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Parnassa

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Guide en Or

LES CLÉS
DE LA PARNASSA
AUTEUR
Rav Aharon ZAKAY

TRADUCTION
Chochana CHAOUAT

RELECTURE
Elodie BENATAR
Philippe STEBOUN

COUVERTURE
Zelda LEOTARDI

DIRECTION
Binyamin BENHAMOU

Publié et distribué par les


EDITIONS TORAH-BOX
France
Tél.: 01.80.91.62.91

Israël
Tél.: 077.466.03.32

contact@torah-box.com
www.torah-box.com

© Copyright 2016 / Torah-Box

Imprimé en Israël

Ce livre comporte des textes saints, veuillez ne pas le jeter n'importe où,
ni le transporter d'un domaine public à un domaine privé pendant Chabbath.
Note de l'éditeur

Les Editions Torah-Box ont la joie de vous présenter l’ouvrage tant


attendu sur la Parnassa, dans la collection “Guide en Or”.

A travers de merveilleuses histoires et explications de nos maîtres, ce livre


du Rav Aharon Zakay vous permettra de comprendre les mécanismes de
la réussite matérielle et financière dans ce monde. En plus d’offrir des
prières et des Ségoulot rares, vous y trouverez les réponses aux questions
que vous vous posez en matière de Parnassa :

• Pourquoi est-ce difficile de gagner sa vie ?


• Comment s’enrichir ?
• Quelles sont les actions contraires à la Parnassa ?
• En quoi la richesse est une épreuve ?
• Comment réussir à ne s’en remettre qu’à D.ieu ?
• Quels sont les comportements et Ségoulot essentiels ?

Il est écrit : « Béni soit l’homme qui met sa confiance en D.ieu, et dont
Hachem est l’espoir ! » (Jérémie 17,7)

Lorsqu’un homme est intimement convaincu que ses moyens de


subsistance proviennent du Tout-Puissant, il mérite que les termes de ce
verset s’accomplissent et qu’une abondance de bénédictions se déverse
sur lui.

Ce livre vous aidera à gagner une confiance absolue dans le Roi du


monde, Celui qui fournit à chacun sa part octroyée, et en son temps. Et
grâce à cette confiance, Hachem vous comblera de réussites matérielles
et spirituelles !

‫להגדיל תורה ולהאדירה‬


L'équipe Torah-Box
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Que ce livre contribue à la réussite de la
Yéchiva « Vayizra’ Itshak »
Centre d’étude de Torah pour Francophones à Jerusalem
sous l’enseignement du rav Eliezer FALK

à la mémoire de
M. & Mme Jacques -Itshak- BENHAMOU
au Roch-Collel :
Rav Eliezer FALK
aux Rabbanim :
Rav Tséma’h ELBAZ
Rav ‘Haïm BENMOCHÉ
Rav Tsvi BREISACHER
Rav Eliahou UZAN

et à leurs chers étudiants assidus et dévoués pour la Torah :


Rabbi Michael ABITBOL
Rabbi Mikhael ALLOUCHE
Rabbi Yona ATHLAN
Rabbi Moché AVIDAN
Rabbi Binyamin BENHAMOU
Rabbi David BRAHAMI
Rabbi Mikhael COHEN
Rabbi Yaron COHEN
Rabbi Anthony COOPMANS
Rabbi Binyamin JAMY
Rabbi Its’hak KOUHANA
Rabbi David SITBON
Rabbi Nethanel OUALID
Rabbi Nathan SABBAH
Rabbi Lionel SELLEM
Rabbi Mordékhai STEBOUN
Rabbi Itshak ZAFRAN
Rabbi Emmanuel ZAOUI

Qu’ils puissent grandir ensemble


dans la Torah et la Crainte du Ciel.

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TABLE DES MATIÈRES

• Chapitre 1  : Une confiance absolue p.7


• Chapitre 2  : Confiance et tentative personnelle, un subtil équilibre p.11
• Chapitre 3  : Un semblant de confiance p.17
• Chapitre 4  : Des inquiétudes superflues p.23
• Chapitre 5  : Il nourrit et sustente le monde entier p.31
• Chapitre 6  : Il donne du pain à toute créature p.37
• Chapitre 7  : La Parnassa, déterminée par le Ciel p.41
• Chapitre 8  : La roue tourne p.45
• Chapitre 9  : Redressant le pauvre de la poussière p.49
• Chapitre 10 : Relevant le malheureux des déchets p.57
• Chapitre 11 : Droiture ou richesse ? p.61
• Chapitre 12 : La Parnassa : une compétition ? p.65
• Chapitre 13 : Des balances exactes p.71
• Chapitre 14 : Le marchandage p.79
• Chapitre 15 : Un bon conseil pour réussir dans les affaires p.85
• Chapitre 16 : De faibles moyens de subsistance p.89
• Chapitre 17 : Comment s’enrichir p.93
• Chapitre 18 : Comment tirer profit de son commerce p.97
• Chapitre 19 : Perte et soucis de Parnassa p.103
• Chapitre 20 : Le Ribit : une cause de faillite p.107
• Chapitre 21 : La raillerie, source de pauvreté p.111
• Chapitre 22 : Pot-de-vin et escroquerie p.115
• Chapitre 23 : Une Parnassa difficile, mais pour ton bien ! p.119
• Chapitre 24 : La pauvreté à la place de la mort p.125
• Chapitre 25 : Car Il se tient à la droite du malheureux p.129
• Chapitre 26 : La Parnassa difficile du Tsadik p.133
• Chapitre 27 : Ne sois pas avide de richesse p.139
• Chapitre 28 : C’est un impie et tout va bien pour lui p.143
• Chapitre 29 : La vraie fortune au bon moment p.147
• Chapitre 30 : La fortune : d’aucune utilité le jour de la mort p.151
• Chapitre 31 : L’incomparable richesse spirituelle p.157
• Chapitre 32 : La vraie richesse p.161
• Chapitre 33 : Sur le compte du monde futur p.165
• Chapitre 34 : Ne pas envier la richesse p.169
• Chapitre 35 : Que le riche ne se glorifie pas de sa richesse p.175
• Chapitre 36 : L’épreuve de la richesse p.181
• Chapitre 37 : La richesse n’est qu’un dépôt p.187
• Chapitre 38 : Payer ses dettes et s’abstenir d’emprunter p.193
• Chapitre 39 : Les désirs de l’homme sont insatiables p.201
• Chapitre 40 : Le combat des loups p.205
• Chapitre 41 : Se contenter de son lot p.209
• Chapitre 42 : Un riche et un pauvre au tribunal céleste p.215
• Chapitre 43 : Interrompre son étude pour les besoins de la Parnassa p.219
• Chapitre 44 : Heures supplémentaires p.223
• Chapitre 45 : Sanctifier nos actions pour la Parnassa p.227
• Chapitre 46 : Assurer ses biens p.231
• Chapitre 47 : Prélève la dîme afin de t’enrichir p.237
• Chapitre 48 : Issakhar et Zévouloun p.243
• Chapitre 49 : La Parnassa de la famille p.249
• Chapitre 50 : Les frais d’études des garçons p.255
• Chapitre 51 : La Parnassa par le mérite des enfants p.261

• Ségoulot pour la Parnassa et la réussite p.269


• Ségoulot contre le Ayin Hara p.275
• Prières p.281

• Glossaire p.299
7

Chapitre 1


Une confiance absolue
une confiance absolue 9

Il est écrit dans les Téhilim (55,23) : « Décharge-toi sur Hachem de ton fardeau, Il
prendra soin de toi. » Par ailleurs, dans la Guémara, il est mentionné (Avoda Zara,
3b) : « La journée comprend douze heures. Durant les trois premières, le Saint
béni soit-Il étudie la Torah. Les trois suivantes, Il juge le monde entier, mais
puisqu’Il voit que le monde devrait être détruit, Il quitte le trône de Rigueur
et rejoint celui de la Miséricorde. Pendant les trois autres, Il nourrit le monde
entier, des cornes du buffle aux œufs de poux. Durant les trois dernières… »

Nous voyons ici que l’homme n’a aucunement besoin de se soucier de sa


Parnassa ! Les Cieux se chargent de tout. Il doit juste placer sa confiance dans le
Créateur et se reposer sur Lui.

On raconte que le Saba de Novardok, Rav Yossef Youzel Horovitz, commença


très jeune à travailler sur lui-même afin de renforcer son Bita’hone. A son retour de
Kovno, il intégra un groupe de personnes étudiant le Moussar et particulièrement
la manière d’acquérir cette vertu. Chaque membre de cette association devait
respecter un principe : ne jamais prendre de décision personnelle sans l’accord
du reste du groupe. Cependant, l’un des participants refusa de suivre cette ligne
de conduite et préféra se débrouiller seul, notamment pour marier ses filles.
Finalement, tous les membres du groupe réussirent à marier leurs enfants. Tous
à l’exception de cet homme.

Une force insoupçonnée


On conseilla au Baal Chem Tov de se rendre auprès d’un vieil homme, fermier
dans un village, pour bénéficier de ses enseignements en matière de Bita’hone.
Une fois, en pleine nuit, un policier entra chez le fermier et frappa trois coups
retentissants sur la table avec un gros bâton, puis s’en fut. Déconcertés, le Baal
Chem Tov et ses disciples regardèrent le vieil homme, qui à leur grande surprise,
affichait un visage radieux. Une demi-heure plus tard, après la prière, le policier
revint, frappa de nouveau la table et disparut. Le Baal Chem Tov ne put contenir
davantage sa curiosité et demanda des explications au maître de maison.

«  Il s’agit d’un avertissement, lui dit ce dernier. Je dois dès aujourd’hui aller
apporter au propriétaire du village ma redevance de fermage. Si après trois avis
de ce genre, je ne l’ai toujours pas fait, il me fera arrêter, ainsi que toute ma
famille.
10 les clés de la parnassa

- Si l’on en juge par ton calme, il semblerait que tu aies cette somme, lui fit
remarquer le Baal Chem Tov. Alors, avant que nous ne mettions à table, va la
lui remettre, ne le fais pas attendre.

-C’est que, pour l’instant, je n’ai pas un sou, lui répondit le vieil homme. Mais
Hachem va sûrement m’aider. Venez, mangeons tranquillement. Après tout, j’ai
encore trois heures devant moi. »

A la fin du repas, le policier se présenta pour la troisième fois et frappa sur la


table. Le maître de maison garda le silence et ne se départit pas de son calme. Il
prononça lentement le Birkat Hamazone, puis mit ses vêtements de Chabbath
et dit : « Maintenant, je vais aller payer ma dette.

- As-tu tout ce qu’il faut, à présent ?  lui demanda le Baal Chem Tov.

- Je n’ai toujours pas un sou, répliqua-t-il, mais il est certain que le Tout-Puissant
va m’envoyer ce dont j’ai besoin. » Puis il sortit de la maison.

Le Baal Chem Tov et ses élèves se postèrent sur le balcon, impatients de connaître
la suite des évènements. Soudain, ils aperçurent une carriole qui s’approchait
de l’homme. Quand elle fut à sa hauteur, le cocher échangea quelques mots
avec le vieil homme, qui continua sa route. Après un court instant, la carriole
s’arrêta de nouveau. Le cocher lui cria de revenir vers lui et lui tendit de l’argent.
Quand la charrette fut suffisamment proche, le Baal Chem Tov demanda au
conducteur :

« Que s’est-il passé entre toi et le vieil homme ? 

- Je lui ai proposé de lui acheter à l’avance tout son stock d’eau-de-vie qu’il
produirait l’hiver prochain. Au départ, je ne fus pas d’accord avec le prix qu’il
demandait. Mais quand je vis qu’il ne négocierait pas et qu’il était prêt à passer
son chemin, je fus obligé de lui donner ce qu’il réclamait. Je sais que c’est
quelqu’un de droit, en qui je peux avoir confiance. Je voulais continuer à parler
avec lui mais il m’a dit qu’il devait se dépêcher d’aller payer sa dette à son
propriétaire.

-C’est cela la force extraordinaire du Bita’hone ! » s’exclama le Baal Chem Tov


en guise de conclusion à ses élèves.
11

Chapitre 2

Confiance et tentative personnelle,


un subtil équilibre

confiance et tentative personnelle, un subtil équilibre 13

Dans la Guémara (Kétoubot 67b), il est rapporté qu’un jour un homme alla
chez Rava demander la Tsédaka.

« Qu’as-tu l’habitude de manger ? lui demanda Rava.

- De la poule bien grasse et du vin cuit, répondit l’homme.

-Et tu ne t’inquiètes pas du fait que les autres membres de la communauté


puissent manquer de nourriture ? ajouta Rava.

- Ce dont je me nourris leur appartient-il ? Ce que je mange provient d’Hachem.


Il est écrit dans les Téhilim (145,15) : "Tous les yeux se tournent vers Toi, et, Toi,
Tu leur donnes leur subsistance en son temps". "En son temps", est-il précisé, et
non "en leur temps". L’emploi du singulier nous enseigne qu’ Hachem octroie à
chacun sa subsistance, selon ses propres besoins et ses habitudes. »

Pendant qu’ils conversaient, la sœur de Rava, qu’il n’avait pas vue depuis treize
ans, arriva. Elle lui apportait une poule bien grasse et du vin cuit. Devant cette
scène imprévue, Rava s’exclama : « Que se passe-t-il ? Voici que ma sœur me
rend visite alors qu’elle n’en a pas l’habitude, et que, de plus, elle m’apporte
ce précieux chargement ! » Puis s’adressant à son visiteur : « Je t’ai secoué par
mes paroles, j’ai exagéré en m’opposant ainsi à toi. Lève-toi et mange cette
nourriture à laquelle tu es habitué. »

Cet épisode édifiant nous montre l’importance d’une croyance sincère. Si nous
sommes confiants dans le fait qu’Hachem pourvoit à tous nos besoins, nous
ne saurions être déçus, bien au contraire. Car du Ciel nous recevrons tout ce
qui nous est nécessaire. L’esprit ainsi dégagé des soucis de subsistance, nous
pourrons nous adonner librement à l’étude de la Torah.

Attention à l’excès !
Souvent, nous pouvons remarquer que des tentatives personnelles répétées pour
améliorer une situation ne sont non seulement d’aucun effet, mais tendent au
contraire à l’aggraver. A ce sujet, on raconte dans la Guémara (Souccot, 53a)
l’histoire de deux scribes de Chlomo Hamélekh, Eli’horef et A’hiya. Un jour,
Chlomo Hamélekh vit que l’ange de la mort était désappointé et il lui en
14 les clés de la parnassa

demanda la raison. « Le moment est venu pour Eli’horef et A’hiya de mourir,
lui expliqua-t-il, et je ne puis accomplir ma mission car il n’a pas été décrété
qu’ils mourraient en ce lieu. » En entendant cela, Chlomo Hamélekh voulut
les sauver. Il ordonna à des Chédim d’escorter les deux hommes jusqu’à la ville
de Louz, dans laquelle l’ange de la mort n’avait pas d’emprise. Mais alors qu’ils
étaient arrivés à la porte de la ville, l’ange de la mort s’empara de leurs âmes. Le
lendemain, Chlomo Hamélekh le rencontra de nouveau, et cette fois l’envoyé
macabre affichait un visage souriant.

« Pourquoi ris-tu ? » lui demanda Chlomo.

-Car il avait été décrété qu’ils mourraient aux portes de la ville de Louz. Je
ne pouvais pas les tuer à un autre endroit et toi, tu m’as aidé à les transporter
précisément là où je devais agir.

-Les pas de l’homme sont guidés par le Ciel, et le conduisent là où on veut qu’il
aille » s’exclama Chlomo Hamélekh.

Cette histoire est l’illustration parfaite de l’effet provoqué par des efforts
personnels exagérés. Parfois, un excès d’initiatives peut tout bonnement
conduire à l’opposé de ce que nous escomptions.

Dans le même ordre d’idées, le Talmud (Chabbath, 119) rapporte un autre


épisode. On raconte que Yossef Mokir Chabbath, dont le nom évoque la
manière dont il honorait le jour saint, avait un voisin non-juif très riche. Or les
astronomes prédirent à ce dernier que tous ses biens finiraient entre les mains
de Yossef Mokir Chabbath. Redoutant une telle issue, le non-Juif vendit tout
ce qu’il possédait et acheta une pierre précieuse qu’il cousit dans son chapeau.
Un jour qu’il traversait le pont au-dessus du fleuve, un vent se leva soudain et
emporta son couvre-chef, qui tomba dans le cours d’eau. Un poisson passa par
là et avala la pierre précieuse. Des pêcheurs le prirent dans leurs filets peu de
temps avant Chabbath et se demandèrent qui pourrait bien acheter un si gros
poisson. Quelqu’un leur suggéra de le proposer à Yossef Mokir Chabbath, qui
avait l’habitude d’acheter du poisson en l’honneur du jour saint. Effectivement,
Yossef accepta et eut la surprise de découvrir à l’intérieur du poisson la pierre
précieuse, qu’il vendit pour une somme considérable.
confiance et tentative personnelle, un subtil équilibre 15

Pensant pouvoir échapper à son sort, le non-Juif prit ici une initiative qui
produisit l’inverse de ce qu’il escomptait. En voulant préserver sa fortune, il la
livra tout droit dans les mains de son voisin juif.

La seule initiative valable et essentielle en matière de Parnassa est de renforcer


notre Emouna. Nous devons avoir une confiance absolue que seul Hachem nous
fournira ce dont nous avons besoin. Dans la Guémara (Taanit 8a), nos Sages ont
dit : « Les pluies ne tombent que pour ceux qui possèdent la foi. Rabbi Ami a
dit : "Vois comme sont grands ceux qui possèdent la foi. D’où le voit-on ? Du
rat et du puits. S’il en est ainsi de celui qui croit en un rat et un puits, cela l’est
d’autant plus de celui qui croit dans le Saint béni soit-Il." »1

Les commentateurs expliquent (Rachi ad loc. et Tossefot) qu’un rat et un puits


n’ont pas le pouvoir de tuer, mais que le fait de croire cela leur procure cette
force. Le Tout-Puissant est la source de tous les pouvoirs et celui qui le croit
ajoute à la bénédiction et à l’abondance qu’il reçoit. Ainsi la pluie ne tombe que
pour ceux qui ont la foi, cette foi amplifiant la tendance d’Hachem consistant
à prodiguer des bienfaits à Ses créatures et à l’inonder de pluies abondantes
(Si’hot Moussar).

1. Rachi et les Tossefot rapportent l’histoire d’une jeune fille qui tomba dans un puits. Un jeune homme passa par là et
lui proposa de la sauver si elle voulait bien l’épouser. Elle accepta et ils prirent pour témoins de leur engagement mutuel
le puits et un rat. Or, après quelques années, le jeune homme épousa une autre femme, tandis que la jeune fille attendait
toujours. L’homme eut deux garçons. Le premier se fit mordre par un rat et mourut, tandis que le deuxième tomba
dans un puits et subit le même sort. L’épouse demanda au mari s’il savait pourquoi de telles choses leur arrivaient. Il lui
raconta son ancienne promesse. Alors, elle le pria de se rendre auprès de cette jeune fille et de l’épouser.
17

Chapitre 3

Un semblant de confiance

un semblant de confiance 19

Il est écrit (Yirmiya 17,7) : « Béni soit l’homme qui se confie en l’Eternel, et dont
l’Eternel est l’espoir ! » Lorsqu’un homme croit vraiment et sincèrement dans le
Tout-Puissant, il place tout son espoir en Lui et n’a plus peur de rien.

Cependant, sa bouche et son cœur doivent parler le même langage. Autrement


dit, il doit être intimement convaincu que sa Parnassa provient du Tout-
Puissant et ne pas se contenter d’une simple déclaration d’où tout sentiment
serait absent. Son Bita’hone doit être absolu et ce n’est qu’à ce prix qu’il méritera
que les termes du verset s’accomplissent et qu’une abondance de bénédictions
se déverse sur lui.

On raconte qu’un jour un plâtrier vint écouter le discours de Rav Israël


Salanter traitant de l’importance d’avoir confiance en Hachem. Après l’exposé
du Rav, l’homme s’approcha du Rav et lui demanda avec une simplicité
déconcertante : « Si je crois sincèrement que je vais recevoir dix mille roubles,
je vais les recevoir ? » « Bien sûr, répondit Rav Israël, je m’en porte garant… »

Dès lors, le plâtrier quitta son travail et se plongea dans l’étude de la Torah.
Il apprit le ’Houmach et lut des Téhilim, rempli de l’espoir de recevoir les
dix mille roubles… Plusieurs semaines s’écoulèrent et l’argent tardait à venir.
Dans la maison de l’artisan, il ne se trouva plus un sou et la faim se fit sentir.
L’homme décida de retourner auprès de Rav Israël pour lui demander pourquoi
la promesse ne s’était pas encore accomplie.

Le Tsadik écouta les doléances de l’artisan et lui renouvela son assurance  :  il


allait bien recevoir cet argent. Toutefois, s’il n’avait plus la patience d’attendre,
ajouta-t-il, il était prêt à lui donner dès maintenant cinq mille roubles, que
l’homme devrait lui rendre lorsqu’il aurait reçu la totalité.

Le plâtrier accepta la proposition avec joie. C’est alors que Rav Israël lui fit ce
reproche : « Si tu es prêt à échanger dix mille roubles contre cinq mille, cela
montre que tu n’as pas véritablement confiance que tu les recevras. Si tu n’y
crois pas vraiment, ne t’attends pas à les recevoir… »
20 les clés de la parnassa

Qu’en est-il de l’argent ?


Le Gaon Rav Its’hak Zéev Soloveïtchik, de mémoire bénie, expliquait le verset
des Téhilim (27,14) : « Espère en l’Eternel, courage ! Que ton cœur soit ferme ! Oui,
espère en l’Eternel ! » de la manière suivante : la plus grande récompense que
mérite celui qui a confiance en Hachem est qu’Il va l’aider à développer cette
vertu encore davantage. Le Tout-Puissant ne va pas lui accorder une richesse
telle qu’il n’aurait plus besoin d’avoir foi en Lui, car il est écrit dans ’Hovot
Halévavot, au chapitre traitant du Bita’hone, que cette vertu dépasse toutes les
autres. Il y est expliqué que même celui qui aurait la possibilité de produire lui-
même de l’or craindrait les voleurs et les assassins durant toute son existence.
En revanche, celui qui a confiance en Hachem est tranquille, il n’a aucun souci.
C’est pourquoi la récompense suprême que reçoit celui qui possède cette vertu
est de pouvoir la développer encore davantage.

Un négociant qui entendit cette explication en fut émerveillé et n’eut de


cesse d’en faire l’éloge. « Si tu es si impressionné par ces paroles, pourquoi ne
quitterais-tu pas ton travail durant quelques heures pour te réserver un moment
d’étude régulier ? » lui demanda Rav Its’hak Zéev Soloveïtchik. « Mais je ne
peux pas, répondit l’homme, car comment vais-je gagner ma vie ? »

Le Rav lui répondit par une histoire vécue par son père, le Gaon Rav ’Haïm. Un
habitant de Brisk avait pour fonction de récolter de l’argent pour des œuvres
caritatives. Un jour, un escroc l’attira par ses bonnes paroles et réussit à lui
voler tout ce qu’il avait ramassé. L’émissaire courut chez le Rav de Brisk et lui
conta sa mésaventure en pleurant amèrement. Le Rav lui demanda de revenir le
lendemain, et qu’il lui donnerait ce qui lui manquait.

Le lendemain, l’homme regretta de s’être comporté comme un enfant devant le


Rav de Brisk. Avant même de recevoir de lui une aide financière quelconque, Il
décida de lui expliquer qu’il n’avait pas pleuré pour un sujet si peu important
que la perte de son argent, mais à cause de sa stupidité. Il n’avait pas réussi à
déjouer les plans de ce charlatan.
un semblant de confiance 21

Rav ’Haïm l’écouta très attentivement et lui dit :

« S’il en est ainsi, je vais te remettre une lettre attestant que tu es quelqu’un
d’intelligent et de censé. 

- Mais qu’en est-il de l’argent ? s’écria l’homme.

- Il en est de même pour toi, conclut Rav Its’hak Zéev Soloveïtchik en s’adressant
au négociant, tu entends l’explication, et même t’en émerveilles, mais subsiste
en toi la même inquiétude. "Mais, qu’en est-il de l’argent", continues-tu à te
demander. » 
23

Chapitre 4

Des inquiétudes superflues



des inquiétudes superflues 25

Durant les périodes de restrictions économiques, la faim régnait dans le foyer du


Gaon Rav Mordékhaï Charabi. Les privations étaient le lot quotidien de la fa-
mille, si bien qu’au cours de la semaine, il arrivait très souvent qu’elle n’eut rien
du tout à manger. Le Tsadik ne s’indignait pas de cette situation. Au contraire,
il l’acceptait avec amour et se contentait de ce que le Créateur voulait bien lui
accorder. Un vendredi, alors que l’après-midi était déjà bien avancé, il n’y avait
rien pour honorer le Chabbath dans la maison du Rav : pas de pain, pas de vin,
et bien entendu, pas de viande ni de poisson. La Rabbanite soupira tristement
et s’écria, sur un ton larmoyant : « Allons-nous devoir vivre Chabbath comme
un jour ordinaire ? » Devant la détresse de son épouse, le Tsadik décida de fer-
mer ses livres et de sortir de la maison, en s’en remettant à la Providence divine.

Sur le pas de la porte, il s’arrêta un instant, et réfléchit : où pouvait-il aller à


une heure si tardive ? A qui allait-il confier les soucis de son épouse ? Il hésita
entre la droite et la gauche. Pendant ce temps, une pluie bienfaisante se mit à
tomber, mouillant ses vêtements. L’eau dévalait la pente de la rue qui jouxtait sa
maison. Alors qu’il était toujours plongé dans ses réflexions, il aperçut soudain
une pierre qui s’arrêta au milieu du torrent, de laquelle pointait un billet de
dix lires. Le Rav ramassa aussitôt cette trouvaille providentielle. Il rentra chez
lui et tendit le billet à la Rabbanite, qui s’en réjouit comme s’il s’agissait d’un
trésor d’une valeur inestimable. Elle courut au marché, acheta tout le nécessaire
et s’attela fébrilement à la tâche, afin de terminer les préparatifs en l’honneur
de Chabbath avant la fin de la journée. De plus, cet argent bénéficia d’une bé-
nédiction particulière puisqu’il permit également de nourrir le foyer du Tsadik
durant toute la semaine.

Confiance dans le Créateur


Lorsqu’il était jeune, le Tsadik Rav Mordékhaï Perlov de Lekhvitz, le disciple de
Rav Chlomo de Karlin, était très pauvre. Les membres de sa famille souffraient
véritablement de la faim. Malgré tout, Rav Mordékhaï faisait montre d’un Bi-
ta’hone inébranlable et restait durant de longues heures au Beth Hamidrach,
pour étudier et prier avec un bonheur indicible.

Une fois, son beau-frère vint au Beth Hamidrach, et le trouva en train de chanter
des louanges avec une grande exaltation. Il lui dit une pointe de méconten-
26 les clés de la parnassa

tement dans le ton : « Ton épouse et tes enfants sont désespérés à cause de la


misère dans laquelle ils se trouvent et toi tu vas joyeusement en chantant des
poèmes d’amour ? »

Rav Mordékhaï répondit en hochant la tête : « Que les membres de ma famille


pleurent sur leur triste sort est compréhensible, car ceux qui doivent compter
pour leur subsistance sur un être humain faible comme moi ne peuvent être que
malheureux. Mais moi, je me repose complètement sur Hachem, Qui nourrit
le monde entier par Sa bonté. J’ai donc toutes les raisons de me réjouir et de
chanter… »

Pourquoi vais-je m’inquiéter du lendemain ?


Le Tsadik Rav Its’hak Eïzik Eïkhenstein de Saprin vécut presque toute son exis-
tence dans la pauvreté. Sa famille ressentit souvent les affres de la faim.

Une fois, l’un des importants Rabbanim de la région se présenta à son domicile.
Or Rav Eïzik n’avait pas une seule chaise à offrir à cet invité prestigieux. Les
enfants s’empressèrent d’apporter deux pierres sur lesquelles ils posèrent une
planche et proposèrent ce siège de fortune au Rav.

Ce dernier, qui dirigeait la communauté d’une grande ville et vivait relative-


ment dans l’aisance, s’étonna de la pauvreté qui s’étalait sous ses yeux dans le
foyer d’un géant du peuple d’Israël. Au moment de quitter son hôte, il s’excla-
ma : « Je m’étonne que chez un monsieur, réputé dans toute la région pour être
un des Guedolé Hador, on ne puisse trouver un lit convenable, ni même une
table et des chaises ! 

-Sans vouloir vous froisser, répondit Rav Its’hak Eïzik à son invité, puis-je vous
demander pourquoi vous n’avez pas avec vous votre table et vos chaises ? 

-La question ne se pose pas, répondit l’invité étonné. Je ne fais que passer chez
vous, je ne suis pas chez moi !

- Moi aussi, s’exclama Rav Its’hak Eïzik avec une pointe de tristesse dans la
voix, je ne suis qu’un invité de passage là où je me trouve. Aujourd’hui, je suis
là, et demain qui sait où je me trouverai ? Pourquoi devrais-je m’inquiéter du
lendemain, alors que je n’ai pas encore résolu tous mes problèmes de ce jour ? »
des inquiétudes superflues 27

Une bonne dose de Bita’hone


Un érudit de Jérusalem, très préoccupé par les soucis de Parnassa, alla demander
conseil au ’Hazon Ich. Devait-il accepter un poste de Ram dans une Yéchiva,
bien que cela risque de l’empêcher de progresser dans l’étude de la Torah ? Avant
même qu’il ne posa la question, le ’Hazon Ich lui dit : « Ne te mets pas à la place
du Tout-Puissant, Lui sait ce dont tu as besoin… »

Un jour, un Roch Yéchiva se présenta au Rav Its’hak Zéev Soloveïtchik et lui


confia qu’il avait l’habitude de voyager tous les ans en dehors d’Israël pour y
collecter des fonds. Or cette année, il ne pouvait le faire et grande était son in-
quiétude : où allait-il pouvoir se procurer l’argent nécessaire ?

Immédiatement, le Rav répondit :

« Tu dois avoir confiance en Hachem.

- C’est vrai, répliqua le Roch Yéchiva, mais concrètement, où vais-je trouver de


l’argent ?

-Moi aussi, expliqua le Rav, je dois tous les mois payer les Avrékhim, et je ne
m’inquiète pas pour autant.

-Soit, conclut le Roch Yéchiva, si j’avais la même dose de Bita’hone que le Rav de
Brisk, je ne serais sûrement pas soucieux ! »

Le Rav de Brisk entreprit immédiatement de lui expliquer  :  «  Et comment


parvient-on à un tel niveau de confiance en Hachem ? D’où démarre-t-on ? La
récompense de celui qui possède cette vertu est de la ressentir encore davantage.
Vous avez juste à commencer à vous montrer confiant et s’accompliront les
termes du verset : "Que ton cœur soit ferme ! Oui, espère en l’Eternel ! " »

Une fois, un proche du Rav lui fit cette remarque : « Si seulement nous pouvions
trouver un donateur qui prenne en charge l’ensemble des besoins du Collel tout
au long de l’année ! » Le Rav répondit : « Même si on me donnait un million de
dollars, je ne vendrais pas la Mitsva de Bita’hone que j’accomplis toutes les fins
de mois, d’année en année. »
28 les clés de la parnassa

A domicile
Une fois, le prix du pain augmenta tant que celui-ci commença à manquer,
particulièrement chez les érudits. Après bien des efforts, on parvint à obtenir de
la farine, afin de la distribuer aux pauvres. On prévint tous les érudits de la ville
qu’ils devaient se rendre à un certain endroit pour y récupérer leur part.

Or Rav Yom Tov Yédid Halévi ne réagit pas à cet appel et ne bougea pas du Beth
Hamidrach. Nombreux lui demandèrent la raison de son indifférence. Il répon-
dit : « Personne ne sera lésé de ce qui lui a été attribué, et si Hachem désire me
donner ma part, Il me l’enverra jusqu’à l’endroit où je me trouve… »

Il en fut effectivement ainsi. Un riche se présenta à lui et lui remit deux lires
d’or, lui précisant que lorsque cet argent serait épuisé, il pourrait venir le voir
et qu’il lui en redonnerait. Cette situation se prolongea pendant deux ans, voire
peut-être même davantage.

Les soucis du riche


Un jour, un groupe de négociants agricoles se présenta à l’Admour Rav Yaakov
Arié de Radzimin et demanda à être reçu d’urgence. « Qu’est-ce qui peut bien
aujourd’hui vous causer du souci ? » demanda l’Admour qui les connaissait de
longue date et savait qu’ils étaient tous à la tête d’immenses fortunes et de com-
merces florissants et dynamiques.

«  Nous risquons de perdre beaucoup d’argent, répondirent les commerçants,


les visages marqués par l’inquiétude. Le Rav sait que l’essentiel de notre activité
commerciale porte sur les récoltes que nous vendons dans différents endroits.
Or cette année, le cours du grain a considérablement chuté et la récolte est ven-
due actuellement par les agriculteurs à un prix ridicule. Dans une telle situation,
nous craignons d’êtres ruinés et nous pouvons perdre une grande partie des
richesses que nous avons accumulées au prix d’efforts considérables durant de
nombreuses années. »

L’Admour les bénit et leur souhaita la réussite, tout en concluant : « Il n’y a pas
lieu de vous inquiéter. Le Tout-Puissant a nourri les pauvres durant les années
des inquiétudes superflues 29

de disette et de vie chère. On peut présumer qu’Il sustentera également les


riches en période d’abondance et de prix bas. »

Un souci plus grand


Un ’Hassid se présenta un jour, de bonne heure, à la porte du Tsadik Rav Mé-
na’hem Mendel de Kotsk pour se plaindre de sa situation difficile.

« Saint Rabbi, s’écria l’homme les yeux embués de larmes, ma maison est vide.
Je n’ai pas de quoi nourrir mon épouse et mes jeunes enfants. 

-Prie, lui répondit le Rav, et le Créateur t’enverra rapidement la Parnassa, selon


tes besoins et ceux de ta famille. 

- Mais je ne sais pas comment prier, poursuivit l’homme d’une voix entrecoupée
de sanglots. 

-S’il en est ainsi, conclut le Rav en secouant la tête, ce souci est bien plus grand
que celui de la subsistance, que tu as mentionné en premier. »
31

Chapitre 5

Il nourrit et sustente le monde entier



il nourrit et sustente le monde entier 33

Il est écrit dans Kohélèt (5,18)  :  «  En effet, supposez un homme qu’Hachem a


comblé de richesses et de biens et rendu maître d’en jouir, d’en prendre sa bonne part
et d’être en liesse, grâce à son travail : ce sera un don d’Hachem ! » 

Par ailleurs, il est écrit dans la Guémara (Taanit 2a) : « Rabbi Yo’hanan a dit : le


Saint béni soit-Il possède trois clés qu’il ne remet pas à un intermédiaire. Ce sont
la clé des pluies, celle de la naissance, et celle de la résurrection. En Erets Israël,
on dit : également celle de la Parnassa, comme il est écrit (Téhilim 145,16) :  Tu
ouvres ta main et rassasies avec bienveillance tout être vivant. »

Il est rapporté dans le Midrach (Chir Hachirim Rabba 2,16) : « Grande est la


Parnassa qui entraîne que la résurrection des morts survienne à un moment
inattendu.1 »  

A un autre endroit (Chémot Rabba 25,3), il est mentionné  :  «  La Parnassa


est supérieure à la Guéoula, car celle-ci survient par l’intermédiaire d’un ange,
comme il est écrit (Béréchit 48,16) : "l’ange qui m’a délivré", tandis que la Parnassa
provient directement d’Hachem, comme il est dit (Téhilim 145,16) : "Tu ouvres
Ta main et rassasies avec bienveillance tout être vivant". Il n’est pas écrit "de
nourriture tout être vivant", mais "avec bienveillance tout être vivant", c’est-
à-dire qu’Il donne avec bienveillance à chacun ce qu’il demande. Ainsi dans
les temps futurs, Hachem donnera à chacun tout ce qu’il demandera. Et si tu
t’étonnes de cela, regarde ce qu’Hachem a fait à Israël dans ce monde. Il leur a
fait descendre la Manne, qui avait tous les goûts. Chacun goûtait la saveur qu’il
désirait. »

Tout ceci nous enseigne que la Parnassa est déterminée par le Ciel et qu’Hachem
attribue à chacun ce qui lui revient. Ainsi, nous ne devons pas nous inquiéter
outre mesure si nos biens de subsistance sont quelque peu restreints. Au
contraire, nous devons avoir confiance dans le Roi du monde Qui nous fournira
la part qui nous a été octroyée, comme l’illustre le récit suivant.

Un bûcheron travaillait dur chaque jour et gagnait péniblement sa vie. Un jour,


alors qu’il se reposait, assis sous un arbre, il vit un berger qui s’avançait puis

1. L’exemple est donné de la femme Chounamit qui a mérité la résurrection de son fils pour avoir nourri le prophète
Elicha.
34 les clés de la parnassa

tourna vers la droite, précédé de son troupeau de chèvres. Mais le berger ne


se rendit pas compte qu’une des chèvres avait tourné à gauche. Or la scène se
répéta le lendemain et même le surlendemain. Le bûcheron décida d’aller voir
où se rendait la chèvre qui abandonnait ainsi son troupeau. Il la suivit donc et
vit qu’elle arriva à l’entrée d’une grotte où était assis un ours sans pattes. L’ours
grogna et la chèvre entra tout droit dans sa bouche. Ce dernier la dévora alors
qu’un monticule d’ossements se trouvait déjà près de lui.

Ce spectacle inattendu fit réfléchir le bûcheron. « Ce qui se passe avec cet ours
tient du prodige. Alors pourquoi devrais-je continuer à abattre des arbres  ?
Celui Qui nourrit cet animal nous nourrira également. » Aussitôt, il rassembla
tous ses outils et repartit chez lui.

Son épouse l’accueillit et lui demanda : « Où est la nourriture ? Et où sont les


arbres que tu as coupés ? » Le bûcheron lui répondit : « Celui Qui nourrit l’ours,
nous nourrira aussi. » A l’écoute de ces paroles, la femme s’emporta : « As-tu
perdu la raison ? Raconte-moi dans le détail ce qui t’est arrivé. » Mais le mari
répétait comme un leitmotiv : « Celui Qui nourrit l’ours nous nourrira aussi. »  

A peine une heure plus tard, deux hommes se présentèrent au domicile du


bûcheron et demandèrent à louer son âne pour deux jours. Le bûcheron dit
à son épouse : « Tu vois, il ne servait à rien d’être inquiet. Notre Parnassa est
assurée pour deux jours. » Les deux jours passèrent et l’âne ne leur fut pas rendu.

« Tu vois ce que tu as fait ! Tu ne veux pas travailler et nous n’avons même plus
d’âne ! dit l’épouse.

- Celui Qui nourrit l’ours, nous nourrira aussi » déclara le mari, confiant.

Les gens qui avaient loué l’âne étaient des brigands. Ils avaient croisé un
homme en chemin, l’avaient dévalisé et tué. Alors qu’ils creusaient un trou
pour l’ensevelir, ils découvrirent un trésor. C’est pourquoi ils louèrent un âne
afin de transporter ce butin pour se le partager. Ils disposèrent le trésor dans
des sacs qu’ils chargèrent sur l’animal. Mais ils ne se hâtèrent pas de prendre
la route car ils avaient faim. Ils attachèrent donc l’âne à un arbre. Puis, d’un
commun accord, ils décidèrent que l’un d’entre eux irait en ville chercher de la
nourriture, tandis que le deuxième resterait surveiller le précieux chargement.
il nourrit et sustente le monde entier 35

En route, le premier réfléchit : « Le trésor me revient, se dit-il. C’est moi, en effet,


qui ai creusé le trou. Je vais mettre du poison dans le pain de mon compagnon.
Il le mangera et mourra. Ainsi le trésor sera pour moi. » Pendant ce temps, le
deuxième, qui veillait sur leur trouvaille, se dit : « En fait, c’est moi qui ai tué
cet homme, le butin est donc à moi. » Aussitôt il se leva et creusa un trou qu’il
recouvrit de sacs. « Lorsque mon ami reviendra se reposer, il s’assiéra et tombera
dans ce piège. Je prendrai alors le magot », complota-t-il.

Lorsque le premier fut de retour, son compagnon l’invita à s’asseoir sur le sac.
Comme prévu, le brigand tomba dans le trou. Puis son compère s’installa
tranquillement et se mit à manger. Il n’avait pas avalé quelques bouchées qu’il
se tordit de douleur et mourut également.

Quand le soir arriva et que la faim commença à le tenailler, l’âne détacha la


corde de l’arbre et prit le chemin qui le menait chez son propriétaire.

Dès qu’il le vit, le bûcheron le déchargea de son fardeau. Il ouvrit l’un des sacs et
ses yeux se mirent à briller. Il contenait de l’or et de l’argent, ainsi que des bijoux
et des pierres précieuses. Il appela aussitôt sa femme et lui dit : « Vois comme
nous sommes riches, et nous avons même récupéré notre âne. Je te l’avais bien
dit : Celui Qui nourrit l’ours, nous nourrira aussi… » 

Tout dépend du Ciel


Le Gaon Rav Yossef Dov Soloveïtchik de Brisk invita un jour l’un de ses disciples,
qui avait quitté la Yéchiva puis avait brillamment réussi dans les affaires. Le
Rav lui demanda de ses nouvelles. Puis il le questionna sur la situation de son
commerce, durant ces dernières années.

« Grâce à D.ieu, répondit l’ancien Avrekh, la mine réjouie, j’ai fait dernièrement
de très bonnes affaires, je n’ai pas à me plaindre. »

Quelques minutes plus tard, le Rav réitéra sa question. L’ancien élève répondit
de nouveau que ses affaires étaient florissantes. Quand il lui reposa pour la
troisième fois la même question, l’invité commença à expliquer en détail toutes
les affaires qu’il avait conclues durant ces dernières années.
36 les clés de la parnassa

Rav Yossef Dov l’interrompit et déclara : « Nos Sages nous enseignent dans le


traité Brakhot (33a) que tout dépend du Ciel sauf la crainte d’Hachem. Quant
à tes affaires commerciales tentaculaires, ce n’est pas toi qui les réalises, c’est le
Créateur. Car tout est fixé à l’avance par la Providence divine. Cependant, il
existe un seul domaine dans lequel le Ciel n’intervient pas, et où tout dépend
de chacun d’entre nous, pour le meilleur ou, D.ieu en préserve, le pire. Lorsque
je t’ai questionné à plusieurs reprises sur la situation de tes affaires, je ne pensais
pas à celles que le Tout-Puissant dirige. Je voulais t’entendre me parler des
« affaires » dont tu as le contrôle, c’est-à-dire de celles concernant la crainte du
Ciel. »
37

Chapitre 6

Il donne du pain à toute créature



il donne du pain à toute créature 39

Les gens sont inquiets et s’interrogent sur leur avenir ; que va-t-il advenir de leur
Parnassa et de celle de leur famille ? Ils s’en soucient en raison des propos tenus
par des personnes « bien informées », qui propagent que la misère va s’amplifier
et les sources de subsistance s’épuiser.

A quoi cela peut-il être comparé ? A la situation d’un empereur puissant, régnant
sur plusieurs grandes et riches contrées dont les récoltes sont abondantes et les
biens précieux. Les habitants de ces régions jouissent d’une aisance matérielle
appréciable : ils ont la possibilité d’acheter du blé et de le revendre aux pays
voisins.

Une fois, un évènement terrible se produisit : des hommes perfides conspirèrent


contre le pouvoir. Mais leur complot est déjoué avant d’être mis à exécution.
On en informe l’empereur, qui ordonne l’arrestation des conspirateurs et leur
jugement pour rébellion contre le pouvoir.

Avant le procès, l’empereur sort se promener dans les jardins du palais. Il


remarque sur l’un des arbres un oiseau merveilleusement beau, au cri enchanteur.
Ce chant lui procure un plaisir indicible, si bien qu’il ordonne à ses serviteurs
de capturer le volatile, de le mettre dans une cage et de la disposer dans l’une
des pièces du palais. De la sorte, il pourra à loisir regarder l’oiseau et l’écouter.

Lors de la capture du volatile, au moment de le mettre en cage, l’un des serviteurs


gémit.

« Pourquoi gémis-tu ainsi ? lui demandent ses compagnons.

- C’est que j’ai pitié pour ce pauvre et bel oiseau qui est destiné à mourir de faim
dans le palais royal. »

Ces propos surprennent les serviteurs. Pourquoi l’oiseau devrait-il mourir de


faim ? Qu’est-ce qui empêcherait l’empereur de le nourrir ?

« Ne savez-vous pas qu’on a découvert une bande de conspirateurs qui voulaient
porter atteinte à l’empereur ? questionne leur compagnon. Dans des moments
comme celui-ci, qui se souciera des besoins en eau et en nourriture d’un petit
oiseau ? ajoute-t-il.
40 les clés de la parnassa

-Tu n’es qu’un idiot ! se moquent de lui ses collègues. Et ils ajoutent : « Parce
qu’une poignée d’insensés ont conspiré en s’imaginant pouvoir renverser un
empereur aussi influent et prospère, on ne pourrait plus trouver dans le palais
quelques graines pour nourrir un petit oiseau ? »

Que toutes les personnes rongées par l’inquiétude, celles dont le visage est
assombri par leur course effrénée pour assurer leur subsistance, prennent ces
paroles en considération. Celles d’un petit groupe de mécréants insensibles
et plongés dans l’erreur, qui essaie de faire dévier du bon chemin en arguant
qu’Hachem ne peut pas nourrir toutes Ses créatures. Est-ce que vraiment
quelques sots peuvent empêcher Hachem de nous pourvoir de la poignée de
graines nécessaire pour notre subsistance ? (Michlé Ha’Hafets ‘Haïm)
41

Chapitre 7

La Parnassa, déterminée par le Ciel



la parnassa, déterminée par le ciel 43

Il est écrit dans le Midrach (Vayikra Rabba 34,12) : « Puis encore, de partager


ton pain avec l’affamé (Yéchaya 58,7). Rabbi Simon dit : il n’est pas écrit "puis
encore, partage", mais "de partager", dans le sens où il est déjà partagé, car
à Roch Hachana est décrété pour l’homme ce qu’il va gagner et ce qu’il va
perdre. »

La Parnassa étant déterminée par le Ciel, il nous incombe donc de prélever une
partie de notre argent pour la donner à la Tsédaka et aux étudiants en Torah.
Si nous ne le faisons pas, cette somme nous sera reprise par un autre biais.
Nous serons par exemple contraints de procéder à des réparations coûteuses, à
la maison ou sur notre véhicule. Il va sans dire qu’il est préférable de dépenser
notre argent pour des Mitsvot. Par ailleurs, il se pourrait aussi qu’il ait été décrété
que nous ayons des dépenses de santé et des frais d’hospitalisation. Le fait de
donner de l’argent à la Tsédaka a le pouvoir d’annuler cette sentence, car la
somme que nous devions dépenser l’a bel et bien été. Et nous évitons de plus la
maladie et les souffrances.

On raconte dans le Midrach (Vayikra Rabba 34,12) que lors d’une nuit de Roch
Hachana, Rabbi Chimon Bar Yo’haï rêva que ses neveux allaient devoir payer
six cents dinars à l’Empire. Il les fit appeler et les désigna pour distribuer la
Tsédaka. Ils lui demandèrent :

« D’où trouverons-nous de l’argent pour les pauvres ?

- Prélevez-le de vos propres biens et notez toutes les sommes dans un carnet. A
la fin de l’année, s’il vous manque quelque chose, je complèterai. »

Au bout de cette période, quelqu’un informa le gouvernement que les frères


faisaient commerce de la soie, activité interdite à l’époque. Un jour, alors qu’ils
étaient assis en train de travailler, un représentant de l’autorité se présenta à eux
et leur ordonna : « Soit vous tissez un habit prestigieux pour le roi, soit vous
payez six cents dinars ! » Comme ils refusèrent d’obtempérer, ils furent arrêtés
et conduits en prison.

Dès qu’il apprit la nouvelle, Rabbi Chimon Bar Yo’haï alla les trouver.
« Combien d’argent avez-vous donné cet année à la Tsédaka ? » leur demanda-t-
44 les clés de la parnassa

il. Ils exhibèrent alors le carnet qu’ils avaient rempli. Au total, ils avaient donné
cinq cent quatre-vingt-quatorze dinars.

« Remettez-moi six dinars et je me charge de vous sortir de prison », leur dit-il.

- L’envoyé du gouvernement nous en réclame six cents et toi, tu crois pouvoir


nous libérer avec six dinars ? » s’étonnèrent les neveux.

-Donnez-moi six dinars et ne vous occupez pas de la manière dont je vais


procéder ».

Les prisonniers lui remirent la somme et Rabbi Chimon Bar Yo’haï alla
directement voir l’envoyé, auquel il fit promettre de ne rien dévoiler à l’empereur,
en échange des six dinars. Puis l’émissaire libéra les neveux.

« Savais-tu vraiment à l’avance ce qui nous attendait ? demandèrent-ils à leur


oncle. - Depuis la nuit de Roch Hachana, je savais que vous deviez perdre six
cents dinars », répondit Rabbi Chimon.

-Alors, pourquoi ne nous as-tu pas avertis ? Nous aurions pu donner les six
dinars supplémentaires à la Tsédaka, s’étonnèrent-ils.

-Je sais que si je vous l’avais dévoilé, vous m’auriez cru et auriez remis cet argent
aux pauvres, renchérit Rabbi Chimon. Mais j’ai choisi de vous le cacher pour
que votre geste soit accompli pour la Mitsva. Sinon vous auriez juste cherché à
échapper au gouvernement. »
45

Chapitre 8

La roue tourne

la roue tourne 47

Il est rapporté dans la Guémara (Chabbath, 151b) : « Rabbi ’Hiya dit à son


épouse : quand un pauvre se présentera à la maison, empresse-toi de lui donner
du pain, afin qu’on s’empresse également de faire de même à nos enfants.
L’épouse lui dit : "Pourquoi me maudis-tu ? (en disant que nos enfants seront
pauvres)" Rabbi ’Hiya lui répondit : "Le verset dit (Dévarim 15, 10) : "pour prix
(Biglal) de cette conduite", car la roue (Galgal) tourne dans ce monde". »

Un jour, l’un des ’Hassidim de Rav Avraham Yéhochoua Héchil d’Apta vint
se plaindre auprès de lui de sa situation précaire. Le Tsadik lui dit : « Je vais te
remettre une lettre à l’intention d’une de mes connaissances, très fortunée, pour
qu’elle te donne deux cents roubles sur mon compte. » Ainsi fut fait et le pauvre
alla trouver le riche. Au départ, il ne lui dévoila pas la présence de la lettre et lui
dit simplement qu’il venait de la part du Rav. Le nanti le reçut avec affabilité et
l’invita à séjourner chez lui.

Après quelques jours, le pauvre transmit la lettre au maître de maison. Dès


qu’il la lut, son visage devint livide. « Le Rav m’ordonne de donner une somme
très importante sur son compte. Or j’ignore de quel compte il s’agit. Je peux
lui donner une certaine somme, mais pas deux cents roubles. » L’invité lui fit
remarquer qu’il ne pouvait pas passer outre l’injonction du Rav et se contenter
d’une somme moindre. En dépit de ses protestations, il finit par repartir les
mains vides. Il retourna auprès du Rav et lui conta sa mésaventure. Le Tsadik
écouta puis lui dit : « A présent, je vais te donner une autre lettre destinée à
un autre de mes amis. Mais dans la mesure où il n’est pas très riche, je vais lui
demander de ne te remettre que cent roubles. »

Le pauvre se rendit chez le deuxième disciple. A la vue de la lettre du Tsadik, il


se réjouit véritablement. « Reste donc chez moi quelques jours afin que j’essaie
de réunir la somme que le Rav me demande de te donner » dit-il à son invité.
Quelques jours plus tard, le visage radieux, il lui remit les cent roubles avec joie.
L’homme retourna chez le Rav et lui rapporta le comportement exemplaire de
son disciple.

Peu de temps après, la situation financière du premier disciple se dégrada,


allant de mal en pis, jusqu’à devenir très précaire. Il finit même par devenir
complètement pauvre. Avec le temps, il fut contraint d’aller frapper aux portes
48 les clés de la parnassa

des riches, pour mendier du pain. Ses pas le menèrent à Apta. Il se souvint de
la lettre du Rav, ainsi que de toutes les aventures qui lui étaient arrivées depuis,
et fut pris de remords de ne pas avoir accédé à sa demande. Il comprit que son
comportement était la cause de ses malheurs. Arrivé dans la cour du Tsadik, il
se mit à crier à tue-tête qu’on le laissât entrer. Mais le Tsadik ordonna qu’on l’en
empêchât.

Il pleura jour et nuit, jusqu’à ce que quelqu’un lui donne un judicieux


conseil  :  aller pleurer près de la fenêtre du Rav. C’est ce qu’il fit. Le Tsadik
commença à s’intéresser à lui et à questionner son entourage à son sujet. Il
apprit de cette manière que l’homme avait reconnu son erreur d’autrefois et la
regrettait amèrement. Le Rav dit toutefois : « S’il a une réclamation à me faire,
je suis prêt à comparaître avec lui au Beth-Din. »

Il mit effectivement en place un tribunal. L’un des membres était le Tsadik


Rav Moché de Sovran. Le Rav d’Apta exposa ses arguments aux juges : « Voici
comment se sont déroulés les faits : lorsque je suis venu au monde, le Créateur
m’a transmis une quantité d’or et d’argent qui m’était nécessaire pour Le servir.
J’ai réparti tous ces biens entre les personnes qui ont trouvé refuge sous mon
toit. Tout ce que cet homme possédait en fait m’appartenait. Quand il refusa de
me donner deux cents roubles sur mon compte, j’ai repris ce qui était à moi et
l’ai donné à l’autre disciple qui a obéi à mes ordres. »

Le Beth-Din émit son verdict : l’homme ne pouvait réclamer la récupération


de ses biens, puisqu’ils ne lui appartenaient en fait pas. Ayant regretté son
comportement passé, il obtint le pardon du Rav et reçut par pure compassion
de quoi se nourrir. Durant toute son existence, il vécut avec le strict minimum
et ne laissa rien en héritage. En revanche, le second disciple, qui obéit à la lettre
du Rav, s’enrichit et vécut toujours dans l’aisance.
49

Chapitre 9

Redressant le pauvre de la poussière



redressant le pauvre de la poussière 51

Un homme riche avait décidé qu’il donnerait uniquement la Tsédaka à celui


qui aurait déjà perdu tout espoir de vivre. Si un pauvre osait se présenter à lui
en disant qu’il avait confiance en l’avenir et en des jours meilleurs, le nanti le
chassait sans qu’il n’obtienne un don quelconque.

Un jour que cet homme fortuné se promenait, il vit un individu allongé au


milieu des ordures. «  Celui-ci doit vraiment être désespéré  » pensa-t-il. Il
s’approcha de lui et lui tendit une pièce, tout en lui disant :

« Il me semble que tu te sois résigné à ton triste sort. C’est pourquoi je voudrais
t’aider. 

-Au contraire, moi, j’ai encore de quoi espérer, lui répondit le pauvre, mais
vous, en revanche, vous me paraissez être complètement perdu." 

Le riche le regarda, abasourdi : « Je te donne de la Tsédaka et toi, tu me maudis ?

- D.ieu m’en préserve, je ne maudis personne, répondit le pauvre hère. Mais c’est
vrai qu’il y a de l’espoir. David, roi d’Israël, l’a dit (Téhilim 113,7) : "Redressant le
pauvre de la poussière, relevant le malheureux des déchets". Ainsi, qui peut vraiment
abandonner toute espérance ? Tant qu’il vit, l’homme continue d’espérer. Seuls
les morts qui n’ont plus rien à attendre de ce monde. »

Ces paroles firent réfléchir le riche, qui se dit : « S’il en est ainsi, je ne donnerai
plus la Tsédaka qu’aux morts. » Il se rendit au cimetière et y enterra une grosse
somme d’argent, don éternel à ceux qui avaient réellement abandonné tout
espoir.

Les années passèrent et la roue tourna. Le riche perdit tous ses biens et devint
pauvre. Il se souvint de cet homme allongé dans la poubelle et de l’espoir qu’il
gardait toujours de se relever. Son geste insensé de l’époque lui revint également
à l’esprit. Il se rua vers le cimetière pour reprendre son « dépôt ». Mais avant
qu’il ait pu mettre la main sur l’argent, le gardien le saisit au collet et l’emmena
devant le juge. «  Ce brigand a voulu piller les tombes  », l’accusa le gardien.
L’homme raconta à son tour toute son histoire et demanda la permission d’aller
au cimetière pour déterrer l’argent déposé en guise de « Tsédaka pour les morts ».
52 les clés de la parnassa

Le juge écouta attentivement l’accusé, puis lui demanda : « Me reconnaissez-


vous  ?  Je suis le pauvre qui était allongé dans les ordures, duquel vous aviez
pensé qu’il n’avait plus rien à attendre. Voyez, on ne doit jamais perdre espoir ! »
Il l’autorisa à aller chercher son argent, tout en lui faisant la recommandation
suivante  :  «  Les notions de Tsédaka et de justice sont liées. La Tsédaka
s’accompagne de justice. Celui qui fait un don doit toujours procéder à son
propre examen et se demander : pourquoi suis-je celui qui a de l’argent et la
possibilité de le distribuer et les autres n’en ont-ils pas ? Pourquoi suis-je celui
qui donne et non celui qui reçoit  ? Car la situation aurait très bien pu être
inversée ! »

L’accusé opina du chef et partit au cimetière chercher son argent. Par chance,
il le retrouva et de nouveau, la roue tourna  :  il redevint riche. Depuis lors,
il n’essaya plus de trouver des pauvres désespérés, mais au contraire distribua
beaucoup d’argent à la charité.

Entre autres enseignements, cette histoire nous démontre l’importance de ne


pas être trop pointilleux avec les indigents, en les suspectant par exemple d’être
en fait « des riches déguisés en pauvres ». Car la manière dont un homme juge
les autres sera celle avec laquelle on le jugera du Ciel. Autrement dit, Le Tout-
Puissant sera pointilleux avec lui lorsqu’il Lui fera ses requêtes. Peut-être jugera-
t-Il qu’il n’a pas véritablement besoin de ce qu’il demande ou bien qu’il ne
le mérite pas en raison de ses fautes. En revanche, si l’homme n’est pas outre
mesure scrupuleux avec les nécessiteux et qu’il distribue son argent largement,
alors le Créateur lui ouvrira également largement Sa main, sans faire de calcul.

Le riche et le pauvre
Il est rapporté dans le Midrach (Vayikra Rabba 34,4): « Riche et pauvre sont sur
la même ligne : l’Eternel les a faits l’un et l’autre ( Michlé 22, 1), "riche" voulant
dire ici riche en possessions et "pauvre" pauvre en possessions. »

Un riche et un pauvre se tenaient côte à côte. Le pauvre demanda au


riche :  « Donne-moi de la Tsédaka. » L’autre refusa.  Le pauvre enchaina : « L’Eternel
les a faits l’un et l’autre ; ainsi Celui qui a fait de celui-ci un pauvre peut en faire
redressant le pauvre de la poussière 53

un riche, et Celui qui a fait de celui-là un riche peut le rendre pauvre ».

Le riche répondit : « Pourquoi ne travailles-tu pas ? Regarde les cuisses que tu as.


Regarde tes pieds et ton ventre ! Regarde comme tu es gros ! »

Hachem dit au riche : « Ne suffit-il pas que tu ne lui donnes rien ? Dois-tu aussi
envier ce que Je lui ai donné ? » Il est écrit (Kohélèt 5,13) : « (…) le fils à qui il
a donné le jour n’aura rien dans les mains ». De tout ce qu’il (l’envieux) possède,
il ne laissera rien à son fils et ne prendra rien pour lui. »

Combien est-il important de ne pas blesser un pauvre, et de ne lui faire aucun


reproche ! Au contraire, notre don doit être généreux et accompagné de paroles
d’encouragement. Il convient de le réjouir autant que nous le pouvons. De la
sorte, nous mériterons que le Tout-Puissant nous réjouisse également en retour.

Un bienfait réciproque
Outre ce que nous avons expliqué ci-dessus, rappelons qu’un pauvre disposé
à recevoir de la Tsédaka procure un bienfait au riche qui la lui donne, lequel
bienfait est fort supérieur à celui que le riche lui octroie. Nos Maîtres (Vayikra
Rabba 34,10) ont dit  :  «  Rabbi Yéhochoua a dit  :  "Le pauvre fait davantage
au maître de maison que le maître de maison fait avec le pauvre", car ainsi a
dit Ruth à Naomie (Ruth 2,19)  :  "L’homme chez qui j’ai travaillé (assiti imo)
aujourd’hui se nomme Boaz". Il n’est pas écrit assa imi (il a fait avec moi), mais
assiti imo (j’ai fait avec lui). Ruth a voulu dire à Naomie : j’ai beaucoup fait pour
lui et lui ai accordé aujourd’hui beaucoup de bienfaits pour qu’il me donne une
tranche de pain. »

Priorité à l’indulgence
Un jour, le directeur d’un Gma’h de Bné Brak vint poser une question au ’Hazon
Ich : avait-il le droit de vendre les bijoux et autres biens précieux que des gens
avaient déposés chez lui en gage d’un prêt s’ils ne l’avaient pas remboursé en
temps voulu ?

Le ’Hazon Ich fut choqué par la question et réagit aussitôt : « Un établissement


de prêts sans intérêts qui vend les objets déposés en gage par les pauvres aurait
54 les clés de la parnassa

mieux valu ne jamais exister ! » Après une courte pause, il ajouta : « Prenez un


homme qui a besoin d’un prêt et qui, pour l’obtenir, dépose en gage les bijoux
de son épouse. Imaginez que celle-ci, en sortant au marché, rencontre une autre
femme qui porte ses bijoux. Rien au monde ne pourra réparer ce terrible affront,
ni consoler cette dame de la peine immense qu’elle ressentira alors. En tant que
directeur d’un Gma’h important de notre ville, vous devez savoir que dans le
domaine de la Tsédaka, on ne doit pas se comporter avec les autres suivant la loi
stricte. Il est obligatoire de faire montre d’un grand dévouement et de beaucoup
d’indulgence. »

Une double part


Le Rav ’Haïm de Tsansz avait l’habitude, toutes les veilles de Chabbath, de
distribuer de l’argent aux indigents. Un jour, on apporta au marché de la ville
une grande et belle dinde. La Rabbanite la vit et voulut l’acquérir. Mais le prix
était trop élevé, si bien qu’elle abandonna cette idée.

Peu de temps après, elle apprit que le volatile avait été acheté par l’un des
pauvres auxquels son mari distribuait la Tsédaka tous les vendredis. Elle en fut
contrariée et se confia à son époux : « Cette volaille me semblait trop chère pour
nous, alors qu’un pauvre qui vit des subsides que tu lui verses a eu les moyens
de l’acheter ! »

Rabbi ’Haïm lui répondit  :  «  C’est vraiment ce qui s’est passé  ? Ce pauvre
est donc habitué à la bonne chère, et je ne le savais pas ! Il faut vraiment que
j’augmente mon aide hebdomadaire. »

Cette histoire illustre admirablement la délicatesse des Grands de notre peuple.


Non seulement Rav ’Haïm n’est pas contrarié par le comportement du pauvre,
mais au contraire, il prend l’engagement de le soutenir davantage. Chacun
d’entre nous doit intégrer cet enseignement et faire tous les efforts possibles
pour que l’autre vive tranquille et heureux.

Un effet boomerang
Nous avons déjà expliqué plus haut que lorsqu’un pauvre demande la Tsédaka,
nous ne devons pas douter de sa bonne foi ni mener une enquête afin de
redressant le pauvre de la poussière 55

déterminer s’il en a réellement besoin. Cet excès de suspicion peut se retourner


contre nous, car le Ciel utiliserait la même mesure pour nous juger, retenant
alors beaucoup de Ses bienfaits envers nous.

Dans un village voisin d’Anipoli vivait un fermier juif intègre. Il se rendait de


temps en temps chez Rabbi Zoussia d’Anipoli et lui remettait des dons. Le
fermier croyait fermement qu’il réussissait dans ses affaires par le mérite de cette
action.

Une fois, il arriva que le Rav fût absent. L’homme demanda où il se trouvait et
on lui répondit qu’il était parti à Mézéritch, rendre visite à son Rav le Maguid.
« Mon Rav a également un maître ? s’étonna-t-il. Alors, quel intérêt ai-je à venir
chez Rabbi Zoussia ? Je n’ai qu’à me rendre chez le Maguid moi aussi ! »

Il voyagea donc à Mézéritch et se fraya une entrée chez le Maguid, auquel il


remit un don généreux. Or cette année-là, les affaires furent difficiles et le
fermier éprouva des revers de fortune. Il attribua cette situation au fait qu’il avait
choisi un nouveau Rav, dont le pouvoir, lui semblait-il, n’était pas si étendu…
Il regretta donc sa décision et retourna chez Rabbi Zoussia d’Anipoli, auquel il
confia ses malheurs :

« Avant, lorsque je donnais mon argent au Rabbi, ma Parnassa était bénie. Dès
que j’ai commencé à remettre mes dons à un certain Rabbi de Mézéritch, mes
moyens de subsistance ont commencé à se réduire. J’ai fauté, Rabbi ! Pardonnez-
moi, ayez pitié de moi ! »

-Quel idiot tu fais ! répondit Rabbi Zoussia. Le Rabbi de Mézéritch, c’est le


Rabbi par excellence, l’unique. Tant que tu aidais un homme simple et ordinaire
comme moi, Hachem te récompensait mesure pour mesure et te soutenait. Mais
dès que tu as voulu aider uniquement les grands et les Tsadikim, alors le Tout-
Puissant a imité ton attitude, en réclamant de toi des grands actes. »

Rabbi Zoussia s’adressa aux personnes qui avaient assisté à la scène  :  «  Nos
Sages ont dit (Baba Kama, 16b) que Yirmiya a demandé à Hachem : "Maître
du monde, même au moment où ils donnent la Tsédaka, dirige-les vers des gens
qui n’en sont pas dignes". Peut-on imaginer que Yirmiya, qui chérit le peuple
d’Israël, entache sa compassion pour lui au point de demander qu’il se trompe
56 les clés de la parnassa

en pratiquant la Tsédaka ? En fait, le prophète sait que  « la manière dont un


homme juge les autres sera celle avec laquelle, du Ciel, on le jugera ». Ainsi,
si les Bné Israël s’appliquent à ne donner la Tsédaka qu’aux personnes qui le
méritent, alors Hachem agira de la même manière avec eux, n’envoyant Son
aide qu’aux gens dignes de la recevoir. Que se passerait-il alors pour les Bné
Israël qui ont fauté ? C’est pourquoi Yirmiya, qui aime tellement son peuple,
fait cette étrange requête au Tout-Puissant. De la sorte, Hachem aura Lui aussi
pitié pour les membres du peuple qui, eu égard à leurs fautes, ne méritent pas
Son aide. »
57

Chapitre 10

Relevant le malheureux des déchets



relevant le malheureux des déchets 59

Il est écrit dans les Téhilim (113,7-8)  :  «  Redressant le pauvre de la poussière,


relevant le malheureux des déchets, pour le placer à côté des Grands, à côté des
Grands de son peuple. »

Ces versets nous enseignent qu’un homme ne doit pas désespérer si sa situation
financière se détériore. Au contraire, s’il est à présent parvenu au point le plus
bas, c’est que le moment est venu pour lui de remonter.

Cependant, il lui faut garder constamment à l’esprit que sa progression vers le


haut ne dépend que de la volonté du Tout-Puissant. Certes il est nécessaire qu’il
prenne une initiative personnelle. Il ne doit pas rester à attendre, les bras croisés.
Mais attention à l’excès inverse ! Il ne doit pas faire plus d’efforts que nécessaire,
en pensant à tort que la réussite dépend de ses propres possibilités et de ses
moyens. Il doit espérer le secours divin et prier pour que toutes ses entreprises
soient couronnées de succès.

Un homme riche et honorable connut un important revers de fortune et sa


situation se dégrada. Dans sa ville vivait également un autre nanti qui était
connu pour sa générosité. L’infortuné décida d’aller lui demander un prêt
afin de pouvoir à nouveau tenter sa chance dans le commerce et retrouver sa
situation d’antan. Arrivé devant la demeure de cet homme, il s’en vit refuser
l’accès par le gardien qui ne le connaissait pas. Il fut contraint d’attendre dans le
passage jouxtant l’entrée de la maison que le propriétaire sorte pour pouvoir lui
parler. Il se tint debout sous l’une des fenêtres, s’appuyant sur le mur de la cour.

C’est alors qu’après avoir nettoyé la maison, l’une des servantes jeta les ordures
par la fenêtre, ignorant la présence du pauvre homme en dessous. Celui-ci reçut
tous les immondices sur la tête. Dépité, il quitta son poste et retourna chez lui.
En chemin, il trouva une pierre précieuse qu’il vendit mille dinars d’or. Heureux
de sa trouvaille, il déclara : « Les hommes m’ont rendu comme une poubelle
et Hachem a fait s’accomplir les termes du verset : "Relevant le malheureux des
déchets". »

Quelques années plus tard, il manqua de nouveau d’argent et pensa aller


demander un prêt à ce même propriétaire. Mais arrivé devant sa demeure, il
réfléchit  :  «  Il vaut mieux que je reste dehors et me place au même endroit,
60 les clés de la parnassa

sous la fenêtre. La servante ne manquera pas de jeter les ordures sur moi et
Hachem me relèvera de nouveau des détritus, en me faisant faire une trouvaille
de valeur. » Il resta donc à attendre patiemment…

Une ou deux heures s’écoulèrent et le propriétaire sortit de sa maison. Il trouva


son ancien ami assis sous ses fenêtres et lui demanda : « Pourquoi es-tu resté
attendre dehors sans entrer ? » L’autre lui répondit : « Je ne suis pas venu chez
toi. Je voulais juste qu’on me fasse ressembler à une poubelle, afin que puisse
s’accomplir de nouveau le verset : "Relevant le malheureux des déchets". » Et il lui
raconta ce qui lui était arrivé lorsqu’il avait trouvé la pierre précieuse.

Son interlocuteur sourit et lui expliqua : « Tu te trompes, tu te laisses entraîner


par ton imagination. Sache que cette fois, ce que tu fais ne te sera d’aucun
recours. La première fois, tout s’est déroulé sans que tu le veuilles : tu ne pensais
pas faire une telle découverte, c’est le Ciel qui te l’a envoyée. A présent que tu
veux obtenir la même chose en le prévoyant toi-même d’avance, tu n’auras rien,
ni immondices, ni pierre précieuse. Les deux t’échapperont. »

Cette histoire nous livre un enseignement édifiant : la grandeur et la richesse


doivent venir d’elles-mêmes, l’homme ne doit pas les poursuivre. Il pourra utiliser
toute son imagination pour essayer de les acquérir par lui-même, rien n’y fera.
On trouve une allusion à ce principe dans le verset (Vayikra 6,2) : « Ordonne à
Aharon et à ses fils ce qui suit : ceci est la règle de l’holocauste, c’est le sacrifice (Hi
Haola) ». La montée (Alyia) de l’homme se fait d’elle-même, qu’elle concerne le
pouvoir ou la richesse. Elle n’est pas le fruit d’une poursuite personnelle. (Od
Yossef ’Haï, Parachat Tsav)

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