Pediatrie5an05-Maladie Coeliaque
Pediatrie5an05-Maladie Coeliaque
Pediatrie5an05-Maladie Coeliaque
Module de Pédiatrie
Maladie cœliaque
Définition
Maladie chronique de la muqueuse intestinale du grêle due à une hypersensibilité permanente au gluten
(protéine panifiable présente dans plusieurs céréales), liée à une anomalie de l'immunité cellulaire,
survenant chez un sujet génétiquement prédisposé, se traduisant par atrophie villositaire totale ou subtotale
de la muqueuse intestinale qui guérit après exclusion du gluten de l'alimentation et réapparaît à sa
réintroduction.
Intérêt
• Fréquence
• Gravité
• Pronostic
Epidémiologie
• Fréquence : dans les pays occidentaux, la maladie cœliaque est la maladie liée à une malabsorption.
La plus fréquente. La prévalence en Europe et en Amérique du Nord est estimée à 1/100-250.
Certaines études parlent de 1/500. En Algérie, 2 études ont rapporté des fréquences inégales d'une
région à l'autre : Annaba : 1 cas/278, Oran : 1 cas/600.
• Sexe : prédominance féminine
• Âge : âge d'introduction du gluten 3-9 mois.
Etiopathogénie
• Les céréales occupent une part importante de notre alimentation. De par leur valeur énergétique,
elles représentent jusqu'à 60 % de l'apport calorique dans les pays en voie de développement.
• Les graines de céréales sont constituées d'un sucre, l'amidon, et d'un mélange complexe de
protéines, le gluten.
• Le gluten est composé de 2 fractions que l'on distingue par leur caractère soluble ou non dans
l'alcool :
➢ 1ère fraction (gluténines) : qui ne sont pas toxiques pour les malades cœliaques. Ce sont de
grosses protéines qui rendent la pâte à pain compacte et fluide
➢ 2e fraction (toxique = prolamines) : solubles dans l'alcool. 1000 fois plus petites que les
gluténines, elles donnent à la pâte à pain son élasticité.
• Toutes les céréales contiennent des prolamines, et en particulier le blé :
➢ Les prolamines du blé, qui s'appellent gliadines ont été les plus étudiées, la partie toxique des
gliadines est constituée de séquences d'acides aminés que l'on retrouve 5 fois par molécule
dans la gliadine et en particulier dans Pa-gliadine qui est la plus agressive
➢ Les prolamines toxiques dans les autres céréales sont les sécaline pour le seigle et l’hordeline
l'orge. On ne retrouve pas ces séquences d'acides aminés dans d'autres céréales comme le
maïs ou le riz qui sont bien tolérés.
Physiopathologie
• Une association génétique primaire liée au locus HLA (HLA DQ2 et DQ8) est bien documentée. Chez
un sujet prédisposé, l'hétérodimère DQ associé à la maladie cœliaque, est capable de reconnaître la
séquence particulière de peptides toxiques de la gliadine et à un moindre degré les protides d'orge,
seigle ou avoine.
• Les macrophages portant les molécules HLA classe 11
(comportant DQ) vont présenter le peptide aux
lymphocytes T amplificateurs de la lamina propria de
l'intestin, et c'est leur stimulation qui enclenchera
alors une série de réactions à l'origine des lésions
intestinales de la maladie,
• A côté du gluten comme facteur pathogénique
essentiel, il doit exister un autre « détonateur »
aujourd'hui encore inconnu qui active La
transglutaminase tissulaire normalement présente et
potentialise ainsi le pouvoir antigénique du gluten.
• Activation des cellules mononucléaires de la lamina propria mise en route d'une réaction
immunologique essentiellement médiée par les lymphocytes Th 1 infiltration de la muqueuse avec
apoptoses atrophie villositaire + hyperplasie des cryptes intestinales.
Anatomopathologie
• L'examen histologique permet d'apprécier l'état de la muqueuse, l'aspect du relief villositaire, la
population cellulaire du revêtement et la densité lymphocytaire.
• Après technique habituelle de déshydratation et d'inclusion (passage à l'alcool, xylène et paraffine),
les fragments sont colorés à l'hématine-éosine. Des colorations spéciales (PAS ou Giemsa...) sont
utilisées si la présence de parasites est suspectée.
• L'examen se fait au microscope optique :
➢ Muqueuse intestinale normale : se caractérise par des villosités longues et des cryptes
profondes. Les villosités occupent les 3A de la hauteur totale de la muqueuse. Le nombre de
lymphocytes intra-épithéliaux est de 20-30 lymphocytes pour 100 cellules épithéliales.
➢ Atrophie villositaire partielle : le rapport cryptes/villosités est de 0,27-1, les cellules
caliciformes tendent à augmenter. Il existe une exocytose modérée (présence de lymphocytes
intra-épithéliaux).
➢ Atrophie villositaire subtotale : le rapport cryptes/villosités est > 1, les cellules absorbantes
sont constamment anormales
➢ Atrophie villositaire totale : la muqueuse est plate mais l'épaisseur totale de la muqueuse
n'est pas diminuée par rapport à celle d'une muqueuse normale car la couche des cryptes est
très épaissie. L'épithélium de surface est très altéré : ses cellules apparaissent aplaties et il
est infiltré par de nombreux lymphocytes. Le chorion est massivement infiltré de plasmocytes
et de lymphocytes.
Clinique
La présentation clinique d'une maladie cœliaque est très polymorphe. Depuis sa description par Samuel Gee
en 1882, la maladie cœliaque a subi des changements dans ses formes d'expression. A côté de la forme
classique symptomatique, on distingue de plus en plus grâce aux techniques sérologiques et génétiques, de
nouvelles formes cliniques.
• Âge et circonstances de survenue :
➢ Les premiers symptômes apparaissent d'autant plus tôt et dans un délai d'autant plus court
après l'introduction du gluten que celle-ci est plus précoce
➢ Cependant l'introduction du gluten après l'âge de 4 mois a permis de repousser l'âge du
diagnostic qui est donc porté le plus souvent entre 6-8 mois et 2 ans
➢ Le diagnostic peut aussi être fait ultérieurement à n'importe quel âge jusqu'à l'âge adulte,
que les symptômes aient été ignorés ou mal interprétés, ou plus rarement, que ceux-ci ne
soient réellement apparus que plus tard (3-8 ans) dans l'enfance.
• Description clinique :
➢ Type de description : Maladie cœliaque symptomatique, active ou patente
▪ Chez le nourrisson : c'est dans la 1ere enfance que la symptomatologie est la plus
caractéristique, elle est en rapport avec un syndrome de malabsorption globale
imputable : à la réduction considérable de la surface absorbante (atrophie villositaire)
et aux altérations morphologiques et fonctionnelles des entérocytes restants. En
quelques semaines, voire en quelques mois, se constitue un ensemble clinique qui
associe classiquement :
✓ Diarrhée : faite de selles typiquement « bouse de vache », fétides, homogènes,
abondantes, parfois franchement liquides.
✓ Syndrome carentiel majeur : qui est révélé par :
❖ La cassure des courbes, d'abord de poids, puis de taille, dans les
semaines qui suivent l'introduction du gluten le déficit pondéral est
plus marqué que le déficit statural
❖ Le pannicule adipeux a disparu, les masses musculaires ont fondu
surtout aux racines (les fesses tristes tombent en rideaux sur les cuisses
flasques)
❖ Altération de l'état général majeure : enfant triste, pâle, apathique et
grognon
❖ Il prend du retard dans son développement psychomoteur, ne
progressant plus dans son apprentissage, perdant même ses plus
récentes acquisitions
✓ Autres signes : altérations des phanères, œdèmes, hématomes, tétanie
✓ Un abdomen proéminent lorsque l'enfant est debout, étalé en ventre de
batracien lorsqu'il est couché, contrastant avec la maigreur
✓ Cet ensemble symptomatique est cependant exceptionnellement aussi sévère.
C'est le plus souvent devant le même tableau, mais aux traits moins accentués,
que le diagnostic de maladie cœliaque est suspecté
▪ Dans la seconde enfance :
✓ Plus rarement, le diagnostic est évoqué chez un enfant scolarisé
anormalement fatigable et pâle
✓ La symptomatologie digestive est alors habituellement au second plan :
anorexie, inconfort abdominal parfois
✓ Nous assistons actuellement à l'augmentation des formes atypiques, mono-
symptomatiques : la plus fréquente de ces formes se limite à un retard de
croissance isolé qui peut réaliser au maximum un véritable nanisme avec ou
sans infantilisme
✓ Autres formes : déficits nutritionnels constitués à bas bruit (anémie ferriprive,
ou exceptionnellement mégaloblastique, ostéoporose), anomalies émail
dentaire, arthrites périphériques ou arthralgie
✓ Symptômes atypiques : petite taille, anémie, constipation, défaut de l’email,
aphtes, douleurs ostéo-auriculaires, dysplasie unguéale, chéilite, retard de
puberté, alopécie, hépatite (élévation des transaminases)
➢ Formes cliniques : le polymorphisme clinique explique la difficulté du diagnostic de la maladie
cœliaque. Le tableau classique décrit précédemment est loin d'être la règle.
▪ Forme à début précoce : en règle générale, la symptomatologie est plus marquée chez
le nourrisson que chez l'enfant. Ces formes sont observées en raison de l'introduction
précoce dans l'alimentation des nourrissons, de préparations avec gluten. L'intervalle
libre est alors raccourci. Les troubles digestifs sont souvent plus sévères et mal tolérés
(les vomissements sont fréquents) et le diagnostic peut être difficile avec une allergie
aux protéines du lait de vache ou une malabsorption.
▪
Formes oligo-symptomatiques : maladie cœliaque asymptomatique ou silencieuse
(forme clinique asymptomatique, anticorps présents, muqueuse anormale). Les
formes asymptomatiques sont en général découvertes lors d'un screening des
anticorps des groupes à risque (anamnèse familiale positive, diabète de type 1,
trisomie 21...). Les patients n'ont en général que des symptômes très discrets voire
inexistants. Les lésions histologiques de la muqueuse ne sont souvent que très discrets
et ne suffisent pas à entraîner des symptômes de malabsorption ou des déficits
nutritionnels
✓ Maladie cœliaque potentielle (pas de symptômes, anticorps positif,
muqueuse, normale) : cette forme est caractérisée par un statut génétique et
immunologique particulier qui représenterait une prédisposition à développer
dans certaines conditions favorisantes une maladie cœliaque active. On
retrouve des anticorps anti-endomysium ou des anticorps anti-
transglutaminase tissulaire positifs sous régime avec gluten ; la muqueuse
intestinale reste par contre histologiquement normale.
Génétique Anticorps Biopsie Formes d'expression
Symptomatique typique : diarrhée chronique
+ + + Symptomatique atypique : retard staturo-pondéral, anémie,
constipation, douleurs abdominales, retard pubertaire ...
+ + + Asymptomatique
+ ± - Potentielle
▪ Formes associées :
✓ A une dermatite herpétiforme : typiquement, la dermatite herpétiforme
réalise une maladie cutanée, bulleuse et prurigineuse, évoluant de manière
chronique en l'absence de traitement par poussées entrecoupées de
rémissions. Des lésions cutanées diverses précédent habituellement pendant
des mois et des années l'éruption caractéristique associant placards urticariens
et petites bulles de 1 à 3 mm de 0, souvent groupées comme dans l'herpès ou
disposées en couronne à la périphérie des lésions urticariennes. Elles siègent
de préférence sur les faces d'extension des membres, les épaules, les lombes,
les fesses. L'état général est conservé. L'association fréquente serait due à une
parenté antigénique d'une fraction de gluten avec la réticuline à l'origine des
IgA anti-réticuline retrouvées dans le tissu conjonctif sous-épithélial de
l'intestin et de la peau, provoquant l'atrophie villositaire intestinale et les
lésions huileuses de la peau. Un fait remarquable de cette association serait le
nombre considérable de rémissions de la dermite herpétiforme sous régime
excluant le gluten
✓ Au diabète : l'enfant diabétique insulinodépendant présente une maladie
cœliaque de façon significativement plus fréquente que dans le groupe
témoin, l'inverse étant également vrai. Cette association doit être recherchée
et dépistée même dans la fratrie d'un malade. Elle serait d'origine génétique
✓ A la mucoviscidose : cette association a également été rapportée
✓ A un déficit en IgA : association pouvant ouvrir des perspectives dans la
compréhension des mécanismes immunologiques responsables de la maladie
cœliaque
▪ Formes compliquées : la crise cœliaque est une complication redoutable,
heureusement rare, survenant chez des patients très jeunes, elle se caractérise par
une anorexie profonde, vomissements, diarrhées profuses, Déshydratation, choc,
hypo-protidémie, acidose, hypokaliémie, hypocalcémie, hypo-magnésémie,
hypoglycémie. Une infection intercurrente, un écart de régime sont des facteurs
précipitants, les ulcères du grêle, les hémorragies massives et les lymphomes se voient
surtout chez l’adulte.
Examens paracliniques
• Bilan de malabsorption :
➢ Examens biologiques :
▪ Anémie avec un taux d’hémoglobine < 10 g/dl, plus souvent microcytaire liée à
l’hyposidérémie, exceptionnellement macrocytaire, quasi-constante
▪ Diminution du taux plasmatique des facteurs de coagulation dont la synthèse est
vitamine K-dépendante, symptomatique
▪ Hypo-protidémie souvent modérée, liée surtout à l’hypo-albuminémie
▪ Hypo-cholestéromie inconstante témoignant de la fuite lipidique dans les selles
▪ Anomalie du métabolisme phosphocalcique, habituelle dans la forme complète de la
maladie : hypo-calcémie, hypo-phosphorémie, phosphatases alcalines flottantes ou
normales, hypocalciurie, diminution du zinc, magnésium et cuivre
➢ Radiographies du squelette : ostéoporose, ostéomalacie rare (car malabsorption de vitamine
D + Ca++ + carence protéique), rachitisme exceptionnel. Dans tous les cas, retard de l’âge
osseux qui correspond grossièrement à celui de l’âge statural
➢ L'apport de ces examens coûteux largement pratiqué dans le passé ne se résume plus qu'à
l’appréciation du retentissement nutritionnel pouvant alors justifier une supplémentation.
Dans ce cadre et dans nos conditions, seuls sont à considérer l'étude de la NFS du fer sérique
et de l'âge osseux
• Marqueurs immunologiques sériques : il s'agit de la mesure des anticorps sériques dirigés contre la
gliadine elle-même, et contre la réticuline, l'endomysium et la transglutaminase tissulaire. Il est
aujourd'hui possible de déterminer les anticorps suivants :
➢ Anticorps Anti-Gliadine (AAG) : par ELISA :
▪ Type IgG : bonne sensibilité mais mauvaise spécificité (≈70 %)
▪ Type IgA : sensibilité ≈ 100% + spécificité ≈ 98 %
➢ Anticorps Anti-Réticuline (AAR) : par Immuno-Fluorescence Indirecte, sensible (60-90%) et
très spécifique (99%)
➢ Anticorps anti-Endo-Mysium IgA (EMA) : par Immuno-Fluorescence Indirecte, hautes
spécificités et sensibilités > 95%, cependant sensibilité ≈ 80% chez l’enfant < 2ans un
résultat négatif n’est pas forcément conclusif
➢ Anticorps Anti-Trans-Gutaminase tissulaire (t-TG IgA) : par ELISA, hautes spécificités et
sensibilités comparables à celles de l’EMA
➢ Les recommandations actuelles sont de réaliser le dosage : anticorps anti-gliadines de classe
IgA, anticorps anti-EMA de classe IgA, dosage combiné dont la sensibilité est de 100 % et la
valeur prédictive négative de 100 % ou anticorps anti-EMA de classe IgA ou anticorps anti-
transglutaminase de classe IgA
➢ Selon l’évaluation réalisée par la HAS (Haute Autorité de Santé) en France en 2007, seule la
recherche des anticorps anti-endomysium et des anticorps anti-transglutaminase a sa place
dans le diagnostic de la maladie cœliaque
▪ Si elle est positive, elle permet de confirmer la suspicion clinique et de décider d’une
biopsie de l’intestin grêle
➢ La recherche des anticorps anti-réticuline et anti-gliadine, dont les performances sont
inférieures, n’aurait plus sa place dans le diagnostic de la maladie cœliaque.
• Biopsie jéjunale : gold standard du diagnostic
➢ Les limites persistantes des tests sérologiques imposent toujours la biopsie intestinale comme
le seul moyen qui permette de poser en toute certitude de diagnostic de maladie cœliaque
en mettant en évidence les lésions histologique caractéristiques
➢ La biopsie jéjunale est réalisée en per endoscopique, habituellement à l'angle de Treitz (J1),
toujours au même endroit pour permettre une étude comparative chez le même enfant
➢ L'aplatissement de la muqueuse est déjà visible à l'œil nu au moment de l'examen
endoscopique
➢ Après biopsie, l'examen au microscope à. dissection montré un aspect caractéristique
d'atrophie villositaire subtotale ou totale hypertrophique avec hyperplasie des cryptes et un
épithélium de surface anormal
➢ Un frottis de mucus permet de rechercher d'éventuelles Lamblia.
• Diagnostic génétique :
➢ Dans les cas litigieux (résultat discordant des anticorps), il peut être utile de s’aider de la
détermination, qui commence à se répandre, du groupe HLA auquel appartient le malade
➢ Compte tenu de la très forte liaison des gènes HLA DQ2/DQ8 à la maladie (> 95 % des cas), un
résultat négatif permet de l’éliminer avec une très forte probabilité (Un résultat positif est
moins informatif puisque 20 à 25 % de la population sont porteurs de ces gènes qui
constituent le terrain génétique de la maladie cœliaque)
Diagnostic positif
• Les critères de diagnostic ont évolué durant les 30 dernières années
➢ En 1968 les membres de la Société Européenne de Gastro-Entérologie et de Nutrition
Pédiatrique (ESPGAN) s'accordent pour définir la maladie cœliaque par la séquence de 3
biopsies intestinales qui comportent :
▪ Une atrophie villositaire totale ou sub-totale sous régime normal contenant du gluten
▪ Une restauration complète de la muqueuse intestinale quand le gluten est supprimé
de l'alimentation
▪ Une rechute histologique dans les années suivant la réintroduction du gluten
➢ En 1977, des modifications ont été apportées à cette définition :
▪ 1ère biopsie jéjunale : une atrophie villositaire partielle sévère peut s'observer en cas
d'absorption minime de lute gluten (en quantité ou en durée)
▪ 2e biopsie jéjunale : la restauration complète de la muqueuse n'est pas obligatoire
pour parler de réponse au Régime Sans Gluten (RSG), une amélioration de 2 grades
est suffisante RSG
▪ 3e biopsie jéjunale : le critère de rechute après réintroduction du gluten dans
l'alimentation n'est pas obligatoire chez l'enfant ayant débuté sa maladie après l'âge
de 3 ans. Cette biopsie n'est réalisée que pour les nourrissons et pour les formes
atypiques.
• Ces critères classiques de diagnostic de la maladie cœliaque exigeaient donc 3 à 4 ans de suivi pour
poser le diagnostic définitif et l'épreuve des 3 biopsies est considérée comme contraignante par la
plupart des auteurs.
• En 1990 des critères ont été révisés par l'ESPGAN après l'avènement des tests sérologiques. Une
nouvelle procédure simplifiée a été retenue imposant 2 exigences
➢ Phase initiale : atrophie villositaire totale ou sub-totale + Anticorps anti-gliadine, anti-
endomysium, anti-réticuline fortement positifs
➢ Sous régime d'exclusion : rémission nette et relativement rapide + baisse significative ou
négativation des anticorps dans les 6 mois qui suivent le RSG.
• En 1997 des études ont montré que l’atrophie villositaire totale ou sub-totale + anticorps anti-
endomysium seuls suffisent au diagnostic. D'autres études plus récentes ont proposé un diagnostic
sérologique par le dosage des anticorps anti-transglutaminase (spécificité = 100 %, sensibilité = 99%)
• Recommandations du Groupe de Gastro-Entérologie Pédiatrique (GGEP) Société Algérienne de
Pédiatrie (SAP) - 2000
➢ En l'absence de sérologies : la règle classique des 3 biopsies est requise chez l'enfant de moins
de 2 ans et dans les formes atypiques. L'épreuve de réintroduction est inutile chez le grand
enfant, seules les 2 biopsies suffisent.
➢ En présence de sérologies : leur positivité et leur taux élevé réduisent la démarche
diagnostique à une seule biopsie, sous réserve d'une amélioration clinique nette et d'une
normalisation des taux d'anticorps. Ceci n'est valable que pour l'enfant > 2 ans. Le nourrisson
et les formes atypiques nécessitent toujours 3 biopsies
Diagnostic différentiel
• Forme classique (diarrhée chronique) :
➢ Autres syndromes de malabsorption :
▪ Troubles du transfert des graisses : a-β-lipo-protéinémie, maladie d'Anderson
✓ Tableau clinique superposable à celui de la maladie cœliaque
✓ Biopsie : villosités de hauteur normale mais entérocytes au cytoplasme bourré
de graisse
▪ Entéropathie exsudative de certaines lymphangiectasies :
✓ Biopsie : muqueuse normale associée à une lymphopénie, parfois ectasie
lymphatique
▪ Infestation massive par les Lamblia
➢ Intolérance aux autres protéines alimentaires : souvent nourrisson plus jeune, intervalle
libre entre introduction des protéines du lait de vache et apparition de la diarrhée < 2 mois,
moindre gravité des signes cliniques, biologiques et histologiques. Dans les cas où l'enfant est
vu après 6 mois (le gluten ayant été introduit dans les tous premiers mois de vie) et/ou que
les lésions histologiques soient particulièrement sévères, l'étude des anticorps anti-EMA est
d'un grand secours en permettant de rattacher cette intolérance à cette cause. La distinction
entre les 2 intolérances peut être d'autant plus difficile que l'intolérance au lait peut être
associée à une intolérance transitoire au gluten comme à une maladie cœliaque
➢ Intolérances transitoires au gluten :
▪ Forme aiguë : se manifestant par des signes aigus, vomissements isolés ou
accompagnés de malaise, diarrhée, rash urticarien dans les heures suivant l'ingestion
de gluten qu'il est aisé de rendre responsable des troubles
▪ Syndrome de malabsorption avec atrophie villositaire :
✓ Chez le nourrisson de quelques semaines à quelques mois, habituellement
associée à une intolérance aux protéines du lait authentique. Ce n'est qu'après
l'exclusion du gluten que la guérison est obtenue
✓ Chez l'enfant > 6 mois, seule l'absence de rechute à la réintroduction du gluten
vers l'âge de 4 ans permet d'évoquer le diagnostic
✓ Certains ont proposé de limiter le terme d'intolérance transitoire au gluten aux
intolérances confirmées par une rechute (au minimum histologique), elle-
même transitoire après la réintroduction, et le maintien du gluten dans
l'alimentation
• Formes mono-symptomatiques :
➢ Nanisme : en particulier endocrinopathie (hypophyse, thyroïde)
➢ Anémie hyposidérémique : carence d'apport, déperdition occulte de sang
➢ Rachitisme : essentiellement les rachitismes vitamino-résistants hyposidérémique et pseudo-
carentiel
Traitement
• Buts : corriger les conséquences de la malabsorption, réparer les modifications de la muqueuse
intestinale.
• Principes : le traitement est basé sur un régime d'exclusion total et strict du gluten, à vie, parfois, au
début, la réalimentation doit être prudente sur la qualité des aliments auxquels la muqueuse est
fragile conduisant ainsi momentanément à l'exclusion du lactose et une réintroduction progressive
du saccharose et des graisses
• Armes thérapeutiques :
➢ Régime sans gluten : c'est un régime restrictif excluant tout aliment contenant du gluten que
ce soit toutes les céréales contenant du gluten (seigle, avoine, blé, orge) mais aussi toutes les
formes de gluten caché (mets pré-cuisinés, condiments, médicaments), ce régime doit être
équilibré et varié. On exclut ainsi de l'alimentation : pain, pâtes, biscottes, gâteaux,
pâtisseries, préparations alimentaires industrielles, hormis celles où est mentionné sans
gluten : moutarde, confitures, margarine, légumes cuisinés ou en conserve, pruneaux, raisins
secs... Ce régime est basé sur l'utilisation de riz, maïs, millet, tapioca, viandes, poissons et
œufs frais, fruits et légumes frais, confiture faite à la maison... En pratique, une liste détaillée
des aliments permis et défendus aussi exhaustive que possible est remise aux parents avec
des recettes. Cette liste des aliments autorisés varie avec le temps et une remise à jour
régulière est indispensable. L'intervention d'une diététicienne est donc toujours utile. Dans la
mesure du possible, le régime doit rester en harmonie avec les habitudes alimentaires de la
famille afin de ne pas perdre le caractère convivial des repas et d'éviter l'exclusion sociale de
l'enfant
➢ Adjuvants :
▪ Au moment du diagnostic, l'enfant présente parfois un état de malnutrition relative
imposant un apport énergétique adapté ainsi que des suppléments de fer, vitamine
Bu, d'acide folique et des vitamines liposolubles
▪ De même, il peut présenter un déficit en lactase et par conséquent une intolérance
secondaire en lactose. Le lait et les dérivés lactés sont remplacés transitoirement par
des substituts sans lactose adaptés aux besoins de l'enfant le temps nécessaire à la
réparation de l'épithélium, c'est-à-dire 8 à 15 jours
▪ Dans certains cas, la sévérité de l'anorexie, la précarité de l'état nutritionnel,
l'importance de la diarrhée justifient la mise en place d'une alimentation entérale à
débit constant par sonde nasogastrique durant les quelques jours nécessaires à passer
le cap au-delà duquel l'enfant peut recommencer à s'alimenter lui-même
▪ Celle-ci rend inutile la prescription de corticoïdes (Prednisone 2 mg/kg/j) qui étaient
autrefois indiqués en particulier à cette phase de la maladie, ils demeurent en
revanche indiqués en cas d'atrophie villositaire persistante.
• Indications :
➢ MC non compliquée avec bonne tolérance digestive : RSG ± Adjuvants ± régime sans lactose
➢ MC avec intolérance digestive (diarrhée rebelle) : réhydratation + alimentation parentérale
totale ou Nutrition Entérale à Débit Constant (NEDC) puis RSG
➢ Crise cœliaque : corticoïdes + réhydratation + alimentation parentérale totale ou NEDC puis
RSG
• Surveillance du traitement : elle sera clinique et paraclinique (sérologie essentiellement), elle se fera
à l'hôpital, puis à la sortie 2 x/mois pendant les 6 premier mois, puis tous les 2-3 mois ensuite
➢ Clinique : croissance staturo-pondérale, appétit, état général, comportement, troubles
digestifs
➢ Biologie : NFS, fer sérique si anormaux au départ
➢ Radiographie du poignet
➢ Sérologie : si positive au départ, sa baisse ou sa négativation après RSG est un élément de
poids pour le diagnostic (pas avant 2-3 mois de RSG)
➢ Biopsie jéjunale : lorsqu'elle est indiquée une 2e fois pour montrer la normalisation de la
muqueuse, elle est pratiquée après 2 ans de RSG.
Evolution
• Réponse au régime sans gluten : quand le régime est bien conduit, l'amélioration est vite obtenue,
parfois spectaculaire dans les formes actives du jeune enfant :
➢ Amélioration de l'humeur en quelques jours (l'enfant devient souriant) = 1er signe de réponse
au traitement
➢ L'appétit augmente au cours des 2 premières semaines
➢ Le tonus musculaire s'accroît ensuite
➢ La distension abdominale se réduit
➢ Les selles deviennent moins importantes et moins fréquentes, puis se normalisent en 2 à 4
semaines
➢ Le rattrapage pondéral se fait en quelques mois. La taille est la plus lente à se normaliser (2 à
3 mois après rattrapage pondéral)
➢ La muqueuse intestinale ne se répare complètement qu'au bout d'un an, voire 2 à 3 ans
➢ Pour ce qui est de la durée du RSG, le consensus sur ce sujet est loin d'être fait chez l'enfant
et l'adolescent
➢ Une absence de réponse (ou réponse insuffisante) clinique et/ou histologique doit faire bien
entendu rechercher un déficit immunitaire, ou une intolérance associée. Il s'agit, en fait,
presque toujours d'une mauvaise observance du RSG volontaire ou non.
• Evolution au long cours :
➢ La surveillance sur une longue période d'enfants cœliaques indique qu'une proportion
importante d'entre eux (jusqu'à 50 %) fait des écarts significatifs au régime, responsables
d'une atrophie villositaire en général bien tolérée
➢ Il est ainsi admis actuellement que l'évolution à long terme de la maladie cœliaque de l'enfant
se fait dans l'ensemble vers une plus grande tolérance au gluten, dont témoigne la diminution
des symptômes avec l'âge dans la majorité des cas
➢ Néanmoins de nombreuses études ont montré que la fréquence des cancers était plus élevée
chez les malades cœliaques adultes que dans la population générale. Il s'agit pour la moitié
des cas de carcinomes épithéliaux de l'oropharynx, de l'œsophage, d'adénocarcinomes du
grêle, du sein ou du et pour l'autre moitié de LMNH de type T.
Conclusion
La maladie cœliaque est une entéropathie fréquente dans nos climats. Son diagnostic passant actuellement
obligatoirement par la biopsie jéjunale pourrait être facilité par d'autres marqueurs, notamment les
sérologies. Son traitement reste à l'heure actuelle, un régime d'exclusion strict efficace mais astreignant,
nécessitant un support psychologique familial continu, en attendant des thérapeutiques plus acceptables
par les patients, qui découleront d'une meilleure compréhension de la maladie