1889 - Correspondance Des Deys D'alger 1579 - 1833 - Plantet Tome 2
1889 - Correspondance Des Deys D'alger 1579 - 1833 - Plantet Tome 2
1889 - Correspondance Des Deys D'alger 1579 - 1833 - Plantet Tome 2
DES
LA COUR DE FRANCE
1579 — 1833
RECUEILLIE
ET PUBLIÉE
AVEC UNE INTRODUCTION, DES ÉCLAIRCISSEMENTS ET DES NOTES
PAR
EUGÈNE PLANTET
ATTACHÉ AU MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
TOME SECOND
(1700-1833)
PARIS
1889
Livre numérisé en mode texte par :
Alain Spenatto.
1, rue du Puy Griou. 15000 AURILLAC.
alainspenatto@orange.fr
ou
spenatto@algerie-ancienne.com
http://www.algerie-ancienne.com
AVEC
LA COUR DE FRANCE
Dieu, veuille que cette lettre arrive à bon port à Son Excel-
lence le très illustre Grand Vizir de l’Empereur de France !
Très illustre, très magnifique, prudent et éclairé Seigneur,
Grand Vizir du plus glorieux des grands Princes chrétiens, choisi
entre les plus majestueux Potentats de la religion de Jésus, l’Em-
pereur de France, notre très parfait ami. — Dieu veuille conduire
Votre Excellence dans les voies du salut et de la direction spiri-
tuelle et temporelle !
Nous présentons à Votre Excellence un nombre infini de
vœux et de prières provenant d’une véritable et sincère amitié ; nous
vous demandons l’état de votre santé, et nous prions le Seigneur
____________________
1. La plupart des lettres originales publiées dans ce second volume se trouvant
aux Archives des Affaires étrangères, on suivra la méthode employée jusqu’ici, en n’in-
diquant les sources que pour les correspondances conservées hors de ce dépôt.
2 CORRESPONDANCE DES DEYS D’ALGER
LOUIS XIV
A MUSTAPHA, DEY D’ALGER(1).
vivement attaqué d’un côté, pour peu que Dieu le permette, pen-
dant que vous le presserez de l’autre.
Sa Majesté ayant bien voulu renvoyer plusieurs Turcs qui
se trouvaient sur ses galères, j’adresse au sieur Durand(1) ceux qui
se sont dits du Royaume d’Alger pour vous les présenter, et vous
devez compter qu’en toute occasion elle vous donnera des mar-
ques dune distinction singulière. Je l’entretiendrai de mon côté
dans ces dispositions favorables pour vous, étant toujours,
Votre parfait et sincère ami.
PONTCHARTRAIN.
Le pauvre MUSTAPHA,
Dey d’Alger d’Afrique.
Traduit par PÉTIS DE LA CROIX, Secrétaire-interprète du Roi, le 8 novembre 1701.
____________________
1. Voy. La note 1, p. 13
16 CORRESPONDANCE DES DEYS D’ALGER
(Sceau)
Le pauvre MUSTAPHA,
cette grâce, je dois vous dire que cet emploi était demandé pour
un autre, avec beaucoup d’instance, par M. de Ferriol(1) et par
toute la nation de Smyrne.
Je suis toujours votre parfait et sincère ami.
PONTCHARTRAIN.
LOUIS XIV
A MUSTAPHA, DEY D’ALGER(2).
LOUIS XIV
A MUSTAPHA, DEY D’ALGER(1).
LOUIS XIV
A HUSSEIN, DEY D’ALGER(1).
qu’elle aura sera de ne rien oublier pour vous être agréable par sa
conduite et par son attachement pour votre personne.
Je suis toujours votre parfait et sincère ami.
PONTCHARTRAIN.
prouyés et les nôtres qui sont allés chez vous ont été secourus,
tellement qu’en conséquence de la majesté de la paix, vous avez
acquis un grand renom entre nous. Mais il s’est trouvé que l’un
de vos vaisseaux, étant venu l’an passé et ayant mouillé l’ancre,
après s’être ravitaillé, rafraîchi et avoir fait les autres choses qui
lui étaient nécessaires, a mis à la voile pour s’en aller, et, ayant
trouvé aux pieds de notre môle un vaisseau chargé, il s’en est
emparé injustement et l’a emmené par force et par trahison ma-
nifeste. Nous n’avions pas manqué de charger de nos lettres ceux
à qui appartenait ce vaisseau. Ils allaient à votre pays ; on a rendu
à quelques-uns la moitié de leurs effets, et les autres sont encore
en ce pays-là à branler la tête et à se promener.
Un autre de vos vaisseaux corsaires, qui savait cette affaire
et qui faisait la course en ces quartiers-ci, a bien osé prendre, à nos
yeux et à la vue des voiles, le vaisseau d’un de nos officiers qui
était continuellement employé à porter des esclaves européens et
à rapporter des esclaves musulmans, et qui apportait quelquefois
des deniers de la Rédemption des captifs, faisant cet office depuis
trente-six ans, homme de bien et ayant en mains des passeports de
toutes les nations chrétiennes, même du Consul de France et de
nous-même. Nous l’avions envoyé à Livourne pour nos propres
affaires, et, à cause qu’il était muni de nos passeports, les mar-
chands ne craignaient point d’y charger des marchandises. Il était
arrivé heureusement à bon port à Alger, et nous l’avions renvoyé
pour nos propres affaires du côté du Ponant, pour du blé ; mais,
étant en chemin, votre dit vaisseau le prit à, nos yeux, et, salis faire
de cas des passeports qu’il avait en mains, il l’emmena à Oran, et
le dit corsaire lui rendit une partie de nos effets. Le Capitaine lui-
même enleva l’argent de l’officier envoyé par nous pour le blé,
consistant en 750 piastres sévillanes, contenues en une ceinture
qu’il lui délia de sa main, puis il conduisit le vaisseau à Toulon et
le remit entre les mains de L’Intendant du port. Celui-ci en fit un
état sur registre, avec toute sa charge, et déclara qu’il ne le restitue-
rait pas avant qu’il arrivât d’Alger des lettres pour le réclamer.
Nous avons envoyé plusieurs lettres en diverses fois, mais
AVEC LA COUR DE FRANCE 49
nous faire réponse, car nous croyons fermement que vous êtes
de nos amis plus que tout le monde. Comme il nous est arrivé
un vaisseau français qui, passant la mer, a été chassé et ruiné par
un vaisseau anglais, il a été obligé d’entrer dans un port de notre
domination pour se réparer, et nos peuples l’ont voulu retenir, ce
que nous avons empêché. Ainsi tous les vaisseaux français peu-
vent aller et venir dans nos ports, attendu l’amitié que nous avons
pour vous, auxquels nous rendons tous les services possibles. Si
nous en retenions quelques-uns, ce serait rompre cette amitié,
mais nous espérons le contraire, et que vous nous renverrez le
vaisseau que vous avez à nous. Et nous serons toujours votre ami
jusqu’au jour du jugement.
(Sceau)
HUSSEIN,
Dey de la Ville et Royaume d’Alger.
Traduit par Jean-Baptiste ROGIER, Secrétaire-interprète du Roi.
par ceux qui sont revenus à Alger, qu’on leur laisse la liberté
d’exercer leur religion et qu’ils y sont traités avec humanité(1).
Je suis très véritablement votre parfait et sincère ami.
PONTCHARTRAIN.
Dieu veuille que cette lettre arrive à bon port à Son Excel-
lence le très illustre et magnifique Seigneur Comte de Pont-char-
train, Ministre d’État du très puissant Empereur de France, notre
très parfait ami!
Au plus glorieux des Grands de la religion chrétienne, l’éli-
te des plus illustres de la loi du. Messie, possesseur de sagesse, de
science, d’intelligence et de justice, le Ministre d’État de l’Em-
pereur de France, notre très véritable, parfait et ancien ami, la
gloire des Vizirs, le très illustre et magnifique Seigneur Comte
____________________
1. Archives de la Marine. (Levant et Barbarie, B7 224.)
60 CORRESPONDANCE DES DEYS D’ALGER
Alger, 1710.
à Votre Excellence les saluts dus à son amitié, et je lui donne avis
que le Dey d’Alger, mon Maitre, m’a chargé de lettres et m’a
envoyé en ce pays pour les affaires de la République. J’ai envoyé
ci-devant celles qui étaient adressées à Sa Majesté et à Votre Ex-
cellence(1), et j’en attends jour et nuit la réponse.
De plus, afin d’accompagner ce papier de quelque marque
de mon respect, j’envoie à Votre Excellence une haïque de co-
ton cramoisi(2). Excusez, s’il vous plaît, la petitesse du présent et
agréez nos saluts. — Dieu perpétue Votre Excellence ! —
Écrit au mois de Zilhidjé, l’an de l’hégire 1122, c’est-à-dire
au mois de février 1711, par son sincère ami.
BEKIR-REÏS,
Capitaine de navire d’Alger.
Traduit par PÉTIS DE LA CROIX, Secrétaire-interprète du Roi, le 20 février 1711
Illustre Seigneur,
J’ai reçu votre lettre du mois de février dernier, et celle
que vous avez écrite à l’Empereur, mon Maitre, que j’ai lue à Sa
Majesté(4). J’ai donné ses ordres aux Intendants et Ordonnateurs
de Marseille et de Toulon pour vous faire trouver, par tous les
moyens possibles, à des prix raisonnables, les mâts, les antennes
et les rames dont le Dey d’Alger a marqué avoir besoin. Elle veut
lui donner en effet des marques de la considération qu’elle a pour
lui et pour la République, et vous accommoder, de tout ce qui peut
____________________
1. Voy. p. 64 et 66.
2. Voy. la note 2, p. 68.
3. Archives coloniales de la Marine. (Compagnies du Bastion de France. 1639-1731.)
4. Voy. p. 67 et 68.
70 CORRESPONDANCE DES DEYS D’ALGER
Dieu veuille que cette lettre arrive à bon port à Son Excel-
lence le Vizir de l’Empereur de France !
LOUIS XIV
A ALI, DEY D’ALGER(1).
Nous avons vu avec plaisir, par la lettre que vous nous avez
écrite le 10 du mois de janvier(2), les sentiments que vous marquez
pour maintenir la paix et la bonne correspondance entre nos sujets
et ceux de la République d’Alger. Vous devez être persuadé que,
de notre part, nous ne souhaitons rien de plus que la continuation
de cette disposition, et que nous profiterons des occasions que
nous pourrons avoir de vous marquer notre bonne volonté pour
la rendre solide et durable. Celle qui vous a obligé d’envoyer à
Marseille le reïs Bekir a été remplie avec toute la promptitude
que vous avez pu désirer. Les circonstances extraordinaires dans
lesquelles on s’est trouvé, dans ce port et dans celui de Toulon,
par les contretemps des saisons, nous ont empêché de rouvrir
nos magasins de la mâture, qui ont toujours été garnis jusqu’ici
de provisions, mais nous avons donné des ordres très pressants
____________________
1. Archives coloniales de la Marine. (Compagnies du Bastion de France, 1639-1731.)
2. Voy. p, 64.
AVEC LA COUR DE FRANCE 73
avoir(1), sans qu’il y manque rien, en sorte que nos désirs sont tout
à fait accomplis. Ils m’ont aussi fait un accueil très favorable et
traité avec toute l’amitié possible, de telle sorte que le jour de la
date de cette lettre, qui est le 23 mai, je pars de Marseille pour
aller mouiller aux îles et me rendre au plus tôt à Alger. J’ai cru
qu’il était de mon devoir de remercier Votre Majesté par ce petit
mot de lettre, et de lui donner avis de mon départ.
Écrit au mois de Rebi-el-aker, l’an 1123, c’est-à-dire le 23
mai 1711.
BEKIR-REÏS,
Capitaine de navire d’Alger.
Traduit par PÉTIS DE LA CROIX, Secrétaire-interprète du Roi, le 31 mars 1711.
Dieu veuille que cette lettre arrive à bon port à Son Excel-
lence le Seigneur Ministre d’État de l’Empereur de France !
Que cette lettre arrive à bon port à notre sincère ami, l’Em-
pereur de France !
De la part du Seigneur Ali, par la grâce de Dieu Tout-Puis-
sant et la protection de notre Empereur le grand Sultan des Otto-
mans Dey d’Alger, et de la part de tous les Seigneurs du Divan.
Salut à notre sincère et parfait ami, l’Empereur de France, Roi
____________________
1. Les 20 esclaves et le diamant dont il est parlé dans la dépêche du comte de
Pontchartrain, le 1er avril 1711, p. 74.
2. Archives de la Marine (Levant et Barbarie, B7 224), et Archives coloniales de
la Marine (Compagnies du Bastion de France, 1639-1731).
80 CORRESPONDANCE DES DEYS D’ALGER
(Sceau)
ALI,
Dey de la Ville et Royaume d’Alger d’Afrique.
Traduit par PÉTIS DE LA CROIX, Secrétaire-interprète du Roi, le 31 mars 1711.
AVEC LA COUR DE FRANCE 89
plus forte que ci-devant. Ainsi, pour conserver cette amitié, nous
vous prions d’ordonner que cette affaire soit examinée par Vo-
tre Majesté, laquelle est trop judicieuse pour souffrir pareille
chose. Nous avons communiqué ici cette affaire à votre ancien
Consul(1) et aussi au nouveau(2), lesquels nous ont dit qu’ils en in-
formeraient Votre Majesté et que nos gens seraient mis en liber-
té. Néanmoins nous sommes fort surpris de ce que, depuis huit
mois, nous n’avons eu aucune nouvelle de cette affaire. Deux
de nos vaisseaux ont rencontré en mer une barque française sur
laquelle étaient 118 Espagnols, lesquels ont été amenés à Alger ;
nous les avons tous mis en dépôt avec leurs effets au Beylik, et il
ne leur sera fait aucun mal. Cependant nous les garderons jusqu’à
ce, que nos gens soient revenus à Alger avec tous leurs effets(3).
Ainsi nous vous prions d’ordonner qu’on apporte tous les soins
____________________
1 De Clairambault s’était depuis plusieurs mois décidé à demander un poste «
dans lequel il pût trouver quelques douceurs », et il avait supplié le Ministre de le déli-
vrer d’une charge beaucoup trop onéreuse pour lui. Sans M. Magis, son correspondant
de Marseille, qui lui avait fait des avances considérables, « il aurait eu de la peine à
subsister ». Il n’avait pas voulu importuner la Cour pendant la dernière guerre, mais il
lui était impossible aujourd’hui de patienter davantage, et il recommandait pour lui suc-
céder le Chancelier Durand, frère de son prédécesseur au Consulat, « qui avait l’expé-
rience d’une douzaine d’années passées en Barbarie, estimé du Dey et des capitaines de
navires ». Le Conseil de Marine avait fait droit à ses requêtes, et l’avait nommé Consul à
Livourne en remplacement de M. de Maillet. Voy. Lettres de de Clairambault au Conseil
de Marine, les 13 mai et 8 novembre 1715, 4 juillet 1716, 20 et 29 janvier 1717, et aux
Députés de Marseille, les 15 novembre 1715 et 5 février 1716. (Archives des Affaires
étrangères, Consulat d’Alger, et Archives de la Chambre de commerce de Marseille, S.
AA, 472 de l’Inventaire.)
2, Jean Baume, ancien Chancelier à Candie, ancien Consul à La Canée, vint pren-
dre possession du Consulat d’Alger le 27 janvier 1717. Il fut assez mal reçu par Ali, qui
avait demandé qu’on nommât à sa place le Chancelier Durand, aussi ne tarda-t-il pas à
se lamenter, dans ses lettres, sur toutes les infortunes auxquelles il se vit condamné. La
Chambre de Marseille lui avait remis 300 l. pour son voyage et pour ses frais de première
installation, et il avait dû en dépenser 5 000, « ce que les Algériens avaient eu l’insolence
de trouver insuffisant ». Les Anglais venaient en effet de leur donner 10 000 écus. Lettres
de Baume au Conseil de Marine, les 8 janvier, 1er avril et 6 juillet 170, et aux Députes
de Marseille, le 10 avril 1717. (Archives des Affaires étrangères, Consulat d’Alger, et
Archives de la Chambre de commerce de Marseille, S. AA, 473 de l’inventaire.)
3. Le patron Gueidon, d’Agde, avait acheté une barque à Barcelone pour transpor-
ter à Valence ces 118 Espagnols, et avait été capturé avec eux par Mamoud-reïs. Il n’avait
pas de passeport régulier de l’Amiral de France, mais des expéditions délivrées pour en
AVEC LA COUR DE FRANCE 95
pereur de France Louis, — dont Dieu conduise les pas à une heu-
reuse fin ! —
De la part du haut et puissant Prince Mohammed, Dey et
Pacha de la Ville et Royaume d’Alger en Afrique, appartenant
au Sultan Ahmed, lequel par la grâce du Très-Haut est notre Em-
pereur, serviteur des deux nobles Villes de La Mecque et Mé-
dine, Empereur des deux terres et des deux mers, Empereur, fils
d’Empereur, — dont Dieu conserve l’Empire jusqu’à la fin des
siècles ! —
Après vous avoir rendu les témoignages d’amitié qui nous
engagent à vous souhaiter un glorieux règne, nous vous dirons
avec toute sorte d’affection que, pendant celui du défunt Ali Pa-
cha, notre prédécesseur, vous avez envoyé un de vos sujets qui
est un de vos officiers généraux, nominé Duquesne(1), pour nous
donner des marques de l’estime que vous avez pour nous, en vous
conformant à vos prédécesseurs qui nous ont donné des preuves
de leur amitié pendant plusieurs années, et pour nous souhaiter
de conserver la bonne correspondance entre vos sujets et les nô-
tres. Il nous a marqué aussi que vous souhaitiez renouveler les
anciens traités pour affermir la paix qui est entre nous, contre
laquelle il vous a paru se former quelques difficultés, et que
vous aviez envoyé, de l’avis de Monsieur le duc d’Orléans, votre
oncle, Régent du Royaume de France, le sieur Dusault, auquel
vous aviez ordonné de nous entretenir au sujet de plusieurs affai-
res(2). Nous avons conféré avec lui, et avons reconnu qu’il était
____________________
1. Voy. p. 89.
2. La situation était devenue dangereuse pour nos intérêts. Baume exaspérait les
Puissances par ses emportements et par sa maladresse ; nos Concessions n’étaient plus
protégées ; les Anglais redoublaient d’efforts pour acquérir nos privilèges ; les infractions
aux traités se renouvelaient sans cesse, et la négligence apportée par le Conseil de Marine
dans l’envoi de présents de la part du nouveau Roi avait gravement compromis notre in-
fluence et le respect de notre pavillon. Dans ces dernières années, les corsaires avaient à
ce point ravagé la Méditerranée que les assurances maritimes étaient passées de 1 et demi
à 45 pour cent. La Cour n’avait donc pas de meilleur parti à prendre que de renvoyer à
Alger le vieux négociateur du traité de 1689. Voy. Instructions an sieur Dusault pour
passer à Alger, le 8 août 1719, — Mémoire de la Chambre de commerce de Marseille
remis à M. Dusault, Envoyé extraordinaire en Afrique, pour le renouvellement des traités
de paix arec les Deys, Deys et Milices d’Alger, Tunis et Tripoli, le 28 septembre 1719,
102 CORRESPONDANCE DES DEYS D’ALGER
LOUIS XV
A MOHAMMED, DEY D’ALGER.
LOUIS-ALEXANDRE DE BOURBON.
(Sceau)
(Sceau)
(Sceau)
(Sceau)
(Sceau)
(Sceau)
(Sceau)
Après avoir présenté à Votre Majesté les vœux les plus sin-
cères qui conviennent à notre amitié, nous être informé de l’état
de votre santé, et avoir prié le Seigneur de nous ouvrir à tous le
chemin du bien et de nous le faciliter, nous vous représentons,
comme à notre parfait ami, que nous avons reçu 41 mâts, 200 ra-
mes, 100 pièces de toile à voiles et 3 câbles, que vous nous avez
envoyés par le nommé Bernard Maichens(1), négociant, lesquel-
les choses M. Durand, votre Consul en cette Ville, nous a assuré
de votre part qu’elles étaient très nécessaires dans vos arsenaux,
et dont vous ne les avez fait tirer qu’à notre considération ; c’est
pourquoi nous informons Votre Majesté que nous en avons payé
sur-le-champ le prix au dit magasin. Nous aurions bien souhaité
marquer au dit négociant notre gratitude pour les bons offices
qu’il nous a rendus, en lui faisant quelque présent ou en lui don-
nant quelque poste qui lui soit avantageux, mais cela ne s’est
pas trouvé en notre pouvoir(2). Nous supplions Votre Majesté de
lui accorder deux grâces : la première est la croix de Saint-La-
zare, et la seconde une place ou un office qui soit à sa portée ;
vous nous obligerez d’autant plus, en le faisant, que ce négociant
nous a rendu un très grand service par le besoin extrême que
nous avions de ce qu’il nous a remis de votre part. C’est aussi ce
____________________
1. Maichens avait longtemps tardé à rapporter au Dey ses commissions. Dans son
désir d’être servi plus promptement, Abdi avait passé avec un Juif de Livourne, Abraham
Busnach, un contrat relatif à de nouvelles fournitures de mâts pour la Régence. « Le retar-
dement du sieur Maichens a engagé le Dey, écrivit le Consul, à passer cette convention. »
Durand paraissait inquiet de la tournure qu’allaient prendre les affaires de ce négociant,
dont les comptes avec le Dey pouvaient causer des embarras. Lettres de Durand au comte
de Maurepas, les 24 février et 25 mars 1724, 6 janvier et 11 juillet 1725, 9 mai 1726.
2. Maichens avait su profiter de la faveur du Dey, en obtenant la permission d’éta-
blir une maison de commerce à Oran. Jusqu’alors les Anglais seuls avaient joui du privi-
lège d’exploitation de cette place, et payé fort cher l’avantage de pouvoir approvisionner à
bon prix, sans concurrence, Port-Mahon et Gibraltar. Mais les manœuvres de leur Consul
avaient bientôt modifié les dispositions d’Abdi, qui avait fini par retirer à Maichens, sa
première autorisation. Voy. Lettre du comte de Maurepas aux Députés de Marseille, le 10
novembre 1728, contenant des instructions au sujet d’un projet d’établissement commer-
cial à Oran, —Mémoire sur le privilège excluait d’Oran en Barbarie, — Lettre de Durand
au comte de Maurepas, le 13 septembre 1723. (Archives des Affaires étrangères, Mémoi-
res et Documents, Alger, t. XV, f° 72, et Consulat d’Alger, et Archives de la Chambre de
commerce de Marseille, S. AA, 24, 30, et BB, 7 de l’Inventaire.)
132 CORRESPONDANCE DES DEYS D’ALGER
qui nous porte à vous faire pour lui cette prière, que nous espé-
rons que vous ne nous refuserez pas, étant persuadé que vous
nous ferez un très sensible plaisir et que nous vous en serons
infiniment obligé. Au surplus nous prierons le Seigneur de main-
tenir et d’affermir l’amitié et la bonne intelligence, la paix et la
correspondance qui sont entre nous. Amen !
A Alger la bien gardée, l’an de l’hégire 1139, c’est-à-dire le
22 mars 1727.
(Sceau)
lière dont vous nous comblez n’ont jamais été accordées aux
autres Régences de Barbarie ; c’est ce qui m’engage à désirer
que Dieu Très-Haut augmente de jour en jour l’union et la paix
qui sont entre les deux États, et que les traités soient observés
avec équité, ainsi qu’il convient, afin que la bonne correspon-
dance puisse parvenir au degré que nous devons souhaiter. Ainsi
soit-il !
Le 26 de la lune de Zilhidjé, l’an 1140, c’est-à-dire le 1er
août 1728.
Traduit par JEAN-BAPTISTE DE FIENNES, Secrétaire-interprète du Roi, le 26 août 1728.
(Sceau)
J’ai encore une prière à vous faire, qui est de nous envoyer
600 barils de poudre, dont notre Régence a besoin, et 1 000 plan-
ches pour radouber, 500 quintaux de filasse nouvelle et 500 quin-
taux de petits boulets, le tout par le canal du sieur de Lestrade(1),
auquel vous enverrez la permission de nous les faire tenir ; on
en escomptera le prix avec le Commandant du Bastion ou on
prendra les mesures que vous jugerez convenables; au reste cela
dépend de votre bonté et de votre faveur. Salut.
Écrit le 26 de la lune de Zilhidjé, l’an 1140, c’est-à-dire le
1er août 1728.
On a défendu aux patrons de nos barques corsaires d’aller
en course, à cause des fautes qu’ils ont commises proche des cô-
tes des États de la France(2).
Mon aimable ami, je vous prie d’ordonner que le reste des
300 quintaux de clous qui ont été demandés ci-devant nous soit
envoyé; cela nous fera beaucoup de plaisir.
Traduit par JEAN-BAPTISTE DE FIENNES, Secrétaire-interprète du Roi, le 25 août 1728.
(Sceau)
cas nous vous les renverrons, n’ayant rien si à cœur que de ren-
dre, s’il plaît à Dieu, la paix et l’union qui sont entre nous fermes
et durables, afin que nous demeurions toujours dans les termes de
la meilleure correspondance et de la plus parfaite amitié.
De plus, notre grand et magnifique ami, nous avons une
prière à vous faire. Un des vaisseaux de notre République, nom-
mé La Gazelle, étant tombé entre les mains des Maltais, nous
avons appris que les infidèles de Malte(1) ont fait présent à notre
grand ami l’Empereur de France de 32 esclaves musulmans de
son équipage(2). Nous vous supplions, par l’amitié qui est entre
nous, d’employer votre crédit auprès de Sa Majesté pour nous
faire rendre ces 32 esclaves. Ce sera une grâce singulière, un
bienfait signalé et une marque de protection que vous donnerez à
notre République, qui nous fera un très grand plaisir et dont nous
vous serons sensiblement obligé. Au surplus, c’est à Votre Gran-
deur que nous nous adressons pour obtenir cette grâce; elle est la
maîtresse d’en disposer comme il lui plaira. Et le salut.
Écrit le 28 du mois de Zilcadé, l’an 1141, c’est-à-dire le 25
juin 1729.
Nous vous dirons de plus, nôtre parfait ami, qu’une galiote
du Bey d’Oran, Mustapha Bey, étant sortie d’Oran pour faire la
course, rencontra trois jours après cinq vaisseaux, dont le premier
était un vaisseau français auquel notre reïs demanda qui étaient
les quatre autres. Le Capitaine français lui a répondu qu’il n’avait
rien à craindre, que ces vaisseaux n’étaient point ennemis, qu’ils
étaient français comme lui, et, en même temps, il fut leur donner
avis de l’approche de la galiote. Aussitôt ces quatre vaisseaux,
qui étaient maltais, armèrent chacun leur chaloupe et leur canot
et les envoyèrent contre notre galiote qu’ils enlevèrent de force,
____________________
1. Les chevaliers de Malte, avec lesquels les Algériens étaient toujours en guerre.
2. Voy. Lettres de Durand au comte de Maurepas, les 6 juin et 14 juillet 1729, et
du comte de Maurepas à Durand, le 24 août 1729. Il y avait 19 esclaves et non pas 32.
140 CORRESPONDANCE DES DEYS D’ALGER
LOUIS XV
A ABDI, DEY D’ALGER.
faire rendre ces Français et qui vous a écrit pour cela, vous pro-
mettant de vous en dédommager.
Les 19 esclaves algériens qui vous seront renvoyés seront
ceux qui faisaient partie de l’équipage du vaisseau La Gazelle,
et qui ont été achetés à Malte pour le service des galères de Sa
Majesté Impériale(1). Il n’y en a pas un plus grand nombre en
France ; ils seront libérés par préférence, ainsi que vous le de-
mandez. Quant aux esclaves pris l’année dernière sur une galiote
d’Oran à la côte d’Espagne, et dont Sa Majesté Impériale a fait
aussi acheter une partie à Malte, je dois vous dire que tout ce que
le reïs de cette galiote vous a mandé sur les circonstances de sa
prise est absolument faux ; aucun vaisseau de l’Empereur, mon
Maître, n’a navigué aux eaux de Malte ni ne les a rencontrés sur
la côte d’Espagne(2). Ce que ce reïs a dit du mauvais traitement
que le Capitaine du vaisseau de Sa Majesté lui a fait à son bord
n’a pas plus de fondement que tout le reste, et le récit qu’il vous
en a fait n’est qu’une invention de sa part pour vous engager à
le réclamer. Il est d’autant plus blâmable d’avoir voulu vous en
imposer, que ses suppositions tendaient à altérer la bonne intel-
ligence qui règne entre les deux nations, et l’intention de Sa Ma-
jesté n’est point de faire libérer cet esclave, ni les autres qui ont
été achetés avec lui pour le service de ses galères.
Le sieur Durand m’a rendu compte que vous désirez faire
venir de France des crics et autres ustensiles et ouvrages de fer
dont vous avez besoin. Je donne ordre à l’Intendant de la Marine
à Toulon(3) d’accorder au négociant chargé de cette commission
la permission et toutes les facilités nécessaires pour qu’il puisse
l’exécuter promptement et à votre satisfaction.
L’attention pour tout ce que vous me recommandez m’a
fait profiter d’une occasion que j’ai eue de proposer à Sa Majesté
____________________
1. Voy. la note 1 p. 145.
2. Lettre du comte de Maurepas à Durand, le 24 août 1729.
3. M. Mithon. Voy. sa correspondance aux Archives de la Chambre de commerce
de Marseille, S. BB, 183 de l’Inventaire, et aux Archives communales de la ville de Tou-
lon, S. EE, 55 de l’Inventaire.
144 CORRESPONDANCE DES DEYS D’ALGER
(Sceau)
par ceux qui viendront ici, et que vous enverrez des réprimandes
et aussi des ordres à votre Consul ; cela nous fera plaisir, car il
est insupportable. Il a été autrefois Consul en Candie et il a causé
beaucoup de désordres ; il se croit autant qu’un Roi et le porte
fort haut(1). Nous l’avons reconnu Consul et lui avons fait plus
d’honneurs qu’aux autres ; c’est peut-être ce qui l’a engagé à dire
des choses qui ne se doivent pas écrire à une personne de notre
rang. Les avis qui lui ont été donnés n’ont fait aucun effet sur lui.
Vous qui êtes un grand Ministre, vous saurez mieux qu’un autre
ce qu’il convient de faire.
Vous serez informé qu’un chrétien, étant sorti d’une tar-
tane, dit qu’il voulait se faire Musulman ; qu’il est resté pendant
trois jours devant la porte du palais, les gardes ne l’ayant pas
laissé entrer; que le quatrième jour, profitant de la négligence
des portiers, il trouva le moyen d’entrer, et que, s’étant présenté
dans la salle de notre Conseil, il se fit Musulman. Le Consul,
en ayant été averti, dit qu’il le ferait retourner à sa religion, et
que le chrétien n’aurait pas dû être reçu au Mahométisme avant
qu’il fût averti. Après qu’il eût dit ses raisons, nous lui avons
représenté que nous n’avions pas pris le chrétien par force, qu’il
avait été chassé plusieurs fois de devant notre porte, que nous ne
redemandions point les Turcs qui se faisaient chrétiens de leur
gré dans le pays des chrétiens en pareil cas, et que notre loi ne
permettait pas de le rendre(2). Pareils événements ne doivent pas
être ignorés dans, votre Cour, suivant les récits qui en ont été
faits. Le dit chrétien n’a point été forcé en aucune manière ; nous
ne l’avons reçu qu’en suivant son intention. Si ce chrétien, après
avoir commis quelque faute, se fût fait Musulman par crainte d’en
____________________
1. Il était assurément intelligent et zélé, mais il s’appliquait à simuler les grandes
manières de son oncle Dusault, sans avoir ni la souplesse ni le sens profond du caractère
des Turcs que possédait à merveille l’ancien Commissaire du Roi.
2. L’article 19 du traité qui nous liait avec la Régence portait que si un Français
voulait se faire Turc, il ne pouvait être reconnu comme tel que s’il avait persisté trois fois
24 heures dans cette résolution, et, pendant ce temps-là, il devait demeurer dans la mai-
son du Consul. Il s’agissait, dans le cas présent, d’un matelot de Saint-Tropez. Lettre de
Delane au comte de Maurepas, le 2 juillet 1731.
156 CORRESPONDANCE DES DEYS D’ALGER
(Sceau)
aller remplir les ordres dont vous les aviez chargés, lorsqu’un bâ-
timent anglais, sur lequel nous avons intérêt(1), étant venu prendre
la permission de charger du blé dans l’un de nos ports, nous lui
avons donné un passeport au su de tous les Consuls, et il est allé
dans notre dit port où il a fait son chargement de blé. Pendant ce
temps-là, M. Delane, votre Consul, ayant insinué mille mauvais
desseins au chevalier de Caylus, l’a porté à prendre et piller ce
bâtiment et à l’envoyer en France(2), après quoi votre navire étant
revenu, nous avons reçu le Consul avec toute sorte de considé-
ration ; il est rentré dans les fonctions de son emploi, et nous
avons fait pourvoir votre navire, au désir du Capitaine, de toutes
les provisions dont il a pu avoir besoin. Il est parti ensuite pour
retourner auprès de Votre Grandeur(3), sans que nous ayons rien
su de ce qui s’était passé, mais des lettres de Marseille, que nous
avons reçues aujourd’hui, nous ayant informé de tout le fait de
l’enlèvement frauduleux du bâtiment anglais : — « Quel procédé
est celui-ci ? avons-nous dit ; quelle raison peut-on avoir eu de
prendre et de piller un bâtiment muni de nos lettres et passeports ?
Comment, lorsque nous demandons à l’Empereur de France, no-
tre ancien grand ami, un Consul prudent et consommé dans les
négociations, comment, dis-je, nous envoie-t-il un homme qui
n’a d’autre occupation que d’inventer des faussetés et des trahi-
sons ? » —
En effet ses mauvais desseins ne sont que trop prouvés dans
____________________
Gouverneur de Tabarque, — Mémoire que le sieur Fenix à laissé à l’agent de la Compa-
gnie d’Afrique au sujet de l’ordre qu’il a obtenu le 5 juillet 1731 du Seigneur Dey, tou-
chant les frégates de Tabarque qui viennent pêcher le corail dans les mers du Bastion de
France. (Archives coloniales de la Marine. Compagnies d’Afrique, 1681-1731.)
1. Du nombre des navires interlopes auxquels les Puissances vendaient secrète-
ment des permissions de chargement, au mépris de leurs promesses et de nos traités.
2. Le Consul, après avoir fait saisir le bâtiment interlope, écrivit au Ministre et
qu’il s’attendait bien à ce que le Dey lui en ferait de vifs reproches, oubliant qu’il avait
consenti qu’on prit tous ces navires Lettres de Delane au comte de Maurepas, les 30 sep-
tembre, 20 octobre 1731 et 16 février 1732. (Archives des Affaires étrangères, Consulat
d’Alger.)
3. Selon les ordres de la Cour, notre Consul, de retour à Alger, fit embarquer Mai-
chens pour être ramené en France sur Le Zéphir. Lettres de Delane au comte de Maurepas,
les 28 août et 4 octobre 1731.
AVEC LA COUR DE FRANCE 159
(Sceau)
(Sceau)
Votre Grandeur est bien informée que dans toutes les occasions,
qui se présentent en ces quartiers, nous ne manquons pas de vous
donner des marques de notre amitié, principalement en faisant
sauver les esclaves français, en payant leurs dépenses, en leur
faisant tous les bons traitements possibles et en les renvoyant aux
lieux où ils désirent aller, parce qu’il est du devoir de notre ami-
tié réciproque de nous entraider en toute occasion. D’ailleurs ce
sent les lois de la mer, et si l’exacte observation de ces lois venait
à être négligée, il n’y aurait plus de règles sur mer, et alors, les
abus et les fraudes se multipliant, il arriverait bien des choses qui
troubleraient la bonne correspondance. L’Empereur de France
est notre plus ancien et plus grand ami, et nous devons chercher
à nous obliger de part et d’autre. Nous serions charmé de trouver
ici quelque occasion de rendre nos services à Sa Majesté ; nous
la saisirions de tout notre esprit et de tout notre cœur.
Ce que nous espérons de Votre Grandeur, c’est la grâce de
ne pas nous effacer de son souvenir et de -nous apprendre, par
une lettre d’amitié, quelle sera la réussite de cette affaire ; nous
vous en serons très parfaitement obligé. Au reste, nous prions
Dieu de vous conserver dans une parfaite santé et prospérité.
Écrit le 20 de la lune de Zilcadé, l’an 1144, qui est le 15 mai
1732.
En marge est écrit :
Notre très parfait ami, Ministre de, haute réputation, Dieu
sait que nous n’avons absolument personne qui soit si avant dans
notre amitié que notre très grand ami l’Empereur de France ; vos
vaisseaux sont, les nôtres et nos vaisseaux sont les vôtres, et Votre
Grandeur sera pleinement instruite de notre sincérité à cet égard,
si vous voulez bien prendre la peine de vous en informer tant des
marchands français qui négocient en ce pays que des Capitaines
de vos vaisseaux de guerre et marchands.
De plus, notre grand ami, il y a deux mois qu’un bateau
où étaient embarqués des chrétiens, qui fuyaient d’un pays de
la chrétienté, fut obligé de relâcher à Bône, où les dits chrétiens
168 CORRESPONDANCE DES DEYS D’ALGER
ayant été pris esclaves suivant les lois de la justice, il s’est trouvé
parmi eux 10 Français qui, ayant été pris sans pavillon ni passe-
port, sont légitimement nos esclaves. Mais comme le désir que
nous avons d’entretenir la bonne correspondance qui est entre Sa
Majesté, Votre Grandeur et nous est sans bornes, si l’affaire du
reïs Mehemmed est véritable et que vous ayez la bonté de nous
renvoyer au plus tôt le dit reïs et son équipage, nous prions Votre
Grandeur de se bien persuader que nous délivrerons sans rançon
les dits 10 esclaves français et que nous les lui renverrons(1).
Traduit pair PÉTIS DE LA CROIX, Secrétaire-interprète du Roi, le 20 juin 1732.
qui est contenu dans notre lettre, mais de nous continuer toujours
l’honneur de votre amitié, de déposer Lemaire, votre Consul, et
de nous envoyer en sa place un de vos serviteurs qui soit habile
dans les affaires et d’un caractère doux. Nous vous en serons in-
finiment obligé. Mais si Lemaire reste ici Consul, nous n’aurons
avec lui aucune communication, et les affaires d’entre vous et
nous n’en iront pas mieux. Nous espérons que, s’il plaît à Dieu,
nos paroles se vérifieront, et que vous reconnaîtrez les fourberies
et les mensonges de votre Consul(1). Il nous a causé bien de la
peine, mais nous avons tout remis entre les mains de Dieu Tout-
Puissant. Nous vous serons très redevable, si vous voulez bien
nous informer des résolutions que vous prendrez sur toutes ces
choses.
Traduit par PÉTIS DE LA CROIX, Secrétaire-interprète du Roi, le 19 mars 1734.
(Sceau)
IBRAHIM,
Dey d’Alger de Barbarie.
Traduit par PÉTIS DE LA CROIX, Secrétaire-interprète du Roi, le 17 juillet 1740.
____________________
1. Notre agent ne tarda pas à se décourager comme ses prédécesseurs, et partit en
congé sans esprit de retour, au mois d’avril 1740, laissant les sceaux entre les mains du
Chancelier de Jonville. Taitbout avait dû s’appliquer à déjouer les nouvelles intrigues de
Natoire, toujours réfugié au Consulat d’Angleterre, et d’un Juif, Nephtali Busnach, dont
le petit-fils devait jouer un si grand rôle soixante années plus tard. — Il avait eu d’autre
part des difficultés sérieuses avec le P. Faroux, Vicaire apostolique, qui avait succédé en
1736 au P. Duchesne, avec Bruno Dengallière, négociant français établi à Alger, enfin
avec le P. Pillot, prêtre de la Mission, à qui le Dey avait fait donner 80 coups de bâton pour
avoir passé par inadvertance cinq fois de suite devant la Casbah, où se trouvait le trésor
public. Lettres de de Jonville et de Taitbout au comte de Maurepas, les 7 août, 24 et 25
novembre 1737 et 18 juin 1739.
2. Ces usages consistaient surtout à combler les Puissances de gratifications et de
cadeaux, en échange de la neutralité des corsaires. Mais Taitbout ne pouvait plus long-
temps bitter de générosité avec les Consuls étrangers. Voy. Conditions ou présents pour
la paix de Hollande avec Alger, le 13 août 1737, — Présents faits au Dey par les États-
Généraux, 1739, — Présents faits à Alger de la part du Roi d’Angleterre par M. Clinton,
commandant deux frégates anglaises arrivées dans la rade le 29 mai 1739, — Présents
faits par les Rédempteurs portugais, arrivés à Alger le 27 octobre 1739. (Archives des
Affaires étrangères, Consulat d’Alger.)
190 CORRESPONDANCE DES DEYS D’ALGER
LE COMTE DE MAUREPAS, SECRÉTAIRE D’ÉTAT DE LA MARINE,
A IBRAHIM, DEY D’ALGER.
les autres nations, nos alliées(1), et suivant les plus anciens usages
du commerce maritime. Et si quelqu’un de nos reïs ou des gens
des équipages commet quelque action capable de troubler la paix
et la bonne intelligence, comme nous sommes le maître, il n’est
pas douteux que nous le ferons châtier avec la dernière exacti-
tude, attendu que nous voulons que les passeports soient scrupu-
leusement respectés comme étant le nœud de la paix, de l’union
et de la confiance qui règnent et doivent régner entre nous.
Écrit à Alger, le 13 de la lune de Zilcadé, l’an de l’hégire
1161, c’est-à-dire le 4 novembre 1748.
MEHEMMED,
Dey d’Alger d’Afrique.
celui qui est l’ombre de Dieu sur la terre, qui, par l’aide de l’Étre
suprême, a toujours remporté la victoire sur ses ennemis les plus
formidables, l’Empereur d’Orient et d’Occident, de l’Océan et de
la Méditerranée, second Cosroès, l’appui et le zélé protecteur du
saint Alcoran, la couronne de la félicité et la source intarissable
des grâces et des bienfaits, qui a la force d’Alexandre et la sages-
se de Salomon, l’Empereur régnant qui est monté sur le trône par
droit de succession, l’Empereur Mahmoud, — dont Dieu bénisse
les armes et prolonge les jours ! —
(Sceau)
La présente est donc, écrite à notre intime ami, l’illustre,
prudent et éclairé Ministre du très haut, très puissant et très affec-
tionné, Empereur de France. Les vœux que nous faisons au ciel
sont que ce digne Ministre jouisse longtemps d’heureux jours et
de la santé la plus parfaite. Nous avons l’honneur, notre très cher
et intime ami, de vous informer par la présente que les corsaires
qui avaient violé les droits et les conventions des traités, en insul-
tant un de vos bâtiments marchands, ont été punis conformément
aux lois et constitutions de notre pays. Mais nous osons nous flat-
ter que la clémence ordinaire de votre grand Empereur le portera
à pardonner cette faute de nos corsaires, et qu’après un certain
temps écoulé, les coupables pourront trouver grâce devant Sa
Majesté Impériale, surtout ayant apporté sans aucun délai toute
notre diligence pour faire rendre tout ce qui avait été enlevé aux
Français, et relâcher ceux qui avaient été compris dans la prise in-
justement faite sur les sujets de votre puissant Empereur. Le sieur
Lemaire, votre Consul en ce Royaume, homme très éclairé et très
entendu, s’étant chargé de la présente, vous rendra un compte fi-
dèle et bien détaillé de tout ce qui s’est passé, et particulièrement
de ma conduite dans cette triste et fâcheuse conjoncture.
La grâce que je vous demande, pour éviter par la suite un
pareil malheur, est de bien recommander aux Capitaines ou pa-
trons de vos bâtiments marchands d’être plus exacts à obser-
ver scrupuleusement et à la lettre ce qui leur est prescrit dans
les Capitulations passées entre nous, au sujet de la rencontre de
216 CORRESPONDANCE DES DEYS D’ALGER
Je n’ai point oublié les engagements qui ont été pris avec
vous dès qu’ils ont pu être remplis, et pour vous faire connaître
avec quelle droiture et sincérité j’y ai apporté mon attention, pour
que vous puissiez être pleinement satisfait, j’ai levé tous les obs-
tacles qui pouvaient s’y opposer. Je vous annonce avec plaisir
que Sa Majesté Impériale a eu la générosité de briser les chaînes
de 10 esclaves algériens qui vous ont été promis ci-devant. Ils ont
été confiés au sieur Perou et vous seront présentés par lui.
J’ai aussi fait liquider scrupuleusement les prétentions du
Juif Busciara, pour les chargements de blé qu’il a réclamés. Le
sieur Perou en porte le montant pour régler avec vous en quelle
manière il en devra être disposé, et vous devez vous rappeler que
vous avez désiré que cette affaire fût terminée à Alger(1).Vous
pouvez vous en rapporter au sieur Perou, mais je vous prie de
donner votre attention à ce qu’il doit vous représenter à ce sujet,
parce que rien n’importe davantage à la tranquillité que vous dé-
sirez comme moi conserver.
Je suis persuadé qu’après cette épreuve, je puis m’atten-
dre au retour le plus parfait de votre part, et que le sieur Perou
trouvera auprès de vous la justice et les facilités nécessaires pour
aplanir tout ce qui pourrait s’opposer à une union durable. Je ver-
rai avec joie que ce soit l’époque de votre Gouvernement et de
mon Ministère, et je prendrai toujours un véritable intérêt à votre
prospérité. C’est dans cette confiance et dans ces sentiments que
je suis plus cordialement et plus parfaitement que personne,
Très illustre et magnifique Seigneur,
Votre très parfait et sincère ami.
MORAS.
____________________
1. Voy. La note 1, p. 235.
238 CORRESPONDANCE DES DEYS D’ALGER
ALI, DEY D’ALGER,
AU MARQUIS DE MORAS, SECRÉTAIRE D’ÉTAT DE LA MARINE.
Après vous avoir présenté les saluts les plus purs et les plus
conformes à l’amitié, je vous informe qu’étant dans l’attente des
nouvelles de votre santé, j’ai reçu depuis quinze jours une lettre de
votre part(1), qui m’a été remise par le sieur Perou, votre Consul,
qui est arrivé sur un de vos vaisseaux corsaires(2). J’ai vu avec re-
connaissance les marques d’amitié qu’elle renferme, et j’ai éga-
lement fait attention à toutes les affaires qui en font la substance.
Que Dieu affermisse l’amitié qui subsiste entre nous ! J’ai reçu les
600 livres du produit du blé du nommé Lazarini, mon domestique;
j’ai également reçu les 17 000 livres provenant de la vente du blé
du Juif Busciara(3). Il manque encore 9 400 livres du prix que le dit
blé a été vendu ; la dite partie du blé consistait en 1 600 quirques(4)
de grains que M. Félin a pris. Chaque quirque valait 16 livres et
demie, ce qui fait la somme de 26 400 livres selon ce compte. Je
vous prie d’envoyer le reste de la somme à votre Consul. J’ai re-
mis en dépôt entre ses mains 17 000 livres du produit du blé. L’on
a aussi pris un vaisseau portant pavillon livournais chargé de blé ;
ce chargement m’appartient, et j’espère que vous m’en enverrez
la valeur(5). Vous avez fait répondre que vous étiez ami avec les
____________________
1. Voy. p. 236.
2. Perou arriva à son poste le 11 novembre 1757 sur la frégate La Rose, comman-
dée par le chevalier de Sade, et fut reçu par le Dey avec mille protestations d’amitié. Voy.
Lettres du P. Bossu et de Perou au marquis de Moras, les 10 juillet, 12 septembre et 20
novembre 1757.
3. Marchand de Livourne.
4. Mesure de blé d’Alger.
5. Voy. État des Sommes auxquelles les prétentions du Juif Busciara et de l’arma-
teur de la galiote attaquée par le capitaine Victorio, de Mahon, ont été réglées et que je me
AVEC LA COUR DE FRANCE 239
1. Voy. p. 247.
2.Voy. p. 245.
250 CORRESPONDANCE DES DEYS D’ALGER
que l’on peut alléguer pour justifier les mauvais traitements que
l’on a pour les esclaves musulmans, ni les motifs qui ont occa-
sionné la destruction de leur mosquée. Je me flatte qu’à la récep-
tion de ma lettre, vous voudrez bien faire rebâtir leur mosquée, et
ne les pas laisser manquer des vêtements et de la nourriture que
peut exiger leur état ; je ne peux pas vous dissimuler que si vous
êtes insensible à mes représentations, je serai forcé d’en instruire
mon Maître(1).
J’espère aussi que mes corsaires, loin d’être exposés à des
mauvais traitements dans les ports de France, y trouveront toutes
les ressources dont ils auront besoin, autant que la chose sera
possible. Il y a quelque temps que deux vaisseaux d’Alger ayant
été accueillis par une tempête et ayant voulu se réfugier dois un
port de France, l’un des deux bâtiments fut assez heureux pour
jeter l’ancre, et son compagnon fut chassé à coups de canon. Ce
procédé n’est pas analogue à l’amitié qui est entre la France et la
Régence d’Alger. Lorsque les vaisseaux de l’Empereur de Fran-
ce mouillent dans quelque port de notre domination, le Capitaine
dû port va à leur rencontre et leur indique l’endroit où ils doivent
jeter l’ancre, enfin on leur fait tout l’accueil possible. Je ne doute
point que vous ne donniez les ordres les plus sévères pour que les
vaisseaux, d’Alger soient traités de la même manière en France.
Écrit le 4 de la lune de Djemazi-el-ewel, l’an de l’hégire 1174, et
de Jésus-Christ le 12 décembre 1760, à Alger la bien gardée.
(Sceau)
Le pauvre ALI,
Dey et Gouverneur d’Alger.
Mon illustre ami, j’ai entendu dire que l’on avait eu l’indi-
gnité de couper l’oreille à celui qui faisait les fonctions d’Iman(2)
dans la mosquée des esclaves, et de le rendre par là l’objet du
mépris public. Si ce fait est véritable, il est indécent. Il y a ici des
____________________
1. C’est la première fois que nous rencontrons la menace de l’intervention du
Grand Seigneur.
2. Celui qui, dans une mosquée et pendant la prière publique, se met à la tête de
l’assemblée, prononce les paroles et fait les gestes que les assistants sont obligés d’imiter.
AVEC LA COUR DE FRANCE 259
prêtres dans les églises des chrétiens ; ils s’y rassemblent pour
vaquer à l’exercice de leur religion sans que personne ose les
inquiéter.
Traduit par CARDONNE, Secrétaire-interprète du Roi, le 23 février 1761.
de Dieu sur la terre, lui qui est un autre Alexandre par sa valeur et
un second Salomon par sa sagesse, dont la puissance est soutenue
par les faveurs de l’Éternel, distributeur des grâces. — Que Dieu
augmente son pouvoir et prolonge sa vie ! —
Honoré et estimé Ministre de l’Empereur de France, notre
grand ami, lui qui est le plus grand des Princes de la croyance du
Messie, — Que Dieu comble votre fin de toute sorte de bonheur
et qu’il vous montre le chemin de la vérité ! —
Après vous avoir présenté les saluts qu’exigent l’amitié et
la cordialité et m’être informé de votre santé, je fais des vœux
pour tout ce qui peut contribuer à votre bonheur. Si, en vertu de
l’ancienne amitié qui subsiste entre nous, vous jugez à, propos
de vous informer de ce qui me regarde, je vous dirai que, grâce à
Dieu, à la date de la présente lettre, j’étais dans une santé parfaite
et que je faisais des vœux pour que vous jouissiez d’un bonheur
inaltérable.
Vous n’ignorez point que la Régence d’Alger est l’amie an-
cienne de la Cour de France, et que de tout temps cette Régence
a tâché de donner des preuves de l’amitié et de la considération
qu’elle avait pour cette Cour. C’est dans cette confiance qu’elle
s’adresse aujourd’hui à elle, et qu’elle lui représente les besoins
qu’elle a de son secours. Nous vous supplions de nous envoyer
pour notre argent, et à tel prix que ce soit, cinq ou six grands vais-
seaux de 50 à 60 pièces de canon chacun. S’il plaît à Dieu, dès
qu’ils seront arrivés à Alger, nous renverrons en France les équipa-
ges qui les auront conduits sur des vaisseaux marchands que nous
fréterons. Mon illustre ami, nous vous supplions de faire tous vos
efforts pour terminer cette affaire le plus vite que vous pourrez et
pour m’envoyer ici ces cinq à six vaisseaux; vous ne devez point
douter que leur arrivée à Alger ne comble de joie tous les membres
de la Régence et de la Milice. Nous avons pris la liberté de vous
écrire cette lettre, dans la juste confiance où nous sommes que
vous voudrez bien, avec notre argent, nous envoyer les dits cinq
à six vaisseaux. Nous osons nous flatter que vous voudrez bien
AVEC LA COUR DE FRANCE 267
sur l’esprit de tous les sujets de l’Empire qui nous en ont instruit,
et je n’imagine rien qui ait pu vous porter à une telle extrémité.
La seule qualité dont ce Consul est revêtu par la foi publique de-
vait le garantir de toute violence et contrainte personnelle, même
si, ce qu’à Dieu ne plaise ! la guerre était déclarée, et à plus forte
raison quand les affaires étaient et sont susceptibles d’être réta-
blies. Je suis encore si éloigné de vous attribuer d’autres senti-
ments que ceux qui font le lien des nations, et de me livrer moi-
même à des soupçons et à des inquiétudes qui fissent tort à votre
Gouvernement, que je suis persuadé qu’en parfaite et sérieuse
réflexion sur la nature et les conséquences d’une démarche pa-
reille, vous retournerez votre indignation contre ceux qui ont pu
vous en donner le conseil. Je dois actuellement entrer avec vous
dans des explications qui vont devenir chaque jour plus impor-
tantes, et auxquelles je vous conjure de prêter autant d’attention
que j’ai dû en faire de ma part.
Vous savez que les corsaires des ports du Maroc, dont les
armements ont été multipliés cette année, se sont répandus par-
tout pour courir sur les bâtiments français. Vous n’ignorez pas les
risques auxquels ils sont exposés et les malheurs qu’on éprouve
____________________
le Dey avait appris que M. de Moriez avait livré avec sa frégate un combat contre un de
ses chebeks, et qu’une de ses galiotes avait été coulée à fond par un autre de nos navi-
res. II avait aussitôt fait saisir et conduire au bagne le Consul, son secrétaire, ses trois
domestiques, le Chancelier Armény de Bénézet, le Vicaire apostolique Pie de Savigny,
deux prêtres et deux frères de la Mission, cinq négociants français, les équipages de nos
vaisseaux, et il avait fait arrêter tous nos compatriotes dans nos comptoirs de La Calle,
de Bône et du Collo. Voy. Lettres de Vallière au duc de Praslin, les 2 et 27 juillet, 30
septembre, 21 octobre, 5 novembre, et particulièrement celle du 19 septembre 1763,
contenant le touchant récit des mauvais traitements qu’il a dû supporter, — État des dé-
penses faites par le Consul Vallière à l’occasion de la détention tant du dit Consul que
de MM. les Missionnaires, les négociants et les équipages de 4 bâtiments français qui,
d’ordre du Dey, ont été mis à la chaise, envoyés au bagne des esclaves et employés aux
travaux du Beylik, et des donatives faites pour reconnaître les soins des divers officiers
de la Régence employés au soulagement des 61 personnes ci-dessus, ci : 4 402 p. (Archi-
ves des Agraires étrangères, Consulat d’Alger.) — Voy. aussi Extrait des délibérations
de l’assemblée de la nation française à Alger, relative à un présent à faire au nouveau
Khaznadji, « dans la position critique où nous nous trouvons vis-à-vis de ce Gouverne-
ment », le 12 octobre 1763. (Les Archives du Consulat général de France à Alger, par
Devoulx, p. 112)
AVEC LA COUR DE FRANCE 277
en tombant entre leurs mains. Il a donc fallu armer contre eux pour
la sûreté de la navigation. On y a destiné plusieurs frégates et cor-
vettes qui sont encore en croisière. Comme elles n’ont pas suffi,
on a été obligé d’expédier pour le même objet des vaisseaux plus
forts et en plus grand nombre, pour leur en imposer et repousser
toute hostilité. Je ne vous dissimule pas même que l’Empereur,
mon Maître, est résolu à les détruire et à en purger la mer, si ces
corsaires ne rentrent dans le devoir, à moins que la Providence
ne permette des voies de conciliation que Sa Majesté Impériale
préférera toujours, quand elle pourra le faire avec dignité et avec
tout l’avantage d’une paix solide et bien cimentée. Mais en faisant
contre les Salétins des dispositions conformes à la guerre qu’ils
ont provoquée, Sa Majesté Impériale a expressément recomman-
dé à ses officiers de regarder en tout les bâtiments d’Alger comme
amis de la France, et de ne les confondre en rien avec les autres
corsaires. Je ne sais par quelle fatalité il est arrivé les incidents et
les méprises les moins compatibles avec la confiance que je de-
vais avoir dans les traités et dans les paroles qui m’ont été portées
en votre nom. Les capitaines français ne se sont point écartés de
la conduite qui leur était prescrite. Il s’est répandu au contraire
assez généralement que les Algériens étaient d’intelligence avec
les Salétins pour les favoriser et se mêler avec eux. Je n’y ai vou-
lu ajouter aucune foi, et j’ai conservé trop haute opinion de vos
lumières et de votre sagesse pour croire que vous eussiez pu tolé-
rer ou souffrir des manœuvres aussi dangereuses. Si quelque reïs
avide a cherché l’occasion de se compromettre avec les Français
et de les attirer dans le piège, sans doute c’est à votre insu et contre
votre intention. Le mal n’en est pas moins venu par la faute de ce
reïs, et les Français n’étaient pas moins abandonnés aux hasards
des rencontres les plus suspectes. Celle qui s’est passée entre un
capitaine de Sa Majesté Impériale et un chebek de la Régence,
et dont je vous assure avoir eu le plus sensible regret, ne serait
jamais arrivée si le reïs ne s’était pas opiniâtré à manœuvrer com-
me s’il avait été ennemi, sans vouloir se faire connaître. La res-
semblance des bâtiments et du pavillon confond les Algériens et
278 CORRESPONDANCE DES DEYS D’ALGER
les Salétins et trompe les capitaines français. Ils sont dans la dure
alternative de se livrer à leurs ennemis ou de se défendre contre
les Algériens mêmes, ne pouvant distinguer les uns des autres. Je
ne crains pas de vous laisser juge vous-même de ce que les Fran-
çais peuvent faire en déposant toute précaution, et il y va pour
eux et leurs biens de la liberté et da la vie. Ce mot seul vous fera
connaître qu’il est de toute impossibilité que les choses restent
plus longtemps dans cette crise; elles n’ont que trop empiré. La
France a rempli fidèlement les traités et ne les rompra dans aucun
temps d’elle-même, tant qu’elle pourra y compter. Ils ont pourvu
à tout, et je les ai toujours interprétés à l’avantage d’Alger dans
tous les cas qui se sont présentés. J’ai l’envie de vous témoi-
gner les meilleures dispositions et de rendre la bonne intelligence
inaltérable. Il est dit dans les traités que les corsaires se feront
connaître aux bâtiments de guerre en y envoyant leur chaloupe,
et ne pourront également reconnaître les bâtiments marchands et
vérifier leur passeport qu’avec leur chaloupe. C’est le moyen le
plus simple et le plus sûr qu’on ait trouvé pour éviter les inconvé-
nients et les dangers de toute autre pratique. Il est bien aisé de s’y
conformer, puisqu’il n’en peut résulter que des sérieux et bons
traitements réciproques. Bien loin de là, les Français ont essuyé
des vexations de toute espèce, et, dans la conjoncture même, il
était le plus essentiel d’observer les traités auxquels ils n’ont pu
manquer ; ils ont été attaqués et pris par vos bâtiments reconnus,
la mer a été pour ainsi dire plus périlleuse pour eux qu’une guerre
ouverte, et vous avez cru des suggestions malintentionnées. Vous
avez fait subir au capitaine Garcin(1) un traitement qu’il n’a pas
mérité, dans une défense légitime et forcée ; vous avez refusé
d’écouter les justes réclamations du Consul de France ; vous avez
retenu le capitaine Aubin(2) avec son équipage aux forts, et vous
avez asservi ce même Consul à un traitement que la France désire
____________________
1. Capitaine français qui avait été emmené à la même époque à Alger, et qui avait
été condamné à la bastonnade pour avoir osé se défendre contre un corsaire de la Régen-
ce. Voy. État de ce qui a été enlevé à bord de la polacre Saint-Antoine, capitaine Garcin,
de La Ciotat. (Archives des Affaires étrangères, Consulat d’Alger.)
2. Capitaine de L’Élisabeth. Voy. la note 1, p. 215.
AVEC LA COUR DE FRANCE 279
ce que je vous marque et sur tous les points, afin que Sa Majesté
Impériale sache décidément sur quoi compter. Il n’est chargé que
de cette commission facile, dont je souhaite qu’il puisse s’acquit-
ter avec diligence. J’ai aussi à cœur qu’elle soit assez heureuse
pour rétablir la sûreté et le respect du pavillon. Vous pouvez vous
ouvrir librement à moi ou à cet officier de tout ce que vous aurez
à me communiquer, et j’en attends l’effet avec la plus vive im-
patience.
Au surplus, comme le sieur Vallière a été flétri, avili, j’ignore
s’il a pu vous déplaire personnellement, mais le traitement même
qu’il a éprouvé le rend incapable d’être chargé désormais des
affaires de la nation, et c’est pour cela que le chevalier de Fabry
vous a été envoyé. Ce Consul ne peut plus rester à Alger avec
honneur, non plus que son Chancelier(1) qui a eu le même sort, et
le sieur de Fabry a ordre de les ramener. J’espère que le premier
soin que vous aurez sera de leur rendre la liberté sans difficulté,
ainsi qu’aux équipages des bâtiments retenus, et de les faire re-
mettre au chevalier de Fabry avec votre réponse.
Elle remplira tous mes vœux, si vous ne faites rien dont Sa
Majesté Impériale ne puisse être satisfaite, et qui ne fasse échouer
les sinistres projets de ceux qui ont pu susciter des démêlés si
forts entre les deux nations. Je n’aurai jamais eu plus à cœur de
vous témoigner en toute occasion que la France s’intéresse réel-
lement à votre Gouvernement, et que je suis plus véritablement
et plus sincèrement que personne du monde,
Très illustre et magnifique Seigneur,
Votre très parfait et sincère ami.
PRASLIN.
____________________
1. Armény de Bénézet.
AVEC LA COUR DE FRANCE 281
ALI, DEY D’ALGER,
AU DUC DE PRASLIN, SECRÉTAIRE D’ÉTAT DE LA MARINE.
(Sceau)
MOHAMMED,
Dey et Gouverneur d’Alger.
(Sceau)
MOHAMMED,
Dey d’Alger la bien gardée.
A Son Excellence le Seigneur duc de Praslin, premier Mi-
nistre, grand et illustre Vizir de Sa Majesté le puissant Roi de
France, le plus grand des Princes chrétiens et le plus illustre des
Chefs de la nation du Messie.
Notre très cher, très fidèle et grand ami, illustre Vizir, —
Que votre fin soit heureuse, et que le Seigneur vous dirige dans
le sentier de la droiture et de l’équité !
Après avoir offert à Votre Excellence l’expression de nos
vœux les plus sincères et les sentiments de l’amitié la plus cor-
diale, nous nous empressons de nous informer de l’état de votre
santé précieuse. Puissiez-vous occuper pendant de longues an-
298 CORRESPONDANCE DES DEYS D’ALGER
(Sceau)
MOHAMMED,
Dey d’Alger la bien gardée.
(Sceau)
MOHAMMED,
Dey et Gouverneur d’Alger.
L’honneur des Grands de la religion du Messie, le très ho-
noré, très sincère et très grand ami le Vizir de l’Empereur de
France, — dont la fin soit comblée de toute sorte de biens ! —
Vous avez bien voulu m’apprendre, par une lettre remplie
d’amitié(1), que le sieur Vallière, qui réside depuis longtemps à
Alger en qualité de Consul et qui, par sa prudence, sa sagesse et
sa profonde connaissance dans la science de la politique, était si
propre à concilier les intérêts de la France qui lui étaient confiés
et qui était un indigne médiateur entre vous et moi, avait repré-
senté à l’Empereur de France le dérangement de sa santé, et le
besoin qu’il avait pour la rétablir de respirer l’air natal, et que
Sa Majesté, en considération de ses bons et longs services, avait
daigné lui accorder la grâce qu’il demandait. Vous m’avez fait
part, par la même lettre, que Sa Majesté avait nommé Consul à sa
place le sieur de la Vallée. Vous ne devez pas douter que je ne me
____________________
1. Voy. p. 303 et 304.
AVEC LA COUR DE FRANCE 307
LOUIS XVI
A BABA MOHAMMED, DEY D’ALGER.
(Sceau)
MOHAMMED,
Dey d’Alger la bien gardée.
(Sceau)
MOHAMMED,
Dey d’Alger la bien gardée.
entre nous, en faisant droit à un chacun dans les affaires qui pour-
ront survenir. Vous pouvez être persuadé que, de mon côté, je
serai très attentif à observer les conditions de nos traités mutuels,
et à faire ressentir les effets de ma bonne volonté au noble Consul
et aux négociants et autres de votre nation, en les traitant favora-
blement et en les protégeant dans les affaires pour lesquelles ils
auront recours à nous.
Fait et écrit le 24 de mai, l’an 1774, à Alger la bien gardée,
place de guerre.
Traduit par LEGRAND, Secrétaire-interprète du Roi.
(Sceau)
MOHAMMED,
Dey et Gouverneur d’Alger.
Notre très cher, très fidèle et grand ami, — Que votre fin
soit heureuse, et que le Seigneur vous dirige dans le sentier de la
droiture et de l’équité ! — Nous vous offrons les perles des priè-
res et les vœux les plus sublimes, nous nous empressons de nous
informer de l’état de votre santé précieuse, et nous formons des
vœux pour la longue durée de Votre Excellence dans ses hautes
fonctions, son bonheur et son bien-être inaltérables. Ainsi soit-
il ! par respect du nom de Jésus, fils de Marie.
Mon très fidèle, très grand et ancien ami, illustre Vizir, pen-
dant que nous étions dans l’attente de vos bonnes nouvelles, une
lettre en date du 25 août, dont Votre Excellence a bien voulu nous
honorer et dont nous sommes infiniment reconnaissant, nous est
AVEC LA COUR DE FRANCE 319
(Sceau)
MOHAMMED,
Dey et Gouverneur d’Alger.
A notre très cher, très fidèle et très grand ami, illustre Vizir
du très puissant et très sincère Roi de France, le plus grand parmi
les Princes chrétiens et le plus illustre des Chefs de la nation du
Messie. — Puissiez-vous avoir une fin heureuse, et être dirigé
dans le chemin de la justice et de la droiture
Après avoir offert à Votre Excellence les perles de nos priè-
res et l’expression de nos vœux sublimes, nous nous empressons
de nous informer affectueusement de l’état de sa santé précieuse,
et nous formons des vœux pour qu’elle puisse demeurer de lon-
gues années dans le poste d’honneur. Ainsi soit-il ! par respect de
Jésus, fils de Marie.
Mon illustre, très cher et très grand ami, voici quel a été le
motif de cette lettre d’amitié que j’adresse à Votre Excellence : il
est évident que l’amitié et les liens de fidélité et d’attachement entre
la France et la Régence d’Alger sont supérieurs à ceux des autres
nations, et nous avons été témoin, plusieurs fois, que vous avez
arrangé et accompli suivant nos désirs les affaires pour lesquelles
nous avions eu recours à vous ; de là nos relations sont devenues
plus étroites et nos rapports plus amicaux. Ainsi, nous vous avons
demandé un fondeur de canons très habile dans son métier et
vous nous l’avez envoyé(1), mais il est mort, et, comme nous vous
l’avons fait savoir, vous nous avez envoyé sans retard le fils du
susdit fondeur, très expert également dans son métier(2). Il a donc
____________________
1. Le mettre-fondeur Dupont.
2. Dupont fils était alors à la tête de la fonderie de Rochefort. C’est lui qui coula
les belles pièces qui se trouvent à l’hôtel des Invalides depuis la conquête de 1830. Le prix
AVEC LA COUR DE FRANCE 321
LOUIS XVI
A BABA MOHAMMED, DEY D’ALGER.
(Sceau)
MOHAMMED,
Dey d’Alger la bien gardée.
(Sceau)
MOHAMMED,
Dey et Gouverneur d’Alger.
Noble Seigneur,
Le Consul de Sa Majesté Impériale à Carthagène(1) m’a
adressé la lettre que vous avez écrite à l’Empereur, mon Maitre(2).
J’ai rendu compte à cet auguste Monarque de son contenu. Sa
Majesté Impériale avait appris avec regret votre disgrâce, et elle
n’avait pas attendu vos représentations pour jeter un œil favora-
ble sur votre sort ; elle m’avait déjà commandé de faire passer à
M. le marquis d’Ossun, son Ambassadeur auprès du Roi d’Es-
pagne(3), l’ordre le plus précis de réclamer votre liberté, celle de
vos gens et la restitution de vos effets, et de demander la punition
____________________
1. M. de Bertellet.
2. Voy. p. 328.
3. Pierre-Paul marquis d’Ossun, Maréchal des camps et armées du Roi, Ambassa-
deur à Naples de 1751 à 1759, à Madrid de 1759 à 1777, et plus tard Ministre d’État.
AVEC LA COUR DE FRANCE 331
SARTINE.
____________________
1. La Cour avait envoyé ait marquis d’Ossun un mémoire fort développé établis-
sant que certaines marchandises d’ennemis, embarquées sur un vaisseau neutre, n’étaient
pas sujettes à confiscation. Le Conseil de l’Amirauté espagnole s’était bien désisté de ses
prétentions sur le vaisseau et l’équipage, mais il avait ordonné la saisie de la cargaison. Le
capitaine Seren avait refusé de revenir « à vide » à Alger, et Sidi Hassan avait été ramené
dans cette ville, le 23 mai 1776, sur un bâtiment anglais. Lettre de de la Vallée au comte
de Sartine, le 24 mai 1776.
2. De la Vallée se plaignit de la mollesse et de la négligence apportées dans
cette affaire par notre Consul à Carthagène et par notre Ambassadeur à Madrid. « Sidi
Hassan a reçu un présent de Sa Majesté Catholique, à laquelle il en renvoie lui-même
un assez beau ; en général les Espagnols ont eu de bons procédés pour lui. Le pays est
dans l’allégresse ; je réserve les détails pour des circonstances plus heureuses, car la joie
n’est pas pour tout le monde; elle n’est pas pour les Français, elle n’est pas assurément
pour moi. Sidi Hassan se plaint beaucoup de la froideur et du peu d’attentions de notre
Consul. Nous sommes amis des Algériens, dit-il, mais seulement à Alger. » Lettres de de
la Vallée au comte de Sartine, les 22 et 24 mai 1776. (Archives des Affaires étrangères,
Consulat d’Alger.)
332 CORRESPONDANCE DES DEYS D’ALGER
LE COMTE DE SARTINE, SECRÉTAIRE D’ÉTAT DE LA MARINE,
A BABA MOHAMMED, DEY D’ALGER.
Cette réquisition ne peut vous avoir été suggérée que par des
personnes peu instruites du droit des gens, et, lorsque vous aurez
mieux réfléchi sur les principes qui fixent, pour toutes les nations,
les bornes de la navigation des bâtiments neutres, je suis persuadé
que vous reviendrez facilement sur les impressions qu’on a voulu
vous donner. Je ne crains pas de vous en rendre juge vous-même,
et vous en déciderez avec l’équité et les lumières supérieures qui
vous distinguent et dont je me suis fait un plaisir de faire l’éloge,
depuis, mon entrée dans le Ministère, au jeune Monarque qui
tient si heureusement les rênes de l’Empire de France.
Je dois vous faire une observation qui vous prouvera mes
bonnes intentions pour vous et vos sujets. Si elles n’étaient pas
telles que je vous les annonce, si l’amitié la plus vraie n’unissait
pas les deux États de France et d’Alger, si j’avais à traiter avec
un Prince dont les intérêts me seraient indifférents, je me bor-
nerais à lui rappeler un article de notre traité, et, comme c’est le
seul lien qui engage les Souverains respectifs, la question serait
décidée.
L’article 17 du traité de 1689 porte expressément que les
Français ne pourront être contraints, pour quelque prétexte que
ce puisse être, à charger sur leurs vaisseaux aucune chose contre
leur volonté ni faire aucun voyage où ils n’auront pas dessein
d’aller. Je n’insisterai pas sur les conséquences nécessaires qui
dérivent de cet article. Il suffirait de défendre aux sujets de l’Em-
pereur de se charger des effets de contrebande, et vous n’auriez
aucun motif de réclamation, parce que vous êtes trop juste pour
vouloir vous écarter des dispositions des traités que vous avez
reconnus et qui obligent également les sujets des deux pays.
Je pourrais même ajouter avec fondement que nous ne som-
mes pas tenu de vous répondre des marchandises ordinaires de
commerce, non de contrebande, appartenant aux Algériens, que
vos ennemis peuvent enlever sur les bâtiments français. Les Al-
gériens ne pourraient s’en prendre, dans l’étroite rigueur, qu’à
leurs ennemis du tort que ceux-ci leur font et non aux Français.
Notre traité ne nous rend pas garant des entreprises de ce genre
334 CORRESPONDANCE DES DEYS D’ALGER
Je crois devoir vous informer aussi qu’il nous a été dit par
divers Algériens, marchands et autres, que vos Capitaines fai-
saient des difficultés, sans aucun prétexte plausible, pour fréter
leur navire pour le compte des Algériens, difficultés qui sont
contraires aux usages reçus(1). Dans la supposition qu’une défen-
se expresse de votre part pourrait y avoir donné lieu, nous vous
prions de la lever et d’ordonner, au contraire, à tous vos Capitai-
nes marchands qui se trouvent en Turquie, à Alexandrie et partout
ailleurs, de continuer à contracter des frets avec nos marchands
pour des chargements connus, et de ne jamais refuser de prendre
un certain nombre de personnes moyennant un fret raisonnable.
Nous vous prions de donner vos soins à, cet article.
Traduit par RUFFIN, Secrétaire-interprète du Roi, le 17 septembre 1776.
____________________
1. Le refus de M. de Saint-Priest de laisser embarquer des munitions de guerre sur
les bâtiments français avait motivé cette réclamation du Dey. « Il n’y avait pas moyen de
la lui faire abandonner, disait notre Consul, car il ne pouvait comprendre nos distinctions
relatives aux marchandises de contrebande. Mohammed était, il est vrai, dans le plus
grand embarras pour faire venir à Alger les munitions de guerre que nous n’avions pas
voulu embarquer à Constantinople. Voy. Lettre de de la Vallée au comte de Sartine, le 30
juin 1776. (Archives des Affaires étrangères, Consulat d’Alger.)
AVEC LA COUR DE FRANCE 341
LE COMTE DE SARTINE, SECRÉTAIRE D’ÉTAT DE LA MARINE,
A BABA MOHAMMED, DEY D’ALGER.
tout ce que vous pouvez désirer d’eux justement, et ils iront tou-
jours au-devant de ce qui pourra vous faire plaisir. J’ai chargé
les Consuls de Sa Majesté Impériale résidant dans les différents
ports de le leur recommander de ma part.
Après m’être occupé de ce qui peut regarder les sujets res-
pectifs des deux États, je dois vous témoigner toute la sensibilité
que j’ai ressentie, en apprenant par vous-même tout l’intérêt que
vous prenez à ma santé et à la gloire de mon Ministère. Je fais les
vœux les plus sincères pour la prospérité de vôtre Gouvernement,
et je regarderai toujours comme des jours heureux pour moi ceux
où je pourrai vous assurer de la bienveillance de l’Empereur, et
vous donner des preuves des sentiments distingués avec lesquels
je suis plus parfaitement que personne au monde,
Très illustre et magnifique Seigneur,
Votre très parfait et sincère ami.
SARTINE.
(Sceau)
MOHAMMED,
Dey et Gouverneur d’Alger.
(Sceau)
MOHAMMED,
Dey et Gouverneur d’Alger d’Afrique.
Dans le moment où j’attendais avec la plus vive impatience
des nouvelles de votre santé, la lettre dont vous m’avez honoré(1)
m’est parvenue le 21 de mai; elle m’a été remise par le Capitaine
de la frégate(2) qui a conduit ici M. de la Vallée, Consul de France.
Comment vous exprimer ma sensibilité pour tous les témoignages
d’amitié qu’elle renferme ? Je sens tout le prix de vos bontés, et
des efforts généreux que votre amitié vous a engagé à faire en ma
faveur ; je vous en rends de très vives actions de grâce. J’ai appris
que le glorieux Empereur de France, notre grand ami, faisait armer
toutes ses flottes impériales(3), et j’ai adressé dans cette occasion
mes vœux les plus ardents au Maître de l’univers, pour qu’il dai-
gne protéger et favoriser les entreprises de ce Monarque.
____________________
1. Voy. p. 352.
2. Le chevalier de Bonneval, commandant L’Alcmène.
3. Voy. les notes 2 et 3, p. 352.
356 CORRESPONDANCE DES DEYS D’ALGER
(Sceau)
MOHAMMED,
Dey et Gouverneur d’Alger.
Impériale, dont le cas n’était pas aussi favorable que celui des
trois autres, en un mot toutes les preuves d’amitié et de désinté-
ressement que vous avez données dans cette circonstance se trou-
vaient réunies sous l’aspect le plus avantageux dans le compte
que M. de la Vallée en a rendu, et rien n’a échappé à l’attention
du Vizir. En appréciant la sagesse des principes d’après lesquels
vous avez renoncé au prix d’une propriété annulée par les traités,
Son Excellence n’a pu voir sans regret ce sacrifice de votre part,
quelque juste qu’il soit en lui-même, et elle a fait valoir auprès
de Sa Majesté Impériale le service que vous avez en même temps
rendu à un de ses sujets qui, pris sous le pavillon et à la solde
d’une Puissance ennemie d’Alger, n’a dû sa liberté qu’à votre
dextérité à profiter de la disposition favorable des esprits. L’Em-
pereur, mon Maître, satisfait de ce procédé qui prouve votre at-
tachement pour les Français, a ordonné à son Ministre de le faire
reconnaître par quelque bienfaisance. C’est à ce titre, très illustre
et magnifique Seigneur, que Son Excellence me charge de vous
faire présenter en son nom une montre d’or enrichie de diamants.
Elle m’enjoint de vous ajouter que vous pouvez en toute occasion
compter sur son amitié pour vous, et assurer le Dey de la haute
estime que les vertus de ce Prince lui ont inspirée. Vous ne devez
point douter de la satisfaction que je trouve dans l’exécution qui
m’est confiée de cette agréable commission. Je me flatte que M.
de la Vallée, qui doit vous remettre cette lettre amicale, ne vous a
pas laissé ignorer mon empressement à concourir, en tout ce qui
dépend de moi, aux avantages communs de la France et d’Alger,
et à ce qui peut resserrer de plus en plus les liens qui unissent les
sujets respectifs des deux Empires. Je n’ai d’autre mérite à cela
que celui de cultiver les heureuses dispositions du Vizir, mais je
peux vous assurer avec vérité que je n’ai négligé aucune occasion
de les mettre en évidence.
Je réclamerais sur ce point le témoignage des Algériens qui,
réfugiés l’année passée dans la rade de Toulon, y éprouvèrent
tous les bons traitements que dés peuples amis se doivent ré-
ciproquement et furent reconduits à Alger sur une des frégates
AVEC LA COUR DE FRANCE 363
(Sceau)
MOHAMMED,
Dey et Gouverneur d’Alger d’Afrique.
Le plus considéré parmi les Grands de la croyance de Jésus
et le plus distingué parmi ceux de la nation du Messie, le très
honoré, très illustre et très sincère ami le Vizir de l’Empereur de
France, — dont la fin soit heureuse ! —
Après vous avoir offert nos vœux et nos saluts les plus sin-
cères, nous nous informons de l’état de votre santé à laquelle nous
____________________
1. Voy. la note 1, p. 367.
364 CORRESPONDANCE DES DEYS D’ALGER
Monsieur,
J’ai reçu, avec la lettre que vous m’avez fait l’honneur de
m’écrire, la montre enrichie qui y était incluse(1). M. de la Vallée
me l’a remise. Je vous prie d’en agréer mes remercîments bien
sincères.
Je suis très sensible, Monsieur, à tout ce que votre lettre
renferme d’obligeant pour moi. Je serai toujours fort empressé à
vous donner des marques de mon amitié et de ma reconnaissan-
ce. Vous ne sauriez, dans le moment, m’obliger davantage que de
vous intéresser auprès du Vizir pour amener les différends entre
vous et nous à une heureuse fin. De mon côté je ne négligerai rien
pour y concourir. Je désire cordialement que votre cœur trouve
un moyen d’aplanir les difficultés qui pourraient s’opposer à une
heureuse réconciliation entre les deux nations ; mes vœux seront
accomplis si j’apprends que la bonne harmonie si nécessaire en-
tre des anciens amis ne sera point troublée(2).
J’ai l’honneur d’être avec le plus sincère attachement,
Monsieur,
Votre très humble et obéissant serviteur.
SIDI HASSAN,
Vekilhardji de la Marine d’Alger.
____________________
1. Voy. p. 361.
2. Allusion à l’affaire du mis Cadoucy. Voy. la note 1, p. 367.
366 CORRESPONDANCE DES DEYS D’ALGER
LOUIS XVI
A BABA MOHAMMED, DEY D’ALGER.
pour vous porter cette lettre(1). Vous pouvez donner une entière
créance aux arrangements qu’il doit vous proposer de la part de
Sa Majesté Impériale. Vous y verrez les dispositions où elle est de
terminer amiablement, par des compensations justes et récipro-
ques, des démêlés dont les suites funestes doivent être prévues,
et je me flatte, si vous n’écoutez que la voix de l’équité et j’ose
dire celle de votre propre bonheur, que vous vous empresserez de
faciliter l’objet de sa mission, et de remettre entre ses mains une
réponse précise et catégorique sur tous les points qu’il est char-
gé de discuter, afin que Sa Majesté Impériale sache évidemment
sur quoi compter. Il est essentiel que vous combiniez avec votre
sagesse ordinaire vos délibérations dans une circonstance aussi
sérieuse, parce qu’elles doivent décider ultérieurement de celles
de la France. Tous mes vœux seront remplis, si vous n’y laissez
rien dont Sa Majesté Impériale ne puisse être satisfaite, et qui ne
tende à faire échouer à jamais les sinistres projets de ceux qui ont
pu susciter des contestations aussi vives entre nous.
Je dois vous prévenir que le sieur de la Vallée n’a cessé de
solliciter, depuis la perte de sa femme, un changement de rési-
dence, afin de n’avoir plus devant les yeux des objets qui lui en
rappellent à chaque instant le triste souvenir(2). Sa Majesté Impé-
____________________
1. Voy. État de la dépense faite d’ordre de M. de la Vallée, Consul général de
France à Alger, à l’occasion de l’arrivée en cette rade de la frégate du Roi La Boudeuse,
commandée par M. de Martinenq, le 24 janvier 1782.
2. Voy. Lettre de de la Vallée au marquis de Castries, le 29 mai 1781. — Outre
ses chagrins de famille, il avait à cette époque des difficultés fort graves avec les esclaves
français. Ceux-ci, retenus au Beylik au nombre de 317, pour la plupart déserteurs d’Oran,
avaient rendu le Consul et les Pères de la Mission responsables de leurs souffrances. Le
29 octobre 1781, le P. Cosson, Vicaire apostolique, avait été frappé de plusieurs coups de
couteau par l’un de ces malheureux, et notre agent avait été menacé de subir bientôt le
même sort. La Cour de Louis XVI eut pitié de ces esclaves, dont la misère et les tortures
excusaient le désespoir. Elle ordonna une quête générale dans le Royaume, et fit porter
à Alger leur rançon s’élevant à 573 094 l. — Voy. Liste des Français esclaves à Alger
provenant d’Oran, — Relation de la tentative d’assassinat du Vicaire apostolique, par de
la Vallée, le 20 novembre 1781, — Mémoire pour mon successeur, par de la Vallée, le 30
novembre 1781, — Liste des Français rachetés et embarqués sur la frégate du Roi La
Minerve, commandée par le chevalier de Ligondez, le 25 juin 1785, — État de la dépense
faite d’ordre de M. de Kercy, Consul général de France à Alger, à l’occasion de l’arrivée
en cette rade de la frégate du Roi La Minerve, commandée par le chevalier de Ligondez,
AVEC LA COUR DE FRANCE 369
(Sceau)
MOHAMMED,
Dey et Gouverneur d’Alger la bien gardée.
A notre cher, grand et fidèle ami, l’illustre et glorieux Vizir
du puissant et fortuné Roi de France, notre auguste ami, le plus
illustre des Princes qui professent la religion de Jésus, le plus
grand parmi les Grands de la nation du Messie. — Puissiez-vous
avoir une fin heureuse, et être dirigé dans le chemin de la justice
et de la droiture ! —
Après avoir offert à Votre Excellence les perles des prières
sublimes, et présenté les vœux et l’expression de notre très sincère
____________________
1. Le traité de 1689, confirmé plutôt que renouvelé en 1719, était limité à cent ans,
et pouvait par conséquent être dénoncé en 1789. — Voy. Lettre de de la Vallée au comte
de Sartine, le 1er décembre 1779.
AVEC LA COUR DE FRANCE 371
SIDI HASSAN,
Intendant de la Régence d’Alger la bien gardée.
Traduit par SAGHIRIAN, Répétiteur de turc à l’École des langues orientales.
____________________
1. Jean-Baptiste-Michel Guyot de Bercy, ancien Vice-Consul à Rosette et à Da-
miette, ancien Consul à La Canée et Consul général en Morée, fut nommé en cette qualité
à Alger le 2 septembre 1781. Il y arriva le 15 septembre 1782, sur la frégate La Pléyade,
commandée par M. de Bessay. — Voy. État de la dépense faite d’ordre de M. de Kercy,
Consul général, à l’occasion de l’arrivée en cette rade de la frégate du Roi La Pléyade,
de celle de M. de Kercy, nouveau Consul, et du départ de M. de la Vallée, son prédéces-
seur, le 25 septembre 1782, — Compte des présents faits à Alger, le 16 septembre 1782,
ci : 20 022 l., — Mémoire sur l’Échelle d’Alger, par de Kercy, le 31 décembre 1783, —
Lettres du marquis de Castries à de la Vallée et de Kercy, les 21 juillet, 30 octobre et 22
décembre 1782. (Archives des Affaires étrangères, Consulat d’Alger.) — Voy. aussi la
correspondance de de Kercy avec les Échevins de Marseille. (Archives de la Chambre de
commerce de Marseille, S. AA, 477-491 de l’Inventaire.)
376 CORRESPONDANCE DES DEYS D’ALGER
LE MARQUIS DE CASTRIES, SECRÉTAIRE D’ÉTAT DE LA MARINE,
A BABA MOHAMMED, DEY D’ALGER.
(Sceau)
MOHAMMED,
Dey et Gouverneur d’Alger d’Afrique.
(Sceau)
MOHAMMED,
Dey et Gouverneur d’Alger.
Au premier et grand Ministre de Sa Majesté Impériale le
puissant Roi de France, notre cher et illustre ami le comte de
Montmorin. — Que Dieu couronne dignement sa carrière, dirige
ses pas dans le chemin de la justice et de la droiture, et exauce
tous ses vœux pour le bien de ses sujets ! — Salut et prières !
(Sceau)
MOHAMMED,
Dey et Gouverneur d’Alger en Afrique.
convenu avec vous. J’ai cru que le choix qui a été fait des sieurs
de Kercy et Venture vous serait aussi agréable qu’il doit être
avantageux respectivement pour les deux pays au succès de la
commission dont ils sont chargés, et j’en attends la plus heureuse
issue. Je m’en repose sur vos sentiments et sur votre équité, et
j’ai la plus grande impatience de savoir qu’il ne reste plus entre
nous que des sujets de satisfaction, ainsi que j’ai lieu de l’espérer
des propositions qu’il a plu à Sa Majesté Impériale de vous faire
faire, par l’entremise du sieur de Kercy, sur vos dernières récla-
mations. Elles vous disposeront sans doute à avoir égard aux nô-
tres, et à adopter l’arrangement que j’ai imaginé pour en prévenir
de semblables à l’avenir.
La nation française est naturellement attachée à la prospé-
rité de votre Gouvernement ; elle voudrait faire cesser jusqu’au
moindre prétexte des démêlés qui sont survenus par le passé. J’y
contribuerai en tout ce qui sera en mon pouvoir, et je vous offre
de bon cœur, avec mes services, l’assurance du désir que j’ai de
vous marquer efficacement, en toute rencontre, la haute considé-
ration avec laquelle je suis plus cordialement que personne,
Très illustre et magnifique Seigneur,
Votre très parfait et sincère ami.
LA LUZERNE.
LOUIS XVI
A BABA MOHAMMED, DEY D’ALGER.
santé est fort altérée depuis quelque temps, et comme elle est pré-
cieuse au service de Sa Majesté Impériale, je me propose de lui
obtenir un congé pour venir respirer l’air natal, lorsque tout sera
terminé. Quant au sieur Venture, il n’est que passagèrement à Al-
ger, et a des fonctions à remplir auprès de Sa Majesté Impériale
qui obligent à le faire revenir ; le chevalier de Sainneville a ordre
de le ramener avec lui, et de laisser à sa place le sieur Sielve(1) si
le sieur de Kercy a besoin d’un interprète.
Daignez agréer avec votre bonté ordinaire mes vœux pour
votre conservation. Ils me sont inspirés par l’attachement et la
considération distinguée avec lesquels je suis plus cordialement
et plus véritablement que personne au monde,
Très illustre et magnifique Seigneur,
Votre très parfait et sincère ami.
LA LUZERNE.
(Sceau)
MOHAMMED,
Dey et Gouverneur d’Alger.
A Sa Majesté Louis, l’élite des Monarques chrétiens, le plus
glorieux des Grands parmi les nations de la croyance du Messie,
le très auguste, très sincère, très affectionné Empereur de France,
notre grand et ancien ami. — Puisse son existence être comblée
de bénédictions ! Daigne le Ciel le diriger sans cesse dans le che-
min de la droiture ! —
Après avoir offert à Votre Majesté les vœux les plus ardents
et les expressions de l’amitié la plus pure, notre premier devoir
____________________
1. Joseph-Charles Astoin-Sielve, qui fut nommé Chancelier du Consulat d’Alger
le 27 mars 1790. Voy. sa correspondance avec les Échevins de Marseille. (Archives de la
Chambre de commerce de Marseille, S. AA, 492-506 de l’Inventaire.)
AVEC LA COUR DE FRANCE 393
(Sceau)
MOHAMMED,
Dey et Gouverneur d’Alger.
(Sceau)
MOHAMMED,
Dey et Gouverneur d’Alger.
ou leur valeur, dans le cas où par hasard il aurait été vendu ou dé-
naturé. Je voudrais que le nouveau Consul pût amener avec lui cet
équipage, et vous garantir la certitude de la restitution de la prise.
Mon empressement à satisfaire aux plaintes que vous m’avez por-
tées sur ces deux infractions vous prouvera, très illustre et magni-
fique Seigneur, combien j’ai à cœur de ne laisser subsister entre
nous aucun nuage qui puisse troubler la paix et l’union des deux
nations. Mais je me persuade que vous reconnaîtrez des disposi-
tions si amicales par un juste retour, en ordonnant à vos, corsaires
de respecter la nouvelle démarcation des limites assignées à leurs
courses sur nos côtes, et en leur enjoignant de s’en écarter et de
se tenir en haute mer. Car je ne vous dissimulerai pas que, dans
toute autre circonstance que celle d’une violation de territoire
aussi caractérisée que celle qui avait remis au pouvoir des Napo-
litains le bâtiment repris près la rade de Toulon, je n’aurais pu me
dispenser d’écouter leurs représentations sur l’illégitimité de la
prise qu’en avait faite d’abord votre corsaire. Ils m’ont produit en
effet des dépositions très nombreuses, par lesquelles il était prou-
vé que le premier s’en était emparé à la portée du canon. Mais la
manière scandaleuse et révoltante dont ils ont cherché à se rendre
justice leur a fermé tout accès auprès de Sa Majesté Impériale,
qui n’a plus consulté dans cette occasion que la nécessité de ven-
ger l’immunité blessée de son territoire, et d’affranchir des suites
de cette violation ceux de vos sujets qui en ont été les victimes.
A l’arrivée du successeur de M. de Kercy, vous vous convaincrez
encore mieux, par les ordres qu’il aura de terminer radicalement
toutes ces affaires et celles, plus anciennes, que la négociation
du dernier Envoyé du Roi a laissées en suspens, de la sincérité
du désir qu’a Sa Majesté Impériale d’entretenir la bonne intelli-
gence si heureusement cimentée par le renouvellement du traité,
et des sentiments qui m’animent pour la prospérité mutuelle des
deux nations, ainsi que de l’attachement et de la considération
distinguée avec lesquels je suis,
Très illustre et magnifique Seigneur,
Votre très parfait et sincère ami.
LA LUZERNE.
AVEC LA COUR DE FRANCE 401
LE COMTE DE LA LUZERNE, SECRÉTAIRE D’ÉTAT DE LA MARINE,
A BABA. MOHAMMED, DEY D’ALGER.
(Sceau)
MOHAMMED,
Dey et Gouverneur d’Alger la bien gardée.
A l’élite des Commandants chrétiens, le plus illustre des
Grands qui professent la religion du Messie, le Ministre de la
Marine de l’Empereur de France, notre glorieux et très fidèle
ami. — Que le Ciel vous accorde une heureuse fin, et vous dirige
sans cesse vers les sentiers de la droiture et du salut ! —
Après vous avoir offert l’hommage de nos prières pour vo-
tre conservation et de nos vœux pour votre bonheur, nous avons
l’honneur de vous notifier que, dans les premiers jours du mois de
janvier, nous avons reçu la dépêche pleine d’expressions d’ami-
tié que vous nous avez écrite le 19 décembre dernier(1). Cette let-
tre nous a été remise par votre nouveau Consul, arrivé sur un de
vos armements(2). Vous ne devez pas douter de la joie sincère que
nous ont causée vos agréables nouvelles. Le choix que l’Empe-
reur de France a fait de Votre Excellence, pour lui confier des
fonctions aussi importantes et aussi délicates que celles d’un si
vaste Département, nous est un garant infaillible des éminentes
qualités qui la distinguent et de ses dispositions à maintenir la
bonne harmonie qui subsiste si heureusement entre la France et la
____________________
1. Voy. p. 402.
2. Vallière vint prendre possession de son poste le 15 janvier 1791, sur la frégate
La Poulette, commandée par. M. de Brueys. Voy. État de la dépense faite d’ordre de M.
de Kercy à l’occasion de la venue à Alger de la corvette du Roi La Poulette, commandée
par M. de Brueys et sur laquelle est arrivé M. Vallière, — État des présents distribués en
janvier 1791 par M. Vallière, à son installation au Consulat d’Alger, au Dey, aux officiers
et aux autres personnes de la Régence, soit à 92 personnes, ci : 48 477 l., 10 s., — Lettres
de Vallière au comte de Fleurieu, les 15, 20 janvier et 18 février 1791. (Archives des Af-
faires étrangères, Consulat d’Alger.)
AVEC LA COUR DE FRANCE 405
LOUIS XVI
A SIDI HASSAN, DEY D’ALGER.
(Sceau)
HASSAN,
Dey et Gouverneur d’Alger la bien gardée.
Nous nous acquittons avant tout du premier devoir de l’ami-
tié, et nous prenons la liberté de nous informer de l’état de la
santé de Votre Majesté Impériale. — Puisse-t-elle éternellement
____________________
— Journal de Jean-Jacques Doumergue, capitaine de navire, passager sur la frégate La
Modeste, commandée par M. de Missiessy, chargé par le Roi de terminer les différends
qui existent entre la France et la Régence, — Exposé des faits relatifs à l’affaire d’Alger,
— Lettre de M. de Missiessy au comte Bertrand, le 19 novembre 1791, rendant compte de
sa mission. (Archives des Affaires étrangères, Consulat d’Alger.)
414 CORRESPONDANCE DES DEYS D’ALGER
jouir, sur le trône qu’elle orne de ses vertus, des douceurs d’un
règne aussi glorieux que fortuné ! — C’est une faveur que nous
demandons à Dieu par les mérites de Jésus, fils de Marie, qui a eu
le bonheur de parler au Maître suprême des mondes.
Si, par un sentiment d’estime réciproque et d’après la douce
habitude que Votre Majesté Impériale en a contractée, elle dai-
gnait désirer des nouvelles de ma santé, j’aurais l’honneur de lui
répondre que, grâce au Très-Haut, mon existence à la date de la
présente lettre est au point du plus parfait équilibre, et que j’en
emploie tous les instants au service de mon glorieux Souverain et
à la prière pour sa conservation. J’ajouterais que je fais aussi des
vœux pour que le Ciel vous accorde, très formidable Empereur
de France, de longs jours et une perpétuité de bonheur.
La dépêche pleine de bonté que Votre Majesté Impériale
a bien voulu m’adresser, à l’occasion de mon avènement à la
suprême dignité de Dey, m’est parvenue(1), et j’y ai vu avec une
satisfaction inexprimable les termes aussi honorables qu’énergi-
ques dont elle a daigné se servir pour me témoigner sa joie de
cet événement, et tous les bons souhaits qu’elle veut bien former
pour moi. J’attache le plus haut prix à cette marque touchante de
sa bienveillance, et j’en augure pour moi de nouvelles preuves à
l’avenir. Je suis intimement convaincu de la solidité de ce senti-
ment, qui sera éternel, et je me hâte d’y répondre par les assuran-
ces de mon zèle à le justifier en toute occasion. Je me flatte qu’en
les accueillant avec bonté, vous m’honorerez de votre précieux
souvenir.
C’est du devoir de tous les nouveaux Deys d’envoyer à la
Sublime Porte une Ambassade et des présents. Le pavillon fran-
çais, étant le plus sûr et le plus généralement estimé, a toujours
été préféré aux autres pour ces commissions importantes. D’après
ces deux considérations, j’avais pris la liberté de faire demander
à Votre Majesté Impériale un de ses vaisseaux pour le transport à
Constantinople de mon Ambassadeur et de mes présents. Cepen-
dant le terme fixé s’étant écoulé, le vaisseau promis ne parvenant
____________________
1. Voy. p. 408.
AVEC LA COUR DE FRANCE 415
(Sceau)
HASSAN,
Dey et Gouverneur d’Alger la bien gardée.
A Son Excellence le Premier Ministre et Grand Vizir de Sa
Majesté l’Empereur de France, notre auguste ami, le plus grand
parmi les Princes chrétiens et le plus illustre des Chefs de la na-
tion du Messie.
Notre très cher, très fidèle et ancien ami, — Que Dieu vous
accorde une fin heureuse, et vous dirige dans les sentiers de la
droiture et de l’équité ! Après avoir présenté à Votre Excellence
l’expression de nos vœux et de nos prières, nous nous empres-
sons de nous informer de l’état de votre santé, et nous vous sou-
haitons, avec une longue vie, la jouissance d’un bonheur constant
au sein de toutes les prospérités. Ainsi soit-il !
AVEC LA COUR DE FRANCE 417
HASSAN,
Dey et Gouverneur d’Alger.
Au plus grand des Chefs chrétiens, l’illustre Ministre de la
Marine de l’auguste Empereur de France, notre très fidèle et sin-
cère ami.
Après vous avoir offert nos compliments les plus empressés
et nos vœux habituels pour votre conservation, et après nous être
amicalement informé de votre santé, nous vous faisons savoir que
la dépêche que vous avez eu l’amitié de nous adresser(2) nous est
parvenue, et que nous avons également apprécié les sentiments
____________________
1. Voy. la note 3, p. 401.
2. Voy. p. 419.
422 CORRESPONDANCE DES DEYS D’ALGER
(Sceau)
HASSAN,
Dey et Gouverneur d’Alger.
(Sceau)
HASSAN,
Dey et Gouverneur d’Alger.
Princes des Princes de la nation de Jésus, Grands des Grands
du peuple du Messie, nos très honorables et très sincères amis les
Ministres et Administrateurs de la République française, après
nous être convenablement informé de la santé de chacun de vous
en particulier, nous vous exposons avec sincérité ce qui suit :
Nous venons de recevoir la lettre amicale que vous nous
avez adressée(3), lettre dont les paroles sincères ont pour but de
nous annoncer en même temps les changements survenus par la
volonté du Très-Haut dans l’organisation du Gouvernement fran-
çais, les dispositions d’après lesquelles vous avez été chargés de
____________________
1. Pierre-Hélène-Marie Lebrun-Tondu, Ministre des Affaires étrangères du 10
août 1792 au 21 juin 1793. Il avait été auparavant précepteur à Liège, puis imprimeur et
publiciste.
2. Voy. la note 1, p. 435.
3. Voy. p. 435.
AVEC LA COUR DE FRANCE 437
(Sceau)
HASSAN,
Dey et Gouverneur d’Alger d’Afrique.
Citoyens,
J’ai écrit d’autres lettres aux Représentants du peuple en
mission à Marseille par lesquelles je leur ai recommandé Jacob
Cohen Bacri, négociant chargé de mes commissions(2). La présente
____________________
1. Après de nombreuses discussions, Herculais dût accorder au protégé du Dey une
indemnité de 100 000 livres en échange de ses biens confisqués, « moyennant quoi l’émi-
gré Meifrund s’engagea à se retirer en Espagne avec sa famille, et déclara n’avoir plus rien
à réclamer ». Voy. Lettre de citoyen de Lacroix au citoyen Herculais, le 15 prairial an IV.
2. Michel Cohen Bacri, Juif de Livourne, avait fondé à Alger une maison de com-
merce qui avait pris en peu d’années une extension considérable, et n’avait pas tardé à s’in-
sinuer dans les bonnes grâces de tous les principaux officiers de la Régence. Lorsque son fils
Jacob vint s’établir à Marseille, le Gouvernement français devait à ces négociants pour plus
de deux millions de grains fournis aux municipalités, à la Marine ou aux munitionnaires de
nos armées par l’intermédiaire de l’Agence d’Afrique. Ils avaient associé à leurs affaires un
autre Juif, nommé Nephtali Busnach, et ils entretenaient à Paris un de leurs employés, Simon
452 CORRESPONDANCE DES DEYS D’ALGER
Citoyens Représentants,
Votre chère lettre du 18 pluviôse(1) nous a été remise par
votre Consul, le citoyen Jeanbon Saint-André
Nous apprenons avec la plus douce satisfaction par vous-mê-
mes, Citoyens Représentants, les brillantes victoires remportées
par vos armées(2). Notre sujet, Simon Abucaya, qui a l’honneur
de se trouver auprès de vous, n’a pas laissé de nous informer de
temps en temps des succès de vos vaillants guerriers, commandés
par des Chefs dignes de votre estime et de votre confiance. La
simple énumération de vos conquêtes fait l’éloge de vos troupes,
et nous observons que la Corse est rentrée derechef sous votre
domination.
Il nous a été agréable de recevoir cette nouvelle officielle-
ment, au moment de la sortie de nos corsaires, qui ont les ordres
les plus précis de respecter tous les bâtiments corses qui navigue-
ront sous le pavillon de la République française, et qui se trouve-
ront munis de passeports français.
Bacri et Busnach, nos sujets, nous ont fait part du rapport
très mal fondé qui vous a été fait, sur ce que nous aurions ac-
____________________
1. Voy. p. 460.
2. Voy. p. 461.
AVEC LA COUR DE FRANCE 463
neutres, mais que vous donneriez l’entrée à celles faites sur les Anglais.
Cette détermination ne nous semble point conforme à l’es-
prit de nos traités. L’admission de nos prises anglaises ne balance
point pour nous le désavantage que peut nous causer votre refus de
donner l’entrée à. nos prises neutres, puisque le commerce d’An-
gleterre dans la Méditerranée ne se fait que sur bâtiments neutres et
qu’aucun bâtiment marchand ne s’y montre sous pavillon anglais;
ils paraissent ici spécialement favorisés, eux qui n’ont cessé de
saisir toutes les marchandises destinées pour la France sans égard
pour aucun pavillon. Ce n’est qu’après plusieurs années d’une pa-
tience inutile que nous avons pris le parti d’user de représailles,
et certes il n’y a rien là d’offensant pour les neutres, puisque leurs
propriétés restent intactes dans nos mains. C’est seulement la
propriété ennemie que nous attaquons, c’est elle seule que nous
saisissons. Lorsque les papiers de bord établissent d’ailleurs bien
clairement la neutralité du bâtiment, il est relâché; si au contraire
sa neutralité n’est pas bien prouvée, alors il est lui-même saisi. La
présence d’objets de contrebande ne change pas nos principes; ils
sont d’abord confisqués et c’est un usage généralement adopté par
toutes les Puissances maritimes, mais le bâtiment reste toujours
libre avec le surplus de son chargement qui n’est pas propriété
ennemie, si d’ailleurs ses papiers sont en règle.
Si les neutres pouvaient se plaindre de cette conduite, toute
mesurée qu’elle est, nous serions fondés à leur répondre qu’elle
trouve son autorisation dans la faiblesse avec laquelle ils ont lais-
sé violer leur neutralité par les Anglais. Ont-ils toujours respecté
la vôtre ? Deux de leurs bâtiments ont en dernier lieu arraché à
l’un de vos corsaires une frégate, dont ils se sont emparés après
un combat opiniâtre dans lequel plusieurs Algériens ont été tués
et beaucoup d’autres blessés ; ils ont de plus arrêté deux bâti-
ments de votre domination, l’un chargé à l’île de France pour
Livourne, l’autre chargé de blé à Bône. Ce dernier a été conduit
à Porto-Ferrayo où ils l’ont confisqué.
D’après cet exposé, nous sommes convaincus que vous ré-
voquerez l’ordre, surpris à votre religion, par lequel vous fermez
466 CORRESPONDANCE DES DEYS D’ALGER
vos ports aux prises neutres qui pourraient y être conduites par
nos corsaires(1) ; c’est une satisfaction que nous vous demandons
comme conforme à l’esprit de nos traités, aux sentiments d’ami-
tié qui existent entre vous et la République française, comme
convenable enfin à votre dignité sans cesse blessée par les An-
glais. Eux seuls restent aujourd’hui nos ennemis ; des conditions
préliminaires de paix ont été signées entre la République fran-
çaise et l’Empereur d’Allemagne ; elles seront sans doute bientôt
suivies d’un traité définitif(2). L’Angleterre, ainsi abandonnée de
tous les coalisés, paraît vouloir enfin mettre un terme aux hosti-
lités, et déjà des Commissaires sont de part et d’autre nommés
pour entrer en négociation. Puissent leurs conférences rendre la
paix à l’Europe ! C’est notre vœu bien sincère, mais, jusqu’à ce
qu’il soit rempli, nous devons conserver une attitude défensive,
et nous insistons en conséquence pour que toutes nos prises in-
distinctement soient admises dans vos ports.
Fait à Paris, au Palais national du Directoire exécutif, le 16
messidor de l’an V de la République française, une et indivisi-
ble.
Par le Directoire exécutif :
Le Ministre des relations extérieures,
TALLEYRAND(3).
____________________
1. Les représentations de notre agent furent accueillies sans discussion, et Hassan
s’excusa même, en invoquant la crainte de la peste, sur le motif qui l’avait porté à. refuser
l’entrée de ses ports aux prises neutres. Voy. Lettres du citoyen Jeanbon Saint-André au
citoyen de Lacroix, les 24 messidor an V et 20 brumaire an VI.
2. Les Préliminaires de Léoben, signés le 18 avril 1797.
3. Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, prince de Bénévent, Évêque d’Autun
en 1789, Député à l’Assemblée constituante, Ambassadeur à Londres en 1792, 4 fois Mi-
nistre des affaires étrangères, du 19 juillet 1797 au 19 juillet 1799, du 22 novembre 1799
au 11 juin 1807, du 13 mai au 10 septembre 1814, enfin du 8 juillet 1815 au 23 septembre
1816, et Ministre plénipotentiaire à Londres de 1830 à 1834.
AVEC LA COUR DE FRANCE 467
LE DIRECTOIRE EXÉCUTIF DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
A SIDI HASSAN, DEY D’ALGER,
ANCIEN AMI ET ALLIÉ DU PEUPLE FRANÇAIS.
Citoyens Représentants,
Nous avons reçu avec un grand plaisir votre lettre du 16
messidor dernier(2), dans laquelle vous nous faites part des ordres
que vous avez donnés à votre Consul Jeanbon Saint-André de
faire repartir pour un autre pays les prises neutres que vos cor-
saires ont conduites ici. Ces ordres arrivèrent à l’époque où nous
approchions de la peste, et si nos sujets eussent fait acquisition
des effets de ces prises, et qu’il fût mort quelqu’un de ceux qui
auraient acheté de ces marchandises, nous aurions eu des casse-
têtes pour les payements. On avait donc jugé qu’il était à propos
que ces ordres fussent donnés à votre Consul, pour éviter tout
inconvénient entre nous.
____________________
1. L’original est en langue italienne.
2. Voy. p. 464.
AVEC LA COUR DE FRANCE 469
Citoyens Directeurs,
suadés que le choix que nous avons fait de lui vous sera agréa-
ble, et qu’il saura mériter par sa conduite votre amitié et votre
confiance. Nous lui donnons l’ordre de vous assurer de notre
attachement et de notre estime, et nous le chargeons en même
temps de vous présenter cette lettre, pour l’accréditer auprès de
votre personne en qualité de Consul général et Chargé des affai-
res de la République française. Vous pouvez, en conséquence,
ajouter entière foi et créance à tout ce qu’il vous dira en notre
nom, soit pour le bien du service dont il est chargé et les intérêts
des Français dans votre pays, soit pour le maintien de la bonne
intelligence si heureusement établie entre les deux nations. Re-
cevez ici de nouveau, illustre et magnifique Seigneur, l’assurance
de notre haute considération, et l’expression sincère de nos vœux
pour votre prospérité et celle des États que vous gouvernez.
Donné à Paris, au Palais du, Directoire exécutif, le 26 fri-
maire an VI.
Par le Directoire exécutif :
Le Ministre des relations extérieures,
TALLEYRAND.
____________________
avaient été dévastées, et Jean-François Moltedo, son frère, Député à la Convention, avait
demandé pour lui un dédommagement pour les pertes qu’il avait subies en servant la Ré-
publique. Il fut conduit à son poste sur la frégate L’Altesse, commandée par le capitaine
Bané, et y arriva le 18 floréal an VI. Il ne tarda pas à se voir aussi mal vu que son pré-
décesseur, en raison de son obstination à ne pas donner de présents, et fut même insulté
publiquement dans les rues d’Alger. Le Dey lui refusa la liberté de plusieurs esclaves
italiens réclamés par le Directoire, et l’obligea à changer la résidence du Consulat, sous
prétexte qu’il était désireux d’y loger ses femmes. Nos représentants occupaient cette
maison depuis 112 ans, et payaient un loyer annuel de 100 piastres et 5 pics de drap à la
famille d’Ismaël-reïs qui en était propriétaire. « Si je ne craignais, écrivait Moltedo, de
compromettre les vues de mon Gouvernement, je pourrais bien prendre tout ceci pour un
honnête congé, mais je crois devoir sacrifier mes motifs personnels à la tranquillité, en
disant cependant : Voilà leur crainte et la considération qu’ils ont pour nous. » — Il avait à
se plaindre aussi de l’hypocrisie des Bacri, dont Jeanbon Saint-André avait déjà dénoncé
les manœuvres antifrançaises, et il suppliait Talleyrand, bien disposé pour eux, de leur
retirer la confiance que ces Juifs avaient usurpée. Voy. Rapport au Directoire exécutif sur
les mauvais procédés de la Régence d’Alger à notre égard, le 9 fructidor an VI, — Lettres
du citoyen Moltedo au citoyen Talleyrand, les 11, 15 et 20 messidor, 1er thermidor an VI.
(Archives des Affaires étrangères, Consulat d’Alger.) — Voy. aussi Procès-verbal de la
chancellerie du Consulat d’Alger, le 4 fructidor an VI. (Les Archives du Consulat général
de France à Alger, par Devoulx, p. 130.)
474 CORRESPONDANCE DES DEYS D’ALGER
LE DIRECTOIRE EXÉCUTIF DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
SIDI HASSAN, DEY D’ALGER,
ANCIEN AMI ET ALLIÉ DU PEUPLE FRANÇAIS.
d’années que l’argent du susdit Bacri, notre sujet, est dû par vous,
et combien de fois feu Hassan Pacha vous a-t-il écrit pour que
vous remettiez cet argent ? La remise n’en a pas été faite.
Le nommé Mollah Mohammed a porté du blé en France et
l’a vendu à votre Gouvernement, et depuis un si long temps il m’a
pas pu avoir le prix de ces blés. Le fait est que cet argent venant
de feu Hadji Ali, Chargé d’affaires d’Alger à Tunis, il faut qu’il
soit consigné par vous au Trésor public d’Alger ; vous n’avez pas
encore, payé cet argent(1).
Un navire du même susdit Bacri, sujet d’Alger, étant allé en
France chargé de blé, vos corsaires l’ont arrêté et l’ont conduit en
France; vous ne l’avez point restitué(2).
Illustres et chers amis, à l’arrivée de notre présente lettre
vous remettrez en entier, entre les mains du sujet d’Alger Bacri,
les 200 000 piastres fortes qui sont en vos mains, le chargement
du navire venant d’Angleterre, les sommes de Bacri que vous de-
vez, le prix des blés de Mollah Mohammed et le blé du navire de
Bacri qui devait se rendre à Marseille, parce que des affaires de
cette nature sont des sujets de froideur et d’altération entre nous.
Envoyez-nous la réponse à notre lettre d’amitié. — Que Dieu
Très-Haut rende notre amitié ferme et permanente ! Que votre
félicité et votre gloire se perpétuent ! —
(Sceau)
MUSTAPHA,
Prince et Commandant d’Alger.
____________________
Requin, de Cherbourg, sous prétexte que la loi du 29 nivôse an VI déclarait de bonne prise
les bâtiments chargés de marchandises anglaises, La bonne Espérance fut conduite au
port de Fécamp, et le tribunal de commerce de cette ville confirma la validité de la saisie.
Voy. Mémoire sur le navire La bonne Espérance pour Simon Abucaya, Charge, d’affaires
du Dey d’Alger, — Lettre du citoyen Moltedo au citoyen Talleyrand, le 19 floréal an VI.
1. Voy. Rapport au Directoire exécutif sur l’enlèvement de deux bâtiments chargés
de grains, capturés à la vue du port de Livourne par le corsaire français Le Patriote, le 9
vendémiaire an VII. Ce rapport conclut à la restitution du prix des grains aux armateurs.
2. Un chargement de blé, expédié par les Bacri de Bône à Marseille, sur le navire
suédois Le Basta, fut capturé par les Anglais dans la rade de Calliery et repris peu après
par une de nos frégates. La cargaison fut débarquée el employée au service de notre armée
d’Italie. Voy. Lettre du citoyen Talleyrand au citoyen Moltedo, le 3 nivôse an V. (Archives
des Affaires étrangères, Consulat d’Alger.)
AVEC LA COUR DE FRANCE 479
LE DIRECTOIRE EXÉCUTIF DE, LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
A MUSTAPHA, DEY D’ALGER,
ANCIEN AMI ET ALLIÉ DU PEUPLE FRANÇAIS.
Nous avons reçu votre lettre amicale par laquelle vous nous
annoncez votre avènement au trône d’Alger(1). Nous vous en
félicitons d’autant plus sincèrement que nous sommes bien per-
suadés que vous avez pour la République française les mêmes
sentiments d’affection et d’attachement que votre prédécesseur,
le magnifique Pacha Hassan, lui avait voués. Les assurances
que vous nous donnez à cet égard nous ont infiniment flattés,
et vous ne devez pas douter que nous ne soyons très disposés à
maintenir par tous les moyens possibles la bonne harmonie qui
existe si heureusement entre la République française et la Ré-
gence d’Alger.
Votre lettre contient quelques objets de réclamations pécu-
niaires qui sont particulièrement relatives à des sujets musulmans
ou juifs de votre pays. Nous n’entrerons pas ici dans les détails
qu’ils pourraient comporter, parce que de pareilles questions ne
nous semblent pas devoir être traitées dans une lettre amicale
telle que celle que nous vous écrivons. Mais nous allons char-
ger notre Consul, le citoyen Moltedo, de vous donner sur ces
divers objets toutes les réponses que vous pouvez désirer. Nous
espérons que vous ajouterez foi à tout ce qu’il vous dira de notre
part et que vous ne trouverez rien, dans les paroles qu’il vous
portera, qui puisse occasionner entre nous de la froideur ou de
l’altération. Nous sommes au surplus bien aises de vous prévenir
que, dès avant la réception de votre lettre, nous avions pourvu au
remboursement des 200 000 piastres qui nous avaient été prêtées
____________________
1. Voy. p. 476.
480 CORRESPONDANCE DES DEYS D’ALGER
Citoyens Directeurs.
depuis si longtemps entre nos deux nations. J’ai de mon côté exi-
gé de vous, comme pour preuve des mêmes sentiments de votre
part, trois choses principales, savoir :
1° Le relâchement d’une cargaison venant de Londres, à
bord d’un bâtiment danois appartenant en partie à moi-même,
en partie à mes sujets Bacri et Abucaya, prise par un corsaire
français quoique munie d’un passeport d’un de vos Ministres(1),
sans quoi les, Bacri et Abucaya n’auraient pas osé entreprendre
cette expédition dans laquelle il serait trop injuste de vouloir leur
faire perdre, n’ayant commis aucune faute et vu que ces négo-
ciants doivent à notre Régence de très grandes sommes, faisant
leur commerce avec notre argent. En les attaquant, eux ou leurs
fonds, on nous attaque nous-même ou notre Trésor ;
2° Que vous fassiez payer aux dits Bacri et Abucaya l’ar-
gent qui leur est dû, déjà il y a longtemps, pour des vivres fournis
à la République dans un temps où elle en avait grand besoin, et
où elle a trouvé bien peu de particuliers qui aient eu le courage
et la volonté de s’exposer à de pareilles avances dans une épo-
que si critique ; et c’est uniquement par l’encouragement et la
protection que nous leur avons donnés qu’ils ont été à même de
pouvoir s’exposer comme ça et attendre si longtemps. Mais il est
temps qu’on les récompense, ainsi que notre partialité, confiance
et bienveillance pour la République, simplement en leur payant
ce qui leur est dû, pour les mettre en cas de pouvoir payer leurs
dettes à notre Régence. Et ayant vu qu’au premier avis vous avez
fait compter à leur maison, en France, les 200 000 piastres for-
tes d’Espagne dues à notre Régence, ils nous ont remis la même
somme ici, moyennant quoi cette affaire est acquittée(2) ;
3° Que vous ordonniez, Citoyens Directeurs, à tous les cor-
saires français de respecter les bâtiments et cargaisons appartenant
____________________
1. Voy. la note 2, p. 477.
2. Le remboursement de ces 200 000 piastres prêtées par la Régence n’avait aucun
rapport avec les sommes dont nous étions redevables à la maison Bacri pour nos appro-
visionnements de blé ; mais, comme on l’a dit plus haut, le Directoire avait appris que,
trahissant les intérêts de la France qu’ils servaient depuis longtemps, les Juifs s’étaient
faits les fournisseurs des Anglais à Gibraltar, et il s’était décidé à ne pas leur rembourser
provisoirement leurs créances.
482 CORRESPONDANCE DES DEYS D’ALGER
Citoyen Ministre,
Quoique nous ne nous connaissions pas personnellement,
la renommée m’ayant fait connaître vos grands talents et pouvant
vous faire savoir, si vous voulez bien vous donner la peine de
vous en informer, l’amitié et la partialité que j’ai depuis nombre
d’années toujours témoignées aux Français et à leur Gouverne-
ment, je crois devoir m’adresser à vous, Citoyen Ministre, en
vous priant d’engager le Directoire exécutif à accorder les de-
mandes très raisonnables qu’a faites Son Altesse le Dey dans la
lettre de ce jour(1), savoir :
(Suivent les trois articles de la lettre qui précède.)
____________________
1. Voy. p. 481.
AVEC LA COUR DE FRANCE 483
SIDI MUSTAPHA,
KAZNADJI ET PREMIER MINISTRE DU DEY D’ALGER,
AU CITOYEN TALLEYRAND, MINISTRE DES RELATIONS EXTÉRIEURES
DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE.
Citoyen Ministre,
Je me rapporte à la lettre que j’ai eue l’honneur de vous
écrire en date du 17 de ce mois(1). Son Altesse le Dey ayant de-
puis reçu, avec une lettre très polie du Directoire exécutif(2) des
réponses moins satisfaisantes, par vive voix, du Consul de Fran-
ce à sa première lettre, je crois devoir en ami de la République
et de la nation française vous donner, Citoyen Ministre, les in-
formations nécessaires pour prévenir des mésintelligences entre
nos deux Gouvernements. Le Dey, voyant qu’on lui a refusé une
demande aussi juste que le relâchement de la cargaison venant
de Londres(3), appartenant partie à lui-même et tout le reste étant
la valeur de ses propres fonds en mains de ses sujets les Bacri et
____________________
1. Voy. p. 482.
2. Voy. p. 479.
3. Voy. la note 2, p. 477.
484 CORRESPONDANCE DES DEYS D’ALGER
diminution, nous avons écrit cette lettre amicale pour vous faire
connaître cette représentation, et pour vous prier, de faire payer
sans diminution au frère de Busnach, notre serviteur, les sommes
qui lui sont dues(1).
Donné à Alger en Barbarie, la Ville bien gardée, au Palais
de la Régence, le 15 de Redjeb, l’an 1215.
(Sceau)
MUSTAPHA,
Dey d’Alger.
Traduit par JOUBERT, Secrétaire-interprète de la République.
poussière qui vole des pieds du coursier rapide, et qui par la grâce
et les faveurs du Très-Haut est le Maître des deux terres et des
deux mers, le réparateur des injustices et de la tyrannie, spécia-
lement comblé des bontés divines, le Sultan Sélim, fils du Sultan
Mustapha, Que le pardon et la miséricorde soient sur lui ! —
Au plus grand des Grands, au plus élevé de ceux qui suivent
les lois du Messie, à ceux qui gouvernent la République française
et particulièrement à Son Excellence notre ami Bonaparte, doué
d’une sagesse profonde.
Après vous avoir présenté l’hommage convenable de nos
salutations amicales et des vœux que nous formons pour que vo-
tre vie soit heureuse, après nous être informé de l’état de vos
dispositions, et avoir demandé à Dieu l’accomplissement de nos
souhaits qui sont pour le bien, nous avons l’honneur de vous in-
former, notre ami, qu’ayant avec vous d’anciennes liaisons d’une
amitié longtemps entretenue, nous avons paru néanmoins mani-
fester des dispositions hostiles par l’expulsion de votre Consul(1),
et la mauvaise fortune a voulu que le miroir où se peignent tous
les événements de ce monde réfléchît cette action sous une figure
fausse et contraire à la réalité.
Par une suite d’événements qui ont rompu la paix entre
____________________
1. La paix ne dura que quatre mois et l’Angleterre, plus écoutée à Constantinople
qu’à Alger, arracha au Grand Seigneur de nouveaux Commandements pour le Divan al-
gérien, qui nous déclara une seconde fois la guerre le 24 janvier 1801. Dubois-Thainville
fut appelé à la Jenina ; Mustapha lui témoigna les sentiments de sympathie les plus vifs,
lui laissa tout le temps nécessaire pour quitter avec ses nationaux le territoire de la Ré-
gence, et nous donna ainsi le premier exemple de respect porté à nos traités en pareille
circonstance. Notre agent s’embarqua le 30 janvier pour Alicante, avec 140 Français, sur
La jeune Sophie, L’heureux retour et Le Georges Washington. « Votre conduite dans cette
circonstance orageuse, lui écrivit quelques jours après Talleyrand, a parfaitement répondu
au caractère de fermeté que vous avez déployé pendant le cours de votre mission, et j’ai à
cet égard de nouveaux témoignages de satisfaction à ajouter à ceux que j’ai eu plusieurs
fois l’occasion de vous transmettre au nom, du Gouvernement. » — Voy. Lettre du ci-
toyen Talleyrand au citoyen Dubois-Thainville, le 14 ventôse an IX, — État nominatif des
Français qui se trouvaient dans la Régence le 2 pluviôse an IX, époque de la déclaration
de guerre, — Lettre du citoyen Dubois-Thainville au citoyen Talleyrand, le 17 pluviôse
an IX, rendant compte au Ministre de cet événement, — Second précis des opérations de
Dubois-Thainville à Alger, le 15 frimaire an X. (Archives des Affaires étrangères, Consu-
lat d’Alger.)
AVEC LA COUR DE FRANCE 493
vous et les Ottomans et qui ont donné lieu à des hostilités, nous
aussi, qui sommes une partie des esclaves qui courbent la tête
sous le joug du Sultan, et sommes obligé de répondre aux ma-
gnifiques Commandements émanés de son auguste Cour, après
les avertissements pressants qui sur ces entrefaites nous ont été
adressés et étaient conçus en ces termes :
— « La nation française ayant enfreint les conditions qui
nous liaient avec elle, et ayant commis à notre égard des hostili-
tés et perfidies sans nombre, elle est devenue l’ennemie de notre
Empire. Vous qui êtes le Commandant d’Alger, vous devez aussi,
en agissant hostilement contre cette nation et en chassant les Fran-
çais et leur Consul, contribuer à repousser son agression(1). »
Considérant que c’est un devoir de notre religion d’obéir
aux ordres du Sultan, — si nous manquons au devoir de l’obéis-
sance, nos femmes, dégagées elles-mêmes de toute obéissance,
nous seront interdites, — par toutes ces raisons nous avons dû
nous comporter d’une manière hostile. S’il en avait été autrement,
à Dieu ne plaise qu’il fût jamais arrivé de notre part la moindre
hostilité ou le moindre dommage ! Mais la sagesse est en Dieu
et c’est lui qui l’a ainsi voulu. Sans doute cet état ne durera pas ;
il n’est rien de si difficile qui ne s’arrange, et, s’il plaît à Dieu,
ce trouble sera sous peu changé en repos. Comme auparavant la
discorde sera éloignée, et la paix devenant durable, nous serons
tous comblés de satisfaction et de joie.
Notre grand ami, le traité de paix qui avait été précédem-
ment conclu par une cessation d’hostilités sous la forme d’ar-
mistice ayant été divulgué auprès de la Sublime Porte(2), quel-
ques personnes malintentionnées et qui sèment la discorde par
des discours pleins d’hypocrisie ont fait parvenir diverses paroles
mensongères, et par leurs insinuations nous ont aliéné les bon-
nes grâces de notre Souverain, l’appui et le refuge du monde. —
____________________
1. Ces Commandements furent apportés à Alger par la frégate américaine Le
Georges Washington. Ce navire avait amené à Constantinople l’Oukilhardji de la Marine,
chargé de demander l’investiture du Grand Seigneur. Lorsqu’il était arrivé, les Anglais
avaient fait mettre en prison l’Envoyé d’Alger et sa suite.
2. Voy. la note 3, p. 490.
494 CORRESPONDANCE DES DEYS D’ALGER
(Sceau)
AKHMED,
Pacha et Dey d’Alger.
Ceci est la lettre amicale adressée à Sa Majesté notre très
illustre, très magnifique, très puissant et grand ami Bonaparte,
Sultan et Padischah de France, de la part du Dey et Gouverneur
____________________
1. Bonaparte donna des ordres pour que les comptes de ces Juifs fussent examinés
avec soin. Ceux-ci transmirent au Ministère une nouvelle note de leurs créances, montant
à 8 151 012 f. 54 c.
508 CORRESPONDANCE DES DEYS D’ALGER
les effets qu’on trouvera avec lui, ainsi que les marchandises,
biens et argent qu’il pourra avoir dans d’autres lieux, et de nous
les envoyer le plus tôt possible, car tout le commerce du susdit
appartient à la Régence. Nous prions beaucoup Votre Majesté de
ne pas négliger cette affaire, et de nous donner dans cette circons-
tance une preuve de son amitié. Nous prions également Votre
Majesté de nous faire parvenir tous les biens laissés en France
par le défunt tributaire Ben Zahocha, car ces biens appartiennent
aussi à la Régence.
Notre très grand ami, nous vous promettons de notre côté
que nous ne négligerons pas les affaires qui vous surviendront
chez nous, que votre Consul jouira de plus d’honneurs et d’égards
que tous les autres Consuls qui résident auprès de nous, et que
tout ce que vous pourrez désirer de nous sera accordé et agréé.
Écrit vers le milieu du mois de Moharrem de l’année de
l’hégire 1221.
Traduit par KIEFFER, Secrétaire-interprète du Ministère des Affaires étrangères,
le 7 mai 1806.
ont appelé au trône de nos ancêtres, et nous avons pris les rênes
de l’Empire français au milieu des acclamations de nos peuples,
qui nous ont donné les marques les plus vraies de leur respect et
de leur amour pour notre personne sacrée(1). Dieu, qui est dans
tous les cœurs, est témoin que nous n’avons d’autre désir que
de marcher sur les traces de nos augustes aïeux. La droiture et la
justice seront toujours le fondement et le lien de l’attachement de
nos sujets comme de l’amitié des nations étrangères.
Nous confirmons d’autant plus volontiers les traités qui
existent entre la France et la Régence d’Alger que nous sommes
convaincu que vous en remplirez fidèlement les conditions, et
que vous rendrez à notre Couronne impériale et à nos sujets tout
ce qui peut affermir de plus en plus la paix, l’amitié et la corres-
pondance la mieux établie. C’est dans cette confiance que nous
avons voulu vous assurer nous-même de notre affection et de
notre haute bienveillance.
Nous envoyons nos pleins pouvoirs au sieur Dubois-Thain-
ville, que nous confirmons dans la place de Consul général et de
Chargé de nos affaires auprès de vous(2). Nous lui donnons ordre
de vous présenter cette lettre, et nous vous requérons d’ajouter
entière foi et créance à tout ce qu’il vous dira en notre nom.
Sur ce nous prions Dieu qu’il vous ait, illustre et magnifi-
que Seigneur, en sa sainte et digne garde.
Écrit en notre château impérial des Tuileries de Paris, le 20
mai de l’an de grâce 1814, de notre règne le 19e.
Louis.
____________________
étranglé le 4 mars 1809, puis par Hadji Ali, Écrivain des chevaux, du despotisme duquel
notre Consul général ne tarda pas à se plaindre.
1. La nouvelle du rétablissement des Bourbons fut apportée à Alger le 2 mai 1814
par la frégate La Junon, commandée par M. de Meynard. Cet officier « remplit avec
beaucoup d’adresse et de dignité sa mission », au dire du Consul général, reçut du Dey
l’accueil le plus flatteur, et fit saluer sans aucune difficulté le nouveau pavillon blanc par
les canons des forts. — Le 6 juillet arriva dans la rade la frégate Le Faune, commandée
par le comte de Saint-Belin, qui remit à Hadji Ali les lettres de la Cour des 20 et 23 mai.
2. Voy. Pleins pouvoirs du Roi à Dubois-Thainville pour le renouvellement des trai-
tés, le 20 mai 1814. — Voy. aussi Enregistrement de la commission de Louis XVIII en faveur
de M. Dubois-Thainville, qui l’autorise à faire confirmer en son nom nos traités avec la
Régence. (Les Archives du Consulat général de France à Alger, par Devoulx, p. 150.)
518 CORRESPONDANCE DES DEYS D’ALGER
LE PRINCE DE TALLEYRAND, MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES(1),
A ALI, DEY D’ALGER.
TALLEYRAND.
____________________
1. Voy. la note 3, p. 466.
2. Louis XVIII avait daté sa lettre de la 19e année de son règne.
AVEC LA COUR DE FRANCE 519
ALI, DEY D’ALGER,
A LOUIS XVIII.
(Sceau)
ALI,
Dey et Gouverneur d’Alger.
LOUIS XVIII
A ALI, DEY D’ALGER.
(Sceau)
ALI,
Gouverneur d’Alger la bien gardée.
NAPOLÉON Ier
A OMAR, DEY D’ALGER(3).
Vous aurez sans doute appris mon retour sur les cô-
tes de France, mon entrée à Paris et le départ de la famille des
____________________
1. Voy. la note 3, p. 521.
2. Deval.
3. Le despotisme d’Ali avait provoqué une révolte de 70 Janissaires, qui l’avaient
fait égorger, le 21 mars 1815, pendant qu’il était au bain. Hadji Mohammed, Khaznadji
de la Régence, avait été proclamé à sa place, puis étranglé le 7 avril suivant et remplacé
par Omar, alors Agha des spahis. C’était, au dire du Chancelier Ferrier, un homme de
caractère. « J’ai lieu de croire, écrivait cet agent, que nous serons plus contents de son
administration que de celle d’Hadji Ali, qui n’a laissé ici que des souvenirs de cruauté et
de tyrannie. » Voy. Lettres de Ferrier au comte de Jaucourt, les 23 mars et 16 avril 1815.
— Nos traités avaient été ratifiés par Hadji Mohammed et par Omar les 30 mars et 16
avril 1815.
532 CORRESPONDANCE DES DEYS D’ALGER
Notre très cher, très loyal et ancien ami, si, par une suite
de l’amitié qui subsiste entre nous, vous daignez vous informer
de notre position, nous vous dirons que jouissant, grâce au Très-
Haut, d’une parfaite santé, et étant sans cesse occupé à former
des vœux pour la durée des jours et du règne de notre Empereur,
l’ombre de Dieu sur la terre, nous avons reçu votre lettre ami-
cale(1), et qu’ayant pris connaissance de sa teneur, nous avons
éprouvé la plus grande joie en apprenant que vous avez eu la sa-
tisfaction d’obtenir la dignité de Vizir de notre illustre ami l’Em-
pereur de France. — Puisse le Très-Haut vous accorder la grâce
de rester constamment assis sur le siège du Gouvernement ! —
Ainsi soit-il ! par respect de Jésus, l’esprit divin.
Notre très sincère et ancien ami, vous auriez dû demander
une fois au prédécesseur lui-même de votre Consul qui nous avait
été envoyé dernièrement(2) pour quel motif nous l’avions renvoyé
en France(3), car les Consuls ne sont point renvoyés d’Alger sans
motif. Un Consul qui réside près de nous doit être une personne
prudente, en état de gérer les affaires, observant de bons procédés,
loyal envers les deux Gouvernements ; cela vous est connu, ainsi
qu’à tout le monde. Vous savez aussi que votre Consul ne possède
aucune de ces qualités. Il n’a été renvoyé que par la crainte qu’il ne
devienne la cause de la rupture de l’ancienne amitié qui est si fer-
mement établie entre nous depuis un temps infini, car vous savez
bien qu’il n’existe entre nous aucune discussion. Voilà pourquoi
nous avions espéré que vous nous enverriez un Consul qui cherchât
à augmenter l’amitié qui subsiste entre nous, qui fût d’un caractère
doux, bon et agréable. Nous avons donc été bien surpris d’appren-
dre que l’ancien Consul a été de nouveau envoyé à Alger(4), et la
présente lettre amicale vous a été expressément écrite et expédiée
pour vous féliciter sur votre nomination à la dignité illustre dont
vous êtes revêtu, et pour vous annoncer que le susdit Consul a
____________________
1. Voy. p. 532.
2. Dubois-Thainville.
3. Voy. la note 3, p. 521.
4. Voy. la noie 1, p. 533.
538 CORRESPONDANCE DES DEYS D’ALGER
Prince,
Les Puissances de l’Europe qui se sont réunies l’année der-
nière à Aix-la-Chapelle ont déféré à la France et à la Grande-
Bretagne le soin de faire, au nom de toutes, des représentations
sérieuses aux Régences barbaresques sur la nécessité de mettre
____________________
1. Le Dey Omar, qui avait déjà échappé à une conspiration des Janissaires, fut
étranglé le 8 septembre 1817 et eut pour successeur Ali Khodja qui, pour se mettre plus
en sûreté, quitta la Jenina pour transporter sa résidence à la Casbah. Il mourut de la peste
le 28 février 1818, et la Milice proclama son Khaznadji, Hussein, qui avait autrefois fait
partie du corps des Topjis (canonniers du Sultan) à Constantinople. Quelques jours après
son arrivée au pouvoir, le nouveau Dey ratifia nos traités, le 29 mars 1818, et donna à
notre Consul un cheval et un éventail, en lui témoignant les meilleures dispositions à
notre égard.
AVEC LA COUR DE FRANCE 543
et vous ne pourriez pas exiger avec justice que nous les produi-
sions. Ils seraient d’ailleurs superflus. La sentence rendue à ce
sujet par le tribunal de Bône en 1810(1) et surtout la notoriété pu-
blique qui a motivé cette sentence, aussi bien que vos promesses
et celles de vos deux derniers prédécesseurs, suffisent pour éta-
blir de la manière la plus évidente nos droits de propriété.
L’Empereur, mon Maître, ne saurait donc renoncer à la pos-
session de la maison et des magasins en question, et d’après les
qualités et les dispositions qui vous distinguent, je ne doute point
que les explications que je viens de vous donner ne vous détermi-
nent à faire remettre, sans aucun délai, ces établissements entre
les mains du Consul de Sa Majesté Impériale à Bône.
Permettez-moi d’ailleurs de vous présenter l’offre de mes
services comme l’expression amiable des sentiments distingués
avec lesquels je suis plus cordialement que personne au monde,
Très illustre et magnifique Seigneur,
Votre très parfait et sincère ami.
MONTMORENCY.
(Sceau)
Le serviteur de Dieu HUSSEIN,
Dey d’Alger.
Louanges à Dieu dont la grâce, l’assistance et les bienfaits
ont donné la possession des deux terres et des deux mers, de
l’Égypte et de la Syrie à notre Maitre, le très grand Sultan, le très
magnifique Potentat en qui résident la sincérité, la générosité, la
fidélité à remplir toute espèce d’engagement(2), le Sultan ottoman
Mahmoud, — Puisse Dieu lui conserver la santé et le bonheur et
exaucer tous ses désirs ! —
Cette noble lettre a été écrite avec la permission du haut
et puissant Seigneur qu’occupent des soins importants, dont la
gloire et le rang sont très élevés, les volontés accueillies avec
obéissance, les actions justes et méritoires, l’illustre, le victo-
rieux, l’incomparable, le fortuné Prince qui tient l’étendard ot-
toman dans l’Odjak d’Alger, — Que le Ciel le préserve de toute
calamité ! — notre glorieux Maître qui met sa confiance dans le
Tout-Puissant, le Seigneur Hussein. — Que Dieu le comble de
tous les biens et de toutes les félicités qu’il peut désirer !
Elle est adressée à notre très illustre, très cher, très honoré
ami, Son Excellence le Ministre des relations extérieures à Paris.
____________________
1. L’original est en langue arabe, ce qui est contraire à l’usage algérien. Le Dey
l’envoya à la Cour à l’insu de Deval, par l’intermédiaire du Consul de Naples.
2. Allusion à l’affaire des créances Bacri.
AVEC LA COUR DE FRANCE 555
les plus amères des capitaines des navires français qui ont été
appelés à bord des corsaires algériens par des coups de canons
à boulets, et qui ont été maltraités et dépouillés. Les traités avec
Alger portent que c’est aux corsaires algériens d’envoyer dans
leur propre chaloupe deux officiers à bord des navires français
pour reconnaître les passeports, et qu’aucun autre Algérien ne
doit se permettre de monter à bord que les deux officiers; voici le
rapport des deux capitaines français ci-joint, dont la perte s’élève
à environ 400 francs qu’il est nécessaire de rembourser(1).
Le Gouvernement de Sa Majesté aime à croire que cette
conduite singulière a eu lieu sans autorisation de Son Altesse,
mais il déclare que le retour de pareils procédés troublerait in-
failliblement la bonne intelligence entre les deux pays, et que
dans ce cas Son Altesse ne devrait s’en prendre qu’à elle-même
des conséquences qui en pourraient résulter(2).
Le Consul général,
Chargé d’affaires de France à Alger.
DEVAL.
Le Commandant de la frégate
de Sa Majesté La Galatée.
FLEURY.
Pape, et, malgré cette promesse, des bâtiments romains ont été
capturés par vos corsaires(1), et lorsque le Roi vous a fait porter,
par le Commandant d’un de ses vaisseaux et par son Consul gé-
néral à Alger, des plaintes sur cette conduite, vous avez refusé
de rendre les navires capturés(2) ; vous avez prétendu n’être lié
par aucun engagement avec le Saint-Siège, parce qu’il n’existe
pas, dites-vous, un traité de paix entre vous et ce Gouvernement,
comme si la promesse solennelle précédemment émanée de vous
ne comportait pas en elle-même le caractère formel et les obli-
gations d’un traité. Vous demandez enfin que la France envoie
négocier cette paix à Alger, et la première condition du traité doit
être, selon vous, le payement d’un tribut par le Saint-Siège(3).
Le Roi se persuade encore que vous renoncerez à des pré-
tentions si peu légitimes, et qu’écoutant à la fois les conseils de
la justice et la voix de l’amitié, vous vous empresserez de faire
droit aux griefs qui vous ont été exposés. Sa Majesté m’ordonne
en conséquence de vous demander :
1° Que, désapprouvant hautement les hostilités commises
par les corsaires d’Alger contre des bâtiments français, vous pu-
nissiez d’une manière exemplaire les auteurs de ces insultes et
fassiez rendre les sommes qu’ils ont enlevées ;
2° Que, pour prévenir désormais de semblables désordres
et pour préserver les navires français des dangers de la peste,
vous vous engagiez par une déclaration expresse à défendre aux
reïs algériens de visiter, sous aucun prétexte, ceux des vaisseaux
qu’ils rencontreront en mer ou de mander les capitaines à leur
bord. Les bâtiments des deux nations devront se contenter de par-
lementer et de se reconnaître avec le porte-voix ;
3° Que vous fassiez remettre sans retard au Consul général
de France le prix des vaisseaux romains capturés par vos corsai-
res et la valeur des cargaisons dont ils étaient chargés, ainsi que
les indemnités justement dues aux propriétaires et aux équipages
____________________
1. Voy. la note 2, p. 551.
2. Voy. la note 2, p. 558.
3. Voy. Note sur les tributs payés à Alger par les Puissances étrangères. (Moni-
teur universel, 1830, p. 219.)
562 CORRESPONDANCE DES DEYS D’ALGER
Excellence,
Le soussigné Commandant général des forces navales de Sa
Majesté l’Empereur de France devant Alger a l’honneur d’infor-
mer Son Excellence Hussein Pacha, Dey et Gouverneur d’Alger,
que Sa Majesté indignée de l’outrage horrible et scandaleux com-
mis envers elle dans la personne de son Consul général Chargé de
ses affaires, demande une réparation immédiate, une satisfaction
éclatante et publique ainsi prescrite(2) :
____________________
1. Le Conseil des Ministres, auxquels le baron de Damas donna lecture de cette
réponse, se prononça contre son envoi et se montra résolu à venger sans plus de délais
les vexations réitérées d’Hussein. La lettre fut donc annulée, mais nous avons cru devoir
la faire connaître, parce qu’elle montre exactement l’état de nos relations avec le Dey à
la veille de la rupture, et qu’elle servit de prétexte au Chef de la Régence pour insulter
notre représentant. — Ce dernier fut en conséquence chargé d’expliquer à Hussein que sa
demande était inadmissible, eu égard aux stipulations de la Convention de 1819, devenue
loi entre les parties. Toutefois la décision du Conseil ne pouvait que nuire à Deval, qui fut
naturellement accusé quelque temps après d’intercepter les lettres de la Cour.
2. Notre Consul général était allé féliciter le Dey, le 30 avril 1827, à l’occasion
des fêtes qui suivaient d’ordinaire le jeûne du Ramadan. Hussein lui avait demandé avec
humeur s’il n’avait pas reçu de réponse à la lettre qu’il avait écrite au baron de Damas,
à propos des créances Bacri ; il l’avait vivement interpellé au sujet de notre comptoir de
La Calle, et l’avait violemment frappé, à trois reprises, avec le manche de son chasse-
mouches. Deval s’était retiré en protestant contre une pareille insulte ; il avait aussitôt fait
connaître à la Cour la scène qui s’était passée, et le Gouvernement avait dépêché à Alger
564 CORRESPONDANCE DES DEYS D’ALGER
qui lui ont été faites au nom du Dey d’Alger(1) et qui n’ont que
trop longtemps suspendu le cours des hostilités, déclare que tant
que le pavillon de la Régence flottera sur les forts et sur la ville
d’Alger, il ne peut plus recevoir aucune communication et il la
considère toujours comme en état de guerre.
DUPERRÉ.
____________________
La reconnaissance de notre suzeraineté sur la côte barbaresque, depuis la rivière
de Seybas jusqu’au cap Roux,
La cession à la France de la ville et de la baie de Bône,
La confirmation de la pêche exclusive du corail dans nos Concessions, moyennant
une redevance de 17 000 livres,
La reconnaissance de nos capitulations avec la Porte ottomane,
L’occupation française d’Alger jusqu’à entier payement de l’indemnité de guerre.
L’expédition se composait de 30 000 hommes, 4 000 chevaux, 82 pièces de siège,
9 mortiers, 14 batteries de canon, 675 bâtiments dont 103 navires de guerre. La flotte,
commandée par le Vice-Amiral Duperré, appareilla dans la rade de Toulon le 25 mai 1830
et vint mouiller dans la baie de Sidi-Ferruch, à 20 kilomètres d’Alger. Le débarquement
des troupes eut lieu le 14 juin sur la presqu’île de ce nom. Après les combats de Staoueli
(19 juin), de Sidi Khalef et de Deli-Ibrahim (24-28 juin), le siège d’Alger (29 juin), l’atta-
que et l’explosion du fort L’Empereur (4juillet), Hussein, au moment de capituler, envoya
en parlementaire Sidi Mustapha, son secrétaire, pour nous offrir des excuses et les frais de
guerre. De Bourmont lui fit répondre qu’il ne pouvait admettre aucune négociation avant
l’occupation de la ville. Alors, le Dey, sans doute instruit du peu d’accord qui existait en-
tre le Chef de notre armée et le Commandant de la flotte, crut devoir tenter une démarche
auprès du Vice-Amiral Duperré, dont les vaisseaux n’avaient pas cessé jusqu’alors de
bombarder, les batteries algériennes. « L’Amiral ennemi vient en parlementaire, au nom
du Dey, demander à traiter la paix, écrivit Duperré au Général en chef ; je le renvoie à
vous et je ne puis suspendre les hostilités que lorsque j’aurai connaissance de vos inten-
tions. » — Voy. Instructions pour M. le Commandant en chef de l’armée envoyée contre
la Régence d’Alger, 1830. (Archives des Affaires étrangères.) — Voy. aussi Rapport du
comte de Bourmont au Président du Conseil des Ministres, le 5 juillet 1830, et Rapport du
Vice-Amiral Duperré au Ministre de la marine et des colonies, le 6 juillet 1830. (Moniteur
universel, 1830, p. 762 et 763.)
1. Par Sidi Mustapha.
AVEC LA COUR DE FRANCE 569
CONVENTION
ENTRE LE COMTE DE BOURMONT, GÉNÉRAL EN CHEF DE L’ARMÉE FRANÇAISE,
ET HUSSEIN, DEY D’ALGER(1).
Sire,
Ce n’est pas pour me plaindre de ma situation malheureuse
que j’ose m’adresser à Votre Majesté. Je ne connais que trop les
vicissitudes de la fortune, et je croirais mériter toutes les injusti-
ces si je n’avais pas la force de soutenir ses rigueurs.
Mais parmi les infortunes dont je suis accablé, il y en a
auxquelles je puis avouer être fort sensible sans témoigner de la
faiblesse, et que Votre Excellence ne pourrait refuser de connaî-
tre sans blesser la noblesse de son caractère.
Toute l’Europe a retenti des violences dont j’ai été accusé
envers le Consul de France, M. Deval(2). Une guerre affreuse, la
____________________
même jour que leur ancien Chef, et transportés à Smyrne sur quatre vaisseaux de ligne.
Au moment de leur départ, chacun d’eux reçut une gratification de 5 piastres, équivalant
à deux mois de leur solde.
1. Le double de cette Convention fut remis par Hussein, au moment de son départ
d’Alger, entre les mains du Consul d’Angleterre.
2. Voy. la note 2, p. 563.
AVEC LA COUR DE FRANCE 571
Monsieur le Président,
Voilà près d’un mois et demi que je suis arrivé à Paris, et
il y a déjà trente-deux jours qu’admis à l’audience du Roi, j’ai
eu l’honneur de lui faire parvenir une lettre où je lui manifestais
mes sentiments et mes vœux(2). Jusqu’à ce jour je n’ai point eu la
consolation de connaître l’accueil que Sa Majesté avait fait à cet-
te lettre ; je n’ai plus même revu la famille royale dont les bontés
m’avaient si vivement touché, et il ne m’a pas encore été possible
de n’entretenir aucun des Ministres du Roi, comme j’avais espéré
le faire. Sans doute j’ai su apprécier la gravité des circonstances
qui ont empêché Votre Excellence de m’accorder l’entrevue que
je lui ai fait demander à deux ou trois reprises(3), mais aujourd’hui
que les affaires ont pris un autre aspect, je n’hésite point à m’adres-
ser moi-même à Votre Excellence pour lui représenter que la sai-
son s’avance, que je suis éloigné depuis trop longtemps de ma
maison et de ma famille laissée sur une terre étrangère, et que
cet éloignement prolongé me donne à moi-même la plus légitime
sollicitude pour un prompt retour au milieu des miens ou pour les
rapprocher de moi. Je vous prie donc, Monsieur le Président, de
m’accorder une entrevue assez longue et assez suivie pour que je
puisse convenablement parler des choses dignes de l’attention du
Gouvernement français, et qu’il est de son intérêt de connaître et
d’examiner. Certes je n’ai qu’à me louer des égards dont je suis
l’objet, et des sentiments de respect et de considération qu’on ma-
____________________
1. Banquier, puis Député de Paris en 1817, Président de la Chambre en 1830, .Mi-
nistre de l’Intérieur et Président du Conseil dans le cabinet formé le 13 mars 1831.
2. Voy. p. 573.
3. Allusion aux troubles et aux tentatives d’émeutes qui eurent lieu pendant pres-
que toute l’année 1831 à Paris et dans plusieurs départements.
576 CORRESPONDANCE DES DEYS D’ALGER
(Sceau)
de l’unité de Dieu. Aussi, depuis les règnes équitables de nos illustres prédéces-
seurs jusqu’à cette glorieuse époque de notre auguste kalifat, toutes les demandes
des Algériens ont été favorablement reçues, tous leurs désirs ont été gracieuse-
ment accueillis auprès des Souverains de notre dynastie; il est inutile de dire
que les peuples de cette Régence ont constamment été les ennemis des ennemis
de notre Sublime Porte; que mériter notre satisfaction impériale, source de tout
bonheur, a été leur premier vœu, et qu’ils ont toujours demandé à nos mains
souveraines l’investiture de l’autorité. En cet état de choses, il nous a été exposé
dans un rapport officiel, d’après les décrets de la Providence, que le précédent
Gouverneur et Dey d’Alger, Ibrahim Pacha, est venu à mourir, et que son neveu
et son lieutenant, l’un des officiers supérieurs de la Régence, homme renommé
par ses talents, son expérience et son caractère éprouvé, aujourd’hui possesseur
du présent toura impérial, magnifique et auguste colonne de félicité, lui, l’Émir
des Émirs les plus honorés, lui, le grand des grands les plus respectés, lui, en qui
réside force et considération, lui, que distinguent la gloire et la magnificence, et
qui est l’objet de la faveur particulière du Très-Haut, Ibrahim Khodja, — dont
puisse le bonheur être éternel ! — a été nommé Dey de l’avis unanime des Chefs
de la Régence et de ceux qui ont voix délibérative, comme aussi par l’accord de
tous les cœurs les mieux inspirés.
Mais la nomination et l’envoi des Deys d’Alger se faisant d’ordinaire par
notre Sublime Porte, conformément à ce qui vient d’être dit et conformément à
l’usage ancien, de même aujourd’hui lès Chefs d’Alger dans une pétition géné-
rale, et Ibrahim Khodja dans une lettre particulière, ont supplié et sollicité notre
Sublime Porte pour que, dans nos grâces souveraines et notre faveur impériale,
nous daignions conférer audit Ibrahim Khodja la dignité de Gouverneur de la
Régence.
Ces demandes ont obtenu notre auguste adhésion; conséquemment par un
effet de nos bontés impériales, et par un Hatti-cherif glorieusement émané de notre
majesté le 5 de ce mois de Rebi-el-aker 1159 (1746 de Jésus-Christ), le susdit Ibra-
him Khodja a été élevé au rang de Gouverneur d’Alger. En cette qualité, il devra
veiller à la garde et à la sûreté des villes, protéger par des soins assidus les pauvres
et tous les habitants, vivre en bonne intelligence avec les Chefs militaires de la Ré-
gence, ces lions de la victoire et de la guerre sainte, et faire tous ses efforts pour se
concilier leur affection. Précédemment les limites ont été convenues entre nous et
les Vénitiens pour que, de part et d’autre, nous ne commettions aucune agression; il
a été spécifié et stipulé avec eux, dans un traité revêtu de notre auguste toura, gage
de la paix qui règne entre nous, que dans l’étendue de ces limites il ne leur serait
occasionné par les Algériens aucun dommage. Il ne faudra pas que dans lesdites
limites, en oubli de ce traité, il soit commis aucune agression contre les Vénitiens
; de même pour le royaume des Deux Siciles et autres Puissances ayant obtenu
l’aman, quand elles naviguent en temps de paix dans les eaux de notre Sublime
Porte et se présentent dans nos ports, sur nos Échelles et devant nos forteresses ;
il ne faudra pas que, contrairement aux traités de paix et aux ordres de notre Su-
blime Porte, ces Puissances éprouvent aucun dommage; on ne se permettra à leur
égard aucune infraction aux Capitulations qui sont entre leurs mains, ni rien qui
FIRMAN D’INVESTITURE D’IBRAHIM KHODJA 583
donne lieu, à ce qu’aucune réclamation de leur part vienne fatiguer nos oreilles
impériales.
C’est à la condition qu’il emploiera tous ses efforts pour parvenir à de sem-
blables résultats que la place de Gouverneur d’Alger a été accordée au susdit Dey,
et en conséquence nous lui avons donné ce fortuné diplôme, porteur d’allégresse,
et cette manifestation de nos ordres suprêmes, auxquels est soumis l’univers en-
tier. Nous avons décidé que le susmentionné occuperait ledit poste sous condition
qu’il se conformerait à chacune des clauses qui précèdent, et qu’il s’empresserait
de punir tout contrevenant. De plus, si la Régence d’Alger s’est établie et consti-
tuée sur des bases aussi solides et aussi durables, il est certain qu’elle ne l’a dû
qu’à l’influence des regards bienfaisants de notre majesté; le nouveau Gouverneur
devra donc consacrer toute sa sollicitude et toute son attention à se concilier notre
satisfaction impériale.
Tout ce qui se rattache à nos glorieux travaux comme Souverain, tout ce qui
appartient à nos saints devoirs comme Empereur, il l’observera et le fera religieu-
sement observer, savoir : le gouvernement des places fortes et des villes, l’amélio-
ration du sort des habitants, la police, l’administration des provinces, la sûreté des
routes et des communications, toutes choses auxquelles nous lui avons prescrit de
vouer ses plus grands efforts, comme aussi nous lui enjoignons l’exactitude la plus
grande pour toutes les affaires qui concernent spécialement la place de Gouverneur
d’Alger.
Il sera reconnu en cette qualité par les Chefs militaires de la Régence, les
Cadis, les magistrats, les Émirs, les membres du Divan, les notables, les supé-
rieurs et les subordonnés, et par tous les habitants grands ou petits ; ceux-ci ne né-
gligeront en aucun point les égards et les honneurs qui lui sont dus ; ils écouteront
ses paroles avec l’oreille de l’obéissance, et s’empresseront d’exécuter ses ordres
sans la moindre hésitation. Que désormais, contrairement à la teneur de ce noble
diplôme, personne autre ne s’immisce dans les affaires dont la gestion appartient
au Gouverneur de la Régence, et que le nouveau Dey, considérant chaque classe
de nos sujets chacune suivant son rang, ne cesse de voir avec un œil de bonté et
de compassion la condition des faibles et celle des pauvres ; qu’il soit l’effroi des
oppresseurs et le soutien des opprimés; que tout ce qui pourra contribuer au bien
du pays, il l’exécute ; que par les efforts et le zèle les plus constants il s’applique
dans l’administration de tout ce qui a rapport à son Gouvernement, et fasse preuve
de bons sentiments et d’une louable direction ! Telles sont nos volontés; que per-
sonne n’y résiste et ne s’y oppose; qu’on le sache bien et que l’on respecte notre
noble toura !
Écrit dans les derniers jours de Rebi-el-aker, en l’an 1159 (1746 de Jésus-
Christ), dans la résidence de Constantinople la bien gardée.
584 LISTE DES PACHAS, AGHAS ET DEYS D’ALGER
LISTE DES PACHAS, AGHAS ET DEYS D’ALGER 585
PREMIÈRE PÉRIODE.
PACHAS
Keir-ed-din....................................1518 Chaban..........................................1592
Hassan-Agha.................................1533 Mustapha.......................................1595
El-Hadji, intérimaire.....................1545 Kheder (2° fois)..............................1595
Hassan-ben-Keir-ed-din................1546 Mustapha (2e fois)..........................1596
Saffa, intérimaire...........................1551 Ali Hasan.......................................1598
Salah-reïs......................................1552 Soliman.........................................1601
Hassan-Corso, intérimaire.............1555 Kheder (3e fois)..............................1603
Tekeli............................................1556 Mehemet.......................................1604
Youssouf, intérimaire....................1556 Mustapha Koussa...........................1605
Yahia, intérimaire..........................1557 Redouan........................................1607
Hassan-ben-Keir-ed-din (2e fois)..1557 Mustapha Koussa (2e fois)..............1610
Hassan-Agha, intérimaire..............1561 Hossein.........................................1613
Cuca Mohammed, intérimaire......1561 Mustapha Koussa (3e fois)..............1613
Akmed-ben-Salah-reïs..................1562 Hossein (2e fois).............................1617
Yahia, intérimaire (2e fois)............1562 Sidi Saref.......................................1620
Hassan-ben-Keir-ed-din (2e fois)..1562 Kheder...........................................1621
Mohammed-ben-Salah-reïs...........1567 Mourad..........................................1621
Hadji Ali........................................1568 Khosreff........................................1621
Memmi, intérimaire.......................1571 Hossein (3° fois).............................1622
Achmed.........................................1572 Ibrahim..........................................1623
Ramadan.......................................1574 Sidi Saref (2e fois)...........................1624
Hassan Veneziano..........................1577 Hossein (4e fois).............................1624
Djaffer...........................................1580 Younès..........................................1629
Hassan Veneziano (2e fois)...........1582 Hossein (5e fois).............................1629
Mamet...........................................1583 loussouf.........................................1634
Achmed (2e fois)..........................1586 Ali.................................................1637
Kheder...........................................1589 Cheik-Hussein................................1640
586 LISTE DES PACHAS, AGHAS ET DEYS D’ALGER
DEUXIÈME PÉRIODE.
AGHAS.
Khalil............................................1659 Chaban..........................................1661
Ramdan.........................................1660 Ali.................................................1664
Ibrahim..........................................1661
TROISIÈME PÉRIODE.
DEYS
Hadji Mohammed..........................1671 Cur-Abdi.......................................1724
Baba Hassan..................................1681 Baba Ibrahim.................................1732
Hadji Hussein (Mezzomorto)........1683 Baba Ibrahim-el-Seghir.................1745
Ibrahim Khodja.............................1686 Mehemmed-el-Retorto..................1748
Hadji Chaban.................................1689 Baba Ali........................................1754
Hadji Ahmed.................................1695 Baba Mohammed-ben-Osman......1766
Cara-ben-Ali.................................1698 Sidi Hassan....................................1790
Baba Hassan..................................1698 Baba Mustapha..............................1798
Ali.................................................1699 Akhmed Khodja............................1805
Baba Hadji Mustapha....................1700 Ali Boursali Khodja......................1808
Hussein Khodja.............................1705 Hadji Ali........................................1809
Mohammed-ben-Ali.....................1707 Hadji Mohammed.........................1815
Deli Ibrahim..................................1709 Omar.............................................1815
Ali-Chaoux...................................1710 Ali Khodja.....................................1817
Mehemed-ben-Hassan..................1718 Hussein................................1818-1830
LISTE DES CONSULS ET VICE-CONSULS DE FRANCE
A ALGER
Bartholle..........................................................................................1564
Maurice Sauron......................................................................1578-1585
François Guighigotto, Consul suppléant.........................................1579
Le P. Bionneau........................................................................1585-1587
Jacques de Vias......................................................................1587-1627
Jean Olivier, Consul suppléant...............................................1587-1596
François Chaix.......................................................................1618-1623
Etienne...................................................................................1623-1624
Thomassin.......................................................................................1624
Martelly..................................................................................1625-1626
Anselme.................................................................................1626-1627
Balthazar de Vias....................................................................1627-1646
Nicolas Ricou, Consul suppléant............................................1629-1631
Blanchard Consul suppléant...................................................1631-1634
Jacques Pion Consul suppléant...............................................1634-1639
Thomas Piquet Consul suppléant..........................................1639-1646
Charles Moulard..............................................................................1646
Lambert aux Cousteaux...................................................................1646
Le P. Jean Barreau...................................................................1646-1661
Le P. Jean-Armand Dubourdieu.............................................1661-1673
Laurent d’Arvieux..................................................................1674-1675
Le P. Jean Le Vacher...............................................................1673-1683
Denis Dusault, Consul suppléant............................................1683-1684
Sorhainde...............................................................................1684-1685
André Piolle............................................................................1685-1688
Le P. Michel Montmasson, Consul suppléant.................................1688
Barthélemy Mercadier............................................................1689-1690
René Lemaire..........................................................................1690-1697
Jean de Clairambault, Consul suppléant..........................................1697
Philippe-Jacques Durand........................................................1698-1705
Jean de Clairambault..............................................................1705-1717
Jean Baume.............................................................................1717-1719
588 LISTE DES CONSULS ET VICE-CONSULS DE FRANCE À ALGER
Antoine-Gabriel Durand........................................................1720-1730
Thomas Natoire, Consul suppléant..................................................1731
Léon Delane............................................................................1731-1732
Benoist Lemaire......................................................................1732-1735
Alexis-Jean-Eustache Taitbout...............................................1735-1740
De Jonville, Consul suppléant................................................1740-1742
François d’Évant..............................................................................1742
De Jonville, Consul suppléant..........................................................1743
Pierre Thomas.........................................................................1743-1749
André-Alexandre Lemaire......................................................1749-1756
Le P. Bossu, Consul suppléant.........................................................1757
Joseph-Barthélemy Perou.......................................................1757-1760
Le P. Théodore Groiselle, Consul suppléant..........................1760-1763
Jean-Antoine Vallière..............................................................1763-1773
Robert-Louis Langoisseur de la Vallée..................................1773-1782
Renaudot, Consul suppléant............................................................1782
Jean-Baptiste-Michel de Kercy...............................................1782-1791
Philippe Vallière......................................................................1791-1796
Louis-Alexandre Herculais, Consul suppléant................................1796
Jeanbon Saint-André..............................................................1796-1798
Dominique-Marie Moltedo.....................................................1798-1800
Charles-François Dubois-Thainville......................................1800-1814
Alexandre-Louis Ragueneau de la Chaisnaye, Consul suppléant.....1809-1810
Roch Ferrier, Consul suppléant........................................................1814
Pierre Deval.....................................................................................1815
Charles-François Dubois-Thainville................................................1815
Pierre Deval............................................................................1815-1827
LISTE DES COMMISSAIRES ET ENVOYÉS
DE LA COUR DE FRANCE PRÈS LA RÉGENCE D’ALGER
De la Forest...........................1534 Marcel.........................1689-1690
De Montluc...........................1537 Dusault.................................1697
D’Aramon.............................1551 Duquesne-Monnier...............1714
D’Albisse....................1552-1553 Dusault.................................1719
San Pietro d’Ornano.............1561 D’Andrezel...........................1724
De Ménillon..........................1573 De Grandpré..........................1724
Savary de Brèves..................1604 De Beaucaire.........................1724
Du Mas de Castellane...........1618 De Monts..............................1727
De Mortier.............................1619 De Gencien............................1730
Napollon......................1625-1628 Duguay-Trouin.....................1731
D’Estampes, seigneur de l’Isle- De Caylus..............................1731
Antry..................................1632 De Watan...............................1732
Lepage.........................1634-1637 De Court de la Bruyère.........1734
De Mantin.............................1637 De Massiac............................1742
De Cocquiel..........................1639 Du Revest..............................1748
De Montigny.........................1640 De Rochemore......................1762
De Montmeillan....................1641 De Cabanous.........................1762
De Rominhac........................1661 De Fabry.......................1763-1764
De Clerville...........................1661 De Sade.................................1764
Trubert..................................1666 De Forbin..............................1776
De Martel.....................1668-1672 De Bonneval.........................1777
D’Almeras............................1673 De Tott..................................1777
De Gabaret............................1675 De Vialis................................1777
De Tourville..........................1679 De Martelly...........................1778
Duquesne..............................1680 De Cypières...........................1781
Hayet....................................1681 De Vialis................................1781
De Virelle..............................1681 De Martinenq........................1781
Dusault.................................1683 De Bessay..............................1783
De Tourville.................1684-1685 De Ligondez..........................1785
De Blainville.........................1686 De Blachon............................1788
Dortières...............................1687 Venture.................................1788
590 LISTE DES COMMISSAIRES ET ENVOYÉS DE FRANCE À ALGER
De Sainneville.......................1789 Touffet..................................1791
De Brueys.............................1815 De Parseval...........................1815
De Missiessy.........................1791 Raynouard............................1816
Gavotty.................................1792 Jurien de la Gravière.............1819
Rondeau................................1792 Duval d’Ailly........................1819
Raccord.................................1793 De Méry................................1822
Herculais...............................1796 Drouault................................1824
Bané......................................1797 Fleury....................................1826
Demay...................................1801 Faure.....................................1827
Leyssègues...........................1802 Collet....................................1827
Hulin.....................................1802 Bézard...................................1829
Berge....................................1802 De la Bretonnière..................1829
Bonaparte (Jérôme)...............1805 De Nerciat.............................1829
Troude...................................1808 De Clairval............................1830
Boutin...................................1809 Bézard...................................1830
De Meynard.................1811-1814 De Bourmont........................1830
De Saint-Belin.......................1814 Duperré.................................1830
LISTE DES TRAITÉS ET CONVENTIONS
ENTRE LA FRANCE ET LA RÉGENCE D’ALGER