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Séries numériques
Luc Rozoy, Bernard Ycart
Disons-le tout net, ce chapitre n’est pas indispensable : d’ailleurs, vous ne
verrez pas vraiment la différence avec les suites. Normal, il n’y en a pas. Alors
pourquoi l’étudier ? Au moins pour être sûr que vous ayez bien assimilé la notion
de limite : si vous avez bien compris la convergence des suites, vous ne devriez
pas avoir de problème ici. Les séries sont très proches des intégrales sur un
intervalle non borné, et nous y ferons allusion à plusieurs reprises. Vous
apprendrez plus tard qu’il s’agit de deux cas particuliers du même objet.
Cependant, vous n’êtes pas du tout obligés d’avoir assimilé les intégrales pour
comprendre les séries.
Table des matières
1 Cours 1
1.1 Définitionsetpropriétés .......................... 1 1.2
Sériesàtermespositifsounuls....................... 5 1.3
CritèresdeCauchyetded’Alembert ................... 10 1.4
Sériesàtermesquelconques ........................ 14 1.5
Sommesdeséries .............................. 17 1.6
Vitessedeconvergence ........................... 19
2 Entraînement 22
2.1 Vraioufaux................................. 22 2.2
Exercices................................... 25 2.3
QCM..................................... 32 2.4
Devoir.................................... 35 2.5
Corrigédudevoir .............................. 37
3 Compléments 43
3.1 DeZénond’ÉléeàvonNeumann ..................... 43 3.2
LethéorèmedeMerton........................... 46 3.3
Lasérieharmonique ............................ 49 3.4
Deseriebusdivergentibus.......................... 50 3.5
Vousavezlechoix! ............................. 54
29 avril 2014
Maths en Ligne Séries numériques UJF Grenoble Définition 2. On dit que la série
un converge vers s si la suite des sommes partielles
converge vers s, qui est appelée somme de la série. +∞ n
un = s ⇐⇒ lim uk = s .
n→∞ Dans le cas contraire, on dit que la série diverge.
Par exemple, le réel x est la limite de ses approximations décimales, et aussi la
somme de la série an .
est 1 . 1−r
+∞ 1
|r| < 1 =⇒ rn = 1 − r .
n=0
La somme de la série exponentielle est le nombre e, dont le logarithme népérien
vaut 1.
n=0 n!
Voici un exemple de série dont les sommes partielles sont explicitement
calculables.
En effet,
donc
u0 +u1···+un =1−1+1−1+···+ 1 − 1 =1− 1 ,
et
n=0
k=0
10n
La série géométrique rn converge si et seulement si |r| < 1. Dans ce cas, la
somme
+∞ 1
= e ≃ 2.71828 .
+∞ 1
=1.
n=0 (n+1)(n+2)
un= 1 =1−1
(n+1)(n+2) n+1 n+2
223 n+1n+2 n+2
+∞ 1 1
= lim 1 − = 1 . n=0 (n+1)(n+2) n→∞ n+2
Considérons une série un et définissons la fonction en escalier f sur [0,
+∞[ par : ∀n∈N, ∀t∈[n,n+1[, f(t)≡un .
La somme partielle sn est l’intégrale de f sur l’intervalle [0, n+1]. La série un
converge si et seulement si l’intégrale +∞ f (t) dt converge (voir figure 1).
0
+∞
+∞
un =
n=0
2
f(t)dt.
0
Maths en Ligne Séries numériques UJF Grenoble elle converge, donc la série un
converge aussi. Inversement, si la série un diverge,
alors la suite (sn) tend vers +∞, et il en est de même pour la suite (tn). Comme
premier exemple, considérons un développement décimal. Soit (an)n1 une
suite d’entiers tous compris entre 0 et 9. La série
+∞ an
converge.
n=1 10n
En effet, son terme général u = an est majoré par 9 . La série géométrique 1
n 10n 10n 10n converge, car 1 < 1. La série 9 converge aussi par linéarité, d’où
le résultat.
10 10n Nous avons déjà vu que la série
Nous allons en déduire que
En effet :
+∞ 1
converge. 11
+∞ 1
converge.
n=0 (n+1)(n+2)
n=1 n2
lim2n2 =.
n→∞ 1 2 (n+1)(n+2)
En particulier, il existe n0 tel que pour n n0 : 11.
2n2 (n+1)(n+2)
En fait c’est vrai pour n 4, mais il est inutile de calculer une valeur précise
de n0.
On en déduit que la série de terme général Montrons maintenant que
1 converge, d’où le résultat par linéarité. 2n2
+∞ (ln(n))α n=1 n3
lim n1 (ln(n))α = 0 . n→∞
converge,
pour tout réel α. En effet :
Donc il existe n0 tel que pour n n0,
n1(ln(n))α 1.
En multipliant les deux membres par 1 : n2
(ln(n))α 1
n3
n2 .
6
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Séries numériques
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Séries de Riemann
Séries de Bertrand
Si α 1 Si α > 1
+∞
n−α
n=1 +∞
n−α n=1
diverge. converge.
Si β 1
+∞
n−1(ln(n))−β n=2
diverge.
+∞
n−1(ln(n))−β n=2
Si β > 1
Nous retrouvons en particulier le fait que 1 converge, alors que 1 diverge.
n2 n
Voici deux exemples d’utilisation des équivalents pour la comparaison avec les
séries
de Riemann et de Bertrand. La série
En effet :
et la série de Riemann 1 n2
La série
En effet :
terme général d’une série est un produit de facteurs dont l’un est dominant, alors
la nature de la série est dictée par le terme dominant.
Proposition 2. Soient r et r′ deux réels tels que 0 < r < r′ < 1. Soit (an)n∈N une
suite telle que r n a soit bornée. Alors la série r′ n
rn|an| converge. 9
+∞ 1
ln 1 + n2 converge. n=1
11 ln 1+n2 ∼ n2 ,
+∞
converge. +∞1−cos √1
n ln(n) n=1 sin(n1 )
converge.
diverge.
et la série de Bertrand
1−cos √1
n ln(n) ∼ 1 ,
sin( n1 ) +∞ 2n ln(n) 1 diverge.
n ln(n)
Nous allons à nouveau appliquer le théorème de comparaison, pour montrer que si le
Maths en Ligne Séries numériques UJF Grenoble Le rapport un+1 vaut 2 si n est pair,
1 si n est impair. Il est donc toujours inférieur à
un 3 2 2/3, et la série converge.
Définissons maintenant :
un =
2k 3k
sin=2k
2k 3k+1
si n = 2k + 1
Le rapport un+1 vaut 1 si n est pair, 2 si n est impair. Le critère de d’Alembert
un 3 √ 2
ne s’applique pas. Pourtant, n un converge vers 3 < 1, donc le critère de Cauchy
s’applique (la série converge).
Ici encore, quand la suite un+1 converge, la position de la limite par rapport à 1
un détermine la nature de la série.
Corollaire 2. Soit un une série à termes positifs, telle que un+1
converge vers l.
• Si l < 1 alors un converge. • Si l > 1 alors un diverge.
Si lim un+1 = 1, on ne peut pas conclure en général. un
un
Démonstration : Par définition de la limite, si l < 1, alors il existe n0 tel que
pour tout
n > n0,
et le premier cas du théorème 7 s’applique.
un+1 <l+1−l=l+1<1, un 22
Sil>1,alorsilexisten0 telquepourtoutn>n0, un+1 >l−(l−1)=1,
un
et le second cas du théorème 7 s’applique.
Par exemple, pour tout réel positif r, la série exponentielle rn
n! converge.
car un+1 = r tend vers 0 < 1. (On pourrait aussi appliquer le critère de Cauchy,
mais
n! converge, 1·3 ··· (2n−1)
un n+1 c’est moins facile.)
car un+1 = n+1 tendvers 1 <1. un 2n+1 2
car un+1 = (2n+1)(2n+2) tend vers 4 > 1. un (n+1)2
(2n)! (n!)2
diverge,
13
Maths en Ligne Séries numériques UJF Grenoble 1. La suite (an)nN est une suite
décroissante de réels positifs, et tend vers 0.
2. Les sommes partielles de la suite (bn)nN sont bornées : ∃M,∀n∈N, |b0+···+bn|
M.
Alors la série anbn converge.
Démonstration : L’idée de la démontration est d’effectuer un changement dans la
sommation, qui s’apparente à une intégration par parties. Pour tout n 0, posons
Bn = b0 + · · · + bn. Par hypothèse, la suite (Bn) est bornée. Nous écrivons les
sommes partielles de la série anbn sous la forme suivante.
sn =a0b0 +a1b1 +···+anbn = a0B0 +a1(B1 −B0)+an(Bn −Bn−1)
= B0(a0 −a1)+B1(a1 −a2)+···+Bnan .
Comme Bn est borné, et an tend vers 0, le terme Bnan tend vers 0. Nous allons
montrer que la série Bn(an − an+1) est absolument convergente. En effet,
|Bn(an − an+1)| = |Bn|(an − an+1) M(an − an+1) ,
car la suite (an) est une suite de réels positifs, décroissante, et |Bn| est borné
par M.
Or :
M(a0 −a1)+···+M(an −an+1)=M(a0 −an+1),
qui tend vers Ma0 puisque (an) tend vers 0. La série M(an − an+1) converge, donc
la série |Bn(an − an+1)| aussi, par le théorème de comparaison 3. Donc la série
Bn(an − an+1) est convergente, donc la suite (sn) est convergente.
Le cas d’application le plus fréquent est celui où bn = einθ.
Corollaire 3. Soit θ un réel tel que θ ̸= 2kπ , ∀k ∈ Z. Soit (an) une suite de réels
positifs, décroissante, tendant vers 0 à l’infini. Les séries
einθ an , cos(nθ)an , sin(nθ)an convergent.
Démonstration : Pour appliquer le théorème d’Abel 9 avec bn = einθ, nous devons
vérifier que les sommes partielles de la suite (einθ) sont bornées. Or einθ =
(eiθ)n, et par hypothèse eiθ est différent de 1. On a donc :
inθ 1−ei(n+1)θ |1+···+e | = 1−eiθ
|2|. 1−eiθ
D’où le résultat. La convergence des séries cos(nθ)an et sin(nθ)an est une
consé-
quence directe de la proposition 1.
16
Maths en Ligne Séries numériques UJF Grenoble d’où le résultat, en résolvant cette
équation en s. La même technique permet de montrer
que :
+∞ r2 + r n2rn = (1 − r)3 .
n=0
Quand le terme général est le quotient d’un polynôme en n par n!, on peut toujours
se ramener à la série exponentielle. Si le polynôme est n, n(n − 1),. . . , la
simplification
est immédiate.
+∞n+∞ 1 ==e.
n=0 n! n=1 (n − 1)!
+∞ n(n−1) +∞ 1 ==e. n=0 n! n=2 (n − 2)!
Un polynôme en n de degré 1 peut toujours s’exprimer comme combinaison linéaire
de 1, n, n(n − 1),. . . Par exemple,
+∞ n2
+∞ n(n−1)+n
= = 2e .
n=0 n!
n=0 n!
Vous pourrez procéder de même pour calculer les sommes suivantes.
+∞ n2 +2n−1
= 3e . n=0 n!
+∞ n3 −n2 −n−1
=e. n=0 n!
1.6 Vitesse de convergence
Combien faut-il ajouter de termes d’une série pour avoir une bonne approximation de
sa somme? Pour contrôler l’erreur commise en remplaçant la somme globale par une
somme partielle, il faut examiner le reste.
Définition 4. Soit un une série convergente de somme s, et (sn) la suite des
sommes partielles. On appelle reste à l’ordre n la quantité
+∞ rn=s−sn= uk.
k=n+1
Nous allons donner quelques exemples de séries dont on peut borner le reste. Nous
commençons par les séries géométriques. Soit r tel que |r| < 1. Rappelons que la
somme
de la série géométrique est :
∞1
rn = 1 − r . n=0
19
Maths en Ligne Séries numériques UJF Grenoble Son reste à l’ordre n vaut :
1 1−rn+1 rn+1 s−sn=1−r− 1−r =1−r.
Le reste tend donc vers 0 à vitesse géométrique, ce qui est assez rapide. Par
exemple, pour r = 2, le reste à l’ordre 20 vaut 9,5 10−7, le reste à l’ordre 100
vaut 8 10−31.
Examinons maintenant la série exponentielle. Pour borner son reste, considérons les
deux suites (sn) et (s′n) définies par :
sn =1+···+ 1 + 1 et s′n =1+···+ 1 + 2 . (n−1)! n! (n−1)! n!
La suite (sn) est croissante et converge vers e. On vérifie facilement que la suite
(s′n) est décroissante pour n 1. Les deux suites sont donc adjacentes et
convergent vers la même limite e. On a donc :
r n = e − s n s ′n − s n = 1 . n!
La convergence est beaucoup plus rapide que pour une série géométrique. Numérique-
ment, on trouve r10 = 2,7 10−8, r20 = 2 10−20, r50 = 6,6 10−67.
Nous allons maintenant examiner des séries dont la convergence peut être beaucoup
plus lente. Commençons par les séries alternées, déjà évoquées au paragraphe
précédent.
Proposition 5. Soit (an) une suite de réels positifs, décroissante, tendant vers 0
à l’infini. Posons un = (−1)nan. Le reste à l’ordre n de la série un est majoré
par la valeur absolue du premier terme non sommé :
|rn| an+1 .
Démonstration : Notons sn = u0 + ··· + un. Pour tout k ∈ N, posons αk = s2k et
βk = s2k+1. Nous vérifions que (αk) et (βk) sont deux suites adjacentes. En effet,
αk+1 −αk =−a2k+1 +a2k+2 0 et βk+1 −βk =a2k+2 −a2k+3 0.
Donc (αk) est décroissante, et (βk) est croissante. De plus αk −βk = a2k+1 tend
vers 0. Les deux suites ont donc la même limite s. Pour tout k ∈ N, on aura :
βk βk+1 sαk+1 αk .
Selon que n est pair ou impair, le reste rn peut être borné comme suit.
|r2k| = |s−αk|αk −βk =a2k+1 , |r2k+1| = |s−βk|αk+1 −βk =a2k+2 .
20
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3. 4.
5. 6.
cos3(n) √n
cos3 (n) √ n √6 n 2 + n
cos3(n)(n2 + 1) n3
cos3(n)(n + 1) n3
Vrai-Faux 6. Parmi les égalités suivantes lesquelles sont vraies, lesquelles sont
fausses et pourquoi ?
+∞ 1. n=2 +∞ 2. n=2 +∞ 3. n=2 +∞
1 +∞ 1 =
(n−1)2 n=0 (n+1)2 1 +∞ 1
=
n(n−1) n=1 (n+1)(n+2)
4. 2−n =1 n=1
+∞ 1
2−n = 4
n=2
+∞ 1 3−n−1 = 18
5.
6.
7.
8.
9.
n=2 +∞
n=2 +∞
n=2 +∞
n=3
1 n!
(n + 1)! 1
n−3 +∞ n−2
n(n−1)(n−2)
=
n=1 n(n2 −1)
=e−2
1 3
=e− =e−1
(n − 2)!
=1
2
Vrai-Faux 7. Parmi les égalités suivantes lesquelles sont vraies, lesquelles sont
fausses et pourquoi ?
+∞ 1. n=3 +∞ 2. n=4
1 n(n − 1)
1 1
(n−1)(n−2)
=
2
24
Maths en Ligne Séries numériques UJF Grenoble Exercice 19. Soit k un entier.
1. Montrer que cos2k(x) est une combinaison linéaire de 1, cos(2x), . . . ,
cos(2kx). En déduire que la série cos2k (n)/n est divergente.
2. Montrerquecos2k+1(x)estunecombinaisonlinéairedecos(x),...,cos((2k+1)x). En
déduire que la série cos2k+1(n)/n est convergente.
Exercice 20. Soit un une série convergente à termes complexes. Montrer que la
série un converge.
n
Exercice 21. On considère la série un, où
un = √ sin(n)
n + cos(n)
1. Vérifier que la suite (1/(√n + cos(n)) n’est pas décroissante.
2. Montrer que la suite (1/(n − cos2(n)) est décroissante.
3. Montrer que la suite (√n/(n − cos2(n)) est décroissante.
4. Vérifier que
un = sin(n)√n − sin(n) cos(n) . n − cos2(n) n − cos2(n)
En déduire que un converge.
Exercice 22. Soient a et b deux réels. On considére la série u
= an .
1. On suppose b ≤ 1. Pour quelles valeurs de a la série est-elle absolument conver-
gente ?
2. Même question pour b > 1.
3. On suppose a = −1. Pour quelles valeurs de b la série est-elle convergente ?
4. Représenter dans le plan les points de coordonnées (a,b) tels que la série est
absolument convergente, convergente, divergente.
Exercice 23. On considère la série de terme général un, où un= 1 .
n(n2 − 1)
1. Écrire la décomposition en éléments simples de la fraction rationnelle 2. En
déduire une expression explicite en fonction de n de
n
k=2
1 . X(X2−1)
avec u
n nn+bn
1 k(k2 − 1)
29
Maths en Ligne Séries numériques UJF Grenoble 1. Montrer que si le produit infini
an converge, alors ∀n , an ̸= 0 et
On pose désormais an = 1 + un.
2. On suppose seulement si
3. On suppose seulement si
4. On suppose absolument,
que ∀n ∈ N, an > 1. Montrer que le produit an converge si et la série un
converge.
que ∀n ∈ N , an ∈]0, 1]. Montrer que le produit an converge si et la série un
converge.
que ∀n ∈ N , an ∈]0, +∞[. Montrer que si la série un converge alors le produit
an converge.
5. Montrer que pour tout n 2,
n 1 n + 1
+∞ Endéduire n=2
6. Montrer que
1 1−n2 .
n=1
On pourra calculer (1 + 1 )(1 − 1 ).
2n
7. Montrer que le produit infini
2n+1
1+ni converge.
On pourra appliquer le résultat de la question 2. 8. Montrer que le produit infini
i
1 + n diverge.
On pourra écrire
i i 1
1+ = 1+ eiθn avecθ =arctan nn n n
.
lim an = 1 . n→+∞
1−k2 = 2n . k=2
+∞ 1+n=1
Exercice 28. Soit (un)n∈N une suite de réels, telle que la série un soit
convergente mais non absolument convergente. On note (pn) la suite des termes
positifs et (mn) la suite des termes négatifs.
un siun>0 un siun<0 pn= 0 sinon et mn= 0 sinon
31
(−1)n
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11. Écrivons :
s2n
=1−1+1+···+ 1 −1 2 3 2n−1 2n
1 111 1 = 1+3+···+2n−1 − 2+4+···+2n
1 111 1 = 1+2+···+2n −2 2+4+···+2n
11211 = 1+2+···+2n −2 1+2+···+n
= h2n−hn
D’après la question 5, hn − ln(n) converge vers γ, il en est donc de même de
h2n − ln(2n). Donc :
lim sn = lim s2n
n→+∞ n→+∞
= limh2n−hn
n→+∞
= lim (h2n − ln(2n)) + ln(2) − (ln(n) − hn)
n→+∞
= γ+ln(2)−γ=ln(2)
42
Maths en Ligne Séries numériques UJF Grenoble plus loin. Il faut v/V 2 à Achille
pour le rejoindre, mais il est déjà v2/V 2 km plus loin,
etc. L’instant de contact est donc :
1vv2 1+∞vn11 1 +++···==v=.
V V2 V3 Vn=0 V V1−V V−v
Voici la même énigme, proposée en juin 1760 dans le volume 29 du « London magazine,
or gentleman’s intelligencer ». Achille s’est changé en oie et la tortue en
grenouille.
Suppose a goose and a frog to start for a wager. Let the goose give the frog
one mile start ; and let the goose be supposed to run ten times as fast as the
frog. When will the goose overtake the frog ? I answer, if mathematics are
built on a solid foundation, the goose will never overtake the frog ; which I
prove thus :– While the goose is running the mile that he has given the frog
start, the frog will have run 1 of a mile beyond ; and while the goose runs 10
this 1 of a mile, the frog will have run 1 part of a mile. While the goose 10 100
is running this 1 part of a mile, the frog must have kept his lead 1 part 100 1000
of a mile; and thus forward 1 , 1 , 1 , etc. in infinitum. Thus I 10000 100000
1000000
prove, from strict mathematical demonstration that the goose would, in this case,
never overtake the frog ; – yet I know, from experience, that the goose would
really overtake the frog in a small space of running. Do mathematics then
contradict facts, which is the touchstone of all science ?
Les mathématiciens, anglais en particulier, manipulaient déjà les séries infinies
depuis un bon siècle. Le mois suivant, la réponse est publiée.
The human mind, being finite, cannot comprehend infinity; and so a so- lution to
the query concerning the Goose and the Frog cannot be given in the manner requested
by your correspondent.
[...]
An hour is equal to 59′, 59′′, 59′′′ etc. ad infinitum. If, therefore, a body, that
by an equable motion would require an hour to run over a certain space, were to
move so much thereof as would require 59′, and then as much as would require 59′′,
and then so much more as would require 59′′′, etc., reason can no other way account
for the completion of the hour’s journey, by that body, than by considering its
motion in another light than as being made up of an infinite series. In fine, when
any thing is proposed for a solution, that is within the reach of our finite
capacity, then Mathematicks, noble, unerring, universally-useful Mathematicks, lend
their amicable and infallible assistance towards a solution thereof.
Puisque vous voilà disposés à profiter de l’« amicable and infallible assistance »
des mathématiques, voici une version moderne du même casse-tête.
Un train part de la ville A à 60 km/h pour se rendre à la ville B, distante de 120
km, et en même temps un train part de B vers A à la même vitesse.
44
Maths en Ligne Séries numériques UJF Grenoble mière moitié du temps, il traversera
trois fois autant d’espace que dans la
seconde moitié.
Vous vous demandez pourquoi avoir eu recours à une sommation de série, alors qu’il
suffisait d’appliquer l’argument à la deuxième moitié (un quart de la distance
totale parcourue, puisque la durée et la vitesse sont la moitié) ? Moi aussi. Peut-
être par fidé- lité à Aristote et son paradoxe de dichotomie. En tout cas, le même
genre d’argument lui permettait d’aller encore plus loin.
Si un point se meut à une vitesse constante durant la première moitié d’un
intervalle de temps, durant le quart suivant de l’intervalle de temps à une vitesse
double de la vitesse initiale, durant le huitième suivant de l’intervalle à une
vitesse triple, etc. ad infinitum ; alors la vitesse moyenne durant l’intervalle de
temps total sera le double de la vitesse initiale.
En d’autres termes :
1+2+3+···+ n +···=2. 248 2n
C’est la première somme de série non géométrique de l’histoire. Comment Swineshead
s’y prenait-il? Doubler la vitesse sur la seconde moitié revient à la doubler sur
la première. La tripler en plus sur le dernier quart de l’intervalle, a le même
effet sur la vitesse moyenne que la doubler partout, sauf sur le dernier quart. La
quadrupler en plus sur le dernier huitième a le même effet que la doubler partout,
sauf sur le dernier huitième, etc. (figure 3). En écriture mathématique :
6
5
4
3
12nn+11
2+4+···+2n+ 2n
=2 1−2n .
22
11
0
0101
Figure 3 – Argument de Swineshead pour la somme de la série n2−n.
48
Maths en Ligne Séries numériques UJF Grenoble sans réussir à calculer la somme
exacte. Ce sera un des grands succès d’Euler, presque
un siècle plus tard.
Au fait : pourquoi série harmonique ? En musique, une série harmonique est une
série de sons dont la fréquence est un multiple entier du son fondamental. Mettons
que vous jouiez un La, qui comme le dit votre diapason est un son de 440 Hz. Le La
de l’octave au-dessus est à 880 Hz, celui de l’octave en-dessous à 220 Hz. La note
de tierce majeure, Do#, est dans un rapport de 5/4 avec le son fondamental : donc
une fréquence de 550 Hz (ou 275 ou 1100. . . ). Quant à la quinte qui complète
l’accord parfait (La–Do#–Mi pour La majeur), son rapport avec le son fondamental
est 3/2, donc une fréquence de 660 Hz (ou 330, ou 1320. . . ). Si vous ne jouez que
les notes de l’accord parfait de La Majeur (ça peut devenir lassant à la longue),
vous entendrez des fréquences de 110, 220, 330, 440, 550 Hz. . . donc des
vibrations dont les longueurs d’onde sont, à une constante près des inverses
d’entiers. Si vous vous ennuyez pendant le concert, songez que pendant au moins 2
millénaires après Pythagore, la musique a été considérée comme une partie des
mathématiques, au même titre que l’arithmétique et l’analyse.
3.4 De seriebus divergentibus
Cet article a été écrit en 1755 et son titre fleure bon le latin de cuisine. Le
contenu est à faire dresser les cheveux sur la tête. En voici quelques perles.
Une série est dite convergente si ses termes forment une suite décroissante vers 0.
La série harmonique 1 n
−12 = 1+3+9+27+···
Une fraction somme d’entiers ? Un nombre négatif somme d’une infinité d’entiers
posi- tifs ? « Il semble conforme à la vérité de dire que les mêmes quantités qui
sont inférieures à zéro peuvent être évaluées comme plus grandes que l’infini en
même temps ». Depuis que vous savez ce qu’est la convergence d’une série, vous avez
acquis le droit de rica- ner : c’est du grand n’importe quoi! Sauf que l’auteur
n’est autre que Léonard Euler (1707–1783). Alors on remballe les sarcasmes, et on
essaie de comprendre ce que dit le monsieur.
Il n’est pas dupe 5.
Assez notable est la controverse sur la série 1−1+1−1+1−1+··· dont
la somme a été donnée par Leibniz comme étant 1/2, bien que d’autres ne
5. V.S. Varadarajan : Euler and his work on infinite series Bull. Amer. Math. Soc.,
44(4) p. 515–539 (2007)
serait donc convergente ? Un peu oui ! Et même pire :
1 2
= 1−1+1−1+1−1+··· −1 = 1+2+4+8+···
50
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3. Pourz̸=1,onpose: Montrez que
1 −z g(z)=1−zf 1−z .
+∞ g(z)=bnzn .
n=0
4. Déduisez de ce qui précède que
1+∞11 1+∞
g =bn n= f(−1)= (−1)nan.
décroissance géométrique). Voici un exemple. Pour an = 1 , nous avons vu que la n+1
2 n=0 2 2 2n=0
Le miracle est dans le 1 : typiquement, la transformation d’Euler remplace une
série
2n
à convergence lente (reste rn de l’ordre de n−1) en une convergence rapide (reste à
série alternée converge lentement vers ln(2).
La série transformée est :
1 1 +∞ (−1)n 1− + +···=
=ln(2).
23 n=0n+1 1 1 1 +∞ 1
+ =
3.23 n=0 (n + 1)2n+1
+
qui converge beaucoup plus rapidement. Mais alors, puisque cela marche si bien pour
2.22
= ln(2) ,
1.2
les séries convergentes, pourquoi se gêner? Pour (−1)n, la série transformée est :
12 + 0 + 0 + 0 + 0 + · · · = 12 . Difficile de touver plus rapide comme convergence
!
Souvenez-vous qu’au temps d’Euler, il n’y avait pas d’autre moyen pour connaître la
somme d’une série que de calculer suffisamment de termes à la main, puis de les
addi- tionner : il était peut-être encore plus crucial qu’aujourd’hui d’obtenir la
meilleure pré- cision possible dans un temps de calcul donné. Les méthodes
d’accélération de conver- gence consistent à remplacer une série par une autre de
même somme et de convergence plus rapide. Elles sont apparues très tôt. Des
dizaines ont été inventées, et sont im- plémentées de nos jours dans les logiciels
de calcul. Nous venons de vous présenter la méthode d’Euler pour les séries
alternées. Il en avait découvert d’autres, dont une qui lui avait permis en 1735 de
deviner la solution au fameux problème de Bâle :
+∞1 π2 =. n=1 n2 6
53
Maths en Ligne Séries numériques UJF Grenoble Ce fut le point de départ des
recherches sur la fonction zéta, qui allait jouer en mathé-
matiques un rôle aussi central que le Théorème de Fermat : +∞ 1
ζ(s) = . n=1 ns
Nous aurons certainement l’occasion de vous en reparler !
3.5 Vous avez le choix !
Prenez une série un convergente, mais non absolument convergente, par exemple
(−1)n/n. Nous vous avons fait démontrer en exercice qu’on peut en permutant les
termes, obtenir n’importe quelle somme, y compris ±∞. Vous pouvez préférer que ce
soit Cauchy qui vous le dise 6.
Si les différents termes de la série proposée étaient les uns positifs, les autres
négatifs, il pourrait arriver que la série fût convergente, et que les termes dans
lesquels la somme des indices serait au moins égale à n, étant ajoutés les uns aux
autres dans un certain ordre, ne donnassent pas toujours une somme infiniment
petite pour des valeurs infiniment grandes de n. Cette remarque est applicable même
aux séries simples. Ainsi, en particulier, si l’on considère la série simple
1, −21, +13, −14, ..., ±n1, ..., (6)
[...] on peut affirmer que la somme sn convergera pour des valeurs crois- santes de
n vers une limite fixe s et que la série (6) sera convergente. Mais si au lieu
d’ajouter les uns aux autres les termes [. . . ] pris dans l’ordre où ils se
trouvent, on venait à intervertir cet ordre en choisissant parmi eux des termes
affectés du même signe, par exemple les suivants
±1,±1,...,±1=±1, n+2 n+4 n+2n 3n
la valeur numérique de la somme de ces derniers termes, savoir 1+1+...+1
n+2 n+4 3n surpasserait évidemment le produit
n×1 3n
et cesserait d’être infiniment petite pour des valeurs infiniment grandes de n.
6. L.A. Cauchy, Résumés analytiques, p. 85 Imprimerie Royale, Turin (1833) 54