et demie. Puis, peu à peu, il remonte et alors à ce
moment-là ce n’est plus la peine de penser aller à R... Je vais dans les
champs, je me défoule. C’est une pauvre vie. »
DE LA FAUTE À LA RESPONSABILITÉ
tance à domicile, des lieux où laisser les enfants quelques heures par jour
ou pour des périodes plus longues, il existe des subventions aux familles,
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penser que les parents ne sont pas laissés seuls. Il est vrai qu’ils ne sont
Bo
pas abandonnés à eux-mêmes sur le plan concret et que cela les soulage
de leur charge quotidienne et de la responsabilité de s’occuper seuls des
ed
sances apparues durant les séances avec les parents, les frères et sœurs,
les enfants handicapés, aux questions que nous nous posons du type :
« comment est-il possible de vivre dans une telle condition de souf-
france ? » et aux pensées telles que : « s’il était mort, cela aurait certai-
nement été mieux pour lui et pour ses proches », ou bien :
« heureusement que ça ne m’est pas arrivé à moi ». Le fait d’apporter
une aide immédiate, pour une part le produit de nos aspects omnipo-
tents, peut donc de manière illusoire constituer un moyen de se mettre
à l’abri de la culpabilité de celui qui sent avoir échappé à un danger ou
au risque d’un dommage très grave. En outre, cela nous fait nous sentir
« bons » et cela nous protège de sentiments et de pensées peu tolé-
rables et difficiles à reconnaître, comme le désir d’éloigner de sa vue des
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merveilleux », « mon fils est très beau ») et de la vie à ses côtés (« vivre
avec lui m’a appris beaucoup de choses »), idéalisation qui inévitable-
ment comporte une énorme charge de négations, négation de l’enfant
imaginé (« aujourd’hui je ne voudrais pas un autre enfant que lui »),
négation des désirs, confondus avec le besoin, expiatoire ou non, de se
dédier constamment à lui. Cette façon de fonctionner, cependant, a
souvent comme résultat des folies à deux ou de toute la famille, si ce
n’est des infanticides réels ou imaginaires, dans lesquels la vie est annu-
lée et détruite, en soi et chez l’autre.
Nous croyons donc que non seulement les parents, mais avant eux
encore les intervenants et quiconque s’occupe de handicap, doivent être
aidés à sortir de la logique de la culpabilité éternelle.
Mais comment ? Pour sortir de la culpabilité, un passage éthique
fondamental est nécessaire, celui d’assumer notre responsabilité. Mais de
quel type de responsabilité parle-t-on ? Au fond, les parents, de même
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16. Z. Bauman, « Conversations with Zygmunt Bauman », 2001, tr. it. Società, etica, poli-
tica. Conversazioni con Zygmunt Bauman, Milano, Cortina, 2002.
17. Ibid.
18. Ibid.
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19. Ibid.
20. K. Tester, « Introduzione », dans Z. Bauman, Società, etica, politica, op. cit., 2001.
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savoir que sa colère, son désir de mort à son égard ne sont pas une
monstruosité anormale, mais l’expression normale, même si elle est
M
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D
ok
Bo
ed
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Anne Brun
Questions éthiques
et autisme en pratiques institutionnelles
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D
tion des problèmes éthiques soulevés par le soin aux autistes s’enracine
dans la question du sujet, que ne cesse de poser « l’énigme » de l’au-
ed
dans l’autisme : il s’agira, ici, bien moins de proposer des réponses que
de tenter de dégager les questions éthiques soulevées par toute tenta-
tive de psychothérapie institutionnelle de l’autisme. J’envisagerai d’abord,
à partir d’une situation concrète, les problèmes éthiques liés à une éven-
tuelle indication de psychothérapie, pour des enfants présentant des
comportements autistiques corrélés à une atteinte organique clairement
identifiée. À partir des vécus contre-transférentiels des soignants, il
s’agira de s’interroger sur les modalités d’une prise en charge, qui
confronte souvent les thérapeutes à des situations extrêmes, où se pose
la question des limites entre humain et non humain. Ce sont alors les
conceptions mêmes de l’éthique du soin qui sont engagées, et je traite-
rai alors plus particulièrement la question difficile de l’implication du corps
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D
2. G. Haag, « Comment les psychanalystes peuvent aider les enfants avec autisme et leur
famille », dans B. Golse, P. Délion (sous la direction de), Autisme, états des lieux et hori-
zons, Toulouse, érès, 2005, p. 121, nouv. éd. 2006.
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des émotions chez l’enfant et le sujet autiste 7, tandis que les cognitivistes
Bo
3. Ibid., p. 119.
4. Ibid.
5. A. Ciccone, « Psychopathologie du bébé, de l’enfant et de l’adolescent », dans R. Rous-
sillon (sous la direction de), Manuel de psychologie et de psychopathologie. Clinique géné-
rale, Paris, Masson, 2007, p. 277-399.
6. A. Bullinger, Le développement sensori-moteur de l’enfant et ses avatars, Toulouse, érès,
2004.
7. J. Hochmann, P. Ferrari et coll., Imitation, identification chez l’enfant autiste, Paris,
Bayard, 1992, p. 79-104.
8. R.P. Hobson, Autism and the Development of Mind, Hove, Lawrence Erlbaum, Associates
Publishers, 1993.
9. F. Tustin, 1981, Les états autistiques chez l’enfant, Paris, Le Seuil, 1986 ; 1990, Autisme
et protection, Paris, Le Seuil, 1992.
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laquelle j’ai une entière confiance, précise qu’elle était, pour sa part, oppo-
sée au choix de cette enfant, car Sybille a eu, à la naissance, une maladie
génétique invalidante ; elle lui semble donc moins autiste que handicapée.
Dans cette perspective, il lui semble dommage de réserver une possibilité de
thérapie, si difficile à obtenir dans le cadre hospitalier, à une enfant qui n’a
guère les moyens d’en profiter, alors que d’autres indications lui auraient
semblé plus pertinentes. L’équipe a maintenu son option d’une psychothéra-
pie pour Sybille, car elle se sent particulièrement en difficulté avec cette
petite fille énigmatique, d’apparence souvent impassible, mais qui peut
parfois se mettre dans des états extrêmes, avec un débordement de pleurs ;
elle est alors inconsolable et on ne parvient à repérer aucune cause à ces
crises. La psychologue pondère alors ses propos en disant qu’elle peut se
10. D. Meltzer et coll., 1975, Explorations dans le monde de l’autisme, Paris, Payot,
nouv. éd. 2002.
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rents objets ; elle reste très statique pendant la séance ; elle touche les
jouets sans les utiliser et ne s’engage guère dans les jeux, tout en me suivant
Bo
de façon adhésive et elle utilise ma main ou mon bras comme une partie
M
rapie, j’ai souvent théâtralisé – avec mes mimiques, mes gestes et mes into-
nations – ses ébauches de mouvements ou de langage, fonctionnant en
miroir en double 11 avec elle, et éprouvant de plus en plus un plaisir partagé
avec cette enfant, qui a investi progressivement l’espace de la thérapie, le
dessin, la pâte à modeler et aussi les marionnettes ! Je me souviens avoir été
très impressionnée, un an environ après le début de la thérapie, un jour où
je l’ai sans doute lâchée trop vite du regard pour ouvrir la porte à la fin de
la séance et où elle est soudain tombée raide à terre, d’un coup, derrière moi.
Je ne pouvais évidemment plus l’abandonner et cette thérapie a duré cinq
ans, prolongée d’un an encore après le départ de cette enfant dans une insti-
tution (IMP) extérieure à l’hôpital.
Mon propos n’est pas d’évoquer le déroulement de cette psychothérapie : je
préciserai simplement qu’à treize ans, elle parlait en utilisant le « je » et les
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nimité remarquait qu’elle paraissait souvent gaie. Par ailleurs, elle était deve-
nue une adolescente très coquette comme sa mère et ses sœurs, avec un
ok
entière, capable de progrès : d’abord le père, qui a peu à peu redonné espoir
à la mère, ensuite l’équipe de l’internat qui, d’abord découragée, s’est forte-
M
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D
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tion chrétienne, cet interdit christique renvoie à l’idée d’une désincarna-
D
tion, où le seul toucher possible devient celui des mots. Or, Freud place
ok
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D
qu’elle connaît de longue date et qui était habituellement calmé par des
Bo
15. J’ai en particulier montré comment le travail thérapeutique effectué dans le cadre des
jeux d’eau vise à procéder à une intégration sensorielle, défaillante dans la pathologie autis-
tique, que D. Meltzer (1975) caractérise par le démantèlement, et comment cette intégra-
tion sensorielle s’effectue principalement à partir de l’engagement du corps des thérapeutes
dans la relation à l’enfant, qui va se déployer dans tous les registres sensoriels (A. Brun,
2007, p. 243-255).
16. G. Haag, S. Tordjman et coll., « Grille de repérage clinique des étapes de l’autisme
infantile traité », La psychiatrie de l’enfant, vol. XXXVIII, fasc. 2, 1995, p. 495-527.
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lui apportait des satisfactions, dont elle était parfaitement inconsciente : elle
justifiait son attitude par son expérience positive passée, sans vouloir accep-
ter l’évolution de cet enfant, qui se détachait d’elle.
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haine. G. Haag indique que « ce tri n’est pas fait dans les psychoses
symbiotiques, et encore moins dans l’autisme, où le gel pulsionnel n’a
même pas permis de l’aborder 18 ». Dans un autre texte, plus récent, elle
précise que, lorsque le processus thérapeutique provoque chez un enfant
autiste un dégel pulsionnel et que surviennent de nouveaux troubles du
comportement comme les « agressions joyeuses du visage », griffures,
tirages de cheveux, voire morsures, autant de témoignages d’un amour
oral, il convient alors de « faire ou reprendre ce que l’on fait normale-
ment dans le deuxième semestre de la vie : faire respecter la limite de la
peau, aider à transformer en caresse, mais surtout théâtraliser la dévo-
17. G. Haag, « Propositions pour la compréhension des différentes formes de violence chez
le jeune enfant », dans B. Lacroix, M. Monmayrant (sous la direction de), Enfants terribles,
enfants féroces, Toulouse, érès, 2000, p. 177-190.
18. Ibid..
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ration (jeu du lion), qui est l’un des paliers importants d’instauration du
faire-semblant qui manque tellement aux enfants avec autisme 20 ».
Dans cette perspective, la restauration de ces jeux théâtralisés de la
première enfance me semble une des spécificités de la fonction des
thérapeutes, dans le cadre notamment des thérapies à médiation 20, qui
engagent une possible implication corporelle des intervenants qui n’est
pas sans rappeler certaines modalités du psychodrame. Ces jeux théâ-
tralisés n’ont pas seulement une valeur interprétative en eux-mêmes,
mais surtout ils engagent l’enfant ou le groupe d’enfants dans l’instaura-
tion ou la restauration de modalités de symbolisation de leur violence
pulsionnelle. Ils permettent ainsi de respecter une visée éthique fonda-
mentale, la perspective nécessaire de la séparation corporelle, à ne pas
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D
l’autisme, S. Sausse 21 relève que « Dans les institutions, les équipes sont
prisonnières de leurs positions éthiques plus ou moins claires, et de leur
M
piscine pendant qu’il se trouvait seul dans l’eau, une interrelation a pu s’en-
clencher, préalable à une notable évolution dans ce cadre thérapeutique, à
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D
duelle à évoquer ses pensées, réussit à exprimer à quel point il était envahi
par l’idée obsédante de noyer cet enfant et d’en finir avec lui. Il était porteur,
Bo
Cet exemple témoigne bien du fait que les soignants doivent viser à
l’identification de leurs contre-attitudes et de l’ensemble de leurs senti-
ments et pensées à l’égard des enfants autistes. Le positionnement
éthique correspondant pourrait se formuler de la façon suivante :
l’éthique du soin nécessite paradoxalement de renoncer aux positions
éthiques communément admises, pour laisser place en soi, sans restric-
tion, à tous les types de vécus émotionnels provoqués par la confronta-
tion aux états autistiques. Ce positionnement clinique du thérapeute ne
concerne pas seulement son implication dans le soin aux enfants, mais
aussi son positionnement par rapport aux parents de l’enfant autiste. Il
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D
les enfants dans des contextes mobilisant pour eux des angoisses primi-
tives catastrophiques, du registre des agonies primitives, décrites par
Bo
Winnicott 24.
ed
Chantal Lheureux-Davidse
Autisme et handicap :
le choix des thérapeutiques
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plinarité ne prenant du sens que si elle s'inscrit dans une inter et une
transdisciplinarité, comme le souligne Albert Ciccone.
SIDÉRATION ET CLIVAGE
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D
ok
d'approches qui semble la plus bénéfique pour lui et la plus sage pour
dépasser nos propres clivages. De même dans le domaine des appren-
tissages, nous avons à œuvrer pour éviter que s'installent des clivages
entre des approches qui se voudraient exclusivement comportementales
et des approches psychodynamiques.
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D
dité par les vibrations provoquées sur les parties dures du corps et pour
réveiller son visage comme amputé de l'image du corps, tout en déchar-
M
geant son angoisse. Il prolonge cette attaque corporelle par des auto-
morsures du dessus de ses mains. Il ne peut donc jamais se détendre.
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D
ter dans son corps, mais qui étaient moins coûteux psychiquement. De
plus, ils avaient un effet bénéfique à long terme, autant dans la mise en
M
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D
pouvait l'aider à vivre différemment dans son corps. Dans le cadre des
ok
dement. Et il commençait à claquer ses dents entre elles dès qu'il avait
peur de s'effondrer, comme parfois à la fin d'une séance.
ed
Quelques jours plus tard, son éducatrice me signala que Dorian allait
très mal. Je m'en étonnai. Elle m'expliqua que depuis peu, Dorian faisait
des bruits en continu pendant qu'il déjeunait au réfectoire. Je m'émer-
veillai qu’il ait pu s'approprier, dans un autre contexte tellement effrac-
tant, une expérience qu'il avait vécue dans son groupe, pour se protéger
de bruits dérangeants sans se désorganiser, tout en entrant dans le
langage. Les enfants autistes ont pourtant souvent du mal à transposer
un vécu dans un autre contexte, par leur tendance à une hypercatégori-
sation due à une focalisation sur chaque détail au détriment d'une vue
d'ensemble 1.
Dans un cadre individuel, mes commentaires par le langage verbal
que je lui proposais à propos de ce qu'il ressentait l'ont aidé à se sentir
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D
ciative qui nous surprend et nous émerveille autant que lui. Ces explora-
tions sonores s'étendent à de nouveaux registres de consonnes et de
voyelles qu'il expérimente spontanément autant dans des mots identi-
fiables que dans un pur plaisir de sons vibrants dans sa bouche, sans signi-
fication apparente. Les émotions suscitées par cette émergence dans le
langage partagé deviennent intenses chez nous trois. Dorian en semble un
peu submergé au point qu'il se bouche les oreilles, ferme les yeux et se
concentre intérieurement en prononçant pour lui-même des sons qui
ressemblent davantage à des babillages qu'à des mots. Je ne ressens pas
ces moments d'isolement comme une manifestation d'un isolement autis-
tique pathologique, mais comme une occasion d'intérioriser l'intensité des
vécus précédents. Il semble au contraire s'approprier de nouvelles expé-
rente, dans une liberté associative qui relève autant du sens des mots
que de leur sensorialité.
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D
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D
des listes de vocabulaire, mais doit au contraire être utilisé comme un jeu
Bo
le cadre de son groupe. Il est plus présent à lui-même et aux autres, arrive
à se détendre sans angoisse, même dans son groupe, sans avoir l'impres-
sion qu'il va s'effondrer. Son corps est plus tonique sans plus se raidir en
permanence comme il le faisait. Il prend des initiatives de dire bonjour, de
prononcer les prénoms de ceux qu'il rencontre et le sien. Il interpelle les
autres avec des sons ou des mots qu'il lance avec force et plaisir. Son
regard s'installe de plus en plus souvent, prenant le relais des expériences
tactiles et vibratoires. Il acquiert des limites qui lui permettent de filtrer et
de trier ce qui lui convient et ce qui le dérange, sans plus se focaliser sur
tout ce qui pourrait faire effraction. Son regard croise le nôtre de plus en
plus souvent. Il peut se détendre sans craindre l'effondrement, et ne cesse
de nous surprendre dans l'exploration de nouveaux mots.
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D
3. D. Meltzer, 1975, Explorations in Autism, Rolland Harris Trust, Clunie Press, trad. fr.,
Explorations dans le monde de l'autisme, Paris, Payot, 1980, p. 259.
01 Intérieur Scelles 25/07/08 10:09 Page 162
cien, en disant à Dorian qu'il a les clochettes d'un jeune garçon. Cette
différenciation fait qu'il se sent très concerné, rassuré et différencié dans
le jeu en commun avec nous. Ce qu'il manifeste en plongeant longue-
ment son regard dans les nôtres avec tranquilité dans une grande
présence en disant : « jeune garçon, tranquille ».
L'assurance d'une bonne différenciation quand la relation se met en
place favorise une détente musculaire car elle évite la nécessité de rester
vigilant contre des risques de confusion qui auraient pour conséquence
des risques d'effraction.
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D
la nécessité que chacun trouve son espace dans le cadre des séances
ok
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D
par lui-même et par les autres ont eu un effet visible sur sa détente
Bo
*
Il me semble important de ne pas négliger en équipe la confrontation
des hypothèses de soins pour des enfants handicapés, autistes ou sans
langage verbal, afin de leur donner la meilleure chance que les soins médi-
caux souvent intrusifs soient limités, bien que certains d'entre eux restent
indispensables. La focalisation médicale sur les problèmes corporels occulte
souvent la part psychique liée à la construction de l'image du corps.
De même la concentration exclusive sur un travail psychique présente
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D
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D
tions sur les facteurs psychiques dans les troubles corporels chez des
personnes handicapées, autistes et sans langage verbal pourrait-elle
M
10. Ameisen, J.-C., Rapporteur du dernier avis « sur la situation en France des personnes,
enfants et adultes, atteintes d’autisme » du Comité consultatif national d’éthique, 2007.
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Jean-Pierre Durif-Varembont
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pour raison fœtale ou maternelle est en effet prévue par la loi lorsqu’il
existe une forte probabilité d’affection grave reconnue comme incurable
ed
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D
cette épreuve de vérité qui passe d’abord par une interrogation sur les
mots qui s’échangent alors même que la langue médicale a tendance à
renforcer les processus de déni et d’évitement.
Cette langue évite de dire les mots justes par l’emploi de formules de
substitution, de périphrases, et par la réduction au biologique objectif.
L’évitement de l’angoisse et du subjectif se trouve renforcé par une non-
écoute de la souffrance et de la culpabilité engendrées par un choix
impossible. Dans mon expérience en périnatalité, j’ai toujours constaté
que le discours médical se recentre sur la technique dès lors que les
soignants sont confrontés au stress de l’impuissance, à l’augmentation du
avant la mort physique : le bébé n’existe plus comme une personne mais
comme un objet à évacuer et la femme n’est plus une mère mais une
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qu’elle ait eu lieu et qu’un enfant, même ayant eu une vie avortée, ait pu
être inscrit dans sa place généalogique et dans son rang dans la fratrie 4.
M
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D
pour toutes les raisons évoquées précédemment, l’objectif est que l’en-
ok
fant ne naisse pas vivant, et donc pour les femmes d’accoucher d’un
enfant mort, ce qui suppose une intervention médicale in utero. L’inter-
Bo
5. R. Gori, M.-J. Del Volgo, La santé totalitaire. Essai sur la médicalisation de l’existence,
Paris, Denoël, coll. « L’espace analytique », 2005.
6. J.-M. Delassus, Le génie du fœtus, Paris, Dunod, 2001.
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et plus elle rend réel le bébé, et plus sa perte est difficile à vivre, mais
elle lui donne une place subjective dans la mémoire affective des parents.
Contrairement à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) qui est
limitée dans le temps, l’interruption médicale de grossesse (IMG) peut
être pratiquée légalement durant toute la grossesse, mais elle est
marquée par la comptabilité des semaines d’aménorrhée et du poids du
bébé qui deviennent les critères d’attribution du statut de la mère et de
l’enfant au regard du tiers social :
– avant vingt-deux semaines d’aménorrhée ou en cas de poids inférieur
à cinq cents grammes, il n’y a pas d’acte juridique. L’absence d’inscrip-
tion légale et de dation d’un prénom renforce le déni qui souvent s’ensuit
pour les parents : il ne s’est rien passé puisqu’il n’y a pas de corps et pas
7. Loi de 1999, circulaire du 30 novembre 2001. Voir aussi l’avis n° 89 du CCNE, 2005.
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D
rieur à cinq cents grammes, les enfants nés morts et les enfants nés
ok
vivants mais déclarés « non viables » entrent dans la même catégorie des
Bo
« enfants nés sans vie » (à la place « d’enfant mort »), l’inscription légale
devient obligatoire avec dation d’un prénom, mais les funérailles restent
ed
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Par rapport à celle d’un adulte ou d’une personne âgée, la perte d’un
bébé confronte à un travail de deuil spécifique : l’inversion de la logique
de la vie entraîne un sentiment d’injustice, voire de révolte, la coïnci-
dence de la naissance et de la mort s’avère source de confusions des
sentiments, la culpabilité de n’avoir pas su faire un bébé normal ou de
n’avoir pas pu le garder est renforcée par le poids de la décision de
provoquer la mort, la brièveté du lien laisse peu de souvenirs communs
et rend incertaine la constitution des traces psychiques. Il est difficile
aussi pour les femmes et les hommes concernés de se sentir psychique-
ment parents de l’enfant décédé dans une société marquée encore par le
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être humain, et c’est ce qui complique le deuil dont l’objet n’est plus le
même : faire le deuil d’un enfant qui n’a pas encore été mis au monde et
M
qui ne se représente plus comme enfant, c’est aussi faire le deuil d’un
représentant psychique dont les parents ont à se séparer. Cette perte
dans le réel constitue une amputation d’une partie de soi-même : « Avec
la perte de l’être cher, je perds aussi une image chérie de lui. Et ce chéris-
sement me permettait moi-même de le chérir. Je perds mon moi idéal,
c’est-à-dire l’image de moi aimée que son amour rendait possible. Je
perds l’autre comme support réel de ce moi idéal qui s’effondre avec sa
disparition 10 . » La perte d’un enfant est donc d’une autre nature que les
autres pertes car il ne s’agit pas seulement de la perte d’un être cher
auquel on s’identifie mais de celle du don de la vie, de la prolongation de
soi à travers la transmission. Il est d’autant plus difficile de se détacher
10. J. Clerget, « Un bébé meurt, des parents pleurent, douleur de deuil », dans Mort d’un
bébé, deuil périnatal. Témoignages et réflexions, Toulouse, érès, Spirale, 2004.
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aime met toujours la femme en question ; mais la mort d’un enfant, fille
ok
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D
Ce n’est qu’une fois « sorti » ou « expulsé » (et toujours non né) que
Bo
qu’on transporte cachée sous le matelas d’un berceau vide de bébé pour
traverser le service jusqu’au lieu faisant office de morgue. C’est un objet
M
inanimé, pas un enfant décédé. Toute une réflexion d’équipe est néces-
saire pour éviter de figer un signifiant de cadavre et pour accompagner
la dialectisation vivant-mort. La réintroduction du statut anthropologique
de l’enfant peut s’appuyer déjà, nous l’avons vu, sur les possibilités de
nomination et des rituels funéraires, mais elle passe aussi par des gestes
et des mots de la vie quotidienne nécessitant de la part du personnel un
discernement au cas par cas dans une juste distance relevant d’une
éthique de l’intime 14 : comment répondre à des parents qui ne veulent
rien voir et rien sentir, comment les accompagner quand ils souhaitent
prendre le bébé mort dans les bras, à quelles conditions la sage-femme
peut-elle le poser froid et inerte sur le giron maternel en évitant les
14. J.-P. Durif-Varembont, « La proximité : une éthique de l’intime », Le divan familial, 11,
2003, p. 191-201.
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D
dosse. Mais pour elle et son mari, le don du corps à la science est
Bo
17. À l’époque, c’était possible légalement, et le prénom de cet enfant a été inscrit sur le
livret de la famille, mais il n’était jamais prononcé.
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psychique commencé avec moi. Elle peut alors faire graver le prénom de
l’enfant sur la pierre tombale du caveau familial. Inscription et paiement
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D
dans un sens ou dans un autre selon son éthique ou son idéologie, avec
ici, dans une maternité ordinaire ordonnée à la joie de la naissance, l’hon-
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D
tout cas capable d’un certain détachement par rapport aux idéaux institu-
Bo
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D
ok
Bo
ed
M
01 Intérieur Scelles 25/07/08 10:10 Page 183
Hélène Romano
Efficacité symbolique
des consultations anténatales :
temps de l’annonce en diagnostic anténatal
et consultation génétique
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D
virtuel prénatal prend vie avant même d’être né. Objet de toutes les
ok
attentions, il est désormais examiné dans les moindres détails, peut subir
Bo
alors qu’il n’en présente souvent aucun signe et de prédire son avenir des
mois avant sa naissance. Ces examens peuvent conduire au diagnostic
M
examens réalisés chez lui ne peuvent l’être qu’à travers sa mère sans que
son consentement (celui du bébé) puisse être sollicité. Mais si le champ
du diagnostic s’étend, le doute pronostique perdure, comme si plus on
détectait, moins il était facile de prévoir. Désormais « ce sont justement
à partir d’incertitudes qu’un couple doit décider de la poursuite d’une
grossesse ou de son interruption. Les parents sont placés face à la
responsabilité du choix de la vie en poursuivant cette grossesse ou du
choix de la mort pour un enfant qui n’est pas encore né. C’est à partir de
l’incertain qu’il faut décider en toute “inconnaissance de cause” 3 ». Le
diagnostic anténatal opère ainsi un déplacement en subvertissant la place
du hasard et de la fatalité qui touche une famille lors de la naissance d’un
enfant différent, en responsabilité parentale pour l’enfant à naître :
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D
naires qui statuent sur le devenir du bébé pour lequel une fœtopathie est
Bo
3. J.-P. Legros, « Quand la vie avant la vie est compromise : diagnostic anténatal et décou-
verte d’une anomalie anténatale », Spirale, IV, n° 36, 2005, p. 79-86.
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D
ligible.
ok
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D
de la mère.
ok
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D
cient des parents, héritier direct de leur complexe d’Œdipe, est tué au
moment même où l’éventualité de la suppression de l’enfant réel est
envisagée. L’unité de chaque parent en tant que sujet, leur sentiment
d’identité sont brisés : en un instant leur vie bascule, ils sont expulsés du
monde idéalisé de la grossesse parfaite et projetés dans une réalité qui
les dépasse bien souvent. Ce dont témoigne ce couple lorsqu’il nous dit :
« Nous sommes passés du monde merveilleux rose bonbon où tout était
facile, heureux, au cauchemar et à l’enfer. » La déshumanisation extrême
ressentie par certains parents lors de ces consultations peut conduire à
une désorganisation psychique persistante qui se traduit par un profond
sentiment d’étrangeté à l’égard de soi-même comme à l’égard des
proches. La mère, le père ne se reconnaissent plus et leur entourage ne
les reconnaît pas davantage : « Je ne suis plus comme avant, je ne suis
plus le même, je ne me reconnais pas » ; « J’ai l’impression d’être devenu
pour moi-même un étranger » ; « On a l’impression d’être seuls au
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D
par la mise en place d’un cadre humanisant que nous pouvons apporter
ok
annonce de fœtopathie. Cela passe en particulier par les mots, les atti-
tudes qui limitent la culpabilité, le sentiment de désappartenance et la
M
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12. H. Romano, Enjeux psychiques de la révélation d’abus sexuel en milieu scolaire, thèse
de doctorat de psychopathologie, université de Rouen (sous la direction de A. Aubert, jury :
F. Marty, R. Scelles, C. de Tichey, J.-L. Viaux, J. Fortin), 2003.
13. H. Romano, « Intervention médico-psychologique immédiate », art. cit., 2006.
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D
de savoir médical sans obtenir les réponses à toutes ses questions. Pour
Bo
sans savoir, soit parce que leur médecin n’a pas pu leur dire, ne leur a
pas fait part de ses incertitudes et a préféré « pour ne pas les inquiéter »
M
rester dans un certain flou, soit parce que le médecin leur a bien expli-
qué pour quelles raisons il leur recommandait le diagnostic anténatal,
mais les parents étaient alors dans un tel état de sidération qu’ils n’ont
pas enregistré les informations données. Si les parents sont dans un vide
élaboratif et que le diagnostic est donné alors que le médecin pense que
l’information initiale a déjà été faite, l’annonce a le caractère d’une
violence intrusive insoutenable pour le psychisme du couple. Si le méde-
cin prend la précaution de s’ajuster aux connaissances des parents il peut
faire l’annonce de façon plus progressive de telle sorte que la dimension
d’effraction n’est pas aussi violente car les parents ne sont pas précipités
dans une temporalité qui les dépasse.
Le respect du rythme d’élaboration des parents est aussi très
précieux. Au début de la consultation il y a un décalage et une relation
asymétrique puisque les médecins savent le diagnostic, ils ont souvent
déjà réfléchi aux suites éventuelles alors que les parents en ignorent
01 Intérieur Scelles 25/07/08 10:10 Page 194
encore tout. Pour ce couple il s’agit de son « bébé », pour les médecins
d’un « fœtus » : « Quand le médecin nous parlait de notre bébé, il disait
toujours “votre fœtus” comme s’il l’avait déjà condamné, comme s’il
savait qu’il ne vivrait pas ; mais pour nous ce jour-là, on ne savait pas ce
que l’on ferait et pour nous c’était notre bébé, pas un vulgaire fœtus. »
Ce décalage entre la représentation des parents et celle des profession-
nels peut conduire à une véritable confusion de sens entre ce qui est dit
et ce qui est compris : les médecins parlent sur un registre mais les
parents sont sur un autre registre et ne peuvent donc rien comprendre
de ce qui leur est dit ; leur capacité réflexive est invalidée par cette
traduction impossible entre langage médical et langage parental.
Le diagnostic donné il nous semble important que le médecin puisse
parler ? », etc. Dans certains cas les parents se sont renseignés sur inter-
net, sur des serveurs d’associations, dans des revues, et la réalité médi-
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D
cale de leur bébé n’est pas toujours celle qu’ils ont trouvée lors de leurs
ok
LIMITES
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D
culpabilité.
Bo
temps d’agonie psychique qui n’est pas le temps du médical. Celui-ci est
pressé, marqué par des examens qui s’enchaînent rapidement, voire
précipitamment en raison des délais légaux d’interruption médicale de
grossesse. Les décisions à prendre sur le devenir du fœtus sont compri-
mées par le temps médical, lui-même soumis au carcan juridique qui ne
laisse pas le temps à l’élaboration et à la restauration de l’identité narra-
tive des parents.
Le temps de l’annonce nécessite de pouvoir offrir un espace aux
parents qui permette d’intégrer des informations complexes, souvent
douloureuses, et de prendre des décisions toujours difficiles. Il s’agit pour
les parents et pour les médecins de supporter ce temps irréductible du «
ne pas savoir » ensemble et de respecter cet indispensable instant de
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D
– même dans une situation à risque connu avant la grossesse, des diffi-
cultés d’interprétations persistent et le diagnostic n’est pas toujours
M
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D
l’œuvre dans l’annonce d’un handicap ou d’une maladie grave est ici léga-
Bo
et porte une attention qui lui permet d’être disponible aux réactions
psychologiques du couple qui est accueilli et aux interactions avec le(s)
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D
les parents comprennent alors qu’ils ne sont pas seuls, que d’autres
couples ont vécu le même parcours ; cela permet aussi de démystifier
ed
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D
pas toujours le cas 14. Lorsqu’il est possible d’accéder à cette lecture de
la conflictualité psychique de chacun des parents nous pouvons travailler
la restauration de ses capacités psychiques et permettre au travail d’in-
tégration psychique du traumatisme de faire son œuvre. L’accompagne-
ment des parents autour du sens de cette annonce pourrait se traduire
par ces questions : Que faire de cette annonce ? Comment traduire ces
sentiments multiples ? Que faire de toute la souffrance et la détresse
ressentie ? Comment vivre ce diagnostic ? Comme continuer à vivre au-
delà ?
L’écoute du psychologue n’est pas qu’une simple écoute événemen-
tielle : il lui faut devenir en quelque sorte le « passeur de maux », « l’ai-
guilleur de sens » de la trace traumatique, celui par qui « ça peut parler »
POUR CONCLURE
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une prise en charge humanisante du couple afin que chacun puisse être
ok
Denis Vaginay
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D
tent ainsi cette définition de l’éthique que propose J.-F. Malherbe qui voit
ok
pour réduire, autant que faire ce peut, l’inévitable écart entre nos valeurs
affichées et nos pratiques effectives 1 ».
ed
de pitié et, surtout, de ne pas oublier que, si elle a souvent besoin d’un
porte-parole pour se faire entendre, elle s’exprime malgré tout et ne
demande qu’une chose : être écoutée. Elle ne peut être accueillie que
dans sa singularité, là où sa vie vaut la nôtre.
Il faudra aussi penser aux parents ou aux proches. Pour eux, la
confrontation brutale avec le handicap entraîne tout un enchaînement de
désillusions habituellement regroupées sous la notion de blessure narcis-
sique. La rencontre avec ce que nous avons appelé ailleurs l’« altérité
altérée 2 », dénature le jeu habituel d’échanges entre les générations du
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Ils peuvent croire que cette commande, qui se traduit très objectivement
dans le choix de structures adaptées comme dans les textes qui leur
M
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jeunes handicapés ainsi que leur intégration dans les divers secteurs de
la société ont favorisé leur développement. Parallèlement, ils ont bénéfi-
ed
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D
CONSENTEMENT
Pour penser cela, il faut bien que je sois concerné par cet autre au
point de me préoccuper de lui, mais aussi que j’accepte qu’il soit séparé
de moi pour vivre dans une indépendance aussi grande que ses capaci-
tés le lui permettent. S’il doit souffrir, ses souffrances ne seront pas les
miennes, même si je continue à me sentir humainement concerné par
elles. Ainsi, les décisions que je pourrais être amené à prendre pour lui
ne seront, en aucun cas, choisies pour me protéger, devant la loi par
exemple, mais bien pour réduire au mieux les excès de dépendance entre
lui et moi.
Imaginer, comme c’est trop souvent le cas, qu’une personne handi-
capée ne peut pas consentir du fait de son état ou de son statut (les deux
étant trop souvent confondus), c’est simplement la priver de sa subjecti-
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D
éclairé.
Malgré de réels progrès dans la prise en compte de la sexualité chez
ed
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paradoxales qui se justifient tantôt par une observation fine, tantôt par
une affirmation « gratuite » qui relève du déni.
M
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D
les plus naïfs subsistent, insensibles à la réalité des faits. C’est ce que
nous permettent d’illustrer les propos de S. de Kermadec 8 que nous rete-
M
nons parce qu’ils sont très proches de ce que nous entendons et obser-
vons régulièrement. Ce qui est dit ici à propos des personnes trisomiques
peut aisément s’appliquer à de nombreuses personnes handicapées.
« Pour les jeunes déficients mentaux trisomiques 21, la sexualité est
surtout exprimée par une recherche affective de l’autre. […] Ces patients
[…] sont certes des surdoués de l’amour […].
Pour les jeunes filles et femmes, l’acte sexuel proprement dit n’est
pas essentiel, ni même souvent recherché. Le comble du bonheur, pour
beaucoup, c’est de se tenir par la main, de s’embrasser. […] Lorsqu’un
rapport sexuel a lieu, c’est souvent, pour la jeune fille, une surprise, car
ce qui est évoqué dans les conversations ou montré dans les films […]
est le plus souvent mal compris. Et lorsque le jeune homme […] tente
d’avoir un rapport, cela est souvent très mal vécu par la jeune fille,
parfois comme un violent traumatisme. »
Nous voyons à quel point il est difficile de se débarrasser de nos plus
vieux démons. Revoilà poindre sous une forme modernisée les qualités
exceptionnelles des trisomiques promus (par compensation ?) surdoués
de l’amour. De se savoir champions de l’affectivité semble malheureuse-
ment les priver d’entendement, de désir sexuel et de corps. Capables
d’atteindre le comble du bonheur, ce qui n’est pas donné à tout le monde,
ils le feraient en se tenant chastement la main (dans la réalité, il existe
bien des personnes trisomiques qui ont une vie sexuelle partagée, même
si ce n’est pas le cas pour toutes), loin des horreurs traumatisantes d’un
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D
respecter les limites souhaitées par les filles, même si c’est douloureux,
quoi qu’il leur en coûte. Et là, il rejoignent sans autre forme de procès les
ed
9. P.-P. Lacas, « Libéralisation des mœurs, culpabilités nouvelles. Les interdits structu-
rants », Dialogue, n° 121, L’énigme du sexuel, 3e trimestre 1993.
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celui qui désire être désiré. Malgré les sentiments, elle reste l’héritière
Bo
des pulsions partielles qui font que le corps érotique est un corps
morcelé, dont les zones érogènes sont différemment investies par
ed
chacun.
La sexualité des personnes handicapées nous renvoie simplement
M
10. J.-Y. Hayez, La sexualité des enfants, Paris, Odile Jacob, 2004.
01 Intérieur Scelles 25/07/08 10:10 Page 215
Z
L’INCESTE INTERDIT, LE CORPS ET LE TIERS : QUAND LE HANDICAP
D
DISSOUT LES CERTITUDES
oc
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D
l’interdit de l’inceste n’est pas mentionné dans le code pénal, pas plus
ok
société. Ce manque n’a pourtant rien d’une omission ; c’est une néces-
sité. Écrit ou lumineusement explicite, il se banaliserait et, comme les
ed
autres lois, serait sujet à commentaire, voire à réfutation, alors que, par
essence, il fonde la Loi des lois. Parce qu’il existe, qu’il est universel et
M
mande. Comme il l’a fait de nombreuses fois dans les mêmes occasions,
il lui embrasse le visage et lui mordille l’oreille. La fille, joyeuse, excitée
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son enfant dans son lit ni poussé trop loin les démonstrations affec-
tueuses. Cette petite séquence lui a révélé toute l’ambiguïté qui existe
dans les relations entre parents et enfant en en soulignant très nettement
la teneur sexuelle. Son enfant se sexualisant radicalement devenait un
partenaire potentiel et il convenait d’établir avec elle une distance respec-
tueuse. Cet incident a provoqué des réactions en chaîne et entraîné des
modifications relationnelles qui impliquent que l’enfant ne soit plus un
jouet (sexuel) pour les adultes qui, dès lors, vont encourager et respec-
ter le développement de sa pudeur et laisser les grands engagements
corporels (bagarres réelles ou simulées) ou les explorations (jeux du
docteur, du papa et de la maman) se dérouler entre pairs, séparant, de
fait, le corps des adultes de celui des enfants. Ces modifications sont une
actualisation très parlante pour les protagonistes de l’interdit de l’inceste.
Le père n’a aucun besoin de verbaliser cet interdit, ni ce qu’il a perçu lors
de l’échange avec sa fille, ce qui d’ailleurs serait apparu à cette dernière
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situe plus, pour son entourage familial, comme un maillon articulé entre
ok
parents voient mal ou pas du tout la fin. Ce nursing existe aussi dans sa
partie réelle, avec le toucher nécessité par les soins et qui ravive les
M
11. Pour une description détaillée de la construction de cette identité et des différentes
hypothèses qui tentent d’en rendre compte, voir V. Rouyer, La construction de l’identité
sexuée, Paris, Armand Colin, 2007.
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lorsque celui-ci est en relation avec une personne de l’autre sexe, est un
ok
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D
contexte et devant témoins. « Tu n’as pas honte ?! » lui dit-il. Non, juste-
ment, elle n’a pas honte. Étant restée prisonnière d’une relation surpro-
ed
tectrice n’autorisant pas la mise à distance, pas même celle des corps,
elle n’a pas construit de sentiment de pudeur attaché à celui de sujet
M
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D
ploi que les parents ont besoin que de quelqu’un qui pourrait séparer leur
ok
qui nous permet de définir pour eux dans quelles conditions exactes ils
peuvent et doivent vivre leur sexualité, bien au-delà de ce que toute
société édicte comme cadre nécessaire à chacun. Les protéger de toute
violence, de toute douleur, rechercher une belle égalité entre conjoints
handicapés (avons-nous si peur de la différence qu’il faille la chasser
même ici ?) ou vouloir leur éviter systématiquement toute parentalité
revient à établir une espèce d’eugénisme mou qui n’ose pas dire son nom
et qui n’en est pas moins discriminatoire.
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D
ok
Bo
ed
M
01 Intérieur Scelles 25/07/08 10:10 Page 223
Jacques Cabassut
De l’infantile au primitif
dans la clinique de transfert
ou le quotidien de l’institution
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FRAGMENT CLINIQUE
ok
Damien a 47 ans. Il vit depuis six ou sept ans dans ce foyer d’accueil
Bo
Jacques Cabassut, maître de conférences HDR, université de Nice Sophia Antipolis, labora-
toire de psychopathologie clinique et psychanalyse.
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D
sionnels qui l’invitent à occuper une place de sujet de son désir et de son
Bo
histoire. Il va ainsi se faire couper les cheveux, dans l’optique d’être plus à
la mode, de ressembler aux jeunes gens d’aujourd’hui, comme le lui a
ed
son endroit.
Au-delà des différentes questions éthiques dans leur sens le plus
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Enseignement I
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D
3. « Penser n’est rien d’autre que manipuler des signes » en l’occurrence langagiers. « La
langue n’exprime pas la pensée, elle est cette pensée même », Gori, 1998, p. 10.
4. J. Cabassut, Le déficient mental et la psychanalyse, Nîmes, Champ social, 2005.
5. M. Mannoni, L’enfant, sa « maladie » et les autres, Paris, Le Seuil, « Points », 1967.
6. K. Delobbe, Des enfants au Moyen Âge, PEMF éditeur, 1999.
7. « Cette conception qui se prolongera dans la France rurale, offrira sa situation à l’idiot
du village, au “benêt”, au “ravi”, l’innocence même, à mi-chemin entre le sacré et le corps
social propre à sa communauté d’appartenance », Cabassut, op. cit., 2005, p. 27.
8. Souligné par moi.
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Cette parole qui ne semble plus habiter le corps fait apparaître celui-
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implicite institutionnelle 15 ?
ok
Purge dont nous retrouvons les traces, d’un point de vue sémantique,
Bo
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D
Enseignement III
17. P. Lekeuche, « Qu'il est justifié de ne plus parler d’“état-limite" ou de "borderline" mais
de "thymoschizie" », Fortuna, n° 19, décembre 1998, p. 5-15.
18. L’idée générale est définie par une classe d'objets donnée ou construite, convenant
d'une manière identique et totale à chacun des individus formant cette classe (A. Lalande,
1983) ; J. Cabassut, Le déficient mental et la psychanalyse , op. cit., 2005, p. 25-26.
19. J. Cabassut, L’institution parlante… Petite grammaire lacanienne du collectif institution-
nel, op. cit., 2008.
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D
ok
achat de lunettes fashion, etc.), afin que l’abord de ce réel primitif soit
médiatisé. Or, l’arriéré mental présentifie mieux que quiconque ce primi-
tif indestructible. Il confronte le sujet, le professionnel et l’institution à un
primitif quotidiennement réincarné d’un corps de jouissance qui a
tendance à envahir tout le champ du désir. Plusieurs niveaux de ques-
tionnements éthiques surgissent alors, allant du singulier au collectif
institutionnel.
D’abord à propos de la source même de l’éthique, personnelle,
intime, autoréférencée 21. Lacan 22 cite Antigone, dont la parole, qui vise
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23. J.-F. Gomez, Handicap, éthique et institution, Paris, Dunod, 2005, p. 60.
24. J. Cabassut, « L’institution parlante… Petite grammaire lacanienne du collectif institu-
tionnel, op. cit., 2008.
25. J. Oury, M. Depussé, À quelle heure passe le train…, Paris, Calmann-Lévy, 2003.
01 Intérieur Scelles 25/07/08 10:10 Page 232
L’INFANTILE ET LE PRIMITIF
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D
sans cesse au besoin. Ce logos sans gravité est illustré par nos propos
sur la coupe de cheveux de Damien, par l’humour sur son look. Paroles
qui se veulent non pas insultantes mais innocemment ludiques. Dès lors,
le jeu langagier, dans son acception winnicottienne, s’apparente plus au
game qu’au play 29. Ce renforcement du premier au détriment du second
nous est révélé de façon générale par la mise à l’écart de la dimension
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D
lyste ne peut pas savoir ce qu’il fait en psychanalyse [...] qu’une part de
son action lui reste à lui-même voilée 32 », se pose de façon radicale
auprès de l’arriéré : sans une offre initiale de la part du clinicien, pas
d’émergence de demande chez le sujet 33. La clinique analytique du défi-
cient confronte donc fondamentalement le clinicien à son désir, à la
prégnance éthique du « qu’est-ce que je fous là ? ». Le frein aux pulsions
caractéristique de l’éthique freudienne rejoint ici l’incidence du « désir de
l’analyste », dans le sens où ce dernier « doit payer quelque chose pour
tenir sa fonction. Il paie de mots 34. Aussi avancerai-je que le rôle du clini-
cien, dans la rencontre de l’arriéré profond, consiste en cet appel dési-
rant qui présuppose du sujet en devenir, à ce don de signifiants, de
parole qui viendra graviter, en bordure du vide de la Chose 35.
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D
Damien.
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D
dupes » sur le fait qu’en cas de crise, le sujet ne puisse tenir son enga-
gement. Le message nous paraît néanmoins porteur de sens, celui de la
M
37. Je fais référence ici à la démarche soins de qualité dans le champ de la santé, ainsi qu’à
la loi du 2 janvier 2002 dans le médico-social.
38. J. Cabassut, L’institution parlante… Petite grammaire lacanienne du collectif institution-
nel, op. cit.
39. J. Cabassut, Le déficient mental et la psychanalyse, op. cit.
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D
40. F. Ansermet, M.-G. Sorrentino, Malaise dans l’institution, op. cit., p. 13.
41. Ibid., p. 38.
42. P. Fédida, Humain/déshumain, op. cit., p. 88.
01 Intérieur Scelles 25/07/08 10:10 Page 238
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ok
Bo
ed
M
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D
nous devons nous interroger sur ce qui nous amène à prendre cette déci-
M
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D
tique à domicile.
ok
Bo
VISITE À DOMICILE : LAISSER LA CLÉ DE LA PORTE À LA PERSONNE QUI NOUS REÇOIT 241
notre intervention. Une réponse claire à cette question avant tout dépla-
cement ouvrira la possibilité pour la personne chez laquelle nous allons
de construire sa propre demande.
Rester concordant avec notre éthique de travail garantit la position
professionnelle que nous allons adopter ainsi que la place laissée à la
personne. Notre « confort psychique » de travail va de pair avec celui de
la personne qui nous reçoit. Par exemple, nous devrons décider d’accep-
ter, ou non, d’intervenir avec la seule mission de « surveillance ».
Dans un cadre institutionnel, nous devons définir, en cohérence avec
le service dans lequel nous intervenons, notre propre rôle de psycho-
logue. Ce peut être de garantir une écoute qui sera thérapeutique si ces
VAD permettent de mieux repérer les difficultés. Ce peut être un accom-
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D
l’équipe. Si nous nous sentons submergés par ces demandes, il peut être
ok
ces demandes ainsi que les demandeurs afin d’éviter des conséquences
fâcheuses pour la relation.
ed
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D
qu’il y a mis. Il doit pourvoir intégrer un ailleurs qui ne lui appartient pas.
Cet ailleurs est familier pour la personne. Si la surprise et l’inattendu sont
M
3. Pour plus de précisions sur les effets potentiels des DAD, se reporter à l’article précé-
demment cité de V. Cohier-Rahban.
01 Intérieur Scelles 25/07/08 10:10 Page 243
VISITE À DOMICILE : LAISSER LA CLÉ DE LA PORTE À LA PERSONNE QUI NOUS REÇOIT 243
doivent fabriquer ou s’insérer dans des lieux groupaux pour assurer cette
fonction d’enveloppe et de contenant.
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D
ok
ÉTHIQUE RELATIONNELLE
Bo
lequel j’ai fait savoir, dès le début, que je pouvais me rendre à domicile.
Je m’appuierai sur deux situations rencontrées dans ce contexte. Les
réflexions qui ont suivi ont permis un changement dans l’équipe et ont
abouti à des prises en charge différentes et apparemment plus utiles aux
patients.
L’une de ces situations concernait un homme de 44 ans, M. Marc, qui
avait eu un AVC avec des conséquences très graves, à la fois physiques
et verbales, amenant à des questions sur ses capacités mentales et sur
les conséquences psychiques. Beaucoup de professionnels intervenaient
à son domicile. La femme qu’il devait épouser avant l’accident a demandé
mon intervention, ainsi que l’équipe pour des raisons non élaborées avant
les VAD. Je me suis donc retrouvée dans une situation de demandes
multiples qui m’ont mise en grande difficulté. Cette difficulté a émergé le
jour où M. Marc m’a demandé de l’accompagner aux toilettes pour l’aider
à uriner.
01 Intérieur Scelles 25/07/08 10:10 Page 244
samedi non plus. Il se trouve que ces personnes habitaient loin du cabi-
net. En libéral, cette donnée est importante. Cette psychologue était
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D
lité motivait cette acceptation. Ces patients étaient prêts dès le départ à
venir puisque toutes les « dimensions » le permettaient en théorie. Nous
ed
VISITE À DOMICILE : LAISSER LA CLÉ DE LA PORTE À LA PERSONNE QUI NOUS REÇOIT 245
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D
Aucune réflexion n’a émergé chez les professionnels pour les VAD de
ok
M. Bip-bip. Lorsque j’accepte ces VAD, comme tous les autres profession-
Bo
nels, chez le « petit jeune dans son fauteuil », il me place d’emblée dans
cette position de prendre soin de lui comme les autres le font. Je change
ed
place ne lui a été donnée. Il est comme un grand adolescent encore un peu
en colère (lorsqu’il évoque son accident) entouré de professionnels
« mamans ». Le personnel soignant est sa nouvelle famille, avec laquelle
il a bien l’intention de compenser de nombreuses pertes. Lorsque je vais
prétendre entrer dans un travail psychique, il fermera la porte. Si certains
professionnels de l’équipe avaient demandé mon intervention, M. Bip-bip
n’avait rien demandé. Il a eu la gentillesse de m’accueillir chez lui…
En tant que psychologue, j’aurais dû analyser cette demande de VAD
avant de l’accepter. Un travail avec les professionnels en difficulté qui
demandaient cette VAD eût été certainement plus bénéfique à chaque
protagoniste.
Ces quelques questions de base seront garantes d’une possibilité
relationnelle pouvant devenir thérapeutique : qui demande cette VAD ou
ce DAD ? Pour qui ? Pour quoi ? Ai-je laissé à la personne qui me recevra
la possibilité d’exprimer sa réticence ou même son refus de me recevoir
01 Intérieur Scelles 25/07/08 10:10 Page 246
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D
ce dernier en perçoit.
Bo
plus tard. Pour entrer dans l’immeuble, il fallait sonner et ouvrir une
première porte publique. Puis un couloir, je tourne à droite, au fond une
porte d’appartement entrouverte. Personne ne m’accueille. Je vérifie le
nom et frappe doucement à la porte. J’entends un son de femme au loin :
« Entrez » (j’apprendrai ensuite qu’il s’agissait de l’aide à domicile). Une
grande photo datant d’avant l’accident m’accueille. M. Marc souriant
donnant la main à sa future femme. Je me dirige vers la lumière au fond
du couloir. Et je découvre cet homme maintenu de la tête aux pieds dans
son fauteuil. Il me regarde à peine. Je lui dis bonjour et me présente tout
en pensant à cette photo. Il me répond d’une voix dure et sèche, de la
bave coulant sur son pull. Il présente des difficultés pour articuler mais
je réussirai rapidement à le comprendre.
Ma première rencontre avec M. Bip-bip a été très différente. Je suis
restée étonnée de ne pas le voir ou plus précisément de ne pas le ressen-
tir « si handicapé que ça ».
01 Intérieur Scelles 25/07/08 10:10 Page 247
VISITE À DOMICILE : LAISSER LA CLÉ DE LA PORTE À LA PERSONNE QUI NOUS REÇOIT 247
prendre conscience de la violence de cet AVC qui l’a laissé dans une sidé-
ration psychique et installé dans une violence relationnelle sans avenir.
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VISITE À DOMICILE : LAISSER LA CLÉ DE LA PORTE À LA PERSONNE QUI NOUS REÇOIT 249
travailler sur nos propres limites de manière spécifique lors d’un travail
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D
personne-là.
Réfléchir à nos propres limites n’est pas synonyme de limiter la prise
en charge psychothérapeutique. Limitons-nous d’emblée une prise en
charge en proposant systématiquement à une personne handicapée de
nous rendre au domicile (exemple avec M. Bip-bip ou avec Mme Reine) ou
en l’acceptant systématiquement (exemple de réflexion pour la thérapie
de couple) ?
Autre difficulté potentielle : si nous nous déplaçons à domicile parce
que nous pensons que c’est bien ou mieux pour la personne, nous
sommes dans une position de toute-puissance qui sera en général réduite
à une impuissance totale par l’impossibilité de travailler. Dans une telle
position, nous ne sommes plus en mesure de construire un cadre de
travail susceptible d’être thérapeutique.
La VAD ou le DAD doivent être pensés de manière à être opérationnels
c’est-à-dire à rendre possible cette rencontre entre êtres humains.
01 Intérieur Scelles 25/07/08 10:10 Page 250
Le pire argument pour motiver une VAD ou un DAD est : « C’est plus
pratique. » Il s’agit alors de se demander pour qui c’est plus pratique et
comment dans sa vie cette personne résout les problèmes pratiques
qu’elle rencontre, cela devant s’accompagner d’une réflexion sur ce que
nous-même nous faisons. Autrement dit, nous devons nous demander :
et nous, comment faisons-nous ?
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D
VISITE À DOMICILE : LAISSER LA CLÉ DE LA PORTE À LA PERSONNE QUI NOUS REÇOIT 251
tra d’ouvrir certaines portes et surtout lui laissera la liberté d’en fermer
d’autres…
Nous sommes ici encore confrontés aux questions de limites, mais
aussi d’enveloppes à la construction desquelles les murs d’une maison
peuvent contribuer ou ont contribué dans certaines histoires indivi-
duelles. Toutefois, lorsqu’il arrive également que cette maison n’ait pas
eu pour le sujet cette fonction de protection, il est fondamental d’en tenir
compte. Penser à une possible violation de l’autre ou d’une violence
envers la personne quand nous allons à son domicile est propice à la
construction d’une relation de confiance. Cela ouvre à diverses possibili-
tés pour la personne qui retrouve ainsi une part de liberté (accepter ou
refuser) et qui se sent respectée (lorsque ses réticences et volontés sont
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D
idée « d’irrémédiable ».
ok
me rendre chez le “psy”, ni ailleurs. » Si nous n’y prenons pas garde, nous
pouvons alors participer à un assistanat immodéré porté par des pseudos
ed
CONCLUSION
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D
des réponses qu’au cas par cas et parfois au jour le jour. Ce questionne-
ment toujours renouvelé et renouvelable est le garant d’une rencontre et
M
Véronique Pautrel
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D
est reçu par un autre qui le distingue et lui donne sens, fût-ce celui de
l’énigme lorsque ce signe ne trouve pas de signification.
ed
Estelle, jeune femme que j’ai suivie pendant quatorze ans, aujour-
d’hui décédée, posait d’une façon très aiguë cette question de l’interpré-
tation du signe, renvoyant ses parents comme les professionnels à leur
subjectivité. Son histoire est jalonnée d’interventions médicales sur l’or-
ganisme qui ne furent pas sans répercussions sur la relation d’Estelle à
son corps, mais aussi sur les relations entre Estelle, sa famille et les
professionnels. Ce parcours de vie souligne l’importance d’une réflexion
sur les bénéfices attendus d’une intervention chirurgicale, mais aussi des
risques encourus, réflexion partagée avec la famille, et qui mobilisent
implicitement les valeurs intimes sur les limites de l’acceptable pour une
vie. Les manifestations d’Estelle interrogeaient très vivement le phéno-
mène douloureux dans ses liens avec l’émotion et avec l’angoisse.
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D
suis frappée par la raideur de son corps : dans son mouvement de joie,
ok
elle bat des jambes dans une amplitude d’une dizaine de centimètres et
Bo
l’axe subit une légère torsion. Les bras sont au long du corps. Sa respi-
ration est bruyante. Estelle attire l’attention, son corps immobile du fait
ed
et son sourire illumine son visage. Son désir de relation est très fort et
son regard est un appel. Estelle est sensible aux voix, en particulier
masculines. Au cours de rencontres avec sa mère, celle-ci me dit que
sans doute, Estelle reconnaît quelques voix qu’elle associe à des
personnes mais que dans l’ensemble, elle sait seulement si c’est une voix
connue ou nouvelle.
Dans la salle de psychomotricité, ou lors des séances au bassin
hydrothérapique, Estelle est sollicitée au niveau de ses intentions d’agir,
pour le plaisir moteur en lui-même. Elle est invitée au plaisir d’agir sur un
objet, d’agir sur son environnement. Même avec des possibilités motrices
très limitées, Estelle déploie beaucoup d’efforts pour agir, se concentre et
se plaît dans ce mouvement. Elle tente de répondre à la demande de
l’adulte, qu’elle comprend lorsque le geste lui est montré ou est initié par
l’adulte. Si l’effort moteur lui-même ne produit pas ces réactions émotion-
nelles intenses, il suffit d’une information sensorielle inattendue, en parti-
01 Intérieur Scelles 25/07/08 10:10 Page 255
culier visuelle, pour mettre à mal tous ces efforts et lui faire perdre ses
moyens. Elle parvient alors très difficilement à revenir dans la situation
et à se concentrer de nouveau. Dans ces contextes de psychomotricité,
Estelle ne montre pas de goût particulier pour l’action sur les objets, elle
est plus motivée par les encouragements et les félicitations qui sont pour
elle très stimulants.
Dans la vie quotidienne, il est plus ou moins facile de donner du sens
aux expressions d’Estelle. Le regard est pour elle un mode de relation
privilégié avec son environnement. Ses possibilités motrices sont si limi-
tées qu’elle fait de la pulsion scopique une source d’information fonda-
mentale qui la met dans un besoin et un désir de voir ce qui se passe
autour d’elle. De ce fait, la peur lui vient aussi de ce côté-là : lorsque les
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permanent. Lorsqu’elle voit une personne avec laquelle elle est habituée
Bo
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reçue, avec son étrangeté. Ces mêmes éléments non familiers peuvent
Bo
avoir été proposés par l’adulte pour un investissement libidinal plus large
et peut-être mal dosés, mais ils peuvent également faire surprise ou être
ed
inattendus pour lui. Ils seront néanmoins identifiés comme étant à l’ori-
gine de la réactivité d’Estelle qui prend alors tout son sens.
M
Estelle est née en 1985 après une grossesse dont rien de particulier
n’est signalé. Elle arrive cadette d’un frère né trois ans plus tôt, elle aura
ensuite une benjamine trois ans plus tard. À 12 jours de vie, Estelle
déclare une méningo-encéphalite herpétique qui laisse des séquelles
cérébrales visibles au scanner. Elle restera trois semaines hospitalisée.
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La quête de sens
Face à ces manifestations qui ne prennent pas sens dans une expli-
cation, l’équipe se divise en des pôles qui soutiennent différentes hypo-
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d’elle, il suffit parfois que je me penche vers elle, ou que je lui propose
d’écouter une musique douce pour déclencher ce surgissement. Est-ce
l’émotion ? L’angoisse d’une présence trop proche ?
Il est arrivé une séance au cours de laquelle sa mère est venue avec
nous grâce au hasard d’une organisation inattendue. Estelle regardait
intensément sa mère et j’ai proposé à celle-ci de se rapprocher d’Estelle,
de prendre la place de proximité, et je me suis mise à distance. Estelle
semblait ravie de la situation, elle manifestait une joie communicative
vers sa mère qui s’est trouvée très émue. Elle m’a dit ensuite avoir eu la
sensation de retrouver sa petite fille.
Parfois, les professionnels du quotidien lui proposaient une sortie
dans le parc, ce qu’elle adorait auparavant. Cette promenade en fauteuil
pouvait bien ou mal se passer, mais il arrivait aussi que la crise démarre
précisément au retour dans le château, ce qui ouvrait l’espace pour des
interprétations psychologiques qui ne trouvaient pas pour autant leur
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dant elle reste non identifiable comme telle, ce qui laisse la place à des
Bo
tions ? Une position dépressive, sans doute, mais à penser comme cause
première des « crises » d’Estelle ou comme conséquence d’une douleur
non contrôlée ?
Puisqu’elle était depuis le début de son séjour dans l’établissement
accueillie dans le même service, nous lui avons proposé des séjours dans
un autre groupe où travaillait une éducatrice d’elle connue afin de
comprendre si elle s’ennuyait, si elle avait le désir d’une nouvelle étape,
d’une ponctuation, si elle avait le désir de rencontrer d’autres personnes,
dans une problématique adolescente… Le premier séjour s’est bien
passé. Espoirs. Les suivants ne furent pas confirmatifs…
Qu’y a-t-il à comprendre ?
Dans ce même groupe, plusieurs jeunes polyhandicapés, devenus
adultes, sont partis en 2003 dans une maison d’accueil spécialisée (MAS)
ouverte par l’association gestionnaire de l’établissement. Dans la vie d’Es-
telle, plusieurs de ses camarades sont partis du jour au lendemain. Même
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si cet événement avait été auparavant parlé, ritualisé par une petite fête,
le départ en lui-même a créé un vide, une absence. Nous ne savons pas
comment elle s’est signifiée pour Estelle : abandon ? disparition ? Il y
avait un trou dans son environnement habituel. Estelle arrivait à l’âge où
elle-même aurait dû changer d’établissement…
Ces événements l’emmènent-ils dans une position dépressive en lien
avec la perte ?
Estelle a-t-elle la sensation qu’autour d’elle, son environnement affec-
tif, auquel elle est suspendue à la fois psychologiquement et dans une
réalité de dépendance réelle, décroche ?
Depuis qu’Estelle ne rentre plus chez elle comme auparavant, l’équipe
éducative se donne les moyens de l’accompagner pour un après-midi à
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que sa fille soit apaisée. Elle demande également qu’il n’y ait plus d’exa-
mens exploratoires de réalisés, pensant que cela n’apportera rien de plus,
qu’Estelle en a déjà suffisamment subi. Elle dit également à quel point
elle trouve Estelle déformée. Elle vient moins souvent voir Estelle, elle
semble même ne plus oser prendre des nouvelles tant l’insupportable
s’impose.
Au printemps 2005, Estelle décède une nuit.
Au cours d’un temps de rencontre avec la mère, après être venue voir
le corps, elle nous rapporte le souvenir qu’elle a des dires d’un médecin
qui, lorsque Estelle était encore petite, avait justifié son retard par de la
fainéantise. Et la maman d’Estelle met en regard ces paroles et ce qu’a
été la vie d’Estelle.
Dans ce témoignage, elle nous dit sa douleur à elle, sa douleur de
maman, sa douleur d’Estelle, cette vie à l’intérieur de sa vie qui reste hors
temps, qui ne s’inscrit pas de langage et qui reste d’énigme. Une hypo-
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RÉFLEXIONS ÉTHIQUES
s’agit pas pour nous de rendre compte ici de ces avancées qui concer-
nent la neurophysiologie et qui étudient le phénomène nociceptif. Un pas
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savons d’elle que peu de choses. Cela tient, évidemment, à ce qu’elle n’est,
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elle fait des choses mortes, par autopsies et coupes microscopiques […]. Par
Bo
suite, entre l’idée que nous nous faisons de la douleur et sa réalité, il reste
encore, inexplorée, toute la marge des apports de l’individuel. »
ed
par les moyens de la médecine moderne alors même que les médecins
reconnaissaient qu’elle avait de multiples raisons d’avoir mal, nous ne
savons rien… À ceci près que les médicaments antalgiques s’avéraient
peu voire pas efficaces, ce qui, dans la logique médicale, entraîne
souvent une remise en cause de la dimension de la douleur elle-
même… « Si les médicaments ne l’apaisent pas, c’est qu’elle n’a pas
mal. » Raisonnement déductif qui exclut toutes les dimensions de la
douleur autres que la nociception.
Face à l’impasse à trouver une causalité objective, la causalité est
renvoyée du côté du psychique, comme si une causalité psychologique
pouvait effacer cette dimension de la douleur. Pourtant, ce n’est pas
parce que la plainte porte en elle-même plus qu’elle n’en dit que la
douleur n’est pas éprouvée. Et c’est renforcer la solitude de la personne
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« La vie d’un vivant ne reconnaît les catégories de la santé que sur le plan
de l’expérience, qui est d’abord son épreuve au sens affectif du terme, et non
sur le plan de la science. »
La maladie est d’abord vécue comme un écart par rapport à son état
normal, elle est donc initialement un éprouvé subjectif pour lequel le
sujet trouvera un sens pour lui-même, mais auquel le discours médical
scientifique donnera une tout autre explication, qui visera l’objectivité.
La douleur répond au même mode de prise de conscience, la douleur
est un phénomène vécu et éprouvé dont le sujet fait récit, ou tout au
moins qu’il adresse, à moins qu’il y renonce, qu’il n’en ait pas les moyens,
qu’il n’imagine pas un soulagement possible. Dans la lignée de la pensée
de Canguilhem ajustée au phénomène de la douleur, il s’agirait de réflé-
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souffrance.
M
difficile, pour des parents d’un enfant polyhandicapé, déjà fragilisés dans
leur parentalité, de soutenir une autre version de ce qui pourrait être
« bien » pour leur enfant, et ils doivent plus encore affronter le regard
au mieux compréhensif mais néanmoins désapprobateur de « ceux qui
savent… ». Mais qui pose la norme ? Canguilhem 5 rappelle : « L’homme
normal, c’est l’homme normatif, l’être capable d’instituer de nouvelles
normes, même organiques. » La logique argumentée pour des appa-
reillages soutient qu’il s’agit d’un mal pour éviter un pire, mais qui peut
définir pour un autre ce qu’est le mal et ce qu’est le pire ? Et le pire est-
il toujours à prévoir ? Le plus souvent, les décisions sont prises en l’ab-
sence du sujet, de l’enfant concerné.
Parfois, une question insidieuse transparaît malgré les bonnes inten-
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site la différenciation d’un autre secourable, d’un autre déjà venu apaiser
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les tensions de besoins… En réalité, rares sont les enfants qui ne diffé-
rencient pas les personnes connues des personnes non connues. La diffé-
ok
renciation « des autres », chacun avec son entité, n’est pas nécessaire
pour qu’un autre secourable soit reconnu et qu’un cri fasse appel puis se
transforme en plainte.
Encore faut-il que l’appel soit entendu. Puis que cet appel soit inter-
prété comme plainte douloureuse, puis que la douleur soit validée par
l’équipe médicale par un effet efficace du médicament. La proposition
d’une vérification de la « validité » de la plainte par la proposition d’un
placebo ne vient jamais à n’importe quel moment d’un parcours théra-
peutique : elle surgit lorsque l’équipe soignante se vit en échec dans sa
capacité à soulager rapidement et durablement, c'est-à-dire dans sa
capacité à effacer la plainte. En miroir de la violence de ce sentiment
d’échec pour les soignants se pose la violence du doute sur l’authenticité
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libriste !
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comme sujet.
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Emmanuel Hirsch
Postface
L’exigence éthique d’une connaissance
de la personne handicapée
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UN REGARD AUTRE
ok
Emmanuel Hirsch, professeur d’éthique médicale, université Paris-Sud XI, directeur de l’Es-
pace éthique Assistance publique-Hôpitaux de Paris.
01 Intérieur Scelles 25/07/08 10:10 Page 272
les limites, tant les enjeux s’avèrent complexes et multiples, tant égale-
ment les besoins et les attentes sont infinis.
Le champ de responsabilités ainsi imparti aux intervenants est ouvert
à des approches qui doivent concilier des considérations de tous ordres,
mobilisées pour servir la cause de personnes parfois ignorées dans leurs
droits propres ou contestées dans la réalité de leurs requêtes vitales. Il
s’agit donc là d’un acte éminemment politique puisqu’il détermine une
mission sociale à bien des égards inattendue, novatrice, soucieuse de
favoriser des ruptures, des mutations et des évolutions indispensables
dans un système de représentations du handicap qu’il conviendrait
désormais de considérer comme périmé.
Ne plus se satisfaire de mentalités ou de procédures jugées hostiles
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délétères.
Bo
cap, l’ont en quelque sorte déportée dans des espaces exilés aux confins
de notre attention et des solidarités sociales. Cette mise à l’écart, à
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POSTFACE 273
CAUSES MÉCONNUES
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POSTFACE 275
peut s’exonérer.
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ok
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Bibliographie
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INTRODUCTION
Régine Scelles 7
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.................................................................
Bo
PREMIÈRE PARTIE
ed
L’OMBRE DU CORPS
Pierre Ancet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29
Monstruosité comme représentation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29
Spécificité de l'impression monstrueuse : l’ombre du corps . . . . . . . . . . . . . 32
Illusion d’artifice et inquiétante étrangeté . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36
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Mises en scènes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 39
Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41
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ELLE-MÊME
Simone Korff-Sausse . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77
M
DEUXIÈME PARTIE
ÉTHIQUE ET PRATIQUES CLINIQUES
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BIBLIOGRAPHIE . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 277
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ed
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Félix Gentili
Sous la direction de Charles Gardon et La rééducation contre l’école, tout contre
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Le handicap en visages - 2
comme sujet responsable de ses actes
Charles Gardou et collaborateurs
Marie-Agnès Simon
ed